FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 25 avril 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Avant de commencer, il y a un point que j'aimerais porter à l'attention des membres du comité. J'ai appris que c'est très probablement la dernière journée officielle de travail de Claudia, notre interprète. Claudia est sur le point de prendre sa retraite, et je crois comprendre qu'il s'agirait de sa dernière journée aujourd'hui. Toutefois, nous pourrions être honorés de la présence de Claudia dans l'avenir. Elle me dit qu'elle reviendra travailler à temps partiel, alors nous pourrions probablement la revoir.
Claudia, au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier grandement d'avoir si bien servi le comité pendant toutes ces années. Sincèrement, lorsque je suis arrivé ici, on m'a dit que vous étiez une véritable institution. À coup sûr, vous n'en faites pas tout un plat, et vous me l'avez fait savoir.
Mesdames et messieurs, membres du comité, offrons nos plus chaleureux remerciements à Claudia.
Des voix: Bravo, bravo!
Le président: Claudia, je vais maintenant mettre les écouteurs si vous souhaitez dire quelque chose.
[Français]
[Traduction]
Merci, Claudia.
Nous accueillons aujourd'hui deux témoins: MM. Ricciardi et Johnson.
Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps -—malgré votre horaire chargé — de venir témoigner devant le comité aujourd'hui. Les membres du comité ont certes très hâte d'entendre votre exposé et de vous poser des questions au sujet de l'étude que nous menons sur les espèces envahissantes.
Monsieur Ricciardi, vous pouvez commencer. Je crois que le greffier vous a expliqué que vous avez généralement environ 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire, et, ensuite, les membres vous posent des questions. Excusez-moi d'avance si je vous interromps. Par souci d'équité, les membres doivent respecter le temps qui leur est alloué, et je fais tout mon possible pour ne pas interrompre les témoins. Les membres sont parfois intarissables, et je vous remercie d'avance de votre collaboration.
Monsieur Ricciardi, allez-y lorsque vous êtes prêt.
Je m'appelle Anthony Ricciardi. Je suis professeur de biologie à l'Université McGill. J'étudie les espèces envahissantes depuis 20 ans. Mes travaux de recherche portent sur les effets des invasions sur les milieux aquatiques.
Je voudrais attirer votre attention sur quelques aspects importants.
D'abord, des preuves irréfutables indiquent que le phénomène des invasions s'accentue partout dans le monde, particulièrement dans les grands systèmes aquatiques comme les Grands Lacs. Les Grands Lacs subissent des invasions depuis environ deux siècles, et on a découvert de plus en plus d'espèces non indigènes au fil du temps.
Depuis l'ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent, en 1959, on a découvert une nouvelle espèce envahissante tous les sept mois, en moyenne. Ce taux est supérieur à ceux enregistrés pour tout autre réseau d'eau douce pour lequel nous avons des données historiques.
Depuis la fin du XIXe siècle, au moins 187 espèces non indigènes ont envahi les Grands Lacs. Il s'agit de plantes, de poissons, d'invertébrés et de divers types de microbes, y compris des agents pathogènes.
Toutefois, 187 espèces est un chiffre prudent, car des invasions sont sûrement passées inaperçues. En outre, il y a au moins 20 espèces supplémentaires dans les Grands Lacs dont on ignore l'origine. Nous ne savons pas si ce sont des espèces indigènes ou non.
Nous avons donc très probablement sous-estimé l'ampleur des invasions, mais je peux affirmer qu'il s'agit très probablement du réseau d'eau douce le plus envahi du monde.
Une autre observation intéressante que je voudrais faire, c'est que, à notre connaissance, chacune des 187 espèces est toujours présente dans les Grands Lacs. Que je sache, aucune des espèces non indigènes à avoir envahi les Grands Lacs ne s'est éteinte ou n'a été éradiquée. Par conséquent, nous pouvons constater dans le réseau une accumulation des espèces envahissantes et de leurs effets au fil du temps.
Je tiens à souligner que les effets de la vaste majorité de ces espèces envahissantes n'ont pas encore été étudiés. Par conséquent, nous ne savons pas très bien de quelle façon la plupart de ces espèces influent sur les pêches ou sur la qualité de l'eau. Faute d'information dans ce domaine, nous ne pouvons pas conclure avec certitude que la plupart de ces espèces envahissantes sont inoffensives.
Par contre, nous savons que certaines de ces espèces ont de graves répercussions sur les communautés halieutiques des Grands Lacs. De fait, près d'une espèce envahissante sur cinq qui ont été découvertes au cours des 50 dernières années a eu des effets négatifs considérables sur les espèces indigènes des Grands Lacs. Parmi ces espèces envahissantes, il y a divers parasites et agents pathogènes qui n'ont été découverts qu'au cours des deux dernières décennies, comme — vous avez peut-être entendu parler de certains d'entre eux — le virus de l'achigan à grande bouche, la piscirickettsiose du maskinongé et la septicémie hémorragique virale ou SHV. La SHV a causé la mort en masse de populations de poissons partout dans les Grands Lacs — hormis peut-être le lac Supérieur — à divers moments depuis 2003, année où le virus a été décelé pour la première fois.
On ignore si la découverte récente d'un plus grand nombre de maladies tient au fait que les scientifiques sont mieux outillés pour déceler les agents pathogènes ou s'il y a une tendance réelle qui indique que les Grands Lacs sont de plus en plus vulnérables à l'éclosion de maladies.
Il y a divers vecteurs d'espèces non indigènes dans les Grands Lacs. Depuis toujours, les eaux de ballast rejetées par les navires qui arrivent de l'étranger est le facteur le plus important. On estime que 60 p. 100 des espèces envahissantes découvertes depuis 1959 ont été introduites par le rejet des eaux de ballast. Parmi ces espèces se trouvent certaines des plus nuisibles à avoir été introduites au Canada, comme le cladocère épineux, la moule zébrée, la moule quagga, le gobie à taches noires et plusieurs autres.
En 2006, le Canada a pris une mesure importante pour empêcher que les espèces envahissantes soient introduites de cette façon: la salinité de toutes les eaux de ballast rejetées dans les Grands Lacs doit être de 30 parties par millier — autrement dit, à peu près comme l'eau de mer. Cette mesure a été adoptée sous forme de règlement harmonisé par l'Administration de la Voie maritime du Saint-Laurent — c'est-à-dire les deux pays en 2008.
Depuis l'entrée en vigueur de ce règlement, il y a cinq ans, on n'a signalé aucune invasion attribuable au rejet des eaux de ballast des navires venant de l'étranger. Je crois qu'il est encore trop tôt pour conclure que le problème des eaux de ballast est résolu, car certaines espèces envahissantes peuvent être indétectables pendant plusieurs années. Toutefois, je crois que le risque d'invasion a été grandement réduit, et nombre de mes collègues sont du même avis.
Si le risque que représentent les eaux de ballast n'a pas été suffisamment atténué, alors les Grands Lacs demeurent vulnérables à plusieurs menaces d'invasion immédiate. Plusieurs espèces menaçantes envahissent actuellement les eaux européennes, et elles abondent dans les ports des Grands Lacs qui accueillent le trafic maritime. L'une de ces espèces est un prédateur invertébré appelé la crevette tueuse. Vous en avez peut-être entendu parler. Ce prédateur a beaucoup retenu l'attention des médias à l'étranger. J'ai réalisé une évaluation du risque pour répertorier et classer ces espèces, alors je suis assez au fait des risques associés aux espèces qui envahissent actuellement les eaux européennes.
Même si nous avons bloqué la voie d'entrée des espèces envahissantes introduites par les eaux de ballast, un certain nombre d'autres restent ouvertes. Je crois que le commerce des organismes aquatiques vivants est l'autre voie d'entrée la plus importante. Je parle ici de l'importation et de la vente d'organismes vivants qui aboutissent dans des étangs ornementaux — comme des animaux de compagnie —, qui servent à la recherche en biologie et à l'enseignement de cette matière dans les universités ou qui sont destinés à la consommation humaine.
Un très grand nombre d'organismes sont importés au Canada chaque année. Je crois que la plupart des gens ne se rendent pas compte à quel point ce nombre est considérable. Par exemple, Nicholas Mandrak, du MPO, a découvert que plus de 2 000 espèces de poissons vivants avaient été importées au Canada au cours d'une seule année, soit en 2005. La plupart sont des poissons d'eau douce. Très peu de ces espèces sont réglementées, voire aucune. On estime que, dans les Grands Lacs, il y a déjà 30 espèces non indigènes qui auraient été introduites par le commerce des plantes ornementales et des poissons d'aquarium ou par l'industrie des appâts. Au moins la moitié de ces espèces ont eu des répercussions écologiques importantes.
Par ailleurs, il existe plusieurs espèces importées qui, à notre connaissance, n'ont pas encore envahi les eaux canadiennes, mais qui constituent une menace importante et causent des effets indésirables. Vous avez entendu parler de l'une d'elles, la carpe asiatique, qui désigne en fait différentes espèces, comme la carpe à grosse tête, la carpe argentée et la carpe de roseau.
En ce qui a trait à la carpe asiatique, l'attention porte surtout sur le canal maritime de Chicago, car on croit que cette espèce pourrait emprunter cette voie pour passer du bassin du fleuve du Mississippi aux Grands Lacs. Or, le commerce de poissons vivants constitue peut-être un vecteur plus important. La carpe asiatique est élevée dans des piscicultures du sud des États-Unis, puis elle est transportée vers le Canada pour approvisionner les marchés d'aliments asiatiques. À de nombreuses reprises au cours des derniers mois, les agents canadiens du poste frontalier de Windsor, en Ontario, ont intercepté des camions qui transportaient des milliers de livres de carpes asiatiques vivantes. Je tiens à préciser que les services frontaliers n'ont pas le mandat de saisir les envois de poissons. Ils coopèrent seulement avec le gouvernement de l'Ontario, qui interdit la possession de carpes asiatiques vivantes dans la province.
À l'échelon fédéral, le commerce d'organismes vivants pouvant constituer des espèces envahissantes n'est assujetti à aucune réglementation. L'Agence canadienne d'inspection des aliments réglemente le commerce de plusieurs centaines d'espèces animales aquatiques susceptibles de transmettre des maladies qui présentent des risques importants pour l'économie et la santé humaine. Le Canada ne dispose d'aucune réglementation nous permettant d'interdire l'importation de certaines espèces pour la seule raison qu'elles constituent une menace. Nous n'interdisons pas l'importation d'espèces reconnues pour être envahissantes. La situation au Canada tranche avec celle d'autres pays, comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie, qui ont adopté une réglementation stricte sur la biosécurité qui interdit l'importation de certaines espèces à la lumière d'une évaluation du risque qu'elles présentent.
C'est ce qui m'amène à mon dernier point. La prévention — qui consiste en une détection précoce et une réaction rapide — demeure la méthode la plus rentable pour éliminer le problème des invasions. Malheureusement, il n'existe aucun système de surveillance coordonné pour détecter les nouvelles espèces envahissantes dans les Grands Lacs. Il n'existe aucune infrastructure de détection précoce d'une menace d'invasion et de réaction rapide à cette menace. Il n'existe pas non plus de politique fédérale visant à répertorier et à réglementer la proportion relativement faible d'espèces importées qui seraient susceptibles de nuire aux écosystèmes canadiens. Tant que la situation ne changera pas, les espèces envahissantes continueront de détériorer nos ressources naturelles.
Voilà qui termine ma déclaration.
Je me nomme Ladd Johnson. Je suis professeur à l'Université Laval, membre de Québec-Océan et aussi membre — et je crois que M. Ricciardi ne l'a pas mentionné — du Canadian Aquatic Invasive Species Network.
Je suis capable de faire mon exposé en français, mais, comme je suis un peu nerveux, je crois qu'il serait mieux pour tous que je poursuive en anglais. Mes excuses auprès des francophones ici présents. Je serai ravi de répondre aux questions en français, mais je crois que, pour le plus grand bien de tous, je vais continuer mon exposé en anglais. De plus, j'ai passé les quatre derniers mois de mon année sabbatique au Chili, alors, il y a des mots espagnols qui se bousculent dans ma tête. J'ai aussi fait beaucoup de déplacements au cours des deux derniers jours pour me rendre ici — pas juste pour assister à la présente séance —, alors je ressens un peu de fatigue.
Lorsque j'ai appris que M. Ricciardi allait présenter un exposé, j'ai su qu'il aborderait avec brio les faits et les tendances qui caractérisent les Grands Lacs, car c'est vraiment son domaine de spécialité. J'étudie aussi moi-même les espèces envahissantes depuis les 20 dernières années, mais je dois préciser que je le fais dans le cadre de mes activités de recherche appliquée. J'étudie également les aspects fondamentaux de l'écologie et les effets des espèces envahissantes sur les milieux marins. Donc, lorsque j'ai su que M. Ricciardi viendrait témoigner, j'ai décidé d'orienter davantage mon exposé sur les aspects conceptuels, et plus particulièrement sur l'incertitude avec laquelle nous devons composer lorsque nous combattons les espèces envahissantes.
M. Ricciardi me dit que je devrais parler plus lentement. Je vais essayer de le faire.
Regardons la première diapositive: je dirais qu'il y a de l'incertitude tout au long du processus. Il arrive souvent que les invasions se produisent en trois étapes. À l'étape de l'introduction, il y a beaucoup d'incertitude quant aux vecteurs, aux types de vecteurs qui sont en cause et à leurs activités. Nous avons accompli des progrès importants, mais il y a encore beaucoup d'inconnues relativement à cet aspect.
En ce qui concerne l'établissement — qui représente souvent la deuxième étape d'une invasion —, on assiste à l'apparition de nouvelles idées au sujet de la pression propagulaire, c'est-à-dire le nombre de propagules nécessaires pour constituer une population. Mais nous en avons encore beaucoup à apprendre sur cet aspect et sur un phénomène appelé l'effet d'Allee, qui se rapporte au nombre critique nécessaire pour établir une population.
