NRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 12 avril 2000
Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons aujourd'hui à un examen de la gestion des forêts au Canada dans la perspective du commerce international.
Tout d'abord, chers collègues, je tiens à remercier les fonctionnaires du MAECI de n'avoir négligé aucun effort pour venir à si bref préavis. Ils sont accompagnés de représentants du ministère des Ressources naturelles.
Permettez-moi de vous présenter les témoins. Du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, nous recevons M. Richard Ballhorn, directeur général des Affaires environnementales internationales. Du ministère des Ressources naturelles, nous recevons M. Dan Welsh, directeur des programmes, Direction générale de l'industrie, de l'économie et des programmes; M. Douglas George, directeur du bois-d'oeuvre, ainsi que M. Greg Graham, coordonnateur du Programme international de partenariats en foresterie, Communications internationales, Direction des programmes de communications et de sensibilisation. J'ai dit tout cela sans prendre mon souffle. Ce n'est pas mal.
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Messieurs, je vous remercie d'être venus. Comme je vous l'ai
dit il y a un instant, nos collègues vont se joindre à nous sous
peu.
J'ai déjà informé les membres du comité que vous n'avez pas de texte. Nous ne nous y attendions pas non plus.
Nous voulons mettre à contribution vos connaissances, surtout en ce qui concerne l'évolution des négociations en cours avec les Américains dans le dossier du bois d'oeuvre. Nous aimerions aussi que vous nous parliez de la façon dont vous concevez les pratiques de gestion forestière dans le cadre de ces négociations et de notre situation sur la scène internationale. Enfin, nous aimerions que vous nous parliez de la certification et de ses effets sur notre situation commerciale internationale. Si possible, nous aimerions aussi connaître votre position au sujet des négociations en cours.
J'espère n'avoir fait aucune maladresse.
Qui va commencer? Monsieur Ballhorn.
M. Richard D. Ballhorn (directeur général, Affaires environnementales internationales, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): J'allais dire que nous pourrions peut-être commencer par le bois d'oeuvre. Nous pourrions commencer dans cet ordre. Vous, vous connaissez bien la certification, le bois d'oeuvre et les contraintes environnementales, et moi, je m'occupe de tout le reste, des questions diverses. Les vrais spécialistes sont à ma gauche et à ma droite.
Le président: Les membres du comité sont toujours heureux de pouvoir aborder tous les sujets, et nous sommes donc ravis que vous puissiez le faire.
M. Richard Ballhorn: Si vous voulez que nous commencions par le bois d'oeuvre, je suis certain que mon collègue aimerait commencer.
Le président: Bien sûr. Monsieur George.
M. Douglas George (directeur, Direction du bois d'oeuvre, ministère des Ressources naturelles): D'abord, une précision: nous ne sommes actuellement pas en négociation avec les États-Unis.
Le président: C'est nouveau.
M. Douglas George: Je ne veux pas faire l'historique séculaire de ce point de friction, mais il y a longtemps que cette question fait l'objet d'un litige avec les États-Unis.
Au début de 1996, nous avons conclu un accord de cinq ans sur le bois d'oeuvre résineux portant sur les exportations de bois d'oeuvre provenant à l'origine de quatre provinces canadiennes: la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario et le Québec. Cet accord arrive à échéance en un peu moins d'un an, le 31 mars 2001.
Le gouvernement fédéral procède actuellement à des consultations. Le ministre du Commerce international a désigné Doug Waddell, actuellement chef adjoint de mission à l'ambassade de Washington, à la tête des consultations auprès des intervenants au Canada. Lui et son équipe ont rencontré entre 25 et 30 groupes d'intervenants, ainsi que les représentants gouvernementaux des 10 provinces et du Yukon, à l'occasion d'une série de rencontres partout au pays dans le but de connaître leurs vues sur ce que nous devrions faire à l'expiration de l'accord. Nous avons aussi cherché à obtenir des observations de deux moyens différents. D'abord, un avis a été publié dans la Gazette du Canada le 11 décembre de l'an dernier pour demander l'avis du grand public. Dans l'avis que nous avons envoyé aux exportateurs, nous avons informé toutes les entreprises actuellement assujetties à l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux que celui-ci arrivait à expiration et nous leur avons demandé eux aussi leur avis. Nous avons reçu plus de 40 réponses.
Certains groupes du secteur poursuivent leurs propres consultations en vue de dégager un consensus. Ils ont tenus une réunion le mois dernier à Calgary, je crois, et une autre rencontre est prévue, je pense, pour la fin du mois ou le début du mois prochain.
Sachez également que le gouvernement américain consulte lui aussi les intervenants dans ce pays. Un avis a été publié dans leur federal register il y a un mois et demi environ, je crois, et les avis devront être reçus d'ici à la fin de cette semaine. Lui aussi tient donc des consultations sur l'orientation souhaitée par ce secteur.
Les deux parties consultent donc actuellement les intéressés sur l'orientation à prendre. Il m'est impossible de vous dire dans quel sens nous irons puisque les consultations se déroulent toujours.
Le président: Monsieur Graham, vouliez-vous dire quelque chose?
M. Greg Graham (coordonnateur, Programme international de partenariats en foresterie, Communications internationales, Direction des programmes de communications et de sensibilisation, ministère des Ressources naturelles): Pas sur cette question.
Le président: D'accord. Monsieur Ballhorn.
M. Richard Ballhorn: Peut-être pourrions-nous maintenant parler de la certification. Peut-être pourrions-nous ensuite voir comment le ministère des Affaires étrangères et le Forest Service s'occupent des questions environnementales en réaction aux campagnes contre les pratiques forestières canadiennes.
Le président: Très bien. Monsieur Welsh.
M. Dan Welsh (directeur des programmes, Direction générale de l'industrie, de l'économie et des programmes, ministère des Ressources naturelles): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
On m'a dit que vous vouliez discuter de la certification au Canada et dans le monde, ce qui est évidemment un sujet très vaste. Vu le nombre de témoignages que vous avez déjà entendus, je vais vous faire un survol rapide de certains points que j'estime pertinents, après quoi j'essayerai de répondre à vos questions.
Tout d'abord, du point de vue du gouvernement fédéral, nous estimons que la certification est d'abord et avant tout une activité du secteur privé entre acheteurs et vendeurs et que, pour être efficace, celle-ci doit se faire indépendamment du gouvernement. Essentiellement, la certification ne vaut que ce qu'elle vaut sur le marché. Si elle n'est pas efficace sur le marché, elle n'est pas crédible. Il semble également que l'acceptation par le marché exige l'adhésion des ONGE. Sans elles, il est difficile d'avoir de la crédibilité sur le marché.
Nous sommes également fermement convaincus que les entreprises canadiennes doivent avoir accès à des systèmes de certification efficaces pour elles et leurs clients. Comme vous le savez, à l'heure actuelle, il existe un certain nombre de systèmes de certification. Nous estimons qu'il est sain d'avoir un ensemble de systèmes mais nous reconnaissons qu'il y a des risques à en avoir trop, une question qu'a déjà abordée le comité.
Notre activité première est de favoriser la certification forestière qui contribue au maintien et à l'élargissement du marché pour les produits forestiers canadiens. Même si nous ne participons pas directement à la certification, la question du commerce et des pratiques commerciales nous intéresse beaucoup. Nous essayons de faire en sorte que les entreprises canadiennes disposent d'un marché juste et efficace. À ce propos, nous participons de très près aux travaux de l'Organisation mondiale du commerce. Nous traitons avec d'autres pays, villes et États pour pouvoir intervenir au besoin et promouvoir l'égalité. De plus, nous traitons directement avec un certain nombre d'associations normatives pour présenter des points de vue favorables au Canada.
Outre ces activités sur la scène internationale, nous travaillons de près avec les provinces dans ce que nous appelons le Comité fédéral-provincial-territorial de certification, un comité du Conseil canadien des ministres des Forêts. Par ce moyen, les provinces et le gouvernement fédéral essaient de se tenir au courant des dossiers et interviennent au besoin. Nous constatons que les provinces prennent part à un nombre croissant d'activités, surtout en ce qui concerne l'élaboration régionale de normes et d'autres questions de ce genre.
En ce qui concerne la situation au Canada, il y a actuellement trois systèmes en usage, comme vous le savez. La norme ISO 14001 et les normes CSA Z-808 et Z-809 appartiennent à ce que l'on peut appeler la famille internationale des normes. Elles coexistent avec les dizaines de milliers de normes que les diverses sociétés du monde ont mises en place pour réguler les normes. Le Forest Stewardship Council, le troisième système, est un organe indépendant, essentiellement le fruit de l'activité des ONGE depuis quelques années.
Les trois systèmes sont actuellement employés. La CSA a certifié près d'un demi-million d'hectares. Environ 13 millions sont certifiés ISO et un peu plus de 200 000 sont certifiés par le Forest Stewardship Council au Canada à ce jour. Il est donc évident que les entreprises canadiennes se servent de tous ces systèmes; de fait, plusieurs d'entre elles envisagent de se servir des trois.
Lorsque l'on regarde ces systèmes—et je n'entrerai pas dans les détails—je pense qu'à la fois pour l'ISO et la CSA, il faut se souvenir qu'ils font partie d'un système et d'une démarche de normes internationales reconnues. Elles ont donc une démarche de vérification entièrement indépendante, bien établie, qui suit les règles internationales pour ce genre de chose. De plus, l'ISO recourt aux règles et aux pratiques de gestion qui existent déjà. Mais il faut y voir essentiellement un système de gestion. Elle dit que la façon dont vous gérez vos affaires sur un territoire donné est satisfaisant, mais ne se prononce pas sur le rendement proprement dit. Cela pose de toute évidence un problème du point de vue de nombreuses organisations environnementales, qui tiennent à tout prix à connaître le rendement.
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En ce qui concerne la formule de la CSA, elle offre une
démarche unique pour tout le Canada qui est reliée au Conseil
canadien des normes. Le Conseil canadien des normes, comme vous le
savez sans doute, est essentiellement une société d'État reliée à
Industrie Canada et dont la tâche est de réglementer les normes au
Canada. Elle est reliée d'une certaine façon à notre structure et
je pense que cela a été son attrait à l'origine. C'est un système
hautement perfectionné en matière de sciences et de pratiques. Il
relie les normes de gestion et de rendement, mais c'est
exceptionnellement complexe et prend beaucoup de temps et nous
n'avons pas beaucoup de produits sur le terrain. La réalité, c'est
que nous avons un demi-million d'hectares. Les entreprises trouvent
qu'il est difficile d'obtenir la certification, même s'il y en a de
plus en plus qui l'obtiennent.
Le Forest Stewardship Council a la bénédiction des ONG et jouit donc d'un grand crédit sur le marché. C'est basé sur 10 principes mondiaux largement acceptés. Comme système basé sur le rendement, il peut donner une accréditation à ce qui se passe sur le terrain, ce qui est très important.
Le défi pour le Canada c'est qu'il y a beaucoup de normes régionales, de sorte que vous avez des principes mais vous n'avez pas de façon de les mettre en place. À ce jour, il a été très difficile pour les entreprises canadiennes d'y arriver. Même si le FSC est largement accepté dans le monde, il est difficile pour les entreprises canadiennes d'obtenir sa certification.
Je parlerai un peu de la situation mondiale puis je m'arrêterai là. À ce jour, c'est surtout en Europe que la certification a été importante, mais cela devient de plus en plus le cas aux États-Unis. Du point de vue du commerce et du marché, c'est déterminant. Grosso modo, sur les 40 milliards de dollars d'exportations de produits forestiers, près de 80 p. 100 vont aux États-Unis et 8 p. 100 seulement vers l'Europe. Même si l'Europe laisse présager l'avenir, 80 p. 100 de nos produits forestiers sont exportés aux États-Unis et c'est la raison pour laquelle nous suivons de beaucoup plus près ce qui se passe dans ce pays.
C'est essentiellement en Europe que la certification a vu le jour et pris de l'importance, il y a environ six ou sept ans, quoique, chose intéressante, le Forest Stewardship Council a été créé à Toronto. C'est un fait peu connu. Il y a des pressions très fortes en Europe venant des ONGE internationales, et en particulier du Fonds mondial pour la nature. Ils ont préconisé le développement des groupes d'acheteurs. Dans les premières années, le système mondial le plus important était celui du Forest Stewardship Council.
Ces trois ou quatre dernières années, la question est devenue de plus en plus vaste et complexe. Il y a maintenant beaucoup d'acteurs et beaucoup de systèmes différents. Je pense que l'on peut dire que ce n'est plus un créneau mais bien une condition de vente sur le marché. Je pense qu'il sera de plus en plus difficile de vendre un produit sur le marché mondial si vous n'avez pas une forme quelconque d'enregistrement ou de certification.
Pour ce qui est des chiffres, brièvement, le Forest Stewardship Council a certifié jusqu'à ce jour environ 17,5 millions d'hectares. D'un autre côté, si l'on regarde certaines des grandes certifications européennes, la Finlande a un système de certification aujourd'hui dans son propre pays qui certifie une étendue qui s'en approche, sans doute près de 14 millions d'hectares. La Norvège a un autre 10 millions et la Suède a un million dans son système et neuf autres millions en vertu du FSC. Je ne veux pas vous ennuyer avec des chiffres, mais je veux bien montrer qu'il y a bien de la certification qui se fait très rapidement avec un certain nombre de systèmes différents.
Cela nous amène à quelque chose qui vous intéresse, je pense, vu les questions que vous avez soulevées. C'est la question de la reconnaissance mutuelle ou de l'harmonisation. Comment fait-on pour que divers systèmes soient compatibles? Les conclusions ne sont pas encore connues, mais il y a des tendances très claires qui se dégagent.
Il y a une grande activité en Europe qui s'appelle l'Initiative paneuropéenne de certification des forêts qui s'est développée autour du concept de la reconnaissance mutuelle. En principe, la définition de la gestion durable des forêts qui a été élaborée au moyen d'un système d'indicateur de critères forme un parapluie et ensuite ils reconnaissent les systèmes nationaux de certification. L'IPFCF a actuellement 17 pays qui appartiennent à une alliance et ils couvrent environ 12 millions de propriétaires de terrains.
De toute évidence, il deviendra très important d'examiner les façons de reconnaître les systèmes de certification de chacun. On s'attend à ce que l'équivalence et l'harmonisation—et la définition est un peu bâclée actuellement—deviennent des questions très importantes ces prochaines années.
