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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 039 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 16 mai 2012

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Je remercie M. MacIsaac d'avoir bien voulu être des nôtres.
    Monsieur MacIsaac, nous étudions les espèces envahissantes. Je suis sûr que vous êtes au courant du travail que nous avons effectué au cours de cette étude.
    Je suppose que le greffier vous a dit que nous accordons généralement une dizaine de minutes à nos invités pour leur déclaration préliminaire; ensuite, nous passons directement aux questions. Si je dois vous interrompre, je vous prie d'accepter d'avance mes regrets. Le temps de nos membres est également compté. Dans un souci d'équité, il faut essayer de dépasser le moins possible le temps imparti aux questions et aux réponses.
    Cela dit, monsieur MacIsaac, dès que vous serez prêt, vous pouvez commencer.
    Bonjour. Je m'appelle Hugh MacIsaac. Je suis professeur au Great Lakes Institute for Environmental Research de l'Université de Windsor. Je suis également directeur du réseau canadien des espèces aquatiques envahissantes. Je travaille sur ces espèces depuis 22 ans.
    C'est avec plaisir que je répondrai à toutes vos questions, mais auparavant, permettez-moi de vous expliquer en quoi consiste notre réseau et de vous décrire nos réussites et nos problèmes en ce qui a trait aux espèces aquatiques envahissantes dans le bassin des Grands Lacs.
    Le réseau est un consortium de 30 professeurs de 12 universités, de 6 laboratoires du ministère des Pêches et des Océans et de laboratoires provinciaux de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Nous avons des bureaux dans huit provinces. Nous recevons des subventions d'environ 5 millions de dollars du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, de 1 million du MPO et 750 000 $ de Transports Canada.
    Nos travaux portent sur les quatre côtes du Canada selon quatre thèmes de recherche: la détection précoce; l'intervention rapide; les espèces envahissantes, un agent de stress parmi d'autres pour les écosystèmes aquatiques; la réduction de l'incertitude dans la maîtrise des espèces exotiques.
    Le réseau est, dans le monde entier, le seul groupe dans son genre qui allie le concours d'universités à celui de l'État, de l'industrie et d'ONG. Sachez que mes confrères de l'étranger qui connaissent bien le réseau sont fascinés par notre travail.
    Je travaille actuellement, dans les Grands Lacs et les autres régions côtières du pays, à un projet de détection précoce au moyen d'une nouvelle technique génétique appelée pyroséquençage pour évaluer la présence d'espèces indigènes et exotiques dans les ports, à l'aide de l'ADN environnemental. Nettement plus sensible aux espèces présentes en très faible abondance que l'échantillonnage avec filets et microscopes, la technique est idéale pour la détection des espèces exotiques comme des espèces en voie de disparition.
    L'examen initial du port de Hamilton nous a permis de déceler plus de six fois plus d'espèces appartenant aux deux groupes d'organismes les plus communs que toutes les autres études de ce port ayant fait l'objet d'une publication. Nous traitons également des échantillons des ports de Montréal, de Nanticoke et de Thunder Bay, que nous considérons comme exposés à un risque élevé, parmi tous les ports de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent.
    Sur le plan des interventions rapides, nous effectuons actuellement une étude internationale de programmes visant l'élimination, la maîtrise de la propagation ou la suppression de populations, pour déterminer ceux qui sont efficaces. Nous espérons faire profiter les programmes qu'on adoptera dans le pays des leçons ainsi apprises.
    En collaboration avec Fednav, compagnie de navigation dont le siège est à Montréal, premier transporteur vers les Grands Lacs, nous effectuons des essais pour évaluer les éventuels avantages additifs ou synergiques de la chloration combinée au remplacement de l'eau de ballast par de l'eau salée de la haute mer par rapport à chacune de ces techniques. Nous venons de terminer notre premier essai sur un navire parti de Québec pour aller au Brésil. Les résultats s'annoncent très prometteurs.
    Nous avons publié un article, l'an dernier, en collaboration avec nos collègues du MPO et de Transports Canada sur l'efficacité de la réglementation actuelle en matière d'eau de ballast, en ce qui a trait à la protection des Grands Lacs. Comme mon collègue Tony Ricciardi vous l'a expliqué, il y a quelques semaines, tous les renseignements que nous possédons montrent une réduction marquée du risque depuis la mise en oeuvre du règlement sur les eaux de ballast par Transports Canada, en 2006 ou ils cadrent avec cette réduction.
    Je vais vous parler d'une partie du faisceau de preuves que nous détenons à ce sujet.
    D'abord, les ballasts de tout navire entrant dans la Voie maritime sont inspectés par les autorités américaines ou canadiennes, pour vérifier la salinité de l'eau qu'ils renferment, donc le faible risque qu'elle pose.
    Ensuite, l'abondance et la diversité des espèces dangereuses, c'est-à-dire celles qui vivent en eau douce ou en eau saumâtre, ont diminué depuis la mise en vigueur des règlements.
    De plus, nous avons effectué un test rétrospectif à l'aide d'eau de mer artificielle afin de vérifier si beaucoup de nos espèces envahissantes récemment arrivées auraient pu s'installer ici si les règlements en matière d'eau salée avaient été en vigueur il y a quelques décennies. Nous avons constaté que toutes les espèces, y compris les plus connues, comme les moules zébrées et les gobies à taches noires, n'auraient probablement pas pu le faire si le rinçage des ballasts à l'eau salée avait été obligatoire à l'époque.
    Enfin, aucune espèce envahissante liée à l'eau de ballast n'est signalée dans les Grands Lacs depuis 2006, période la plus longue sans signalement depuis l'ouverture de la Voie maritime moderne.
    Nos études se sont concentrées sur les invertébrés, et il pourrait être dangereux de présumer que toutes les espèces réagissent comme eux, mais, d'après toutes les données que nous possédons, le remplacement de l'eau de ballast ou le rinçage à l'eau salée semblent efficaces. Et si nous avons raison, ce vecteur perdra nettement beaucoup d'importance, à l'avenir.
(1540)
    Quels sont les défis? Je vais en décrire trois, qui, à mon avis, sont très importants. D'abord, les cargos hors mer échappent à la réglementation et ils transportent souvent dans leurs ballasts de l'eau provenant de ports en eau douce du Saint-Laurent qu'ils videront dans les Grands Lacs. Ils pourraient transporter des espèces indigènes ou des espèces envahissantes du Saint-Laurent qui ne sont pas encore présentes dans les Grands Lacs. Nous avons étudié un nombre limité de navires et d'échantillons d'eau de ballast, mais nous pensons que les navires qui viennent de Québec pourraient présenter le risque le plus élevé d'introduction, dans les Grands Lacs, de nouvelles espèces par eau de ballast interposée.
    Ensuite, nous croyons que le commerce des animaux et végétaux pour aquariums et jardins d'eau constitue une menace réelle et en grande partie non réglementée pour les écosystèmes aquatiques de tout le Canada. Nous étudions actuellement deux plantes aquatiques, la jacinthe d'eau et la laitue d'eau, dans le lac Sainte-Claire. L'été, ces plantes peuvent obstruer les affluents des Grands Lacs et sont susceptibles d'être réintroduites année après année par des personnes qui les achètent dans des magasins locaux. J'ai trouvé un vendeur dans la région du code 416, la région de Toronto, qui annonçait neuf espèces de macrophytes ou de plantes d'étang, toutes envahissantes pour le Canada ou d'autres parties du monde. L'une d'elles était l'aloès d'eau, pourtant visée, actuellement, par un programme d'éradication coûteux, répété année après année par le gouvernement de l'Ontario, dans la voie navigable Trent-Severn.
    Visiblement, nous avons, d'une part, des commerces qui vendent ces plantes en toute liberté. D'autre part, l'État consacre énormément d'argent pour se débarrasser de ces mêmes plantes. C'est illogique.
    Je reviens un moment sur les commerces d'animaux et de végétaux pour les aquariums et les étangs. Un des mes confrères, Matthias Herborg, qui dirige le programme de lutte contre les espèces aquatiques envahissantes de la Colombie-Britannique m'a informé qu'il avait capté sur vidéo, hier, dans un lac des environs de Richmond, en banlieue de Vancouver, un poisson-serpent. Le problème est donc pancanadien; il n'est pas simplement limité aux Grands Lacs. Il existe un certain nombre d'espèces de poisson-serpent, mais nous tenons visiblement à les tenir éloignées du Canada.
    Enfin, le Canada a désespérément besoin d'une politique antisalissures. Les salissures des coques de navires sont souvent un vecteur plus important d'introduction d'espèces exotiques que l'eau de ballast dans les écosystèmes marins. Elles auraient causé un petit nombre d'introductions dans les Grands Lacs, principalement d'algues. Des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont mis au point des outils d'évaluation du risque pour déterminer la menace que représentent les coques de navires avant leur arrivée effective dans les eaux côtières. Je crois que nous devons examiner ces politiques, celles qu'on a adoptées dans le monde entier, et nous en inspirer, au Canada.
