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NRGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS

COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 29 mars 2000

• 1542

[Traduction]

Le vice-président (M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne)): La séance est ouverte.

J'invite M. Coon à se présenter à la table.

Chers collègues, aujourd'hui nous poursuivons notre étude des pratiques d'aménagement forestier au Canada en compagnie de M. David Coon, représentant du Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick.

Nous allons entendre tout de suite votre exposé, qui devrait durer une dizaine de minutes et ensuite, nous passerons aux questions et réponses. Veuillez commencer votre déclaration.

M. David Coon (directeur des politiques, Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur le président.

Mon exposé dure généralement plus de dix minutes, mais je sais que vous souhaitez habituellement que les exposés ne dépassent pas ce délai. Je ferai donc de mon mieux parce que je suis impatient de participer à la discussion qui suivra.

Une particularité remarquable des forêts du Nouveau-Brunswick, qui explique que je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, c'est qu'elles sont exploitées intensivement depuis 1805. Et quand je dis «intensivement», le terme est bien choisi. Il est difficile d'imaginer l'incidence qu'a pu avoir la récolte manuelle au XIXe siècle.

Pourquoi? Pour des raisons historiques. Lorsque Napoléon a imposé son blocus sur les ports de la Baltique, en 1805, la Grande- Bretagne a été privée d'une importante source de bois d'oeuvre et elle s'est tournée vers le Canada et en particulier le Nouveau- Brunswick. Le rythme de l'exploitation forestière s'est accéléré à partir de ce moment-là et n'a jamais ralenti depuis.

Chose intéressante, cette exploitation d'une ampleur phénoménale a suscité aux environs de 1840 énormément de remous au sein de l'Assemblée législative provinciale. Il y a eu d'âpres débats au sujet de la durabilité des forêts et des pratiques forestières appliquées à ce moment-là au Nouveau-Brunswick, au point que le lieutenant-gouverneur de l'époque a commenté la situation. Cette question ne passionnait pas uniquement les députés de l'Assemblée législative.

Quelques décennies plus tard, dans les années 1880, les élus provinciaux ont été saisis d'une proposition sérieuse, qui a été adoptée mais jamais proclamée, visant à établir une grande réserve sauvage dans les Appalaches, dans le centre-nord du Nouveau- Brunswick.

On voit donc—et c'est fascinant—, que les inquiétudes au sujet de la durabilité de nos forêts ne datent pas d'hier. Bien entendu, dans les années 1840, les craintes visaient l'approvisionnement en bois, notamment pour ce qui est de l'épinette rouge et du pin blanc.

• 1545

Aujourd'hui, les craintes relativement à l'approvisionnement en bois concerne rien de moins que l'approvisionnement en matière ligneuse provenant d'une grande variété d'essences nécessaires pour appuyer le niveau de transformation qui a cours dans la province. Il va de soi que l'on s'intéresse également à la durabilité des ressources sauvages que l'on retrouve sur des territoires relativement petits disséminés dans toute la province. D'ailleurs, il se fait beaucoup de travail en collaboration avec les autorités provinciales dans ce dossier à l'heure actuelle.

Nous nous préoccupons tout particulièrement des terres publiques, des ressources forestières communes. Au Nouveau- Brunswick, les terres publiques représentent près de la moitié des terres boisées. Le plus important et le plus éclairant pour les provinces qui se sont lancées beaucoup plus tard dans l'exploitation forestière intensive, c'est que nous constatons maintenant un déclin de nos forêts publiques. Ce phénomène est très manifeste dans la baisse de l'abondance et de la répartition d'un certain nombre d'essences, mais aussi de types entiers de forêt. Il y a une telle perte de diversité qu'à une conférence importante organisée dans notre région dans le contexte de la Table ronde du premier ministre sur l'environnement et l'économie, Mme Judy Loo, du Service canadien des forêts, a avancé que nos pratiques forestières ont fort probablement influé sur la fonction écosystémique.

Dans la discussion sur l'exploitation durable de la forêt, il importe de préciser ce que nous tentons de soutenir. Dans le contexte du Nouveau-Brunswick, ce sont deux choses: premièrement, sur le plan forestier, nous souhaitons assurer le sain fonctionnement de la forêt. Si nous voulons que la forêt produise du bois, si nous voulons assurer la pérennité de l'approvisionnement en matière ligneuse de la forêt, il faut se demander si le cycle des nutriments se poursuit de façon optimale. Il faut se demander si le système tout entier peut continuer de survivre en tant que système autorégulé bénéficiant de la capacité de renouvellement prévu par le Créateur.

Voilà le genre de questions qui occupent le devant de la scène au Nouveau-Brunswick sur le plan de la foresterie. À cela s'ajoutent les préoccupations des populations qui constatent l'impossibilité croissante des ressources forestières de soutenir les collectivités qui dépendent de la forêt. Vous devez savoir une chose qui est à la fois intéressante et inquiétante, soit qu'au beau milieu des vastes terres publiques de la province se trouvent des collectivités qui affichent des taux de chômage parmi les plus élevés de la province.

Si vous connaissez bien le Nouveau-Brunswick ou si vous vous y êtes rendus en voyage, sachez que le travail a énormément diminué à Boiestown, à Doaktown et dans cette partie de la vallée de la Miramichi. De nombreux facteurs expliquent le phénomène, le moindre n'étant pas la mécanisation.

D'un point de vue communautaire, c'est intéressant car cela amène les gens à... Nous faisons énormément de travail sur le plan de la gestion des pêches. En guise d'analogie, c'est comme si les pêcheurs côtiers n'étaient pas en mesure d'aller pêcher parce qu'un énorme chalutier avait accès aux ressources halieutiques et faisait la navette pour les exploiter. Ils devraient rester sur le quai, dépossédés de leur travail, regarder quelqu'un d'autre exploiter ces ressources.

C'est ce qui se produit dans certaines des collectivités qui dépendent de la forêt qui n'ont pas... Particulièrement en ce qui a trait au travail de foresterie sur le terrain.

