NRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 23 février 2000
Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons la gestion des forêts au Canada dans la perspective du commerce international.
Nous recevons aujourd'hui deux représentantes du Sierra Club du Canada: la directrice générale, Elizabeth May, et la coordonnatrice du programme de biodiversité, Rita Morbia.
Je suis sûr que vous avez déjà comparu devant d'autres comités. Aujourd'hui, nous espérons pouvoir vous accorder une dizaine de minutes, ou peut-être un peu plus si vous en avez besoin. Nous aimerions nous en tenir à peu près à ce chiffre afin que nous puissions entamer un dialogue, une conversation ou une discussion très professionnelle, pour permettre à mes collègues de participer à la discussion que vous voulez susciter. J'espère que cela vous convient.
• 1540
Je tiens à rappeler à mes collègues que le mémoire, la version
papier, est à leur disposition à la table. Il n'a pas été distribué
parce que nous ne disposons pas d'une version traduite, et le
comité ne distribue jamais de documents qui ne sont pas bilingues.
Cela dit, un exemplaire français sera mis à la disposition des
députés dès que notre personnel l'aura traduit. Je reconnais qu'une
observation a déjà été faite à ce sujet par d'autres membres du
comité par le passé, pas plus tard qu'hier par M. St-Julien, je
demanderai donc à M. St-Julien et aux autres de ne pas intervenir
à nouveau à ce sujet. Le président en a pris note.
Sans plus tarder, mesdames May et Morbia, qui va commencer?
Madame May.
Mme Elizabeth May (directrice générale, Sierra Club du Canada): Merci, monsieur le président.
[Français]
Je remercie tous les membres du comité de me donner l'occasion de leur parler des forêts du Canada. Je regrette beaucoup que notre présentation soit seulement en anglais. J'espère que c'est possible de faire la présentation en anglais, mais je peux répondre aux questions en français aussi. Je fais un effort. C'est plus difficile pour un francophone de me comprendre, mais je vais faire un effort.
[Traduction]
Je ferai un bref exposé puisque vous nous avez conseillé de nous limiter à 10 minutes. Je pense que c'est une excellente méthode parce que cela nous laisse plus de temps pour les questions.
Nous avons structuré fondamentalement notre mémoire en fonction de votre rapport intérimaire. Il contient des observations linéaires que je sauterai, sauf pour signaler que le Sierra Club du Canada a beaucoup contribué à la base de connaissances d'autres groupes écologistes, de la population canadienne et d'autres décideurs en élaborant un portrait assez complet de la situation des forêts au Canada dans l'ouvrage At the Cutting Edge, dont nous signalons dans l'introduction que, même si j'en suis l'auteur, il est le fruit des travaux entrepris par des chercheurs de l'ensemble du pays, y compris des sylviculteurs, des universitaires et d'anciens fonctionnaires ou membres des ministères des Forêts de tout le pays. Certains ont évalué la contribution de leurs pairs, et nous avons également fait appel à des chercheurs de ce secteur, y compris un exploitant forestier, ainsi qu'à des biologistes et à ceux qui s'intéressent aux valeurs forestières non liées au bois.
Je pense que nous avons dressé un tableau très complet. Je voudrais souligner que nous avons utilisé les données fournies par le gouvernement et l'industrie pour répondre à la question de savoir si nos forêts risquent de connaître le même sort que la morue. En d'autres termes, fixons-nous des niveaux annuels de récolte dont nous pouvons nous assurer qu'ils sont durables à long terme et, en fait, éternellement?
Notre réponse était inquiétante, car nous avons constaté que la quasi-totalité des sources publiques et privées signalaient déjà l'existence de pénuries de bois; elles étaient généralement qualifiées de locales, mais la tendance est inquiétante vu l'accroissement constant des superficies forestières exploitées au Canada et du fait que nous abattons des arbres dans des zones où on ne le faisait pas auparavant, si bien que nous n'avons aucune idée des conditions de repousse et de notre capacité à préserver l'emploi dans ce secteur.
Le Sierra Club du Canada a peut-être adopté un point de vue différent de celui d'autres groupes écologistes parce que nous croyons que la survie durable de l'industrie forestière est essentielle pour le Canada. Nous ne nous penchons pas seulement sur les questions écologiques, mais aussi sur la viabilité des petites communautés et nous cherchons à assurer un aménagement durable des forêts du point de vue aussi bien biologique qu'économique.
Donc, après cette brève présentation de cet ouvrage... Je n'ai pu en apporter que trois exemplaires. J'espère que cela pourra suffire comme source de documentation pour le comité. Bien entendu, certains d'entre vous souhaiteront peut-être l'emporter chez eux pour le lire alors que d'autres préféreront peut-être le laisser sur un rayon de la bibliothèque, mais nous allons les remettre au personnel du comité.
Le président: Madame, n'ayez aucune crainte. Si, comme vous L'avez dit déjà, ce sont des éditions limitées, le président en prendra soin et quelles que soient les conséquences économiques découlant de leur rareté, le président sera ravi d'en profiter.
Mme Elizabeth May: D'accord; sur ces conseils, je les laisserai entre les mains du président.
Je voudrais vous faire part très rapidement de notre réaction aux deux principales recommandations de votre rapport intérimaire.
• 1545
Premièrement, je pense qu'il faut féliciter le comité d'avoir
examiné ces questions de façon générale au lieu de s'en tenir
seulement à la Colombie-Britannique, même si elles sont très
importantes dans cette province.
Le Sierra Club du Canada intervient très activement au sujet des questions touchant la certification, et nous sommes également préoccupés par ce qui peut sembler être une concurrence entre l'Association canadienne de normalisation et le Forest Stewardship Council. Leurs approches nous paraissent toutefois totalement différentes et nous pensons que la recommandation de les intégrer ou de les harmoniser n'est peut-être tout simplement pas réalisable, ni même nécessaire.
Nous aimerions suggérer que, quand on se penche sur la question de la certification, on examine combien il peut être important de mieux faire connaître ce que représentent ces deux systèmes de certification. En d'autres termes, si vous voyez une entreprise qui a la certification de la CSA ou de l'ISO, celle-ci n'est pas fondée sur les résultats obtenus par l'entreprise mais sur les systèmes qu'elle utilise et dit que cette entreprise s'engage à les améliorer constamment. C'est une certification de la gestion des systèmes qui ne donne, en réalité, aucune indication sur le produit que le consommateur final se procure à la fin de la chaîne de possession.
Le Forest Stewardship Council est censé jouer un rôle tout à fait différent et vérifier si, sur le terrain, l'abattage répond à des normes écologiquement appropriées et si on peut assurer le suivi de toute la chaîne de possession d'un produit jusqu'à sa vente finale. Cet organisme certifie le produit final et y appose son logo pour donner au consommateur une certaine assurance que son pouvoir d'achat servira à améliorer les pratiques de gestion forestière et à financer l'exploitation d'un terrain boisé déterminé où l'on a établi qu'étaient respectées des normes suffisamment élevées pour justifier la certification par le Forest Stewardship Council.
À mon avis, ces deux systèmes de certification ne sont pas du tout incompatibles. Une entreprise pourrait se prévaloir des deux régimes, et la certification CSA ne fournit pas les mêmes indications que celle du FSC au sujet d'une entreprise. Quand on connaît les deux systèmes, on peut se dire que la double certification pourrait être plus fréquente, mais chacune mesure des choses différentes et a des objectifs différents, si bien qu'il est difficile de dire qu'il faudrait essayer de les combiner.