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À ce propos, et c'est prometteur, il y a un vérificateur
indépendant qui s'appelle Kerhoot, qui assure la vérification en
Hollande. Il vient de reconnaître un produit CSA et ISO du nord de
l'île de Vancouver; celui-ci est maintenant acceptable d'après son
système. Ils vont le faire venir en Europe avec un gros battage,
j'espère, en disant voici un système canadien qui semble être
reconnaissable et avoir les mêmes normes que nous et qui devrait
être reconnu mutuellement. C'est un grand pas en avant.
En ce qui concerne les États-Unis, il est très clair que la demande croît. Je pense que la tendance a été donnée par Home Depot. Je crois savoir que vous avez rencontré le président canadien hier. De plus, Maynards, Wickes et un certain nombre d'autres ont parlé de certification, mais ils se sont surtout occupés de l'habitat sensible menacé sur le plan écologique. Il y a une sorte de double aspect aux messages qu'ils nous donnent, mais il est très clair qu'ils vont dans le sens d'un produit certifié.
Plus récemment, nous avons vu certains des grands constructeurs d'habitations américains comme Centex, Kaufman and Broad, et d'autres compagnies comme celles-là commençaient à subir des pressions pour utiliser des produits certifiés. Ils disent qu'ils envisagent d'utiliser uniquement du bois certifié dans la construction de maisons aux États-Unis. C'est important pour nous puisque environ la moitié de nos exportations de bois d'oeuvre vont vers les États-Unis.
Je vais peut-être m'arrêter ici. Je serai heureux de répondre aux questions plus tard, mais j'ai essayé de vous donner un exposé rapide de la situation telle que nous la voyons. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Welsh.
Monsieur Ballhorn, je crois que vous vouliez conclure ou mettre les choses en perspective.
M. Richard Ballhorn: Oui. Brièvement, M. Graham peut-il nous dire comment le gouvernement est structuré pour s'occuper des contestations environnementales des pratiques forestières canadiennes? Comment nous sommes-nous organisés pour nous en occuper? Cela ne signifie pas que c'est la seule façon de s'en occuper, mais c'est quelque chose de permanent.
M. Greg Graham: Le programme que je coordonne, même s'il est logé au ministère des Affaires étrangères, est en fait un programme du Conseil canadien des ministres des Forêts. Je suis donc comptable non seulement à mon ministère et à RNCan mais aussi à tous les autres ministres responsables dans les provinces et les territoires.
Essentiellement, nous essayons de coordonner des activités à l'échelle internationale pour pouvoir suivre et commenter la perception qu'on a des produits forestiers canadiens par rapport à la durabilité et à la gérance environnementale. Nous prenons des initiatives politiques et diplomatiques, ce qui comprend des représentations auprès des gouvernements étrangers, des lois, ou toute barrière qui pourrait être érigée contre les produits canadiens en se servant des perceptions sur le plan de l'environnement.
Nous faisons aussi de la liaison avec des groupes non gouvernementaux dans divers pays clients d'Europe, des États-Unis et du Japon pour essayer de les persuader que le bois canadien et les produits forestiers canadiens sont écologiquement durables. Au nombre de nos activités, nous faisons venir des décideurs d'Europe, du Japon et des États-Unis, nous les amenons dans nos forêts et nous leur montrons comment nous les exploitons. Nous leur donnons une idée de l'étendue des forêts au pays. C'est particulièrement le cas pour les Européens et les Japonais. Lorsqu'ils survolent le pays du Québec à la Colombie-Britannique sans rien voir d'autre que des arbres, ils rentrent chez eux avec une perception bien différente.
Voilà quelques-uns des moyens que nous employons pour changer la perception. Nous essayons d'avoir des gens à chacune de nos missions dans nos marchés cibles prêts à répondre aux questions ou aux reproches. Ils disposent des chiffres et des renseignements les plus récents. Ils disposent d'une sorte de ligne d'assistance où ils peuvent appeler s'ils ont besoin d'aide. Lorsqu'un problème surgit, nous essayons d'avoir quelqu'un d'une de nos missions canadiennes pour qu'il s'en occupe immédiatement.
Pour vous donner un exemple, récemment aux États-Unis, certains constructeurs d'habitations ont été contactés par des groupes environnementaux qui leur ont demandé de changer leur politique à propos du sourçage du bois. Or, 18 milliards de dollars de bois canadien servent à la construction d'habitation aux États- Unis chaque année. Les cibles étaient les plus gros constructeurs, Kaufman and Broad et Centex.
Pour ainsi dire le lendemain, des gens de nos missions parlaient à leurs relationnistes, et leur disaient comment l'exploitation se faisait au Canada, leur donnaient de l'information générale, y compris des documents des provinces et de RNCan, les invitaient à venir voir les opérations forestières au Canada. Cela se fait en coulisses discrètement, mais cela se fait et je pense qu'il est important que le message sorte.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Graham.
Monsieur Ballhorn.
M. Richard Ballhorn: Une autre forme d'action à l'échelle internationale a été par l'intermédiaire de ce que l'on appelle le Forum intergouvernemental des Nations Unies pour les forêts, un processus permanent. Les deux mécanismes du système de l'ONU à New York se sont penchés sur les questions et les problèmes des forêts, et ils ont fini par aboutir en février. Grâce à ces mécanismes, nous avons réussi à obtenir un accord sur un nouveau Forum permanent des Nations Unies pour les forêts chargé d'étudier les questions forestières ainsi qu'un secrétariat d'appui à l'ONU. De plus, il y a une recommandation pour regrouper divers organismes internationaux qui s'occupent des questions forestières ou des aspects des forêts. Nous avons aussi obtenu un engagement d'élaborer un mandat pour négocier une convention internationale des forêts dans les cinq prochaines années. C'est donc un autre endroit où nous avons essayé de...
Tout cela a pour but d'obtenir un accord commun sur le sens de la gestion durable des forêts, ce que c'est, pour que ce ne soit pas tout le monde qui la définisse différemment et crée toutes sortes d'obstacles ou justifie des obstacles au commerce.
Nous sommes les leaders de cette démarche depuis longtemps. Nous nous en occupons depuis 10 ans. Je voulais que vous sachiez que nous avons remporté un certain succès dans ce domaine. Nous espérons nous engager dans un processus où nous pourrons négocier une convention sur les forêts, nous concerter et considérer les forêts d'une manière globale, holistique, et non pas à la pièce au moyen de tout le système international.
L'autre chose sur laquelle je veux insister, c'est que la collaboration a été assez bonne avec le Forêts Canada. Il y a peu de choses que nous faisons dont il est exclu, parce que c'est lui qui connaît la situation au pays. Il dispose du réseau pour traiter avec les provinces et des connaissances scientifiques. Dans le contexte politique c'est nous qui nous occupons du commerce, mais c'est la collaboration qui préside dans le domaine forestier.
Le président: Merci, monsieur Ballhorn.
Je vais donner tout de suite la parole aux membres du comité. Monsieur Duncan.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je vais commencer par la fin, par l'exposé de M. Graham.
Demain, le comité va recevoir deux groupes, l'IWA et la Forest Alliance of British Columbia. Ils ont déjà comparu devant le comité, je crois, en novembre 1998. Le comité n'en est pas resté là et il les a invités à revenir nous soumettre une proposition précise qui porterait sur la question plus vaste de l'accès au marchés.
Ils conçoivent les choses un peu différemment en ce sens qu'ils regardent plus la cible. La cible principale au Canada aujourd'hui, nous le savons tous, c'est le centre de la côte de la Colombie-Britannique. Ils ont donc conçu une formule qui, pensent- ils, sera efficace. C'est un projet pilote. Je voulais vous en informer.
Je voulais aussi vous dire que ce n'est pas une tentative pour chambarder ce qui se fait actuellement. C'est une initiative supplémentaire avec un éclairage différent, et les deux pourraient très facilement être complémentaire.
Il aura été bien de les entendre avant vous, mais ce n'est pas arrivé. Nous voudrons peut-être vous entendre à nouveau sur un sujet quelconque, après leur comparution.
Changement de sujet: je m'adresse à M. George. La semaine dernière, j'étais à Washington avec le Free Trade Lumber Council. C'est peut-être la réunion dont vous avez parlé, parce que le groupe s'est réuni auparavant à Calgary. Par exemple, nous avons entendu un exposé de la représentante fédérale au commerce, Mary Ryckman. Vous la connaissez peut-être. Une des choses qui est apparue clairement, c'est qu'il y a une question qui pourrait faire échec à l'argument relatif aux subventions émanant de la partie américaine; il s'agit d'un petit changement, mais c'est un règlement fédéral qui doit être changé concernant les exportations de billes en Colombie-Britannique.
• 1530
La Colombie-Britannique diffère légèrement des autres
provinces signataires, à cause des exportations de billes. Il y a
donc eu des discussions avec l'autorité fédérale, et je ne sais pas
exactement qui c'est. Êtes-vous au courant de cette question, et
est-ce que le Canada va apporter ce changement?
M. Douglas George: Oui, nous sommes au courant de la question. Lors de la dernière enquête sur les droits compensateurs, lancée par les États-Unis, plus de la moitié du droit de douane final était reliée aux contrôles à l'exportation des billes. La question a été soulevée, et on est en train de l'examiner.
M. John Duncan: Qui est chargé de ce dossier?
M. Douglas George: Les permis d'exportation de billes sont délivrés par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
M. John Duncan: C'est donc vous?
M. Douglas George: Pas ma direction, non.
M. John Duncan: D'accord.
M. Douglas George: Je m'occupe de l'administration de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux. C'est un autre service qui s'en occupe.
M. John Duncan: Vous ne savez donc pas exactement de qui il s'agit?
M. Douglas George: C'est la Direction générale des contrôles à l'exportation et à l'importation. J'en fais partie, mais ce n'est pas ma direction qui s'occupe des contrôles à l'exportation des billes.
M. John Duncan: D'accord, merci.
J'ai une autre question précise à poser, qui relève sans doute de M. Ballhorn.
Du point de vue de l'environnement international, on a lancé un projet en vertu duquel le Canada va essayer d'évaluer les réserves de carbone dans nos forêts, mais ce que ce projet ne calcule pas, c'est calculer le bilan du carbone par suite de la création de produits forestiers. Pour moi, c'est un chiffre essentiel. Ce chiffre doit être vérifiable internationalement. C'est une étude très coûteuse à faire, mais elle peut nous rapporter énormément. Savez-vous si des efforts sont faits dans ce sens?
M. Richard Ballhorn: Je suppose que tout cela est lié à la question des puits de carbone dans le contexte des changements climatiques, n'est-ce pas?
M. John Duncan: C'est exact.
M. Richard Ballhorn: Le financement de cette activité venait du Fonds d'action pour le changement climatique.
L'un des problèmes dans ce domaine est, tout d'abord, que nous n'avons pas de très bonnes données, bien que Forêts Canada ait entrepris des travaux dans ce sens.
Il y a aussi un deuxième problème, et c'est l'importance des puits de carbone pour le Canada, dans le cadre de sa stratégie de mise en oeuvre de changement climatique, puisque la science de la récupération du gaz carbonique comporte encore des inconnus. Entre autres, on sait que les arbres récupèrent davantage de gaz carbonique lorsqu'ils sont jeunes que lorsqu'ils sont vieux, et nous ne savons pas, dans l'ensemble, quelle sera l'importance de ce facteur dans la stratégie du Canada—nous ne savons pas combien de gaz carbonique nos forêts récupèrent réellement sur une période donnée.
Le Canada a exercé de fortes pressions pour faire reconnaître que les terres agricoles sont, tout comme les forêts, des puits de carbone. L'un des problèmes, c'est que la science n'est pas encore très au point, non plus que nos propres données. Mais grâce à cette étude, nous serons en mesure de faire de meilleurs calculs.
M. John Duncan: Ce que je dis, c'est que cela ne règle que la moitié du problème. Quand on abat des forêts pour obtenir des produits forestiers, cela a toujours des conséquences sur le stockage du gaz carbonique. Il n'est pas possible de défendre cet argument tant que l'on n'aura pas établi les chiffres. La différence est probablement beaucoup plus élevée que celle entre les jeunes forêts et les forêts plus vieilles.
M. Richard Ballhorn: Il faudra en partie établir ce qui peut être considéré comme un puits de carbone. C'est lié aux zones de boisement. Dans le protocole de Kyoto, il y a certaines restrictions quant à ce qui constitue un puits de carbone.
Je ne sais pas d'où cela vient, mais je pourrais vérifier les détails. On assiste peut-être sur ce qui peut être considéré comme un puits de carbone selon le protocole, plutôt que d'examiner toute la question de ces puits. Je devrai le vérifier. Je sais que ce projet n'a pas été facile pour eux. Mon collègue pourra essayer d'obtenir des renseignements auprès de Forêts Canada et nous vous les transmettrons.
• 1535
Je ne suis pas certain des détails, mais je sais ce que sont
les puits de carbone. L'accord limite la définition de ces puits.
Cela ne s'applique pas à toutes les activités de l'exploitation
forestière ni, non plus, à tout le gaz carbonique qui est récupéré;
il s'agit de certains cas.
M. John Duncan: Oui. J'ai écrit...
Le président: Monsieur Duncan, je vous redonnerai la parole plus tard.
Avant de donner la parole à M. Reed, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux représentants du Forum des jeunes Canadiens. Ils sont arrivés juste à la fin de votre exposé, monsieur Ballhorn. Ils seront fascinés, j'en suis sûr, par les observations des députés au sujet de vos exposés.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai quelques questions à poser à nos témoins, et j'essaierai d'être aussi bref que possible.
Monsieur Graham, il me semble que le projet que vous dirigez correspond à ce dont l'industrie canadienne a besoin pour réagir aux attaques qui ont été portées contre elle ces dernières années. Votre budget est-il suffisant? Je me rends bien compte...
M. Greg Graham: Voilà une question qu'il ne faut jamais poser.
M. Julian Reed: ...que les budgets sont toujours insuffisants. Mais croyez-vous que vous disposez de suffisamment de ressources pour relever le défi?
