:
Monsieur le président, membres du comité, collègues...
[Français]
bonjour. Je tiens à remercier les membres du comité de m'avoir invité à présenter brièvement le cadre juridique régissant le transfert des détenus au gouvernement de l'Afghanistan. Je présenterai d'abord brièvement le rôle du juge-avocat général, le JAG, puis je parlerai du cadre juridique.
[Traduction]
La Loi sur la défense nationale prévoit que le juge-avocat général — JAG — doit être nommé par le gouverneur en conseil. Je joue le rôle de conseiller juridique auprès de la Gouverneure générale, du ministre de la Défense nationale, du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes pour tout ce qui a trait au droit militaire.
Le terme « droit militaire» englobe l'ensemble des lois internationales et nationales qui concernent les Forces canadiennes et qui ont trait, notamment, à leur gouvernance, à leur administration et à leurs activités. Le droit militaire comprend le droit des conflits armés appliqué aux opérations, qui est l'ensemble des lois nationales et internationales s'appliquant aux opérations réalisées par les Forces canadiennes au Canada et à l'étranger.
Je suis également chargé de contrôler l'administration de la justice militaire au sein des Forces canadiennes. Comme l'ancien juge en chef Lamer l'a reconnu dans son rapport de 2003 sur le système de justice militaire, le JAG a des responsabilités semblables à celles d'un procureur général. Tous les avocats militaires du cabinet du Juge-avocat général sont placés sous mon commandement, y compris ceux qui se rendent en Afghanistan afin de conseiller les commandants canadiens quant aux opérations des Forces canadiennes.
[Français]
Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter d'une question fondamentale, soit la Loi sur le transfert des détenus aux autorités afghanes, et des préoccupations quant à la possibilité que certains détenus soient transférés lorsqu'ils risquent d'être torturés.
Malgré la complexité factuelle et juridique de cet enjeu, certains principes juridiques fondamentaux sont clairement établis. Je vais les énoncer succinctement.
[Traduction]
La torture est une pratique horrible qui ne doit en aucun cas être tolérée. L'interdiction de pratiquer la torture est une norme de droit international impérative à laquelle on ne peut déroger. Le transfert de détenus vers un endroit où il y a un risque réel de torture ou de mauvais traitement est contraire au droit international humanitaire — le DIH —, que l'on appelle aussi droit de la guerre ou le droit des conflits armés. Il s'agit de l'ensemble des règles spécialisées qui régissent la conduite des Canadiens, des fonctionnaires et des membres des Forces canadiennes dans le cadre du conflit armé en Afghanistan. Les politiques et procédures que les Forces canadiennes ont mises en place en Afghanistan et le critère juridique qui doit être appliqué pour que des détenus puissent être transférés visent à assurer le respect de ces obligations juridiques internationales.
Les tribunaux canadiens ont récemment été saisis de la question du transfert des détenus. L'affaire Amnistie internationale Canada et British Columbia Civil Liberties Association c. Chef d'état-major de la Défense des Forces canadiennes, ministre de la Défense nationale et procureur général du Canada, que j'appellerai l'affaire Amnistie, concerne la question de l'application extraterritoriale de la Charte canadienne des droits et libertés. La juge Mactavish de la Cour fédérale a soutenu que la Charte n'accordait aucun droit aux non-Canadiens détenus par les Forces canadiennes en Afghanistan. Elle a souligné que les droits conférés aux détenus étaient plutôt ceux établis par la Constitution afghane et le droit international, plus particulièrement le DIH. La Cour d'appel fédérale a confirmé son jugement le 17 décembre 2008, et la Cour suprême du Canada a refusé d'accorder l'autorisation d'interjeter appel le 21 mai 2009. C'est le droit canadien.
Dans son jugement, la Cour fédérale a examiné les fondements juridiques relatifs à la présence du Canada en Afghanistan. Ces fondements confirment qu'en ce qui concerne la présence canadienne et les opérations des Forces canadiennes en Afghanistan, l'autorité repose sur trois fondements étroitement liés provenant du droit international: le droit naturel de défense légitime individuelle ou collective, l'autorité émanant des résolutions du Conseil de sécurité et le consentement du gouvernement de l'Afghanistan.