Un autre motif de prudence pour ce qui est d'imposer un mariage entre les deux, si vous voulez, est que le logo du FSC est internationalement reconnu; la CSA, par le truchement de son association avec l'ISO, l'est aussi un peu, mais sa certification s'adresse davantage à un public national et porte plus particulièrement sur un engagement spécifique concernant la gestion des systèmes.
En voilà probablement assez à propos de la certification.
La chose plus importante dont je veux réellement parler est le rôle du gouvernement fédéral. Il se trouve que je fais également partie du comité de M. Goodale, le ministre, le Conseil consultatif national en recherche forestière. Je suis la seule à représenter un groupe écologiste au sein de ce comité. Il est présidé par le président de Weyerhaeuser—ou l'ancien président—George Weyerhaeuser, et le directeur général de l'Association canadienne des pâtes et papiers en fait également partie.
Le président: Est-ce un comité non partisan?
Mme Elizabeth May: Oui, c'est un organisme multipartite qui conseille le ministre des Ressources naturelles à propos des problèmes relatifs à la recherche forestière.
Le président: Son rôle n'est pas de conseiller M. Goodale, mais de conseiller le ministre.
Mme Elizabeth May: C'est exact. Il se trouve que nous avons été nommés par M. Goodale, et qu'il nous a renommés. Mais vous avez raison; ce conseil est au service du ministre ou de la ministre, selon le cas, et de son ministère.
Le président: Merci.
Mme Elizabeth May: Nous nous soucions beaucoup de l'état du budget du Service canadien des forêts et de sa capacité à faire des recherches sur les forêts. Votre rapport intérimaire signale qu'en 1992, au Sommet de la Terre, à la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, le Canada était considéré à bien des égards comme un chef de file. On nous considérait comme un chef de file dans de nombreux domaines. Si cette impression persiste, c'est seulement parce que la réalité n'est pas encore assez connue pour porter atteinte à notre réputation.
Mais j'ai inclus dans ce mémoire les chiffres du budget principal des dépenses. En 1992, quand le Service canadien des forêts était encore un ministère fédéral autonome, le ministère des Forêts, il avait un budget de 246 millions de dollars. En réalité, ce n'est pas beaucoup pour un ministère fédéral autonome; mais, peu après Rio, pendant l'été 1993, quand Kim Campbell était premier ministre, le ministère des Forêts a été dissout et fusionné avec l'ancien ministère de l'Énergie, des mines et des ressources, et c'est à ce moment-là que Ressources naturelles Canada est devenu un ministère du gouvernement fédéral.
• 1550
Ressources naturelles Canada n'a pas donné les résultats
auxquels on aurait pu s'attendre pour le service des forêts. Son
budget a chuté quand il n'a plus constitué un ministère du
gouvernement fédéral à part entière. La chute brutale de ses
ressources financières est réellement tout à fait frappante. Au
cours du présent exercice, selon le budget des dépenses de 1999-
2000, le Service canadien des forêts a un budget de 99,2 millions
de dollars.
Il faisait vraiment de la recherche scientifique fondamentale. Il gérait plusieurs stations de recherche dans tout le Canada, y compris le Centre de foresterie des Laurentides. Plusieurs d'entre elles ont été fermées depuis lors. Il collectait régulièrement des données qui étaient utiles aux provinces.
On peut, à juste titre, poser la question suivante: Pourquoi donc avoir un ministère fédéral des forêts? Pourquoi donc un service fédéral des forêts? C'est un des rares domaines liés à l'environnement à propos duquel la constitution dit clairement que les forêts relèvent des provinces.
Le gouvernement fédéral a joué un rôle dépassant largement celui que vantent certains et qui consiste à faire connaître et promouvoir les intérêts de l'industrie forestière canadienne à l'étranger. Dans le passé, il faisait de la recherche scientifique, fournissait de bonnes données et aidait les ministères provinciaux des Forêts à prendre des décisions en se fondant sur la recherche scientifique et sur la collecte de données et les sondages réalisés par le Service des forêts.
Le Service canadien des forêts établissait, par exemple, un relevé des insectes et des maladies. C'est une des choses qu'il ne fait plus à cause des compressions budgétaires. Il faisait aussi certaines choses que nous n'appuyions pas particulièrement à l'époque. Il accordait des subventions massives pour des choses qui, à notre avis, n'étaient pas appropriées du point de vue écologique dans le cadre du programme EMVSR.
Dans l'ensemble, quand on pense à l'importance de l'industrie forestière au Canada, il est réellement bien triste que le budget total du Service canadien des forêts soit inférieur à la subvention directe accordée à la société d'État Énergie atomique du Canada Limitée, qui fait partie du même ministère. Il n'a pas su tirer son épingle du jeu par rapport aux autres organismes relevant de Ressources naturelles Canada qui se disputent les ressources du ministère, et je pense que c'est regrettable. Les rapports déjà publiés à ce sujet par le Conseil consultatif national en recherche forestière signalent que nous devons continuer à soutenir la recherche scientifique fondamentale sur les forêts comme celle que réalise le Service canadien des forêts.
Ce que nous faisons à l'heure actuelle est très risqué. Au niveau fédéral, nous faisons beaucoup de choses à l'étranger par l'entremise de nos missions et de nos ambassades qui relèvent de la propagande. À un moment donné, nous en paierons peut-être les conséquences. Si nous n'assurons pas un véritable suivi sur le terrain, si nous ne disposons pas des données nécessaires pour prouver ce que nous avançons, nous ne pourrons pas continuer à vendre des produits forestiers canadiens outre-mer.
Croyez-le ou non, certains de mes collègues membres de l'Association canadienne des pâtes et papiers collaborent avec des groupes écologistes à la promotion d'une législation sur les espèces en péril qui puisse donner de bons résultats. Ils disent souvent qu'il leur paraît important que le Canada ait une bonne législation en la matière. Ils savent que, sinon, ils en sentiront les répercussions sur les marchés étrangers où les gens veulent savoir ce que le Canada fait à propos des espèces en péril. Il ne s'agit donc pas simplement d'une plainte des groupes écologistes. Je pense que c'est un sentiment qui est assez largement partagé par ceux qui s'intéressent aux questions touchant les forêts.
Je veux passer très rapidement à des questions qu'à ma connaissance, vous n'avez pas encore eu l'occasion d'aborder.
En ce moment même, en l'an 2000, la principale menace qui pèse sur les forêts du Canada est le changement climatique. J'ai distribué cette fiche d'information en même temps que notre mémoire, simplement parce qu'elle contient une carte que je vous invite à examiner. C'est le tableau qui figure à la page 3. Il vient d'Environnement Canada. Il vous montre quels types de changements climatiques conviendraient à quels types de forêts si la concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère devait doubler. Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat prévoit que, vu les niveaux actuels des émissions de carbone et le rythme auquel elles augmentent, elles pourraient doubler dès 2030.
Il est évident que nos forêts boréales ne vont pas d'un seul coup céder la place à des étendues d'herbe. Cela ne se produira pas du jour au lendemain. Comme vous pouvez le voir, les forêts boréales actuelles du Canada s'étendent à travers tout le pays, mais, si le CO2 double, les terres ayant un climat approprié pour les forêts boréales ne se trouvent plus guère que dans le nord du Québec et du Labrador et dans une petite partie des Territoires du Nord-Ouest ou du Yukon. La Colombie-Britannique n'est pas incluse simplement parce que les données n'étaient pas disponibles. Voilà pourquoi elle est indiquée en noir.
Le changement climatique constitue une menace très importante pour les forêts du Canada. Les forêts jouent un rôle énorme dans le changement climatique et sont donc très importantes. Les forêts boréales du monde entier contiennent 65 millions de tonnes de carbone dans les troncs, les branches et les feuilles et 270 milliards de tonnes supplémentaires dans le sol et les matières en décomposition.