Dans toutes ces discussions concernant l'exploitation durable de la forêt, il importe de s'entendre sur ce que nous tentons de soutenir. Est-ce un simple inventaire de la matière ligneuse? Dans ce cas, la discussion est intéressante, mais plus simple. Lorsqu'il s'agit de déterminer si l'on a prévu des marges d'erreur suffisantes en vue de l'application de modèles... Nous connaissons les problèmes liés aux modèles dans la gestion des ressources. On l'a constaté avec l'effondrement de la morue.

Nos modèles, nos hypothèses sont-ils suffisamment prudents? Existe-t-il un système efficace de planification de la gestion qui nous permette d'avoir certaines certitudes quant aux approvisionnements futurs et quelle sera l'incidence de la sylviculture? Ces questions suscitent des débats sérieux, mais relativement simples.

• 1550

Toutefois, la discussion se complique passablement si nous voulons à la fois assurer la santé écologique des forêts, c'est-à- dire leur capacité de fonctionner, de fournir des services environnementaux aux habitants de la planète et de garantir l'avenir des collectivités qui dépendent de la forêt.

En ce moment, au Nouveau-Brunswick, lorsqu'on regarde la situation d'un point de vue écologique, force nous est de constater que la politique forestière actuellement pratiquée sur les terres publiques ne vise pas à assurer la pérennité de la forêt, et c'est malheureux. En fait, la semaine prochaine de nombreux intervenants doivent se rencontrer: les travailleurs des scieries, les pêcheurs et les chasseurs, représentés par la Fédération de la Faune, nous- mêmes, le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, qui est un groupe environnemental provincial, la Fédération des propriétaires de lots boisés, que vous avez entendue la semaine dernière, la Fédération du travail et quelques groupes autochtones. Nous allons nous pencher sur l'état de santé de la forêt sur les terres publiques et exprimer nos opinions respectives quant à l'orientation que devrait prendre la gestion des ressources forestières communes. Ce sera très intéressant. C'est la première fois que nous nous assiérons tous à la même table pour discuter de ces problèmes. En outre, il y aura des personnes ressources qui prononceront des allocutions.

Dans mon mémoire, je cite quelques exemples du déclin de la forêt sur le plan de la diversité et j'explique les conséquences de ce déclin pour le sain fonctionnement de la forêt ou de l'écosystème. Les autorités provinciales, le ministère des Ressources naturelles et le Service canadien des forêts, anciennement Forêts Canada, travaillent à redresser la situation.

L'un des problèmes au Nouveau-Brunswick tient au fait que toutes les terres publiques sont administrées sous licence par environ huit entreprises qui possèdent des scieries dans la province.

Il y a plusieurs années maintenant, lorsque Romeo Leblanc était ministre des Pêches, je me souviens qu'il a déclaré que les transformateurs devraient transformer et les pêcheurs pêcher. Mais ce n'est pas ce qui se passe dans le domaine de l'exploitation forestière au Nouveau-Brunswick. Les transformateurs se mêlent de gestion forestière et appliquent aux forêts sur les terres publiques une gestion taillée sur mesure pour répondre aux besoins des scieries au lieu de gérer la forêt pour en assurer la santé, la vigueur et la diversité, ce qui favoriserait une variété beaucoup plus grande de produits forestiers que celle que nous avons maintenant.

En assumant une gestion essentiellement agricole, on crée le genre de problèmes dont j'ai parlé. Évidemment, la gestion contemporaine est très différente de celle du XIXe siècle, mais ce qui est intéressant, c'est cette approche de gestion appliquée aux terres publiques depuis, disons, 25 ans. Essentiellement, elle a perpétué les tendances qui avaient pris naissance au XIXe siècle. Je n'entrerai pas dans les détails; vous les trouverez dans le mémoire.

Que faire? Chose certaine, le Conseil partage l'opinion souvent exprimée par le président de la Fédération des propriétaires de lots boisés, à savoir que nous devrions gérer la forêt pour sa santé et la vigueur des espèces naturelles présentes sur les terres publiques. Fait intéressant, le Nouveau-Brunswick compte un grand nombre de propriétaires et d'exploitants contractuels de boisés, représentant 30 p. 100 des terres boisées, qui ont accumulé une somme considérable d'expérience et de connaissances en matière d'exploitation douce de la forêt. C'est le genre de souci qui anime les propriétaires d'un lot boisé qui appartient à la famille depuis des générations. Nous essayons de faire en sorte que ces lots pourront continuer d'être exploités pour permettre aux générations à venir soit d'en tirer leur subsistance soit, s'ils sont petits, de servir de source de revenu d'appoint.

Il existe un riche bagage d'expérience à cet égard. Fait positif, nous collaborons avec la Fédération des propriétaires de lots boisés pour sensibiliser la population aux pratiques exercées sur les lots boisés privés pour faire du travail accompli sur ces lots un peu partout dans la province un exemple d'une démarche différente en matière de planification forestière qui est moins nuisible à l'environnement mais tout de même rentable sur le plan économique. Ces propriétaires de lots peuvent assurer leur subsistance en employant de telles méthodes, ce qui vaut également pour les contractuels. D'ailleurs, nous allons également dresser le profil de ces travailleurs. C'est une question qui met en cause les moyens de subsistance. Nous sommes très excités par ce travail de publicité que nous faisons.

Je reviens à la gestion forestière sur les terres publiques au Nouveau-Brunswick. En gérant la forêt pour répondre aux besoins des scieries, nous mettons énormément l'accent sur la production calculée en volume, et c'est ce qui fait problème sur le plan de la durabilité des ressources forestières. Il convient d'abandonner cette perspective axée sur la production calculée en volume et rechercher un meilleur équilibre entre la valeur et le volume. Cela peut sembler bizarre exprimé de cette façon, mais je veux dire par là qu'il convient d'augmenter le nombre de produits forestiers issus des terres publiques grâce à des arbres de plus grande valeur, des arbres de grand diamètre, des essences qui sont plus valables que certaines autres, et cesser d'essayer de maximiser le volume et le rendement pour fournir des volumes considérables de matière ligneuse. C'est ainsi que nous pourrons régler certains des problèmes liés à la pérennité du patrimoine forestier.