Il y a longtemps, j'ai publié un court article sur les mythes entourant la moule et sur ce qu'on appelle le « sophisme de Noé », selon lequel il ne faudrait que deux moules zébrées pour constituer une nouvelle population. Je crois que nous savons tous que c'est faux. Cette idée s'inspire du fait que Noé avait réuni des paires d'animaux. Nous savons aujourd'hui qu'il faut un nombre considérable de propagules. Nous ignorons encore combien exactement. Cela varie d'une espèce à une autre. Bien sûr, nous essayons de répondre à cette question dans le cadre de nos travaux de recherche scientifique.
Ensuite, il y a les répercussions écologiques et économiques. Encore une fois, comme l'a mentionné M. Ricciardi, nombre d'espèces envahissantes n'ont pas encore été bien étudiées. Nous connaissons certainement les exemples les plus éloquents. Il y a énormément d'anecdotes à leur sujet. Cependant, leurs répercussions sont très rarement quantifiées, de sorte qu'il est difficile de les comparer à l'aide d'analyses des coûts et des avantages.
Enfin, je vais parler des mesures que nous avons prises. J'espère que cela pourra vous inspirer, car c'est vous qui interviendrez à l'échelon gouvernemental. Ces mesures comprennent l'évaluation de l'efficacité de notre travail. Il arrive bien souvent que nous fassions des choses qu'on pourrait qualifier de mesures prises par acquit de conscience: nous croyons qu'elles seront efficaces, mais, ensuite, nous négligeons de vérifier si elles permettent réellement de réaliser les objectifs voulus. En outre, les activités de surveillance sont souvent inadéquates. Nous espérons pouvoir détecter certaines choses, mais nous ne parvenons pas vraiment à le faire avec certitude. Enfin, je crois que nous hésitons parfois à prendre des mesures ou des décisions parce que nous ne sommes pas certains des résultats de ces mesures ou décisions. Je reviendrai sur cet aspect tout à l'heure.
Je vais parler des mesures prises par le gouvernement, car vous faites partie du gouvernement, et nous sommes ici pour vous aider à prendre des décisions. Bien entendu, il faut financer davantage la recherche — c'est ce que tout bon scientifique vous dirait pour obtenir des fonds supplémentaires —, mais je crois que nous devons allouer des fonds expressément à la recherche sur le processus d'invasion en soi. Souvent, nous étudions les répercussions, mais nous ne nous penchons pas vraiment sur la façon dont les espèces sont introduites et s'établissent dans le milieu. Pour ce qui est de l'analyse des coûts et des avantages, comme il est parfois difficile de quantifier les répercussions écologiques et économiques, nous devons trouver un moyen de faire des comparaisons pour que nous puissions déterminer les coûts des mesures que nous prenons et ceux de notre inaction.
Nous devons transformer les incertitudes en probabilités, car, en réalité, c'est bien ce que signifie l'incertitude: que quelque chose pourrait ne pas se produire. La probabilité n'est qu'une façon de quantifier l'incertitude.
Par ailleurs, j'ai fait mention de la nécessité de participer à davantage de projets de recherche. Essentiellement, cela signifie qu'il faut accorder du financement aux organismes gouvernementaux pour qu'ils travaillent en plus étroite collaboration avec les scientifiques gouvernementaux. Je crois que le réseau dont M. Ricciardi et moi-même faisons partie est un excellent exemple de la façon dont la coopération entre les scientifiques du MPO et ceux des universités peut donner lieu à nombre d'initiatives fructueuses.
Nous devons aussi élaborer une structure de réglementation pour prévenir des risques éventuels, tout comme le programme d'échange d'eau de ballast, qui est appliqué rigoureusement, car il arrive que la réglementation ne soit pas appliquée adéquatement une fois adoptée. M. Ricciardi a évoqué la nécessité d'accroître les activités de surveillance pour que nous puissions détecter les populations naissantes et les espèces envahissantes et réagir en conséquence.
Nous devons nous doter de plans d'intervention afin que nous puissions déterminer si nous devrions prendre des mesures et quels types de mesures nous devrions prendre — le confinement ou l'éradication, ou peut-être juste la gestion.
Enfin, nous devons bien sûr coopérer. Il doit évidemment y avoir de la coopération entre le Canada et les États-Unis, mais d'autres intervenants, comme le public, les entreprises privées, etc., doivent aussi prendre part au processus.
J'ai fait un petit tableau pour vous donner une idée des coûts et des avantages. Je ne veux pas aborder cette question trop en détail, mais nous devons commencer à combler certaines lacunes. Au chapitre de la gestion proactive, comme la gestion des eaux de ballast, comme nous ne prenons aucune mesure dans ce domaine, il n'y a aucun coût, mais il y a — si je peux me permettre — des effets négatifs. Nous ignorons si la probabilité est de 100 p. 100, car il se peut que ces espèces ne soient jamais introduites. Peut-être que nous serons chanceux et qu'aucune espèce n'envahira jamais le milieu.
Si nous ne prenons aucune mesure, cela nous coûtera de l'argent, et c'est quelque chose que nous pouvons quantifier, mais nous ne pouvons pas quantifier les avantages. C'est pour cette raison que nous devons acquérir plus de connaissances scientifiques dans le domaine de l'économie écologique. La probabilité, c'est que nous ne savons pas, et peut-être que nos mesures ne seront d'aucune aide.
En ce qui a trait à l'aspect réactif, dès qu'une espèce s'est établie, le fait de ne prendre aucune mesure n'entraîne aucun coût, mais il y aura assurément des effets négatifs. La probabilité qu'il y en ait est de 100 p. 100. Il faudra de l'argent pour prendre des mesures, mais cela permettra de réduire les répercussions des espèces envahissantes. Encore une fois, nous ne sommes pas certains que ces mesures atteindront les buts escomptés.
Je vais vous donner un exemple de situation où nous avons fait des progrès. Une récente étude fournit les coûts et les avantages associés à la prévention et à la gestion. Elle révèle que les gestionnaires devraient prendre le risque d'essayer de faire de la prévention, car, à long terme, les mesures de prévention procureront de meilleurs avantages économiques à la société.
L'évaluation du risque est tout aussi importante, et je veux mentionner quelques points que nous devons prendre en considération en ce qui a trait à l'établissement d'espèces envahissantes. Nous devons déterminer quelles espèces sont susceptibles d'être introduites, les régions où elles pourraient être introduites, les vecteurs qui pourraient les introduire et les voies que ces espèces pourraient emprunter, les endroits où elles pourraient apparaître — dans le domaine, on appelle souvent ces endroits des points chauds — et à quels moments elles pourraient apparaître — on parle souvent de circonstances propices à leur établissement. Ce sont là autant d'aspects nous permettant de parfaire nos connaissances scientifiques.
Je voudrais conclure en parlant brièvement de la dispersion secondaire, car je crois que c'est le problème le plus important qui existe dans notre domaine. Assurément, c'est une bonne idée d'empêcher dès le début des espèces envahissantes de s'établir sur notre territoire. C'est la meilleure façon de prévenir les problèmes, mais que pouvons-nous faire une fois que ces espèces sont introduites?
Le problème, c'est que, dès que la dispersion secondaire s'amorce, les vecteurs d'origine humaine peuvent continuer la dispersion, mais les vecteurs d'origine naturelle le peuvent aussi. Cela nous amène à considérer la situation comme une fatalité: c'est une cause perdue, et nous avons perdu la guerre. Je crois qu'il s'agit d'une attitude plutôt défaitiste, et nous devons nous appliquer à ralentir l'invasion plutôt qu'à la stopper.
Même si on croit que l'invasion est inévitable, le fait de la ralentir nous procurera des avantages au fil du temps. S'il n'y avait aucun avantage à faire cela, les gens n'auraient pas à s'inquiéter de la dispersion d'espèces envahissantes. Les gens se préoccupent toujours de la dispersion, alors, si nous pouvons la ralentir, nous en tirerons des avantages à la longue.
Je vous transmettrai l'étude sur les tuniciers envahisseurs à l'Île-du-Prince-Édouard, où je travaille. Il y a présence de tuniciers envahisseurs dans seulement trois ou quatre baies de la pointe Est. Je suis persuadé que les éleveurs de moules du reste de l'île aimeraient bien que les tuniciers ne se propagent pas ailleurs. Je crois que c'est un but atteignable, qu'il est possible d'y arriver.
Enfin, je suis d'avis qu'il faut être en mesure de mieux prédire les invasions et d'y réagir plus rapidement. Nous devons accepter l'incertitude de façon plus générale et essayer de la transformer en probabilité. Nous devons obtenir davantage de données, mais surtout des données essentielles à la prise de décisions. Il importe que nous prenions des mesures. Nous ne pouvons nous contenter d'attendre. Nous devons aussi accepter le fait que nous ferons des erreurs.
Je vous remercie beaucoup.
Merci, monsieur.
Nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons commencer par Mme Davidson.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie, messieurs, de témoigner devant nous cet après-midi.
Je suis sûre que vous savez que nous avons entrepris cette étude en raison des préoccupations qui ont été soulevées à l'égard de la région des Grands Lacs et des inquiétudes que suscitent plusieurs espèces envahissantes, plus particulièrement la carpe asiatique. Nous craignons que cette espèce, qui est présente dans le bassin du fleuve Mississippi, ne passe par le canal de Chicago pour atteindre la région des Grands Lacs.
La présence d'espèces envahissantes dans les Grands Lacs n'est certainement pas nouvelle. Nous devons composer avec elles depuis longtemps. Toutefois, je crois que, si la question de l'introduction possible de la carpe asiatique est devenue aussi préoccupante pour les habitants de la circonscription de Sarnia—Lambton — la mienne —, c'est parce que nous entendons parler des ravages qu'elle cause dans le bassin du Mississippi. Étant donné que la région des Grands Lacs est réputée pour la pêche sportive et commerciale, les habitants de la région prennent certainement les risques au sérieux. C'est l'une des choses qui nous intéressent.
Nous savons qu'il y a eu pas mal de collaboration dans ce domaine entre les gouvernements du Canada et des États-Unis. Nous savons que des travaux sont en cours.
Monsieur Ricciardi, j'aimerais revenir sur la déclaration que vous avez faite selon laquelle la prévention, la détection précoce et une réaction rapide constituent notre meilleure ligne de défense. Selon vous, quelles sont les principales choses que nous devons faire? Si vous le voulez, vous pouvez d'abord aborder la question de la carpe asiatique.
Cette question comporte de nombreuses facettes.
En ce qui a trait à la carpe asiatique, j'ai découvert une voie d'accès détournée qui est généralement méconnue de la population — et je présume qu'il en est peut-être de même de certains décideurs —, dans la mesure où nous nous préoccupons du canal maritime de Chicago, et nous avons raison, car cette espèce est abondante en amont du fleuve Mississippi. Je dis « cette espèce », mais il s'agit en fait de deux ou trois espèces différentes. Elles sont abondantes en amont du fleuve Mississippi et elles sont déjà probablement passées par le canal, mais pas en nombre suffisant pour établir une population. N'oubliez pas que la présence de deux ou trois individus dans une zone ne signifie pas forcément qu'il y a une population.
Dans le cas du poisson-serpent, dont je parlerai tout à l'heure — si quelqu'un souhaite en entendre parler —, on en a trouvé au moins un dans le lac Michigan. Cela ne signifie pas que cette espèce s'y est établie. Nous n'avons aucune raison de croire qu'elle s'est établie dans ce lac.
À peu près chaque année, on trouve des piranhas dans les Grands Lacs, et nous savons qu'ils ne s'y sont pas établis, ou, du moins, il y a de bonnes raisons de croire que ce n'est pas le cas. Nous n'avons découvert aucun piranha juvénile dans les Grands Lacs, mais des indices laissent croire que des personnes y jettent des poissons.
Quant à la carpe asiatique, je crois que le commerce de carpes vivantes est actuellement un vecteur aussi important — ou presque — que le canal maritime et sa barrière électrique. Le fait est que des camions qui transportent des carpes vivantes entrent au Canada par Windsor. Le fait est que je peux aller à Montréal, et je connais un endroit dans cette ville où je pourrais acheter une carpe à grosse tête, une carpe asiatique, et on m'encouragera à l'emporter vivante.
J'ai fait une petite expérience avec mes étudiants pour vérifier ce qui se passe dans un marché — que je ne nommerai pas —, mais nous surveillons ce qui se passe dans ce marché. Si je le veux, je peux acheter une carpe asiatique, me rendre jusqu'au port de Montréal, et, si j'en ai envie, jeter le poisson dans l'eau. Il s'agit donc d'un réel problème.
Et il n'y a pas que la carpe asiatique. C'est celle dont nous entendons le plus parler, mais le vecteur dont je parle, à savoir le commerce de poissons vivants... En fait, il existe une multitude de vecteurs associés à l'importation commerciale d'organismes vivants pour diverses raisons. Dans le cas présent, ces organismes sont destinés aux marchés d'alimentation. Pour ce qui est du poisson-serpent, il n'est pas seulement importé pour être vendu dans les marchés d'alimentation; il est peut-être aussi importé illégalement pour servir d'animal de compagnie.
Si on veut empêcher l'introduction de ces espèces, on doit commencer à réglementer l'importation d'organismes vivants.
Selon une récente étude menée aux États-Unis — et j'ai mentionné le nombre d'espèces qui entrent au pays —, 1,1 milliard de poissons d'eau douce entreraient aux États-Unis chaque année. Je présume que nos chiffres dans ce domaine sont également assez élevés, peut-être pas autant que ceux-là, mais, évidemment, si ces poissons entrent aux États-Unis, ils peuvent aussi être envoyés au Canada. Mais nous en recevons probablement aussi un très grand nombre. Je ne sais juste pas combien.
C'est ce qui m'inquiète aussi: que je ne sache pas à combien s'élèvent ces chiffres au Canada. Je ne sais pas vraiment combien d'espèces traversent nos frontières. J'ai des estimations dans certains cas, comme celles qui m'ont été fournies par Nick Mandrak, qui a dû réunir beaucoup d'information pour obtenir ces estimations. Nous ignorons donc l'ampleur exacte du problème.