La résolution 1386 du Conseil de sécurité de l’ONU, de 2001, autorise la mise en place de la Force internationale d'assistance à la sécurité — FIAS. Dans les résolutions suivantes, le Conseil de sécurité a renouvelé le mandat de la FIAS, qui consiste à « aider» et à « soutenir» le gouvernement afghan en ce qui concerne le « maintien de la sécurité» en Afghanistan. Il a également permis aux états autorisés, membres de la FIAS, de prendre « toutes les mesures nécessaires » à l'accomplissement de ce mandat.
La participation de l'Afghanistan au Pacte de l'Afghanistan de 2006 et, plus particulièrement, les arrangements techniques passés entre le Canada et l'Afghanistan le 18 décembre 2005 prouvent que le gouvernement afghan accepte la présence et les opérations des Forces canadiennes. Cela montre également qu'il soutient et qu'il accepte les résolutions du Conseil de sécurité qui autorisent la mise en place de la FIAS. Plus particulièrement, les arrangements techniques établissent que l'objectif global de l'aide canadienne au gouvernement de l'Afghanistan comprend les objectifs opérationnels suivants:
Aider le gouvernement de l'Afghanistan à assurer la sécurité et la stabilité dans le pays et à soutenir les activités de reconstruction....
Ils soutiennent le fait que le gouvernement de l'Afghanistan comprend que le personnel canadien peut prendre les mesures qu'il juge nécessaires, notamment l'utilisation d'une force létale et la détention de personnes, de manière à atteindre ses objectifs opérationnels. Les arrangements techniques établissent clairement ce qui suit:
[i]l serait accordé aux détenus le même traitement qu'aux prisonniers de guerre. Les détenus seraient transférés aux autorités afghanes conformément au droit international et sous réserve des assurances négociées concernant leur traitement et leur transfèrement.
Le fait d'indiquer que les détenus recevront le même traitement que les prisonniers de guerre ne signifie pas qu'ils ont le statut de prisonniers de guerre. Cela indique plutôt que la protection du droit international, qui est bien en place et complète, est étendue à ces détenus.
Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Pacte de l'Afghanistan et les arrangements techniques réaffirment tous le respect de la communauté internationale et du Canada pour la souveraineté et l'indépendance afghanes, et leur engagement à cette fin. Ces documents reflètent la compréhension commune du fait que la responsabilité d'assurer la sécurité, la primauté du droit et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales revient au gouvernement de l'Afghanistan; le rôle de la communauté internationale, y compris le Canada, consiste à aider le gouvernement de l'Afghanistan à assumer ces responsabilités, et à le soutenir dans cette voie.
Les opérations et les activités des Forces canadiennes en Afghanistan ont lieu dans un contexte de conflit armé auquel prennent part le gouvernement de l'Afghanistan, la FIAS et la coalition de l'opération Enduring Freedom contre certains éléments des groupes armés organisés talibans, d'Al-Qaïda et autres. La caractérisation du conflit armé fait l'objet d'un important débat à l'échelle internationale. Toutefois, en ce qui concerne le litige de l'affaire Amnistie, le gouvernement du Canada a accepté la proposition des demandeurs visant à caractériser le conflit de conflit armé intérieur.
[Français]
Plus particulièrement, la cour a conclu que le Canada n'est pas une puissance occupante en Afghanistan. Les Forces canadiennes n'exercent pas de contrôle effectif sur le territoire afghan. C'est le gouvernement de l'Afghanistan, et non le gouvernement du Canada, qui exerce les pouvoirs publics gouvernementaux. À une exception près, le gouvernement de l'Afghanistan n'a pas consenti à appliquer le droit canadien ou à exercer la juridiction canadienne en Afghanistan. Cette exception concerne les infractions commises par le « personnel canadien ».
[Traduction]
La Cour a déterminé qu'en vertu des arrangements techniques, la détention de personnes d'intérêt opposé ou qui soutiennent des actes préjudiciables aux Forces canadiennes et aux forces coalisées, ainsi que le transfert en Afghanistan de ces personnes, doivent être effectués conformément au droit international. Avant le transfert, les détenus sont gardés dans un établissement temporaire canadien, dans une base multinationale. La décision de transférer ces personnes revient au commandant canadien de la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan, qui la prend au cas par cas.