• 1555

À mon avis, le Nouveau-Brunswick est placé dans une position enviable pour réaliser cet objectif pour un certain nombre de raisons. Premièrement, le Canada a signé la Convention sur la biodiversité, de sorte que nous ne devrions pas être désavantagés face à nos concurrents étant donné que nous sommes tous censés mettre en oeuvre cette convention visant à assurer la durabilité des écosystèmes, notamment des forêts.

Le Canada dispose de l'impressionnante Stratégie nationale sur les forêts, qui découle de l'entente nationale sur les forêts. En fait, il s'agit là du cadre que les autorités provinciales souhaitent utiliser pour élaborer leurs buts et objectifs à l'égard des terres publiques. Cependant, sur le plan de la mise en oeuvre, ce n'est pas encore tout à fait ça.

Est aussi disponible le système de planification de la gestion des forêts, qui pourrait ouvrir la voie à des progrès en ce sens. Sur le plan de la planification de gestion, il s'agit d'un système valable et, comme je l'ai dit, nous pouvons compter sur l'expérience accumulée par de nombreux intervenants sur le terrain.

Nous avons également un système de classification écologique des terres, ce qui est absolument nécessaire pour assurer une planification de gestion des forêts conforme à l'écologie. L'une de nos plus importantes sociétés, la société Irving, commence à appliquer cette méthode sur ses terres privées, et je pense que le gouvernement provincial commence à s'orienter dans cette direction. À l'origine, ce système avait été conçu pour assurer la protection de certaines zones et non la gestion des forêts, mais on peut l'y appliquer sans problème.

En tant que groupe environnemental composé de citoyens, notre réflexion concernant la sylviculture... Bon nombre de nos efforts visent à promouvoir la réforme de l'actuel régime d'occupation et d'exploitation des terres sur les terres publiques, afin d'intégrer à la gestion une approche communautaire qui conférerait aux collectivités du Nouveau-Brunswick et à leurs habitants un plus grand droit de parole en ce qui concerne l'exploitation des ressources situées sur ces terres. Il va sans dire que, parallèlement, cette participation donnerait le coup d'envoi à la gérance qui découle de ce type de gestion et de responsabilité communautaires.

De toute évidence, la réalisation de cet objectif passe par de nouveaux arrangements institutionnels au niveau régional, mais nous sommes très excités à cette idée. C'est le type d'approche de gestion des ressources sur lequel débouche tous nos efforts dans ce domaine, qu'il s'agisse des pêches ou des forêts. C'est un mouvement qui prend de l'ampleur, non seulement au Canada mais dans le monde entier.

Nous constatons des signes encourageants. Pour la première fois, dans le cadre de son prochain plan quinquennal commençant en 2002, le gouvernement provincial exigera des titulaires de permis d'exploitation des forêts sur les terres publiques qu'ils atteignent leurs premiers objectifs sérieux en matière de biodiversité. C'est intéressant. Il s'agit là de mesures timides, mais elles sont fondées sur des bases scientifiques et représentent un changement fort encourageant par rapport à ce que nous avons vu dans le passé.

Cela dit, une vision à plus long terme ainsi qu'une volonté politique manifeste s'imposent pour faire progresser le dossier. Le gouvernement actuel, le nouveau gouvernement, s'est engagé à effectuer un examen détaillé de l'exploitation des terres publiques, de sorte que cela représente encore une fois une occasion propice au changement.

Enfin, j'aborderai le fait que la coupe du bois par les Autochtones est devenue une réalité sur les terres publiques. À l'heure actuelle, les collectivités autochtones détiennent une allocation de 5 p. 100 de la coupe annuelle autorisée, mais le 5 avril, le juge Lourdon décidera si la décision Marshall s'applique ou non à la coupe du bois. Quoi qu'il en soit, indépendamment de sa décision, le fait que l'exploitation forestière autochtone est maintenant partie intégrante des activités sur les terres publiques suscitera à mon avis d'autres réformes en termes d'accès et de pratiques de gestion.

• 1600

En ce qui a trait au rôle du gouvernement fédéral, toute tentative de mener des campagnes de relations publiques qui ne donnent pas une idée juste de ce qui se passe nous inquiète au plus haut point. Comme je l'ai dit, nous estimons que l'exploitation forestière pratiquée sur les terres publiques au Nouveau-Brunswick à l'heure actuelle n'est pas axée sur la durabilité des ressources, mais en tant qu'organisme provincial de protection de l'environnement, de concert avec de nombreux autres intervenants de la société civile, nous travaillons d'arrache-pied à changer les choses.

Au sein du gouvernement même, on semble réagir, non seulement à nos instances, mais à celles des propriétaires de lots boisés et d'autres intervenants, y compris les commissions de planification communautaire qui, croyez-le ou non, s'intéressent à la foresterie. Nous avons encore une longue route à parcourir, mais il est intéressant de voir de quelle façon la gestion des forêts est susceptible de changer dans notre province.

Quant au gouvernement fédéral, il devrait consacrer plus d'argent à la recherche sur l'écologie forestière. En effet, les travaux de recherche menés par Forêts Canada au sujet de l'écologie forestière, de la biologie de conservation ainsi que des questions liées à la conservation des forêts et des ressources sont éminemment précieux. Aucun autre organisme au Canada ne fait ce genre de travail.

Il y a, à Fredericton, un important centre régional de recherche très utile, mais j'estime qu'il mérite davantage de soutien. À une ou deux reprises, nous l'avons presque perdu à la suite de diverses réorganisations administratives et de divers budgets au fil des ans, mais c'est une ressource irremplaçable. Cependant, le centre doit cibler davantage son action et, évidemment, être mieux financé.

Il importe aussi que le gouvernement fédéral continue d'appuyer le programme des forêts des Premières nations, par l'entremise du Service canadien des forêts. Cette expérience a été très positive au Nouveau-Brunswick.