Je crois qu'on doit faire obstacle aux vecteurs pour atténuer non seulement les menaces existantes, mais aussi celles qui sont inconnues et qui pourraient venir au Canada ou qui sont en train de le faire.
J'ai demandé à l'une des mes classes d'étudiants de premier cycle d'examiner les effets du commerce des espèces d'aquarium et des activités commerciales des fournisseurs de produits biologiques, ces entreprises qui envoient au Canada des organismes servant à l'enseignement ou à la recherche en biologie. Les étudiants se sont intéressés aux organismes qui pourraient s'acclimater au Canada, selon leur provenance. Ils se sont servis de la modélisation climatique pour savoir quelles espèces s'établiraient ici si un nombre suffisant d'individus de la même espèce s'échappaient. Ils ont découvert que 5 p. 100 des espèces pourraient non seulement s'établir sur notre territoire, mais aussi causer des dommages, si on en juge par ceux qu'elles ont causés ailleurs. Bien sûr, ce pourcentage est approximatif. Il pourrait être plus ou moins élevé. Mais ce que je sais, c'est que ce pourcentage ne me plaît pas du tout.
Nous manquons donc d'information pour déterminer avec exactitude l'ampleur de la menace, mais nous en avons assez pour savoir que le commerce d'organismes vivants sous toutes ses formes est un vecteur dont nous faisons abstraction depuis trop longtemps. Cela comprend le commerce des espèces qui vous préoccupent, à savoir celles regroupées sous le nom de « carpe asiatique », qui englobe la carpe à grosse tête — celle qui est probablement la plus dangereuse —, la carpe argentée et deux autres. La carpe à grosse tête est celle que je pouvais acheter à Montréal. Je sais que, par le passé, on pouvait aussi l'acheter à Toronto, à Ottawa et à d'autres endroits.
Mme Patricia Davidson: Merci.
M. Ladd Jonhson: Puis-je...?
Mme Patricia Davidson: Oui, tout à fait.
Juste pour donner un point de vue qui repose sur des principes de base, ce serait la chose la plus facile à réglementer. Par ordre de priorité, l'introduction délibérée d'espèces à des fins de lutte biologique serait l'aspect le plus facile à réglementer, car cela nécessite souvent l'approbation des organismes concernés.
La réglementation du commerce d'espèces vivantes par des personnes qui essaient intentionnellement de les importer constituerait la deuxième étape, et c'est aussi une chose très facile à réglementer.
Il serait plus difficile de contrer l'introduction par des voies naturelles, par exemple lorsque les poissons empruntent le canal maritime de Chicago.
Vous pourriez faire une liste. Je me souviens d'avoir reçu — lorsque j'ai obtenu mon premier poste de chercheur sur les espèces exotiques — une liste des vecteurs possibles de la moule zébrée. Il y en avait 25. C'était plutôt décourageant de voir qu'il y avait 25 vecteurs possibles, mais, si on les classait par ordre d'importance, on pouvait voir qu'il n'y en avait probablement qu'une poignée qui contribuaient à la dispersion secondaire de la moule zébrée.
Vous pouvez vous aussi classer les vecteurs possibles par ordre de priorité. Je crois que M. Ricciardi a raison d'affirmer qu'il serait facile de réglementer le commerce d'organismes vivants. Ce serait un jeu d'enfant d'intervenir très rapidement dans ce domaine.
Je vous remercie de votre visite. Je trouve vraiment très intéressant ce que vous avez présenté jusqu'à maintenant.
L'étude que nous menons sur les Grands Lacs, et le fait que nous pouvons aussi tirer parti de votre expertise sur le Saint-Laurent... Compte tenu de l'endroit où vous travaillez, vous avez probablement aussi acquis de l'expérience sur le terrain dans la vallée du Saint-Laurent.
Monsieur Ricciardi, vous avez dit que nous avions de la difficulté à déterminer exactement combien d'espèces envahissantes avaient été introduites dans les eaux canadiennes jusqu'à maintenant. Et vous avez précisé que nous disposions peut-être aujourd'hui de meilleurs outils pour les détecter et que cela pourrait expliquer entre autres pourquoi nous en détectons davantage. Toutefois, je me demande si le MPO prend la situation au sérieux et s'il s'applique bel et bien à dépister les espèces envahissantes. En raison de toutes les compressions qu'a subies récemment le MPO, des scientifiques sont mis à pied,
[Français]
l'Institut Maurice-Lamontagne, à Mont-Joli,
[Traduction]
et d'autres ont reçu un avis de renvoi. Je crains que nous ayons au bout du compte beaucoup plus de mal à détecter les espèces envahissantes parce qu'il n'y aura tout simplement pas de scientifiques affectés à ce genre d'activités.
Vous menez actuellement ce genre d'activités. Si je comprends bien, vous recevez principalement du financement provincial...
Je reçois du financement du CRSNG. Les fonds proviennent donc principalement du gouvernement fédéral et d'autres organismes aussi.
Dans quelle mesure collaborez-vous avez le MPO? Quelle quantité d'information provient du MPO, ou était fournie par le MPO par le passé, et, selon vous, quelle quantité d'information ce ministère vous fournira-t-il dans l'avenir?
Comme M. Johnson l'a indiqué, il se trouve que nous faisons partie d'un réseau de recherche appelé le CAISN — le Canadian Aquatic Invasive Species Network —, qui est financé par le CRSNG et regroupe des chercheurs de plus de 20 universités et des scientifiques des gouvernements provinciaux — notamment celui de l'Ontario — et du gouvernement fédéral, plus précisément du MPO.
Je travaille depuis toujours en étroite collaboration avec au moins deux ou trois scientifiques du MPO. Nick Mandrak, établi à Burlington, et sa collègue Becky Cudmore, sont probablement les deux biologistes des pêches en eau douche les plus compétents au pays. La quantité de travail qu'ils parviennent à accomplir est incroyable. Ce sont eux qui ont rassemblé une quantité astronomique de données disparates — exercice très éreintant — pour en arriver à une estimation de premier ordre en ce qui a trait au nombre de poissons qui traversent nos frontières. Je ne suis pas certain que j'ai le droit de le dire, mais je souligne que ce sont eux qui ont suggéré aux services de sécurité frontalière de communiquer avec le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario lorsqu'ils constatent que du poisson est expédié. Je suis d'avis que leur dévouement à l'égard de ce problème et la quantité de travail qu'ils accomplissent n'est pas apprécié à sa juste valeur.
Il s'agit de scientifiques que je connais. J'aimerais qu'il y ait au pays davantage de gens comme eux qui puissent surveiller le problème en première ligne. Ils dirigent un centre d'évaluation des risques — composé, pour l'essentiel, d'eux-mêmes et de quelques étudiants — qui fournit des rapports portant sur les menaces et sur le degré de priorité qu'il convient d'accorder à chacune d'elles. De concert avec leurs collègues, ils ont créé un modèle qui permet, par exemple, de montrer que le poisson-serpent pourrait très bien s'adapter au climat canadien, et pourrait, s'il en a l'occasion, non seulement s'établir dans les Grands Lacs, mais également établir des colonies jusque dans les Territoires. Nous avons besoin de gens qui accomplissent ce type de travail et fournissent ce genre de renseignements.
J'étudie les répercussions, et le fleuve Saint-Laurent me sert de laboratoire. Je connais donc très bien ce cours d'eau. Je me penche également sur les tendances à long terme et, à cette fin, je dois disposer des données que ces scientifiques fournissent. J'ai rapproché deux ou trois articles portant sur le taux d'accumulation dans les Grands Lacs, et j'ai établi un rapport entre ces renseignements et les changements observés au fil du temps en ce qui concerne les principaux vecteurs. J'ai également établi des comparaisons avec ce qui a été observé dans d'autres régions du monde. Je n'aurais pas pu faire cela si je n'avais pas disposé des renseignements recueillis par des scientifiques travaillant sur le terrain et qui sont consignés dans des rapports non publiés, des rapports techniques comme ceux rédigés par le MPO ou dans la littérature. On ne peut pas faire une synthèse si l'on ne possède pas une vue d'ensemble, et l'on ne peut donc pas mener une évaluation précise des risques si l'on ne possède pas les renseignements que recueillent ces gens.
Je crois que c'est à cela que vous faisiez allusion. Ainsi, oui, je travaille en très étroite collaboration avec eux.
À coup sûr, les navires qui arrivent de l'étranger par le golfe et remontent la vallée du Saint-Laurent constituent l'un des vecteurs. À mon avis, il s'agit probablement du plus important vecteur.
On a déjà mentionné le fait que, en 2007, Transports Canada a modifié les dispositions réglementaires touchant aux exigences en matière d'expédition et de salinité. Dans quelle mesure ces éléments sont-ils surveillés? Plus particulièrement, j'aimerais savoir comment la situation au Canada se compare à celle qui règne aux États-Unis à cet égard. Sommes-nous ici plus ou moins vigilants qu'on ne l'est là-bas? Sommes-nous en mesure de l'être autant? Y a-t-il une différence entre la façon dont la réglementation est appliquée au Canada et aux États-Unis? Peut-on affirmer qu'il existe une réglementation aux États-Unis, mais qu'il n'y en a aucune au Canada?
Je ne peux pas formuler d'observations là-dessus, car je ne connais pas l'ampleur des activités de surveillance que mène Transports Canada. J'ai l'impression que les gens de ce ministère prennent cela très au sérieux, et qu'ils arraisonnent une multitude de navires afin de procéder à une évaluation des eaux de ballast contenues dans leurs citernes.
Est-il juste de dire que nous avons de la difficulté à comparer les mesures prises par les Américains et celles prises par les Canadiens, et que nous ne sommes donc pas en mesure d'examiner cela à ce moment-ci?
Je crois comprendre qu'ils travaillent en étroite collaboration dans le cadre de l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent. Je ne peux pas formuler d'observation en ce qui a trait à leur efficience.
Monsieur Johnson, je sais que, durant votre exposé, vous avez dit qu'une coopération accrue était l'une des choses que nous devrions probablement envisager. Êtes-vous en mesure de nous dire quelques mots à propos des lacunes à cet égard? Quel genre de coopération devrions-nous envisager à ce chapitre?
À mon avis, la coopération constituerait un modèle, mais là encore, mes connaissances à ce sujet sont fragmentaires, car je n'ai pas mené de travaux sur l'eau de ballast.
Ce que je sais, c'est que, à l'origine, il y avait une certaine division entre ce qui était optionnel et ce qui était obligatoire — il y avait des normes différentes. Toutefois, je crois que l'on a très bien fusionné tout cela. Je considère que cela constitue un modèle de coopération à ce chapitre.
J'avancerais que nous n'avons peut-être pas mené un nombre suffisant d'évaluations. Là encore, on peut dire que nous faisons ce qu'il convient de faire, mais si nous n'appliquons pas rigoureusement les normes scientifiques pour évaluer l'efficacité du résultat obtenu, il est difficile de dire si le résultat obtenu était celui que nous recherchions.
Ma principale préoccupation... cela est quelque peu difficile, car j'ai essentiellement étudié les espèces qui se sont propagées dans les eaux intérieures à partir des Grands Lacs. Quant à la principale préoccupation que vous soulevez à ce moment-ci, elle a trait au phénomène inverse, à savoir celui des poissons qui viennent s'établir dans les Grands Lacs à partir d'autres bassins hydrographiques. Il existe de multiples points d'entrée différents, de nombreux États et une multitude d'administrations provinciales et nationales. À titre d'exemple, je mentionnerai le Lac Memphrémagog, au Québec, où la moule zébrée a soulevé, à une certaine époque, de très grandes préoccupations. Je crois que les autorités du Vermont voulaient installer des postes de lavage de bateau pour s'assurer que la moule zébrée ne s'introduise pas dans leurs eaux par ce moyen — cela aurait été une solution très rigoureuse. Toutefois, à ce moment-là, comme le Québec ne faisait rien à ce chapitre, cette solution aurait été à peu près inutile — en l'absence d'une certaine coordination, de tels efforts sont pratiquement vains.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'efficacité de l'échange des eaux de ballast, je mentionnerai que les lignes directrices s'appliquant actuellement aux navires déballastés — ceux qui déclarent ne transporter aucune eau de ballast, et que l'on désigne en anglais sous l'appellation de « NOBOB » — sont entrées en vigueur en 2006.
Au début des années 1990, ces navires n'étaient assujettis à aucune disposition réglementaire. Cette situation a été rectifiée en 2006 par la modification des dispositions réglementaires, qui ont été harmonisées par les deux pays en 2008 dans le cadre de l'Administration de la Voie maritime du Saint-Laurent.
Une série d'études menées par le MPO et des membres de mon réseau de recherche, le CAISN, ont permis d'évaluer l'efficacité de cette procédure, et ont permis de conclure qu'elle était très prometteuse. Les données qui indiquent que, depuis l'établissement de cette procédure, on n'a déclaré aucune intrusion d'une espèce envahissante imputable aux eaux de ballast, constituent une autre raison qui nous permet d'être optimistes.
Merci beaucoup.
Monsieur Sopuck, je ne pense pas que le témoin s'adressait à vous lorsqu'il a dit « No Bob ».
Cela ne m'a pas échappé. Il s'agit de navires à bord desquels je ne peux pas monter.
Monsieur Ricciardi, vous avez mentionné que le commerce des poissons vivants de ces espèces n'était encadré par aucune réglementation fédérale. Quelqu'un a-t-il formulé des recommandations sur lesquelles le comité pourrait se pencher? Quelles sont les principales recommandations que vous aimeriez voir adopter par le gouvernement fédéral, et qui seraient, selon vous, efficaces?
La réglementation devrait être fondée sur une solide évaluation des risques, comme cela a été le cas dans les pays que j'ai mentionnés, et qui ont fait de très grands progrès tant sur le plan de l'évaluation scientifique des risques que sur celui de l'élaboration de dispositions réglementaires et de leur application. Je parle ici de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, deux pays où l'on trouve un ministère de la biosécurité. Là-bas, on prend cette question très au sérieux, car on considère qu'elle présente un intérêt en matière de sécurité nationale.