La Cour a remarqué que les gouvernements canadien et afghan ont convenu de leurs obligations juridiques à l'échelle internationale dans un ensemble de documents portant sur le transfert des détenus. Le 18 décembre 2005, le ministre afghan de la Défense et le chef d'état-major de la Défense du Canada ont signé un arrangement qui établit les procédures de transfert d'un détenu sous la garde des Forces canadiennes vers un établissement de détention dirigé par les autorités afghanes.
L'arrangement reflète l'engagement du Canada à travailler en collaboration avec le gouvernement afghan pour assurer un traitement humain des détenus, tout en reconnaissant qu'il incombe à l'Afghanistan de soutenir et de protéger les détenus qui sont sous sa garde. Cet arrangement établit, entre autres, que le Comité international de la Croix-Rouge —CICR — a le droit de rendre visite aux détenus en tout temps pendant que ces derniers sont sous la garde des Forces canadiennes ou des forces afghanes.
En février 2007, les Forces canadiennes ont signé, avec la Commission indépendante des droits de l'homme en Afghanistan — CIDHA —, un échange de lettres traitant du rôle de cette dernière dans la surveillance des détenus. On y prévoit aussi qu'elle doit avertir immédiatement les Forces canadiennes si elle apprend qu'un détenu dont la garde a été reprise du Canada a subi un mauvais traitement.
Le 3 mai 2007, le Canada et l'Afghanistan ont signé un deuxième arrangement régissant le transfert des détenus des Forces canadiennes. Cet arrangement est un complément au premier arrangement concernant les détenus, qui demeure en vigueur. Aux termes du deuxième arrangement, les détenus transférés par les Forces canadiennes doivent être gardés dans un nombre limité d'installations, afin que l'on puisse assurer le suivi de chacun d'eux.
Il prévoit, par ailleurs, que les membres du personnel de la CIDHA, du CICR et du gouvernement du Canada doivent tous avoir accès aux personnes dont la garde est passée du Canada à l'Afghanistan.
Toujours selon le deuxième arrangement, les représentants du Canada doivent approuver tout transfert d'un détenu dont la garde serait déjà passée du Canada à l'Afghanistan vers un troisième pays.
Enfin, il prévoit que le gouvernement de l'Afghanistan doit enquêter sur toute allégation de mauvais traitement envers des détenus sous la garde afghane, et que les personnes responsables du mauvais traitement des prisonniers seront poursuivies en justice conformément à la loi afghane et aux normes juridiques internationales en vigueur.
L'un des points particulièrement inquiétants dans l'affaire Amnistie est le fait qu'on laisse entendre que les autorités afghanes sont susceptibles de torturer les détenus que les Forces canadiennes leur transfèrent. En droit international, on trouve un aspect commun dans toutes les définitions de la torture. Selon la définition qui se trouve dans l'article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants — la CCT —, dont le Canada est un État partie, il s'agit de tout acte ou omission par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination, quelle qu'elle soit. C'est aussi à cette définition que se résume celle de l'infraction de torture, à l'article 269.1 du Code criminel.
Dans le DIH, autant classique que coutumier, la torture est interdite, quelles que soient les circonstances. Il est communément admis que la définition de la torture du DIH est essentiellement la même que celle de la Convention contre la torture.
Outre la torture, le DIH interdit d'autres formes de mauvais traitement, comme le traitement cruel et les atteintes à la dignité de la personne. Les Forces canadiennes continuent de prêter une attention particulière à cette question.
Le transfert de détenus est une responsabilité d'État et concerne l'ensemble du gouvernement. En effet, sur le terrain, en Afghanistan, les questions touchant les détenus concernent non seulement les Forces canadiennes, mais aussi le MAECI, le SCC et la GRC. Le cabinet du JAG agit dans le cadre d'une équipe juridique élargie du gouvernement du Canada, dont le ministère de la Justice, le BCP et le MAECI sont aussi membres.
Le critère juridique qui doit être appliqué avant que les Forces canadiennes ne puissent transférer un détenu aux autorités afghanes, critère que la Cour fédérale du Canada et la Cour d'appel fédérale ont confirmé dans l'affaire Amnistie, est clair: le commandant de la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan doit être convaincu qu'il n'existe pas de motifs sérieux de croire qu'il existe un risque réel que le détenu soit torturé ou subisse d'autres formes de mauvais traitement sous la garde des autorités afghanes. Pour ce faire, il doit analyser des données provenant de diverses sources, notamment le MAECI et d'autres ministères du gouvernement. En novembre 2007, par exemple, l'un de ceux-ci faisait état d'une allégation crédible de mauvais traitement lors d'une visite de surveillance, ce qui a entraîné l'interruption des transferts. Ces derniers ont repris en février 2008.