Steve Ginnish, un de mes collègues de Eel Ground, collectivité micmaque de la Miramichi, a été fort actif dans ce dossier puisqu'il est chef des activités forestières à Eel Ground. Si vous avez l'occasion de l'inviter à comparaître devant votre comité, je vous recommande fortement de le faire. Ce qu'on essaie de réaliser là-bas est très impressionnant. Steve Ginnish et sa communauté ont été à l'origine d'un mouvement dans les collectivités autochtones du Nouveau-Brunswick. Ils ont joué un rôle de chef de file dans l'application de méthodes de gestion forestière durable en vue d'augmenter l'indépendance économique et les débouchés des habitants de ces communautés.

Enfin, j'estime qu'il faut aider convenablement les collectivités qui dépendent de la forêt et permettre aux propriétaires de lots boisés de devenir les gardiens qu'ils souhaitent être. En ce qui concerne les ressources foncières, il va de soi qu'il faut en prendre le plus grand soin. Pour ce faire, il faut être motivé. Il faut savoir comment s'y prendre; c'est autre chose. Mais il faut aussi être en mesure de se le permettre sur le plan financier.

Chose certaine, nous appuyons les recommandations que la Fédération des propriétaires de lots boisés vous a soumises la semaine dernière. Ce sont des recommandations fort valables. Je ne les ai pas reprises spécifiquement dans mon mémoire. J'en ai simplement glissé un mot dans ma déclaration. Assurément, elles contribueraient à la réalisation de nos objectifs de même qu'à ceux des propriétaires de lots boisés. Après en avoir pris connaissance, vous constaterez sans doute qu'elles sont aussi susceptibles d'aider à long terme les collectivités qui dépendent de la forêt.

Voilà les observations que je voulais vous communiquer. Nous vivons une situation intéressante au Nouveau-Brunswick. Nous avons une longue histoire. La province est petite, de sorte que tout le monde connaît tout le monde. Tous les intervenants dans ce dossier se connaissent. Je ne dis pas que nous n'avons pas d'affrontements importants, que nous n'avons pas des différences d'opinions marquées mais par exemple, les bûcherons de la Miramichi qui avaient des problèmes sur le terrain concernant la récolte nous ont demandé d'aller jeter un coup d'oeil. Ces bûcherons ont invité David Suzuki à venir sur place et à prendre la parole dans le cadre d'une levée de fonds pour le Conseil de conservation du Nouveau- Brunswick, notre organisme.

La dynamique au Nouveau-Brunswick est peut-être quelque peu différente, particulièrement si l'on compare à ce que vous avez vu sur la côte Ouest ou à ce à quoi vous êtes habitués. Les divers acteurs ne sont pas aussi polarisés que sur la côte Ouest. Je ne porte aucun jugement, mais j'essaie de vous donner une idée de la façon dont les choses évoluent au Nouveau-Brunswick. Nous attendons avec impatience la semaine prochaine, alors que se rencontreront toutes les parties qui s'intéressent à l'exploitation forestière et qui souhaitent faire progresser le dossier.

Merci.

• 1605

Le vice-président (M. David Chatters): Merci, monsieur Coon. Vous avez effectivement étiré ces dix minutes.

Nous allons d'abord donner la parole à un représentant de l'opposition. Monsieur Duncan.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Serait-il possible pour moi de poser ma question étant donné que j'ai une autre réunion, si cela ne vous dérange pas?

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Faites donc.

M. Yvon Godin: J'apprécie votre geste. Merci.

[Français]

Bien que je ne sois pas de ceux qui donnent le plus de mérite à la compagnie Irving, il y a un domaine où ça ne me dérange pas de le faire: c'est celui de la reproduction du bois. Je pense qu'il faut reconnaître qu'ils peuvent se vanter de ce qu'ils ont fait au Nouveau-Brunswick.

D'après votre expérience—et corrigez-moi si ce que j'ai dit n'est pas exact—, combien d'autres endroits y a-t-il au Nouveau-Brunswick où la situation n'est pas la même? Que pourrait faire le fédéral pour essayer de changer l'attitude de certaines compagnies? Je peux même utiliser un exemple assez proche, au nord-est du Nouveau-Brunswick. Vous êtes pas mal au courant de ce qui se passe dans la région acadienne. Qu'est-ce que le fédéral pourrait faire? Par exemple, il y a la forêt modèle: est-ce que ce serait une bonne façon de faire que d'implanter dans la région une forêt modèle et de voir comment ça marche, et ensuite de l'étudier comme ça été fait dans le sud de la province? Je pense à Rivière-du-Loup, à Hussar et à d'autres régions du pays où il y a eu des forêts modèles. Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider à changer l'attitude de certaines personnes à ce sujet?

J'ai un autre commentaire à faire sur la coupe à blanc. Le nouveau gouvernement veut faire des changements du côté du stumpage. Il veut aussi exiger que les coupes de bois qui sont faites soient rapportées. Je me suis rendu compte que sur certaines terres privées, on a fait des coupes à blanc au cours des dernières semaines pour éviter de devoir respecter ces changements. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus.

[Traduction]

M. David Coon: Lorsque vous parlez de terres privées, parlez- vous des propriétaires de lots boisés ou...? Vous parlez des propriétaires de lots boisés.

Deux choses. Comme tout bon Néo-Brunswickois, j'essayais d'écouter d'une oreille en français et de l'autre, la traduction. Par conséquent, je suis un petit peu mélangé.

M. Yvon Godin: C'est ce qu'on appelle être bilingue.

M. David Coon: C'est ce qu'on appelle être bilingue dans le comté de Charlotte, je suppose.

En ce qui a trait aux lots boisés privés, il y a effectivement toutes sortes de problèmes. Je n'ai pas voulu en parler d'abondance<, mais effectivement, il existe à cet égard divers problèmes.

L'un d'eux remonte à la récession. À l'époque, la loi provinciale a été modifiée avec le résultat que les organisations de propriétaires de lots privés ont perdu la capacité de jouer un rôle sérieux dans la gestion forestière des lots boisés privés de leur région. Essentiellement, ils ont perdu l'unique point de vente que représentaient les offices de commercialisation. Ils ont également perdu leur pouvoir de négocier les prix avec les grandes entreprises forestières. J'ajouterai qu'à l'époque, nous avions soulevé auprès des propriétaires de lots boisés les conséquences négatives que cela aurait et, dans certains cas, certaines mesures ont été acceptées. Ça, c'est un problème.