Si l'on tient compte du coût lié aux invasions d'espèces — environ 5 p. 100 du PNB mondial —, on peut affirmer qu'il s'agit d'une taxe considérable prélevée sur les économies du monde entier. Dans ces pays, on est conscient de cela, et on observe que, peu importe le gouvernement en place, il y a une forte volonté politique d'agir à cet égard, et que la population est sensibilisée à ce propos.
J'estime que ces pays représentent un modèle à suivre. La réglementation doit être fondée sur l'évaluation des risques. Elle doit s'assortir d'une évaluation scientifique de la menace, laquelle évolue au fil du temps.
Les personnes à qui l'on doit s'adresser pour discuter de cela sont celles que j'ai mentionnées, à savoir Nick Mandrak et Becky Cudmore, du MPO.
Ainsi, vous êtes en train de nous dire qu'il existe un modèle, à savoir celui de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, et que nous devrions nous en inspirer pour créer un modèle adapté à la situation canadienne.
Merci. Je vous suis très reconnaissant de ces observations.
J'aimerais simplement formuler un commentaire gratuit. Trop souvent, les scientifiques qui se présentent devant le comité sont très réticents à l'idée de formuler des recommandations précises, et je vous suis donc extrêmement reconnaissant de l'avoir fait — je vous le dis très sincèrement.
Monsieur Johnson, je suis intéressé par l'exemple des tuniciers de l'Île-du-Prince-Édouard. Cela semble être un exemple de réussite. Quelles leçons pouvons-nous tirer des mesures fructueuses qui ont été prises à ce jour pour empêcher la propagation de cette espèce, et que nous pourrions appliquer à d'autres endroits?
À mes yeux, la leçon la plus importante — j'y ai fait allusion plus tôt —, c'est que nous avons tenté de collaborer avec les intervenants — je n'aime pas beaucoup ce mot, mais je l'utilise parce qu'il est très utile —, avec toutes les parties concernées. Je crois que l'Île-du-Prince-Édouard a probablement été la seule administration où l'on a très rapidement mis à contribution le gouvernement provincial et l'industrie de la mytiliculture afin de régler le problème. Les espèces peuvent être transportées d'un endroit à l'autre de multiples façons, et si l'on ne coopère pas avec toutes les parties concernées, et si on ne leur explique pas à quel point cela est important — et je crois qu'il s'agit là de l'un des avantages...
Là-bas, les éleveurs ont pu observer de manière on ne peut plus claire les répercussions économiques des invasions d'espèces. Ainsi, lorsque ce problème s'est présenté, ils y ont réagi immédiatement, même si je crois qu'il y a encore de la négligence là-bas, et peut-être des lacunes au chapitre de l'application de la réglementation. Les tuniciers continuent de se propager. Il y a encore des déplacements qui s'effectuent. Comme nous ne pouvons pas être là-bas, nous ne pouvons pas nous prononcer avec certitude, mais il pourrait peut-être y avoir des déplacements de matériel d'aquaculture d'une baie à une autre. Les gens prennent des raccourcis. Je pense seulement que, si on procède à l'avance... En situation de crise, il devient très difficile d'établir un consensus. Ainsi, le fait d'étudier à l'avance ces possibilités constitue l'élément clé d'une intervention rapide.
Est-ce que le MPO ou un autre organisme dispose d'un plan d'urgence propre à chaque espèce, dans l'éventualité où la carpe asiatique, par exemple, s'établissait dans les Grands Lacs? Est-ce que quelqu'un s'est attaqué à cela? Est-ce que quelqu'un s'est posé des questions sur les conséquences d'une invasion éventuelle, et a mis au point des plans d'urgence spécifiques?
Je ne suis pas à l'aise à l'idée de parler au nom du MPO. Je crois vraiment que vous devriez vous adresser à ses représentants.
Je ne sais pas quoi vous dire. Cela semble être une idée intéressante, mais il serait quelque peu problématique d'élaborer des plans propres à une espèce, car il existe une multitude de menaces potentielles.
Puis-je revenir sur ce que vous disiez à propos des leçons apprises?
L'une des choses que nous avons apprises à propos de l'éradication fructueuse des espèces envahissantes en général — et non pas uniquement les espèces envahissantes aquatiques — c'est que les éradications réussies se distinguent des éradications infructueuses — plus fréquentes et plus courantes — par un certain nombre de caractéristiques.
L'une des leçons retenues tient à ce que la réussite dépend en grande partie d'une détection précoce. Le nombre de personnes que vous devrez employer, le nombre d'heures de travail que ces personnes devront effectuer et les sommes que vous devrez débourser pour tenter de maîtriser — sans garantie de succès — une invasion sont directement proportionnelles à l'ampleur du territoire qu'occupe une espèce au moment où vous tentez de vous y attaquer. Tout est une question de temps. Lorsqu'une espèce réussit à s'établir à un endroit, elle commence par constituer une population autosuffisante. À mesure que cette population se constitue, elle croît de plus en plus rapidement, sous l'action de ce que M. Johnson a appelé l'effet d'Allee — terme technique signifiant que la croissance repose sur la densité de la population. En outre, l'espèce commencera à se propager, et le taux de propagation est fonction de l'ampleur de la population. Ainsi, le taux de propagation est proportionnel à la croissance de la population.
Il y a donc deux phénomènes qui se produisent, à savoir la croissance de la population et sa propagation. À mesure qu'elle se propage, elle entrera en contact avec d'autres vecteurs d'origine humaine, toutes sortes de vecteurs inimaginables et peut-être imprévisibles, ce qui lui permettra, dans certains cas, de se propager encore plus loin. En d'autres termes, il s'agit là d'un moment crucial. On doit repérer les espèces, les recenser, établir le degré de priorité qu'il convient de leur accorder — ce qui passe par une évaluation minutieuse, rapide et efficace des risques —, et enfin déterminer si on peut les éradiquer ou enrayer leur propagation. Dans la négative, il faudra assumer des coûts en permanence, car ces espèces ne disparaîtront pas.
Comme vous étiez à la recherche d'exemples précis, je vous dirai que, là encore, l'Australie constitue le meilleur exemple. Une autorité, dont le nom exact m'échappe, a fait fermer une marina dans les 24 heures suivant la détection d'une nouvelle espèce, puis l'a éradiquée. Elle s'est rendue sur les lieux...
Il s'agit d'un exemple bien connu, d'un exemple notoire, mais il ne s'agit pas du seul.
Une moule semblable à la moule zébrée — à cette différence près qu'il s'agit d'une moule marine — a été introduite à Port Darwin, en Australie, par des voiliers en provenance des Caraïbes. Elle a envahi trois marinas de l'endroit. Si nous savons cela, c'est parce que ces marinas sont surveillées à cette fin précise. Ainsi, l'espèce a été détectée promptement. Dès que cela a été fait, l'autorité gouvernementale australienne responsable a établi un plan dans le cadre duquel on a mis en place un cordon de sécurité autour des ports et injecté les produits chimiques nécessaires pour tuer tout organisme vivant se trouvant là. Ainsi, on a réussi à éradiquer cette espèce.
Cela s'apparente assez à la politique de la terre brûlée, n'est-ce pas? Toutefois, le fait est que ces marinas ne sont pas naturelles — elles ne recèlent aucun habitat naturel. En fait, si c'était le cas, et si le régime naturel des marées avait été instauré, cette espèce n'aurait jamais pu s'établir à cet endroit — elle a pu le faire parce qu'elle s'est accrochée aux voiliers, et que les marinas accueillent les voiliers.
Bien entendu, cela soulève deux ou trois questions. Tout d'abord, le gouvernement australien a mis environ un mois pour détecter l'espèce, mettre en place un plan visant à maîtriser sa propagation et exécuter ce plan. Je ne suis pas certain que, si quelque chose de semblable se produisait ici, on aurait réussi, en un mois, à organiser une réunion pour se pencher sur la question. Je ne plaisante qu'à moitié.
De plus, le gouvernement a continué d'effectuer de la surveillance par la suite, car le vecteur est toujours présent. L'espèce pourrait revenir sur les lieux. Il s'agit là d'un autre élément d'une éradication: on ne peut pas présumer qu'il s'agit de mener une opération d'éradication pour régler le problème — on doit demeurer constamment vigilant.
Cela dit, en Australie, peu importe le gouvernement en place, on dispose d'un appui public permettant de faire cela, de réagir de cette manière qui, aux yeux de certaines personnes, peut sembler quelque peu radicale. C'est ce que l'on fait là-bas. Les musées nationaux de l'Australie comportent, même si, à première vue, ils n'ont aucune vocation de nature biologique, des sections complètes consacrées aux espèces exotiques, car on reconnaît qu'elles font partie intégrante de l'histoire du pays. Le public est grandement sensibilisé à cet égard et, par conséquent, le gouvernement dispose d'un grand appui du public pour réagir de cette façon.
J'avancerais que, au début des années 1990, nous aurions pu éradiquer la grémille eurasienne des Grands Lacs si nous avions pris le même genre de mesures. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je tiens à mentionner que le seul mot qui me vienne à l'esprit, c'est « tergiversations ». Lorsqu'on a finalement conclu qu'il s'agissait d'un problème et qu'on devait le régler, il était trop tard.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie d'être ici. Il s'agit d'un sujet très important.
Je suis bien au courant du problème lié aux tuniciers envahissants à l'Île-du-Prince-Édouard. Je n'étais pas certain de l'état de la situation à cet égard, mais vous avez affirmé que cette espèce était toujours présente là-bas. Là encore, il s'agit d'un exemple de ce qui peut se passer ailleurs dans le monde. Je ne sais pas si vous savez comment le problème a vu le jour ou comment cette espèce est arrivée là, si elle est bel et bien établie à cet endroit. On croit que cette espèce a été introduite par des bateaux qui n'ont pas été nettoyés convenablement. Je ne sais pas si vous disposez de renseignements détaillés à ce sujet. Il s'agit d'une autre chose qui peut survenir.
Vous avez également mentionné qu'il y avait un peu de négligence. Pour nous, l'industrie de la moule bleue est très précieuse. J'aimerais que vous nous en disiez davantage à ce sujet. Tout d'abord, vous avez dit qu'il y avait trois ou quatre cas de ce genre. Si cela est exact, il semble donc qu'on a remis beaucoup d'ordre là-dedans. Pour ce qui est de la négligence, que devons-nous faire? Devrions-nous mettre en place une réglementation? Il s'agit d'une industrie importante — il y a beaucoup d'argent en jeu. La moule bleue est exportée partout dans le monde.
Lorsque j'ai dit qu'il y avait trois ou quatre cas, j'aurais dû dire que trois ou quatre des baies de la côte Est avaient été envahies.
Notre étude la plus récente permet de croire que la propagation naturelle des larves ne suffit pas à expliquer le déplacement d'une baie à l'autre. La cause de la propagation tient probablement au déplacement de bateaux qui n'ont peut-être pas été nettoyés, vu qu'il est très rare que l'on ait l'occasion de nettoyer des bateaux utilisés en mer, contrairement à ce qui se passe dans le cas des bateaux utilisés en eau douce, qui sont mis en cale sèche de temps à autre. La cause la plus probable tient vraisemblablement au déplacement du matériel d'aquaculture. Je ne suis pas expert en la matière, mais je sais qu'il s'agit d'une industrie, et que l'on déplace beaucoup de matériel d'un lieu à l'autre. On a besoin de matériel pour le traitement, la culture et le déplacement. En toute franchise, je ne jette pas le blâme... Même les scientifiques ont pris conscience du fait que les activités qu'ils mènent peuvent également entraîner la propagation d'une espèce, et ils prennent à présent leurs propres précautions en ce qui a trait à la stérilisation de leur matériel et à l'utilisation de leurs bateaux.
Là encore, je ne saurais trop insister sur l'importance de la collaboration avec les personnes qui se trouvent sur le terrain, les éleveurs de moules, ni sur l'importance que cela revêt pour eux.
Lorsque je parle de négligence, je veux dire non pas que l'industrie fait preuve de négligence, mais simplement que, dans toutes les industries, il y a des gens qui prennent des raccourcis. Comme je l'ai mentionné précédemment, il n'existe aucune solution miracle.
Lorsque j'ai commencé à étudier la moule zébrée, j'ai rencontré des gens qui avaient dressé une merveilleuse liste de choses à faire pour prévenir la propagation de la moule zébrée d'un lac à l'autre, et je leur ai dit que tout cela était très ridicule. Voici ce que je leur ai proposé de faire: brûler chaque bateau qui quitte le plan d'eau. On m'a répondu que cela était impossible. J'ai répliqué que, si un dictateur décidait que chaque bateau devait être brûlé, cela pourrait se faire.
Je n'emploie pas cet exemple à la légère. Vous pouvez être certain que, s'il était question d'un micro-organisme susceptible de causer une maladie chez les humains se propageant d'un plan d'eau à l'autre, nous pourrions empêcher les bateaux de se déplacer d'un plan d'eau à l'autre. Il y a des choses que nous pourrions faire si nous le voulions vraiment, mais cela exige de la planification et de la préparation, et il faut expliquer les choses aux gens de manière à ce qu'ils ne se fâchent pas.
Vous avez parlé de biosécurité. Nous pouvons également évoquer le bioterrorisme lorsqu'il s'agit des effets produits par les espèces envahissantes, et je suis préoccupé par le commerce des poissons vivants. Si l'on interdit ce commerce, certaines collectivités pourraient croire qu'elles peuvent introduire leurs propres populations. Le crabe chinois, qui a envahi la baie il y a quelque 30 ou 40 ans, non, cela remonte plutôt aux années 1930 — a probablement été introduit ici en tant qu'aliment pour la consommation humaine. Ainsi, si l'on interdit une espèce, des gens pourraient vouloir commencer à élever ici leurs propres populations de cette espèce. Il s'agit de quelque chose de très délicat, qui exige de la prévoyance et de la planification.
Monsieur, vous avez indiqué, durant votre exposé, que la surveillance était inadéquate. Toutefois, j'aimerais...