    Enfin, depuis à peine 10 ans, les ministères fédéraux — MPO et Transports — ont nettement progressé en matière de détection et de réduction des menaces que posent les espèces exotiques envahissantes. Il y a 12 ans, quand la vérificatrice générale s'apprêtait à publier son premier rapport sur les espèces envahissantes, on m'a invité à venir témoigner, à Ottawa, du caractère suffisant de l'effort, à l'époque. J'étais alors un critique sévère de la quasi-inaction fédérale contre l'arrivée de ces espèces dans notre pays.
    Si vous le souhaitez, je peux décrire certains programmes que vous connaissez probablement, que Transports Canada et MPO ont appliqués, depuis, pour s'attaquer à ce problème.
    Transports Canada a été un partenaire très dynamique par son soutien financier essentiel et il veille à appliquer les recommandations du réseau. Notre travail n'est pas terminé. Nous devons continuer à nous concentrer sur l'élimination des voies qui permettent l'arrivée de ces espèces au Canada et, en sus, nous avons besoin d'une réaction efficace et rapide ainsi que de protocoles de détection précoce, quand la prévention ne suffit pas.
    Sur ce, je répondrai avec plaisir à vos questions.
(1545)
    Merci beaucoup, monsieur MacIsaac.
    Nous commençons par M. Allen.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup d'être venu témoigner.
    Dans votre mémoire, on lit notamment: « Nous avons terminé l'examen initial du port de Hamilton et avons détecté au-delà de six fois plus d'espèces appartenant aux deux groupes d'organismes les plus communs que lors de tous les autres relevés dans la littérature... ». Pouvez-vous expliquer ce passage: « six fois plus d'espèces appartenant aux deux groupes d'organismes les plus communs »? Que vouliez-vous dire par là?
    Ce passage renvoie à l'un des problèmes que nous éprouvons dans l'échantillonnage des organismes aquatiques vivant sous la surface et microscopiques. Nous prélevons les échantillons dans la nature, au moyen de filets. Nous ramenons les échantillons au labo et nous les analysons sous le microscope. Ce travail exige beaucoup de minutie. D'ordinaire, un écologiste spécialiste du plancton prélèvera un échantillon de ce mélange et il comptera puis identifiera les quelque 300 premiers organismes qu'il y trouvera.
    L'ennui, avec cette méthode employée depuis des centaines d'années, c'est que si un organisme a une abondance inférieure à 1 sur 300, la probabilité de l'observer sous le microscope est très faible. En réalité, dans la nature on trouve probablement de nombreux organismes qui sont présents à raison d'un individu sur 1 million ou 10 millions.
    Il existe donc tout un ensemble d'espèces, dans les écosystèmes aquatiques, de partout sur le globe que nous décelons rarement à cause d'une aussi faible abondance. Mais l'ADN environnemental permet de déceler l'espèce elle-même ou l'ADN qu'elle excrète dans l'eau, et toutes les espèces laissent une signature révélatrice.
    Nous utilisons donc un gène différent pour chaque espèce et, plutôt que d'identifier les espèces de la manière traditionnelle, nous analysons l'ADN, puis nous établissons des correspondances avec des bases de données en ligne. Nous pouvons ainsi déterminer le nombre d'espèces présentes.
    Dans de nombreux cas, je ne peux pas donner le nom des espèces, mais je pourrais vous dire, dans l'exemple que je viens de mentionner, que les deux groupes les plus communs dans un écosystème aquatique sont les copépodes et les cladocères. La taxinomie des copépodes est particulièrement difficile. Il est difficile d'identifier les organismes. Souvent, donc, l'évaluation du plancton du port de Hamilton, par exemple, conduit à 15 espèces. Grâce à l'ADN, on peut en dénombrer 60. La différence vient de là.
    D'après vous, la méthode que vous utilisez maintenant est-elle complémentaire aux méthodes existantes d'échantillonnage ou est-elle destinée à les remplacer, quelque part dans l'avenir?
    C'est une excellente question. Dans notre réseau, dans ce projet particulier, nous effectuons, en fait, trois études complémentaires en même temps.
    Nous effectuons d'abord le pyroséquençage.
    Ensuite, nous prélevons et séparons l'échantillon. Pour une espèce que nous ne pouvons pas identifier — nous connaissons la séquence de ses gènes et nous savons que c'est une espèce, mais nous ne savons pas laquelle — un de nos confrères à l'Université de Guelph traite ces séquences d'ADN pour que nous puissions l'identifier.
    Pour la troisième méthode, nous utilisons un troisième échantillon, séparé de l'échantillon principal, et nous appliquons à cet échantillon les méthodes classiques de la taxinomie.
    Nous utilisons donc les trois méthodes.
    Vous venez de répondre à mon autre question, par laquelle je voulais savoir si votre travail découlait de la nature complémentaire du réseau.
    Vous avez entrouvert la porte en mentionnant votre déception, il y a quelques années, devant la réaction du gouvernement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur certains programmes importants qui, à votre avis, ont été introduits? Je pense qu'il serait utile au comité de connaître le fond de votre pensée sur certaines réalisations importantes des programmes mis sur pied par Transports, pour que nous ne manquions pas d'en parler dans le rapport.
    Contrairement à MPO, le ministère des Transports ne possède pas de services de recherche. Mais il a financé des groupes de chercheurs pour examiner ce qu'il pensait devoir être fait.
    Pour une partie de notre travail, nous sommes financés par Transports Canada depuis 10 ans. Quand, en 2006, le ministère a fait promulguer son règlement sur l'eau de ballast, ce texte se fondait sur le travail de notre groupe et d'un groupe complémentaire d'Ann Arbor, au Michigan entrepris une dizaine d'années auparavant. Nous avons découvert que nous pouvions déterminer la diversité et l'abondance des organismes d'après la salinité (saumâtre, salée, douce) de l'eau de ballast.
    Nous avons constaté que si les ballasts des navires qui arrivaient ici renfermaient de l'eau salée, la diversité des organismes menaçants, ceux qui pouvaient survivre dans les Grands Lacs, était spectaculairement plus faible. Nous en avons informé l'industrie du transport maritime et Transports Canada. Transports Canada a alors pris l'initiative d'exiger pour tous les navires arrivant au Canada le remplacement de l'eau de ballast par de l'eau de mer du grand large. Je pense que, maintenant, cette méthode est largement suivie dans le monde entier à cause de son efficacité.
    Je devrais également préciser que lorsque nous avons déterminé les coûts de certains de nos travaux génétiques, ceux que je viens de décrire, ils ont révélé deux inconvénients. Comme je l'ai mentionné, il arrive souvent que nous ne pouvons pas trouver le nom des espèces que nous découvrons. Nous savons qu'il s'agit de véritables espèces, mais nous ne savons pas lesquelles. Nous pouvons en conserver des traces dans nos dossiers dans l'espoir, à mesure que l'on codera de plus en plus d'espèces au moyen d'un code à barres, de revenir à nos résultats antérieurs, puis de les nommer.
    Le deuxième problème est le coût très élevé de ce travail. L'analyse de chaque échantillon coûte environ 10 000 $. Les responsables de la plupart des laboratoires universitaires du Canada reçoivent peut-être 50 000 $ par année. C'est très insuffisant.
    L'avantage du réseau est de permettre l'analyse des échantillons grâce aux subventions de Transports Canada. Nous analysons effectivement des échantillons de 16 ports: 4 des Grands Lacs, 4 de la côte Est, 4 de la côte Ouest et 4 de l'Arctique. Nous effectuons donc des travaux complémentaires pour tout le pays.
(1550)
    D'accord.
    Actuellement, on a proposé des modifications à la Loi sur les pêches qui sont particulièrement adaptées aux espèces envahissantes et à la capacité d'en réglementer certaines et, si c'est possible, qui visent à combler les lacunes des règlements, grâce à l'identification, la possession, l'importation ou l'exportation, la dissémination et la manutention. Avez-vous eu l'occasion de les étudier? Peut-être que le rinçage des ballasts de ces navires devrait, dans tous les cas, se faire à l'eau salée, même ceux qui viennent de Québec. Avez-vous des idées pour d'éventuels règlements?
    Je ne veux pas dire qu'il faut réglementer ces navires, parce qu'avant de le faire pour les autres navires, il fallait d'abord évaluer les risques qu'ils présentaient. Dans les Grands Lacs, il a été établi que 55 à 70 p. 100 des espèces envahissantes venaient d'Europe de l'Est. Ces espèces n'ont pu venir ici que par les eaux de ballast. Nous savons que ces eaux en sont la cause. Dans les circonstances, nous n'avions pas le choix. En fait, j'ai fortement encouragé l'adoption d'une politique pour exiger le lestage en haute mer.
    À l'aide de Mme Sarah Bailey, chercheuse à Pêches et Océans Canada, nous avons réalisé une analyse, financée par Transports Canada, d'échantillons d'eaux de ballast rejetées dans les Grands Lacs. Mais je ne pense pas que nous avons assez de preuve pour dire qu'il convient de réglementer ces navires et qu'ils posent clairement un risque. Il faut effectuer davantage de recherche.
    Merci.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Merci, monsieur Allen.
    Madame Doré Lefebvre.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur MacIsaac, d'être parmi nous. C'est vraiment un plaisir d'entendre vos propos. J'ai beaucoup de questions à poser.
     Mon collègue M. Allen vous a déjà questionné sur ces techniques liées à l'ADN environnemental que vous utilisez dans le cadre de vos travaux. J'aimerais avoir un peu plus de détails à ce sujet. D'après ce que j'ai compris, par rapport aux techniques traditionnelles, celles-ci permettent de découvrir d'une façon beaucoup plus efficace les espèces envahissantes lors des échantillonnages que vous faites. De façon globale, comment est-ce que ça fonctionne?