Un autre problème, c'est que la province vend au plus offrant des petits boisés récupérés il y a quelques années par suite de ventes à défaut de paiement des impôts et, bien sûr, l'acheteur les veut uniquement pour en abattre tous les arbres.

Ce sont donc les genres de préoccupations que nous avons à propos des terres privées, mais nous disposons d'un bon réseau d'organisations de propriétaires de boisés de toute la province—un bon système d'offices de commercialisation, un bon système de prolongement. Nous appuyons le travail qu'ils effectuent sur les terres privées. En fait, nous louons leur étage dans notre bâtiment, si bien que nous entretenons d'étroites relations de travail, au sens littéral du terme.

Toutes ces questions se posent au sujet des terres privées. Dans le cadre de notre projet, nous espérons, je crois, souligner ce qu'il y a de plus positif au niveau des terres privées, ce qui encouragera davantage d'entrepreneurs et de propriétaires de boisés à adopter ces approches. Divers obstacles se dressent et je crois que les propriétaires de boisés, lorsqu'ils étaient là la semaine dernière, en ont parlé et ont fait quelques suggestions sur la façon dont on pourrait les surmonter.

Dans le Nord-Est, dans la péninsule acadienne, etc., sur la Miramichi et sur la côte Nord, le fait que les gens aient perdu accès aux terres publiques depuis 1982 pose l'un des plus gros problèmes. Il y a des gens qui ont besoin d'un emploi et qui ne peuvent travailler sur les terres publiques, pendant que des sociétés font de la coupe dans leur arrière-cour.

• 1610

Je pense que les gens vont de plus en plus militer localement dans ces régions; c'est d'ailleurs ce dont s'aperçoit déjà le gouvernement provincial.

Beaucoup de villes sont dominées par une seule industrie tandis que peu de sociétés, comme la société Irving, exercent beaucoup d'influence politique dans la province à cause de leur importance économique.

Il est donc difficile pour les gouvernements provinciaux d'avoir la marge de manoeuvre dont ils ont besoin et c'est pour cela qu'il est d'autant plus important pour les gens des localités de s'organiser pour faire avancer les choses. C'est la raison pour laquelle nous avons fortement participé à l'organisation de cette manifestation prévue la semaine prochaine et qui doit réunir tous les exploitants forestiers, les propriétaires de boisés, les environnementalistes, les chasseurs et les pêcheurs, etc. de la province afin d'examiner les mesures à prendre.

Le vice-président (M. David Chatters): Monsieur Provenzano.

M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Merci, monsieur le président.

Vous avez parlé des localités qui dépendent des ressources forestières et indiqué que l'exploitation durable de la forêt suppose des forêts durables et que, pour avoir des forêts durables, il faut adopter de bonnes pratiques de gestion du bois.

Je crois qu'il est juste de dire que dans la plupart des régions du pays, les pratiques de gestion du bois ne sont pas équivalentes aux pratiques de gestion écosystémique. Je ne sais pas où nous en sommes à cet égard, mais nous sommes loin d'assurer la gestion écosystémique. Gestion forestière et gestion écosystémique ne sont pas des termes synonymes.

Vous avez fait quelques observations intéressantes au sujet de la notion de valeur par opposition à celle de volume. Par contre, si vous optez pour ce système, il faudrait renoncer à la coupe à blanc. Je ne crois pas que la coupe à blanc ferait l'affaire. Même dans le cas contraire, si l'on passait du volume à la valeur, quelles en seraient les conséquences en matière d'approvisionnement, ne serait-ce qu'au Nouveau-Brunswick? Si vous étiez en mesure de mettre en oeuvre ce que vous proposez, qu'arriverait-il en matière d'approvisionnement du marché du Nouveau-Brunswick?

M. David Coon: De toute évidence, le volume global serait réduit. Pour ce qui est des pratiques forestières elles-mêmes, cela dépendrait de la partie de la forêt dont vous parlez. Si vous adoptez ce genre d'approche, certaines régions de notre province se prêtent à un genre de gestion de forêt équienne où une sorte de coupe à blanc est ce qui convient le mieux—non pas les coupes à blanc typiques auxquelles vous pourriez penser, mais un genre de gestion de forêt équienne—uniquement en raison des caractéristiques de la forêt. En effet, même si le Nouveau- Brunswick est une petite province, la diversité qu'on y retrouve est incroyable.

Dans d'autres parties de la province, c'est la coupe sélective qui représenterait la meilleure façon de gérer ces forêts. C'est très simpliste, dit noir sur blanc, mais c'est le cas. Cela dépend tout simplement de la situation.

Ce que je veux dire, c'est que nous finirons par avoir des régions qui mettraient davantage l'accent sur le volume et des régions qui mettraient davantage l'accent sur la valeur, où la valeur est ajoutée non pas seulement au produit final, mais aussi aux boisés grâce aux genres de gestion et d'exploitation forestière adoptés pour obtenir les espèces et les tailles souhaitées.

Cette sorte de transition va prendre un certain temps; elle ne va pas se produire du jour au lendemain. Nous avons actuellement une façon particulière de faire les choses qui pose divers problèmes. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton, mais plutôt d'avoir une vision et des politiques pertinentes à long terme qui nous donneront une nouvelle orientation, si bien qu'au bout du compte, nous arriverons à mieux équilibrer ces deux notions.

Le fait est que la fermeture des grosses usines au cours de la prochaine décennie va entraîner une rationalisation au niveau du volume. L'Association canadienne des pâtes et papiers, dans le contexte de l'est du Canada, a prévu une rationalisation assez importante—c'est le terme qu'elle emploie—pour diverses raisons.

• 1615

Pour ce qui est de l'économie du Nouveau-Brunswick, il ne s'agit pas d'être pris au dépourvu. En effet, qu'adviendrait-il? Quelques usines subsisteraient et le reste de l'économie forestière serait en lambeaux. On se demande véritablement si certaines de ces usines ne s'en rendent pas compte et ne font pas tout ce qu'elles peuvent en ce moment pour achever leur besogne. Il ne nous resterait alors que fort peu de choses.

