Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à notre sixième réunion du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Conformément à la recommandation adoptée dans le rapport du sous-comité le 26 mars, et de nouveau le 14 mai, le comité a invité le général Thompson et le général Howard à comparaître afin de discuter de l'entraînement de l'Armée nationale afghane.
Le brigadier-général Howard est rentré depuis peu d'une affectation de près d'un an en Afghanistan, où il occupait un poste supérieur au sein du CTCS-A et était responsable du soutien de la coalition à l'établissement de l'Armée nationale afghane.
Monsieur, je vous souhaite la bienvenue.
Le brigadier-général Thompson est rentré lui aussi depuis peu d'une affectation de neuf mois à titre de commandant de la force opérationnelle interarmées en Afghanistan, l'élément des Forces canadiennes en Afghanistan — je crois que vous occupiez ce poste quand le Comité de la défense s'est rendu là-bas il y a un an, général —, et à titre de commandant de la force opérationnelle à Kandahar, la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), commandement opérationnel des forces de l'OTAN chargé des opérations militaires dans la province de Kandahar.
Je crois que nos deux témoins d'aujourd'hui seront en mesure de nous donner beaucoup d'informations pour notre étude, en particulier sur la préparation de l'Armée nationale afghane et son perfectionnement sur le terrain.
Messieurs, vous connaissez la façon de procéder. Vous avez déjà comparu devant le comité. Nous allons écouter vos déclarations préliminaires, après quoi nous entamerons une période de questions des membres du comité.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis le brigadier-général Al Howard. Je suis accompagné de mon estimé collègue, le général Thompson.
Permettez-moi de commencer par vous parler un peu de Denis, même s'il n'a pas vraiment besoin de présentations. Il a fait, avec ses troupes, un travail remarquable dans la province de Kandahar. Nous aurons l'occasion d'en discuter un peu.
Je rentre tout juste d'une affectation d'un an à titre de commandant adjoint chargé du développement de l'Armée nationale afghane au sein du Commandement de la transition conjointe de la sécurité en Afghanistan, que l'on appelle CTCS-A.
Le CTCS-A réunit les États-Unis et d'autres pays participants qui ont conclu avec eux une entente bilatérale à cet effet. Il a pour mandat de planifier et d'exécuter la mise sur pied et le développement des Forces de sécurité nationale afghanes (FSNA) afin de permettre au gouvernement de la République islamique d'Afghanistan d'établir un climat de sécurité et de stabilité dans ce pays. Au cours de l'année financière américaine de 2009, il est prévu que le budget alloué au CTCS-A pour mener à bien son mandat s'élèvera à quelque cinq milliards de dollars américains.
En tant que commandant adjoint chargé du développement de l'Armée nationale afghane, j'avais la responsabilité non seulement d'élaborer des plans en vue de renforcer la capacité de l'Armée nationale afghane (ANA), mais aussi d'aider le sous-ministre et le chef d'état-major général de l'ANA et leurs subordonnés à établir un quartier général fonctionnel et à adopter des modes de résolution de problèmes aux niveaux stratégiques.
En dépit de tous les obstacles auxquels se heurte l'Afghanistan — et nous sommes confrontés à bien des obstacles également —, j'estime que l'ANA est en voie de devenir une force militaire viable et autonome. Sa croissance au-delà de 80 000 soldats, la mise en place d'armes, de véhicules et d'équipements modernes et sa participation efficace aux opérations de contre-insurrection ne sont que trois aspects de l'évolution de l'ANA que j'ai observés durant mon affectation.
Permettez-moi de conclure cette brève introduction en vous disant la même chose que le ministre de la Défense, le général Wardak, me disait souvent: l'Afghanistan est une nation qui nous est reconnaissante; les Afghans reconnaissent et honorent les sacrifices et la générosité des Canadiens.
Le ministre Wardak considère que le devoir patriotique et l'obligation morale de l'Afghanistan sont de profiter d'un climat de coopération mondiale pour concrétiser les espoirs et les rêves de la population afghane, qui ne connaît que misère et souffrance depuis des décennies. Il est incontestable que les défis à relever sont encore nombreux, mais les progrès accomplis sont mesurables, et l'ANA en est un excellent exemple.
Je suis heureux de vous revoir, général Thompson, dans d'autres circonstances.
Je vous remercie de vos observations initiales. En ce qui concerne les repères, et pour revenir au rapport de décembre 2008 sur l'Armée nationale afghane, à l'heure actuelle, un kandak sur cinq est en mesure de planifier et d'exécuter des opérations de façon presque autonome. Nous avons comme objectif que d'ici 2011, quatre des cinq kandaks soient en mesure de le faire.
Nous n'avons pas beaucoup de temps d'ici 2011. Selon vous, quelles sont actuellement nos chances d'atteindre cet objectif? L'un ou l'autre peut répondre.
Puisque nous parlons précisément de la province de Kandahar, je crois qu'il est préférable que je réponde.
Durant mon affectation là-bas, nous avons confirmé que l'un des kandaks de l'infanterie, soit le 21205 — c'est-à-dire le deuxième bataillon de la première brigade du 205e corps d'armée —, avait atteint le premier jalon de capacité (CM1). En décembre dernier, après la publication de ce rapport, nous avons confirmé que les états-majors des brigades ont atteint le premier jalon de capacité.
Les autres bataillons d'infanterie, ou kandaks, comme on les appelle, ne sont pas restés stationnaires. Certains sont passés du troisième jalon de capacité, c'est-à-dire les opérations de faible envergure des pelotons, au deuxième jalon de capacité; ils font donc tous des progrès.
Il est important de souligner que comme dans toutes les armées, ce n'est pas un parcours linéaire. Dans l'armée canadienne, il y a des bataillons qui sont au CM3, pour utiliser cette appellation, même si l'année précédente ils étaient au CM1, parce que nous connaissons différents cycles en raison des changements de commandants et de soldats.
Nous avons mis en place un plan qui cible l'année 2011, du moins dans la province de Kandahar, et nous allons y arriver, mais nous ne suivrons pas un parcours linéaire; ce sera une courbe sinusoïdale, d'une date jusqu'à une autre.
Je suis très encouragé. Je crois que c'est réalisable, dans une certaine mesure en raison des efforts de nos soldats, mais également parce qu'il y a davantage de soldats assignés aux brigades dans le Sud du pays. C'est un élément important. Notre force était passée à 70 p. 100 dans certains de ces bataillons, et honnêtement, les soldats commençaient à être épuisés.
Comme le général Howard l'a souligné, on fait de véritables efforts pour recruter plus de soldats dans l'Armée nationale afghane et pour envoyer ces soldats dans les bataillons déployés sur le terrain. Cela me rassure autant que le plan que nous avons mis en place.
Par votre entremise, monsieur le président, j'aimerais demander à l'un des témoins de nous parler de la stratégie de maintien de l'effectif et de la façon dont on attire les soldats dans l'Armée nationale afghane.
En moyenne, deux bataillons s'ajoutent chaque mois à l'Armée nationale afghane, ce qui nécessite le recrutement d'environ 3 000 soldats. En fait, nous sommes obligés de refuser des Afghans. Comme nous le savons, l'Afghanistan est un pays défavorisé, et beaucoup de jeunes Afghans souhaitent s'enrôler, mais l'armée n'est pas en mesure de tous les prendre. Le recrutement ne pose pas de problème.
Par contre, l'attrition est un problème que nous allons devoir résoudre. Les premiers bataillons qui ont été créés arrivent maintenant à la fin de leur premier cycle, et les soldats vont devoir se rengager. Comme le général Thompson l'a mentionné, au Sud du pays, les bataillons sont très occupés. Nous avons commencé à utiliser le terme « maintien de l'effectif » au sein de l'ANA, et c'est un problème qu'il nous faudra régler afin de conserver nos troupes.
Monsieur le président, étant donné que les talibans ont modifié leurs stratégies, j'aimerais demander aux témoins comment les ELMO et l'ANA sont en mesure de s'adapter aux tactiques changeantes des talibans?
Je peux certainement vous dire que dans la province de Kandahar, le principal changement est loin de correspondre à ce qu'on appellerait des tactiques classiques; il y a eu une augmentation de l'utilisation des engins explosifs improvisés et des actes d'intimidation, ces derniers relevant plutôt du travail des forces policières et les premiers, du travail de l'Armée nationale afghane.
Nous sommes actuellement en train de mettre sur pied des équipes anti-EEI au sein de l'Armée nationale afghane, y compris des équipes de NEM. Elles sont peut-être déjà en place, il faudrait que je vérifie auprès de mon collègue John Vance, qui se trouve actuellement à Kandahar.
Nous nous concentrons donc de plus en plus sur les compétences spécialisées requises pour faire face aux tactiques qu'utilisent actuellement les talibans, mais ce qui est important, c'est que la vraie contre-mesure — s'il y en avait une, ou si nous pouvions l'appeler ainsi — au changement dans les tactiques des talibans n'est pas tant de modifier la façon dont la formation est dispensée, mais d'augmenter le nombre de forces de sécurité sur le terrain.
C'est ce qui fait la différence. Il faut être en mesure d'assurer la protection de la population et pour le faire, il nous faut un plus grand nombre de soldats et de policiers. C'est précisément pour cela que le tableau d'effectifs a été modifié en Afghanistan.
La réponse est assez complexe, et vous allez devoir me permettre une petite parenthèse ici.
Les opérations de contre-insurrection comportent plusieurs stratégies, dont les chemins d'infiltration. Honnêtement, nous n'utilisons pas cette stratégie autant que nous le devrions actuellement, parce que nous n'avons pas assez de troupes. Ce sera l'un des principaux objectifs des forces de combat américaines dans le Sud de l'Afghanistan — pas le seul, mais l'un des principaux. Cela contribuera assurément à la stratégie globale de contre-insurrection.
Les opérations de l'Armée nationale afghane sur le terrain s'en trouveront-elles changées? J'en doute. Ce sont ses soldats qui sont les mieux placés pour assurer la protection de la population, parce qu'ils comprennent beaucoup mieux les Afghans que nous ne pourrons jamais le faire.
Je souhaite la bienvenue aux deux généraux. M. Thompson a fait son cours au Collège militaire royal de Saint-Jean. On est toujours heureux de voir des officiers qui sont passés par ce collège.
Ma question va s'adresser à vous, monsieur Thompson. J'ai en main le dernier numéro du magazine militaire Esprit de Corps, où vous faites preuve d'un optimisme débordant. Dans un article, vous dites qu'on n'est pas en train de perdre la guerre en Afghanistan et vous contestez ce que disent les Américains, lesquels considèrent que ça ne va pas bien. Vous semblez dire qu'on brosse de façon intentionnelle un portrait très sombre de la situation afin de justifier l'envoi de 17 000 nouveaux soldats aux yeux du peuple américain.
Vous dites aussi qu'il n'y a presque pas de pertes civiles alors que presque tout le monde... Même M. Karzaï réclamait récemment l'arrêt complet des bombardements américains justement à cause de ces pertes. Contrairement à ce que beaucoup de gens considèrent comme une perte de terrain à la suite de l'opération Méduse, vous dites ne pas avoir perdu de terrain et que les talibans ont changé de tactique. Ils ont changé de tactique parce qu'il est évident qu'ils ne sont pas capables de tenir tête aux forces de l'OTAN. À mon avis, ce n'est pas une mauvaise tactique de leur part.