[Traduction]

    Il y a deux façons d'analyser l'ADN environnemental. Certains d'entre vous connaissent bien la technique employée dans la région de Chicago pour vérifier si deux espèces de carpe asiatique étaient présentes. On a sélectionné un seul gène, une séquence d'ADN, pour la carpe argentée et pour la carpe à grosse tête. On a extrait l'ADN à partir de l'eau pure échantillonnée. L'ADN des organismes pris dans les filets est examiné de très près et analysé dans un séquenceur.
    C'est un peu comme une série de saucisses placées bout à bout. Il faut établir l'identité de chaque saucisse, qui appartient à une des quatre bases d'ADN. C'est de la biologie fondamentale. On identifie d'abord la dernière saucisse, puis on remonte jusqu'au début. Ça permet d'établir la séquence d'ADN.
    Avec cette méthode, on cherche l'ADN de deux espèces dans des échantillons d'eau brute. C'est un peu différent de ce que nous faisons. Notre technique consiste à recueillir des échantillons avec des filets, mais au lieu de compter les organismes avec un microscope de manière classique, nous prenons tous les organismes.
    Le plancton ressemble aux flocons dans les petites boules remplies d'eau que les enfants secouent. Au lieu d'essayer d'identifier chaque espèce dans la tempête de neige, nous analysons l'ensemble. Tout ce que nous voulons, c'est extraire l'ADN des espèces. Il peut y avoir 500 ou 600 espèces réunies.
(1555)

[Français]

    Dans les cas où vous trouvez 500 ou 600 espèces différentes, quelle est la taille de l'échantillonnage?

[Traduction]

    C'est une très bonne question.
    Nous prenons des échantillons répétés avec des filets traînants près du fond du port et près de la surface. Les filets ont un demi-mètre de diamètre. Nous utilisons un filet très serré de 80 micromètres et un plus large de 200 micromètres, parce que certains organismes peuvent détecter l'onde de pression et éviter celui plus serré qui commence à être plein. Le filet aux mailles plus larges permet de capturer ces organismes.
    Je répète que nous recueillons des échantillons à six endroits différents dans le port. Notre échantillonnage est vaste, car nous réunissons ces six échantillons en un seul.

[Français]

    Faites-vous ce type d'échantillonnage à certaines périodes de l'année, ou le faites-vous à longueur d'année?

[Traduction]

    C'est une autre bonne question.
    Nous voulons que notre échantillonnage soit le plus représentatif possible, parce que certaines espèces sont présentes au printemps et d'autres à la fin de l'automne.
    À la fin du printemps et au milieu de l'été, nous prenons des échantillons dans chacun des 16 ports. C'est encore là un peu compliqué, mais lorsque nous avons la séquence ADN de tous les organismes, la technique RCP nous donne de nombreuses copies de chaque séquence. Le séquenceur dont j'ai parlé nous permet de savoir dans quel ordre les saucisses s'enchaînent. Nous comparons ensuite les 1,5 à 1,7 million de séquences d'ADN obtenues à celles contenues dans la base de données en ligne pour établir quelles espèces sont présentes dans le port.
    Mme Rosane Doré Lefebvre: Wow.
    M. Hugh MacIsaac: Voilà pourquoi ça coûte cher.

[Français]

    C'est un travail qui doit être vraiment intéressant. C'est vraiment impressionnant d'imaginer cela. J'ai fait de la pêche expérimentale sur des bateaux où on utilisait des filets de différentes grosseurs, mais ça, c'est Star Trek dans ma tête. C'est vraiment quelque chose.
    J'ai une question pour donner suite à vos propos de tout à l'heure. Vous avez dit avoir fait un premier essai sur un navire en naviguant du Canada au Brésil et que les résultats s'annonçaient très prometteurs. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur ces résultats?

[Traduction]

