NRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 mai 2000
Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): La séance est ouverte.
Je demande au premier groupe de témoins de s'approcher de la table.
À l'ordre du jour, nous avons l'étude du projet de loi C-11, Loi autorisant l'aliénation des biens de la Société de développement du Cap-Breton et permettant sa dissolution, modifiant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.
Nous allons accueillir à cette première table ronde la représentante de Northside Futures, Mme Kathy Baker, qui en est la présidente; Sam Boutilier, président de Devco Pensioners; Mme Edna Budden, présidente de Familles unies; enfin, Murray Coolican, vice-président, affaires publiques, chez Nova Scotia Power Inc.
Monsieur McNamara, nous sommes heureux de vous voir à cette table. Il vous faudrait peut-être vous en retirer—comment dire la chose sans vous froisser—parce qu'il me semble que vous devez passer avec un autre groupe. Veuillez m'excuser de ce contretemps. Je pense que c'est en regardant la liste de 19 h 45 que l'on vous a demandé par inadvertance de vous joindre à notre groupe. Votre participation nous sera tout aussi précieuse à 19 h 45. J'espère que vous pourrez vous en accommoder. Je ne me trompe pas?
• 1835
Nous les avions fait venir avec l'autre groupe. Il me semble que
c'est la Nova Scotia Power Corporation qui devait occuper cette place.
C'est pourquoi j'ai pensé que c'était M. McNamara. J'espère que ce
n'est pas un problème pour vous. Pas de problème?
Une voix: Non.
Le président: Très bien. Nous restons donc amis.
Une voix: Mais oui, Joe.
Le président: Très bien. Voilà ce qu'on va faire. Vous aurez une tranche de pizza supplémentaire.
Une voix: Non merci.
Le président: Sinon, ce seront des mets chinois.
Je propose que nous commencions. Dans quelques minutes, nous allons être légèrement interrompus, je le signale en passant à nos témoins.
J'ai peut-être d'ailleurs oublié de vous souhaiter la bienvenue, j'aurais dû le faire. Je ne vous ai pas présenté le maire, parce qu'il faut partie de notre deuxième groupe, n'est-ce pas?
Le greffier du comité: Oui.
Le président: Le maire fait lui aussi partie de notre deuxième groupe. J'ai l'impression qu'il y a quelques confusions au sujet de notre programme.
Monsieur le maire, vous pouvez cependant rester avec nous, vous êtes tout à fait le bienvenu. Nous prendrons les dispositions nécessaires. Ce n'est pas un problème.
M. David N. Muise (maire de la Municipalité régionale de Cap-Breton): Vous pourriez peut-être nous donner quelques précisions. Il semble qu'il y ait une certaine confusion. Auriez-vous l'amabilité de nous lire la liste des témoins de 18 h 30 pour que nous sachions qui figure sur cette liste?
Le président: La liste de 18 h 30 comprend Northside Futures, Devco Pensioners, United Families et Nova Scotia Power Inc. Sur l'autre page, on mentionne 19 h 45.
M. David Muise: Ah, très bien. Notre liste indique 18 h 30. J'imagine qu'il y a eu une modification. C'était prévu au départ à 10 h 55 ce matin. De plus, Nova Scotia Power n'est pas là.
Le président: Oui, je sais. La liste du président est toujours la liste officielle. Toutefois, vous pouvez toujours, si vous le voulez, faire partie de cette table ronde.
M. David Muise: Je vous remercie.
Le président: Ce n'est pas la peine. Laissez-moi vous présenter officiellement. Nous accueillons parmi nous David Muise, monsieur le maire de la Municipalité régionale de Cap-Breton. Merci beaucoup de vous joindre à nous.
Nous avons pour habitude de donner aux témoins la possibilité de faire un exposé. Nous essayons de nous en tenir à des exposés d'une dizaine de minutes parce que c'est le projet de loi en soi qui nous intéresse. Nous sommes un comité permanent de la Chambre, mais nous nous penchons ici sur des questions législatives précises et nous agissons en qualité de comité législatif. Nous prenons acte par ailleurs du fait que votre participation est susceptible d'amener notre comité à réfléchir sur certains articles précis de la loi. Tout ce que vous avez à nous dire nous sera utile. Ce sera encore mieux si vous vous en tenez à des points précis.
Cela dit, vous avez dix minutes pour nous exposer tout ce qui vous intéresse. Nous nous efforcerons de ne pas vous interrompre. Après cela, les députés vous poseront des questions. Nous commençons généralement par les députés de l'opposition.