M. Greg Graham: Une bonne partie de mon travail dépend de l'emploi je suis censé faire de ce budget. Par exemple, nous n'avons pas d'argent à l'heure actuelle pour mener une grande campagne internationale de publicité. Nous n'aurions pas le budget nécessaire pour lancer une campagne semblable à celle de certains groupes écologistes, pour payer la publicité, les affiches, etc.
Notre programme a, en gros, un budget annuel de 800 000 dollars. Cet argent sert aux activités de coordination, à l'impression et à la distribution de documents, à des visites, etc. Nous avons recours aux services du personnel qui est déjà en place. Nous confions le travail à quelqu'un. Nous faisons beaucoup avec un budget relativement limité.
Nous essayons de collaborer avec l'industrie et avec des organismes provinciaux. Notre but n'est pas de tout faire. Nous sommes cependant aux premières loges, parce que nous sommes sur le terrain, et que nous surveillons ce qui se fait dans différents pays—les attitudes et la couverture médiatique du Canada.
M. Julian Reed: C'est très bien. Merci.
Monsieur Welsh, ce qui m'inquiète en général dans les programmes de certification, c'est le coût qu'ils représentent pour les petits propriétaires de boisés. Certains petits boisées sont merveilleusement bien gérés, et je connais personnellement certains exploitants qui gèrent exceptionnellement bien leurs boisés. J'aimerais connaître le coût de la certification et savoir s'il est nécessaire de recommencer chaque année, car cela risque d'imposer un fardeau très lourd aux petits propriétaires de boisés qui seront simplement écrasés par les grandes sociétés, dotées de budgets plus importants. Avez-vous des observations à ce sujet?
M. Dan Welsh: Je suis certes d'accord avec vous. C'est un risque important pour les petits propriétaires de boisés. Cela fait partie des réalités que leur impose le marché. La bonne nouvelle, c'est qu'on commence à constater dans certaines régions, y compris au Canada, l'apparition d'associations, de syndicats et de divers autres regroupements de propriétaires de boisés qui permettent à ces propriétaires d'oeuvrer collectivement.
D'autres programmes, dont le programme d'étiquetage écologique aux États-Unis, semblent donner de bons résultats. À bien des égards, le programme de certification paneuropéen, qui touche, semble-t-il, 12 millions de propriétaires de boisés, a été mis sur pied en réaction aux préoccupations que vous avez exprimées. Ce programme vise à trouver des moyens de réaliser une certification collective.
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La certification collective permettrait à une association, ou
à un syndicat, d'assumer le fardeau bureaucratique et d'aider les
petits propriétaires de boisés afin qu'ils n'aient pas à assumer
eux-mêmes les coûts énormes de ces transactions.
Nous en voyons quelques exemples au Canada, entre autres au Québec et au Nouveau-Brunswick, dans le cas des coopératives forestières du sud du Nouveau-Brunswick. Un nouveau projet pilote a récemment été mis sur pied dans la forêt modèle de l'est de l'Ontario, juste au sud d'Ottawa, en vue d'examiner ces questions.
C'est donc un sujet très important, mais il y aura, au cours des prochaines années, des progrès qui permettront peut-être aux petits propriétaires de boisés de continuer leur exploitation.
M. Julian Reed: Les choses évoluent, mais il faudra attendre encore quelques années avant de trouver une solution.
M. Dan Welsh: Je sais que les coopératives forestières du sud du Nouveau-Brunswick espèrent obtenir une certification cet été, sous le régime de la CSA. C'est effectivement important.
M. Julian Reed: D'accord, merci.
M. Dan Welsh: Ce qui est important, également, c'est que l'industrie essaie de plus en plus d'aider les petits propriétaires de boisés qui sont ses fournisseurs. L'industrie a tout intérêt à ce que ces fournisseurs de fibres soient certifiés dans ce régime, car c'est de plus en plus l'orientation que prendra également le marché. Nous constatons que certains partenariats sont maintenant envisagés entre de grands exploitants et de petits propriétaires de boisés. Cela pourrait faciliter les choses.
M. Julian Reed: Merci.
Le président: Merci, monsieur Welsh.
M. Julian Reed: Monsieur George, en ma qualité de député, j'entends les préoccupations qu'expriment mes électeurs. Dans le cas du bois débité de résineux, il semble que l'entente conclue n'était pas parfaite. Il y a eu des problèmes administratifs au sujet de l'attribution des quotas et, au fil des ans, il y a eu des contestations aux États-Unis, dans le cadre de cette entente, au sujet des matériaux qui peuvent être considérés comme du bois et expédiés aux États-Unis.
Pourriez-vous nous dire quelle orientation vous souhaitez prendre lorsque vous entamerez les négociations. Je ne vous demande pas de révéler les positions de négociation, mais allons-nous nous retrouver avec un autre régime de quotas, par exemple? C'est ma première question.
Allons-nous définir précisément ce qu'est le bois d'oeuvre et ce qu'est un produit à valeur ajoutée, si l'on veut?
Quelle sorte d'obstacles commerciaux avez-vous découvert au cours des quatre années d'application de cette entente?
M. Douglas George: Voilà tout un éventail de questions.
Au sujet du système d'attribution, lorsque l'entente a été mise en oeuvre, il y avait des quotas fixes à attribuer. Le système d'attribution a été élaboré après de vastes consultations auprès des intervenants, de l'industrie, des provinces, etc. Il est effectué selon un calcul mathématique, à partir d'une formule qui est la même pour tout le pays.
Il y a eu un certain nombre de différends. L'un portait sur les droits de coupe en Colombie-Britannique et a été réglé au moyen d'un accord bilatéral. Notre industrie a mis au point certains produits qui ont été expédiés aux États-Unis—ou qui étaient expédiés là-bas bien avant que cette entente entre en vigueur—et que les États-Unis ont reclassé depuis, à partir du système américain de classification de douanes, dans une catégorie tarifaire visée par l'entente. Ces produits n'étaient pas à l'origine visés par l'entente.
Nous avons demandé à l'Organisation mondiale des douanes d'examiner cette question. Le Comité des système harmonisés de l'Organisation mondiale des douanes a rendu une décision la semaine dernière seulement. Le comité a maintenu la décision du Canada de ne pas assujettir les montants prépercés aux dispositions de l'entente. Sous le régime de l'entente, nous devons négocier, au moyen d'un arbitrage bilatéral, une solution à l'égard des montants prépercés et engravés, ainsi que du bois d'oeuvre plus grossier.
Je ne crois pas qu'il soit possible, à l'heure actuelle, de déterminer quelle sera l'orientation de l'entente et s'il y aura ou non des quotas. Dans nos consultations, nous avons entendu tout un éventail d'opinions—certains groupes souhaitent l'abolition de l'entente alors que d'autres souhaitent une entente semblable mais modifiée.
• 1545
Il semble qu'aux États-Unis on veuille également une entente
différente, bien que, comme je l'ai dit, le Canada et les États-
Unis mènent encore de vastes consultations auprès des intervenants,
et n'ont pas encore décidé comment procéder, alors que l'entente
expire dans un peu moins d'un an.
Le président: Monsieur George, les produits canadiens représentent quel pourcentage du marché américain?
M. Douglas George: Je ne saurais vous le dire exactement, mais c'est approximativement un tiers; 33 p. 100 ou 34 p. 100.
Le président: Mais, comme vous l'avez dit à M. Reed, vous n'êtes pas en mesure d'indiquer ce que vous visez: c'est-à-dire si vous viserez un régime sans attribution de quotas ou un régime de libre-échange.
M. Douglas George: À l'heure actuelle, nous appliquons une entente qui expire dans un an. Nous tenons des consultations auprès de notre industrie, des intervenants et des provinces pour voir s'il est possible d'arriver à un consensus, au Canada, sur la façon de procéder. Les choses évoluent. Je vous ai expliqué où en sont les choses, mais je ne puis vous dire quel sera le résultat, car nous n'en sommes pas encore là.
Le président: Je vais donner brièvement la parole à M. Welsh, dans ce cas, car je suis sûr que vous le consulterez sur des détails importants, dans le cadre de ces considérations.
Le processus de certification constitue-t-il un obstacle non tarifaire à l'exportation de produits canadiens aux États-Unis?
M. Dan Welsh: Je devrai probablement demander à M. Ballhorn de me fournir de plus amples détails, mais il importe peut-être, et c'est là une distinction importante, de reconnaître les obstacles qui sont contrôlés au moyen de politiques, de règlements et de lois, comme dans le cas de l'Organisation mondiale du commerce. Il faut déterminer s'il y a des infractions aux règlements. À l'heure actuelle, il ne semble pas y en avoir.
Nous avons également examiné—et nous continuons de le faire—les ententes régies par l'Accord Canada-États-Unis de libre- échange. Ces ententes portent surtout sur les activités gouvernementales et sur les politiques d'achat des gouvernements, aux échelons supérieurs. Nous surveillons la situation de près pour voir s'il y a des infractions aux lois. Jusqu'à présent, il ne semble pas que ce soit le cas, mais M. Ballhorn en sait probablement davantage que moi à ce sujet.
Le président: Si un acheteur et distributeur important, comme Home Depot, décide—et j'espère ne pas trahir vos propos—d'exprimer sa préférence, une préférence qui deviendra peut-être exclusive, pour un produit doté d'une certification particulière, dans ce cas-ci la certification de la FSC, en quoi cela modifierait-il l'accès des produits canadiens aux marchés, des produits qui, comme vous l'avez dit, sont loin de répondre aux critères de certification FSC?
M. Dan Welsh: Cela n'aurait probablement aucun effet. D'après les déclarations qui ont déjà été faites, je soupçonne que l'acheteur demanderait un produit doté de la certification FSC ou d'une certification équivalente. Le producteur devrait répondre à cette exigence. Dans le cas que vous avez décrit, il ne s'agirait pas d'une infraction à une loi ou à un règlement.
Le président: Mais M. George et son groupe, dans leurs consultations et préparatifs en vue des négociations, vont probablement tenir compte des coûts supplémentaires que cela représente pour les producteurs canadiens et ils vont inclure ces coûts dans ce qu'ils essaieront d'obtenir, n'est-ce pas? Faut-il poser la question à M. George?
M. Dan Welsh: Peut-être, mais nous ne croyons pas que Home Depot, ou une autre grande organisation, ferait une telle déclaration de façon à créer une discrimination entre les produits canadiens et américains. Pour ce qui est des coûts de la certification, ils seraient les mêmes pour tous les fournisseurs, qu'il s'agisse des producteurs suédois, qui exportent de plus en plus vers le marché américain, de producteurs américains ou de producteurs canadiens. Ce serait donc...
Le président: J'ai pris note de certains des chiffres que vous nous avez fournis, monsieur Welsh au sujet des forêts assujetties à la certification FSC dans les pays nordiques, et il me semble d'après ces chiffres que ces pays ont un gros avantage sur le marché américain, par rapport aux produits canadiens.
M. Dan Welsh: C'est tout à fait vrai, monsieur. Il est très difficile d'obtenir des chiffres à ce sujet, mais il semble qu'il y ait une augmentation importante des exportations de produits suédois aux États-Unis, dans des marchés sur lesquels il nous sera peut-être difficile de percer tant que nous n'aurons pas des produits certifiés répondant aux exigences des acheteurs. Vous avez tout à fait raison.
Le président: Monsieur Godin.
[Français]
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Et moi?
[Traduction]
Le président: Je n'en sais rien. Vous ne figurez pas sur ma liste, monsieur Cardin. Voulez-vous que je vous y inscrive?
[Français]
Oui? Très bien. C'est à vous.
M. Serge Cardin: Bonjour, messieurs, et merci d'être là. C'était intéressant. Mon collègue qui est le spécialiste des forêts est malheureusement absent. Pour ma part, je suis plutôt vert dans le domaine du bois, mais rassurez-vous: je ne deviendrai pas tout croche en prenant de l'expérience.
Le président vous a posé une question au sujet des régimes de certification. Il vous a demandé si ces régimes ne devenaient pas des barrières non tarifaires au niveau du commerce international. Monsieur Welsh, c'est vous qui nous disiez tout à l'heure que la certification était l'affaire de l'entreprise privée. L'acheteur ou le producteur regarde les normes et tout ce qui s'applique. L'aspect environnemental est très important au niveau des forêts, de l'utilisation que l'on en fait et de la façon dont on procède. Pourquoi les gouvernements ne jouent-ils pas un rôle important au niveau des normes de certification?
Voici une deuxième question. Est-il utopique de penser qu'à un moment donné, il pourrait y avoir une norme internationale qui, bien sûr, pourrait comporter des éléments plus spécifiques selon la région d'où viennent les produits forestiers? On sait que les condition ne sont probablement pas les mêmes partout dans le monde et que les forêts ne jouent pas toutes le même rôle au niveau des impacts environnementaux sur la planète. Quand on a vu ce qui se passait en Amérique du Sud, beaucoup de gens se sont levés pour dénoncer cela. Donc, est-ce qu'on peut espérer qu'on aura un jour une norme internationale qui fasse en sorte que tous les joueurs sur la scène mondiale soient en saine concurrence, et dans combien temps cela pourrait-il être possible?
[Traduction]
Le président: Monsieur Welsh.
M. Dan Welsh: Merci, monsieur. Vos questions touchent plusieurs aspects.
Premièrement, permettez-moi de faire la distinction entre la fonction du gouvernement dans certains aspects particuliers de la certification, qui a été exigée par le marché à titre d'approbation par un tiers, de sceau d'approbation des progrès... Je ne voulais pas laisser entendre que les gouvernements n'ont rien à voir dans l'élaboration des normes en matière de gestion durable des forêts. En fait, le contraire est vrai. À l'heure actuelle, le Canada est probablement le leader mondial des politiques et règlements en matière de gestion durable des forêts. C'est un sujet auquel nous avons travaillé sérieusement durant bien des années, comme vous le savez. Nous avons élaboré des politiques, des règles et des règlements de gestion durable des forêts qui sont, à mon avis, les meilleurs au monde. Nous avons une stratégie nationale d'aménagement forestier de grande portée, et chaque province a des règles et règlements très complets.
À l'échelle internationale, comme l'a dit M. Ballhorn, nous collaborons, depuis de nombreuses années, avec un certain nombre d'autres pays pour élaborer une convention ou une sorte d'accord qui permette d'appliquer les mêmes règles à tous et de définir collectivement ce qu'est la gestion durable des forêts.