    L'industrie du transport collabore beaucoup et n'aime pas qu'on dise du mal d'elle sur le plan environnemental. Elle est au courant du problème. Dès que j'ai commencé à travailler avec l'industrie il y a 10 ans et avant même que Transports Canada impose des règlements en 2006, nous nous sommes réunis à Montréal avec la Fédération maritime du Canada, un groupe de coordination. Nous avons indiqué que le risque diminuait beaucoup si les navires remplissaient leurs réservoirs d'eau salée avant d'arriver dans les Grands Lacs.
    On ne nous a pas dit si la pratique avait été adoptée, mais l'année suivante, nous avons constaté une énorme différence dans les échantillons. Nous ne comprenions pas pourquoi il n'y avait plus d'eau douce dans les navires. L'avocat de la fédération nous a indiqué que tous les partenaires devaient désormais remplir les réservoirs d'eau salée. L'industrie accepte volontiers que nous fassions des expérimentations à bord des navires.
    Présentement, nous étudions s'il y a un avantage à combiner le renouvellement de l'eau de ballast à la chloration. J'hésite un peu à en parler en détail, parce que nous n'avons effectué qu'un essai jusqu'à maintenant. Le navire a quitté Port-Alfred, au Québec, avec ses 10 réservoirs de ballast remplis d'eau douce. Deux réservoirs servaient à contrôler le navire. Nous avons échantillonné les 10 réservoirs dès le début. Deux d'entre eux étaient chlorés, trois devaient renouveler l'eau de ballast et trois devaient renouveler l'eau de ballast et étaient chlorés. Les 10 réservoirs ont été échantillonnés dès le début.
    L'équipage n'a pas apprécié notre demande, mais nous avons fait arrêter le navire, qui se dirigeait vers le Brésil, au milieu de l'océan durant environ 12 heures. On a simplement rempli d'eau de ballast les réservoirs prévus à cet effet. Certains réservoirs étaient aussi chlorés. C'était il y a seulement 10 jours.
    Dans les groupes analysés jusqu'ici, nous avons constaté trois indicateurs bactériens différents et des algues ou du phytoplancton. Dans les deux cas, il y avait toujours moins d'organismes dans les réservoirs chlorés dont l'eau de ballast était renouvelée. Ces réservoirs semblent répondre à la norme proposée IMO D-2, qui exigera de traiter l'eau de ballast.
    Si nous pouvons montrer les avantages de cette pratique avec les trois autres essais qui seront réalisés au cours de l'été, Transports Canada pourrait envisager d'appliquer cette norme. Nous n'allons pas échantillonner le biote dans les réservoirs pour vérifier la conformité lorsque les navires auront des systèmes certifiés de traitement des eaux de ballast. Nous allons seulement vérifier que le navire possède un système qui respecte la norme.
    Malheureusement, la technologie connaît parfois des ratées. Si le système de conformité rencontre un problème durant le voyage, les réservoirs pourraient contenir de l'eau qui présente un danger. Selon nous, ce serait avantageux de traiter l'eau de ballast en plus de la renouveler. C'est une mesure de sécurité pour réduire au maximum le risque associé au transport maritime.
(1600)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Hayes.
    Merci, monsieur le président.
    Dans cette étude, nous avons parlé jusqu'à présent de la prévention, de l'élimination ou du contrôle des espèces envahissantes dans les Grands Lacs. Votre recherche vise entre autres à ce que les espèces aquatiques envahissantes présentes dans les Grands Lacs ne se propagent pas aux lacs intérieurs. Si je ne m'abuse, nous n'y avions même pas songé. C'est sans doute aussi important que d'empêcher la venue de ces espèces dans les Grands Lacs.
    Pouvez-vous parler un peu de votre recherche et dire dans quelle mesure il importe d'empêcher les espèces aquatiques envahissantes dans les Grands Lacs de se propager aux lacs intérieurs?
    Merci. C'est une question très vaste. Certaines espèces envahissantes viennent du bassin de la mer Noire. On peut se demander pourquoi des espèces marines se trouvent dans les Grands Lacs, mais elles ne sont pas strictement marines. Ces espèces vivent près des rives et à l'embouchure des fleuves qui se jettent dans la mer Noire, comme la moule zébrée, le gobie à taches noires, etc.
    Ces espèces viennent ici en grande partie grâce aux canaux partout en Europe, qui leur permettent d'accéder aux grands ports d'eau douce comme ceux de Rotterdam et d'Anvers. De là, elles sont transportées par les navires jusqu'aux Grands Lacs. Ces espèces ne peuvent pas s'y rendre autrement.
    Lorsqu'elles parviennent aux Grands Lacs, toutes sortes d'activités humaines favorisent leur propagation aux lacs intérieurs. Les trois espèces qui posent le plus de problèmes à l'heure actuelle sont la moule zébrée, la moule quagga — qui semblent identiques, même s'il s'agit d'espèces distinctes — et le cladocère épineux.
    En tout, le cladocère épineux fait environ un demi-pouce. C'est un petit organisme avec une longue queue pourvue d'épines qui lui permet d'éloigner les petits poissons qui voudraient s'en nourrir. Cette espèce se trouve maintenant dans au moins 160 lacs en Ontario. L'an dernier, elle s'est propagée au Manitoba. Pour préserver la biodiversité des lacs au Canada, c'est précisément le genre d'espèces qu'il faut tenir à l'écart.
    Mon confrère de l'Université York, M. Norman Yan, a réussi à montrer que le cladocère épineux — un prédateur qui se nourrit du plancton indigène — envahissant de nouveaux lacs causait l'extinction de trois espèces indigènes. Au moins 160 rapports l'affirment. La propagation du cladocère épineux entraîne l'extinction de bien des espèces indigènes.
    La propagation résulte de la pêche au downrigger sur les lacs Ontario, Érié ou Huron. En fait, le cladocère épineux existe dans tous les Grands Lacs. Les chalutiers qui pêchent le saumon vont tirer les lignes de downrigger, qu'on ne remonte pas très souvent. Ces lignes tirées à la verticale vont parcourir une très vaste étendue d'eau, parce qu'elles n'offrent aucune résistance.
    Le cladocère épineux est petit, mais à cause de sa grosse queue, il ne peut pas éviter la ligne à pêche. Les cladocères entraînés par la queue vont s'accumuler sur la ligne et former un noeud. Lorsque le pêcheur remonte sa ligne, elle va bloquer à cause du noeud formé, disons, de 500 cladocères épineux.
    Bon nombre de cladocères épineux peuvent se reproduire de manière sexuée ou asexuée. Ce sont celles qui se reproduisent de manière asexuée qui posent des problèmes. Les femelles peuvent produire des oeufs qui sont comme des pépins de pommes. Tous les organismes présents sur la ligne vont mourir sur-le-champ si on les retire de l'eau, mais les oeufs portés par la femelle résistent au dessèchement. C'est comme les pépins de pomme, qui peuvent passer dans l'estomac d'un canard ou d'un poisson.
    Si on va pêcher sur un autre lac, peut-être trois semaines plus tard, et qu'on ne nettoie pas sa ligne au préalable, le noeud va retomber dans l'eau. Les oeufs, qui se réhydratent, vont éclore et former une nouvelle population. Le cladocère épineux s'est propagé partout dans Muskoka. Il pourrait bien s'être propagé au Québec, car il existe tout près de la frontière. Cette espèce vient d'envahir le Manitoba.
    Les moules zébrées et quagga sont bien mieux connues. La plupart des gens connaissent la moule zébrée, mais c'est la moule quagga qui pose le plus de problèmes. Ces moules collent à toutes les surfaces solides à l'extérieur des bateaux, comme le moteur ou l'intérieur du moteur.
    Si les gens transportent leurs bateaux auxquels sont collés ces organismes... Dans bien des cas, les espèces prolifèrent sur les plantes aquatiques près des rives des lacs, et les plantes qui se détachent du fond échouent dans la marina. Si on va à un autre lac sans avoir retiré les nombreuses plantes aquatiques qui se sont accrochées à la remorque lors de la mise à l'eau du bateau, on peut y introduire non seulement la plante, mais aussi les moules zébrées et quagga qui vivent sur elle.
    Ces organismes...
(1605)
    Je vais vous interrompre, car j'ai une autre question à vous poser.
    D'accord.
    C'est donc un grand problème. Il y a beaucoup de vecteurs secondaires, comme nous les appelons, qui leur permettent de se propager.
    Je vais poser ma deuxième question. Je comprends que le réseau canadien sur les espèces aquatiques envahissantes est un consortium de 12 universités, de 6 laboratoires du MPO et de laboratoires en Ontario et en Colombie-Britannique. Vous êtes établis dans 8 provinces. Avec qui échangez-vous des renseignements?
    J'essaie de comprendre quelle organisation communique les résultats de recherche ou coordonne la mise en oeuvre de recommandations découlant des résultats. Je constate qu'il semble y avoir beaucoup d'intervenants, et je veux savoir qui agit à titre de responsables pour les espèces aquatiques envahissantes dans les Grands Lacs.
    Essentiellement, c'est moi qui suis responsable de la communication des renseignements pour notre réseau de recherche.