Il y a lieu de répéter que le Canada n'a pas fait cavalier seul dans son engagement en Afghanistan: il fait partie d'un regroupement de 42 états dirigé par l'OTAN, sanctionné par l'ONU, qui évolue dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité — la FIAS — et travaille en étroite collaboration avec les forces armées des États-Unis dans le cadre de l'opération Enduring Freedom. Comme le Canada, les autres partenaires de la FIAS procèdent au transfert de détenus au gouvernement de l'Afghanistan.
[Français]
En résumé, monsieur le président, il faut souligner que, comme l'a établi la juge Mactavish dans l'affaire Amnistie, et comme l'a confirmé la Cour d'appel fédérale, il n'y a pas de « vide juridique » concernant le transfert des détenus au gouvernement de l'Afghanistan. C'est le droit international humanitaire qui s'applique. Le Canada a « mis en application » le texte de loi de ce code en créant des dispositions et des procédures afin de garantir la protection des détenus transférés par les Forces canadiennes.
[Traduction]
Maintenant que je vous ai fait part de mes commentaires sur le cadre juridique régissant le transfert des détenus, j'aimerais indiquer au comité qu'une bonne part de mon travail est protégée par le secret professionnel de l'avocat. Tel que l'a souligné la Cour suprême du Canada :
le secret professionnel de l'avocat est essentiel au bon fonctionnement de notre système juridique;
il doit être aussi absolu que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent.
Par conséquent, je sollicite la compréhension du comité à cet égard.
Enfin, il est évident que les conflits armés d'aujourd'hui, et en particulier la situation complexe en Afghanistan sur le plan de la sécurité, comportent des défis opérationnels et juridiques. Toutefois, je souhaite souligner que les femmes et les hommes courageux qui servent le Canada sous mon commandement sont déterminés, tout comme moi, à s'assurer que les Forces canadiennes sont en mesure de respecter leurs obligations juridiques internationales. Je sais que les autres membres des Forces canadiennes ont fait preuve d'un grand professionnalisme dans leur façon de traiter les détenus. Le respect de la primauté du droit constitue un aspect essentiel au cours des opérations des Forces canadiennes. D'ailleurs, l'une des principales raisons pour lesquelles nous sommes présents en Afghanistan est de promouvoir ce respect.
[Français]
Voilà qui conclut, monsieur le président, mon mot d'ouverture. Si les membres du comité ont des questions à ce sujet, je serai heureux d'y répondre.
Merci.
Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd’hui pour vous présenter un aperçu des articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Ces articles traitent de la mise en équilibre des intérêts dans les cas où la divulgation de renseignements, dans le cadre d'une instance, pourrait se révéler préjudiciable au regard de raisons d'intérêt public déterminées ou nuire aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.
Aux termes de l'article 37 de la Loi, tout ministre fédéral ou tout fonctionnaire peut s'opposer à la divulgation de renseignements auprès d'un tribunal, d'un organisme ou d'une personne ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements, pour des raisons d'intérêt public déterminées. En cas d'opposition, le tribunal, l'organisme ou la personne veille à ce que les renseignements ne soient pas divulgués, sauf en conformité avec la loi sur la preuve au Canada. La Cour fédérale ou la Cour supérieure, selon le cas, tranchera la question. L'article indique de façon assez détaillée comment le tribunal doit prendre sa décision, en soupesant les intérêts en jeu.
L'article 37 peut être invoqué pour assurer la protection de renseignements sur l'identité d'informateurs, les façons de faire de la police, les enquêtes en cours et les rapports confidentiels avec des organismes étrangers chargés de l'application de la loi.
Je vais maintenant me tourner vers l’article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. En common law, la nécessité de protéger les renseignements sur la sécurité nationale est depuis longtemps comprise et reconnue. En 1970, le Canada a codifié le privilège de la Couronne dans la Loi sur la Cour fédérale. En 1982, le prédécesseur de l'actuel article 38 a été adopté. En 2001, d'autres modifications ont été apportées.
L'article 38 établit un code de procédure en vue d'aider toutes les parties et les personnes participant à une instance où il pourrait y avoir divulgation de renseignements préjudiciables aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.