• 1555
En d'autres termes, en équilibrant les stocks de carbone de la
planète pendant que l'humanité s'active à accroître constamment ses
émissions en utilisant des combustibles fossiles, nos forêts jouent
un rôle essentiel en empêchant ce carbone de se répandre dans
l'atmosphère et, on peut l'espérer, en équilibrant les budgets
globaux de carbone et en retardant, repoussant d'éventuelles
modifications de ces derniers. Malheureusement, à l'heure actuelle,
étant donné que le changement climatique augmente le nombre des
incendies de forêt et les populations d'insectes, les forêts du
Canada ne sont déjà plus un puits net de carbone—un puits de
carbone maintient celui-ci en dehors de l'atmosphère et le piège
dans le sol ou les racines, les troncs et les feuilles—et sont
devenues une source nette de carbone. Les grands incendies de forêt
produisent des émissions de carbone au fur et à mesure que la forêt
se consume.
Le document que je vous présente dans notre bref mémoire contient diverses statistiques, mais je vais sauter par-dessus une bonne partie d'entre elles pour passer à mon dernier point.
Vous serez peut-être surpris qu'un groupe écologiste s'intéresse à cela, mais, en toute franchise, je ne pense pas que les sociétés forestières gagnent assez d'argent. Je n'arrive pas à le comprendre. Je parle à beaucoup de gens de ce secteur et je sais que, selon eux, nos investisseurs ne veulent pas mettre de l'argent dans une société forestière parce que cela ne rapporte tout simplement pas assez. Avec les indicateurs économiques et le régime fiscal, au lieu de mettre l'accent sur ce type de combat que les groupes écologistes et les sociétés forestières se livrent sur le terrain, je pense que, pour bien comprendre cette situation au Canada, il serait bon que nous examinions le régime fiscal et envisagions d'autres façons d'ajuster le système économique pour que les sociétés forestières subissent moins de contraintes.
Les charges sociales constituent une contrainte. Vu leur existence et le coût élevé de la main-d'oeuvre, d'autres sociétés forestières s'efforcent de réduire leurs dépenses correspondantes et d'améliorer le rendement de chaque employé. Cela se traduit par des dégâts pour l'environnement étant donné que les machines font plus de dégâts que des travailleurs qualifiés. Comme les machines coûtent cher, elles peuvent couper tout le temps des arbres sur des superficies toujours plus grandes et le font. Il est dans notre intérêt qu'il y ait plus de travailleurs et, fondamentalement...
Je suis en train de faire un exposé très bref alors qu'il faudrait donner des explications beaucoup plus longues et beaucoup plus de détails pour parler de quelque chose comme cela. L'industrie canadienne des produits forestiers fonctionne actuellement dans une large mesure selon des critères quantitatifs. Nous produisons surtout des produits bruts en vrac en vue de l'exportation. Nous ne faisons pas beaucoup de transformation secondaire. De ce fait, notre industrie forestière est beaucoup plus vulnérable aux excédents cycliques de pâte de bois sur le marché mondial.
Nous l'avons certainement constaté. Cette industrie est très cyclique. Plus nous avons diversifié nos produits forestiers, plus nous leur avons ajouté de la valeur, plus nous avons pu réaliser des exportations comme celle de la Scandinavie, où c'est exactement l'inverse qui s'est produit. Approximativement les quatre cinquièmes de toutes nos exportations sont des produits bruts, qu'il s'agisse de pâtes qu'on utilise ailleurs pour faire du papier journal de haute qualité, qu'il s'agisse de billes ou de grumes dont le traitement se fera ailleurs. Nous exportons une énorme quantité de marchandises qui restent à une étape de production moins avancée.
Comme nous exportons moins de produits finis et plus de produits bruts, nous sommes plus vulnérables aux cycles des marchés mondiaux. Nous sommes donc plus vulnérables aux pressions économiques et à la concurrence des autres pays qui exportent des produits bruts nécessitant moins de main-d'oeuvre et présentant moins de valeur ajoutée.
Pour passer à une industrie basée sur la qualité, je pense qu'il nous faut examiner notre régime fiscal et prendre des mesures pour aider les sociétés forestières à gagner plus d'argent en se livrant à leurs activités. Regardez ce qu'elles doivent payer comme impôt sur le revenu, regardez le montant de leurs charges sociales. Tout cela fait partie d'une catégorie qu'on appelle la réforme fiscale écologique. Si notre société veut que les entreprises gagnent de l'argent et réalisent des bénéfices, pourquoi les imposer? Si notre société ne veut pas de pollution ni de dégradation de l'environnement, pourquoi ne pas imposer cela? Cela reviendrait à imposer les éléments négatifs plutôt que les éléments positifs en espérant que les signaux économiques ainsi émis aideront non seulement l'industrie forestière mais aussi d'autres secteurs à repenser leur mode de fonctionnement.
Les entreprises feront les choses qui sont économiquement censées, logiques. À l'heure actuelle, tous les signaux que nous avons émis disent qu'il est plus censé de mettre à pied des travailleurs et d'acheter des machines, parce que le combustible est relativement bon marché alors que les travailleurs coûtent cher. Inverser cette tendance est une des façons les plus fondamentales de restructurer cette industrie et de conserver un plus grand nombre d'emplois tout en exerçant moins de pressions sur les écosystèmes que notre pays a beaucoup de chance de posséder à l'intérieur de ses frontières. Je vous demanderai donc d'envisager un réalignement de ces facteurs.
• 1600
Pour finir, je recommanderai au comité une chose qu'il
pourrait envisager dans le cadre de ses travaux futurs. Vous avez
dit au début, monsieur le président, que ce n'est pas la première
fois que nous comparaissons devant un comité parlementaire. Ce
n'est même pas la première fois que nous comparaissons devant un
comité parlementaire, même celui-ci, qui examine les questions
touchant les forêts, ou le comité du Sénat qui a examiné les
problèmes des forêts boréales.
Le rapport le plus récent du comité sénatorial qui a examiné les problèmes touchant les forêts boréales a déjà fortement influencé la réflexion au sein du Service canadien des forêts. Mais il y a une possibilité éventuellement qu'à mon avis, il ne faudrait pas négliger. Votre comité pourrait peut-être s'adresser au Comité de l'environnement de la Chambre des communes, qui a examiné la question des coupes à blanc, ainsi qu'au comité sénatorial pour voir s'il n'existe pas entre eux un consensus au sujet des principaux problèmes concernant la durabilité des forêts du Canada et de l'industrie forestière canadienne.
Comme nous le disons dans notre mémoire, la population ne sait plus quoi penser quand un comité, après une série d'audiences sur les questions concernant les forêts, s'exprime comme un groupe écologiste, alors qu'un autre comité, après une série d'audiences, s'exprime comme un groupe représentant l'industrie. Et cela ne dit pas réellement à la population quelles sont les conclusions des parlementaires, mais indique plutôt qui ils ont écouté.
Je fais réellement confiance au système parlementaire. Je fais confiance à la démocratie qui peut se manifester dans un comité où tous les partis sont représentés comme celui-ci. Et tous sont composés de gens qui consacrent leur vie au service du public et ne privilégient pas particulièrement un intérêt par rapport à un autre. Une innovation intéressante—je ne sache pas que cela se soit déjà fait—serait la publication d'un rapport conjoint de la Chambre des communes et du Sénat réalisé avec la participation des divers comités de la Chambre des communes qui ont manifesté un intérêt pour les questions touchant les forêts et du comité du Sénat qui s'est penché sur les questions concernant les forêts boréales. Je pense que ce serait extrêmement utile. Et je pense que toute recommandation présentée par un tel comité mixte serait réellement positive et représenterait aussi une initiative impressionnante en matière de démocratie de la part de la Chambre des communes.