Il arrive que les témoins devant les comités soient dérangés par le fait que les députés entrent et sortent constamment de la salle, surtout depuis que l'on siège après la période consacrée aux votes. Les députés viennent de voter à la Chambre. Il n'y a que le président qui s'est abstenu. Il a pris de bien mauvaises habitudes. Tous les autres membres du comité, cependant, reviennent de la Chambre et parfois, d'ailleurs, après avoir accompli d'autres tâches. Ne vous laissez donc pas déranger par les députés qui entrent et qui sortent.
Comme nous siégeons à l'heure du souper, nous allons faire venir une petite collation, que vous êtes invités à partager avec nous. Au menu, ce soir, il y a de la pizza et des mets chinois. Ce ne sera pas un repas aussi riche que celui auquel on peut s'attendre pour des députés, mais ce sera probablement suffisant pour nous permettre de tenir quelques heures. Donc, lorsque la table sera mise, n'hésitez pas à aller vous servir. Tout ce que je vous demande, c'est de ne pas faire trop de bruit, pour votre bien et pour que les membres du comité puissent entendre les témoins.
• 1840
Je vous signale enfin que nous avons des interprètes, qui vont
traduire vos propos en français ou en anglais à mesure que vous
parlez. Les microphones sont situés en dessous de la tablette. Vous
pouvez utiliser les écouteurs simplement pour mieux entendre
l'original ou encore pour écouter la traduction.
Dans le même ordre d'idées, si vous voulez déposer des documents auprès du comité, nous avons pour politique de n'accepter des documents que dans les deux langues officielles. Par conséquent, si vous avez un document unilingue, vous pouvez le remettre à l'un des assistants du comité—par exemple, à ce monsieur qui porte un gilet bleu—qui le déposera ici ou encore de l'autre côté pour que les députés puissent le consulter s'ils le veulent. Ce document sera alors traduit par les services de traduction du comité et distribué à tous ses membres.
Donc, tout ce que vous avez à dire, si vous l'avez mis par écrit, sera intégré à notre procès-verbal et tous les membres du comité en auront une copie par la suite. Vous n'avez pas besoin de lire vos documents. Il arrive d'ailleurs que certains députés et certains témoins préfèrent que les intervenants ne lisent pas leur texte et se contentent d'improviser à partir de leurs notes.
Très bien. J'ai présenté tout le monde. Les députés du parti du gouvernement sont assis de ce côté et trois ou quatre d'entre eux viennent juste de partir. Les députés de l'opposition siègent de ce côté, et trois ou quatre d'entre eux sont présents. Je ne vais pas faire les présentations. Vous pourrez lire leurs noms à mesure sur les cartons d'identité.
Pourquoi ne pas procéder selon l'ordre du jour que j'ai devant moi? Si vous me le permettez, monsieur le maire, je vais donner la parole à Mme Baker, la présidente de Northside Futures.
Madame.
Mme Kathy Baker (présidente, Northside Futures): Je tiens tout d'abord à signaler que je suis quelque peu déçue de voir à quel point on nous a bousculés en nous avertissant lundi qu'il nous faudrait être ici mardi ou encore mercredi. Je suis la seule à travailler dans mon foyer et il m'a fallu abandonner mon travail pour venir ici étant donné l'importance de cette question. Je tiens toutefois à faire remarquer que l'on n'a pas convoqué suffisamment de gens en ces lieux pour qu'ils soient représentatifs de l'ensemble de notre collectivité. Je tiens à ce qu'il en soit pris acte.
Le président: C'est fait. Nous vous remercions, madame.
Mme Kathy Baker: Très bien.
Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Kathy Baker. Je suis femme d'un mineur de charbon, mère de famille et présidente de Northside Futures. C'est une organisation que nous avons créée sur la côte nord du Cap-Breton, lorsque le gouvernement a annoncé la fermeture de la Société de développement.
L'annonce de cette fermeture a plongé tous les foyers de Cap-Breton dans l'incertitude et l'anxiété. Il est toujours difficile de prévoir les répercussions sociales d'une telle situation sur les collectivités qui en sont victimes et qui voient disparaître une grande industrie qu'elles ont toujours connue. Souvent, les intervenants et les politiciens minimisent les répercussions sociales parce qu'ils ne se rendent pas compte de la gravité du problème. C'est pour cela que je suis venue ici aujourd'hui évoquer un certain nombre de difficultés que nous avons rencontrées au cours des 16 derniers mois. Je suis venue ici aujourd'hui représenter les familles, les mères et les enfants de notre collectivité.
Nous nous sommes beaucoup impliqués au sein de la collectivité et, en janvier, les femmes des mineurs ont commencé à nous appeler. Nous avons reçu un appel téléphonique d'une femme en pleurs qui n'avait plus de lait ni de couches-culottes pour son bébé, très malade, parce que son mari avait été mis à pied et attendait l'assurance-chômage. À l'époque, nous nous sommes penchés sur ce dossier et nous nous sommes même adressés à l'aide sociale. Toutefois, comme il allait recevoir l'assurance-chômage, aucune aide n'était disponible pour sa famille. Nous avons donc dû nous-mêmes aller acheter du lait et des couches-culottes pour cette famille, qui avait un bébé très malade.