M. Carmen Provenzano: J'ai une autre question. Il semble assez évident que l'on ne peut pas parler de régénération forestière en pensant uniquement à la régénération des arbres. La forêt est plus que les arbres. On parle de la capacité de régénération de l'écosystème lui-même, qui permet d'assurer la durabilité de la forêt à plus long terme.

Une voix: Vous avez parfaitement raison.

M. Carmen Provenzano: Vous attendez-vous à un grand pas en avant et pensez-vous que les intervenants vont venir ici parler des points que vous soulevez? Nous opterions en fait pour la gestion écosystémique; nous adopterions des pratiques forestières respectueuses de l'écosystème, tout en conservant un esprit assez pratique pour assurer le fonctionnement rentable d'une industrie qui permette aussi de répondre aux besoins en matière d'approvisionnement.

M. David Coon: Si l'on parle ici des niveaux actuels de production dans la province, pour ce qui est de la transformation, non. Si l'on parle de chaque usine particulière, oui.

Dans un certain sens, nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation semblable à celle des pêcheurs: la capacité de transformation est trop élevée par rapport à ce que la forêt peut fournir. Le problème se pose au niveau de l'approvisionnement. Nous avons dépassé de loin ce que la forêt peut fournir de façon durable. On se demande maintenant avec inquiétude si la forêt est gérée dans une perspective écologique et si elle peut continuer à fonctionner et à préserver l'environnement. C'est donc un énorme changement.

Il existe divers types de régimes fonciers dans la province. Ce n'est pas un énorme changement pour beaucoup de propriétaires de boisés qui déjà, adoptent cette approche, tout comme d'ailleurs de plus en plus d'entrepreneurs. C'est ce qui se produit de plus en plus.

Ce potentiel existe bel et bien dans certaines terres publiques si le gouvernement provincial se décide à modifier les régimes fonciers. On pourrait imaginer que certaines parties des terres publiques seront placées sous le nouveau régime tandis que d'autres ne changeraient pas de régime, au moment même où nous prenons cette nouvelle direction.

Vous demandez en fait comment nous prévoyons ce changement. Il existe toutes sortes de possibilités, mais rien ne peut se faire en appuyant uniquement sur un bouton.

Le vice-président (M. David Chatters): Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Merci, monsieur le président.

Le Nouveau-Brunswick est un laboratoire forestier intéressant en raison de votre histoire et de votre régime de propriété. À la lecture de votre document, je me suis dit que Napoléon avait eu une influence intéressante sur les forêts dans le monde. Lorsque vous allez en Allemagne, vous apprenez qu'après le Moyen-Âge, ce pays ne comptait pratiquement plus de forêts. C'est le régime napoléonien qui a créé les conditions nécessaires au reboisement de la plupart de l'Allemagne. Vous apprenez qu'une grande partie de la forêt remonte en fait à son époque. En même temps, par suite des campagnes qu'il a menées en Europe, les forêts du Nouveau-Brunswick ont été dévastées par une autre partie. C'est simplement une anecdote historique.

Vous avez dit que les droits autochtones relatifs à l'exploitation forestière au Nouveau-Brunswick devraient représenter quelque chose de positif. Je me demande pourquoi vous faites cette hypothèse sans aucune explication. Par exemple, la coupe à blanc la plus importante que j'aie jamais vue au Canada s'est faite dans une réserve près de Morley, en Alberta. Je suis un peu étonné de voir comment vous pouvez faire pareille suggestion sans aucune preuve à l'appui. Je ne l'accepte absolument pas comme doctrine.

• 1620

M. David Coon: Je ne le proposais pas comme doctrine. Cela se rapporte à la décision Marshall en particulier et il s'agit donc d'un droit issu de traité. S'il s'avère que la décision Marshall s'applique à l'exploitation forestière, ce sera un droit collectif communautaire. C'est au niveau des collectivités qu'on a le plus de chances d'appliquer la gestion.

La preuve—ou la démonstration—nous en est donnée par la bande Eel Ground et par ce qu'elle a fait sur la Miramichi; elle a essentiellement supprimé la désorganisation du passé et l'a remplacée par ce que nous appelons une gestion communautaire. C'est l'exemple que nous citons dans nos ateliers. Au départ, la gestion s'est faite de façon assez traditionnelle dans une perspective forestière, puis les gens de la collectivité ont commencé à parler des problèmes et de la nécessité d'apporter des changements. Ils se sont mis à l'écoute et les résultats sont impressionnants. Si vous avez l'occasion de vous rendre sur les lieux, je vous y encourage vivement.

Au bout du compte, cela ouvre la voie à la foresterie communautaire. Si le traité dont nous parlons vise également la foresterie dans la province, il va falloir que la province se penche plus sérieusement sur cette approche de foresterie communautaire, car c'est ce genre de gestion qui découle naturellement de la propriété collective, par des collectivités autochtones, d'un droit issu de traité. Pour assurer la justice et l'équité, je crois que la province va devoir commencer à envisager pareille approche pour les activités forestières de tous les autres sur des terres publiques.

M. John Duncan: Je voulais pousser un peu plus loin la question des terres privées par opposition aux terres publiques, car cela fait évidemment partie intégrante de notre discussion aujourd'hui.

La Colombie-Britannique est le plus grand producteur forestier du pays et près de 95 p. 100 de ses terres sont des terres publiques. Beaucoup de gens considèrent en fait que, dans de nombreux cas, les terres publiques sont mieux gérées que les terres privées, étant donné que la politique fiscale actuelle encourage en fait la liquidation des terres, comme vous l'avez dit en donnant l'exemple des terres publiques qui sont mises aux enchères. C'est le même genre de scénario ici.

En même temps, je suis discrètement en faveur de la propriété privée. Je pense que la gestion peut être la bonne direction à prendre, si elle est assortie des politiques fiscales et des incitatifs qui conviennent.

Vous laissez entendre dans votre document que la propriété privée est toujours ce qui vaut le mieux, mais en fait, ne demandez-vous pas...? Dans votre document, vous ne demandez pas de changements importants pour ce faire, mais n'espérez-vous pas que les deux paliers de gouvernement encouragent essentiellement la propriété et la gestion privées et qu'ils devraient le faire?