Non, je parle de la surveillance de façon générale. En fait, je crois que vous parliez non pas de la situation à l'Île-du-Prince-Édouard, mais de la situation qui règne un peu partout.
J'en arrive à la question que je voulais vous poser. Êtes-vous en train de nous dire que les espèces envahissantes sont un phénomène avec lequel nous devons composer? Lorsque vous avez abordé la question, j'ai eu l'impression que vous étiez d'avis que l'on devrait en faire davantage avant que l'espèce n'arrive ici plutôt que de réagir au moment où elle s'établit dans les Grands Lacs, et que le processus de surveillance des espèces n'était pas aussi efficace qu'il pourrait l'être. Est-ce exact? Vous ai-je bien compris?
Je vais tenter d'être bref.
J'estime que, dans l'ensemble, les efforts en matière de surveillance sont inadéquats — je l'ai dit, et je le maintiens. J'estime que l'Île-du-Prince-Édouard constitue un exemple à suivre, surtout en raison du rôle que joue le gouvernement provincial sur le plan de la surveillance. On exerce là-bas une surveillance rigoureuse.
Il s'agit peut-être d'un simple oubli, mais il y a une chose que nous n'avons pas mentionnée, à savoir le fait que notre réseau de recherche met l'accent sur la détection précoce et l'intervention rapide. Ainsi, nous estimons que c'est sur ces deux aspects que nous devons d'abord et avant tout recueillir des renseignements de nature scientifique. Le directeur du réseau, M. Hugh MacIsaac, se présentera devant le comité dans deux ou trois semaines, de sorte que je ne tenterai pas de décrire en quoi consiste le travail du réseau — je crois qu'il s'acquittera très bien de cette tâche.
Je peux vous dire qu'il y a de nouvelles techniques prometteuses, particulièrement les techniques moléculaires, qui nous permettront d'être bien plus efficaces au chapitre de la surveillance. Là encore, M. MacIsaac vous fournira des explications à ce sujet dans quelques semaines.
À mes yeux, nous devons toujours tenter de faire de la prévention. J'estime qu'il s'agit de la première chose à faire. Cela dit, nous ne pouvons pas simplement nous en tenir à cela.
Qu'en est-il de l'éducation de toutes les parties concernées? Des gens ont dit au comité qu'il s'agissait d'une tâche à laquelle on devait véritablement s'atteler. Bien des gens ne sont pas conscients du fait que, possiblement, s'ils repèrent une espèce et la larguent...
Que faisons-nous pour que les gens comprennent bien qu'en agissant de la sorte, ils causent d'énormes dégâts? Nous devons mettre en place un programme d'éducation de manière à informer les personnes concernées — dans la région des Grands Lacs, à l'Île-du-Prince-Édouard ou à n'importe quel autre endroit — du fait que s'ils jettent quelque chose dans la toilette ou s'ils larguent quelque chose par-dessus bord une fois arrivés au quai...
Croyez-vous que l'un des meilleurs moyens ou l'une des armes les plus efficaces pour lutter contre cette façon de faire constitue à éduquer les gens à propos des dommages énormes qu'ils causent?
Je suis tout à fait d'accord avec vous, et je pourrais vous aiguiller vers quelques programmes qui, selon moi, font très bien ce travail.
Eh bien, si je ne m'abuse, le comité va accueillir des représentants d'un programme.
M. Ricciardi, si je me fie à ce que vous dites, il serait possible pour moi de faire entrer au pays la carpe à grosse tête, le poisson-serpent ou la carpe asiatique.
Il est interdit de posséder ces espèces en Ontario. En outre, je n'en suis pas certain, mais je crois qu'il y a d'autres provinces... Pour ce qui est des autres provinces, je crois que la Colombie-Britannique a adopté des dispositions réglementaires interdisant la possession de ces espèces, mais je ne peux l'affirmer avec certitude.
De toute évidence, les dispositions législatives à cet égard varient énormément d'une province à l'autre. À ma connaissance, aucune disposition réglementaire fédérale n'interdit de faire cela.
L'hon. Lawrence MacAulay: Une telle réglementation devrait-elle exister?
M. Anthony Ricciardi: Bien entendu, ce devrait être le cas.
Cela contribuerait à la prévention, mais le cas échéant, proposez-vous que les dispositions réglementaires interdisent que l'on fasse entrer au pays ces poissons s'ils sont encore vivants? Quel...
Merci, monsieur MacAulay.
L'hon. Lawrence MacAulay: Oh, je suis désolé.
Le président: Votre temps est écoulé. Je sais que vous attendiez que je...
Oui. Merci.
Nous allons maintenant entreprendre le tour de cinq minutes. Nous allons d'abord entendre M. Donnelly.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier messieurs Ricciardi et Johnson de s'être présentés devant le comité et d'avoir livré un témoignage. J'ai deux ou trois questions à poser à chacun d'eux.
Je m'adresserai d'abord à vous, monsieur Ricciardi. En ce moment, les ministères fédéraux, y compris le MPO, subissent des compressions visant le personnel, les ressources et le financement. D'après vous, les invasions biologiques sont comparables à des catastrophes économiques...
M. Anthony Ricciardi: À des catastrophes naturelles.
M. Fin Donnelly: ... à des catastrophes naturelles et, selon l'étude que vous avez menée, les répercussions économiques annuelles des invasions biologiques sont presque plus importantes que les coûts annuels liés aux catastrophes naturelles à l'échelle mondiale.
En outre, en règle générale, les répercussions des invasions biologiques sont plus persistantes que celles de la plupart des catastrophes naturelles et, contrairement à ces dernières, elles sont parfois irréversibles.
Et voilà.
À votre avis, est-ce que le gouvernement du Canada fournit suffisamment de ressources pour que nous puissions faire face à cette menace?
En outre, croyez-vous que le moment est bien choisi pour effectuer des compressions au chapitre de la surveillance et du financement des activités scientifiques?
La plupart des gouvernements, y compris le nôtre, ne fournissent pas des ressources suffisantes. Nous ne sommes pas seuls dans cette situation.
Pour étoffer la proposition que j'ai faite, j'aimerais simplement mentionner que Norm Yan, un collègue qui enseigne à l'Université York, a suggéré que l'on aborde la question des espèces envahissantes avec le même sérieux que celui dont nous faisons preuve à l'égard des catastrophes naturelles. La plupart des espèces envahissantes n'auront probablement aucun effet négatif indésirable.
En règle générale, la plupart des catastrophes naturelles — ou du moins les phénomènes qui en sont à l'origine — sont négligeables. Nous nous préparons à faire face à des dangers extrêmes qui risquent de ne jamais se concrétiser, car s'ils se concrétisent effectivement, il serait inadmissible que nous n'ayons pas pris les mesures préventives requises. C'est pour cette raison que nous disposons de codes du bâtiment et de règlements de sécurité. Divers pays ont mis en place des dispositifs de détection et de surveillance et une infrastructure afin de prévenir quelque chose qui pourrait ne jamais se produire car si une catastrophe venait à se produire, il serait inadmissible qu'ils ne se soient pas préparés à y faire face.
Nous n'agissons pas de cette façon en ce qui concerne les espèces envahissantes, même si, comme je l'ai indiqué, des milliards d'animaux — des dizaines de milliers d'espèces, la plupart non réglementées — entrent en Amérique du Nord et menacent le pays. Une fois que ces espèces s'établissent ici, il est très difficile de les éradiquer. Il s'agit donc d'un problème cumulatif.
Lorsque je m'adresse aux décideurs, il m'arrive souvent de faire une analogie entre les espèces envahissantes et les taxes déguisées — cela me permet habituellement de captiver leur attention. De fait, comme une taxe déguisée, une espèce envahissante arrive de nulle part et, une fois qu'elle est établie, il est impossible de la faire disparaître. En outre, les coûts qui y sont liés s'accroissent au fil du temps, comme cela se produit dans le cas des taxes déguisées. Et pourtant, le phénomène ne cesse de se reproduire.
À mon avis, si l'on ne traite pas les espèces envahissantes avec le même sérieux que celui avec lequel on traite les catastrophes naturelles, et si les mesures que l'on prend pour faire face à ce problème ne sont pas aussi coordonnées que celles qui sont prises pour intervenir à la suite d'une catastrophe naturelle, c'est parce que les médias traitent généralement les nouvelles liées aux espèces envahissantes comme s'il s'agissait de cas monstrueux isolés. On entend parler ici et là d'un problème lié aux moules, à l'ascidie jaune, aux tuniciers ou à une espèce quelconque de poissons, mais on ne signale pas qu'il s'agit là de symptômes d'un même phénomène, à savoir une forme de transformation à l'échelle planétaire, que je qualifie plaisamment d'« invasions barbares ».
Chaque pays est susceptible de se heurter à ce problème. Il ne fait aucun doute que ce type de transformation à l'échelle planétaire, qui est indissociable des autres types de changements mondiaux, exerce des contraintes sur les économies régionales et nos ressources naturelles, représente une menace pour la santé humaine et a une incidence sur toutes les facettes de la société. À mesure que la mondialisation progresse, les pays qui seront le plus à même et en mesure de faire face au problème, et les mieux outillés à cette fin auront un énorme avantage sur les autres.
Cela dit, à mon avis, nous avons beaucoup de retard à ce chapitre, ce qui ne devrait pas être le cas. Le pays dispose d'une extraordinaire expertise scientifique.
Merci, monsieur Ricciardi.
Monsieur Johnson, d'après le rapport de 2008 du Commissaire à l'environnement et au développement durable, Pêches et Océans Canada n'a pas évalué les risques socio-économiques que présentent les espèces aquatiques envahissantes afin d'être en mesure d'estimer les risques globaux. Le rapport mentionne que, en l'absence d'analyses supplémentaires, le ministère ne disposait pas des renseignements clés dont il devait disposer pour fixer les priorités ou établir les objectifs fondés sur les risques de manière à atténuer le préjudice causé par les espèces envahissantes aquatiques.
Il me reste 30 secondes. Je vais vous poser une question à deux volets. D'une part, j'aimerais savoir si, à votre avis, le MPO a présenté une évaluation adéquate des risques socio-économiques liés aux espèces envahissantes aquatiques dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent. D'autre part, j'aimerais que vous m'indiquiez dans quelle mesure une telle évaluation est importante pour votre travail, et pour ce qui est de la capacité du Canada d'atténuer l'incidence néfaste des espèces envahissantes aquatiques. Vous pourriez également dire quelques mots à propos des meilleures mesures que nous pourrions prendre pour remédier à cela.
Si cela ne vous dérange pas, je ne répondrai pas à la première question, car mes travaux ne portent pas sur les Grands Lacs en tant que tels. Je n'ai pas travaillé avec le personnel du MPO de la région des Grands Lacs, et il est donc difficile pour moi de répondre à votre question.
En ce qui concerne la côte Est, je peux vous dire qu'il y a des gens — tant au sein de l'EML qu'au sein du laboratoire de Moncton — qui déploient des efforts extraordinaires pour tenter de recueillir des renseignements.
La deuxième question concernait...
La solution. À coup sûr, des gens exceptionnels travaillent de façon diligente, mais quelle est la solution?
J'aimerais avoir l'occasion de dire... Je ne veux pas dire que le gouvernement est le seul responsable de la surveillance. Je crois que la surveillance a une très mauvaise réputation, et cela est injuste, car il s'agit d'une tâche fondamentale en l'absence de laquelle il est très difficile de travailler. Je ne suis pas en train d'affirmer que les scientifiques des universités devraient toujours s'occuper du travail plaisant, et que les scientifiques du gouvernement devraient toujours faire le travail pénible, mais il convient de souligner que le gouvernement est présent en permanence. Il arrive que les scientifiques suivent leurs propres intérêts. Il s'agit d'un rôle crucial, qui doit faire l'objet d'une évaluation. Il faut qu'un financement de base soit affecté à tous les aspects de la surveillance. Je crois que nous pouvons effectuer de la surveillance à l'égard tant des espèces envahissantes que des autres paramètres environnementaux. Cela serait très bien.
La solution... Eh bien, de toute évidence, nous avons besoin de plus d'argent. Je ne saurais vous préciser... Le Canada est un vaste pays. Il s'agit malheureusement d'un vaste pays, et les fonds sont saupoudrés ici et là. Je suis désolé, mais c'est la meilleure réponse que je peux vous donner.
Merci, monsieur le président.
Je vais éviter de parler d'argent, parce que l'argent ne règle pas nécessairement les problèmes. Je vais aussi éviter de parler de l'Île-du-Prince-Édouard, parce que l'étude porte sur les Grands Lacs.
Ma première question s'adresse à M. Johnson. J'ai deux questions, une pour chacun des témoins.
Monsieur Johnson, j'aimerais être en mesure de bien comprendre quelles sont les priorités du Canadian Aquatic Invasive Species Network. Vous avez mentionné que vous n'êtes pas un expert des Grands Lacs, alors je présume que le réseau ne s'occupe pas que des Grands Lacs non plus. Comment établissez-vous les priorités concernant les prochaines activités de votre comité?
Les activités du CAISN se sont déroulées en deux temps. Nous sommes en ce moment dans la deuxième partie. Si vous me permettez de parler de celle-ci, parce que je pense que cela répondra mieux à votre question, je vous dirais que les chercheurs qui ont participé à la première partie des activités se sont réunis dans le cadre de l'une de nos assemblées générales annuelles et ont discuté de ce qu'ils voyaient comme étant des lacunes dans nos connaissances et des domaines prometteurs pour ce qui est des travaux de recherche pouvant être effectués à l'échelle nationale au Canada.
Nous avons cerné des thèmes, nous les avons soumis à l'ensemble des membres du réseau, nous avons demandé des suggestions, et, enfin, nous avons fait le tri dans celles-ci pour en arriver à ce que nous considérions comme étant un groupe de quatre thèmes liés. Les thèmes étaient la détection précoce, l'intervention rapide, les facteurs multiples de stress et les mesures à prendre pour composer avec l'incertitude. M. MacIsaac peut vous en dire beaucoup plus à ce sujet. Je ne veux pas parler à sa place.