    L'an dernier, nous avons commencé un projet de cinq ans pour le réseau, mais lorsque nous avons terminé le précédent, nous avons présenté, pour l'essentiel, un livre dans lequel figurait une liste de tous les projets et messages pour les responsables, et nous l'avons fourni à toutes les parties intéressées — les industries de navires, le gouvernement fédéral et différentes provinces du pays.
    Nous travaillons également avec des laboratoires américains, et nous tentons de nous associer à eux — surtout en ce qui concerne les choses sur la génétique dont je vous ai parlé. Ils sont très intéressés à utiliser le type de méthodes auxquelles nous avons recours au Canada.
(1610)
    Me reste-t-il du temps?
    Non, vous avez terminé. Merci beaucoup.
    Monsieur MacAulay.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Professeur MacIsaac, je ne sais pas si nous avons déjà eu un témoin plus qualifié que vous, et je suis ravi de vous poser quelques questions.
    Tout d'abord, je suis impressionné par votre réseau qui réunit des universitaires, des gouvernements, l'industrie et des ONG. C'est fabuleux.
    Nous avons entendu de nombreux points de vue, mais je crois — et j'aimerais vous poser la question — que beaucoup de mesures pourraient et devraient être prises, mais la sensibilisation me semble... Je ne crois pas que les pêcheurs souhaitent remettre leur remorque à l'eau et qu'ils veulent que leur ligne soit contaminée.
    Toutefois, vous étudiez la question depuis 22 ans, et vous en connaissez beaucoup plus que n'importe qui ici sur le sujet, et de loin. J'aimerais que vous nous expliquiez quel type de programme de sensibilisation devrait être mis en place. Je sais que vous avez donné l'exemple des saucisses et j'ai eu un peu de difficulté à comprendre. Je ne suis qu'un député de la Chambre des communes après tout. La vérité, c'est que nous devons empêcher ces choses d'arriver, car cela représente d'énormes pertes financières, non seulement pour les Grands Lacs, mais aussi les eaux intérieures et tout le pays.
    Absolument. En ce qui concerne les navires, je ne pense pas qu'il s'agisse de sensibiliser, mais de réglementer lorsque c'est nécessaire.
    Monsieur, j'aimerais plutôt savoir comment vous souhaitez... Je pense que c'est la personne, même la personne par laquelle une partie de ces choses sont introduites. Je ne suis pas certain que les gens font vraiment entrer ces espèces qui représentent vraiment un danger pour notre eau. J'aimerais seulement que vous nous en disiez davantage à ce sujet également.
    Pour ce qui est de la sensibilisation, la Fédération des pêcheurs et des chasseurs de l'Ontario est le groupe principal avec lequel nous travaillons, et je crois qu'un de ses représentants comparaîtra devant vous, si ce n'est déjà fait. La fédération tente de sensibiliser les plaisanciers aux façons d'empêcher la propagation d'espèces aquatiques envahissantes dans les lacs intérieurs.
    Il y a deux ou trois choses que nous pouvons faire. Parfois, nous savons que certains lacs sont particulièrement vulnérables à l'invasion ou sont une source probable de nouvelles invasions. Je vais prendre l'exemple du lac Muskoka en Ontario. Des milliers de plaisanciers y vont. Nous pouvons mettre des affiches dans les marinas pour avertir les gens qu'ils doivent prendre des précautions pour s'assurer qu'ils ne transportent pas des espèces provenant du lac avec eux.
    L'autre démarche, c'est que si l'on sait qu'un bassin est très vulnérable, on peut établir des systèmes de nettoyage de bateau. C'est ce que le Minnesota et le Wisconsin font maintenant. Ils chargent des frais aux plaisanciers — de 5 à 10 $ — et ils nettoient leurs bateaux avant de leur permettre de se rendre dans d'autres bassins.
    Devrait-on rendre cela obligatoire?
    Dans certains cas, je pense que c'est raisonnable de le faire s'il y a une forte probabilité que les espèces s'introduisent et qu'il n'y a pas d'autres solutions.
    D'autres États américains — la Californie, par exemple — craignent que des insectes envahissants s'introduisent et détruisent leur système agricole, et ils ont donc établi des postes d'inspection sur les routes qu'ils utilisent maintenant aussi pour vérifier chaque bateau qui entre dans l'État. Ils veulent s'assurer que les gens ne transportent pas des espèces envahissantes comme des moules zébrées sur leur bateau.
    En fait, les États du nord-ouest font exactement la même chose maintenant. Ils communiquent au gouvernement de la Colombie-Britannique ce qu'ils trouvent. Je pense que l'an dernier, trois bateaux à destination de la province transportaient des moules quaggas, qui s'étaient accrochées au bateau ou à la remorque, et avant leur arrivée au Canada, ils ont été interceptés sur des routes liant des États.
    Les gens, tant les pêcheurs que les plaisanciers, doivent savoir qu'ils font partie du problème ou qu'ils peuvent faire partie de la solution.
    Dans votre déclaration, vous avez aussi dit que c'est le trafic de la ville de Québec qui semble présenter le risque le plus élevé d'introduction d'espèces envahissantes. Pourquoi?
    Nous avons fait deux choses.
    Tout d'abord, nous avons examiné la quantité d'eau de ballast qui selon nous provient de différents ports en eau douce du fleuve Saint-Laurent et est destinée aux Grands Lacs. La quantité totale d'eau transportée par les cargos hors mer jusqu'aux Grands Lacs est égale à la quantité d'eau qui vient de navires étrangers. Il s'agit d'une grande quantité d'eau.
    Le problème dans le port de Québec, c'est que ses conditions sont très similaires à celles des ports dans lesquels l'eau de ballast est rejetée. Si les conditions du port d'origine et du port de destination sont très différentes, nous ne craignons pas beaucoup que des espèces envahissantes survivent. Si le port d'origine est un port de mer, je ne crains pas que ces espèces survivent dans les Grands Lacs. Or, dans ce cas, les conditions du port de la ville de Québec et de certains ports des Grands Lacs sont similaires, ce qui peut poser un risque, à notre avis.
(1615)
    Cependant, vous avez parlé également de la nécessité de la chloration et de l'eau salée. Devrions-nous réglementer davantage? Devrions-nous plutôt le faire seulement à certains endroits?
    Dans le cadre de notre étude dont j'ai parlé — concernant la compagnie de navigation qui se rend au Brésil —, nous tentons de déterminer si, si nous le faisions pour les navires transocéaniques qui entrent au Canada, nous serions davantage protégés.
    Nous n'avons pas dit que nous devrions le faire pour les cargos hors mer. Le problème en ce qui concerne les cargos, c'est qu'il n'existe pas de bon endroit pour faire l'échange d'eau de ballast dans leur cas. Nous voulons une salinité médio-océanique, que Transport Canada définit comme supérieure à 30 parties par 1 000. Pour l'eau douce, c'est 0 partie par 1 000.
    Les navires doivent donc entrer avec une salinité de l'eau dépassant 30 parties par 1 000, et on ne trouve une telle salinité nulle part dans le fleuve Saint-Laurent. La seule façon de pouvoir recourir à l'échange d'eau de ballast comme moyen de réduire les risques pour les cargos, c'est de les envoyer loin dans le golfe du Saint-Laurent et de les faire revenir par la suite, mais personne ne le fera.
    La chloration est donc essentielle.
    Une forme de traitement pourrait être nécessaire. Si nous pouvons montrer...
    Que suggérez-vous?
    Mon travail ne porte vraiment pas sur le traitement, mais il y a probablement 15 approches différentes, dont certaines sont reconnues, qui...
    S'agit-il de la réglementation dont les États-Unis parlent de mettre en oeuvre...?
    L'état de New York s'était montré très dynamique et avait affirmé qu'il voulait une politique en matière d'eau de ballast plus stricte que ce que l'OMI allait mettre en oeuvre.
    Je vais vous donner un exemple — le cladocère épineux dont j'ai parlé, qui est un type de zooplancton. Si j'allais faire de l'échantillonnage dans un étang, je pourrais trouver 150 de ces organismes, tous les différents animaux combinés, dans un litre d'eau. Dans un mètre cube d'eau, ce à quoi nous faisons normalement référence lorsqu'on parle de navigation, il y a 1 000 litres. Donc, dans ce cas, on trouverait environ 150 000 organismes par mètre cube d'eau.
    La norme de l'OMI qui s'appliquerait à ce groupe, c'est que les navires doivent entrer avec moins de 10 organismes vivants de cette taille dans leurs réservoirs. Il s'agit de passer probablement de 150 000 à 10.
    Faites-vous des tests? Comment savez-vous que l'organisme est présent? Comment savez-vous...?
    Je suis désolé, monsieur MacAulay, mais votre temps est écoulé.
    Mon Dieu.
    Je suis désolé.
    M. Hugh MacIsaac: Nous pouvons y revenir.
    L'hon. Lawrence MacAulay: C'est discutable.
    Des voix: Oh, oh!
    Merci beaucoup, monsieur MacAulay. Comme toujours, votre coopération est appréciée.
    Monsieur Tremblay.