N'êtes-vous pas un peu trop optimiste dans cet article? Vous rappelez-vous avoir discuté avec quelqu'un du magazine Esprit de Corps? Si c'est le cas, rassurez-moi. Je trouve que vous ne donnez pas un portrait très exact de la situation sur le terrain. On se demande parfois si vous n'êtes pas vous-même un fervent de la propagande, lorsque vous dites que tout est sous contrôle et que tout va très bien. D'ailleurs, j'ai déjà vu des généraux, dont le général Howard à l'époque, nous brosser un portrait très rose de la situation en Afghanistan.
Si je comprends bien, vous me demandez si je suis optimiste. La réponse est que je fais preuve d'un optimisme prudent.
Jusqu'à maintenant, il n'y a pas... mais c'est peut-être dans le même article, que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire. Je vais m'assurer de le consulter plus tard.
Permettez-moi de vous dire qu'il ne s'agit pas de moi. Il s'agit des soldats canadiens, de ce pays et de notre soutien aux Afghans.
Nous pouvons baisser les bras, nous en aller et dire que nous avons fait de notre mieux, mais que cela n'a pas fonctionné; ou nous pouvons reconnaître que nous n'avons jamais utilisé suffisamment de ressources pour résoudre le conflit. Et c'est vraiment le noeud du problème. Nous pouvons soit jeter le blâme sur quelqu'un, soit régler le problème.
Je fais partie de ceux qui croient que nous devons régler le problème. Pour cela, il faut assurer la protection de la population et donc augmenter les forces de sécurité nationales afghanes, ce qui nous ramène à la raison pour laquelle le général Howard et moi-même sommes ici aujourd'hui: pour discuter entre autres de l'entraînement, de la formation et de la croissance de l'Armée nationale afghane, parce que c'est le moyen de marginaliser les talibans afin qu'ils n'aient pas le choix de devenir un mouvement politique.
C'est la façon dont on définit, soit dit en passant, la victoire dans des opérations de contre-insurrection. Ce n'est pas par l'occupation d'un territoire, la prise de villes ni d'autres objectifs militaires; c'est par la marginalisation d'un groupe de manière à ce qu'il soit forcé de rendre les armes et d'adopter des pratiques démocratiques normales. Et nous en sommes encore loin, car il nous faut vraiment commencer par assurer la protection de la population civile.
En ce qui concerne les pertes civiles dues notamment aux bombardements ou à l'artillerie, je peux vous dire, à titre de commandant de l'OTAN responsable de la Force opérationnelle Kandahar, pour avoir 850 soldats américains qui relèvent de mon commandement, que grâce aux méthodes de ciblage que nous utilisons, les opérations dirigées par mes états-majors n'ont entraîné aucune perte civile.
Cela ne veut pas dire que nous avons lié les mains de nos troupes. Elles ont évidemment eu toute la puissance de feu nécessaire pour obtenir les résultats souhaités sur le champ de bataille.
Dans le même article, vous dites que c'est la police qui doit s'asseoir dans les municipalités et voir ce qui se passe, et non les gens de l'ouest comme les forces de l'OTAN. Je suis d'accord sur cela.
Cependant, sur le plan de la formation des policiers et de l'armée, qu'est-ce que va changer l'arrivée des 17 000 soldats américains? Cela va-t-il changer le rôle des Forces canadiennes? Vous avez abandonné une base avancée dernièrement, ce que des gens ont considéré comme un repli. À part la rotation différente dans la structure de commandement de Kandahar, quels changements l'arrivée des nouvelles forces américaines va-t-elle entraîner? Cela changera-t-il la mission des Forces canadiennes? Ces dernières vont-elles se consacrer à autre chose? Comment cela va-t-il s'intégrer aux forces américaines?
Comme je l'ai dit tout à l'heure, les forces américaines se concentreront principalement sur les zones périphériques de la province. Rien ne va changer de façon radicale pour les Forces canadiennes sur le terrain, parce qu'elles concentrent leurs efforts sur la ville de Kandahar et sur les secteurs peuplés qui l'entourent, en particulier la partie Est du district de Zhari-Panjwaye, le district d'Arghandab et la partie inférieure des districts de Shah Wali Kot et de Daman. C'est là où les Forces canadiennes effectuent leurs opérations, et c'est là où elles vont très probablement continuer de le faire. Rien ne va donc changer dans leur mission.
Les Américains vont permettre au commandant interallié — qu'il soit Canadien ou d'une autre nationalité — de la province de Kandahar d'avoir une influence sur ce qui se produit dans les zones périphériques, ce qu'il ne peut pas faire de façon efficace à l'heure actuelle. Voilà la différence.
Quant à la structure de commandement, je pense qu'il y a eu des discussions à ce sujet et qu'il y en a encore à des niveaux hiérarchiques supérieurs.
Je suis content d'entendre des gens qui sont allés sur le terrain, qui ont l'expertise nécessaire et ne s'en remettent pas à des caporaux retraités qui publient des magazines.
J'aimerais que vous nous parliez un peu de la protection de la population civile de façon générale. Je sais que vous ne pouvez pas nous donner de chiffre, général Thompson, mais vous avez dit qu'il n'y avait eu aucune victime civile. C'est une excellente chose. Pouvez-vous nous donner un aperçu du nombre de victimes civiles qu'il y aurait si nous n'étions pas là?
Je sais que vous ne pouvez pas me donner de chiffre, mais qu'il suffise de dire que la population civile est plus en sécurité parce que nous sommes là.
J'aimerais poser quelques questions au général Howard à propos des repères. Vous avez une perspective plus large sur le plan international. Nous avons un certain nombre de repères sur lesquels nous nous fondons pour mesurer les progrès réalisés. Quelle est l'opinion de la communauté internationale quant aux résultats du Canada par rapport à nos repères? Savez-vous si nos résultats sont comparables à ceux des autres pays qui ont établi des repères similaires?
À mon départ de l'Afghanistan, neuf des 15 brigades composant l'ANA — elles sont déployées dans cinq régions différentes — étaient aptes au combat et participaient chaque jour à des opérations de contre-insurrection, incluant la brigade en secteur canadien. J'ai eu l'occasion de visiter les 15 brigades et de constater par moi-même les progrès réalisés au sein de l'ANA. Nous avons de quoi être fiers de ce que les Forces canadiennes ont accompli.
L'un des problèmes concernait la capacité technique de l'armée afghane, à lutter contre les IED notamment. Il est très difficile d'entraîner l'Armée nationale afghane, où règne un fort taux d'analphabétisme, à mener cette lutte. La formation des recrues analphabètes représente donc un travail de longue haleine. En décembre dernier, j'ai dépêché la toute première équipe de lutte contre les IED, un groupe de 20 personnes, à mon collègue Dennis Thompson. Vous avez bien compris: c’est en secteur canadien que la formation sur le terrain de la toute première équipe afghane de lutte contre les IED s'est déroulée, de manière à lui faire atteindre les normes voulues.
Je me suis senti fier en tant que Canadien. Ce n'est pas de la vantardise; nous sommes vraiment considérés comme des partenaires en Afghanistan, et lorsque des problèmes se sont posés au sein du commandement, nous n’en cherchions pas particulièrement la source dans le secteur canadien.
Général Thompson, j'aimerais maintenant parler de l'escadre aérienne. Je ne crois pas que vous étiez en Afghanistan durant l'Opération Sanga Fist, la première mission aéromobile des Forces canadiennes. À quel point une pareille mission est-elle déterminante pour l'avenir?
Bien sûr, nous avions déjà eu un recours poussé aux ressources aériennes avant la formation de l'escadre aérienne canadienne, mais il s'agissait toujours de ressources britanniques, américaines ou néerlandaises.
Ce genre de capacité est un net avantage, sur le plan du commandement tactique, parce qu’elle permet aux troupes de surgir dans les endroits où les insurgés s'y attendent le moins. Elles bénéficient alors de l’effet de surprise et peuvent les capturer alors qu’ils sont déstabilisés. Ce type d’opération permet également de s'approcher des points d'intérêt identifiés par les services de renseignement. C'est donc un important multiplicateur. Le fait qu’il s’agit de ressources canadiennes facilite aussi le travail de mon collègue Jon Vance.
J'aimerais revenir sur l’importance d'assurer la sécurité de la population civile, pour reprendre vos propos.
La protection des civils est préoccupante. On entend dire que les Afghans se méfient des Canadiens, qu'ils ne veulent pas de nous là-bas. C'est ce qu'on entend. Est-ce bien le cas, ou les Afghans cherchent-ils à ménager la chèvre et le chou au cas où, si nous retirons nos troupes — lorsque je dis « nous », je parle de tous les membres de la coalition, non pas des seuls Canadiens —, les talibans reviennent en force? Faut-il des troupes au sol et une présence militaire à long terme pour que la population reprenne confiance?
Toutes nos opérations en collaboration avec la Force internationale d'assistance à la sécurité, avec l'OTAN ou d’initiative canadienne sont menées en partenariat direct avec les Forces de sécurité nationale afghanes (FSNA), qu'il s'agisse de la police ou de l'armée. Nous procédons toujours ainsi parce que nous reconnaissons qu'auprès de la population afghane, les FSNA sont évidemment les mieux placées pour donner un visage aux forces de sécurité et pour représenter le gouvernement.
Je conviens que l'on accepte timidement la nécessité des forces occidentales — particulièrement dans le Sud, où il y a des insurgés qui semblent intimider une bonne partie de la population, comme ils l'ont probablement déjà fait. Or, nos opérations connaissent beaucoup plus de succès lorsque nous les menons en partenariat avec les Forces de sécurité nationale afghanes.
La clé du succès consiste à envoyer plus de troupes sur le terrain, sans que ce soit nécessairement... Là où vit la population, il serait préférable d'envoyer des troupes afghanes.
Le quatrième repère indique que l'Armée nationale afghane obtient une cote de confiance de 85 p. 100 environ auprès de la population.
La Police nationale afghane, quant à elle, a un plus grand défi à relever. Pouvez-vous me donner une idée de sa cote de confiance en ce moment? Comment pouvons-nous l'améliorer?
Je préfère ne rien avancer pour l’instant. Vous pourriez vous informer auprès de l'attaché de recherche. La question a peut-être été étudiée.
Je vous rappelle que la situation de l'Armée nationale afghane n'est pas la même que celle de la Police nationale afghane. Le recrutement de la Police nationale afghane a débuté plus tard que celui de l'Armée nationale afghane. L'un des avantages de l'ANA — je suis certain que le général Howard peut nous éclairer à ce sujet —, c’est que lorsqu'une recrue termine sa formation, elle obtient une carte bancaire, ce qui signifie qu'elle est assurée de toucher son salaire.
Lorsque les membres des forces de sécurité reçoivent leur salaire et qu'il n'y a plus d'intermédiaire entre leur argent et leur famille, ils n’ont plus besoin de s'en prendre continuellement à la population locale. C'est ce qui arrive dans de nombreux conflits aux quatre coins du monde.