Je trouve que c'était un excellent travail de collaboration avec les chercheurs du gouvernement. C'était une occasion exceptionnelle de travailler avec des chercheurs du gouvernement ainsi qu'avec d'autres biologistes spécialistes des espèces envahissantes du pays. Les gens que j'ai rencontrés m'ont ravi. J'ai tiré de ma participation une stimulation intellectuelle et une satisfaction que je n'obtiens pas souvent dans le cadre de mon travail de chercheur de façon isolée.
L'un ou l'autre des quatre thèmes pourrait donc s'appliquer aux Grands Lacs, ou encore à l'ensemble de ceux-ci.
Ils pourraient tous s'y appliquer. En fait, je dis que je ne travaille pas sur les Grands Lacs, mais je prends part à des projets dans la région du Centre, laquelle inclut les Grands Lacs. Je participe à un projet avec M. Ricciardi. Il y en a aussi un autre avec une chercheuse du MPO à Burlington.
Nous prenons, sur le plan conceptuel... Nous avons vraiment établi un réseau en faisant intervenir des gens ayant différents domaines d'expertise. Ce n'est donc pas moi qui identifie le zooplancton, c'est ma collègue du MPO, mais nous utilisons mes idées et les combinons avec les siennes pour faire avancer les choses.
Merci.
Monsieur Ricciardi, voici ce qui me préoccupe vraiment dans ce que vous avez dit. Il est possible et très probable qu'il y ait des espèces envahissantes dans les Grands Lacs que nous ne connaissons même pas et qui causent des dommages sans même que nous nous en rendions compte.
M. Ladd Johnson: C'est presque sûr.
M. Bryan Hayes: Ensuite vous avez mentionné qu'il y a 20 espèces dont nous ne sommes même pas sûrs qu'elles sont envahissantes, et sur lesquelles nous n'avons même pas fait d'études.
Comment détermine-t-on sur quoi les prochaines études doivent porter? À votre avis, quelle serait la prochaine chose à examiner à propos de ces espèces? Qui prend la décision à cet égard?
Nous mettons au point des modèles d'identification, en créant une espèce de profil criminel, si l'on veut, d'une espèce qui pourrait causer des dommages ou des effets indésirables. Nous ne sommes pas les seuls à le faire. C'est quelque chose qui se fait un peu partout dans le monde.
Même si nous ne savons pas quelle espèce pourrait être la prochaine à faire son apparition, au bout du compte, nous pourrions avoir des critères nous permettant de déterminer quelles espèces nouvelles posent les risques les plus élevés, en fonction du profil en question. Il s'agit d'une forme essentielle d'évaluation du risque, et c'est donc grâce à un processus d'évaluation du risque appliqué adéquatement qu'on peut repérer les menaces, avant même que l'on puisse déterminer qu'une espèce constitue une menace, auquel cas il est plus facile de faire une priorité du fait d'empêcher son entrée, ou encore, lorsqu'il est établi qu'elle pose une menace, plus facile de décider d'investir des ressources pour faire le travail nécessaire d'éradication.
Nous ne pouvons pas empêcher toutes les espèces d'entrer. Nous ne pouvons pas empêcher tout ce qui se passe, et nous n'avons pas à le faire non plus. Ce que nous devons faire, c'est de déterminer quels sont les risques les plus importants. Qu'est-ce qui est susceptible de causer le plus de dommages? Dans le cadre du processus d'évaluation des risques — et les chefs de file à cet égard sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande —, processus qui fait partie des priorités du CAISN, nous sommes en mesure de mettre au point des méthodes qui peuvent être appliquées sur le terrain et qui nous permettent de prévoir non seulement la prochaine menace, mais peut-être même le prochain vecteur qui va permettre son apparition, ou quels sont les nouveaux vecteurs qui vont engendrer de multiples menaces.
J'avais une façon de le faire il y a de nombreuses années — c'était une méthode simple, en fait, à l'époque; aujourd'hui, nous avons perfectionné nos méthodes — et c'était de cerner les tendances, à partir de l'historique de la progression des espèces envahissantes, et de faire des extrapolations à partir de celles-ci.
La plupart des espèces qui sont introduites dans les Grands Lacs viennent d'Europe. Cette situation découle des possibilités que créent les échanges commerciaux, surtout. Nous sommes en mesure de voir quelles espèces envahissent l'Europe à l'heure actuelle. Nous savons que l'eau de ballast relâchée par les navires en provenance de l'étranger a toujours été le plus important vecteur d'invasion dans les Grands Lacs, à tout le moins jusqu'en 2008, et nous pouvons présumer qu'il va continuer en être ainsi. La question est donc la suivante: quelles sont les espèces qui colonisent les ports, comme Rotterdam, Hambourg et ainsi de suite, d'où viennent les navires de transport qui accostent ici et qui posent donc un risque d'envahissement de nos eaux?
C'est un travail que nous avons fait. Lorsque je m'en suis occupé, j'ai repéré environ une vingtaine d'espèces considérées comme ayant des répercussions importantes aux endroits qu'elles ont envahis un peu partout en Europe, susceptibles de survivre au transport dans l'eau de ballast et présentes dans les ports en question et donc probablement en contact avec l'eau de ballast.
C'est un grand coup de dés. Le seul fait qu'une espèce soit présente et qu'elle puisse être recueillie par un navire ne veut pas dire quelle va certainement s'établir. Il peut falloir plusieurs essais. C'est un coup de dés, mais nous pipons les dés en faveur des espèces envahissantes.
J'ai fait ce travail il y a des années, et l'une des espèces concernées est bel et bien arrivée ici. Il s'agit de la dernière espèce qui est arrivée dans l'eau de ballast à notre connaissance. C'est la crevette rouge sang, dont vous allez entendre parler davantage dans l'avenir. Elle a été repérée en 2006.
[Français]
Professeur Ricciardi, même si on en a parlé tout à l'heure, j'aimerais approfondir la question.
Le rapport de 2008 du commissaire à l'environnement et au développement durable a recommandé, pour empêcher les espèces envahissantes de s'établir, d'adopter une approche permettant la détection rapide et de développer la capacité de réagir rapidement. Or, selon votre document, la capacité juridique pouvant soutenir une telle gestion n'existerait pas actuellement.
Je vais commencer par cette question et aller plus en profondeur par la suite. Qu'est-ce qu'on peut faire pour corriger la situation?
[Traduction]
Nous ne disposons pas d'un système de coordination de l'expertise, de l'expertise en taxonomie, par exemple, qui nous permettrait d'identifier rapidement une espèce, ce qui est la première étape de l'évaluation d'une menace. L'étape suivante, lorsqu'on sait ce qui arrive dans l'eau de ballast ou par un vecteur quelconque, ou lorsque l'on a déjà trouvé quelque chose dans les Grands Lacs, c'est de déterminer si c'est une menace. À ce moment-là, on applique les modèles d'évaluation des risques dont j'ai parlé.
Il n'y a pas de réglementation en la matière. Il n'y a pas de système de surveillance coordonnée en place. Il n'y a pas de système de coordination des activités d'un grand nombre de gens qui travaillent un peu partout au pays. En fait, la chose qui s'en approche le plus, c'est le CAISN, c'est-à-dire le Canadian Aquatic Invasive Species Network, qui est financé par le CRSNG. Le but, c'était de mettre à profit l'expertise des gens, les gens qui ont une expertise en taxonomie, ceux qui en ont en évaluation du risque et ceux qui connaissent l'écologie à l'égard de différents types d'organismes — et nous avons donné quelques exemples ici, du poisson aux moules, en passant par les tuniciers et toutes sortes d'autres choses —, qui sont disséminés un peu partout au pays, et leur donner l'occasion de travailler ensemble et d'informer le gouvernement. Nous devons le faire davantage, mais c'est ce que nous avons fait jusqu'à maintenant.
Est-ce que j'ai répondu à votre question?
[Français]
Quelles sont les étapes pour établir un système de détection rapide? Pour vous, qui êtes d'une université du Québec, les étapes commencent-elles dans le golfe, dans l'estuaire, à Chicago, dans les différents affluents? Quelles sont les étapes pour en arriver à un système efficace de détection rapide?
[Traduction]
Je ne suis pas gestionnaire, mais il faudrait que quelqu'un trouve l'organisme, ce qui veut dire qu'il faut effectuer une surveillance. Il faut être capable de l'identifier à l'aide, disons, d'une base de données spécialisée, qui permet d'identifier les espèces appartenant au groupe d'organismes en question, qu'il s'agisse d'un poisson, d'un mollusque ou d'un autre type d'invertébré, ou encore d'une plante, de faire parvenir ce qu'on a trouvé rapidement aux spécialistes et leur demander de l'identifier à l'aide par exemple de techniques comme le séquençage de l'ADN. Ensuite, une fois qu'on sait de quoi il s'agit, il faut qu'on procède à une évaluation du risque.
C'est quelque chose qui est déjà en place, je pense, en ce qui concerne les pathogènes humains, dans le cas des centres de lutte contre les maladies. J'imagine que nous pourrions combiner ce genre d'approche qui est déjà utilisée pour repérer les pathogènes, pour les identifier, et coordonner l'expertise et une intervention rapide. Nous pourrions faire la même chose à l'égard des espèces non pathogènes ou des espèces exotiques qui n'affectent pas les humains.
[Français]
[Traduction]
Il faut que nous procédions rapidement à l'identification, puis à l'évaluation du risque pour déterminer si l'espèce pose un risque, une fois que nous la connaissons. La difficulté, c'est de savoir de quoi il s'agit. Je présume que votre question vient du fait que j'ai dit qu'il y a dans les Grands Lacs des espèces dont nous ne savons même pas avec certitude si elles sont envahissantes ou non. Nous avons de l'expertise au pays, pas autant que je le souhaiterais, mais nous avons une expertise dans l'identification de différentes espèces d'organismes, qu'il s'agisse de poissons ou d'invertébrés, et ainsi de suite. Nous n'avons pas de moyen coordonné d'accéder à cette expertise rapidement lorsqu'une nouvelle menace est détectée. Ce qui se passe habituellement, c'est qu'une personne téléphone pour dire qu'elle a trouvé quelque chose d'étrange, alors c'est très aléatoire. Il y a à ce moment-là quelqu'un qui dit à la personne qu'elle devrait envoyer ce qu'elle a trouvé à M. Untel dans telle université, et il est possible que ce qu'elle ait trouvé parvienne à cette personne. Si c'est le cas, elle peut l'identifier, déclarer qu'il s'agit d'un problème potentiel et qu'on devrait peut-être en aviser quelqu'un.
C'est très aléatoire, contrairement à ce qui se passe par exemple en Australie, où on exerce une surveillance et où il y a un système plus coordonné pour l'identification rapide, l'évaluation rapide et ensuite l'intervention rapide.
[Français]
Je veux seulement ajouter un détail.
Selon moi, ça va pour l'aspect pratique. Toutefois, je crois que le plus important est d'établir des étapes dans la sphère politique. Personne ne va réagir comme il faut s'il n'y a pas de coordination entre les gouvernements fédéral et provinciaux, et même les municipalités et les gens qui y vivent. C'est très important d'avoir tout planifié, même si on rate l'arrivée de quelques espèces qui auraient été mal identifiées, par exemple. À mon avis, c'est important que tout soit prêt et qu'on puisse réagir. Un bon système d'identification ne vaut pas grand-chose si on n'est pas capable de réagir.
Merci.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Johnson, je n'ai pas entendu de mots espagnols se glisser dans ce que vous avez dit. Beau travail.
Impossible pour moi, dans un cas comme dans l'autre. Vous êtes beaucoup trop en avance sur moi.
Je vais demander à l'un de vous deux s'il connaît la loi fédérale intitulée Loi sur la protection des espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.
L'histoire me ramène en arrière.
J'ai fait des recherches là-dessus, et nous avons actuellement un ensemble de lois fédérales qui, entre autres choses, visent à protéger les espèces canadiennes dont la capture, la possession et le transport sont réglementés par des lois provinciales ou territoriales et dont l'introduction dans l'écosystème du Canada pourrait mettre en danger certaines espèces. La loi interdit l'importation, l'exportation et le transport interprovincial de ces espèces à moins que les spécimens ne soient accompagnés de la documentation appropriée, et elle s'applique aux plantes, animaux, morts ou vifs, ainsi qu'à des parties de ceux-ci et à tout produit dérivé. Si l'on regarde ensuite dans la loi en tant que telle, la définition d'animal qu'on y trouve comprend les poissons.
J'ai posé la même question aux représentants du MPO, et ils ne semblaient pas savoir ce qui existait au préalable, alors il est évident que nous avons du travail à faire pour renforcer cet ensemble de lois.
La loi a été adoptée il y a plusieurs années.
Je peux vous dire que nous appliquions cette loi en 1998 ou 1999 lorsque j'étais agent de conservation dans le territoire du Yukon.
Vous avez tous les deux semblé étonnés, alors je pense que nous devrions probablement réviser cet ensemble de lois, peut-être même ici, dans le cadre des séances du comité, pour voir comment elles s'appliquent aux échanges provinciaux et internationaux.
Je comprends ce que vous dites. Nous avons reçu le même message de la part du MPO, c'est-à-dire que les agents des douanes intervenaient en grande partie au nom du ministère des Ressources naturelles de l'Ontario et en appliquant la loi provinciale pour empêcher l'entrée de la carpe, mais il me semble que la chose relèverait tout à fait de leur champ de compétence, qu'ils pourraient agir au nom de Sa Majesté. L'ensemble de lois dont je vous parle exigerait qu'ils le fassent aux douanes en vertu des lois fédérales.
Je pense qu'il va falloir examiner la chose de plus près et voir ce que nous pouvons faire ou ce que la loi dit.
Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je pense qu'il s'agit de l'aspect de l'application de la loi dont j'ai parlé. Je pense que la structure réglementaire est adéquate, mais qu'il faut qu'il y ait un mécanisme d'application, alors je ne suis pas sûr. Évidemment, la diffusion de cette information auprès des destinataires adéquats... Mais vous avez dit que vous avez appliqué cette loi vous-même dans certains cas?