[Français]

    Merci, monsieur MacIsaac.
    Il y aura probablement toujours des espèces envahissantes, d'où l'importance d'avoir une capacité de détection et d'intervention précoces, comme vous l'avez mentionné dans votre introduction. Les espèces envahissantes viennent souvent d'outre-mer ou du continent, de la Voie maritime du Saint-Laurent ou d'autres voies navigables, par le golfe, par transport terrestre. Les appâts viennent d'une multitude de façons.
    Par où devrait-on commencer pour améliorer notre capacité de détection et d'intervention précoces? Les efforts actuels sont-ils suffisants pour atteindre cet objectif?

[Traduction]

    La vérificatrice générale s'est penchée sur la question en 2008 et a dit qu'à son avis, la détection précoce et l'intervention rapide comportaient des lacunes. Le ministère des Transports et le ministère des Pêches et des Océans étaient justement prêts à fournir de nouveaux fonds à notre réseau de recherche pour la réalisation de ces objectifs, entre autres, et nous faisons donc du mieux que nous le pouvons avec les ressources que nous avons.
    Comme je l'ai dit, compte tenu des dépenses liées à certaines des analyses, notre capacité de prélever des échantillons est limitée. L'idéal pour moi serait de le faire dans 15 ports des Grands Lacs, mais notre financement ne nous permet de le faire que dans trois ports des Grands Lacs et un du fleuve Saint-Laurent.
    Nous utilisons des approches d'avant-garde. À l'heure actuelle, nous sommes le seul groupe au monde qui fait cela de façon orchestrée. J'ai des collègues américains qui procèdent en plusieurs étapes. Un collègue de l'Université Wayne State à Détroit prélève des échantillons dans le port de Toledo, en Ohio, et utilise une partie des connaissances que nous avons acquises pour son étude, mais il ne prélève des échantillons que dans un seul port.
    Nous aimerions que les États-Unis et le Canada adoptent une approche intégrée de collaboration dans le cadre du programme de détection précoce. Une fois l'échantillonnage des 16 ports fait, nous n'avons plus assez de fonds pour le refaire. Nous l'avons fait dans 14 ports l'été dernier; nous en faisons dans deux de plus cette année, dans l'Arctique.
    Ce ne sera pas fait par nous, mais il faut prélever des échantillons dans les principaux ports de façon périodique et méthodique partout au Canada. On ne peut pas le faire dans tous les ports, mais il faut cibler les ports qui semblent poser le plus grand risque de propagation de nouvelles espèces envahissantes, et ensuite on peut le refaire tous les cinq ans, et comparer les résultats à ceux obtenus précédemment pour voir s'il y a de nouvelles espèces.
(1620)

[Français]