C'est donc uniquement pour l'étiquetage qu'il s'agit, d'après le gouvernement, d'une question entre l'acheteur et le vendeur. Dans les faits, l'acheteur veut une confirmation que ces mesures sont prises et souhaite qu'un organisme autonome confirme que le produit est bien issu d'une forêt bien gérée.
• 1555
Puisque le gouvernement participe également à l'élaboration
des politiques, des règles et des règlements, il y aurait
confusion, sinon conflit, s'il essayait d'offrir une certification
de ce genre. Sur le marché, on estime généralement que la
certification doit incomber à quelqu'un d'autres.
J'espère que cela répond à vos questions.
[Français]
M. Serge Cardin: Oui, en bonne partie. Ce n'est pas nécessairement le gouvernement qui devrait faire les normes ou les régimes de certification, mais il pourrait tout de même donner des points précis d'intervention en termes de ressources et d'orientation environnementales.
Le président: Merci, monsieur Cardin.
Monsieur St-Julien.
M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Merci, monsieur le président.
Jusqu'à maintenant, les campagnes de boycottage des produits forestiers canadiens ont surtout ciblé les forêts publiques de la Colombie-Britannique, mais je vais parler du film de Richard Desjardins, L'Erreur boréale. On connaît le débat qui a cours présentement au Québec. Ne craignez-vous pas que la diffusion du film L'Erreur boréale fasse en sorte que le Québec devienne la prochaine cible des campagnes des groupes environnementaux?
[Traduction]
M. Richard Ballhorn: Monsieur Graham.
[Français]
M. Greg Graham: Si ce film a un effet, on le verra particulièrement en Europe. Le film a même gagné un prix en France. Notre ambassade à Paris nous a dit qu'il n'y avait pas eu une grande réaction du public. Il n'y a pas de lettres dénonçant le Québec qui arrivent à l'ambassade, etc. Il y a toujours des gens qui viennent pour dénoncer les pratiques en Colombie-Britannique, parce qu'une fois, en Allemagne, on a présenté à la télévision des images de grands arbres, etc. Ce film jouit d'une bonne circulation, mais les groupes eux-mêmes ne font pas de publicité à l'extérieur.
S'il y a un problème pour le Québec, c'est plutôt aux États-Unis avec les protestations des Cris concernant la gestion des terrains dans la région de la Baie James. Cela a eu plus d'impact pour le Québec que le film de M. Desjardins.
M. Guy St-Julien: Voici une dernière question. Au sujet du Grand Conseil des Cris et de son chef Ted Moses, qui est allé à Washington, avez-vous d'autres détails quant à ce qui se passe actuellement?
M. Greg Graham: Je n'ai pas vraiment de détails. On m'a dit aujourd'hui qu'il était encore là, mais nous n'avons pas de détails en ce moment. Nous nous attendons à recevoir plus d'information.
M. Guy St-Julien: Quelle est la version du ministère quant aux Cris de la Baie James? On sait que le fédéral est le fiduciaire de la Convention de la Baie James, comme le Québec. Avez-vous une opinion sur les Cris de la Baie James et la forêt?
M. Greg Graham: Je n'ai pas vraiment d'opinion. Mon travail est de m'occuper des relations publiques à l'externe. On avait le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les gouvernements des nations autochtones. Je ne peux pas émettre d'opinion aujourd'hui.
M. Guy St-Julien: Très bien, ne parlons pas de votre opinion. Dans vos relations avec Washington, avec les États-Unis, mentionnez-vous que le fédéral et le provincial sont fiduciaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois?
M. Greg Graham: On le mentionne quand des questions sont posées. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu beaucoup de questions des gens de la presse. Par exemple, à Washington ou à New York, même s'il y a déjà eu des protestations par les Cris, la presse américaine n'a pas posé de questions à notre ambassade à ce sujet.
M. Guy St-Julien: Est-ce que vous avez pris...
Le président: Chaque fois que vous ajoutez un mot, M. St-Julien trouve toujours une dernière question à poser. Ce sera votre dernière, dernière, dernière question, monsieur St-Julien.
M. Guy St-Julien: Avez-vous pris connaissance de la Convention de la Baie James, qui intéresse les Cris?
M. Greg Graham: Oui.
M. Guy St-Julien: Merci.
Le président: Vous en êtes certain?
M. Guy St-Julien: Oui. Je suis bien content.
Le président: Je peux donner la parole à quelqu'un d'autre?
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.
On éprouve certaines inquiétudes, mais je vais passer vite là-dessus. On parle de l'environnement, de la forêt et de toutes ces choses-là. J'en ai parlé à tous les autres qui sont venus devant le comité. Je l'ai même dit à la présidente de Home Depot, qui était ici hier. On se souviendra qu'on n'a pas fait attention à nos pêches et qu'on les a perdues. Dans la région atlantique, les gens en souffrent. C'est bien beau, toutes les choses qu'on dit et c'est beau, le commerce, mais quand on n'a plus rien, on souffre pendant longtemps. Je vais maintenant poser mes questions.
Est-ce que le but de la certification ISO 9000, ISO 9001 ou ISO 9002 est de protéger l'environnement en plus d'assurer la qualité de la production? J'avais l'impression que les normes ISO avaient surtout trait à la qualité. Est-ce une norme qui peut protéger l'environnement? Est-ce la même chose dans le cas des normes CSA? Ces choses ont surtout trait à la qualité, n'est-ce pas?
Parlons maintenant FSC. Dans la forêt, il y a beaucoup d'intervenants, que ce soit les propriétaires forestiers, les papetières, les environnementalistes, les scieries ou le gouvernement. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un organisme mondial? Il y a eu beaucoup de discussions à différents endroits, notamment à Kyoto. On essaie toujours de sauver notre planète et nos forêts à long terme.
Au lieu de dépenser de l'argent pour ISO 9000 ou CSA, est-ce qu'on ne pourrait pas faire en sorte que FSC soit la solution mondiale? On n'aurait pas besoin de dépenser de l'argent ailleurs. Il y aurait un organisme qui serait reconnu partout dans le monde. Aujourd'hui, il y a la mondialisation. On fait affaire avec des marchés partout dans le monde. Ce serait un certificat que tout le monde reconnaîtrait et tout le monde à participer à le faire reconnaître. Voilà ma question.
Le président: À qui s'adresse-t-elle?
M. Yvon Godin: À celui qui pourra y répondre.
Le président: Monsieur Ballhorn.
[Traduction]
M. Richard Ballhorn: Généralement, il existe toujours un certain nombre de normes en parallèle. C'est dû au fait que les gens ont des idées différentes. C'est exactement ce qui s'est produit au Forest Stewardship Council. Au départ, le FSC ne voulait pas traiter avec les gouvernements ou l'industrie, seulement avec les importateurs et les consommateurs. Cela ne peut pas s'appliquer à la réalité canadienne, puisqu'ici, une grande partie de nos forêts appartiennent au gouvernement et sont régies par le gouvernement. Le fait de ne pas traiter avec l'industrie, en tout cas...
Le FSC a eu certains problèmes, au départ, à cause de cette orientation. Cela n'a pas grand rapport avec nous. Le processus ne tenait pas compte de la réalité canadienne. C'est pour cette raison qu'en réaction, nous avons un processus CSA et ISO—pour avoir notre propre processus de certification.
En outre, les processus ISO et CSA peuvent être reconnus à l'échelle internationale par le truchement du régime de normalisation. Pour établir des normes, on commence généralement par élaborer une norme nationale qui est ensuite présentée aux organismes internationaux de normalisation, à titre de modèle de norme internationale éventuelle. Cela ne peut pas se faire dans le cas du FSC puisque cet organisme n'adhère pas à un organisme de normalisation; c'est un organisme à part. C'est pourquoi le Canada préfère les régimes de la CSA et de l'ISO.
L'un des avantages du FSC, c'est qu'il entretient des relations avec l'un des principaux groupes écologistes, le Fonds mondial pour la nature, et qu'il a fait reconnaître cette relation partout a monde. Nous aurions de la difficulté à tous adopter les normes de certification FSC. Mais tous les chemins mènent à Rome, et l'important, c'est le résultat. Il faut éviter les optiques exclusives. Nous ne souhaitons pas que les acheteurs adoptent une solution à l'exclusion de toutes les autres, alors qu'il y a de toute évidence de grandes similitudes entre les procédés.
Il faudrait, à notre avis, reconnaître un certain nombre de normes, et c'est pourquoi la reconnaissance réciproque est importante. Il serait très difficile d'appliquer une seule norme à l'échelle mondiale car cela créerait une situation de monopole. Il faudrait éviter de tels monopoles.
M. Yvon Godin: Il serait peut-être difficile cependant de revenir à la norme ISO. Je vais poser de nouveau la question. Est- ce une solution pour l'environnement, et les groupes environnementalistes sont-ils d'accord avec ce processus? Certains ne le sont pas. Des groupes européens préconisent un boycottage. Nous avons une norme qui devrait être acceptée par le monde entier, mais si les autres pays n'achètent pas notre bois, cela ne nous est d'aucune utilité.
• 1605
Il y a quelque temps, l'un des négociateurs a dit que du
hublot d'un avion, il y avait du vert d'ici à Vancouver. C'est
bien, mais cela pourrait aussi être de l'herbe. Comprenez-vous?
Voilà où réside la différence avec la norme ISO ou CSA. Est-il
possible de faire accepter ces normes en Europe? Veut-on simplement
obliger les Européens à adopter cette norme...
M. Richard Ballhorn: Non. Dans les faits, la certification est relativement récente au Canada, du moins pour ce qui est de faire certifier un nombre d'hectares considérable. C'est une nouvelle expérience.
Nous avons élaboré ces régimes, et il y avait des écarts entre les normes ISO et CSA avant que la norme FSC soit adoptée, car il a fallu un certain temps avant que les producteurs obtiennent la certification.
L'année dernière, nous avons constaté une augmentation importante de la certification. À l'heure actuelle, nous examinons la situation. Nous verrons dans quelle mesure c'est acceptable—pour les normes autres que la norme FSC. Comme M. Welsh l'a dit, nous avons eu des indices positifs en Europe. Une firme hollandaise influente a déclaré que la certification CSA et ISO est équivalente à la certification FSC. C'est très important, et c'est en fait ce que nous souhaitons.
Je vais laisser M. Welsh dire ce qu'il en pense également.
Le président: Monsieur Welsh.
M. Dan Welsh: Il faudrait reconnaître que le régime ISO est un régime vraiment international. À l'heure actuelle, en plus de la certification FSC, par exemple, à peu près toutes les grandes sociétés suédoises ont la certification ISO. La différence, dans ce cas-ci, c'est que la certification ISO porte sur le système de gestion des terres. L'entreprise a-t-elle des moyens de régler les problèmes environnementaux? Offre-t-elle de la formation à son personnel? Dans ce régime, on examine le système de gestion que l'industrie a mis en place pour respecter l'environnement.
Pour sa part, le Forest Stewardship Council s'occupe du rendement—il voit si le sol est bien régénéré et si la qualité de l'eau est maintenue, alors que l'ISO porte sur les mécanismes. Le marché décidera peut-être finalement que les deux régimes sont nécessaires. Il semble que ce soit le cas de l'industrie suédoise, où l'on adopte les deux. Certaines sociétés canadiennes envisagent également les deux régimes.
Comme l'a dit M. Ballhorn, il est encore très tôt dans notre relation avec les marchés mondiaux pour décider si nous voulons deux régimes distincts ou non. Ces régimes ne devraient pas nécessairement être vus comme concurrents l'un de l'autre, mais plutôt comme répondant à des besoins différents. Il ne faudrait donc pas considérer qu'un régime unique peut être une panacée, surtout à l'heure actuelle.
Le président: Monsieur Carmen Provenzano.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Dans tout régime de certification, il semble essentiel que les critères soient uniformes. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la quantité de forêts suédoises qui a été certifiée, et de l'accès au marché américain que cela a créé.
J'aimerais que les fonctionnaires de chaque ministère répondent. Compte tenu de cela et de l'importance que cela peut avoir du point de vue des ressources naturelles et du commerce international, quels efforts ont fait vos ministères pour déterminer, indépendamment, si les normes de certification—et plus particulièrement les normes de certification FSC—sont uniformes et appliquées uniformément au Canada et en Europe?
Autrement dit, dans quelle mesure avez-vous essayé de déterminer si les normes sont différentes et si la certification FSC—soit le processus d'obtention de la certification, soit les critères pris en compte pour la certification—diffèrent de quelque façon que ce soit, dans le cas de l'exploitation forestière canadienne?
M. Dan Welsh: Merci, monsieur. Ce sont d'excellentes questions.
Premièrement, vous avez raison lorsque vous dites qu'il est très important d'appliquer des critères ou des principes uniformes. Le degré accordé à ces principes est plus élevé selon la signification que l'on donne à la gestion durable des forêts. Nous parlons généralement des critères de «gestion durable de la forêt».
Au Canada, nous avons consacré beaucoup d'efforts aux critères et aux indices pour obtenir une définition uniforme. Cela nous ramène à certaines des activités qui ont été mentionnées précédemment au sujet du Forum international des forêts. Nous espérons que les discussions futures de l'ONU permettront d'établir un lien avec le processus de certification paneuropéen. Nous avons travaillé avec ardeur pour essayer d'obtenir une définition uniforme.
S'agissant de votre question au sujet du Forest Stewarship Council, il n'existe pas à proprement parler de processus formel, mais ce que je peux vous dire, c'est que pour beaucoup de gens, les normes FSC ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre, et celui-ci n'a pas vraiment de formule efficace pour régler ce problème.
J'ai eu, personnellement, l'occasion d'en discuter avec le Bureau international du FSC, et il nous a dit qu'il se saisirait de la question de l'harmonisation. Je sais que le mois dernier, le Bureau a tenu, en Espagne, une importante réunion à huis clos pour essayer de voir comment il serait possible d'arriver à cette harmonisation.
Il y a donc là de gros problèmes qui transcendent le niveau des principes. On peut certes affirmer qu'il faut préserver la biodiversité, mais qu'est-ce que cela signifie? On peut dire également qu'il faut prendre des mesures adéquates pour régénérer la forêt, mais que veut dire au juste le terme «adéquate»?
Il y a donc d'énormes différences d'un pays à l'autre, et c'est précisément là que le bât blesse. Il n'existe pas encore de processus formel, et accepté comme tel, qui permette de déterminer les équivalences lorsque la situation diffère d'un endroit à l'autre.