De nouveaux éléments ont été ajoutés en 2001, notamment l'obligation de fournir un avis au procureur général du Canada lorsqu'il est prévisible que la divulgation de renseignements, dans le cadre d'une instance, est susceptible de porter préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales. Une disposition supplémentaire prévoit que les juges doivent examiner diverses options pour favoriser les intérêts publics rattachés à la divulgation de renseignements et à la protection de ces renseignements.
Une autre disposition prévoit la possibilité, pour le procureur général du Canada, de délivrer personnellement un certificat interdisant la divulgation de renseignements, mais seulement après la prise d'une ordonnance ou d'une décision qui entraînerait la divulgation de ces renseignements.
Enfin, le procureur général du Canada se voit conférer le pouvoir de poursuivre dans les cas où des renseignements confidentiels et potentiellement préjudiciables pourraient être révélés.
Bien que de nouveaux éléments aient été ajoutés, les réformes prennent appui sur l'ancien régime de la Loi sur la preuve au Canada. Les renseignements en jeu et les intérêts à protéger demeurent les mêmes. Ces causes continuent d'être instruites par le juge en chef de la Cour fédérale ou par un juge de ce tribunal que désigne le juge en chef à cette fin. Le critère de la pondération des raisons d'intérêt public dans la décision de divulguer ou non les renseignements n'a pas été modifié.
Les modifications de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada avaient pour but d'améliorer le régime relatif à l'utilisation et à la protection des renseignements au titre de l'article 38. Elles ont été conçues pour assouplir le système, pour permettre aux parties de régler les questions de preuve au début de l'instance et pour améliorer la capacité de l'administration fédérale de se protéger contre la divulgation des renseignements qui concernent les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationales.
La Loi sur la preuve au Canada prévoit que tout participant, dans le cadre d'une instance ou relativement à celle-ci, est tenu d'aviser le procureur général du Canada par écrit, le plus rapidement possible, de la possibilité de divulguer des renseignements qu'il croit être de nature délicate ou potentiellement préjudiciables. La divulgation des renseignements visés par l'avis est interdite, à moins que cette divulgation n'ait été autorisée par écrit par le procureur général du Canada.
Le procureur général du Canada peut, sous réserve de toutes conditions qu'il considère appropriées, autoriser la divulgation de la totalité ou d'une partie des renseignements. Pour prendre cette décision, le procureur général du Canada applique le même critère que la Cour fédérale, c’est-à-dire que le procureur général établit si la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales; le cas échéant, le procureur général examine si les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation.
Si le procureur général du Canada soit n'a pas autorisé la divulgation de tous les renseignements à l'égard desquels un avis a été donné, soit a autorisé sa divulgation sous réserve de conditions, soit n'a pas pris de décision, alors la Cour fédérale peut être saisie de la question.
Le procureur général du Canada peut — et doit, à l'occasion — également demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance portant sur la divulgation de renseignements de nature délicate ou potentiellement préjudiciables. Le participant ou la personne qui demande la divulgation peut présenter une demande semblable. Cependant, il incombe au procureur général du Canada de prouver le préjudice probable aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.
Si la Cour fédérale conclut que la divulgation des renseignements peut entraîner un préjudice, elle doit déterminer si les raisons d'intérêt public qui justifient leur divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient leur non-divulgation. Il s'agit du même critère qui était appliqué avant les modifications de 2001.
Si les raisons justifiant la divulgation l'emportent, la Cour peut rendre une ordonnance portant sur la divulgation, mais elle doit le faire de la façon la plus susceptible de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, sous réserve de toutes conditions qu'elle estime appropriées. Par exemple, le juge pourrait ordonner la divulgation d'une partie ou d'un résumé des renseignements ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés. Le procureur général du Canada ne peut exercer cette option lorsqu'il rend sa décision.
L'objectif visé consiste à permettre une utilisation des renseignements au cours des instances de sorte que, dans la mesure du possible, ils servent l'intérêt public à la divulgation et l'intérêt public à la non-divulgation. Si la Cour conclut qu'il est dans l'intérêt public de ne pas autoriser la divulgation des renseignements, elle confirmera l'interdiction de divulgation.
Il peut être interjeté appel d'une ordonnance de la Cour fédérale devant la Cour d'appel fédérale, et on peut demander l'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada.