    Grâce à des gens créatifs et innovateurs comme ceux de votre regroupement, on innove.
    Si on compare les investissements américains relatifs aux espèces envahissantes dans les Grands Lacs aux investissements canadiens, on constate qu'il y a quand même une différence.
    Faudrait-il investir davantage, ici, pour avoir plus d'efficacité?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit, les États-Unis n'ont pas l'approche méthodique que nous avons.
    Nous avons rencontré l'agence scientifique, la NSF, il y a quelques semaines, pour voir si elle était prête à financer des collègues américains pour qu'ils puissent faire le type de travail que nous faisons. Un certain nombre d'autres agences, la NOAA et l'EPA souhaitent le faire en utilisant le modèle canadien.
    Pour répondre à votre question, d'un côté, il y a la Great Lakes Protection Fund, qui avait des centaines de millions de dollars l'an dernier. Une bonne partie a été utilisée pour les salaires, etc. Cependant, il est très clair qu'on avait beaucoup accru la surveillance, mais ce n'était seulement que pour une année. Cette année, elle a 50 millions de dollars. Je pense qu'elle avait 800 millions l'an dernier; les fonds ont donc été réduits considérablement. Il reste que 50 millions, c'est beaucoup d'argent pour des projets de rétablissement, et une partie sera investie dans les espèces envahissantes.
    À l'heure actuelle, les États-Unis investissent probablement plus. Nos investissements sont plus stables, mais plus faibles.
    J'aimerais certainement qu'il y en ait plus, surtout pour ce type de surveillance. Je ne pense pas qu'on puisse considérer cela comme exceptionnel lorsqu'il faut retourner sur place à répétition pour voir si les zones à risques élevés ont été envahies par de nouvelles espèces. Il faut de l'argent.
    Merci, monsieur Tremblay.
    Monsieur Kamp.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur MacIsaac, d'être ici. Votre témoignage est apprécié.
    Je crois comprendre que vous êtes membre de la Société canadienne de limnologie, et je vais vous demander dans un instant de nous dire ce dont il s'agit. Je présume, d'après la racine grecque, que cette science touche aux lacs ou aux eaux intérieures. Par ailleurs, j'ai lu que vous aviez récemment remporté un prix.
    Lorsque nous avons entrepris cette étude, elle visait principalement la carpe asiatique et les effets négatifs graves qu'elle pourrait avoir si elle réussissait à se frayer un chemin du bassin du Mississippi jusqu'aux Grands Lacs et, comme vous l'avez dit, peut-être dans les lacs plus loin. Comme vous êtes limnologue, j'aimerais vous demander ce que vous pensez de la menace à cet endroit particulier. J'ai lu que certains avaient émis l'hypothèse que la carpe aurait des difficultés dans les Grands Lacs parce qu'elle n'y trouverait pas suffisamment de nourriture. Je me demande ce que vous en pensez.
(1625)
    Merci beaucoup.
    Je vous félicite pour votre connaissance de la langue grecque. « Limnos » est la racine grecque de « eau stagnante ». La limnologie est donc l'étude des eaux stagnantes.
    Le prix en question porte le nom de Frank Rigler, un éminent limnologue qui a d'abord travaillé à l'Université de Toronto, puis à l'Université McGill. Il est décédé prématurément. J'étais un étudiant de premier cycle lorsque j'ai eu la chance de l'entendre prononcer un discours; j'étais alors en quatrième année. C'est l'une des rares allocutions dont je me souviens, et c'était il y a une trentaine d'années. La raison pour laquelle je m'en souviens, c'est qu'il a parlé des monstres du Loch Ness. Durant tout son exposé, il a expliqué pourquoi les monstres du Loch Ness ne pouvaient pas exister — il n'y avait tout simplement pas assez de nourriture dans le Loch Ness pour nourrir des monstres.
    Par contre, la carpe asiatique est certainement source de préoccupations. Ce que je peux vous dire, c'est que nous ne sommes pas certains des effets qu'elle aurait dans les Grands Lacs. Alors, la meilleure chose à faire, c'est d'appliquer le principe de précaution et de l'écarter.
    J'ai vu deux facteurs possibles qui pourraient limiter la survie de l'espèce dans les Grands Lacs. D'après les modèles environnementaux des endroits où elle se trouve en général, nous croyons que des habitats semblables existent dans les Grands Lacs. Alors, ce n'est pas la température ou ce genre de facteur qui l'empêchera de bien s'acclimater aux Grands Lacs.
    Ce qui pourrait restreindre l'espèce, c'est soit la rareté de la nourriture dont vous parlez — dans de nombreux secteurs des Grands Lacs, les niveaux de productivité des zooplanctons et des phytoplanctons ne sont tout simplement pas assez élevés pour nourrir de grandes populations de carpe asiatique —, soit, comme il a été dit, le fait que le poisson exige des rivières très longues pour se reproduire. Il pond des oeufs, qui flottent en aval à mesure qu'ils se développent.
    Certaines rivières partant des Grands Lacs sont suffisamment longues, mais dans l'ensemble, je doute que ces poissons vont manger les ressources des Grands Lacs comme certaines personnes l'ont laissé entendre. Les ouvrages que j'ai lus semblent indiquer que c'est peu probable, à moins qu'ils puissent se nourrir d'aliments que nous ignorons pour l'instant. S'ils peuvent se nourrir de très petites particules, ils pourraient alors avoir assez d'énergie pour très bien vivre dans les Grands Lacs.
    Toutefois, certains secteurs comme la rivière Détroit, l'ouest du lac Érié et le lac St. Clair sont des habitats qui seraient favorables à cette espèce, en particulier l'ouest du lac Érié, où la quantité de nourriture est beaucoup plus élevée que dans de grandes parties du lac Ontario ou du lac Huron.
    Je crois que ce sont de bonnes nouvelles.
    Certains ont laissé entendre que d'autres espèces envahissantes, comme la moule zébrée et la moule quagga, ont changé l'état trophique des lacs et que l'eau est beaucoup plus claire qu'auparavant. Serait-elle ironiquement devenue moins propice à la carpe asiatique également?
    C'est un excellent point. Oui, la chose serait possible. Nous constatons que la moule zébrée et la moule quagga sont ce que nous appelons des « ingénieurs d'écosystèmes ». Elles modifient les aspects physiques de l'habitat, les aspects chimiques de l'habitat et la biologie des systèmes. Elles ont littéralement transformé la dynamique des Grands Lacs.
    Au départ, je croyais que ces effets seraient limités principalement aux bassins moins profonds, comme le lac St. Clair et l'ouest du lac Érié. Or, nous constatons maintenant que des systèmes comme le lac Huron et le lac Michigan sont complètement transformés par la moule quagga, qui se répand dans ces systèmes.
    Dans de nombreux cas, ce phénomène a un effet positif. Par exemple, si vous êtes propriétaire d'un chalet au bord d'un lac, la valeur de votre chalet est en partie déterminée par la clarté de l'eau. Plus l'eau est claire, plus votre chalet a de la valeur. Ironiquement, si la moule zébrée est présente à cet endroit, elle pourrait clarifier l'eau ce qui, dans un premier temps, ferait augmenter la valeur du chalet.
    L'eau devient plus claire parce que les animaux filtrent à la fois les zooplanctons et les phytoplanctons ainsi que le limon et l'argile. À l'aide de leurs branchies, les moules consomment ces matières ou elles les divisent de sorte qu'elles reposent au fond du lac. Le résultat net, c'est que beaucoup de particules qui vivaient à la surface de l'eau sont éliminées. Elles sont maintenant déposées au fond du lac. À cet endroit, elles ne sont plus disponibles pour les carpes, qui filtrent l'eau en se déplaçant.
    Ironiquement, vous avez raison de dire qu'il est possible que les effets de la moule zébrée et de la moule quagga pourraient rendre la vie plus difficile à ces poissons dans les Grands Lacs.
(1630)
    Merci beaucoup.
    Madame Doré Lefebvre.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur MacIsaac, votre présentation est vraiment très intéressante. D'après ce que vous dites, les espèces envahissantes sont un sérieux problème qu'on retrouve partout, aussi bien sur les embarcations que dans les canaux qui ont été créés. Par contre, je ne m'attendais vraiment pas à entendre qu'elles se trouvaient également sur les lignes à pêche. Je ne sais pas comment on pourrait laver chaque fois nos lignes à pêche en employant du sel. Quoi qu'il en soit, c'est bon à savoir.
     Si on installait des laboratoires du genre de ceux que vous avez mentionnés et qu'au printemps et à l'automne, Transports Canada faisait de l'échantillonnage sur les côtes est et ouest, dans l'eau salée et dans l'eau douce, par exemple dans le port de Québec ou au nord du Canada, est-ce que ce serait viable? L'argent que vous obtenez du ministère permettrait-il la mise sur pied d'un programme de ce genre?
     Pourriez-vous me donner une estimation rapide de la somme qu'il faudrait pour que ça fonctionne?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain que Transports Canada serait l'organisme approprié.
    Le MPO a embauché un certain nombre de scientifiques au cours de la dernière décennie, expressément pour effectuer des recherches sur les espèces envahissantes. Je ne dirais pas qu'ils sont les seuls responsables de dénombrer les échantillons de cette façon, mais il est clair que si nous avions un programme national, ils pourraient superviser le dénombrement. Bien souvent, on confie le dénombrement et l'identification à une entreprise, mais ces scientifiques interpréteront ensuite ces données pour voir si de nouveaux problèmes apparaissent au fil du temps.
    Je serais ravi qu'un tel programme soit mis sur pied. Je l'ai demandé il y a des années. Je crois que ce travail devrait être effectué. Les espèces envahissantes posent un problème étrange. Plus vous faites d'échanges commerciaux, plus vous êtes exposé aux espèces envahissantes. Nous souhaitons tous la croissance de notre économie et, à cause de cela, nous allons nous exposer davantage à ces espèces envahissantes — principalement par le transport maritime, mais aussi par le transport aérien.
    Je crois qu'il serait avisé de mettre sur pied des programme qui vous permettraient d'essayer... Nous étudions les vecteurs, les voies de transmission de ces espèces. Vous ne pourrez pas contrôler toutes ces voies, mais si vous vous concentrez sur les plus importantes, comme l'eau de ballast des navires, vous pouvez alors trouver une façon de contrer ce vecteur pour qu'il ne puisse transmettre les espèces, sans pour autant nuire au commerce.