C'est essentiellement le problème que posait la police. Lorsqu'ils terminent le programme de perfectionnement ciblé par district, les policiers obtiennent désormais une carte bancaire. Un millier de policiers ont suivi le programme dans la province de Kandahar, du moins pendant la période où nous y étions, mille policiers qui touchent directement leur salaire, sans intermédiaire, et peuvent donc subvenir aux besoins de leur famille.
La place qu’occuperont les Américains dans le travail que nous effectuons sera sans doute un facteur important. Je comprends l’explication que vous venez de donner et je vous en sais gré. J’estime important de s'arrêter aux changements récents survenus aux échelons supérieurs.
Le secrétaire à la Défense, M. Gates, a déclaré qu’est venu le temps de changer de leadership et de vision. Il a donc nommé le général McCrystal nouveau général en chef. Il donnera évidemment une orientation différente et apportera un leadership et un regard neufs, si l’on se fie aux propos du secrétaire.
D'après ce que j'ai lu à propos du nouveau général de l'armée américaine, il semble vouloir réaliser deux choses. Il veut d'abord une présence militaire plus marquée — sans nécessairement envoyer des troupes supplémentaires, toutefois, et j'aimerais connaître votre avis à ce sujet — ainsi qu'une nouvelle approche. Si une nouvelle variable entre en ligne de compte, soit un nouveau leadership, est-il trop tôt pour annoncer les changements que nous entendons apporter à notre mission?
Vous affirmez vouloir poursuivre le travail en cours, mais il me semble que ce changement aura un effet sur le terrain. Je vous demande seulement de me dire comment vous voyez la nouvelle donne.
C'est une excellente question, mais vous me demandez malheureusement de spéculer, en quelque sorte.
Ce que je peux vous affirmer, c'est que, lorsque j'étais en Afghanistan en octobre ou en novembre — je ne me rappelle pas du mois exact —, le Commandement central américain a envoyé une équipe d’évaluation. C'était au moment où le général Petraeus prenait les rênes. Les évaluateurs ont visité toutes les zones d'opération du Commandement central américain, et nous avons rencontré l'équipe qui est venue à Kandahar. Nous accueillons beaucoup de visiteurs, certains plus pénibles que d'autres. Mais ce groupe était instruit. Je peux vous dire que les responsables du Commandement central américain qui sont venus nous voir ont été un véritable vent de fraîcheur: ils savaient ce qu'ils faisaient, si je peux l'exprimer ainsi. Ils ont posé les bonnes questions, et la stratégie développée par le gouvernement Obama par la suite est probablement très pertinente. Je présume qu’elle inclut certains des changements qu'il est en train d'apporter.
L’important, c'est que l'équipe est repartie avec une évaluation positive de la manière de fonctionner de l'équipe de reconstruction provinciale. Notre processus diffère de celui des Américains. Vous avez sûrement noté que les États-Unis ont récemment essayé d'accroître le nombre de civils dans toutes leurs équipes de reconstruction provinciale et dans la mission au grand complet. Les Américains ont également nommé un envoyé spécial en la personne de M. Richard Holbrooke pour se pencher sur le problème régional.
Voilà des nouvelles encourageantes. Ainsi, bien que ce soit décrit comme une nouvelle vision ou une approche différente, je crois qu’elle ressemblera probablement beaucoup à l'approche canadienne, à mon avis — mais ce n’est qu’une opinion.
Un autre enjeu m’importe. Il a été question récemment de la formation des policiers. Je sais que c'est un tout autre sujet que la question à l'étude aujourd'hui, mais il existe un lien. L'une des questions qui me préoccupe beaucoup, et je ne suis certainement pas le seul, c’est que lorsque nous examinons les rapports sur la conduite policière de la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan, nous constatons des comportements vraiment horribles. Je connais la situation des policiers et je ne veux pas aborder ce sujet; je veux simplement parler de l'armée.
Je suis entièrement d'accord avec vous qu'il faut des normes professionnelles et quelques éléments de base, tels qu'une garantie de paiement, pour régler les problèmes comme la corruption. Cependant, où en est-on sur la question des droits de la personne dans l’instruction militaire? La conduite des soldats est-elle supervisée, comme c'est le cas des policiers? Dans l'affirmative, quels comptes doivent-ils rendre quant à leur conduite et au respect des normes en matière de droits de la personne?
Au cours de l'année que j'ai passée au CTSC-A, si je peux parler de la première question rapidement avant de passer à la seconde, ce qui nous manquait le plus, c'était les ressources. Le général Thomson en a parlé. Je pense que l'arrivée des troupes américaines permettra certainement au CTSC-A de mieux remplir son mandat. C'était une opération qui était au deuxième rang des priorités pour les États-Unis en Irak. Nous étions cruellement à court de mentors de la police et nous ne parvenions pas à en mettre suffisamment en place. Je pense que l'arrivée des troupes américaines sera une aide précieuse dans le cas de cette question particulière.
Le défi que doit relever l'ANA n'est plus la production d'unités de combat. Elle excelle à ce chapitre. Ce à quoi j'ai consacré beaucoup de temps, c'était à élaborer des systèmes — des système de logistique, des systèmes médicaux et des systèmes juridiques. Nous avons consacré beaucoup de temps à ces questions et nous avons des officiers canadiens et américains qui travaillent avec leur service juridique. Aucun de ces officiers n'a de formation juridique; nous partons pratiquement de zéro. Le droit des conflits armés, les droits de la personne et les choses du genre sont des questions que les cadres afghans prennent très au sérieux. J'ai travaillé avec leur équivalent du JAG et le sous-ministre pour démarrer un programme de formation. Nous n'en sommes qu'aux premiers balbutiements dans ce cas.
L'expérience que j'ai eue avec les généraux afghans, c'est que si un problème était signalé sur le terrain, nous allions faire enquête immédiatement et ils prenaient la question au sérieux. Mais inculquer cela aux troupes afghanes sera un travail qui prendra quelques années.
Est-ce que la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan surveille la conduite des soldats à l'heure actuelle ou est-ce quelque chose qui est à venir?
J'ignore si elle surveille la conduite des soldats. Je sais qu'au sein de la chaîne de commandement afghane, si des abus sont notés, ils sont communiqués le long de la chaîne. Nous commençons à élaborer des trousses de formation qui expliquent à l'armée afghane l'importance de suivre les règles des conflits armés.
Merci beaucoup, général, d'avoir comparu. D'après votre témoignage, je pense qu'il est devenu évident que le Pakistan est un élément essentiel pour apporter la stabilité dans la province de Kandahar. On nous a expliqué clairement que sans stabilité du côté pakistanais, il n'y aura pas de stabilité du côté afghan. C'est un défi qui existe.
Nous serions intéressés de savoir si l'Armée nationale afghane et l'armée pakistanaise collaborent ensemble. Y a-t-il de l'animosité entre les deux? Il semble y avoir de l'animosité entre les présidents, mais y a-t-il vraiment de l'animosité entre les deux forces militaires là-bas? Si oui, que faisons-nous à cet égard?
Je sais que nous les aidons avec la situation à la frontière pour ce qui est des douanes et tout le reste, mais je parle des forces armées des deux côtés. Cela deviendra l'élément clé. Pourriez-vous jeter un peu de lumière sur cette question, si vous le pouvez?
Laissez-moi commencer par le niveau supérieur et ensuite, Dennis pourra parler de la situation au niveau de Kandahar.
Trimestriellement, ce que j'ai observé, c'est qu'il y avait un régime visant à renforcer la confiance. Il ne fait aucun doute qu'il y a des tensions entre l'Afghanistan et le Pakistan. Si je disais le contraire, vous ne me croiriez pas. La question, toutefois, c'est de renforcer la confiance.
Une fois par trimestre, j'ai observé le général McKiernan quitter Kaboul avec le chef d'état-major général, le général Bismullah Khan, et, habituellement, son G3, le général Kayani. Ils rencontrent leurs homologues pakistanais à un point de la frontière pour discuter des questions de sécurité à la frontière, du renforcement de la confiance et d'autres questions du genre.
J'espère que cela donnera des résultats. L'important, c'était d'avoir la discussion, d'au moins commencer à partager un peu l'information, mais il y a encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Au moins, les deux côtés se parlent à ce niveau et c'est vraiment ce que nous avons essayé de faire. Ce sont les tout premiers pas et il y a beaucoup de chemin à parcourir. L'armée afghane comprend que la situation au Pakistan doit être stable pour que les choses puissent s'épanouir dans le climat de sécurité qu'il y a en Afghanistan.
Exact. Et juste pour ajouter une note provinciale, si vous le permettez, si vous pensez aux problèmes qui existent au Pakistan à l'heure actuelle, ils se situent surtout dans les provinces de la Frontière du Nord-Ouest et dans les régions tribales administrées par le gouvernement fédéral, le Baloutchistan, qui est la partie du Pakistan immédiatement adjacente à la région où se trouve Quetta et où les forces canadiennes sont déployées à Kandahar.
Dans cette région, les pendants afghans et pakistanais sont la police frontalière afghane et la police frontalière de l'armée pakistanaise. Ces deux organismes se parlent par le biais d'un mécanisme appelé les réunions à la frontière, qui est une réunion que je copréside avec la partie qui a décidé d'avoir la réunion à ce moment-là.
Il y a eu trois réunions de ce genre lorsque j'étais là-bas. À ces réunions, ils discutent de choses fondamentales, parce qu'ils parlent vraiment de choses terre à terre, comme les fréquences radio, l'échange de numéros de téléphone cellulaire et d'incidents qui ont pu survenir au cours des derniers mois. Mais il s'agissait de discussions portant sur des points de tension réels.
Alors, ce processus doit se poursuivre et ce dialogue entre les forces de sécurité doit être maintenu à ce niveau, ainsi qu'au niveau supérieur. Il y a certainement beaucoup d'animosité entre les deux camps, mais il n'y a pas de gâchette qui pourrait faire éclater une guerre entre le Pakistan et l'Afghanistan à l'heure actuelle. Les tensions ne se situent pas à ce niveau, si vous voyez ce que je veux dire.
Sans aucun doute. Il s'agit d'une frontière qui n'est absolument pas contrôlée. L'autoroute 4 va de Quetta jusqu'à la ville de Kandahar. Je pense que vous avez eu une séance sur cette question, alors vous êtes probablement mieux informés que moi sur les intentions de l'Agence des services frontaliers du Canada et d'autres en ce qui concerne le contrôle du passage légitime. Ce dont je parle, ce sont tous les autres passages illégitimes de part et d'autre de la frontière non seulement des insurgés, mais également des stupéfiants et d'autres produits néfastes. Et cette partie de la frontière sera contrôlée davantage avec le temps.
Un facteur, et nous n'irons pas par quatre chemins, c'est que le gouvernement afghan a accusé l'ISI d'être à l'origine de toutes ces choses là-bas.
Est-ce que cela crée de l'animosité entre les deux forces? Parce que si nous avons deux forces qui ne se parlent pas, nous sommes devant une situation volatile.