Merci.
Le président: Je vous remercie aussi beaucoup de ce dernier commentaire. Il relève du domaine de la science politique. J'ai l'impression que je réfléchis souvent au fait que les comités permanents ont tous suffisamment de mal à tenir compte en même temps de tous les points de vue différents de toutes les parties concernées. Mais, quoi qu'il en soit, vous avez soulevé des points très intéressants.
Je veux donner immédiatement la parole à certains des membres du comité ici présents. Nous pourrons peut-être approfondir un peu plus certaines des choses que vous avez mentionnées.
Monsieur Stinson.
M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Avez-vous des liens avec Greenpeace? Ou penchez-vous en faveur de Greenpeace?
Mme Elizabeth May: Nous collaborons parfois avec Greenpeace dans le cadre de certaines campagnes, mais il n'existe absolument aucun lien entre nos deux organisations.
M. Darrel Stinson: Avez-vous eu des liens avec Greenpeace au sujet des activités concernant la forêt pluviale de Great Bear?
Mme Elizabeth May: Nous avons fait du travail au sujet des questions concernant cette forêt pluviale et nous avons participé activement à des groupes de négociation pour le gouvernement provincial. De plus, notre chapitre de la Colombie-Britannique collabore avec tous les groupes associés au travail concernant cette forêt pluviale. Mais, d'après ce que je suppose que vous cherchez à savoir, je pense que je pourrais peut-être préciser que le Sierra Club n'a absolument jamais soutenu le boycott des produits forestiers canadiens outre-mer.
M. Darrel Stinson: Mais intervenez-vous politiquement, dans un sens, au nom de Greenpeace?
Mme Elizabeth May: Nous n'intervenons jamais au nom de Greenpeace. Nous intervenons pour défendre les intérêts de nos membres et répondre à leur préoccupation relativement aux forêts. De temps à autre, nous nous sommes engagés aux côtés de la Fédération canadienne de la faune ou de la Fédération canadienne de la nature, ou encore du Fonds mondial pour la nature ou de Greenpeace, à propos de différentes questions. Mais nous n'entretenons pas des liens étroits avec Greenpeace.
Je ne rejette pas Greenpeace, mais c'est simplement une question très sensible pour nos membres de la Colombie-Britannique. Ils vivent dans des localités...
M. Darrel Stinson: Pour moi aussi, c'est une question très sensible.
Mme Elizabeth May: Oui. Nos membres vivent dans des communautés où l'industrie forestière est très importante. Et nous avons adopté une attitude très différente de celle de Greenpeace pour ce qui est de l'incitation à des boycotts.
M. Darrel Stinson: Il se trouve que je me suis rendu dans la forêt pluviale de Great Bear, comme on l'appelle. Et j'ai parlé aux Autochtones là haut, et, en fait, ils étaient tout à fait indignés des pertes d'emplois survenues dans la région. Je tiens donc à ce que vous en soyez bien consciente.
Je voudrais aussi savoir quel type de financement vous recevez de la part du gouvernement et si vous avez le statut d'organisme de bienfaisance.
Mme Elizabeth May: Nous n'avons pas le statut d'organisme de bienfaisance. Nous ne recevons pas de financement de la part du gouvernement sauf occasionnellement pour un contrat portant sur un travail particulier—par exemple un communiqué d'intérêt public—, ce que nous sommes heureux de faire; dans l'ensemble, cela correspond toutefois à moins de 10 p. 100 de notre budget global. Par ailleurs, pour clarifier les choses au sujet de notre statut d'organisme de bienfaisance, il y a aussi une organisation distincte, la Sierra Club of Canada Foundation, qui a ce statut.
M. Darrel Stinson: Est-elle reliée à votre organisation?
Mme Elizabeth May: Oui, mais elle est indépendante de nous. Elle a son propre conseil d'administration. Je ne travaille pas pour elle. Et nous ne recevons des fonds de la Sierra Club of Canada Foundation que pour les activités considérées par Revenu Canada comme des activités charitables. Nous avons aussi des donateurs qui tiennent à verser directement de l'argent au Sierra Club du Canada sans demander de reçu pour l'impôt parce qu'ils veulent que nous utilisions ces fonds pour intervenir plus directement dans certains dossiers.
M. Darrel Stinson: Vous signalez dans votre mémoire que, d'après les recherches publiées dans Science, une zone reboisée met au moins 200 ans à avoir une capacité de stockage proche de celle d'une forêt ancienne.
Mme Elizabeth May: C'est exact.
M. Darrel Stinson: J'ai parlé à des experts forestiers qui ne sont pas du tout d'accord avec ce que vous dites-là.
Mme Elizabeth May: Je cite un article basé sur une véritable étude scientifique.
M. Darrel Stinson: Réalisée par qui?
Mme Elizabeth May: Je ne me souviens pas des noms des auteurs pour le moment. Elle a été publiée par M. Harmon et plusieurs autres chercheurs ont collaboré avec lui—c'est indiqué à la note 9.
Ce qui se passe est qu'une forêt jeune, une forêt à croissance rapide, absorbe plus de carbone, à un rythme plus rapide qu'une forêt plus vieille. Toutefois, elle n'atteint un taux de capacité de stockage du carbone proche de celui d'une forêt ancienne qu'au bout de 200 ans et, puisque le cycle d'abattage est de 40, 50 ou 60 ans, il en découle essentiellement que, si vous examinez le système normal de gestion forestière par cycle, vous constaterez qu'on n'atteint jamais un tel niveau de piégeage du carbone, les forêts étant abattues avant d'avoir atteint le stade permettant ce piégeage.
Donc, en ce qui concerne cette question, oui, une forêt de peupliers et de trembles récemment plantée a un taux d'absorption du carbone supérieur, elle l'absorbe plus rapidement, mais elle ne peut absolument pas atteindre une capacité de stockage correspondant aux quantités déjà stockées dans les forêts anciennes et dans le sol de ces dernières. Ne l'oubliez pas, le volume stocké dans le sol d'une forêt boréale ancienne dépasse la quantité présente dans les branches et la ramure, les feuilles et les troncs; si on l'abat, les perturbations et l'exposition aux éléments entraînent aussi la perte de la capacité de piégeage du CO2 dans le sol.
M. Darrel Stinson: Vous constaterez qu'il y a aussi des scientifiques qui défendent l'opinion contraire.
Mme Elizabeth May: Je ne le pense pas, en fait, monsieur. Je pense que tous sont d'avis que l'important est la distinction entre les taux d'absorption et le stockage.
M. Darrel Stinson: J'ai remarqué que, dans votre mémoire, vous dites que l'industrie forestière ne peut pas gagner d'argent à cause de la fiscalité, et je vais vous en féliciter. Nous disons cela depuis longtemps.
Certaines choses m'inquiètent toutefois un peu. En Colombie- Britannique, nous avons un code d'exploitation forestière très strict, probablement le plus strict du monde. Or, vous voulez vous attaquer au code qui existe, disons en Colombie-Britannique. Qu'en est-il du reste du monde?
Mme Elizabeth May: Permettez-moi de clarifier une chose à propos de la fiscalité. Il ne s'agit pas vraiment d'elle. Une chose que je trouve réellement choquante dans la structure actuelle de l'économie mondiale est que l'argent rapporte plus rapidement de l'argent que les gens ne peuvent en gagner, et les investisseurs ont intérêt à placer leur argent dans des choses comme la spéculation sur les devises plutôt que dans quelque chose qui possède une valeur réelle et crée des emplois sur le terrain, et je pense que les décideurs et les politiciens devraient examiner cette question très sérieusement.