[Français]

    Pensez-vous vraiment que ce contrôle va changer les choses de façon substantielle?
    Vous dites avoir vu que ça baissait tranquillement, mais est-il possible de faire en sorte qu'à certains endroits l'habitat et les espèces indigènes de poisson survivent plutôt qu'ils ne disparaissent? Sommes-nous en mesure de retourner un peu en arrière?

[Traduction]

    Nous ne pouvons revenir au temps jadis, mais il y a une chose en toxicologie qu'on appelle la relation dose-réponse. Si j'expose un organisme à une certaine dose de produits chimiques, quelle sera sa réaction? Nous pouvons faire la même chose en biologie de l'invasion. Si 10 propagules sont présents sur un navire, je ne sais pas quel est le risque exact qu'ils présentent, mais je sais que 10 propagules posent un risque beaucoup plus faible qu'un millier ou un million de propagules. Il y a peut-être une relation linéaire; plus vous ajoutez des organismes dans un système, plus vous inoculez le système, plus vous risquez de voir ces espèces survivre.
    Ce que nous voulons faire, c'est réduire le nombre d'organismes dans ces vecteurs, c'est-à-dire dans l'eau de ballast, à un niveau si bas que même si les espèces sont introduites au Canada, elles ne seront pas assez nombreuses pour survivre et s'établir ici.
    Il y a quelques semaines, mon collègue, Ladd Johnson, a parlé de l'effet d'Allee. Essentiellement, si l'organisme introduit est présent seulement en petit nombre, il ne pourra trouver de partenaires pour s'accoupler. S'il ne peut pas s'accoupler, il peut certes survivre, mais il ne pourra jamais se reproduire et par conséquent... Prenons, par exemple, le crabe chinois. Cette espèce possède de grosses pinces qui ressemblent à des mitaines. Le crabe chinois vit principalement dans les rivières, mais lorsqu'il est adulte, il vit dans la mer; excusez-moi, il se reproduit dans la mer et il vit dans les rivières, Nous avons capturé ces crabes dans le lac Érié à un certain nombre d'occasions. C'étaient des crabes adultes, de très gros individus. Ils ne risquent pas d'envahir les Grands Lacs puisqu'ils ne peuvent pas se reproduire dans l'eau douce. Ils doivent migrer vers la mer pour se reproduire, si bien qu'ils ne posent aucun risque d'invasion.
    Ce que nous voulons faire dans tous les vecteurs, ou plutôt dans les principaux vecteurs, c'est émasculer ces espèces, si je peux m'exprimer ainsi. Nous voulons réduire le nombre d'individus que ces vecteurs transportent au point où ils ne présentent plus de risque.
    Je me trompe peut-être, mais je crois qu'on en est à cette étape avec l'eau de ballast. Je n'ai pas parlé des salissures des coques de navire, mais je crois que c'est un grand problème pour le Canada.
(1635)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Leef.
    Merci beaucoup.
    C'est très intéressant. Votre exposé était assez succinct également. Il était facile à suivre, ce qui n'est pas toujours le cas des exposés hautement techniques. Vous avez parlé des leçons apprises et j'aimerais maintenant aborder la question d'un point de vue différent. Nous parlons toujours de ce que nous pouvons faire, mais lorsqu'il s'agit d'investir, il est parfois tout aussi important de savoir ce qui ne fonctionne pas. Pouvez-vous nous parler des choses qu'on essaie généralement? Je crois qu'on est tenté de temps à autre de faire certaines choses au lieu de rester passifs, mais certaines initiatives peuvent être complètement inefficaces.
    Y a-t-il des exemples présentement que nous ne devrions pas suivre parce que nous savons que ce n'est qu'une perte d'argent ou que c'est complètement inefficace?
    C'est une excellente question. Nous pouvons examiner certaines études de cas. Je peux en citer deux qui ont été couronnées de succès. Il y a un animal qu'on appelle la moule rayée noire. Elle s'apparente à la moule zébrée; elle s'accroche aux choses. On l'a découverte dans un port d'Australie. On a isolé le port et on l'a bombardé de produits chimiques pour tuer cette moule. Dans un autre cas, une algue qu'on appelle caulerpe, qui provient de la mer Méditerranée, a été découverte à San Diego. Elle vit au fond de la mer et elle pousse. Des plongeurs ont découvert des talles de cette algue. Ils les ont recouvertes de toiles, puis ils ont lancé des comprimés de chlore sous les toiles et ils ont réussi à tuer cette algue de cette façon.
    Ce qu'il faut retenir, c'est qu'on a deux réussites et que toutes deux ont été réalisées dans des écosystèmes aquatiques, mais nous parlons essentiellement d'un environnement bidimensionnel. Ce n'est pas en eau libre. Ces organismes vivent au fond de l'eau.
    Alors, si nous avons affaire à des organismes qui vivent dans l'eau, comme le cladocère épineux, nous ne réussirons probablement pas à les éradiquer s'ils réussissent à s'introduire. Si cela se produit, vous avez perdu la partie. Si la moule zébré s'introduit dans votre lac, vous pouvez déclarer forfait. Il est très peu probable que vous obtiendrez la permission de chlorer l'eau ou d'y déverser assez de potassium pour tuer tous les animaux qui se trouvent dans le lac. Cette intervention ne sera pas tolérée.
    Nous essayons donc de voir s'il y a des cas où l'on peut prévoir le succès ou l'échec des initiatives. Je peux vous dire que je suis au courant de certains cas où... Par exemple, il y a ce macrophyte que j'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, qui se trouve dans la voie navigable Trent-Severn. On essaie depuis au moins deux ans d'éradiquer cette plante. Le problème, c'est que, même si vous croyez avoir tout enlevé, si vous laissez quelques graines, vous constaterez l'année suivante que la plante pousse encore. Dans certains cas, il vous faudra retourner plusieurs fois avant de pouvoir créer victoire.
    Nous n'en sommes qu'à l'étape où nous colligeons les cas partout dans le monde où les mesures prises ont donné de bons résultats ou ont échoué, et nous essayons d'établir des liens avec la taille de l'habitat et le type d'intervention, en cherchant à savoir si on a voulu éradiquer l'espèce — comme dans le cas de la moule rayée noire que j'ai mentionnée — ou si on a essayé d'en limiter la propagation.
    En Ontario, nous avons eu l'agrile du frêne. Combien de gens savent ce qu'est l'agrile du frêne? C'est un coléoptère. Il est arrivé par bateau, dans des matériaux d'emballage en bois, pour se retrouver dans ma cour. Cet insecte se répand partout. Je crois qu'il se trouve maintenant au Québec ainsi qu'au Wisconsin. C'est comme si une grosse bombe avait éclaté.
    Dans un premier temps, on a essayé de limiter sa propagation en effectuant des coupes sur une bande de 10 kilomètres, à partir du lac St. Clair jusqu'au lac Érié. On pensait pouvoir empêcher la dispersion du coléoptère si on abattait tous les frênes sur lesquels il vit. On a abattu tous les frênes, tant sur les terrains publics que privés, pour découvrir que cela ne servait à rien parce que quelqu'un avait déjà transporté les coléoptères à l'est de la zone où on effectuait les coupes. Des études de cas comme celle-là nous montrent donc qu'il faut être bien certain que le mal ne s'est pas déjà répandu ailleurs.
    La suppression est une troisième stratégie, dont l'exemple le plus courant... Vous en entendrez peut-être parler si vous consultez la Commission des pêcheries des Grands Lacs, dont le mandat consiste en grande partie à atténuer les problèmes causés par la lamproie dans les Grands Lacs. Tout un arsenal de techniques est donc mis en oeuvre pour tuer les larves de poisson avant qu'elles ne s'introduisent dans les Grands Lacs et n'y causent des problèmes. Voilà un exemple de suppression qui donne de bons résultats, mais vous remarquerez qu'on n'extermine pas le poisson des Grands Lacs. Cela ne semble pas possible.
    Nous examinons tout cela. Je crois que c'est important pour pouvoir dire ensuite au gouvernement: « Avant d'essayer d'éliminer ce poisson d'un cours d'eau, vous devez savoir que des tentatives dans ce sens ont été menées dans le cadre de 15 études précédentes, et qu'une seule a été concluante. »
(1640)
    C'est un bon point. Merci.
    Vous avez dit que l'Australie et la Nouvelle-Zélande avaient les outils pour évaluer les risques et voir si les navires présentent une menace avant qu'ils arrivent. Vous recommandez que nous examinions les politiques et que nous mettions en place quelque chose de semblable pour le Canada. Avez-vous des exemples en tête?
    J'en ai un. J'ai lu dans le journal ce matin que deux personnes avaient été accusées d'avoir fait venir au Canada des réfugiés tamouls à bord de deux navires, il y a quelques années. J'ai écrit au ministre de la Sécurité publique à cet époque. Je crois que j'aurais dû écrire au ministre des Transports. Il faut s'assurer que ces navires n'entrent jamais dans les eaux canadiennes.
    Dans le cadre du réseau précédent, nous avons effectué une évaluation des risques que comportent les navires qui arrivent au Canada. Nous avons constaté qu'une forte présence de salissures était associée à un mauvais entretien de la coque, ce qui signifie que les navires n'avaient pas été enduits d'une peinture antisalissure depuis longtemps. Je soupçonne que les hommes qui ont amené ces bateaux au Canada savaient qu'ils allaient être saisis par les autorités canadiennes et que les navires n'ont probablement pas été traités au moyen de peinture antisalissure depuis longtemps.
    Ces navires provenaient des eaux tropicales, ce qui est un autre facteur de risque. Ils étaient probablement amarrés à des ports du Sri Lanka avant d'arriver au Canada. Ce sont des facteurs de risque. Ces navires ressemblent à de petites îles flottantes qui transportent des espèces, et nous les avons introduits dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique. Je crois qu'ils représentaient un risque énorme pour le pays.
    Je ne veux pas parler des migrants. Ce n'est pas mon domaine. Nous aurions dû faire débarquer les migrants loin des côtes, garder le navire au large et prendre des mesures à cet endroit. Il n'aurait pas fallu lui permettre d'accoster au Canada.
    Dans le cadre de notre étude, nous avons constaté qu'aucun navire qui avait été peint dans les 180 jours précédents ne présentait pas de salissure. La réglementation australienne stipule que les navires comportent des risques élevés et exige au moins un certain niveau de vigilance à leur arrivée. Les Australiens utilisent une fenêtre de 90 jours. Si le navire a été traité dans les 90 jours précédents, ils considèrent qu'il ne constitue pas une menace. S'il a été traité plus que 90 jours auparavant, lorsqu'il arrive au large, quelqu'un va examiner les côtés du navire pour voir s'il y a des biosalissures. S'il n'en voit pas, le navire est réputé être sans danger. S'il trouve des salissures, des plongeurs iront y voir de plus près. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Nous pouvons regarder les mesures qu'ont prises les Australiens et les adapter au Canada.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacAulay.
    Monsieur MacIsaac, vous avez dit qu'un des grands problèmes venait des aquariums et les étangs de jardin. Vous avez mentionné aussi l'aloès d'eau. De quoi s'agit-il et quel type de règlement doit être mis en place?
    Les vendeurs en ont peut-être une idée, mais j'imagine que beaucoup d'acheteurs ne réalisent pas ce qu'ils font. C'est encore une fois une question d'éducation.
    Un de mes amis, qui est dentiste, a un bel étang. Mon beau-frère, qui est dentiste également, en a un aussi. Ils ont ces plantes dans leurs jardins. Le problème, c'est que la végétation est tellement prolifique lorsqu'il fait chaud que, s'ils mettent une plante dans l'étang, en un mois elle en aura recouvert la surface.
    Si ces gens vivent près d'un ruisseau, comme c'est parfois le cas, ils enlèvent les plantes et, au lieu de les jeter à la poubelle, ils les jettent dans le ruisseau derrière la maison. Or, ces plantes ont des vacuoles qui leur permettent de flotter. Vous pouvez les voir flotter dans les Grands Lacs.
    Un étudiant de premier cycle de mon école m'a appelé pour me dire qu'il y avait, dans sa cour, une plante envahissante qu'on appelle laitue d'eau. Je ne savais rien de la laitue d'eau, alors j'ai fait une recherche à l'aide de Google et la première chose qui est apparue, c'était une boutique spécialisée dans l'aménagement des étangs. Je suis presque tombé de ma chaise. Lorsque j'ai vu les espèces qu'on y vendait, j'ai réalisé que ce n'était pas seulement les espèces auxquelles on avait affaire, mais une foule d'autres. J'utilise donc maintenant cet exemple. J'ai présenté un exposé aux ministres provinciaux des Pêches l'an dernier et j'ai montré que chacune des neuf espèces que cette boutique vendait était une espèce envahissante soit au Canada, soit dans d'autres parties du monde.
(1645)
    La vente de ces plantes devrait-elle être autorisée? Celui qui vend ce genre de chose devrait-il fournir de l'information?
    À la suite de la vérification faite par le vérificateur général, le ministère des Pêches et des Océans a créé le CEARA, le Centre d'expertise pour l'analyse des risques aquatiques, qui est situé à Burlington, en Ontario. Avant de pouvoir interdire la vente de ces organismes... Il s'agit d'un commerce, et le gouvernement pourrait donc être poursuivi par les vendeurs, s'ils se trouvent quelque part aux États-Unis ou dans une autre partie du monde. Ils pourraient dire que leur entreprise a subi des torts. L'Organisation mondiale du commerce a des règles que les gouvernements doivent respecter s'ils veulent interdire la vente d'organismes vivants.
    Ce que vous pouvez faire, c'est une évaluation des risques en bonne et due forme. Le MPO dispose d'un centre qui fera ces évaluations comme il l'a fait pour le poisson-serpent et les espèces de carpe asiatique. Une fois les risques écologiques évalués, si on conclut que ces espèces peuvent survivre au Canada et qu'elles pourraient causer des torts si elles étaient introduites — ces deux conditions doivent être remplies —, alors le gouvernement est en droit d'interdire la vente de ces organismes vivants au pays. C'est ainsi que l'Ontario a adopté une loi pour interdire la possession de carpes asiatiques vivantes en Ontario. Il faut donc procéder de la même façon pour ces plantes.
    Le fait-on avant que l'espèce ne soit introduite, ou est-ce qu'une poursuite est intentée dans un premier temps, ou...?
    Non, vous pouvez le faire avant son introduction.
    Vous pouvez donc bloquer son entrée. L'OMC est alors saisie de l'affaire et tout ce processus se met en branle.
    Non. Nous avions des préoccupations au sujet de la carpe asiatique. Le CEARA a alors mené une évaluation des risques avant qu'elle ne soit introduite en grand nombre au Canada. On a dit qu'on croyait que ces poissons constituaient une menace pour le Canada; par conséquent, on est en droit d'interdire la possession d'espèces vivantes. L'Ontario a ensuite adopté le règlement. Chaque espèce doit être traitée individuellement. Pour la plupart des gouvernements, les deux plantes que j'ai mentionnées ne posent pas de problème parce qu'elles sont originaires du Brésil. Ce sont des plantes tropicales.
    L'hon. Lawrence MacAulay: Toutefois, elles posent un problème.
    M. Hugh MacIsaac: Je les ai vues en 2010 à un certain nombre d'endroits. En 2011, une femme qui vit au bord d'un des affluents de Belle River, en Ontario, tout près de Windsor, m'a envoyé toute une série de photographies et m'a dit qu'il était impossible de naviguer sur le petit cours d'eau parce qu'il était envahi par ces plantes.
    Ou bien les plantes survivent alors qu'elles ne sont pas censées survivre, et je ne crois pas que ce soit le cas, ou bien elles se reproduisent alors qu'elles ne sont pas censées se reproduire, et nous ne croyons pas que ce soit le cas. La chose la plus plausible, selon nous, c'est que les gens achètent ces plantes dans les magasins locaux — les boutiques spécialisées dans l'aménagement des étangs — et lorsqu'elles deviennent trop nombreuses dans les étangs, au milieu ou à la fin de l'été, ils en arrachent et les jettent dans des endroits où ils ne le devraient pas, et elles aboutissent dans les Grands Lacs.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur MacAulay. Votre temps d'intervention est écoulé.
    Monsieur MacIsaac, au nom du comité, je tiens à vous remercier énormément d'avoir pris le temps, malgré votre horaire bien chargé, d'être ici avec nous aujourd'hui, de répondre à nos questions et d'avoir présenté un exposé à notre comité. Si vous voulez ajouter certaines choses à votre exposé, ou nous transmettre d'autres informations de cette nature, n'hésitez pas à l'envoyer à notre greffier. Nous serons ravis de recevoir tout ce que vous aimeriez ajouter. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui.
    Puisqu'il n'y a pas d'autre question à traiter, la séance est levée.
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