M. David Coon: Dans cette approche très agricole, la gestion de nos terres publiques se fait essentiellement de la même façon que la gestion des terres privées par les grands propriétaires industriels. Je ne crois donc pas que la propriété privée puisse aider de cette façon. En fait, un nombre plus important de terres privées ne ferait que perpétuer le problème, si des industries en étaient les propriétaires.

En ce qui concerne les propriétaires de boisés et leurs propres propriétés privées—pour la plupart, il s'agit d'entreprises familiales—la dynamique qui entre en jeu est tout autre. Les gens pensent à la façon dont leur père et leur grand- père s'occupaient des terres. Ils veulent que leurs enfants tirent profit des terres. Cette façon de penser n'entre pas en jeu dans le cas de grandes propriétés industrielles. C'est tout à fait différent. Je ne le propose donc pas.

• 1625

Le vice-président (M. David Chatters): Monsieur St. Denis.

M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci d'être ici, monsieur Coon.

M. Duncan a donné l'exemple qui je pense est authentique, de Napoléon qui aurait fait des efforts pour reboiser l'Allemagne d'une manière dont les retentissements se sont fait sentir ailleurs. Dans votre introduction, vous avez parlé des pressions exercées sur le Nouveau-Brunswick, il y a maintenant de nombreuses générations. De toute évidence, compte tenu de la demande des consommateurs en matière de bois et produits du bois, ainsi que la demande de prix peu élevés, tout effort incitant à améliorer la durabilité, qui normalement augmenterait les coûts, ne ferait que déplacer la demande forestière ailleurs, probablement dans le tiers monde.

Cela m'amène à poser des questions au sujet de la certification forestière, qui, je crois, vise à essayer d'équilibrer la situation à l'échelle de la planète. Une forêt durable ici est tout aussi importante qu'une forêt durable de l'autre côté de la planète.

Pourriez-vous décrire, si vous le pouvez, la situation de la certification forestière au Nouveau-Brunswick? J'ai remarqué que vous avez parlé de la société Irving qui a abandonné les normes de certification FSC pour adopter celles de la SFI. Je me demande simplement si vous êtes au courant et si avez des observations à faire à ce sujet. Nous essayons de nous faire une idée de la foresterie au Nouveau-Brunswick dans un contexte international.

M. David Coon: On a beaucoup parlé de la certification. En fait, une grande conférence à laquelle 300 personnes ont participé vient d'avoir lieu au Nouveau-Brunswick, sous l'égide de la Table ronde sur l'environnement et l'économie du premier ministre. J'ai eu le plaisir de faire partie du groupe de travail et de m'adresser aux participants à la clôture de la conférence qui a duré deux jours, je crois.

Il existe toutes sortes de systèmes de certification, comme vous le savez. Comme ils ne visent pas tous les mêmes choses, on ne peut les comparer. Pour l'instant, nous avons l'impression qu'il est bon d'avoir toute une gamme de systèmes de certification. Pourquoi ne pas avoir un système de certification qui récompense les propriétaires de boisés les plus écologiques, dont la gestion, par exemple, est équivalente à celle des agriculteurs biologiques qui obtiennent une certification de producteurs biologiques? Pourquoi ensuite ne pas avoir un autre niveau de certification qui récompense non pas la plus écologique des gestions, en fonction de certains critères connus, mais une gestion forestière assez bonne. Il va bien sûr falloir prévoir un autre niveau de certification pour les propriétaires de boisés, s'ils veulent être certifiés, car les systèmes actuels ne conviennent aux propriétaires individuels de boisés. Je crois donc qu'il existe toutes sortes de possibilités.

Pour nous, la certification ne va pas être le moteur de quoi que ce soit, au bout du compte. Les sociétés se précipitent désespérément pour obtenir une certification, afin de répondre aux exigences de certains de leurs clients.

Par exemple, dans le système FSC, dont je crois, vous allez entendre parler la semaine prochaine, on retrouve un élément régional qui tient compte des divers types de forêts. Les normes régionales qui ont été mises au point pour notre forêt, la forêt acadienne, sont différentes des normes applicables à d'autres secteurs. Beaucoup de sociétés vont avoir énormément de mal à respecter ces normes. Pour nous, ce n'est pas un problème. Récompensons donc les plus écologiques.

Toutes sortes d'autres systèmes de certification sont disponibles pour ceux qui veulent être certifiés. Les propriétaires de boisés examinent une ou deux autres options de certification. Dans la partie sud de notre province, nous avons l'Association canadienne de normalisation à laquelle l'organisation des propriétaires de boisés participe de façon fort impressionnante.

Je crois donc que nous allons avoir divers systèmes de certification et, du point de vue des acheteurs comme de celui des consommateurs, tant que ces systèmes de certification sont clairs et transparents, je ne vois le problème. Le fait que tout le monde veille se précipiter sous la bannière d'un seul programme de certification cause des dégâts et des conflits entre les divers systèmes de certification, ce qui est parfaitement inutile.

Le vice-président (M. David Chatters): Monsieur Reed.

• 1630

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais m'excuser de mon retard auprès de M. Coon. Je ne sais pas si l'on arrivera jamais à résoudre le problème des conflits d'horaire entre divers comités.

Une voix: Vous en êtes une des victimes.

M. Julian Reed: J'en ai fait les frais aujourd'hui.

Vous avez peut-être déjà donné une explication à ce sujet, mais vous disiez quelque chose au moment où je suis entré, qui a attiré mon attention. Je veux parler des propriétaires privés qui n'ont pas accès aux terres publiques. Cela me semble assez étrange. Pouvez-vous expliquer pourquoi il existe une telle politique?