Si elles ne se parlaient pas, alors, oui, nous aurions une situation volatile, mais elles se parlent. Parfois, les discussions sont fondamentales. Parfois, il s'agit uniquement, et littéralement, de boire une tasse de thé ensemble et, comme l'a souligné le général Howard, c'est une occasion pour les deux commandants de se rencontrer. Ce simple geste tend à désamorcer les choses.
Certainement, de mon point de vue, puisque j'étais au haut de l'échelle, j'ai eu l'occasion de me rendre régulièrement au commandement responsable du recrutement, par où passent toutes les recrues. Elles sont très représentatives de l'ensemble du pays. En fait, c'est quelque chose de très intéressant à voir. Les bataillons sont conçus de manière à être équilibrés du point de vue ethnique. De toutes les entités en Afghanistan, l'armée a tendance à être un peu un organisme équilibré à cet égard.
La plupart des recrues ont les yeux grands ouverts. Si elles viennent d'une grande ville, elles comprennent un peu certaines des choses fondamentales que vous pouvez voir. Si elles viennent de villes plus petites, il est probable qu'elles sont analphabètes et des choses comme un réfrigérateur peuvent devenir un sujet de discussion.
Ce qui les caractérise vraiment, c'est que les recrues sont très fières. Lorsque je rencontrais des sections déjà formées et que je leur demandais leurs antécédents ethniques, les soldats répondaient qu'ils étaient afghans. J'étais assez impressionné par ce genre de réponse. J'ai vu des soldats très fiers, qui avaient peut-être un peu de difficulté avec certains concepts avancés en raison de leur analphabétisme. Ils étaient loin d'être des idiots, mais si vous ne pouvez pas lire, cela complique les choses. Ils sont loyaux envers leur pays, très amicaux et ne craignent certainement pas de mettre leur vie en danger. Ils sont très braves. C'est certainement ce que j'ai vu.
Je vais simplement ajouter à l'explication du général Howard.
Sur le terrain, ces soldats sont braves au point d'être téméraires. Vous pouvez faire venir quelqu'un de notre Équipe de liaison et de mentorat opérationnel, un officier ou un sous-officier, et il vous dira qu'il faut dire aux soldats afghans de se mettre à l'abri, parce que pour eux, un homme ne se met pas à l'abri. Ils sont engagés envers leur pays. Je ne pense pas avoir entendu parler d'un seul cas de lâcheté. S'il y a quelque chose, vous devez les retenir.
C'est une armée impressionnante, mais c'est très difficile lorsque les gens sont analphabètes. Nous sommes parvenus à accomplir quelque chose d'aussi simple que de lancer un missile par tir indirect à partir d'une pièce d'artillerie, ce qui est une opération assez compliquée, vers la fin de décembre lorsque ce quartier général de brigade a obtenu sa qualification CM1 après une longue période de mentorat. Nous avons simplement débuté par les mathématiques de base et à partir de là, nous nous sommes rendus jusqu'aux principes fondamentaux de la théorie de l'artillerie.
Comment compareriez-vous la recrue afghane typique que vous venez de décrire à votre perception du taliban, l'ennemi, pour ce qui est du soldat moyen? De quoi parlons-nous ici? Les mêmes personnes, le même genre de personnes? Le même le niveau d'éducation?
Oui, ils recrutent dans la même population. La seule différence, c'est que les talibans engagés sont passés par une madrasa et qu'ils sont entièrement endoctrinés. Il n'y a pas de manque d'engagement face à la cause et face aux compagnons d'armes.
Je vais revenir sur les questions de mon collègue. Le recrutement des soldats est une chose et la préparation de la chaîne de commandement en est une autre.
Comment prépare-t-on un colonel ou un sous-officier supérieur? On a 80 000 soldats et en 2011, on devra prendre une décision et quitter la mission militaire afin de laisser la place à l'armée afghane, qui doit se prendre en main.
[Traduction]
Quelle est la situation en ce qui concerne ces officiers?
Au cours de mon affectation, un des grands défis était les systèmes et la formation. Les Afghans ont conçu un commandement de formation de l'Armée nationale afghane qui est dirigé par un général à trois étoiles, et nous sommes en train... notre grand défi est de bâtir au-delà du niveau de la formation de base. À l'heure actuelle, un soldat arrive, il obtient un peu de formation de base, il va sur le terrain et on le laisse aller. C'est la même chose pour les officiers, mais cela ne dure que quelques mois. Ce qu'il nous faut, ce sont les écoles de services, les écoles qui enseignent aux officiers des notions de niveau plus élevé. À l'heure actuelle, tout cela, c'est un train en mouvement. Nous allons bâtir une université de la défense afghane. Ce sont des choses qui sont en voie d'élaboration.
Le Canada apporte son aide à la formation d'un corps d'officiers subalternes. Au cours de mon affectation, j'ai vu 88 jeunes afghans recevoir leur diplôme de l'équivalent d'un collège militaire. C'était la première collation des grades. Les talibans avaient fermé le collège. Il y a encore beaucoup à faire. Pour moi et pour le commandement, c'est une de nos principales préoccupations. Il faudra encore des années avant d'avoir un système d'éducation viable, mais nous en avons posé les fondations.
Je dois vous dire que je suis très encouragé. La raison pour laquelle je suis encouragé, c'est que vous venez nous voir en tant que personnes qui sont allées sur le terrain. Vous venez nous voir en tant qu'experts absolus. Vous venez nous voir avec un message.
Je veux vous citer, général Howard, et je vais vous permettre de nous en dire davantage sur cette question, si vous voulez, parce que ce sont de bonnes nouvelles ce matin. Vous avez dit:
En dépit de tous les obstacles auxquels se heurte l'Afghanistan, j'estime que l'ANA est en voie de devenir une force militaire viable et autonome. Sa croissance au-delà de 80 000 soldats, la mise en place d'armes, de véhicules, d'équipements modernes, et sa participation efficace aux opérations de contre-insurrection ne sont que trois aspects de l'évolution de l'ANA que j'ai observés durant mon affectation d'un an.
Je veux vous donner l'occasion de nous en dire davantage sur cette question, parce que je n'ai jamais vu un grand titre au Canada, je n'ai jamais vu un article au Canada dans aucune des publications actuelles, qui dit cela.
Je respecte vraiment le fait que vous nous arrivez avec une expérience d'une année, spécifiquement en Afghanistan, et avec l'expertise que votre collègue et vous avez. Il s'agit d'excellentes nouvelles. Je ne sais pas comment nous pourrions souligner ou surligner exactement ces mots.
Je pense que l'armée afghane a fait des réalisations importantes. Il est certain qu'elle a encore beaucoup de chemin à faire, mais à vrai dire, c'est pour cela que nous sommes là. Durant mon affectation là-bas, j'ai vu l'Armée nationale afghane participer à un nombre beaucoup plus grand d'opérations de contre-insurrection qu'elle ne l'avait fait l'année précédente. Le commandement utilise le chiffre de 60 p. 100 pour décrire le nombre d'opérations dirigées par l'armée afghane. Les forces aériennes sont en croissance. Elles disposent de 30 appareils à l'heure actuelle et elles peuvent répondre à 90 p. 100 de la demande.
Il y a cependant des défis et ils sont nombreux. Le premier est l'alphabétisation. Les taux d'alphabétisation sont très faibles dans l'armée et nous essayons de leur apprendre des choses difficiles. Le général Thomson a parlé d'artillerie, mais il y a les mesures de lutte contre les engins explosifs improvisés, les normes de conception des radios; il s'agit d'essayer vraiment de donner aux soldats et au personnel de niveau intermédiaire une certaine formation de base de manière qu'ils puissent lire et comprendre l'éducation que nous leur donnons. Je pense que c'est une clé extrêmement importante. Il pourrait s'agir du gros morceau sur lequel nous devrions travailler.
Le deuxième, c'est l'élaboration des systèmes. En l'absence d'une bureaucratie qui fonctionne, d'un ministère qui fonctionne, j'ai passé beaucoup de temps à essayer de les aider avec les systèmes, la logistique, le fait d'obtenir suffisamment d'équipement et de matériel sur le terrain.
Je pense que l'armée afghane a fait certains progrès importants. Il y a certainement des choses à raffiner et à polir. Est-elle en mesure d'assurer la sécurité par elle-même à l'heure actuelle? Absolument pas. La technologie et l'expertise que nous lui apportons, et qui constituent le rôle du général Thomson et des troupes là-bas, sont absolument essentielles à son travail. Mais j'ai vu beaucoup de progrès au cours de l'année de mon affectation.
Je pense qu'une des choses que vous nous avez illustrées et, à plusieurs égards, c'est qu'il y a maintenant une fierté grandissante du côté afghan, peut-être à cause de son armée, peut-être à cause de sa formation, de son argent, etc. Mais, en bout de ligne, tout cela joue un rôle dans le professionnalisme.
Je sais que les observations de M. Dewar... et tout le respect au sujet des droits de la personne. Mais au fur et à mesure que ces gens deviennent plus instruits, plus professionnels, pour ce qui est des questions touchant les forces militaires et la police afghanes — je suis sûr que vous avez vu cela —, ils commencent à grandir et à comprendre la nécessité de respecter les droits de la personne. Est-ce que cela fait partie de ce qu'on essaie de leur inculquer?
Je me demande si vous pouvez nous donner une certaine indication quant à savoir si vous avez vu ce progrès auquel nous nous attendons et que nous espérons voir aussi bien dans le cas de la police que des forces militaires.
L'Armée nationale afghane, qui est cantonnée dans la province de Kandahar, est une force professionnelle. Elle n'est pas en conflit avec des éléments quelconques de la population civile, qui l'a, je crois, en très haute estime, ce que révèle certes l'enquête déjà mentionnée.
Quant à elle, la police fait du rattrapage. Lorsque j'ai séjourné là-bas, le brigadier-général Sageb, chef de la police provinciale, a été remplacé par le brigadier-général Matiullah Khan après l'évasion massive du pénitencier, le 13 juin 2008. Ce dernier n'est pas là pour se remplir les poches. Il a compris que les forces policières n'ont pas pour objectif de s'en prendre à la population, mais de la protéger.
Par son attitude, qui se répercute dans les différents districts, et grâce à la formation axée sur les districts clés, on a réussi lentement mais sûrement à constituer une force policière professionnelle dans la province de Kandahar. Ce qui modifie les attitudes, c'est la formation suivie d'un mentorat continu.
Brigadier-général Howard, vous dites dans votre document que l'Armée nationale afghane est en voie de devenir une force militaire viable et autonome. Dans combien de temps le sera-t-elle?
À mon avis, la constitution de l'armée est un long processus. Lorsque vous parlez à des Afghans, vous constatez certes qu'il sont passablement fiers de ce qui se passe. Mais je ne vous cacherai pas qu'il faudra des années pour y parvenir.
J'ignore si vous pouvez quantifier cela. Il serait, à mon avis, illogique de croire qu'il serait possible de constituer, en moins de cinq ans, une armée capable d'utiliser les systèmes dont disposent les Forces canadiennes. Nous y parviendrons, si nous avons suffisamment de temps.