Un autre aspect de cette question—ça paraît peut-être tiré par les cheveux—est qu'envisager d'appliquer la taxe Tobin à ce casino planétaire me paraît une mesure importante parce que, tant que les gens préfèrent placer leur argent pour obtenir des taux d'investissement et de profit qui, fondamentalement, ne sont rien d'autres qu'une forme de jeu, ils ne produisent pas d'emplois réels et nuisent même à la réalisation possible d'un travail productif réel. Et quand un travail productif réel et la rémunération de gens pour le faire ne sont pas lucratifs ni concurrentiels et qu'il y a des gens qui possèdent des milliards de dollars, ce qui arrive de nos jours—pas des gens comme nous, mais il y a des gens qui sont dans ce cas—et qui, au lieu d'investir dans quelque chose de productif et dans les populations locales, placent leur argent sur les marchés internationaux de spéculation sur les devises, cela nuit aussi à notre industrie forestière.
Le problème tient donc plus généralement aux signaux économiques qu'à notre régime fiscal, mais je conviens qu'il faudrait réexaminer le régime fiscal, en particulier pour ce qui est des charges sociales.
Il ne fait aucun doute que le code d'exploitation forestière de la Colombie-Britannique est un des meilleurs documents de ce type qui existe dans une province quelconque du Canada ou peut-être même dans le monde. On l'a affaibli. On l'a assoupli. Cela nous inquiète beaucoup. Mais, en fin de compte, ce qui se passe là encore, c'est que, quand une société ne réalise qu'un profit marginal, elle doit se débrouiller pour réduire ses dépenses là où elle peut le faire.
• 1610
Je ferai une comparaison avec ce qui se passe dans le secteur
du transport aérien. Une compagnie qui pratique des tarifs très bas
élimine tous les frais qu'elle peut se permettre d'éliminer, elle
donne des pretzels au lieu d'un bon déjeuner, mais elle n'économise
pas sur l'entretien, parce qu'il y a des choses pour lesquelles il
faut tout simplement payer. À long terme, il vaudrait mieux pour
l'environnement, pour le Canada, pour notre économie et pour les
emplois veiller à prendre les mesures nécessaires pour les choses
qui, actuellement, ne sont pas quantifiées ni mesurées, comme
l'habitat du saumon, comme la capacité de régénération d'une forêt,
comme les emplois locaux, comme les populations locales.
Il faut très longtemps pour réaligner ces signaux économiques, mais il est réellement important de le faire, et quand les entreprises essaient de rogner dans leurs dépenses, elles le font malheureusement en combattant ce qu'elles considèrent comme l'aspect bureaucratique du code d'exploitation forestière. Il est vrai aussi, je dois le dire, que ce code—tout en reflétant une conception impressionnante de l'aménagement forestier par rapport à ce qui se fait presque partout ailleurs, vous avez tout à fait raison—est difficile à appliquer et il ne permet pas aux exploitants sur le terrain d'avoir la souplesse de dire «Je sais ce que je fais.» Il est codifié avec tant de règles parce que, dans le passé, les sociétés forestières et les responsables de la réglementation forestière des les gouvernements provinciaux ont souvent fermé les yeux quand on détruisait régulièrement d'autres éléments de l'environnement qui sont aussi économiquement rentables pour les populations locales, en particulier l'habitat du saumon. C'est l'exemple le plus frappant de la perte d'une possibilité économique que rien ne rendait nécessaire. On aurait pu abattre les arbres tout en préservant la forêt qui préservait la migration du saumon.
M. Darrel Stinson: Je pense qu'il y a aussi d'autres choses à part l'abattage du bois qui jouent un rôle à cet égard.
Le président: Monsieur Stinson, j'ai laissé durer cette question un peu plus longtemps que normalement.
Madame May, ne vous défaites pas de ces articles rares.
Mme Elizabeth May: Je sais, ils sont pour vous.
Le président: Si vous laissez des choses là que les députés peuvent prendre, ils les prendront. C'est un cadeau.
Monsieur Reed.
M. Darrel Stinson: Puis-je poser une autre question?
Le président: Non.
Monsieur Reed, allez-y.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai deux questions. Premièrement, madame May, vous avez fait référence à la propagande gouvernementale dans les pays étrangers. Auriez-vous des commentaires à faire à propos de la propagande des ONG dans les pays étrangers?
Mme Elizabeth May: Les deux se livrent des guerres de propagande, et je pense que le gouvernement fédéral n'est pas crédible s'il se contente fondamentalement de publier des communiqués de presse et des brochures sur papier glacé pour faire face à Greenpeace dans le monde entier si nous ne nous soucions pas de nos propres recherches sur les forêts dans notre pays. C'est tout.
M. Julian Reed: Si des gens envoient de l'argent à Greenpeace pour acheter une annonce d'une page entière dans Der Stern et y mettre la photo d'une coupe à blanc pour collecter des fonds, il faut que quelqu'un réponde en présentant l'autre version de l'histoire.
Mme Elizabeth May: Je sais que le gouvernement fédéral considère que c'est son rôle. Je pense que s'il doit le faire, il doit veiller à ce que ce qu'il avance soit vérifiable et, pour le moment, il n'est tout simplement pas vérifiable de dire que les forêts canadiennes sont exploitées de façon durable.
M. Julian Reed: Est-il vérifiable de dire que les coupes à blanc sont toutes horribles?
Mme Elizabeth May: Non, et je pense que vous mourez réellement d'envie de recevoir ici un représentant de Greenpeace.
M. Julian Reed: En fait, non, parce que je sais exactement quelles sont leurs idées. Mais je signale qu'il faut que cette situation soit un peu équilibrée et, selon moi, le gouvernement doit intervenir au lieu de laisser simplement une organisation à but lucratif collecter des fonds outre-mer en diffusant de la propagande dans ces pays.
Mme Elizabeth May: Ce que je voulais réellement dire est que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, et je pense que, traditionnellement, ce rôle a consisté à faire enquête, faire des recherches et assurer un contrôle; il ne faudrait pas sacrifier ces fonctions en même temps que l'organisme qui fait, en réalité le travail scientifique pendant que les missions commerciales et les ambassades assument le rôle de propagande. À un moment donné, nous ne parviendrons tout simplement à tromper un public étranger si nous ne savons pas véritablement ce qui se passe dans nos forêts parce que nous avons détruit les fondations de la recherche scientifique.
M. Julian Reed: On peut donc laisser Greenpeace continuer et nous restons tranquillement dans notre coin à voir cette organisation empocher de l'argent.
Mme Elizabeth May: Comme je l'ai dit, je ne prétends aucunement que le gouvernement du Canada ne prend pas des initiatives pour défendre les industries canadiennes outre-mer. Je pense que nous le faisons toujours. Je ne dis pas que nous devons cesser de le faire. Mais c'est un peu hypocrite si le seul rôle que joue le gouvernement fédéral n'est plus de faire de la recherche scientifique et de collecter les données afin d'être sûr que ce que nous déclarons outre-mer est vérifiable, mais seulement de faire de la propagande. Ce rôle de propagande me met parfois mal à l'aise, mais je ne recommande pas que le Canada et nos ambassades cessent de le faire. C'est quelque chose qui se fera toujours.
Yvan Hardy, du Service canadien des forêts, a comparu devant vous, et il est probablement politiquement choquant qu'il vous signale que son budget représente aujourd'hui 40 p. 100 de ce qu'il était il y a moins de 10 ans. Bon, si vous voulez sérieusement faire quelque chose, pourquoi demanderiez-vous à quelqu'un d'essayer de le faire avec 40 p. 100 du budget qu'il avait il y a moins de 10 ans?