Oui.
Lorsque j'étais agent de conservation au Yukon, nous avions recours à cette loi pour les espèces terrestres, bien entendu. Nous nous occupons d'animaux visés par la CITES et ce genre de choses lorsqu'ils traversent les frontières provinciales ou la frontière entre le territoire et l'Alaska, le long de laquelle il y a quatre points d'entrée. Il n'y avait donc pas nécessairement beaucoup de gens qui tentaient de relâcher des poissons vivants ou des espèces aquatiques envahissantes au Yukon. Il faut être assez vigoureux pour vivre au Yukon. La vie est plutôt facile à l'Île-du-Prince-Édouard.
Je me demandais si vous aviez entendu parler de cette loi et si vous aviez des commentaires sur son efficacité ou son inefficacité, mais il est inutile de nous préoccuper de cela.
La question que j'aimerais poser maintenant est de nature plutôt scientifique et procède peut-être de ma curiosité.
Je comprends ce que vous avez dit sur la détection précoce et le moment où la présence d'une espèce est détectée, mais est-ce que nous savons suffisamment de choses au sujet de certaines espèces aquatiques envahissantes pour trouver une période de vulnérabilité dans leur cycle de vie où il serait le plus approprié ou le plus opportun d'appliquer une stratégie d'éradication? Est-ce qu'une stratégie du genre a déjà été déployée?
Si je me rappelle bien, l'intervention cible les larves qui vivent dans les sédiments. Voilà donc un exemple où l'anti-lamproies est utilisé dans le but d'intervenir à une étape précise du cycle de vie.
Normalement, nous n'envisageons pas la chose de cette façon. Lorsque des mesures d'éradication ont été prises dans d'autres régions du monde, on a tenté de le faire avant que l'espèce n'ait eu le temps de se propager rapidement. Si elle arrive à se propager rapidement, on se retrouve toujours à éteindre des feux. Il faut également tenir compte des priorités en matière d'éradication des espèces — autrement dit, les espèces qu'on est le plus susceptible d'éradiquer — plutôt que de déployer des efforts qui demeureront modérés. Des espèces ont fait l'objet de priorités pour ce qui est de l'éradication lorsqu'on a constaté qu'elles ne pouvaient se propager très rapidement, comme par exemple certains escargots ou parasites de ces escargots. Il y a eu des exemples d'éradication réussie d'un parasite dans les endroits où l'on cultive des ormeaux, parce qu'on a constaté que le parasite était un invertébré rampant et qu'il ne pouvait donc pas aller très loin. Les gens qui sont intervenus ont donc eu du temps, et leurs chances de réussite étaient grandes s'ils se donnaient la peine d'intervenir.
De ce point de vue, donc, une fois que l'invasion a commencé, une fois qu'il existe des populations, on peut prendre les décisions en fonction du cycle de vie de l'espèce, et même peut-être en fonction de certaines étapes du cycle de vie. On peut décider s'il vaut la peine de tenter d'éradiquer l'espèce, même si cela peut causer d'autres dommages dans le milieu, ou s'il va simplement s'agir d'une opération contrôlée à partir de ce moment-là. Le moment où l'on prend une décision quant à la prévention, à l'éradication ou au contrôle systématique dépend actuellement de l'évolution de l'espèce dans l'accroissement de sa population, laquelle est fonction du temps.
J'aimerais simplement ajouter brièvement que, selon moi, l'exemple de la lamproie est en quelque sorte porteur d'un faux espoir. Je ne veux pas que les gens pensent toujours qu'il est possible d'appliquer ce genre de solution. C'est un exemple de cas extraordinaire, où la biologie a vraiment joué un rôle et où nous avons été en mesure d'éradiquer l'espèce envahissante.
Par contre, j'aimerais dire qu'il existe des choses prometteuses, surtout au chapitre des approches moléculaires, et je pense que nous allons être en mesure dans l'avenir d'utiliser des instruments moins grossiers pour faire le travail en question. Je pense au programme de lutte contre la mouche noire dans le cadre duquel on utilise le Bti, qui est un pathogène bactérien de la mouche, et où on cible les larves qui vivent dans l'eau plutôt que les mouches d'âge adulte. Voilà donc un exemple de ce qu'on peut faire pour cibler certaines choses sans que ce soit une solution magique, mais quelque chose de beaucoup plus précis que les traitements chimiques qu'on utilisait souvent dans les cas habituels.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Quels sont les pays d'Europe qui luttent contre les espèces envahissantes de la façon la plus efficace? Quelles mesures prennent-ils?
Aussi, est-ce que le gouvernement du Canada entretient des rapports avec le gouvernement de pays européens ou de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui, d'après ce que vous avez dit, connaissent beaucoup de succès dans leur lutte contre les espèces envahissantes, ou est-ce qu'il y a des universités au pays — s'il y en a, j'aimerais en entendre parler — qui entretiennent des liens avec les universités de ces pays? J'aimerais simplement que vous disiez quelque chose là-dessus.
Je ne sais pas dans quelle mesure les pays d'Europe réussissent à régler le problème de façon efficace. J'ai parlé de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. Je pourrais aussi vous dire que l'Afrique du Sud, et, dans une certaine mesure, les États-Unis — pour les États-Unis, je ne suis pas certain, mais c'est sûr dans le cas des trois autres pays —, vous dire, donc, qu'ils sont en avance sur nous et parler du sérieux avec lequel ils envisagent la question, au chapitre de l'évaluation des risques, ainsi que d'une — je n'aime pas utiliser cette expression, car elle est galvaudée — approche proactive pour régler le problème. Si vous parlez avec les gens de ces pays, ils vous diront probablement qu'ils sont loin de connaître autant de succès qu'ils voudraient. Je compare simplement notre situation à la leur. Je ne peux pas vous parler des pays d'Europe, parce que je n'ai discuté avec personne des gouvernements en question.
Si je comprends bien, vous êtes en train de me dire que nous faisons le travail de façon indépendante et que nous n'entretenons pas de relations avec d'autres pays qui luttent contre les espèces envahissantes? Habituellement, nous aimons parler avec les représentants d'autres pays, et les universitaires s'adressent à des gens de l'étranger. Mais ce que vous me dites, essentiellement, c'est que nous travaillons de façon indépendante dans ce domaine?
Le cas de la lamproie, qui est à l'origine de la Commission des pêcheries des Grands Lacs, est un exemple de l'excellente collaboration entre les États-Unis et le Canada. Nous reconnaissons le fait que la question des espèces envahissantes s'ajoute aux autres questions de nature transfrontalière, puisqu'elles ne respectent pas les frontières, ce qui fait que nous ne travaillons pas de façon complètement indépendante. Il y a des différences entre les deux pays. Les États-Unis ont une loi sur les espèces envahissantes, alors que nous n'en avons pas. Il y a probablement une différence sur le plan des fonds engagés aussi.
En ce qui concerne la collaboration avec l'Europe, je ne connais pas d'exemple de collaboration entre l'Europe et le gouvernement fédéral, ou même avec un gouvernement provincial. Dans les universités, il y en a. Nous collaborons avec des collègues de l'étranger qui se penchent sur le cas d'espèces envahissantes avant que celles-ci parviennent ici, ou parfois sur les mêmes espèces qui envahissent les deux côtés de l'Atlantique en même temps. Nous échangeons de l'information dans le but de combiner nos efforts visant à comprendre le comportement de ces espèces. Dans les universités — c'est-à-dire dans le milieu de la recherche — nous cherchons donc assurément à collaborer avec les gens d'autres régions de la planète qui possèdent une expertise différente de la nôtre ou qui sont témoins d'invasions que nous n'avons pas encore connues.
Nous entretenons donc bel et bien des relations avec des universités étrangères. Je comprends évidemment que les poissons ne connaissent pas les frontières, mais je pense qu'il est très important que nous ne réinventions pas la roue, peu importe ce que nous faisons. Vous nous dites que nous entretenons bel et bien des rapports avec des universités d'autres pays et avec d'autres gouvernements.
Puis-je dire une dernière chose là-dessus?
En réaction à une question du genre, je pense immédiatement à l'aspect économique et à l'Organisation mondiale du commerce.
J'aimerais d'abord dire que l'écologie en général — et le domaine des invasions biologiques, qui est en quelque sorte une sous-discipline de l'écologie en général — n'est pas encore une science bien établie. Nous en sommes encore au début d'un long apprentissage. C'est le cas de l'économie aussi, je crois, mais...
Je pense qu'il y a des modèles relevant du système économique qui pourraient être appliqués, et que celui concernant l'eau de ballast a été mis au point.
Tony, aidez-moi à trouver l'acronyme. Est-ce que c'est l'OMI?
Les responsables de cette organisation ont adopté une réglementation qui est appliquée à l'échelle internationale dans le domaine, parce qu'ils voient les facteurs économiques, je crois. Ils voient les chiffres. Ils savent que, si leurs activités sont réglementées et qu'ils doivent installer de nouveaux systèmes pour filtrer l'eau, et ainsi de suite, et que le règlement va s'appliquer dans tous les pays, il vaut mieux être proactif, être en avance, assurer une coordination et faire preuve de bonne volonté.
Je pense que c'est de ce côté-là que je chercherais. Je pense que je prendrais l'Allemagne si j'avais à choisir un pays d'Europe qui est en avance dans ce domaine.
Merci, monsieur le président.
Je voulais simplement poser des questions au sujet de l'Australie et de son programme. Celui-ci est-il prévu ou financé par le gouvernement fédéral? Comment les choses fonctionnent-elles?
L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont soit un ministère soit un département — je ne me rappelle jamais lequel est lequel — de la biosécurité qui coordonne le travail de lutte contre les espèces qui franchissent leurs frontières, qu'il s'agisse de pathogènes, d'espèces qui affectent les écosystèmes de seuil ou d'espèces aquatiques envahissantes, en eau douce ou en eau salée. Le ministère ou le département coordonne ces activités.
Je ne peux pas vraiment en dire plus là-dessus, mis à part le fait que les décisions sont fondées en grande partie sur l'évaluation du risque. Les chercheurs australiens et néo-zélandais sont probablement les chefs de file en ce qui concerne les méthodes d'évaluation du risque, c'est-à-dire la capacité de déterminer quelles espèces ou quels vecteurs posent le risque le plus important, lesquels vont probablement causer les dommages les plus importants, et ainsi de suite.
Puis-je ajouter quelque chose?
M. Fin Donnelly: Certainement.
M. Ladd Johnson: Je suis toujours le deuxième frappeur. J'espère parfois être capable de frapper, pas un coup de circuit, mais...
Je pense que ce dont il faut prendre conscience, dans le cas de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande — parce qu'on en parle souvent —, c'est que ce n'est pas un hasard si ce sont ces deux pays qui sont en avance sur nous.
D'abord, comme il s'agit d'îles qui ont été isolées pendant des centaines de millions d'années, il n'y a pas de pays qui soit plus vulnérable aux invasions que ces deux-là. Les invasions prennent parfois l'ampleur d'une catastrophe.
Ensuite, ces deux pays exercent un meilleur contrôle sur leurs frontières que les autres. Ils sont donc habitués — et je pense que M. Ricciardi l'a mentionné tout à l'heure — de penser aux invasions, parce qu'ils en ont connu et qu'ils ont été en mesure de voir que oui, s'ils peuvent contrôler les points d'entrée, ils peuvent agir avec plus de confiance à l'égard des mesures qu'ils prennent.
Merci.
Nous avons parlé des principales causes du problème. Vous avez parlé de l'eau de ballast transportée par des bateaux étrangers et du commerce international d'organismes vivants. Y a-t-il d'autres sources importantes que nous devrions connaître? Ce à quoi je pensais, lorsque vous décriviez le problème, c'est à une espèce de carte montrant les points chauds dont nous devrions nous doter. Je me rappelle que, lorsque j'étais conseiller municipal — et je pense à la police —, nous savions où se trouvaient les points chauds. Existe-t-il quelque chose du genre? J'aimerais également savoir s'il y a d'autres sources à cerner.
J'ai entendu parler d'une étude en cours en Grande-Bretagne — je ne me rappelle pas les détails — qui s'applique précisément à ce que vous venez de dire. Il s'agit d'une étude récente. On applique dans le cadre de celle-ci la méthode des points chauds qu'on utilise pour l'activité criminelle, ou encore la démarche statistique qui permet de les établir, aux espèces exotiques, aux épidémies, si vous voulez.
Quel était l'autre volet de la question?
Eh bien, il y a des sources comme les canaux, par exemple... Le canal Welland peut encore être une source permettant à certaines espèces arrivées dans le fleuve Saint-Laurent de contourner les chutes du Niagara pour entrer, comme l'ont fait la lamproie, le gaspareau et quelques autres espèces. Les canaux sont une brèche dans les obstacles qui, autrement, permettraient de contenir les espèces, à moins que nous ayons trouvé d'autres moyens de les aider à sortir.
Il y a des introductions intentionnelles. J'en ai parlé plus tôt. Je me rappelle certainement une époque où quelqu'un avait l'intention de bloquer l'accès par bateau à un lac, et une personne a fait un appel anonyme. Il s'agissait d'une station de lavage où l'on allait exiger que les gens lavent leur bateau, et quelqu'un a dit: « Si vous faites cela, je vais tout simplement jeter des moules zébrées dans le lac, que ce soit réglé. »
Je ne sais pas trop comment fournir des poissons vivants sans courir ce risque. Peut-être que les gens ne peuvent pas les sortir vivants, mais je peux imaginer qu'on pense à en jeter quelques-uns dans une baie pour toujours en avoir une population.
N'oubliez pas que le commerce d'organismes vivants suppose beaucoup de sous-vecteurs. Il y a le transport d'organismes vivants à des fins commerciales. Il y a les poissons qui sont rejetés par les gens qui se les sont procurés auprès de l'industrie des aquariums. Il y a les appâts vivants qui sont rejetés à l'eau. Les gens peuvent se procurer des appâts vivants dans le commerce et les rejeter à l'eau. C'est comme ça que l'écrevisse américaine et toutes sortes d'autres espèces se sont propagées et continuent de le faire.