À votre avis, le calendrier de départ des soldats de l'Afghanistan en 2011 sera-t-il le même que celui des gens qui jouent un rôle de soutien auprès de l'armée afghane?
Tout à fait. Tout le travail accompli dans le Sud par les Canadiens est apprécié à sa juste valeur. Nous mettrons au défi l'armée afghane et l'OTAN de trouver un effectif équivalent capable de travailler dans cette région. Cependant, le travail ne sera pas complètement terminé avant notre départ.
Je me permets de vous citer l'exemple des équipes de protection contre les dispositifs explosifs de circonstance. Une telle équipe devrait être affectée à chaque brigade. J'ai réussi à en constituer une grâce à la formation que nous avons donnée à ses membres, laquelle est venue appuyer le travail des Canadiens. Cependant, il faudra encore plusieurs années pour que nous puissions établir les systèmes d'éducation souhaités et le soutien nécessaire à long terme.
Selon vous, ce sera le même calendrier. Le calendrier de départ des forces combattantes est le même que celui des gens qui soutiennent l'armée afghane.
Je ne crois pas que nous pourrons mener à terme notre tâche avant notre départ, mais nous pourrons certainement être fiers de ce que nous avons fait. À l'heure actuelle, on déploie beaucoup d'efforts pour déterminer la marche à suivre après notre départ. Cependant, je ne pense pas que les Afghans pourront seuls mener la tâche à bien après notre départ.
Je n'ai pas apporté le tableau, mais le commandement a établi des statistiques sur les différents groupes ethniques. Je pourrais le faire parvenir aux greffiers.
C'était presque le centre de gravité, selon l'expression du jargon militaire. Pour le ministre et le chef d'état-major, l'essentiel était cependant de maintenir un équilibre ethnique. Dans leur composition des équipes, ils ont cherché à s'assurer que les divers groupes ethniques pouvaient travailler ensemble.
Cela m'a passablement impressionné. J'ai pensé que cette particularité leur serait très utile. Pour assurer l'homogénéité de leur armée, il leur faudra veiller à ce que les groupes ethniques puissent collaborer.
Est-il possible que les talibans s'infiltrent dans l'armée afghane ? Y a-t-il une façon de faire un tamisage? Est-ce un problème auquel vous avez fait face?
L'Armée nationale afghane a commencé à se servir de la biométrie pour vérifier si ses recrues ont des antécédents criminels ou sont des talibans. Elle compare les résultats obtenus aux données des fichiers gouvernementaux.
Les dirigeants militaires sont très conscients du problème et surveillent la situation de près, mais il n'y a aucune procédure précise.
Comme il n'y a pratiquement pas de système de justice, il ne doit pas y avoir beaucoup de statistiques sur les dossiers criminels. De toute façon, un taliban n'a pas nécessairement un dossier criminel. Il peut s'agir simplement d'une personne qui est impliquée à cause de ses valeurs religieuses, etc.
Vous avez raison de dire qu'il n'y a pas de statistiques. Quoi qu'il en soit, c'est un aspect que les chefs doivent surveiller pendant les opérations. Je ne peux pas affirmer qu'il n'y a aucun taliban dans l'armée afghane, mais les chefs sont...
Je vous souhaite la bienvenue. La séance d'aujourd'hui est très instructive.
Je sais que nous devons examiner la mission militaire et les changements qui surviennent. Nous entendons beaucoup parler des droits de la personne, des histoires d'horreur, etc. Je voudrais établir certaines comparaisons.
Vous avez évoqué l'attitude adoptée par les troupes nationales là-bas. Nous avons entendu parler des histoires d'horreur au sujet du traitement réservé aux femmes, aux enfants, etc. Dans quelle mesure est-ce important pour les femmes et les personnes vulnérables que le calme règne et que des possibilités soient offertes?
Lorsque que vous prenez un thé chai et discutez avec un militaire du rang ou un officier afghan, comme l'a fait le général Howard à Kaboul et comme je l'ai fait à maintes reprises dans la province de Kandahar, vous constatez qu'ils partagent nos espoirs et nos désirs. Pour la plupart, ils ont une famille dont ils veulent s'occuper. Ils veulent tous que leurs enfants puissent étudier. Ils souhaitent le meilleur avenir possible à leur pays.
Bien sûr qu'ils ont en horreur ce à quoi vous venez de faire allusion. Il n'y a pas beaucoup de différence entre le soldat afghan et le soldat canadien sur certaines questions fondamentales.
Je vous remercie de votre réponse, car elle jette un éclairage sur ce que ne nous apprend pas nécessairement ce que nous entendons. Il a été question des différents groupes ethniques composant l'armée, et il en découle une dimension humaine qui n'échappe pas aux soldats ou aux citoyens. Les militaires peuvent se préoccuper davantage du sort de leur pays parce qu'ils reçoivent leur solde à intervalles réguliers.
En ce qui concerne les travaux d'infrastructure qui sont menés à bien grâce à notre soutien et à celui d'autres pays, dans quelle mesure est-ce important qu'ils assument dorénavant la relève, qu'ils fassent leurs les écoles, les hôpitaux, les ponts et les routes ainsi construites et qu'ils en assurent la protection?
Je pense que cela va de soi. C'est manifestement ce qu'ils doivent faire. En assurant la sécurité de la population, ils se trouvent à protéger une grande partie de cette infrastructure.
Le meilleur exemple, c'est cette route périphérique au Sud, qu'on balaie — c'est l'expression que nous employons — tous les jours pour s'assurer qu'il n'y a pas de dispositifs explosifs de circonstance. Cette tâche, qui comporte des risques, incombe quotidiennement aux Forces de sécurité nationales afghanes — essentiellement, l'armée et son corps de génie —, qui ont à coeur d'assurer la sécurité de la population.
Je sais que vous avez répondu que cela va de soi, mais ce n'est pas toujours l'impression que laissent toutes ces histoires que nous entendons. Cela me semble tellement important, car nous n'avons pas fini d'entendre parler des droits de la personne et des lois qui sont modifiées, notamment. Ce serait là, semble-t-il, l'un des aspects les plus essentiels. Comme dans tous les autres pays du monde, les citoyens deviendront maîtres de leur pays — pacifiquement, espérons-le —, lorsqu'ils seront maîtres de leurs lois, de leur mode de vie, de leurs forces policières et de leur armée.
Il s'agit manifestement de former l'ANA, la PNA, etc. Notre contingent se compose de seulement 2 800 personnes qui ont accompli un travail remarquable — cela ne fait aucun doute —, mais il ne constitue qu'une faible partie d'une force militaire beaucoup plus imposante. À notre départ, il faudra qu'on prenne la relève pour la formation de l'ANA et de la PNA. Savons-nous qui s'en chargera? Comment la transition s'effectuera-t-elle?
J'étais revenu au pays lorsque cette question a été examinée. Je ne suis donc pas sûr de ce qui arrivera. Cependant, l'arrivée des troupes américaines permettra au CSTC-A de doubler ses moyens affectés au mentorat des forces policières. C'était notre plus grand défi lorsque j'étais en poste là-bas.
Le commandant général préconisait surtout de poursuivre comme nous le faisions avec l'armée, mais de mettre davantage à contribution les forces policières. Il pourra dorénavant doubler sa capacité avec l'arrivée des troupes américaines. Plusieurs semaines de formation dans un district peuvent avoir des répercussions énormes, et je pense qu'on disposera alors de certaines des ressources nécessaires.
Mon collègue en sait peut-être davantage sur la planification pour Kandahar. Je ne suis plus en poste là-bas.
Compte tenu de la différence entre nous et les Américains sur les plans des opérations et de la formation, estimez-vous que la transition se fera sans trop de heurts entre les mentors canadiens et leurs homologues américains?
Je peux vous affirmer qu'elle se fera sans trop de heurts à cause de la façon dont les choses se déroulent actuellement. Aujourd'hui même, les équipes de mentorat de la police des États-Unis à Kandahar ont intégré des agents de la police civile. Ils mènent souvent des opérations avec nos policiers militaires, partagent le quotidien de notre équipe provinciale de reconstruction et patrouillent avec les militaires canadiens presque quotidiennement. Il n'y a pas beaucoup de différence entre la doctrine canadienne et la doctrine américaine sur ce point, à part la couleur de nos équipements respectifs.
J'étais responsable d'une équipe de validation de la formation à Kaboul. Elle vérifiait le niveau de formation pour l'ensemble de l'ANA. Elle a constaté que la brigade dont nous assurions le mentorat avait atteint les mêmes normes que celles adoptées par les Américains. Il n'y avait aucun problème. À mon départ, j'étais convaincu que nos méthodes sont très semblables.
Je voudrais faire valoir un point. Lorsque nous nous sommes rendus sur place avec le Comité de la défense l'an dernier, nous avons rencontré des conseillers de village au camp Nathan Smith. Quelqu'un — je ne me souviens plus qui — leur a demandé quels étaient leurs cinq principaux besoins. Ils ont répondu en énumérant les besoins essentiels: la sécurité, la nourriture, puis — comme l'aurait fait un Canadien — l'éducation des enfants, un emploi... Ce sont les mêmes besoins que partout ailleurs.
Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec mes deux autres collègues.
Il est difficile de former nos sous-officiers et les officiers supérieurs parce qu'il y a des problèmes d'analphabétisme, entre autres. Ce qui prend 10 ans au Canada devrait prendre le même temps en Afghanistan. De plus, nos soldats sont éduqués.
Vous avez parlé de la possibilité que des talibans s'infiltrent dans l'armée afghane, mais vous avez dit qu'il y avait de la biométrie, etc.
Comment peut-on s'assurer que l'encadrement va fonctionner? Il y aura des élections, et nos soldats vont quitter le territoire puisqu'ils sont là pour accompagner; ce n'est pas un protectorat. Quelles sont vos mesures d'évaluation pour les niveaux 1, 2, 3 et 4?
[Traduction]
Le coeur du problème, c'est l'état de capacité opérationnelle. C'est leur pays, et nous allons leur laisser un héritage.
Quel est véritablement l'état de capacité opérationnelle? Il a été question notamment de sécurité, de l'omniprésence des talibans et de la différence entre l'armée afghane et les Forces canadiennes. Brossez-nous un tableau. Tout ceux qui sont à l'écoute — je vous rappelle que la séance est télévisée — ne perçoivent pas tous la situation comme nous, notamment.
Quel est le statut réel de l'armée? Vous semblez très optimiste. Vous dites que ça va bien, que ça va mieux. Cependant, au regard du statut des sous-officiers, du problème d'analphabétisme et de la possibilité d'infiltration, sur quoi vous fondez-vous pour dire que les choses vont bien?
Il y a des jalons qui mesurent la capacité opérationnelle, et je suis sûr que le général Howard sera ravi de vous brosser un tableau d'ensemble. Il faut également aborder le déroulement des opérations militaires.