M. Julian Reed: J'ai une autre question, monsieur le président.
Le président: Désolé, monsieur Reed. Vous entendez probablement la sonnerie. Nous vérifions seulement si elle va durer 15 minutes ou 30 minutes. Je vous tiendrai au courant. Continuez.
M. Julian Reed: Vous avez mentionné que le changement climatique constitue la plus grande menace pour les forêts en ce moment. Il est surtout dû à l'utilisation de combustibles fossiles. Le Sierra Club va-t-il maintenant être en faveur de l'énergie hydroélectrique?
Mme Elizabeth May: Nous avons toujours été en faveur de l'installation de petites turbines dans les rivières pour produire de l'électricité. Nous n'avons pas besoin d'être en faveur de centrales gigantesques.
M. Julian Reed: Et les grandes centrales?
Mme Elizabeth May: Ce n'est pas nécessaire. Les systèmes de production d'énergie de l'avenir seront plus décentralisés et auront une plus grande implantation locale. Il y a moins de risque que les événements comme une tempête de verglas aient des conséquences catastrophiques quand on a davantage de sources d'énergie renouvelable locales et décentralisées et une meilleure efficacité énergétique. Il y a cet horrible... Est-ce le choix de Hobb?
M. Julian Reed: Le choix de Hobson.
Mme Elizabeth May: Oui. Vous dites, allez-vous accepter l'énergie nucléaire maintenant? Non. Allez-vous accepter les centrales hydroélectriques géantes? Non. Allez-vous accepter le charbon? Non. Ce n'est pas nécessaire. Il y a d'autres sources d'énergie et d'autres technologies canadiennes.
Un des domaines où le gouvernement a réellement fait preuve de sagacité a été son appui à Ballard. Je pense que les cellules à combustible de Ballard ne seront pas utilisées seulement pour faire circuler des petites automobiles. On les a maintenant vendues sous différentes formes au Japon pour produire de l'électricité pour les édifices de façon locale et décentralisée. Cela se fait au Japon, pas ici.
M. Julian Reed: D'accord. J'ai une dernière question. Que penseriez-vous de faire un investissement qui offre un taux de profit peu élevé mais produit une richesse réelle et ne pollue pas?
Mme Elizabeth May: Je serais ravie.
M. Julian Reed: J'ai un pont à vous vendre.
Mme Elizabeth May: Je n'ai pas non plus d'argent.
M. Julian Reed: J'ai besoin de 400 000 $.
Mme Elizabeth May: Oh, d'accord. Bon, nous en parlerons plus tard.
M. Julian Reed: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Reed.
Nous allons passer à M. Gruending. Il nous reste 27 minutes, nous allons donc continuer encore pendant 20 minutes. Allez-y.
M. Dennis Gruending (Saskatoon—Rosetown—Biggar, NPD): Merci, monsieur le président.
Bienvenue madame May et madame Morbia.
Cela fait environ un an que le comité a commencé la préparation du rapport intérimaire que nous voyons ici. Vous êtes peut-être au courant de nombreuses choses qui se sont produites dans l'intervalle. Mais j'aimerais vous poser une brève question à laquelle l'une ou l'autre d'entre vous peut répondre: que pensez- vous des efforts faits par l'industrie forestière au cours de l'année écoulée? Est-ce que quoi que ce soit a profondément changé?
Mme Elizabeth May: Au cours des 30 dernières années pendant lesquelles j'ai fait du travail à propos de questions concernant les forêts, j'ai constaté une forte évolution de la prise de conscience de l'industrie relativement à la diversité biologique. Il y a manifestement des dirigeants qui essaient de faire ce qu'il faut. J'essaie simplement de penser à l'année écoulée. Je pense que la chose la plus frappante au cours de cette année a été le fait que l'industrie s'est montrée prête à collaborer avec des groupes comme le Sierra Club à l'élaboration d'une loi sur les espèces en péril pouvant être efficace et à lutter à nos côtés pour protéger les habitats en disant qu'elle peut faire en sorte que ça marche tout en continuant à exploiter la forêt. Une année ne représente pas une période réellement longue pour l'industrie forestière.
Voulez-vous ajouter quelque chose, Rita?
Mme Rita Morbia (coordinatrice de la campagne sur la diversité biologique, Sierra Club du Canada): J'allais simplement dire qu'on a, à coup sûr, pris conscience de l'importance des préoccupations concernant les activités liées aux forêts et la foresterie pour ce qui est de la diversité biologique. Je ne crois pas que cette préoccupation existait il y a 30 ans, comme le disait Elizabeth. Je ne pourrais pas vous dire ce qu'il en est de l'année écoulée, il est certain que l'industrie a récemment commencé à se préoccuper de cela.
Mme Elizabeth May: Certaines dirigeants de cette industrie ne sont pas aussi progressistes, et c'est pourquoi nous sommes toujours actifs. Nous pensons également que, dans l'ensemble, le taux d'abattage est trop élevé. Donc, même quand des entreprises améliorent leurs pratiques, la situation reste inquiétante tant que les volumes dépassent la capacité de régénération des forêts.
• 1620
Mais il ne fait aucun doute que nous n'avons pas vu seulement
du faux-semblant, mais certains efforts réels pour améliorer la
gestion des forêts.
M. Dennis Gruending: Je remarque que vous avez mentionné que les comités du gouvernement ont parfois l'air de groupes écologistes et parfois de groupes de pression de l'industrie. J'aimerais bien savoir ce qu'il en est de notre comité ici.
Mme Elizabeth May: C'est réellement un peu gênant. Je discute parfois avec Patrick Moore, qui représente la Forest Alliance of B.C. Il se plaît toujours à dire que la Chambre des communes du Canada a soutenu la coupe à blanc, et je dois lui dire que non. Il n'y a eu aucun vote à la Chambre des communes. Le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes a dit qu'il craignait que la coupe à blanc ne porte atteinte à l'environnement. Il a tenu des audiences et s'est rendu à plusieurs endroits en Colombie-Britannique. Ce comité est présidé par Charles Caccia. Il y a quelques années, quand il était présidé par Robert Nault, il a présenté un autre rapport qui utilisait des termes mesurés. Je ne pense pas qu'il appuyait particulièrement fermement la coupe à blanc, mais il disait que c'était un outil approprié pour la sylviculture. Cela peut semer la confusion dans le public.
Ici, vous avez le comité de l'environnement, qui tend à aborder la question dans une optique qui a l'air plus écologiste et le comité des ressources naturelles qui, d'après l'industrie, appuie la coupe à blanc. Et puis, entre les deux, il y a le Comité du Sénat sur les forêts boréales qui fait des recommandations très novatrices à propos du fait que l'industrie forestière pourrait envisager de protéger de vastes zones de la forêt boréale.
Le public peut donc finir par dire que la Chambre des communes ne s'est pas réellement entendue sur quoi que ce soit, n'est-ce pas? Mais chacun de ces comités a une composition multipartite...
M. Dennis Gruending: Vous avez mentionné le comité du Sénat...
Le président: Juste une seconde. Je sais que vous avez soulevé cette question auparavant, et je suis content qu'il la poursuive. La Chambre des communes ne peut donner son avis que si une motion est déposée, et il n'y en a pas. Mais les comités ont un rôle à jouer, qui est de faire en sorte que les questions soient étudiées afin que le Parlement, de sa propre initiative ou par l'entremise du gouvernement, s'exprime par le truchement d'une motion ou d'un projet de loi. Il est exact de dire que la Chambre des communes ne s'est peut-être pas exprimée, mais cela ne veut pas nécessairement dire qu'elle doit devenir le seul comité devant être saisi de toutes les questions.