Au bout du compte, ce sont les humains qui, à petite échelle, continuent de contribuer à la propagation après que les activités à grande échelle des industries ont introduit une espèce dans une région.
Ma dernière question est en quelque sorte l'inverse de la première.
De quelle façon pourrons-nous mieux aborder le problème sans y consacrer d'autres ressources? Y a-t-il des mesures que nous puissions prendre, par exemple? Ma première question était celle de savoir si nous pouvions régler le problème avec des ressources limitées et compte tenu des compressions au ministère. Quelle est la réponse à la question inverse? Nous n'allons pas recevoir plus de fonds. Qu'est-ce qui serait la meilleure chose à faire?
Je me tournerais vers la sensibilisation de la population de façon ciblée, parce que je pense que cela aurait une incidence sur les vecteurs difficiles à cibler. En plantant des graines pour l'avenir, on n'obtiendra pas beaucoup de résultats à court terme, mais la sensibilisation des jeunes dans les écoles... Cela pourrait faire partie des programmes.
Excusez-moi, j'aimerais avoir une petite précision: est-ce que ce serait le gouvernement qui le ferait, ou encore les groupes sans but lucratif ou des bénévoles? Qui ferait cela sans être payé?
Eh bien, sans être payé... Vous n'obtiendrez rien pour rien. Mais si vous faites un petit investissement, le plus rentable à long terme, ce pourrait très bien être, je crois, la sensibilisation de la population, sauf qu'il faut déterminer dans quelle mesure la chose est efficace.
Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être ici. Je suis heureux d'entendre votre témoignage. Il a été très éclairant jusqu'à maintenant. Je vais essayer d'éviter les nombreux sujets qui ont déjà été abordés, parce que je trouve que la discussion a déjà été très éclairante.
Vous serez aussi heureux de savoir que la réglementation interdira l’importation, le transport et la possession d’espèces aquatiques envahissantes vivantes, comme la carpe asiatique qui menace les Grands Lacs.
Si la Loi sur les pêches devait être modifiée de façon à ce qu'elle contienne des dispositions portant précisément sur le pouvoir de réglementation, ou encore à ce qu'elle prévoie un pouvoir de réglementation visant en particulier des choses comme la possession d'espèces aquatiques envahissantes vivantes, je présume que vous verriez cela comme un progrès. Il ne s'agit peut-être pas de mesures de sensibilisation de la population, mais cela doit être presque en tête de la liste des choses que nous pourrions faire sans investir beaucoup d'argent, à tout le moins au début.
Je suis d'accord. Et peut-être même que cette mesure réglerait le problème puisqu'il deviendrait évident qu'il est interdit de posséder une espèce aquatique envahissante. Je ne sais pas quel serait le coût. Je suis sûr que ce ne serait pas gratuit, mais aussi que ce serait très peu coûteux en comparaison. Là encore, je prévoirais des mesures d'application, parce que sans application, il est difficile d'atteindre le but.
Oui, et je pense que c'est ce vers quoi le ministre se dirige. La déclaration était plus longue que ce que je vous ai lu, et elle portait aussi sur d'autres aspects concernant l'habitat et sa protection, et ainsi de suite.
C'est une priorité assez importante pour notre gouvernement. En fait, certains députés étaient ici en 2006 et en 2007, lorsque nous avons présenté une toute nouvelle Loi sur les pêches. Les deux fois, le processus n'a pas abouti, mais les deux textes proposés comportaient un article sur les espèces aquatiques envahissantes.
Nous sommes conscients du fait qu'il y a en quelque sorte une lacune dans les politiques et la loi, et à très court terme, nous pourrions voir cette lacune comblée.
Je sais qu'au Québec, c'est la province qui décide des mesures concernant le poisson. Comment la nouvelle loi s'applique-t-elle à la collaboration entre les autorités fédérales et provinciales?
Eh bien, dans certains cas, la gestion des pêches fait l'objet d'une entente avec les provinces continentales, mais pas la protection de l'habitat. Cela relève entièrement du gouvernement fédéral. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve. Je suis plutôt optimiste. Au moins, le problème a été reconnu, et le ministre l'a mentionné.
Ma question est plutôt de nature théorique. Une invasion biologique peut-elle aussi constituer un phénomène naturel? Peut-on affirmer avec exactitude qu'il y aurait des invasions d'espèces exotiques, même nuisibles, si l'humain n'interagissait pas avec l'écosystème? Autrement dit, les invasions peuvent-elles se produire naturellement?
Oui. Le processus d'invasion est tout aussi naturel que le processus d'extinction. Comme dans le cas de l'extinction, les humains ont modifié le processus; il s'accélère.
En fait, j'ai comparé des taux d'invasion de la préhistoire à l'ère moderne, et les différences sont énormes. Si l'on prend le cas extrême d'Hawaï, qui — avant l'arrivée des humains, donc des Polynésiens — était envahi tous les 30 000 ans, on y observe maintenant 20 nouvelles espèces envahissantes par année. L'accélération est multipliée par 800 000.
Sur le plan historique, le taux d'accélération est sans précédent. Dans le cas de l'extinction, en fouillant dans le passé, il est possible de trouver un épisode d'extinction massive — par exemple, lorsqu'un astéroïde a frappé la planète — semblable à ce que l'on observe aujourd'hui; ce n'est pas une consolation, mais c'est possible. Par contre, on n'observe dans les fossiles aucune trace d'invasion massive aussi importante que celle qui se produit maintenant.
Prenons encore une fois l'exemple de la Nouvelle-Zélande, qui compte 35 espèces de mammifères européens. Ceux-ci n'auraient jamais pu se rendre en Nouvelle-Zélande par eux-mêmes. On y observe aussi 12 espèces d'oiseaux que l'on trouve normalement en Angleterre. Il est impossible que ces oiseaux se soient rendus en Nouvelle-Zélande par eux-mêmes pour y établir une population.
Les grands déplacements que nous observons, comme dans le cas de la moule zébrée qui envahit les Grands Lacs, n'auraient jamais eu lieu sans vecteurs humains.
Une invasion peut être naturelle, mais elle se produit à petite échelle et à un rythme beaucoup moins rapide que lorsqu'il s'agit d'une invasion d'origine humaine.
J'aimerais préciser que, avec la formation de l'isthme de Panamá, l'invasion de l'Amérique du Sud était catastrophique et s'est faite naturellement.
Il faudrait regrouper tous les continents en même temps, et l'on ne serait même pas près de la situation actuelle. Il y a eu des invasions massives lorsque les continents sont entrés en collision.
Ce que nous observons maintenant ne ressemble à aucun événement antérieur qui a pu se produire à l'échelle régionale. Il s'agit d'un phénomène mondial. Et c'est nouveau.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous ceux qui sont ici.
Les Canadiens qui croient que c'est une bonne idée de laisser n'importe quel poisson dans un plan d'eau devraient écouter le témoignage que nous avons entendu au cours des dernières rencontres pour comprendre que ce n'est pas le cas.
Vous avez aussi parlé de piranhas dans les Grands Lacs.
On trouve des piranhas presque chaque année dans les Grands Lacs. Ce sont des piranhas à ventre rouge vendus dans les animaleries. Il est facile de deviner comment ils se sont retrouvés dans les Grands Lacs. Le poisson est trop gros et mange tout dans l'aquarium, alors le propriétaire s'en débarrasse.
J'appelle cela le syndrome « Mon ami Willy », parce que les gens aiment relâcher leurs poissons, par exemple leur poisson rouge, dans la nature. Je crois que cela apaise leur conscience.
Chaque plan d'eau naturel ou artificiel de l'île de Montréal contient des poissons rouges ou en a déjà contenu. On estime que des dizaines de milliers de poissons sont relâchés dans le fleuve Saint-Laurent chaque année de cette façon particulière.
C'est pour cette raison que nous mettons l'accent sur la sensibilisation du public. C'est un phénomène qui touche les gens, et, plus la population est grande, plus le risque d'introduction d'espèces augmente.
Les piranhas ne réussiront probablement jamais à s'établir dans les Grands Lacs, à moins que l'hiver devienne beaucoup plus clément qu'il l'est maintenant. Cela est possible, mais pas dans un avenir immédiat.
D'autres espèces se sont établies de cette façon. Les piranhas nous rappellent que cela se produit lorsque nous les repérons chaque année. J'aime en parler, car cela surprend les gens.
Je crois que je porterai des cuissardes plus épaisses la prochaine fois que j'irai pêcher.
Voici ce qui me préoccupe.
Il y a un certain nombre d'années, un lac dans ma circonscription du Nouveau-Brunswick contenait beaucoup de poissons rouges, et nous avons dû prendre des mesures colossales pour nous en débarrasser.
Ce que j'aimerais savoir, c'est comment cerner rapidement le problème. Vous parlez d'une identification précoce.
Je crois que le revers de la médaille, c'est ce que vous avez décrit: l'utilisation d'eau de Javel dans une région de l'Australie. Cela m'interpelle particulièrement, car certains nous ont suggéré de verser de la roténone dans le lac du Nouveau-Brunswick envahi par l'achigan à petite bouche. Une telle mesure était très préoccupante.
Je ne vois pas comment nous pouvons intervenir rapidement de façon aussi draconienne advenant l'invasion d'une espèce dans les lacs.
J'aimerais que vous nous disiez comment nous pouvons intervenir, évaluer la situation et cerner le problème plus rapidement et prendre ensuite les mesures qui s'imposent.
Le problème de l'identification rapide est épineux, car il s'agit souvent d'un processus bénévole et diffus. La situation est encore pire à l'échelle internationale. Ce type d'expertise n'est plus très reconnu.
Voyons les choses du bon côté: il existe à Windsor un programme de codage à barres de l'ADN, un autre réseau qui tente essentiellement de trouver le code à barres de la vie.
C'est à Guelph. Essentiellement, vous leur envoyez un tissu, et ils vous donnent une réponse immédiatement.
Dans le cadre du premier réseau CAISN, une banque de tuniciers envahissants a été mise sur pied à l'Île-du-Prince-Édouard; les gens pouvaient envoyer... Je ne sais pas s'ils pouvaient envoyer des échantillons pour qu'ils puissent être identifiés, mais ils pouvaient obtenir une collection de spécimens de référence pour divers... Je ne veux pas me lancer dans la biologie moléculaire, mais ils pouvaient obtenir des outils pour faire identifier les espèces rapidement ou le faire eux-mêmes.
Je souhaite de tout coeur qu'un organisme centralisé soit mis sur pied pour faire cela, et non seulement pour les espèces envahissantes. Cet organisme pourrait servir uniquement à l'identification, mais je suis certain qu'il devrait être centralisé.
Oui, le processus de détection, mais quelles autres mesures proactives pouvons-nous prendre pour aller de front? Comme vous l'avez déjà dit, certaines espèces ne sont pas dormantes, mais elles sont là depuis un long moment avant que nous nous en rendions compte. Je me demande: comment pouvons-nous agir plus rapidement?
Dans quelques semaines, M. MacIsaac pourra vous en dire beaucoup plus sur le pyroséquençage; c'est une technique très onéreuse, mais comme dans le cas de nombreuses techniques moléculaires, les prix sont à la baisse. Vous savez tout ce que l'on peut faire avec l'ADN dans le cadre d'analyses judiciaires. Eh bien, nous pouvons faire la même chose avec les espèces envahissantes: nous pouvons prélever l'ADN environnemental et en faire des échantillons. Encore une fois, il faut des stratégies pour savoir où et quand faire les échantillons, mais cela permettrait probablement d'accélérer le processus, même si, dans ce cas, on déterminera peut-être seulement où le suivi doit être fait.
Je crois sincèrement qu'il faut une mentalité et une autorité particulières pour réagir rapidement, même après l'identification. Comme je l'ai déjà dit, la grémille figurait bel et bien sur la liste des espèces envahissantes, et il a fallu plus d'un an avant qu'il y ait une intervention. À ce moment-là, il a été déterminé que trop de rivières étaient touchées. Il aurait fallu prendre une décision en un mois ou deux.
D'après votre expérience, une fois qu'il y a une infestation et un plan d'action pour se débarrasser de l'espèce envahissante, voyez-vous une situation où il serait tentant de prendre une mesure draconienne comme l'utilisation de la roténone?
Comme je l'ai dit, je crois que, maintenant, nous ne disposons que d'outils dérisoires. Pour ma part, et je crois que M. Ricciardi sera d'accord avec moi, je supporterais de nombreux dommages collatéraux pour me débarrasser d'une espèce envahissante. Je crois que le public aura de la difficulté à avaler cela, mais c'est encore une question d'éducation.
Prenons un exemple. Encore une fois, c'est une question d'éducation publique. La plupart des gens croient que le poisson rouge est inoffensif. Une étude menée à McGill il y a de nombreuses années — je n'y ai pas participé — a démontré que les poissons rouges agissent comme de petites carpes ou de petits cochons aquatiques; essentiellement, ils s'établissent dans les sédiments, augmentent la turbidité, réduisent la transmission de lumière et déracinent les plantes. Les prédateurs que l'on peut voir comme les tritons et les salamandres voient leur habitat se détériorer, et ils vont ailleurs. Les poissons rouges agissent ainsi parce qu'ils en tirent des avantages écologiques; parce qu'ils brillent, si la transmission de lumière est réduite par une turbidité accrue, les prédateurs ne peuvent pas les voir. Ce sont des ingénieurs, et ils reconstruisent les habitats.
Je ne crois pas qu'une personne qui laisse son poisson dans un plan d'eau pense que cela va arriver. Elle n'a pas besoin de savoir que cela se produira, mais il faut qu'elle sache qu'il y a un prix à payer pour faire cela.
En résumé, je crois que la plupart des personnes qui profitent de la nature ne veulent pas endommager l'écosystème, mais la plupart d'entre elles ne savent pas ce qu'elles font.
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