Il est important de se rappeler que tant l'armée afghane que nos adversaires sont aux prises avec l'analphabétisme. Dans un sens, les deux camps recrutent dans le même bassin. Les conditions ne sont pas différentes. Nous, nous essayons de constituer une armée professionnelle qui correspond aux normes internationales, alors que nos adversaires, eux, ne sont astreints à aucune norme. C'est comme l'enfant qui est obligé de faire un examen alors que l'autre n'en est pas tenu. Ce dernier peut faire ce qu'il veut. Voilà la situation avec laquelle nous devons composer.
Nous élevons des barrières, nous encadrons l'armée pour qu'elle respecte les normes internationales. Au moins, les mentors que nous avons affectés dans la province de Kandahar partagent le quotidien de ceux qui sont déployés dans les postes de combat, où vous pourriez trouver six militaires canadiens avec soixante militaires afghans. Dans une telle situation, nos homologues afghans ne peuvent faire autrement qu'apprendre à notre contact.
Je terminerai en disant qu'un analphabète n'est pas nécessairement stupide. Ce sont des gens très avisés.
Les officiers sont bien instruits. Par exemple, mon collègue le brigadier-général Bashir, qui est le commandant de la première brigade à Kandahar, a reçu une excellente formation militaire pendant la période de l'armée soviétique. Ce n'est peut-être pas la même chose que nous.
[Traduction]
Il devra peut-être corriger certains détails, mais c'est un type brillant, qui connaît bien le terrain.
Les officiers sont un peu différents des militaires du rang. Ils sont pour la plupart instruits.
Le principal problème, c'est que certains de ces officiers sont déployés depuis le tout début de la guerre. Ils sont fatigués. Il faut des forces fraîches pour assurer la relève. Nous sommes affectés là-bas pour une période de six mois ou d'un an. Nous débordons d'énergie, alors qu'eux n'en ont plus à cause de la durée du conflit. Il faut adopter une approche pondérée. Cela répond à une partie de votre question.
Comment faut-il alors procéder? Je suis de ceux qui prônent d'observer comment ils agissent lors des opérations et comment les choses se déroulent. Je vous ai déjà décrit ce que j'ai alors observé. Cependant, lorsqu'il s'agit des données qu'on met sur une fiche, on a recours au système de jalons de la capacité opérationnelle.
Je voudrais revenir aux quelque 17 000 Américains qui assureront notre relève et aux chemins d’infiltration. Je suis convaincu que nous connaissons ou, plutôt, que vous connaissez chaque chemin d’infiltration parfaitement. À 17 000, les Américains seront-ils en nombre suffisant pour contrôler ces chemins, étant donné toutes les autres tâches qui leur incomberont.
Vous ne pouvez fermer hermétiquement aucune frontière dans le monde, ce qui vaut certainement pour celle entre l'Afghanistan et le Pakistan. Ces Américains ne seront pas tous affectés à la surveillance de la frontière. Certains de ces chemins d'infiltration sont à l'intérieur du pays.
En deux mots, leur aide sera utile, mais aucune solution ne sera parfaite. C'est impossible de surveiller chaque centimètre carré de la frontière pour s'assurer que rien ne passe.
Les Canadiens s'impatientent, à juste titre. L'arrivée des Américains aura un effet important. Vous ne pouvez pas me donner une réponse définitive, je le sais, mais avez-vous une idée de la période qu'il faudra pour que nous puissions évaluer cet effet possible? S'agit-il de six mois, d'une année...?
Je pense que nous procédons à ces évaluations trimestrielles. Des évaluations plus fréquentes ne mènent à rien. Les évaluations trimestrielles sont, à mon avis, les plus propices. Je ne vois aucun motif pour changer leur fréquence.
Général Howard, nous envisageons de donner aux officiers une formation qui ressemble davantage à celle que nous suivons dans les pays occidentaux. Il s'agit de détails, qui ont cependant leur importance, selon moi. Songeons-nous à inscrire certains Afghans à des établissements qui offrent des programmes de formation des officiers, comme le Collège militaire royal ou le Collège d'état-major?
Lorsque j'étais en poste là-bas, environ 200 officiers afghans ont reçu de la formation dans différents pays, dont surtout les États-Unis. Le Collège militaire royal de Kingston a accueilli quatre stagiaires afghans, qui ont terminé leur première année. J'ignore quels résultats ils ont obtenus, mais j'en ai rencontré un lorsqu'il est revenu dans son pays pour la période de Noël.
Je vous raconte une des initiatives que j'ai prises en Afghanistan. J'ai choisi dix de leurs plus brillants colonels ou brigadiers-généraux, et je leur ait fait suivre des cours d'alphabétisation pour ensuite les inscrire à des stages de perfectionnement dans un autre pays.
Vous savez, beaucoup des hauts fonctionnaires et des militaires haut gradés avec lesquels je travaille — les sous-ministres et les généraux à deux ou trois étoiles au quartier général — ont déjà reçu beaucoup de formation, que ce soit en Inde ou aux États-Unis. Pensez à une équipe de hockey dont vous feriez jouer uniquement la première ligne alors que les autres joueurs n'auraient même pas de patins. Nous essayons de nous occuper de la deuxième et de la troisième lignes.
Le problème de ces 30 dernières années, ce sont les militaires des échelons intermédiaires. En fait, bien des officiers supérieurs avec lesquels nous collaborons faisaient partie de la vieille armée, dont les membres ont été formés par les Soviétiques ou encore en Inde ou aux États-Unis. Il y a donc un bon bassin d'officiers supérieurs expérimentés. Nous axons nos efforts sur les échelons intermédiaires.
Par exemple, trois généraux ont terminé le cours d'alphabétisation et entreprendront une année de formation aux États-Unis, ce qui sera très profitable à leur armée. Il faut offrir cette formation à davantage de stagiaires, mais nous visons vraiment les officiers des échelons intermédiaires et subalternes.
Comme vous avez abordé les forces aériennes, vous savez probablement que je vous poserai une question sur ce sujet. Pouvez vous me donnez quelques explications sur l'état — de toute évidence embryonnaire — de leurs forces aériennes? Quels types d'appareils? Quels sont les chiffres? Quel est l'état de capacité opérationnelle?
La première promotion de l'académie militaire afghane comprenait environ 88 de diplômés, dont 30 brillants jeunes candidats qui poursuivent leur formation de pilote aux États-Unis.
Selon le plan général établi, les Forces aériennes afghanes étaient censées simplement employer les pilotes formés pendant la présence soviétique au fonctionnement des vieux appareils du bloc de l'Est, soit les Mi et les Antonov. Ce sont leurs pilotes. La première génération de nouveaux pilotes apprend à conduire les appareils à voilure tournante et à voilure fixe aux États-Unis. Nous conserverons les flottes de Mi-17 et Mi-35, dont nous augmenterons la taille. Cependant, nous commencerons à utiliser ce que j'appelle un demi-Hercules; on mettra en service le C-27. Je pense que le premier escadron devrait être opérationnel en décembre. Les premiers pilotes afghans seront ces 30 jeunes qui suivent actuellement leur formation dans les quatre services aux États-Unis.
Et également par la US Navy. Les stagiaires afghans sont répartis entre les services... En fait, j'ignore s'ils poursuivent leur stage auprès du Marine Corps, mais je sais que c'est le cas pour les trois autres services.
Je souhaite poursuivre dans la foulée des questions que j'ai posées sur les droits de la personne. Dans son rapport, la Commission afghane indépendante des droits de la personne cite certaines violations des droits par des militaires. Avez-vous pu consulter le rapport rédigé par la Commission afghane indépendante des droits de la personne?
Oui, l'un des problèmes, et j'y arrive, c'est que c'est à Dari. C'est dans le Web, depuis un certain temps.
C'est l'une des questions que j'ai posées à des gens du MAECI et de la GRC. Ils en avaient entendu parler, mais n'avaient rien vu là-dessus. J'ai eu la chance de pouvoir le lire, parce que quelqu'un pouvait l'interpréter pour moi. On y trouve une longue liste de doléances sur la conduite et les abus de la police et des militaires.
Eh bien, ma question est la suivante: c'est juste quelque chose à part. Des doutes ont été exprimés sur la capacité linguistique, je pense de notre côté. Il est question, n'est-ce pas, d'assurer la formation des Afghans aux États-Unis et ailleurs. L'un des défis qui se posent pour nous réside dans notre propre capacité linguistique.
Nous savons cependant que le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a mené une enquête à la suite de rapports selon lesquels des soldats canadiens auraient été témoins d'abus commis par des soldats et interprètes afghans. L'enquête a conclu qu'il n'y avait rien eu de répréhensible. C'était il y a deux jours à peine. Et pourtant, des déclarations publiques ont été faites et ces soldats avaient affirmé avoir été témoins de ces abus.
Je dois poser la question, parce que cela me paraît contradictoire. D'un côté, des soldats canadiens disent avoir été témoins d'abus commis par l'armée afghane et de l'autre côté, le service national d'enquête affirme que c'est faux. J'essaie de comprendre ce paradoxe.
Si nous devons parler de ce qui est très important selon vous, général Thompson, soit que nous ne voulons pas de normes différentes, bien évidemment, de celles des autres, parce que cela pourrait miner... et c'est la règle de droit et du respect des droits de la personne.
Avez-vous entendu parler d'abus qu'aurait commis l'armée afghane? Et comment expliquez-vous qu'il y ait eu des déclarations publiques de soldats disant avoir été témoins d'abus et que le service national d'enquête affirme le contraire, ou du moins qu'il n'y a pas eu de faute ou d'acte répréhensible, et la réponse aux allégations?
Je ne peux parler que pour la première brigade du 205e Corps, parce que c'est à elle que j'ai été assigné.
M. Paul Dewar: D'accord.
Bgén Dennis William Thompson: Je peux vous dire que pendant les neuf mois que j'ai passés là-bas, il n'y a eu aucune allégation d'abus. Je sais que l'histoire des abus qui ont supposément été commis a fait surface en 2006. C'est, je crois, l'objet du rapport du SNE.
Bien évidemment, rien qu'à l'idée qu'un soldat canadien ne signalerait pas de tels abus si on était témoins, des ordres ont immédiatement été émis afin que tout le monde sache que chacun a le devoir de déclarer tout crime grave dont il est témoin, quel qu'en soit l'auteur. C'est simplement une politique des Forces canadiennes, et elle a été confirmée.
Au sujet du rapport du SNE, tout ce que je peux vous dire c'est que j'ai une confiance absolue en notre Service national d'enquête. Je n'ai pas hésité à recourir à lui non seulement pour les cas disciplinaires des Forces canadiennes quand j'étais commandant de la France opérationnelle de Kandahar, mais il assume aussi le très pénible rôle de s'occuper des dépouilles de nos soldats morts. Je n'éprouve rien de moins que le respect le plus absolu pour ce service.
Oui, absolument. C'est exactement pourquoi l'armée fait enquête sur ces choses et avec la plus grande minutie. Je ne connais pas les détails du rapport du SNE, mais s'il conclut qu'il n'y a pas eu d'actes répréhensibles, je n'ai aucune raison de douter de cette conclusion, parce que j'ai le plus grand respect pour les gens qui travaillent pour le SNE.