En terminant, je voudrais vous donner quelques exemples de renseignements que la Cour a trouvé préjudiciables en vertu de l'article 38. Ces exemples incluent notamment des renseignements qui révèlent ou pourraient révéler l'identité d'une source confidentielle de renseignements; les cibles d'enquête; les méthodes de fonctionnement et les techniques d'enquête; l'identité des employés participant à des activités secrètes; les renseignements fournis à titre confidentiel par des organismes étrangers; l'existence d'une relation confidentielle avec un organisme étranger; des relations diplomatiques confidentielles; les opérations militaires; les techniques militaires et les renseignements reçus à titre confidentiel de la part des alliés.
Voilà un aperçu des articles 37 et 38.
Merci.
:
Monsieur le président, je trouve que ça commence vraiment mal. Moi aussi, il faudrait que je parle en présence de mon avocat, parce que je trouve que c'est parti du mauvais pied.
Je veux toutefois soulever des questions quand même importantes auprès de MM. Watkin et Breithaupt.
J'aimerais qu'on fasse, comme à la cour, l'admission des faits. Je ne sais pas si vous connaissez cette façon de faire. Comme avocats, vous devez connaître ça. Il faut que vous compreniez — je m'adresse aux témoins, monsieur le président —, que la Chambre des communes a un rôle traditionnel à jouer, celui de grand enquêteur. Nous, tous les députés, sommes des grands enquêteurs. Le gouvernement et la Couronne, eux, sont les protecteurs du royaume — je trouve que c'est une belle entrée en matière —, et vous avez le droit de protéger votre royaume, ou ceux qui sont derrière vous et qui vous mandatent ont le droit de protéger leur royaume. Or, à titre de grand enquêteur, je n'ai pas perçu dans votre présentation l'ouverture pour qu'on ait justement une grande enquête.
Je veux vous rappeler des principes importants qu'il faudrait mettre sur la table. Voilà pourquoi je dis: faisons une admission des faits.
Si une loi devait permettre à des ministres ou au gouvernement de dissimuler des renseignements au Parlement, cela donnerait au gouvernement la possibilité de se prévaloir de la loi et de se soustraire à son obligation de rendre compte à la Chambre. En cet instant, je suis plongé dans le droit parlementaire et je veux que vous sachiez que le droit parlementaire aura bientôt préséance sur votre droit à vous. En effet, nous sommes frappés ici par la légitimité des élus. Le gouvernement a le droit de défendre son royaume, mais nous avons le droit d'aller au fond d'une enquête, et c'est ce qu'il faut faire.
Il y a un deuxième principe. Lorsqu'une disposition législative prévoit dans son libellé qu'elle s'applique aux travaux parlementaires, la Chambre et ses comités ont la faculté de décider si la loi s'applique à leurs travaux et comment elle s'applique. Ça va très loin ça. Ça veut dire que vous ne pourriez pas invoquer la loi pour dire que vous ne pouvez pas répondre à nos questions. Ça va avoir préséance. C'est nous qui allons avoir préséance ici. Il faut que vous vous en rendiez compte.
Je ne veux pas vous mettre au pied du mur, mais il y a plus. Dans le cas des lois et dispositions relatives à la sécurité nationale... Et on va aller au fond de la sécurité nationale, parce que nous, les députés ici, sommes tannés de nous faire dire qu'on ne peut pas nous dire telle chose en raison de la sécurité nationale. Vous allez bientôt devoir la justifier, cette sécurité nationale, et c'est nous qui allons l'exiger, en tant qu'élus du peuple et détenteurs du droit parlementaire —, qui est très important.
De quelle façon, dans quelles circonstances, les dispositions s'appliqueront-elles à la Chambre ou à ses comités, si elles s'appliquent? Ce sera notre décision à nous. Les décisions de la Chambre ou de ses comités à cet égard ne peuvent faire l'objet d'aucun contrôle par un tribunal. Ça veut dire que vous ne pourriez même pas passer la porte ici et dire à vos mandataires que vous allez devant un tribunal parce que vous ne voulez pas répondre à des questions du Comité permanent de la défense nationale. Vous ne pourriez pas faire ça.
Je ne sais pas si vous êtes prêts à répondre à mes questions, mais je peux vous donner du temps pour reconsidérer les choses et aller auprès de vos mandataires leur demander si ce que j'ai dit est vrai. Vous verrez que ce que je dis est vrai.