M. Carmen Provenzano: Je voudrais intervenir ici, si vous le voulez bien.
Il est certain qu'il est toujours possible d'identifier les différences. Certes, j'accepte tout ce que vous venez de nous dire mais, vous en conviendrez, il ne faut pas être grand clerc pour voir si des critères différents sont utilisés. S'il est possible d'identifier...
En fait, cela revient à vous demander ce qui nous a empêché de le faire, si nous ne l'avons pas déjà fait. Est-ce une question d'argent? Qu'est-ce qui vient entraver quelque chose qui est aussi important, quelque chose qui ouvre la porte aux échanges internationaux? Qu'est-ce qui empêche les gens du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de produire un texte péremptoire qui dirait voici en quoi ces normes sont différentes, qui dirait que nous sommes victimes de discrimination, ici au Canada, pour ce qui est de tel ou tel type de certification?
Pour moi, d'après ce que je sais, le FSC est discriminatoire. J'ai vu ces forêts européennes qui ressemblent à des mouchoirs de poche. On nous dit que la biodiversité est fondamentale; c'est 80 p. 100, et 20 p. 100 dans les arbres. Mais, lorsque vous allez en Europe, vous pouvez les voir, les arbres. Vous pouvez même voir au travers des boisés. Il n'y a aucune faune.
Pour quelqu'un qui connaît la situation au Canada, cela met en pétard d'avoir à entendre ce genre de bêtises. Je pense qu'il nous appartient de jouer précisément ce rôle-là, d'analyser ou de déterminer quelles sont les différences, et en quoi nous sommes victimes de discrimination, si discrimination il y a.
S'il y a quelque chose qui nous empêche de le faire, de quoi s'agit-il et que faire?
M. Richard Ballhorn: Là aussi, cela dépend de la rapidité avec laquelle la certification a été introduite. Elle est survenue assez rapidement pour ce qui est du volume et des surfaces.
La seule différence ici, si ce n'est l'argument des autres obstacles au commerce, c'est que le processus FSC ne fait pas partie du système de normes. Il ne fait pas partie du processus gouvernemental. Même si nous disons que les choses sont différentes, à quoi bon? Nous n'avons aucun recours. Tout ce que nous pouvons faire, c'est le faire savoir, c'est une possibilité, mais nous n'avons aucun recours à l'encontre de la Suède, de la Norvège, de la Pologne et j'en passe. Il s'agit d'une activité du secteur privé qui relève d'une entité du secteur privé. Dans ce domaine, il n'y a pratiquement aucune régulation.
• 1615
C'est donc cela le problème. Ce n'est pas comme si le
gouvernement disait voilà le système, celui que j'impose un ou un
autre que j'accepte. L'État n'a absolument rien à voir là-dedans.
C'est cela le problème. En général, nous avons quelque chose à nous
mettre sous la dent si le gouvernement peut intervenir d'une façon
ou d'une autre, mais en matière de certification, ce n'est pas le
cas.
M. Carmen Provenzano: Mais il y a quand même, ici, à mon avis, une certaine réalité. Je ne réfute pas ce que vous venez de dire, monsieur, mais vous voyez, ce que le FSC a fait en réalité, c'est s'en prendre au marché. Il a utilisé le marché pour contrôler tout le processus.
Cela étant, si nous pouvions compter sur un document péremptoire qui nous dit qu'il y a effectivement un processus discriminatoire, si nous pouvons d'autorité affirmer qu'il y a discrimination, à ce moment-là nous pouvons le faire savoir aux consommateurs. Nous pouvons faire valoir ce genre d'arguments. Nous pourrions utiliser ce texte, de la même façon qu'on utilise le marché, pour tenir les rênes aux producteurs.
Je pense qu'il est important de le faire. C'est important pour l'industrie, et c'est important aussi pour tous les Canadiens d'avoir ce genre de données et de pouvoir faire valoir ce genre d'arguments. Maintenant, cela ne veut pas dire que ces arguments seront écoutés.
Le président: C'est une observation, plutôt qu'une question, n'est-ce pas?
M. Carmen Provenzano: J'aimerais néanmoins avoir l'opinion du témoin.
M. Richard Ballhorn: Je dirais qu'il y a plusieurs choses à faire. Ce que nous savons au sujet du FSC et du processus de certification des forêts, certaines semblant l'être plus rapidement et les forêts canadiennes ayant plus de difficulté à obtenir leur certification, repose davantage sur des ouï-dire. Je ne pense pas, en revanche, que nous ayons de données sérieuses.
Cela fait, en réalité, très peu de temps que les choses ont commencé à percoler et que nous avons commencé à en avoir une petite idée, pour être bien franc avec vous.
M. Carmen Provenzano: Nous risquons de n'avoir très bientôt plus aucun droit à l'erreur.
M. Richard Ballhorn: Il y a autre chose encore, en ce sens que nos propres entreprises ont tout intérêt à ce que le FSC soit digne de foi. Il faut donc être très prudents ici. Ce que je veux dire par là, c'est que nous pourrions effectivement obtenir des informations, mais que faire ensuite?
Je ne sais trop; que le gouvernement fédéral s'attaque de front au FSC—qui est essentiellement une ONG, une filiale à part entière du Fonds mondial pour la nature—reviendrait à se mettre à dos tout un tas de gens. Dans l'ensemble, cela risquerait d'être très néfaste au Canada. Il serait peut-être préférable de faire reconnaître et accepter nos propres systèmes. Nous devrions probablement mettre davantage l'accent sur l'analyse.
Ce que je veux dire, c'est que nous avons beaucoup d'ouï-dire, mais pas suffisamment d'information solide.
M. Carmen Provenzano: Pour s'en prendre à Goliath, il faut au minimum une fronde.
Le président: Monsieur Provenzano, je vous remercie.
Nous avons presque terminé mais, si vous le souhaitez, je vous accorderais 30 secondes.
M. Yvon Godin: Je vais essayer de m'en contenter, je vais faire de mon mieux.
Le président: Cela fait déjà cinq secondes.
M. Yvon Godin: La question de l'ISO continue à m'inquiéter. Si nous voulons continuer à parler de l'environnement, de la foresterie et de tout ce genre de choses, que fait l'ISO pour réclamer ce qu'il faut pour sauver, par exemple, l'environnement? Qui s'en occupe à l'ISO, et quels sont les organismes qui pourraient la contraindre à le faire si nous penchions de ce côté?
Je ne sais pas si vous avez bien compris ma question.
M. Dan Welsh: C'est surtout par les politiques et par la réglementation que nous gérons les forêts de la Couronne, c'est-à- dire les forêts domaniales du Canada. Toutes les parties prenantes dont vous avez parlé, prennent part aux consultations conduites par le gouvernement lorsqu'il envisage de légiférer ou d'établir une politique. C'est cela qui conditionne ce qui peut se faire sur le terrain. C'est un élément fondamental de notre mode de gestion. Le processus ISO ne concerne qu'une unité de gestion foncière particulière qui travaille normalement sous contrat pour le gouvernement.
M. Yvon Godin: En effet.
M. Dan Welsh: Il s'agit d'une politique beaucoup plus large qui intègre les intérêts de toutes les parties prenantes à la discussion. Il s'agit d'un processus qui est normalement conduit par le gouvernement provincial par le biais d'une politique et de certaines lois concernant l'aménagement durable du patrimoine forestier.
M. Yvon Godin: J'ai ma réponse. L'ISO ne fait pas le travail.
Le président: Messieurs Welsh, Ballhorn, George et Graham, je vous remercie beaucoup d'être venus nous faire part de votre vision des choses. Nous aurons peut-être l'occasion de nous reparler avant la rédaction de notre rapport, et nous espérons que vous serez au moins aussi généreux, que vous ne l'avez été aujourd'hui, avec votre temps et vos informations.
Chers collègues, j'aimerais vous demander de rester encore quelques instants, pour ne pas perdre le quorum dont nous avons besoin, pour parler de ce dont il a été question hier.
La réunion est suspendue pour quelques minutes.
Le président: La séance est rouverte.
Nous recevons maintenant l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec en la personne de son vice-président des forêts, M. Jacques Gauvin.
Monsieur Gauvin, excusez-nous pour ce petit retard.
Je pense que vous avez déjà comparu devant le comité. Non? Vous avez donc dix minutes pour votre exposé, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.
[Français]
M. Jacques Gauvin (vice-président, Foresterie, Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec): Merci beaucoup.
Je tiens tout d'abord à remercier le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales d'avoir invité l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec à venir faire une présentation sur les pratiques forestières en vigueur au Québec.
Je vous ai transmis un texte à l'avance. Je crois comprendre que ce texte vous a été remis et qu'il sera annexé au compte rendu de cette rencontre afin que nous ayons le plus de temps possible pour les échanges.
Présentation de l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec au Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales, Chambre des communes, Canada, Ottawa, le 12 avril 2000:
Les pratiques d'aménagement forestier au Québec
Préambule
Nous tenons tout d'abord à remercier le Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales d'avoir invité l'Association des manufacturiers de bois de sciage (AMBSQ) à venir faire une présentation sur les pratiques forestières en vigueur au Québec. Mais avant d'arriver dans le vif du sujet, permettez-nous de présenter en quelques mots l'AMBSQ.
Fondée en 1953, l'AMBSQ est reconnue comme la principale association de producteurs de bois d'oeuvre de l'Est du Canada ainsi que comme la plus importante association du secteur manufacturier québécois. Elle regroupe 177 usines membres et 237 entreprises offrant des produits et services à l'industrie du bois d'oeuvre.
Accréditée comme agence de classification selon les règles et standards de la Commission nationale de classification des sciages (NLGA), l'AMBSQ est la plus importante agence de classification de bois d'oeuvre du Canada avec 6,8 milliards de p.m.p., soit plus de 90 p. 100 de tout le bois d'oeuvre résineux produit au Québec.
La mission de l'Association est de représenter, promouvoir et protéger les intérêts de ses membres, dans le respect de l'ensemble des utilisateurs bénéficiant des diverses ressources de la forêt.
La forêt: un moteur économique et un patrimoine précieux
On ne peut parler de pratiques forestières sans au préalable faire un tour d'horizon permettant de juger de l'importance du secteur forestier au Québec. Or, on peut considérer à juste titre que les Québécois sont privilégiés en matière de forêts. En effet, plus de 90 p. 100 de la forêt au Québec est publique, c'est-à-dire qu'elle appartient à l'ensemble de la population. Il s'agit d'une des plus grandes forêts publiques au monde, qui couvre 758 000 km2, soit près de 1,3 fois les superficies forestières réunies de la Suède, de la Finlande et de la Norvège!
Les retombées socio-économiques qui en découlent sont évidemment à la mesure de cette présence prépondérante de la forêt sur le territoire québécois. Les quelques données qui suivent sont d'ailleurs fort éloquentes à ce sujet.
Avec ses 290 usines créatrices de 37 800 emplois directs (usine et forêt), l'industrie du sciage est au coeur du développement économique et social des régions du Québec. À cela il faut ajouter les nombreuses autres usines (on dénombre au total pas moins de 1 300 titulaires de permis d'exploitation d'usine de transformation du bois au Québec) plus petites, mais qui n'en sont pas moins importantes dans les localités où elles se trouvent.
Également il est important de souligner la présence de quelque 700 usines et ateliers spécialisés fabriquant des composantes de bois d'oeuvre, du bois traité, des armoires de cuisine, des portes et fenêtres ainsi que de nombreux autres produits.
Si on additionne à tous les emplois créés par ces entreprises ceux de l'industrie des pâtes et papiers (63 usines), au nombre d'environ 40 000, on atteint un total de près de 80 000 emplois, soit 13 p. 100 de tous les emplois manufacturiers du Québec. Enfin, en ajoutant les emplois indirects on arrive à un total de près de 200 000 personnes dont le gagne-pain est relié d'une façon ou d'une autre à l'industrie forestière.
Au point de vue commercial, le secteur forestier joue évidemment un rôle de première importance dans l'économie du Québec. Il génère une production d'une valeur de quelque 18 milliards de dollars et compte pour 20 p. 100 des exportations du Québec. Enfin, signalons que plus de 250 municipalités dépendent directement de la récolte et de la transformation des produits forestiers et que l'industrie forestière fournit 100 p. 100 des emplois manufacturiers dans 135 villes ou villages.
À tous ces gens dont l'emploi dépend de l'utilisation de la matière ligneuse, on doit ajouter ceux dont l'emploi est lié à d'autres ressources du milieu forestier. À titre d'exemple, la villégiature, la chasse et la pêche représentent un marché de plus de 125 millions de dollars annuellement pour les pourvoiries et les réserves fauniques. Environ 420 000 personnes achètent les services de ces entreprises dont 60 000 proviennent de l'extérieur du Québec.
L'industrie du sciage: le défi constant de la compétitivité
L'industrie québécoise du sciage est un joueur performant sur l'échiquier mondial. Cependant, si on n'y prend garde, sa compétitivité peut s'avérer fragile et s'éroder en faveur de ses concurrents. En effet, depuis quelques années, les industriels du sciage, qui assument la presque totalité des redevances forestières payées à l'État, ont dû subir des augmentations importantes de ces redevances ainsi que d'autres coûts d'opération, dont ceux liés à des considérations environnementales.
Ces augmentations substantielles de coûts s'ajoutent au lourd fardeau réglementaire auquel est astreint l'industrie: Loi sur les forêts, règlement sur les normes d'intervention en milieu forestier, voirie et transport forestiers, mise en valeur de la forêt privée, environnement, etc. Pendant ce temps, nos compétiteurs prennent les moyens pour améliorer leur compétitivité en plus de pouvoir compter sur des conditions, tels le taux de croissance et la dimension des arbres, qui leur procurent un avantage structurel.
Par ailleurs, de nouvelles contraintes sont appréhendées en regard de l'accès à la ressource et au maintien de coûts compétitifs. La nécessité d'améliorer les pratiques forestières et d'impliquer davantage les milieux locaux à la gestion des ressources forestières signifie des augmentations de coûts pour l'industrie. De même, l'accès à la matière ligneuse risque d'être compromis par l'augmentation des aires protégées, les revendications autochtones et les pressions des autres usagers des ressources du milieu forestier.