Ce n'est pas un problème pour moi personnellement. Le commandant canadien a un adjoint linguistique et culturel qui l'accompagne partout. Cet adjoint linguistique et culturel est un Afghano-Canadien qui détient une autorisation de sécurité jusqu'au niveau II — pas top secret, mais secret. Alors on peut discuter d'à peu près n'importe quoi avec lui et rencontrer...
Je ne peux vous donner de chiffres précis, parce que je n'en ai pas, mais il y en a assez. Les commandants les ont. Nous avons aussi des civils tout à fait dignes de confiance qui servent d'interprètes. Chaque patrouille qui sort doit être accompagnée d'un interprète sinon il n'est pas possible d'établir des rapports. On n'a jamais porté à mon attention la moindre pénurie d'interprètes. Je sais qu'il est difficile de trouver des conseillers linguistiques et culturels. J'en parle chaque fois que je vais à Toronto m'entretenir avec notre consul général là-bas, où vivent 70 000 Afghano-Canadiens. Ils y ont de superbes occasions de servir leur pays, s'ils le veulent. Ceux qui offrent leurs services sont absolument de première classe.
Général, tout d'abord, nous tenons à exprimer notre profonde reconnaissance à tous les soldats canadiens qui sont là-bas, y compris à vous, pour l'excellent travail que vous faites. Nous cherchons seulement à nous renseigner, mais permettez-moi de vous assurer que tous les Canadiens vous soutiennent fermement.
Ce comité est allé aux États-Unis, au Pentagone. Nous avons parlé de priorités. Les Américains ont, en fait, été assez étonnés, mais ils trouvaient que nous faisions un excellent travail. Ils étudiaient les priorités qu'ils pourraient intégrer à leurs propres opérations en Afghanistan. Est-ce que ces priorités sont réalisables pour nous, ou y a-t-il bien d'autres facteurs, ou d'autres pays, qui nous permettront de les réaliser? Le Canada est-il en mesure de réaliser ses priorités, ou avons-nous besoin de la coopération d'autres pays?
C'est très simple. Ce n'est pas une guerre du Canada; c'est la guerre de l'OTAN. C'est un effort collectif de la communauté internationale. Dans tout ce qui est fait, nous devons avoir une démarche multinationale. Je sais que vous représentez le public canadien, et que nous sommes des membres de l'armée canadienne. Mais quand nous sommes déployés outre-mer, nous y allons en qualité de membres de l'OTAN, et nous exécutons le plan de l'OTAN qui soutient directement le gouvernement afghan.
C'est donc un effort multinational, qui est fourni en partenariat avec nos homologues afghans. J'ai une responsabilité, en tant qu'officier canadien, de rendre compte à tous les Canadiens des priorités que nous avons établies, mais l'enjeu, dans son intégralité, est bien plus complexe que cela. J'ai toujours dit que le Canada a six priorités — et elles sont toutes louables — mais il y en a probablement une trentaine en tout, pas seulement six. Ces 30 objectifs sont réalisés collectivement par la communauté internationale, et nous contribuons à certaines d'entre elles.
Nous avons la responsabilité de répondre au peuple canadien de la manière dont les efforts du Canada sont déployés en Afghanistan. J'en suis tout à fait conscient. C'est ce à quoi nous nous mesurons, ces six priorités, parce que c'est la politique du gouvernement. Mais si on englobe toute la communauté internationale, l'enjeu est bien plus grand que cela. Ils interviennent relativement à toute une gamme d'autres enjeux pour lesquels, très franchement, nous n'avons pas suffisamment de ressources. Peut-être ma réponse vous paraît-elle un peu alambiquée, mais bâtir une nation est un projet assez vaste. Cela ne se fait pas avec des oeillères. Si on veut avoir de l'effet, il faut réduire notre champ de vision quand on est un pays aussi modeste que le Canada.
Donc, en fait, vous dites que nos priorités sont réalisables pour nous, mais que dans le tableau d'ensemble nous faisons partie, bien entendu, de l'alliance de l'OTAN. C'est tout. Bâtir un pays...
C'est cela, et il y a d'autres choses qui se passent. Par exemple, et pardonnez-moi si je me trompe, mais je suis assez sûr que l'hydroélectricité ne fait pas partie des priorités du Canada, ni l'un des indicateurs que nous mesurons, mais c'est tout de même très important. Alors c'est la tâche d'un autre — dans ce cas, USAID. Et pour ceux qui suivent la voie de la reconstruction et du développement, c'est quelque chose qui est coordonné au niveau de l'Équipe provinciale de reconstruction par des fonctionnaires canadiens parce qu'ils sont responsables de la province de Kandahar, dans le contexte de l'OTAN.
Je ne veux pas paraître provocateur, mais je voulais seulement poser une question.
On nous a beaucoup dit, au fil des années, qu'il est impossible de séparer l'entraînement du combat. Mais je crois comprendre, général Howard, d'après ce que vous disiez de vos responsabilités à Kaboul, que vous assumez la responsabilté particulière, auprès du CSTC-A, d'une opération d'entraînement et d'une opération d'éducation. Vous avez parlé de l'entraînement que vous assuriez avant d'envoyer des gens à Kandahar.
Est-il possible d'imaginer un rôle d'entraînement qui ne soit pas lié à un rôle de combat pour le Canada?
Le Canada jouit d'une vraiment bonne réputation à Kaboul. Il n'y a qu'à aller au centre d'entraînement militaire de Kaboul, où nous avions une équipe auparavant. J'ai rencontré bien des sous-officiers et officiers afghans qui avaient été formés par les Canadiens quand nous étions là-bas.
N'importe quel pays qui est prêt à s'engager peut avoir un rôle énorme. Le CSTC-A était à la recherche de nombreux partenaires pouvant l'aider avec les écoles qu'il créait. Nous avons participé à la création de bien des écoles, ou simplement à l'entraînement de base des soldats. C'est une tâche énorme de commandement et une tâche énorme à Kaboul, et j'en ai parlé au général Natynczyk lors de sa dernière visite. Il y a bien des choses à faire et c'est l'une de celles que nous pourrions envisager. Bien sûr, nous avons déjà eu des troupes, du personnel des Forces canadiennes à Kaboul qui contribuaient à cette formation de haut niveau.
Quand on parle des ELMO, les équipes de liaison et de mentorat opérationnel, c'est du mentorat et de la liaison qui nous exposent au danger. Le général Howard a tout à fait raison parce qu'il parle de structures où existent des écoles formelles. Mais si on veut poursuivre dans tout le continuum du renforcement de la capacité dans l'armée, il faut participer à ce programme d'ELMO. Et alors, une fois qu'on en a convenu, si on est une ELMO, que ce soit en combat ou non n'est pas vraiment un choix qu'on fait. Il est fait pour nous.
Je le comprends tout à fait, et j'apprécie vos éclaircissements. J'essayais seulement de comprendre un peu mieux la nature de certaines des opérations qui sont menées dans la capitale.
Messieurs, je me demande si vous pouvez répondre à ceci. Une stratégie anti-insurrectionnelle doit prendre la population en compte, aux chapitres de sa sécurité, de la constitution de la gouvernance locale, et bien évidemment du développement économique. En Irak, les États-Unis ont très bien su, je trouve, formuler une stratégie de communication pour contrer les renseignements terroristes qui étaient diffusés par l'autre côté.
Où en sommes-nous sur ce plan, et si nous en sommes là, à ce qu'il me semble comprendre, nous ne sommes pas très avancés, que devrions-nous faire? L'armée américaine a très bien réussi en Irak sur ce plan.
Encore une fois, je ne peux parler que de la province de Kandahar, où nous avons mené d'assez robustes activités d'information, comme on le dit dans l'armée.
Le problème avec les activités d'information est le suivant: permettez-moi une brève digression. Il y a eu un général confédéré, du nom de Nathan Bedford Forrest, un général de cavalerie, qui disait « You need to get to the battle firstest with the mostest », c'est-à-dire qu'il faut arriver le tout premier sur le champ de bataille, et le mieux équipé. Ce n'était pas quelqu'un de particulièrement lettré, mais selon lui, le type qui arrive le premier, de façon générale, avec le plus d'éléments de soutien, est généralement le vainqueur. C'est absolument le cas des activités d'information.
Alors, si nous nous faisons coiffer au poteau par les insurgés, si quelque événement indésirable survient et qu'ils diffusent l'information, généralement complètement de travers et en exagérant, nous nous retrouvons sur la défensive à essayer de contrer l'attaque. Pour éviter cela, il faut diffuser notre information rapidement.
Nous avons fait des efforts conscients — remarquez, j'ai eu trois gouverneurs différents — avec les gouverneurs pour les programmer et les inciter à convoquer des conférences de presse quand survenaient des événements malencontreux, pour pouvoir leur communiquer tout ce que nous savions et faire diffuser l'information au public aussitôt que possible et, en conséquence directe, éviter certains contrecoups qui avaient tendance à survenir dans d'autres régions du pays.
Ce principe est très connu dans les cercles occidentaux. C'est seulement qu'il est parfois difficile de convenir du contenu et d'un communiqué de presse dans un contexte multinational, dans un délai suffisamment court pour être les premiers à diffuser l'information.
J'allais justement dire que c'est déjà difficile d'y parvenir ici.
Mais pour ce qui est d'où nous en sommes maintenant, y a-t-il des éléments que nous n'utilisons pas et que nous pourrions exploiter? Les talibans semblent très bien parvenir à diffuser leur message. Même si ceux-ci sont peut-être exagérés ou faux, le fait est qu'ils semblent très bien savoir s'y prendre.
Je pense qu'il est juste de dire qu'ils sont efficaces, au niveau national. Je ne sais pas vraiment s'ils ont autant de succès dans la province de Kandahar. Quand j'étais là, et n'oublions que mon public cible dans la province de Kandahar étaient les Khandaharis, et pas tellement le Canada, j'étais le commandant sur le terrain et je me concentrais sur cette population. Je pense que nous avons remporté un certain succès là-bas.
Mais il arrive que des rumeurs et quoi d'autre encore circulent, et il faut faire entendre un fonctionnaire afghan dans tous les médias réguliers, ou même au niveau de la shura locale, pour rétablir la vérité.
Vraiment, il faut simplement en prendre conscience et s'y attaquer résolument. Tout n'était pas parfait, mais je trouvais que nous avions une assez bonne cellule opérationnelle d'information.
Je veux que vous m'entreteniez de justice militaire. On lit qu'en Afghanistan — et Kandahar ne fait pas exception —, le système de justice civile est très difficile. Si le système de justice militaire est distinct de la justice civile, l'Armée nationale afghane a-t-elle un système de justice militaire particulier? C'est ma première question.
Ma deuxième question porte sur l'état de l'institution de l'Armée nationale afghane. On sait qu'il y a un ministre de la Défense, M. Wardak, mais y a-t-il aussi un chef d'état-major?
Général Thompson, vous avez dit que la situation est d'une grande complexité, compte tenu du nombre de nations qui travaillent ensemble. Les opérations sur le terrain doivent-elles recevoir l'aval du ministre de la Défense ou du premier ministre? Lorsque vous planifiez une opération, sur le plan opérationnel, cela reste-t-il entre les mains de l'armée ou si, dans le cas d'une opération de grande envergure, c'est le ministre de la Défense ou le premier ministre qui doit donner son aval?