Serez-vous prêts à répondre à l'ensemble des questions concernant la sécurité nationale? Et convenez-vous de mon interprétation? Admettez-vous les faits, à savoir que les principes parlementaires que je viens d'énoncer vont au-delà de vos droits sur le plan juridique? Reconnaissez-vous cela? Si vous voulez prendre cela en délibéré et me répondre plus tard, ça ne me pose aucun problème. Cependant, je veux qu'on tranche cette question dès le départ.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, général Watkin. Je suis heureux de vous revoir, après presque 30 ans, si je ne m'abuse.
Je présume que ce que vous venez de dire est exact, à savoir que le droit humanitaire international s'applique de toute façon, et que la question de savoir s'il s'agit ou non de prisonniers de guerre n'entre pas vraiment en ligne de compte en ce qui concerne l'application de la loi au chapitre de la prévention de la torture dans cette circonstance particulière. Je tiens pour acquis que cela est exact.
Je vais tenter d'adopter une approche un peu différente de celle de M. Dosanjh et de M. Bachand. Durant votre exposé, vous avez indiqué que, en plus de jouer le rôle de conseiller juridique auprès de diverses instances gouvernementales, par exemple la Gouverneure générale, vous étiez chargé de contrôler l'administration de la justice militaire au sein des Forces canadiennes, et que, en outre, tous les avocats militaires du bureau du JAG étaient placés sous votre commandement, y compris ceux qui se rendent en Afghanistan. Vous assumez des tâches administratives et opérationnelles, qui comprennent, je le présume, le fait de veiller à ce que la justice militaire soit administrée de façon telle que des poursuites sont intentées contre les personnes qui enfreignent la loi ou celles qui participent à de telles infractions.
Compte tenu de cela, j'aimerais porter à votre attention un affidavit déposé par M. Richard Colvin, diplomate, à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, plus précisément le paragraphe 40 et les suivants. M. Colvin indique qu'il a envoyé un certain nombre de notes de service, mais que ces notes de service étaient spécifiquement adressées au Grand prévôt en charge de la police militaire et aux conseillers juridiques civils, qu'il appelle des CJ ou des JAG, qui sont responsables des aspects juridiques de la gestion des détenus.
Je souligne également que, dans l'unique rapport de M. Colvin qui a été rendu public, et qui a été déposé à la Cour fédérale, il est indiqué ce qui suit dans l'en-tête: « QGDN OTT SMA: A l'intention de Vincent Rigby. À transmettre également au JAG. »
Dans l'affidavit en question, M. Colvin indique qu'il a visité des prisons et qu'il a été témoin d'actes de torture. Il mentionne également que des gens lui ont signalé avoir été témoins d'actes de torture et avoir vu des gens portant des blessures attribuables, selon eux, à des mauvais traitements.
Ainsi, estimez-vous que, à titre de responsable de l'administration de la justice militaire, et, je le présume, de la conformité des personnes sous votre responsabilité avec le droit international, il vous aurait incombé de faire quelque chose pour remédier à cette situation, si vous en aviez été informé? Ces informations vous ont-elles été transmises? Avez-vous pris une quelconque mesure pour y donner suite?
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En ce qui concerne la question de M. Obhrai touchant les serments, je dois dire que je ne suis pas certain de savoir de quels serments il parle, et j'ignore à combien de serments il est assujetti.
De toute évidence, vous êtes d'abord et avant tout un parlementaire, et l'on pourrait dire que, comme vous représentez la population en général, vous devez vous assurer qu'aucun serment ne nuit à votre travail. Indépendamment de cela, en ce qui concerne le fait de prêter serment alors que vous n'êtes pas membre du Cabinet, même si ce que vous vous apprêtez à dire devant le comité, durant un débat parlementaire ou durant un débat à la Chambre, constituait, aux yeux de quelques-uns, une violation du serment que vous avez prêté, ces propos ne pourraient pas être retenus contre vous et être utilisés à titre de preuve entraînant la prise de mesures disciplinaires pour violation de serment.