M. David Coon: Tout le monde a une explication différente à cet égard. Historiquement, au Nouveau-Brunswick, nous avons toujours eu de grands exploitants qui contrôlaient la plupart de ce qui se passait sur les terres publiques, qu'il s'agisse des magnats forestiers du XIXe siècle ou des titulaires de permis d'aujourd'hui. En 1982, cette situation s'est exacerbée lorsque tous les permis visant les terres publiques ont été annulés et que dix ont été prévus et offerts uniquement aux entreprises qui possédaient des usines dans la province. À cette époque, la province avait décidé de se lancer dans une gestion forestière qui, d'après elle, garantirait une alimentation durable en fibres pour les usines à long terme et que, la meilleure façon d'y parvenir, dans un certain sens, consistait à donner aux usines la responsabilité de gérer les forêts afin d'en maximiser la production pour approvisionner les usines.

Cette politique a eu deux effets: elle a exclu beaucoup de personnes qui ne pouvaient plus gagner leur vie en travaillant sur les terres publiques et, comme je l'ai dit plutôt, elle a perpétué une tendance qui s'était manifestée il y a longtemps et qui consistait à simplifier nos forêts, à amoindrir leur fonctionnement écologique et leur diversité et à les transformer en une exploitation beaucoup plus agricole, ce qui, sur des terres publiques, ne convient probablement pas, à moins que...

M. Julian Reed: Cela semble aller dans le sens opposé à celui que prend le reste du monde. Je veux parler de la déréglementation qui consiste à donner aux petits entrepreneurs les mêmes chances, etc. Même dans notre vieil et humble Ontario, le petit exploitant peut faire des offres sur les terres publiques. Un de mes collègues—dans un autre secteur—procède justement de la sorte. Ce ne sont pas nécessairement d'énormes terres, mais c'est un secteur de deuxième venue. C'est un excellent exploitant, bien connu, mais il n'est pas très important, n'ayant que trois employés. Je trouve très étrange qu'un gouvernement d'aujourd'hui crée des monopoles de fait.

M. David Coon: Comme je le disais, c'était en 1982, et bien des changements sont intervenus depuis. Je crois que nous allons voir peut-être davantage de changements en ce qui concerne ce régime foncier.

Nous avons proposé certaines choses, comme des permis accordés à des propriétaires de boisés privés. Si vous faites un bon travail de gestion dans votre boisé, et qu'à côté de chez vous se trouve un petit terrain de terre publique, vous devriez pouvoir obtenir un permis de manière à l'englober dans le cadre de votre système de gestion de boisés. Votre exploitation pourrait devenir économiquement plus viable, car vous auriez un terrain plus vaste. Les propriétaires de boisés ont demandé des choses de cette nature et nous avons également proposé d'autres genres de permis visant les terres publiques.

Ce système très centralisé existe depuis 1982. Des changements y seront toutefois apportés, des changements que nous attendons depuis très longtemps.

Le vice-président (M. David Chatters): Monsieur Duncan, vous pouvez poser une autre brève question, si vous voulez.

M. John Duncan: D'accord.

• 1635

Je voudrais vous parler de l'entente sur le bois d'oeuvre. J'ai posé cette question à tous ceux qui ont comparu devant le comité. Le Nouveau-Brunswick, bien entendu, n'est pas partie à cette entente, mais les provinces non signataires ont vu leurs exportations vers les États-Unis augmenter de façon considérable pendant que l'entente était en vigueur. Quel impact cette entente a-t-elle eu sur le volume de production forestière du Nouveau- Brunswick?

M. David Coon: Elle n'a pas eu beaucoup d'impact. Le problème de la surcapacité de production, qui est un problème interne, date du début des années 80. Je ne crois pas que l'entente ait eu un impact majeur. Je ne dis pas qu'elle n'en a pas eu, et je suis sans doute bien mal placé pour répondre à cette question, mais je ne crois pas qu'elle ait été un facteur déterminant, parce que le problème de surcapacité en est un qui touche la province elle-même.

M. John Duncan: En fait, le comité s'intéresse particulièrement, dans le cadre de son mandat, aux répercussions que peuvent avoir les campagnes de dénigrement à l'endroit des pratiques forestières canadiennes. Est-ce que ces campagnes ont eu des effets néfastes sur vos opérations forestières—que ce soit sur les terres privées, les terres de tenure industrielle, les terres boisées ou les terres publiques?

M. David Coon: J'en doute. Nous avons noté que les clients de certaines compagnies exigent désormais que les produits qu'ils achètent correspondent à des normes précises de certification, mais c'est l'unique changement que nous avons observé. Ces campagnes, si j'ai bien compris, visent essentiellement à assurer la protection de la nature. Or, c'est à l'industrie qu'il faut poser la question. Nous sommes un groupe environnementaliste, et nous ne savons pas quel genre d'impact ces campagnes ont eu sur l'industrie. Les propriétaires de terres boisées avec lesquels nous faisons affaire n'ont rien noté.

M. John Duncan: Ma dernière question est la suivante: est-ce que vous collaborez de près avec eux? Est-ce que vous collaborez de près avec la Fédération des propriétaires de lots boisés?

M. David Coon: Notre organisme travaille de près avec les producteurs primaires—les propriétaires de terres boisées, les agriculteurs, les pêcheurs—en vue de promouvoir la conservation des ressources et de favoriser l'adoption de politiques nouvelles pour soutenir les efforts de ceux qui assurent la durabilité des ressources de l'écosystème dont dépendent les collectivités. Par conséquent, nous sommes régulièrement en contact avec ces groupes. Nous n'entretenons pas de liens formels avec eux, et nous ne partageons pas toujours les mêmes vues, bien entendu, mais nous opérons de cette façon depuis déjà un bon moment. Quand nos intérêts se recoupent, nous leur demandons comment nous pouvons prêter main-forte à nos concitoyens, c'est-à-dire les propriétaires de terres boisées, les pêcheurs ou les agriculteurs, qui sont en première ligne et qui devraient être les principaux gardiens de ces ressources. Nous constatons que nos intérêts se recoupent dans un certain nombre de domaines.

Le vice-président (M. David Chatters): Merci beaucoup, monsieur Coon, d'être venu nous exposer vos vues sur la question. Je suis certain que nous allons tenir compte de vos commentaires et préoccupations quand nous rédigerons notre rapport.

La prochaine réunion aura lieu demain, à 11 heures, dans la pièce 269 de l'édifice de l'Est. La séance est levée. Merci.