Maintenant, si vous voulez regrouper le comité sénatorial, notre comité et les autres comités pour que chaque discussion se déroule en comité plénier, c'est un mode de fonctionnement qui pourrait donner de bons résultats dans certains cas. Nous fonctionnons différemment. Voilà pourquoi M. Gruending va poursuivre cette question.
M. Dennis Gruending: J'ai une dernière question brève, monsieur le président.
Pour ce qui est du comité du Sénat, puisque vous en avez parlé, madame May, il a publié un rapport assez long sur la gestion des forêts boréales et une des recommandations clés était quelque chose qui s'appelait la formule 20-60-20. Vous la connaissez sans doute mieux que moi, et je ne vais pas l'expliquer ici. Que pensez- vous que de cette proposition, selon laquelle on met de côté une certaine partie de la forêt pour créer des parcs, on exploite une certaine partie d'une certaine façon et une autre partie d'une autre façon?
Mme Elizabeth May: Une des conséquences de cette recommandation du comité du Sénat est que le Service canadien des forêts a commencé à envisager une refonte tout à fait spectaculaire, tout au moins au plan théorique, de sa proposition pour 2020. D'ici 2020, de l'exploitation des forêts pourrait se faire à 80 p. 100 dans des plantations ou des repousses et on pourrait mettre de côté 80 p. 100 de la forêt primaire non seulement pour créer des zones protégées, parce qu'on pourrait s'y livrer à beaucoup d'autres activités, comme le trappage et la chasse, mais pour qu'on ne se retrouve pas avec... Pour le moment, il est essentiellement prévu d'exploiter toutes les forêts du Canada, cette proposition inverserait donc cette tendance. Il est très intéressant que le comité du Sénat ait eu ce type d'effet, ne serait-ce que le fait qu'on envisage simplement de telles choses.
Nous saluerions toute mesure qui réduirait la pression constante entraînée par la coupe, en particulier la coupe à blanc, dans les forêts primaires et les forêts anciennes.
Nous pensons que les recommandations du Sénat sont très intéressantes. Elles ne forment pas entièrement ce que nous pensons pouvoir être un ensemble de mesures représentant une solution, mais elles étaient certainement plus novatrices et plus soucieuses de la diversité biologique et de la durabilité de nos forêts que ce que nous avons vu dans n'importe quel autre rapport. Nous les avons donc vivement approuvées globalement. Elles disaient aussi de façon très ferme qu'il fallait protéger les espèces en péril et les espèces à risque et protéger leur habitat situé dans la forêt boréale. Je pense que le rapport du Sénat mérite réellement qu'on en discute et, dans la mesure où vous l'élargissez à la Colombie- Britannique, je suis sûre que vous allez l'examiner.
Mme Rita Morbia: Cette proposition est un point de départ intéressant pour la discussion, mais je pense qu'il faut l'analyser davantage. C'est une proposition assez nouvelle, alors qu'est-ce que cela donnera exactement sur le terrain? Avant d'aller plus loin au sujet de ce qui se passe sur le terrain et de l'aménagement des terres à grande échelle, nous aimerions examiner les détails. Mais c'est assurément un point de départ intéressant pour la discussion.
M. Dennis Gruending: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Mme Elizabeth May: Monsieur le président, m'accorderez-vous quelques instants pour répondre à ce que vous avez dit tout à l'heure à propos du fonctionnement des comités, juste rapidement?
Le président: D'habitude, le président n'aime pas beaucoup être interrogé.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: C'est parce qu'il ne connaît pas les réponses.
Le président: Il ne connaît jamais les réponses. Il fait seulement des déclarations.
Des voix: Oh, oh!
Mme Elizabeth May: Je voulais simplement m'assurer que mes propos étaient bien compris.
Je sais qu'il ne serait pas possible que tous les comités travaillent comme un comité plénier, et je ne dis pas que la Chambre des communes devrait appuyer à l'unanimité tous les rapports des comités. Je pense que les comités font un travail fabuleux, et c'est une honte que le public ne voie pas plus ce qu'ils font, plutôt que la période des questions. Je pense que les gens ont une idée très faussée de ce qui se passe à Ottawa, ils croient que tout le monde est toujours en train de crier.
Je veux cependant réellement croire que, pour ce qui est des questions concernant les forêts, étant donné que le débat a tendance à être polarisé sur le terrain et qu'il y a des gens comme Patrick Moore et des organisations comme Greenpeace qui existent, ce serait merveilleux si les comités qui ont vraiment approfondi la question des forêts essayaient de voir s'il y a des points communs entre les prévisions de la Chambre des communes et celles du Sénat. C'est tout. C'est quelque chose qui m'est venu à l'esprit, et ça ne pourrait peut-être pas fonctionner, mais je vous en fais simplement la suggestion dans ce cas précis.
Le président: Bien, vous avez obligé le président à vous écouter, il va donc s'exprimer plus longuement.
Vous devriez être rassurée de savoir que ce qui se passe avec ces comités est que tous les députés que vous voyez autour de la table, comme ils appartiennent à des caucus différents, transmettent ce point de vue à leur caucus. C'est leur caucus qui détermine ce que sera la position du parti, et c'est celle-ci qui, en fin de compte, se fait jour à la Chambre, que ce soit du côté du gouvernement ou non.
Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit, c'est une question de mode de fonctionnement. Mais j'espère que vous êtes un peu rassurée de savoir ou d'apprendre que cela a des conséquences réellement, réellement positives. Ce n'est pas que ces rapports fassent ensuite l'objet d'études universitaires. La présentation de ces choses à un caucus suscite beaucoup d'anxiété.
À propos d'anxiété, monsieur Schmidt.
M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Je suppose que je celui sur lequel on considère que retombe l'anxiété.
Le président: Bon, vous savez, juste un parti pris.
Une voix: Vous avez l'air anxieux.
M. Werner Schmidt: Anxieux? Non, non.
En fait, je veux vous féliciter pour l'exposé que vous avez fait. Je n'ai malheureusement pas pu en entendre la première partie. J'ai lu votre mémoire et j'ai été assez impressionné par votre connaissance de l'industrie forestière. C'est un compliment.
Mme Elizabeth May: Merci.
M. Werner Schmidt: Pour plus de sûreté, je voudrais simplement vous demander si vous représentez ici aujourd'hui le Sierra Club?
Mme Elizabeth May: C'est exact.
M. Werner Schmidt: D'accord. C'est ce que je pensais, mais je voulais en être absolument sûr parce que, vu certains des commentaires que vous avez faits, je ne savais pas avec certitude qui vous représentiez. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Il est parfois nécessaire que nous fassions la part des choses, et vous l'avez indiqué très clairement.
Toutefois, ce qui est important est que, dans ces comités, quoi qu'en dise le président, nous examinons très souvent les enjeux en oubliant les partis pris qui nous séparent. C'est ce que nous essayons de faire à propos de cette question des pratiques de foresterie. Je tiens réellement à vous faire comprendre que ce comité fait précisément ce que vous avez suggéré que nous fassions. Quand nous nous sommes rendus dans la forêt pluviale de Great Bear au printemps dernier, cela a constitué une étude très importante. Et nous sommes encore loin d'avoir terminé.
Je veux vous demander pourquoi il faut qu'il y ait cette sorte de sentiment de confrontation, d'antagonisme? Je ne pense pas que ce soit nécessaire, et pourtant cela existe apparemment. Il y a sûrement une meilleure façon d'aborder cela. Vous avez, par exemple, dit très clairement qu'il ne faudrait plus récolter de bois dans les forêts anciennes. Et pourquoi donc? Il ne faudrait certainement pas le faire dans certains cas, mais pourquoi dire de façon générale qu'il ne faut plus faire ce genre de chose? Sur quelle base scientifique repose une déclaration de ce genre?