Dans quel état est l'institution des forces armées nationales afghanes?
J'ai passé une année avec tous ces fonctionnaires — le ministre afghan de la Défense, le ministre Wardak, et leur équivalent du chef d'état-major de la Défense, le général Bismullah Khan — et je les ai aidés à créer un système de gouvernance en plus de leur armée pour que lorsque la population pourrait se faire entendre du président et qu'il faudrait mener des opérations militaires, les ordres seraient transmis en aval. Le président parlerait au ministre de la Défense et certaines actions militaires seraient exécutées.
Les commandants de corps jouissaient certainement d'une grande d'autonomie — par exemple, dans la région du général Thompson — pour mener des opérations militaires dans le but de réaliser des objectifs du gouvernement.
Pendant la période de novembre à mars, le gouvernement afghan a émis des directives sur les opérations militaires qui devaient être menées pendant cette période. L'une d'elles concernait l'inscription électorale. Une énorme opération militaire a été déployée dans tout le pays. Les plans ont été dressés et exécutés conjointement avec la FIAS. Mais du côté de l'Armée nationale afghane, le ministre a révisé le plan, et alors j'ai accompagné le général Bismullah Khan pour aller voir chacun des corps afin de comprendre son plan et les ressources qui lui seraient nécessaires.
Donc, pour le développement de systèmes, si je peux employer cette expression, la surveillance opérationnelle de Kaboul est un processus en cours. Nous avons créé un centre opérationnel, auquel contribuent des aînés afghans. Les Afghans de Kandahar ne sont pas simplement abandonnés à leur sort.
Pour ce qui est du contrôle civil et militaire, ce qui est encourageant, c'est que chaque semaine, dans la province de Kandahar — et je pense qu'il en est de même dans la plupart des autres provinces aussi — il y a une réunion sur la sécurité de la province, présidée par le gouverneur, avec l'armée, la police, le NDS et la police frontalière. Tous les intervenants de la sécurité y assistent, et bien entendu la FIAS. C'est lors de ces réunions qu'il est décidé des priorités de la semaine, au plan des opérations militaires ou policières. Et l'exécutif, dans ce cas, est représenté par le gouverneur, ce qui est une façon intéressante de faire les choses.
Le général Howard a tout à fait raison de dire que l'inscription électorale est un exemple classique d'opération à grande échelle qui a commencé à Kaboul et a fait son chemin vers nous, sur le terrain.
Oui, il y a une énorme division de juge-avocat général au sein du quartier général de l'Armée nationale afghane. Il y a un système judiciaire militaire distinct, mais c'est encore un ouvrage inachevé. Comme je le disais plus tôt, il y a un cadre juridique au sein de l'armée afghane qui a un juge avocat général — c'est un brigadier général — et dans diverses unités brigades, il y a des officiers juridiques.
Le défi pour nous est de les mener à un certain niveau d'éducation qui leur permette d'assumer une fonction juridique, mais c'est un processus qui suit son cours. C'est important pour l'armée afghane, et c'est un pilier du travail qui nous prendra un certain de temps à réaliser.
J'aimerais seulement revenir un peu sur la dernière question que j'ai posée, soit où nous en sommes et où nous serons après 2011. Quelle vision avez-vous de votre travail de développement et de la relation entre la sécurité qu'assure l'OTAN, et notre EPR? Est-il concevable de pouvoir maintenir un rôle politique ou un rôle de développement à Kandahar, dans le cadre d'une EPR, sans que l'armée canadienne assure nécessairement la sécurité, mais que cette sécurité puisse être assurée par d'autres?
Théoriquement, oui, absolument pas. On peut poursuivre la démarche de développement et... mais soyons clairs: il faut absolument un module de sécurité dans l'EPA.
Non, non, je le comprends bien. J'accepte que c'est entendu.
Je reprends. On a l'impression, d'après diverses déclarations que font de hauts gradés de l'armée canadienne, qu'une part des pressions vient de ce que l'une des raisons pour lesquelles 2011 n'est pas seulement un impératif politique... c'est aussi un impératif militaire pour nos troupes, qui sont surchargées.
Je ne suis pas habilité à répondre à cette question. Il vaudrait mieux la poser au général Leslie, le commandant de l'armée, ou même au général Natynczyk, le chef de l'État-major. J'étais tout à fait concentré sur ce problème outre-mer, et allègrement oublieux de ce qui arrivait à l'institution ici.
Malheureusement, dès le 3 juillet, ce ne sera plus le cas.
Non, je vais au quartier général de l'armée. J'y serai plongé jusqu'aux orbites, et je répondrai probablement à la même question de votre part, monsieur, l'automne prochain.
Puis-je poser une question, par votre intermédiaire, monsieur le président, sur les élections prochaines, en août?
Quels problèmes potentiels de sécurité pouvez-vous entrevoir et quel y est le rôle des Forces canadiennes? Au sujet à la fois de l'armée et de la police afghane, est-ce qu'elles seront préparées à toute éventualité?
Voilà encore une excellente question à poser à l'actuel commandant. Cependant, j'en sais un peu sur ce sujet. Comme l'a signalé le général Howard, nous procédions à l'inscription électorale juste alors que je devais quitter les lieux. C'était terminé quand je suis parti.
L'inscription électorale — le mécanisme, le plan, l'agencement, tout le reste — est une démarche assez semblable à la tenue d'élections, en tant que telles. L'inscription a duré 30 jours, soit un mois, sans grand incident lié à la sécurité. Je regrette de ne pas avoir les chiffres, mais quelque chose de l'ordre de 300 000 personnes se sont inscrites, sur une population d'un million de personnes, dont la moitié seulement serait d'âge à voter. Je ne sais pas quel a été le chiffre final. Vous pourriez probablement l'obtenir assez facilement.
Là où je veux en venir, c'est que lorsqu'il y a des élections, si on peut assurer la sécurité de ces bureaux d'inscription électorale pendant 30 jours, on peut certainement assurer la sécurité des bureaux de scrutin pour une seule journée. Les insurgés — je ne veux provoquer personne ici — ne sont pas le genre d'organisation qui cible des dates importantes. Je ne sais pas pourquoi, mais ils n'ont rien fait le jour de l'Indépendance, et ils n'ont pas lancé d'importantes attaques coïncidant avec des anniversaires particuliers.
Je pense, de ma position actuelle à 10 000 kilomètres de là, que les élections peuvent se dérouler en toute sécurité avec les soldats qui sont sur le terrain, sans oublier encore une fois que bien sûr, la population affluera en masse sur les lieux le jour des élections. Il y a évidemment une perspective de la capitale, parce qu'il y a beaucoup de planification pour cela.
L'inscription des électeurs elle-même a remporté un succès énorme, avec la collaboration entre le ministre de l'Intérieur et celui de la Défense. Pour moi, selon une perspective afghane, ce qu'il y a eu de différent entre cette inscription électorale et la première tenue il y a quelques années, c'est que la sécurité était assurée par les Afghans. Nous étions en arrière-plan, prêts à intervenir. Quand un Afghan venait s'inscrire — ils n'y étaient pas tous tenus, seulement ceux qui n'étaient pas déjà inscrits — il se voyait entouré de forces de sécurité afghanes. Il y en avait un peu de l'OTAN, mais les dernières de celles-ci étaient uniquement des troupes de la coalition. Alors je pense qu'ils sont bien prêts pour les élections.
Cela s'est déjà fait pour l'inscription électorale. Pour eux, la tâche sera plus facile, comme le disait le général Thompson, une tâche d'une journée pour appuyer la tenue d'élections. C'est un progrès, parce que ce n'aurait pas été possible il y a deux ans, je pense.
J'ai deux questions à poser rapidement, j'espère, sur le rôle des compagnies privées de sécurité, parce que je ne comprends pas tout à fait leur relation avec nous, et avec l'armée afghane, en ce qui concerne l'entraînement. Il y a de l'embauche, mais qui la fait? De qui relèvent-ils, et quelle est leur rôle dans l'entraînement de l'armée afghane?
Certainement, selon la perspective de la CSTC-A, nous recourons à des experts-conseils qui nous aident tant à Kaboul, avec le quartier général, qu'avec l'entraînement. Je n'ai pas rencontré ou vu des entrepreneurs intervenir dans la conduite en tant que telle des opérations militaires. Mais comme nous manquions de monde, nous avons embauché plusieurs sous-traitants pour nous aider, avec beaucoup de succès. C'étaient surtout d'anciens militaires, et ils s'occupaient surtout de formation du personnel. Par exemple, avec l'arrivée des armes de l'OTAN et des véhicules blindés, ils possédaient de grandes compétences pouvant nous aider à assurer l'entraînement.
Je n'ai toutefois participé à aucune forme d'opération militaire avec des compagnies privées de sécurité. Nous ne les avons pas embauchées pour cela.
Non. La principale compagnie de la perspective occidentale est DynCorp, qui a participé à la formation de la police nationale afghane. Son principal mandat consiste à assurer la formation — vous l'avez peut-être entendu dire la semaine dernière, je suppose — au centre d'entraînement de Kandahar, juste en dehors de la grille d'entrée du terrain d'aviation.
Il pourrait y avoir un membre de DynCorp dans chacune des équipes d'encadrement de la police des États-Unis. Très franchement, je ne suis pas le mieux placé pour répondre aux questions sur leurs activités. Je pense que c'est surtout de la logistique; ce ne sont évidemment pas des opérations de combat. Mais je n'ai jamais eu de grands problèmes avec eux.
C'est plus un commentaire, mais peut-être pourrait-il contenir une question. Au sujet de l'inscription électorale, j'ai entendu exprimer des préoccupations relativement aux inscriptions excédentaires, si on peut dire, des craintes qu'il pourrait y avoir un mouvement au-delà de la frontière, et que bien plus d'hommes — si on regarde la ventilation des sexes, le nombre d'hommes qui se sont inscrits pour voter comparativement aux femmes — s'inscrivaient à la liste électorale. Les commentaires que j'ai entendus étaient que c'était principalement des hommes qui allaient s'inscrire au nom de leurs femmes, et on craignait que des gens traversent la frontière du Pakistan pour s'inscrire.
Je me demande si vous en avez entendu parler, et si c'est vrai?
Je ne sais pas si il y a lieu de s'en inquiéter. Je peux vous parler de M. Wasifi, qui était de la commission électorale indépendante, bien évidemment un Afghan. Il assistait chaque semaine à la réunion hebdomadaire sur la sécurité de la province pour nous parler des progrès du nombre d'électeurs qui s'inscrivaient, ou encore d'où on en était dans la planification, et quoi encore. C'était un homme très positif, parce que c'est lui qui avait mené à bien le processus en 2004.
Mais non, je n'ai pas de détails. Il ne m'a jamais rien dit de cette nature.
Messieurs, nous apprécions que vous soyez venus. Le mandat de ce comité consiste notamment à renseigner les Canadiens sur ce qui se passe. Notre réunion était télévisée. Vos réponses franches et sans réserve ont été appréciées. Je suis convaincu qu'elles ont su mieux informer les Canadiens sur nos activités là-bas.