Or, à l'ère de la mondialisation des marchés, le maintien de la compétitivité de notre industrie est crucial. Celle-ci passe notamment par un meilleur contrôle des coûts ainsi que l'assurance d'un accès aux ressources et aux marchés afin que l'industrie demeure le pilier de l'économie et des emplois dans les régions du Québec.
Par ailleurs, la mondialisation des marchés a provoqué une montée du protectionnisme dans plusieurs de nos marchés qui se manifeste sous formes de barrières commerciales non tarifaires. Pour notre industrie, ces principales barrières sont de deux ordres: le contentieux canado-américain sur le bois d'oeuvre et les mesures phytosanitaires édictées tout d'abord par l'Union européenne et suivies maintenant par plusieurs autres pays.
L'imposition d'un système de quotas à l'exportation vers les États-Unis a poussé les industriels québécois à trouver de nouveaux marchés et à développer des produits à valeur ajoutée exportables en franchise de droit pour assurer leur prospérité. Tout semble montrer que le pari est en voie d'être gagné: nos livraisons continuent d'augmenter et se diversifient, et celles de produits à valeur ajoutée sont en croissance.
Une des leçons qu'on peut tirer de l'Accord canado-américain sur le bois d'oeuvre résineux est qu'on ne règle pas des problèmes environnementaux (pratiques forestières) en faussant les règles du marché. En effet, seules les règles du marché libre peuvent réguler la production de bois d'oeuvre et, par ricochet, la coupe de bois en forêt. Une barrière commerciale quelle qu'elle soit ne peut faire que déplacer la production d'une région du pays à une autre ou d'un pays vers un autre pays tout en favorisant la production des produits substituts (acier, béton, plastique, etc.), moins écologiques comme on a pu le constater au cours des dernières années.
Un système de quotas pousse les opérateurs économiques à produire, bon an mal an, la quantité maximum de produits, pour ne pas perdre les privilèges liés aux quotas qu'ils détiennent, au lieu de suivre la demande du marché. De plus, les restrictions commerciales découragent les investissements en machinerie et équipements qui permettent d'accroître la productivité de l'industrie en produisant plus de bois d'oeuvre avec moins de volumes de billes.
Ceci étant dit, il n'en demeure pas moins que ce système de quotas n'est pas jugé équitable par l'industrie. Ainsi, lors d'une assemblée générale spéciale tenue à ce sujet le 26 octobre 1999, les membres de l'AMBSQ ont unanimement voté en faveur d'un accès libre au marché américain pour le bois d'oeuvre du Québec. Ils ont estimé en effet qu'il n'y a aucune justification à maintenir l'imposition actuelle des quotas, car le Québec a déjà fait la preuve devant les Américains que son système de redevances forestières est basé sur un marché libre et que les industriels ne reçoivent aucune subvention.
Alors que nous subissons ces diverses contraintes, les pays bénéficiant de l'émergence d'abondantes quantités de fibre issue des plantations de l'après-guerre, tels l'Europe, le Brésil, la Nouvelle-Zélande ou le Chili, se retrouvent sur nos marchés traditionnels d'exportation et sur nos marchés en développement. Ces producteurs nous font compétition tant au point de vue des coûts que de la qualités des produits.
De même, les produits de substitution tels l'acier, le béton et le plastique se font de plus en plus agressifs, utilisant même les arguments environnementaux pour discréditer les produits forestiers. Or, des études sérieuses prouvent que le bois est le matériau de construction le plus écologique qui soit, car il est renouvelable, recyclable et biodégradable. De la même façon, des groupes environnementaux exercent des pressions sur les marchés, critiquant nos pratiques forestières et essayant de créer des mouvements pour influencer les acheteurs de nos produits.
L'industrie du bois d'oeuvre fait donc face à des défis de plus en plus grands pour son avenir. La concurrence à laquelle elle a à faire face est mondiale et féroce. Les parts de marchés demeurent fragiles et continuent de s'éroder. Or, les industriels du sciage ont besoin de ces marchés et du retour sur l'investissement qu'ils génèrent pour diversifier leur production, continuer à moderniser leurs usines et créer des emplois.
Des pratiques forestières en harmonie avec la dynamique naturelle des forêts.
Située au nord, la forêt boréale occupe une proportion importante (72 p. 100) du territoire forestier québécois. Elle est principalement composée d'épinettes, de sapins et de pin gris. Dans cette forêt, les feux de forêt, les épidémies d'insectes ou les grands chablis entraînent souvent la formation de peuplements dits équiennes c'est-à-dire où tous les arbres ont sensiblement le même âge et la même hauteur.
Les écosystèmes forestiers de la zone boréale sont bien adaptés aux passages répétés de telles perturbations. Au rythme des bouleversements se succèdent de vastes peuplements. La dynamique naturelle veut même que ces massifs forestiers soient souvent constitués d'une seule espèce d'arbres. Ces jeunes forêts s'installeront graduellement sur les sites perturbés et accueilleront le retour d'une faune variée.
Dans la forêt de feuillus, qui occupe le sud du Québec, on retrouve surtout des érables, des bouleaux, des hêtres et des chênes. Cette forêt est typiquement constituée de peuplements inéquiennes, c'est-à-dire de peuplements regroupant des arbres aux âges et hauteurs variés. La composition de ces peuplements varie grandement selon l'importance et la nature des perturbations.
Située au centre du Québec, la forêt mixte est souvent dominée par le sapin. On y retrouve aussi cependant toutes les espèces résineuses et la plupart des essences feuillues caractéristiques des forêts québécoises. C'est souvent sous l'impulsion d'épidémies d'insectes et d'incendies forestiers que s'effectue le renouvellement de cette forêt.
Lorsqu'ils aménagent un territoire, les professionnels forestiers tentent le plus possible d'imiter la nature. Ainsi, les stratégies d'aménagement s'inspirent du cycle de vie des forêts, en considérant notamment les perturbations naturelles qui les affectent. Ce cycle varie évidemment selon le type de forêt.
Dans un peuplement feuillu, les arbres sont, la plupart du temps, de taille et d'âge variés. Ce sont donc les coupes de jardinage qui sont les plus appropriées. La récolte d'arbres de différents âges permet d'améliorer la santé et la croissance du peuplement, tout en dégageant les arbres plus prometteurs ou plus petits. De manière à préserver la diversité d'âge du peuplement et tout en laissant aux arbres d'avenir le temps de croître, on procédera à une nouvelle récolte de même type quelques années plus tard, puis périodiquement.
Les forêts de résineux, tel qu'indiqué précédemment, sont souvent issues de grandes perturbations naturelles. Ainsi, les arbres de ces immenses massifs forestiers ont tous sensiblement le même âge et la même hauteur. Dans ce type de peuplement, on utilise la coupe avec protection de la régénération et des sols, appelée aussi CPRS.
Comme c'est le cas lors d'une grande perturbation naturelle, la récolte porte sur tous les arbres arrivés à maturité. Au premier coup d'oeil, cette coupe ressemble à la coupe à blanc qu'on pratiquait il y a une quinzaine d'années. Mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit que les sols et les jeunes arbres ont été protégés, car ce mode d'opération limite les déplacements de machinerie à certains corridors sur le terrain. Les jeunes arbres préservés sont déjà adaptés au terrain et ont souvent une bien meilleure croissance que des arbres fraîchement plantés.
Dans les années suivant la récolte, les travailleurs de la forêt évaluent la présence et la qualité de cette régénération. Si elle est insuffisante, ils effectueront du reboisement ou du regarnissage. Cependant, au Québec, environ 80 p. 100 des forêts qui ont été récoltées repoussent naturellement et ne requièrent aucune plantation.
Il est à noter que les entreprises forestières remettent au gouvernement les résultats des contrôles de qualité qu'elles doivent effectuer. Ces données servent à confirmer le respect des engagements pris par les entreprises dans leurs plans d'aménagement forestier. Le gouvernement vérifie sur le terrain un pourcentage des données transmises pour s'assurer de la conformité des résultats et de la qualité des travaux réalisés. Les pratiques forestières québécoises sont encadrées par une réglementation rigoureuse. Sur chaque parcelle de territoire, tout est calculé, planifié et révisé afin de s'assurer que jamais on ne mettra en péril le renouvellement de la forêt.
En forêt publique, c'est le gouvernement qui contrôle la récolte du bois. Il accorde aux entreprises forestières des allocations de bois à long terme pour l'approvisionnement de leurs usines. Ces allocations respectent ce que les forêts sont en mesure de produire; les calculs nécessaires sont refaits régulièrement pour s'en assurer. En échange, il les oblige à aménager la forêt de manière à maintenir, voir même à augmenter son potentiel. Ces droits et ces obligations du gouvernement et des entreprises forestières sont consignés dans les contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier (CAAF).
Seuls les détenteurs d'un permis d'usine de transformation du bois peuvent se voir attribuer un CAAF. Celui-ci est d'une durée de 25 ans et peut être renouvelé à tous les 5 ans. Il accorde à son détenteur le droit d'obtenir, selon des conditions bien définies, un permis annuel d'intervention en forêt publique pour approvisionner son usine.
Parmi les conditions à rencontrer, le détenteur de CAAF doit soumettre à l'approbation gouvernementale une planification d'intervention à long, moyen et court termes ainsi que des rapports de réalisation. Cette planification doit permettre l'atteinte des objectifs de production et de récolte de matière ligneuse ainsi que de protection du milieu, fixés par le gouvernement. Le détenteur de CAAF doit payer à l'État des redevances en fonction des volumes, des essences et de la qualité de la matière ligneuse récoltée.
La forêt est au coeur de notre avenir.
Les progrès accomplis en foresterie au Québec sont incontestables. De plus en plus, ce sont les principes du développement durable qui guident les grandes et les petites actions en forêt. Bien sûr, il reste encore des améliorations à apporter; les entreprises forestières y travaillent chaque jour. Elles sont sensibles aux attentes et aux préoccupations des Québécois et elles continueront à préserver l'une des plus grandes ressources de chez nous.
Parallèlement à cela l'industrie forestière doit faire aussi face à des exigences de plus en plus grandes à certains points de vue. C'est pourquoi le maintien de sa compétitivité est devenu un défi constant à relever.
M. Jacques Gauvin: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'ajouterai une conclusion supplémentaire, une conclusion qui ne se trouve pas dans mon texte. J'aimerais profiter de l'occasion pour réfuter dans une large mesure ce qui a été allégué à propos du Québec. Différents groupes, au cours de la dernière année, plus souvent qu'autrement sans aucune base ou appui scientifique, ont critiqué très vivement les pratiques forestières québécoises. Comme vous le savez, certains de ces groupes interviennent même sur la scène internationale. Vous en avez rencontré certains qui, pour des raisons politiques, agissent de manière à faire connaître leurs préoccupations, mais peuvent causer des torts immenses à la foresterie et à l'économie du Québec. Je pense donc qu'il est important de rétablir les faits.
Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à vos questions, dans la mesure du possible, et d'échanger avec les membres de votre comité.
M. Guy St-Julien: Monsieur le président, j'aimerais faire appel au Règlement.
M. Gauvin a demandé au début si son mémoire serait déposé en entier au procès-verbal.
[Traduction]
Oui ou non?
Le vice-président (M. Julian Reed): Je ne vois pas pourquoi ce serait non. J'ai écouté bien attentivement le mémoire, et, hormis deux ou trois paragraphes à la fin, il était tout à fait complet.
[Français]
M. Guy St-Julien: D'accord, mais son mémoire est plus long que son résumé.
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): D'accord. Oui nous pouvons décider que le mémoire a été réputé lu.
M. Guy St-Julien: Parfait. Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous allons procéder comme à l'accoutumée et M. Duncan est le premier sur ma liste.
M. John Duncan: Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie également le témoin pour cet exposé.
M. Robitaille fait-il partie de votre organisation?
M. Jacques Gauvin: Oui, c'est mon patron.
M. John Duncan: Je l'ai rencontré la semaine dernière.
Si je ne me trompe pas, votre organisation a voté à l'unanimité, à la fin du mois d'octobre, pour répudier la reconduction de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux, et votre organisation représente bien 90 p. 100 de l'industrie québécoise du bois d'oeuvre, n'est-ce pas?
[Français]
M. Jacques Gauvin: Oui, exactement. Nous avons tenu, à la fin du mois d'octobre, une assemblée générale spéciale de tous nos membres, qui portait spécifiquement sur ce sujet. Il a été décidé à l'unanimité d'entreprendre des démarches, de faire les gestes—et l'association a été mandatée en ce sens—de faire toutes les interventions nécessaires pour se diriger vers une mécanique de libre-échange avec les Américains, donc pour se distancer du système des quotas, pour le laisser tomber.
[Traduction]
M. John Duncan: Ce qui semble se produire, c'est que les provinces qui ne sont pas signataires, comme le Nouveau-Brunswick, expédient la quasi-totalité de leur production aux États-Unis et satisfont la demande intérieure en faisant appel à la production des provinces signataires. Ne serait-ce pas là en réalité un nouveau marché pour le Québec?
[Français]
M. Jacques Gauvin: La question des marchés de bois d'oeuvre n'est pas ma spécialité. Je suis davantage versé en pratiques forestières. Mais je crois comprendre que c'est effectivement une réalité nouvelle pour un certain nombre d'entreprises québécoises. Je n'ai pas de chiffres à cet égard, mais je pense que c'est effectivement la situation.
[Traduction]
M. John Duncan: En effet. Les marchés sont énormément faussés.
Vous avez parlé également d'autres produits comme l'acier, le béton et le plastique dont les producteurs discréditent les produits forestiers en utilisant l'argument de l'environnement. Avez-vous une preuve quelconque que ces secteurs financent effectivement d'autres groupes d'intérêts spéciaux pour nuire à votre industrie?
M. Jacques Gauvin: Il n'y a rien d'évident à cet égard. C'est certainement une question que certains se sont posée à certains moments. On a vu les efforts énormes que des groupes ont faits, entre autres dans le domaine de l'acier. Il y a eu des campagnes très importantes, notamment aux États-Unis. Évidemment, on a pensé que ce pays n'était certainement pas malheureux de voir notre foresterie et les produits forestiers du Canada ou du Québec faire l'objet de certaines attaques. Cependant, on n'a aucune preuve nous permettant de prétendre que des fonds ont été versés par ces groupes à ceux qui nous attaquent directement ou indirectement.