Vous devez vous poser la question suivante: quel est mon principal devoir? Servir les gens envers qui j'ai prêté serment ou servir les gens que je représente à titre de parlementaire? Ces deux devoirs peuvent entrer en conflit lorsque nous sommes mis en présence de renseignements confidentiels. Nous savons tous que les membres du Cabinet possèdent des renseignements confidentiels, mais ils ont le statut de ministre d'État, et on s'attend à ce qu'ils ne divulguent pas en Chambre les documents confidentiels du Cabinet et les documents d'État confidentiels dont ils disposent. Toutefois, même s'ils divulguaient ces documents, aucune action en justice ne pourrait être intentée contre eux. Le Premier ministre serait probablement très mécontent, mais aucune mesure ne pourrait être prise contre un tel ministre.
Tout ce que j'essaie de dire, c'est que vous n'avez pas à le faire. Un peu plus tôt, monsieur ici présent, a parlé du secret professionnel qui le lie à ses clients à titre d'avocat. Aucune mesure ne pourrait être prise contre lui s'il divulguait des renseignements protégés par le secret professionnel, manquant ainsi, aux yeux de certaines personnes, à son devoir envers le Barreau. Ce qui se dit ici, devant le comité, doit demeurer ici. Les renseignements divulgués ne peuvent être utilisés à l'extérieur. C'est le coeur du principe dont nous parlons: les renseignements divulgués ici ne peuvent être utilisés ailleurs. Vous bénéficiez d'une immunité, si vous voulez.
Cela dit, en votre âme et conscience, vous vous direz peut-être: très bien, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une violation de serment; j'ai prêté serment, mais j'ai tout de même décidé de divulguer ces renseignements, et, par conséquent, j'ai commis une violation de serment. Eh bien, il revient à chacun de résoudre ses propres dilemmes moraux. Vous pourriez vous demander pourquoi vous avez prêté ce serment et si ce serment est incompatible avec votre devoir parlementaire, mais cela est une autre question.
:
Merci, monsieur le président. Merci au groupe de témoins.
Je ne suis pas un avocat — je suis seulement un vieux policier. Au cours des débats d'aujourd'hui, j'ai entendu quelques banalités. La première, c'est que si vous rencontrez deux avocats, vous obtiendrez trois opinions différentes. Je pense qu'on a entendu cela. J'ai également entendu dire que les policiers avaient tendance à être des personnes gentilles et aimables, qui ne vous crient jamais après. Enfin, il faut faire une distinction entre une enquête et une inquisition, et je crois que ce qui se passe ici ressemble presque à une inquisition.
J'ai examiné les documents que vous nous avez fournis, et, à ce propos, j'estime que Mme Lalonde a soulevé un point important. Si vous examinez l'entente de 2007, au paragraphe 10 si je ne m'abuse, il est question de l'obligation qu'ont les gens de présenter leurs allégations au gouvernement de l'Afghanistan. À mon avis, tout ce que nous avons vu — comme en témoignent, je crois, les commentaires du brigadier général, reflète l'opinion commune selon laquelle le gouvernement de l'Afghanistan a la responsabilité de fournir aux Afghans... etc.
Ainsi, pour revenir à la question de Mme Lalonde, qui voulait savoir si des accusations pourraient être portées contre des Canadiens, j'aimerais souligner que je n'ai eu connaissance d'aucune allégation selon laquelle des Canadiens auraient commis des actes de torture à l'endroit de détenus. À cet égard, lorsqu'on examine tout ce qui est en train de se passer — et je crois que vous avez démontré que la Convention de Genève concernait les pays en guerre et des conflits opposant des forces en uniforme —, toutes les ententes dont nous disposons sont unilatérales. Nous sommes conscients de cela; nous comprenons cela, et nous savons que cela est important pour nous. Mais ces ententes ne s'appliquent pas aux insurgés — ceux-ci ne respectent aucune condition de ces ententes.
Au vu de tout ce que nous avons entendu aujourd'hui et des questions qui vous ont été posées, j'aimerais vous poser la question suivante, que vous puissiez ou non y répondre: en ce qui concerne le transfert des détenus afghans aux autorités afghanes, les Canadiens pourraient-ils être tenus responsables, au bout du compte et à quelque égard que ce soit, des actes qu'ils ont posés?
Si les gens suivent les règles qui sont en place — et il me semble que nous avons des obligations à respecter —, ce sont les autorités afghanes qui sont responsables en dernier ressort du traitement des détenus. J'aimerais savoir si vous pouvez fournir une réponse et en dire plus long à ce sujet.