Mme Elizabeth May: En fait, la position du Sierra Club n'est pas qu'on ne devrait plus couper d'arbres dans les forêts anciennes.
M. Werner Schmidt: N'est-ce pas ce que vous venez de dire il y a cinq minutes?
Mme Elizabeth May: Non, je disais que c'était une des choses que le Service canadien des forêts était en train d'examiner, le fait d'essayer de remplacer le type de récolte actuelle par une foresterie basée sur les plantations. C'est comme cela que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a coupé—sans vouloir faire un jeu de mots—le débat. Pour la plus grande partie de sa forêt primaire, il a réservé des zones pour la production intensive de fibre dans des plantations. Ce modèle inquiète les écologistes du Canada et le Sierra Club à cause de l'intensité de la production dans la plantation.
M. Werner Schmidt: Permettez-moi de clarifier cela. Vous ne vous opposez donc pas à ce qu'on coupe des arbres dans les forêts anciennes.
Mme Elizabeth May: Non. Nous nous opposons à la coupe à blanc dans de nombreux types différents de forêts...
M. Werner Schmidt: C'est une autre chose. C'est une question de gestion maintenant.
Mme Elizabeth May: C'est exact.
M. Werner Schmidt: C'est une sorte de question tout à fait différente.
Mme Elizabeth May: En ce moment même, la coupe à blanc est utilisée pour 90 p. 100 de l'ensemble de l'exploitation des forêts au Canada, et c'est dans des forêts primaires qui n'ont jamais été exploitées auparavant qu'on récolte 90 p. 100 de la production forestière totale. Donc, quand on combine ces données, cela montre que nous agissons probablement très rapidement sans avoir réellement accumulé des données montrant comment ces forêts se renouvellent.
Une des raisons pour lesquelles le changement climatique nous inquiète est qu'il va constituer à lui seul le plus grand stress auxquels nos forêts nÂont jamais été confrontées. Si nous les exposons en même temps à un stress massif en abattant...
M. Werner Schmidt: D'accord, je ne veux pas que vous répétiez à nouveau tout votre refrain sur le changement climatique. Je l'ai déjà entendu au moins trois fois.
Mme Elizabeth May: D'accord.
M. Werner Schmidt: Ce qui me paraît important est de prendre conscience des pratiques de gestion forestière. Vous avez fait une déclaration à propos de leur enregistrement—je crois que le mot qu'on utilise, en fait, est certification. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il devrait y avoir différentes sortes d'organismes de certification dans le monde entier?
Mme Elizabeth May: Je pense que c'est le cas, et nous n'avons pas d'objection...
M. Werner Schmidt: Ce n'est pas la question. Devrait-il y en avoir? Nous savons qu'il y en a.
Mme Elizabeth May: Devrait-il y en avoir? Je ne vois pas pourquoi ce ne devrait pas être le cas. Ils jouent des rôles différents, alors peut-être...
M. Werner Schmidt: Vous n'êtes donc pas opposée à l'existence de différentes sortes d'organismes de certification.
Mme Elizabeth May: Ce qui est important est que le consommateur final—le public visé par ces normes de certification—doit savoir pourquoi ces normes ont été élaborées et ce qu'elles représentent. On a toujours dit à propos des normes de qualité ISO, la série ISO 14000, qu'elles garantissent une gestion de qualité constante. Si vous fabriquez un article qui est réellement de très mauvaise qualité, si vous le fabriquez constamment, vous obtiendrez cette certification. Tant que les gens savent de quoi il retourne, c'est un engagement différent de celui que prévoit le FSC. Nous n'avons aucune raison de ne pas vouloir qu'il y ait différentes sortes de systèmes de certification.
M. Werner Schmidt: Bien. D'accord. J'en suis réellement content.
Nous avons reçu hier un groupe qui a proposé 13 critères auxquels un organisme de certification devrait répondre pour être reconnu comme légitime. Connaissez-vous le moins du monde ce groupe?
Mme Elizabeth May: Je ne peux pas...
M. Werner Schmidt: C'était l'Association canadienne des pâtes et papiers. Elle nous a présenté un mémoire dans lequel figuraient les 13 critères qu'elle utiliserait.
Avez-vous des critères similaires que vous utiliseriez pour reconnaître un organisme de certification?
Mme Elizabeth May: L'organisation de certification dont nous sommes membres est le Forest Stewardship Council. Il a ses propres critères et fonctionne différemment... Il y a une autre différence entre les méthodes qu'utilisent l'Association canadienne de normalisation et le Forest Stewardship Council. Ce dernier certifie celui qui accorde la certification, ce qui constitue une référence que l'entreprise concernée peut conserver et elle peut utiliser le nom du FSC pour un chantier forestier déterminé.
De façon générale, je n'ai pas vu la liste précise des 13 critères de certification de l'Association canadienne des pâtes et papiers, mais je suis sûre qu'elle est appropriée.
M. Werner Schmidt: Cette liste ne me satisfait pas totalement parce que je pense qu'elle n'est pas assez précise. Je pense qu'elle n'est pas mal. C'est un bon début, mais je vous encouragerais réellement à faire la même chose.
C'est exactement comme les universités—vous êtes évidemment des diplômées universitaires. Les universités A, B, C, etc. dispensent des diplômes. Il y a le baccalauréat ès arts, ès sciences, ou n'importe quel autre, mais il y a néanmoins une certaine norme qui doit s'appliquer dans tous les cas pour que ces diplômes puissent être reconnus. On devrait avoir une chose du même genre dans ce cas-ci.
Je me demande si votre groupe n'aurait pas intérêt à élaborer des critères de ce genre afin que le monde entier puisse savoir que telle organisation de certification est légitime et que, si une société forestière désire être acceptée au niveau international, elle devrait être certifiée par un groupe de ce genre. Ce serait très utile.
Mme Elizabeth May: C'est une très bonne remarque. Le Forest Stewardship Council représente, dans un certain sens, une expérience magnifique, parce qu'il a été créé par des industriels du secteur privé, des groupes écologistes, des Premières nations et d'autres. Le processus de vérification des organismes de certification et la façon d'éviter les conflits d'intérêt nous ont posé des problèmes. Si un tel organisme commence à travailler pour une société forestière, ce n'est pas lui qui devrait certifier le produit final. On apprend petit à petit certaines choses à propos de la mesure dans laquelle différents organismes sont appropriés.
J'ai l'impression que vous devez aller voter.
M. Werner Schmidt: Oui, c'est exact.
Le président: C'est une bonne indication, dans le sens où cela s'impose à nous.
M. Werner Schmidt: Ce n'était pas moi, c'était le Bloc.
Le président: Madame May et madame Morbia, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous et de nous avoir fourni des réponses franches et directes.
Au nom de tous les membres du comité, je regrette que nous devions abréger cette discussion, et je regrette aussi de vous avoir forcées parfois à répondre un peu vite. Malheureusement, durant ces dernières semaines, un climat politique particulier s'est emparé de la Chambre des communes et il nous force à ajuster nos horaires littéralement à l'improviste.
Nous vous remercions beaucoup de vous être jointes à nous et de nous avoir fait part de certaines de vos idées. Elles nous seront plus qu'utiles. Merci encore.
Mme Elizabeth May: Merci, monsieur le président.
Le président: Messieurs, monsieur Schmidt, nous nous réunissons à nouveau demain matin à 8 h 15.
Merci. La séance est levée.