[Traduction]
M. John Duncan: Votre industrie ou votre association a-t-elle eu connaissance que des consommateurs posaient des questions, par exemple à la sidérurgie, au sujet de ses pratiques écologiques?
[Français]
M. Jacques Gauvin: Évidemment, je ne sais pas si les consommateurs s'interrogent à cet égard, mais on fait actuellement un effort au Canada, notamment par le biais des travaux du Conseil canadien du bois, mais aussi au moyen d'une campagne très spécifique dont vous avez certainement eu connaissance, dont le slogan est «Wood is good». Cette campagne vise à expliquer jusqu'à quel point le bois est un produit biodégradable et écologique qui a de nombreuses qualités, requiert beaucoup moins d'énergie pour sa production et a moins d'impact sur l'environnement que l'acier, par exemple. C'est une campagne toute récente et il y a encore énormément de travail à faire de ce côté.
J'ai l'impression que les consommateurs ne s'interrogent pas beaucoup là-dessus. Certaines des campagnes que l'on a connues et auxquelles je faisais allusion tout à l'heure utilisaient le raisonnement suivant, si ma mémoire est bonne: employer l'acier permet de sauver une telle portion de forêt. Je pense donc qu'il y a des efforts à faire de notre côté pour faire échec à une certaine désinformation du grand public.
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci, monsieur Duncan.
Monsieur St-Julien.
[Français]
M. Guy St-Julien: Je vais laisser la parole...
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): Oh, je vois.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie à mon tour, monsieur Gauvin, d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui. À en croire votre exposé, il est évident que le secteur forestier et tous les emplois qu'il crée en aval sont extrêmement importants pour la province de Québec.
J'aimerais avoir votre avis sur deux éléments.
Vous avez évoqué indirectement le film L'Erreur boréale. J'aimerais savoir si votre industrie a coordonné d'une façon ou d'une autre une réplique à ce film, ou si elle a constitué un budget pour recoller en quelque sorte les pots cassés. Nous avons entendu un témoin avant vous—vous l'avez peut-être entendu vous aussi—M. Graham, qui nous a dit pour sa part que ce film ne semblait guère avoir provoqué de réaction de la part des médias et du public. Ce n'était donc peut-être pas nécessaire, mais je me demande néanmoins si vous avez eu une réponse concertée.
Pour ce qui est de la certification, est-ce une bague de forestier que vous portez là? Êtes-vous vous-même expert forestier?
M. Jacques Gauvin: Oui.
M. Brent St. Denis: En effet, je vois votre bague.
Pour ce qui est de la question de la certification, il est évident que notre comité tient beaucoup à savoir ce que le secteur forestier canadien pense de ce qui se passe à l'étranger, des autres méthodes d'exploitation forestière et ainsi de suite, afin que nous ayons les moyens de préserver nos collectivités forestières et les emplois dans ce secteur. La province de Québec travaille-t-elle de concert avec l'industrie dans ce domaine de la certification? Qu'en est-il au Québec? Je n'en dirai pas davantage à ce sujet.
Merci, monsieur le président.
[Français]
M. Jacques Gauvin: Merci. Dans un premier temps, notre industrie a évidemment réagi au film L'Erreur boréale et à toutes les activités qui ont été provoquées par la Coalition sur les forêts vierges nordiques, dont vous avez d'ailleurs rencontré les représentants, je crois. Notre industrie y a réagi dans la mesure où elle s'est vue interpellée.
Il faut comprendre que ce film attaque tout le secteur de la foresterie québécoise: le gouvernement comme gestionnaire des forêts publiques, l'industrie et les ingénieurs forestiers. Il va encore plus loin en attaquant la faculté qui forme les ingénieurs forestiers au Québec. Il visait donc de nombreuses cibles.
• 1640
Notre industrie a
décidé d'intervenir. Nous ne voulions pas
remplacer le gouvernement, mais nous sommes intervenus
lorsque nous avons jugé qu'il nous appartenait de le
faire et nous avons cherché à
rétablir les faits. Nous avons multiplié nos
interventions et nous nous sommes engagés
dans de nombreux débats publics
à la radio, à la télévision et dans les journaux. Nous
avons invité, en tant qu'association provinciale et
en collaboration avec les industriels,
des journalistes à nous visiter sur le terrain partout
dans la province. Nous avons préparé
de la documentation afin de faire connaître davantage
nos pratiques forestières, puisque
c'est à ce niveau que notre industrie était attaquée.
Nous avons évidemment fait un monitoring de l'impact de ce film
sur les marchés puisque nous éprouvions certaines
craintes, telles celles qu'on a soulevées
tout à l'heure. Nous poursuivons encore
aujourd'hui ce monitoring afin de nous assurer que nous
saurions réagir adéquatement si jamais ce film avait des
répercussions en Europe, quoique les réactions ne
soient pas prononcées pour l'instant.
On constate toutefois que certains groupes, tels les Cris auxquels j'ai fait allusion tout à l'heure, profitent de l'émoi qu'a créé ce film pour prétendre que notre foresterie ne répond pas aux plus hauts critères de qualité, ce qui, je le répète, ne correspond pas à la réalité.
Nous avons donc entrepris une action multiple à divers niveaux. Nous avons parfois fait des représentations qui étaient plus près du terrain. Nous avons fait des représentations auprès de personnes très importantes, par exemple les députés des régions touchées à qui les commettants posaient des questions. Nous sommes intervenus au niveau des municipalités, qui éprouvaient de fortes inquiétudes puisque parmi les accusations qu'on propageait, on disait que l'industrie allait s'épuiser elle-même, qu'elle épuiserait la forêt et que, par conséquent, les villes et villages en seraient affectés. Nous sommes intervenus auprès des médias, auprès du gouvernement et auprès de la population. Ce fut un travail d'ensemble, assorti de quelques éléments de publicité. Nous avons participé à une campagne télévisée en collaboration avec l'Association canadienne de pâtes et papiers, qui avait déjà mis en place un programme. Nous y avons abordé nos préoccupations et parlé de la foresterie telle qu'elle se pratique au Québec et au Canada. Voilà donc un sommaire de ce que nous avons fait relativement à L'Erreur boréale.
Votre deuxième question portait sur la certification, un sujet qui s'avère important au Québec, dans presque toutes les régions du Canada et ailleurs dans le monde, et dont vous avez amplement discuté lors de vos séances précédentes. Le gouvernement du Québec n'est pas directement intervenu dans ce domaine, sinon comme collaborateur de divers comités qui abordent parfois la question de la certification. Je dirai qu'il n'est pas plus impliqué dans ces processus que ne l'est le gouvernement canadien. Comme vous l'indiquaient les témoins qui ont comparu tout à l'heure, les processus de certification de type ISO sont des processus privés, dans le cadre desquels on fait intervenir une tierce partie qui vient certifier des choses. Les gouvernements, y compris celui du Québec, ne sont pas actuellement impliqués dans ce domaine.
Le président: Merci.
Monsieur Cardin.
M. Serge Cardin: Merci, monsieur le président.
Vous avez soulevé plusieurs éléments. Avant d'être élu député, j'étais comptable et un de mes clients exploitait une entreprise qui fabriquait des manches en bois franc. Au cours des 20 années pendant lesquelles il a été mon client, j'ai constaté des fluctuations importantes des prix des fournisseurs, de même que des changements importants au niveau de l'approvisionnement. À chaque fois, on invoquait des problèmes d'approvisionnement et on disait que le bois était de plus en plus rare.
Selon ce que vous nous dites aujourd'hui, grâces à vos pratiques, il y a, de façon générale, un renouvellement constant de la forêt et probablement aussi, j'ose l'espérer, différentes essences de bois. Vous nous avez dit qu'il y avait un renouvellement de la forêt et que tout allait bien. Comment cette réalité se traduit-elle pour les gens qui fabriquent différents produits en bois?
M. Jacques Gauvin: Dans un premier temps, je suis porté à croire que l'entreprise dont vous parlez avait de toute évidence besoin de bois dur venant d'arbres feuillus. C'est un fait qu'il y a eu une époque à laquelle, au Québec, on n'a peut-être pas fait attention à l'aspect de la qualité de nos bois et à leur renouvellement, tant au point de vue de leur quantité que de leur qualité.
Le Québec forestier est immense et il est très majoritairement composé de forêts de résineux. La grande forêt boréale québécoise est une forêt de résineux. Nos essences principales sont des essences résineuses et notre industrie a été, au fil des ans, majoritairement orientée dans cette direction. Mais cela n'empêche pas le fait qu'il y a eu pendant longtemps et qu'il continue d'y avoir une industrie très importante dans le domaine des bois d'arbres feuillus, laquelle est davantage située au sud du Québec, où on retrouve ce type d'essences.
Malheureusement, à une certaine époque, on n'a peut-être pas veillé à préserver la qualité de ce patrimoine. Nos interventions dans les peuplements feuillus ont alors malheureusement été un écrémage, parce qu'on a évidemment d'abord coupé les arbres de meilleure qualité.
La forêt qui est demeurée est celle avec laquelle on vit aujourd'hui, parce qu'on parle ici d'un décalage de temps assez long. Je vous parle ici de la foresterie nouvelle au Québec qui est en place et qui a beaucoup changé au cours des 15 dernières années. Mais 15 ans dans la vie d'une forêt, en particulier dans la vie d'une forêt de feuillus, c'est très court.
Il y a déjà plusieurs années qu'on a constaté un déficit qu'il faudra combler dans des essences de qualité telles que le bouleau jaune, le chêne et les érables. Il faudra évidemment regarnir notre forêt d'arbres de qualité. Cette forêt est encore là et elle approvisionne encore plusieurs usines. C'est bien connu. Par contre, on sait aussi que plusieurs de nos usines qui sont dans le domaine des feuillus s'approvisionnent notamment dans le nord-est des États-Unis.
Alors, je crois qu'au Québec, on doit faire un effort particulier dans cette direction. Il faut toutefois se rappeler que cela reflète une réalité qui remonte déjà à plusieurs années, alors qu'on avait malheureusement peut-être agi de façon à diminuer la qualité. Nous devons avouer que nous n'avons pas pris toutes les précautions nécessaires et que nous avons de ce fait diminué la qualité de nos forêts de feuillus au Québec.
M. Serge Cardin: Vous avez parlé des résineux, et je crois que c'est un peu la même chose qui se produit. Vous dites que la forêt se régénère au sud, mais vous semblez de plus en plus monter vers le nord et les Cris font des interventions de plus en plus fréquentes. Devant ces faits, la population peut se demander si vos pratiques de gestion de la forêt contribuent vraiment au renouvellement des forêts de résineux.
Je vais vous poser tout de suite ma dernière question avant que le président ne m'interrompe.
Vous avez dit que les allégations que portaient certains groupes environnementaux étaient en quelque sorte des attaques à la profession d'ingénieur forestier. Mais à ce que je sache, il y a des ingénieurs forestiers tant chez les producteurs forestiers qu'au sein des groupes environnementaux, et il y a quand même des divergences d'opinions. On sait que de telles divergences existent également en économie: certains économistes prônent la souveraineté et d'autres, le fédéralisme. Ils ne s'entendent pas.
Les ingénieurs des groupes environnementaux et les vôtres se sont-ils réunis autour d'une table afin d'évaluer la situation et de déterminer la direction vers laquelle vous devriez ensemble vous orienter?
M. Jacques Gauvin: Lorsque vous avez posé votre première question, vous avez fait allusion au fait que la progression des coupes se dirige vers certaines régions plus nordiques, ce à quoi je reviendrai dans deux secondes. Cette progression ne présuppose pas qu'il n'y a pas régénération dans les endroits où il y a déjà de la récolte. Or, les chiffres qu'ont vérifiés récemment les fonctionnaires du ministère démontrent que là où on a fait de la récolte, la régénération est appropriée. Lorsque ce n'est pas le cas, on fait des opérations de regarnissage, si je puis dire, pour s'assurer que la forêt sera renouvelée.
• 1650
On ne doit pas tenter d'établir une équation et dire
que parce qu'on est rendu
au nord, il n'y a plus de forêts au sud. De fait, il y
a des forêts qui sont en croissance, des forêts
qui sont à maturité et des forêts qui seront
recoupées et qui suivront le cycle normal.
Puisqu'on parle de forêts à maturité, je rejoins votre questionnement pour ce qui est du nord. Au cours des années 1970-1972, le Québec a établi une politique forestière qui prévoyait d'intervenir dans un contexte bien particulier, soit un contexte économique, pour la mise en valeur de la ressource forestière, comme on l'avait fait au cours des années 1960 au niveau des ressources hydrauliques.
On a donné un deuxième tour de roue par rapport à cette politique avec l'adoption du régime forestier québécois qui est en place actuellement et qu'on a longtemps appelé le nouveau régime forestier québécois. Ce régime prévoyait qu'on devait utiliser la forêt pour le développement socioéconomique du Québec évidemment tout en préservant la capacité de support des forêts, le rendement soutenu, etc.
Or, on a à ce moment-là fait le constat qu'il y avait des possibilités de ce côté-là dans les zones plus nordiques qui n'avaient pas été touchées jusque-là et dont un bon nombre ne l'ont pas encore été. Il y a des zones de forêts matures et même surmatures, comme on dit, qui ne sont pas accessibles par route et dont le bois va malheureusement se perdre, au sens économique du terme.
Donc, le fait qu'on est rendus au nord ne présente pas un danger en soi. C'est une mécanique. De nombreuses villes québécoises sont situées dans la zone nordique du Québec et de nombreuses usines s'y sont développées au fil des ans et ont créé des emplois pour les gens de ces régions.
Je pense qu'il y a tout un amalgame de situations qui nous ont amenés à mettre en valeur des zones forestières qui ne l'étaient pas auparavant. Donc, je ne crois pas que ce soit nécessairement une mauvaise nouvelle.
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): Je vous remercie.
Monsieur Cardin, vous avez amplement dépassé votre temps de parole.
[Français]
M. Serge Cardin: Je sais que le temps dont je disposais est écoulé, monsieur le président, mais le témoin n'a toujours pas répondu à ma dernière question.
M. Jacques Gauvin: C'est vrai. Je m'excuse.
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): Voilà qui est fort intéressant.
[Français]
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin: Vous nous avez dit que L'Erreur boréale avait attaqué à peu près tout le monde. On aurait peut-être dû faire un film sur la pêche, à laquelle on a mis fin puisque les spécialistes n'ont pas fait un très bon travail. On ne peut sûrement pas les en féliciter. Je me suis permis de faire ce commentaire en passant.
Des membres de notre comité et moi nous sommes rendus en Colombie-Britannique. J'ai beaucoup apprécié les pratiques d'aménagement forestier de cette province. Lorsqu'une compagnie fait la coupe du bois, elle est tenue de reboiser la forêt, sans quoi le gouvernement assume cette responsabilité, engage lui-même les personnes qui feront le reboisement et envoie la facture à la compagnie. C'est une pratique que la Colombie-Britannique a adoptée et que j'ai trouvée super.
Quelles mesures a-t-on prises au Québec pour s'assurer qu'on n'attende pas, avant d'agir, que la population ou les environnementalistes portent des plaintes parce qu'une compagnie n'a pas reboisé une forêt? A-t-on mis en place un système afin de s'assurer qu'il y aura régénération et qu'on n'attende pas que la nature suive son cours, une excuse qu'on semble parfois vouloir invoquer? Dans votre discours, vous disiez que la nature prenait normalement sa place. Je crois toutefois qu'il arrive parfois que ce ne soient que des trembles qui repoussent dans une forêt. On peut dire que les arbres repoussent, mais ce ne sont peut-être pas les bons arbres.
J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus, s'il vous plaît.
M. Jacques Gauvin: Tout d'abord, le renouvellement de la forêt est une des exigences les plus importantes qu'on impose aux détenteurs de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier au Québec. Ils doivent assurer la remise en production, le renouvellement ou la régénération de la forêt. Les obligations auxquelles sont soumises les entreprises de la Colombie-Britannique sont exactement celles qu'on impose au Québec. Si la compagnie ne respecte pas ses obligations, le gouvernement intervient et le fait aux frais de l'entreprise en question. Il est clairement établi que le renouvellement de la forêt est un des principes fondamentaux du régime forestier en vigueur au Québec. C'est une obligation.
L'entreprise doit revenir quatre ans après la coupe, si ma mémoire est bonne. Il est facile de comprendre qu'on ne puisse pas faire une vérification immédiatement après la coupe, puisqu'il faut laisser à la forêt un certain temps. C'est compréhensible. Après quatre ans, l'entreprise doit revenir prendre des échantillons et faire des vérifications au sol, et si la régénération n'est pas suffisante, elle doit effectuer le reboisement pour que le forêt corresponde à ce qui existait auparavant.
• 1655
Maintenant, vous parlez de régénération naturelle par
opposition à plantation, mais nous, au Québec,
on a pris un virage avec le régime forestier. On
table davantage sur la régénération naturelle,
justement parce qu'elle est plus
naturelle. C'est la régénération qui est déjà en
place, celle qui est déjà établie, qui permet aux
arbres de pousser plus rapidement et qui correspond
à ce que la nature avait préparé pour le futur.
Donc, si on intervient dans la forêt, on coupe les arbres qui ont atteint la maturité, mais on laisse ceux qui étaient déjà là et on les protège pour remplacer la forêt naturellement. On pense qu'on agit de façon bien supérieure en termes de biodiversité et de diversité de la forêt et de respect de l'écosystème forestier.
C'est un virage qui a été fait au Québec et qui nous permet de dire à ceux qui parlent de biodiversité, avec raison, et qui nous comparent parfois à certains pays qui ont eu recours énormément à la plantation, mais où on retrouve des problèmes de biodiversité, qu'ils ont de belles forêts en rangs d'oignons, mais que la biodiversité est disparue. Au Québec, on a une stratégie de protection des forêts qui a fait l'objet de consultations publiques importantes dans toute la province. On a une stratégie qui vise à protéger la régénération naturelle des forêts. Je pense que bien d'autres organisations au pays et d'autres provinces regardent cela, parce que la meilleure chose à faire, c'est d'utiliser la nature elle-même, c'est-à-dire les arbres qui sont déjà en place.
M. Yvon Godin: J'ai une dernière question, monsieur le président. Hier, Home Depot disait qu'il favorisait la norme FSC. Cela me fait penser à une question que j'aimerais vous poser. Si on en vient à ce que des personnes achètent des produits de la forêt, pensez-vous que l'industrie au Québec dira que le gouvernement fédéral ou provincial a un rôle à jouer pour amener tous les intervenants à la même table afin de trouver des solutions, qu'il s'agisse de la norme FSC ou de quoi que ce soit d'autres, quelque chose qui serait reconnu mondialement afin que l'on soit en mesure de régler notre problème?
M. Jacques Gauvin: Je ne crois pas que les gouvernements doivent intervenir directement dans la question des processus de certification. Je pense que les gouvernements peuvent jouer un rôle de surveillance et suivre les dossiers de façon à apporter de l'information. D'ailleurs, on faisait allusion tout à l'heure à certaines analyses qui comparaient les différents systèmes de certification.
Je peux me tromper, mais je pense que cela a déjà été fait et je crois que le gouvernement canadien, par l'intermédiaire des gens du ministère des Ressources naturelles, et d'autres organisations non industrielles ont travaillé à cela. Ils ont surtout travaillé à faire en sorte que les gouvernements interviennent dans leur domaine. Ils peuvent nous aider le plus là où on utilise ce genre de processus pour créer des barrières commerciales non tarifaires afin d'intervenir sur les marchés en provoquant des groupes d'achat, etc.
L'attention doit porter sur les bonnes pratiques forestières, sur le respect de ce que ça peut comprendre, sur les éléments de développement durable, mais pas nécessairement sur des guerres de marchés avec des groupes qui utilisent cela afin de faire valoir leurs programmes politiques. Dans les faits, c'est de cette façon que les gouvernements peuvent intervenir, en surveillant ces pratiques commerciales et en venant nous aider, mais pas dans les processus eux-mêmes ou dans les discussions qui peuvent avoir lieu pour trouver des arrimages entre les divers processus.
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): Je vous remercie, monsieur Godin.
Monsieur St-Julien.
[Français]
M. Guy St-Julien: J'ai quelques questions. Je veux revenir sur la Convention de la Baie James et du Nord québécois, des Cris et des Inuits. On sait que le Québec est fiduciaire de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, tout comme le fédéral. On sait aussi que les Cris sont des résidants permanents du territoire de la Baie James, que ce soit le long de la Némiscau ou au nord de Matagami. On sait que les Cris sont des gens raisonnables. Ils n'ont jamais bloqué les routes pour provoquer l'arrêt complet de la foresterie. Ils vont toujours à la cour, et on sait qu'il y a un dilemme actuellement. Les Cris demeurent sur le territoire depuis des années. Ce sont des trappeurs et on sait que ce n'est pas facile. Nous, les Blancs, quand on passe dans ce secteur, on est juste de passage, puis on s'en va. Pensez-vous qu'un jour, il y aura une entente entre les Cris et les forestiers? Pensez-vous qu'il y aura vraiment une entente sur les opérations afin de respecter la Convention de la Baie James et du Nord québécois?
M. Jacques Gauvin: Écoutez, je ne pense pas qu'on ne respecte pas la Convention de la Baie James. Je ne suis pas un spécialiste et je ne me permettrai pas de porter un jugement sur le contenu de la convention et sur la façon dont elle peut être appliquée.
Ce qui est certain, et c'est le commentaire qu'on entend souvent, c'est que les industriels et les nations autochtones réussissent à s'entendre le plus souvent sur le terrain. C'est également vrai dans le cas des Cris. Il y a des ententes. Il y a même des entreprises conjointes qui existent, qui se sont développées entre des entreprises forestières au Québec, dans le domaine de la transformation. Dans le domaine du sciage, il existe deux usines, notamment une en Abitibi, Waswanipi, et il y en a d'autres qui viendront sur la Côte-Nord. Je crois que c'est un exemple qui démontre que lorsque les gens s'assoient ensemble et se parlent, ils peuvent finir par s'entendre.
Évidemment, lorsqu'on monte à un niveau que je qualifierais de plus macro, de plus politique, où il y a des enjeux qui relèvent plus de préoccupations ou de revendications juridiques, ce sont davantage les gouvernements qui sont interpellés. Là, on entre dans une arène différente et les règles du jeu deviennent extrêmement plus complexes que dans les situations que nos gens vivent sur le terrain. Je dirais qu'en tant qu'industrie, on ne se trouve pas là.
Je pense que l'industrie forestière québécoise est très ouverte et très consciente des besoins des nations autochtones. Elle est plus proche que n'importe qui d'autre de ceux qui travaillent sur les lignes de trappe ou ailleurs, des gens qui vivent ces réalités sur le terrain. Je crois que lorsqu'un bon dialogue est établi, des solutions sont trouvées. Ce n'est peut-être pas toujours le cas, mais ce l'est souvent.
Maintenant, lorsqu'il y a des situations comme celles qu'on connaît au Québec présentement, quand on prend un certain recul, qu'on s'éloigne des possibilités de dialogue et qu'on cherche à tout régler en même temps et à prendre des moyens de confrontation, nous n'avons pas les moyens d'agir pour aider. Nous sommes directement attaqués, mais nous sommes loin des personnes sur le terrain. On est rendu à un niveau global, qui touche davantage les gouvernements. On ne peut pas beaucoup intervenir, car c'est très difficile et extrêmement complexe.
Là où on a des difficultés énormes, c'est lorsqu'on transpose cela sur la scène internationale, qu'on essaie de faire en sorte que d'autres pays ou d'autres groupes interviennent pour régler nos situations, chez nous et qu'on prétend des choses qui ne sont pas vraies. On pense que c'est extrêmement dommageable. Cela ne sert la cause de personne et cela peut être très mauvais pour le Québec et même pour l'image du Canada en général.
M. Guy St-Julien: On estime qu'environ 2,7 p. 100 du territoire québécois est protégé comparativement à 9 p. 100 en Ontario. Plusieurs estiment qu'il est nécessaire d'accroître la protection de la forêt boréale, particulièrement dans sa portion nordique.
M. Jacques Gauvin: Vous dites 2,7 p. 100?
M. Guy St-Julien: Oui, 2,7 p. 100 du territoire québécois est protégé comparativement à 9 p. 100 en Ontario.
J'ai deux questions. Quelles seraient les conséquences de la mise en réserve d'une superficie importante de la forêt boréale nordique pour l'industrie? Et s'il y a une perte d'accès à la forêt boréale nordique, pourra-t-elle être compensée par une augmentation de la production dans les forêts plus au sud?
M. Jacques Gauvin: C'est une excellente question. Le dossier des aires protégées est important.
Toute comparaison est injuste. Premièrement, pour ce qui est du pourcentage que vous me donnez, soit 2,7 p. 100, il y a différents pourcentages qui circulent, qui tiennent compte de certaines catégories de territoires qu'on peut considérer ou ne pas considérer. Les chiffres du ministère de l'Environnement, donc d'un ministère qui a évidemment des préoccupations importantes à cet égard, sont davantage de l'ordre de 3,4 p. 100 ou de 3,5 p. 100, si ma mémoire est bonne. Ce sont les territoires officiellement protégés.
Il reste d'autres territoires qui, actuellement, font l'objet de prévisions pour des mises de côté en termes d'aires protégées. Cela pourrait faire grimper assez rapidement le pourcentage jusqu'à 6 p. 100 ou 7 p. 100.
C'est sûr que le Québec est en train d'élaborer une stratégie d'aires protégées pour en faire augmenter le pourcentage actuel. Cela touche entre autres la forêt boréale. Vous faites allusion à l'impact d'une telle action sur l'industrie forestière québécoise. On pense qu'il est inévitable que l'on augmente les aires protégées. Cependant, il faut le faire de façon intelligente et on participe à cela.
• 1705
Actuellement, l'Association des manufacturiers de
bois de sciage du Québec travaille avec le Fonds
mondial pour la nature.
Le Fonds mondial pour la nature est un instigateur
important des aires protégées à l'échelle mondiale et
canadienne, avec sa campagne Espaces en danger.
On travaille avec eux parce qu'on pense qu'il est
nécessaire qu'il y ait davantage d'aires protégées.
On pense que ça doit être fait sur une base
scientifique, en
utilisant tous les outils et stratégies qui sont à
notre disposition afin de minimiser l'impact
économique. Le Fonds mondial pour la nature est
d'accord sur cela.
Nous ne sommes pas les seuls à penser que l'économie des régions d'un pays ou d'une province est importante, que les emplois sont importants et que la mise en valeur du patrimoine forestier est importante. Ces gens-là pensent la même chose que nous. Évidemment, ils ont des préoccupations au niveau de la biodiversité.
Alors, on travaille à cela et on pense qu'on va trouver des façons d'atténuer les impacts. Il y en aura sans doute. C'est difficile à évaluer à ce moment-ci. On parle de superficies relativement importantes, mais on a l'impression qu'on a des stratégies et suffisamment d'imagination pour intervenir de manière à minimiser l'impact de ces mesures. Cela peut prendre la forme de ce que l'on appelle la foresterie plus intensive, ce qui nous permettrait d'obtenir un rendement accru de nos forêts, entre autres, et permettrait de compenser, dans une certaine mesure, pour des territoires qui ne feraient plus l'objet de récoltes puisqu'ils seraient désignés aires protégées.
M. Guy St-Julien: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): Je vous remercie.
Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Gauvin, je voudrais vous remercier de votre intervention cet après-midi et vous dire également que cela fait grand plaisir d'entendre un expert forestier qui travaille sur le terrain, et qui comprend parfaitement ce qui se passe. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir ainsi donné de votre temps.
[Français]
M. Jacques Gauvin: Merci infiniment. Ça a été très intéressant et je vous souhaite une bonne poursuite de votre travail.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci.
[Traduction]
Je voudrais maintenant rappeler à tous les membres du comité que nous nous réunissons à nouveau demain dans 11 h à la salle 362 de l'édifice de l'Est. Je voudrais vous demander, en mon nom personnel, d'être là bien à l'heure parce que vous allez devoir me supporter en tant que président.
M. John Duncan: Veuillez me rappeler qui sont les témoins, demain?
Le vice-président (M. Julian Reed): Nous allons entendre trois représentants de l'IWA.
M. John Duncan: Comment ai-je pu l'oublier? Maintenant je sais que je suis fatigué.
Le vice-président (M. Julian Reed): La séance est levée.