• 1845
Voilà les difficultés qui sont les nôtres aujourd'hui. Encore
s'agit-il uniquement des mineurs qui sont à l'AC, qui attendent de la
toucher ou qui sont en fin de droits. Bientôt, ces mineurs n'auront
plus rien. Que va-t-il alors se passer?
Une autre famille nous a appelés pour nous dire que depuis deux jours il ne lui restait plus à manger que des frites surgelées. Elle ne recevait aucune aide parce qu'elle se trouvait dans la même situation. On ne peut pas toucher l'aide sociale si l'on est en attente de l'assurance-chômage. Voilà les difficultés sociales auxquelles nous sommes confrontés.
Sur la côte nord, la Société de développement employait 400 personnes. C'est là que se trouve la mine Prince, celle que l'on essaie de vendre. Aujourd'hui, il reste 22 personnes qui travaillent à la Société de développement sur la côte nord. Tous les autres ont été mis à pied. Voilà quel est le problème sur la côte nord.
DRHC a fait une étude. D'après le ministère, le taux de chômage est de 20 p. 100. Toutefois, nous avons collaboré récemment avec une équipe de DRHC, qui s'est chargée d'aller enquêter dans la région, et nous avons constaté que le taux de chômage à l'heure actuelle sur la côte nord était de 48 p. 100, et cela sans compter ce qui va se passer à l'avenir. En juin, les mineurs sur la côte nord vont perdre leurs prestations d'AE.
Je suis venue ici aujourd'hui vous parler du projet de loi C-11. Nous considérons plus particulièrement que l'alinéa 17(4)b) de l'ancienne Loi sur la Société de développement, qui vise à protéger les familles, doit être conservé pour aider ces dernières. C'est le principal amendement que souhaite effectivement apporter notre collectivité étant donné son importance sociale à l'heure actuelle. Nous en avons besoin aujourd'hui pour nous aider à traverser cette passe difficile.
Nous avons aussi été contactés par les responsables de l'école secondaire locale, qui nous disent que les enfants des mineurs viennent à l'école—ils viennent tous en autobus de l'extérieur—sans repas et sans argent pour l'acheter. Depuis lors, des bénévoles, avec l'aide de l'école, ont mis en place un service de petits déjeuners. Au moins les élèves pourront prendre un petit déjeuner s'ils ne mangent pas à midi. Voilà les problèmes qui sont les nôtres actuellement.
L'école nous a aussi appelés pour nous dire que 18 élèves ne pouvaient se permettre de dépenser 18 $ pour assister à la cérémonie de remise des diplômes cette année. Une partie des responsables de Northside Futures ont estimé que la question relevait de leurs responsabilités et ils sont allés collecter de l'argent pour que ces élèves puissent monter l'estrade et recevoir leur diplôme de 12e année.
Nous avons aussi dû payer la cotisation de 30 enfants de mineurs pour qu'ils puissent s'inscrire au collège universitaire avant la date limite, soit une somme de 20 $ par tête à l'époque, pour qu'ils ne dépassent pas les délais d'admission à une bourse ou à une allocation d'études. N'oubliez pas que leur père attend parfois de toucher l'assurance-chômage, ou encore est en fin de droits. Voilà les problèmes qui sont les nôtres à l'heure actuelle sur la côte nord.
Le déchirement des familles a pris une ampleur alarmante. Hier encore, une maison de transition nous a fait savoir par téléimprimeur que le nombre d'appels au secours était passé de 310 à 470 par mois. Il y a de nouveaux dossiers, mais dans tous les dossiers l'intensité de la violence augmente et les coups de colère sont de plus en plus fréquents. La directrice, Bea LeBlanc, craint qu'un meurtre finisse par être commis.
Nous ne voulons pas dire par là que la société de Cap-Breton est violente. Si nous évoquons tout cela, c'est pour vous montrer à quel point certaines familles sont désespérées. Nombre de mineurs vont perdre leur AC en juin. Quand va-t-on pouvoir intervenir dans le cadre de la nouvelle loi sur le développement du Cap-Breton pour remédier aux difficultés sociales et économiques causées par l'ancienne loi?
Je terminerai sur une note plus positive en disant que Northside Futures est fière d'avoir financé la participation de 50 élèves de dernière année de l'école secondaire à un cours portant sur l'esprit d'initiative pour essayer de leur redonner confiance en eux. Nous continuerons à donner une image positive de nos jeunes et de nos familles. Faites en sorte que nous ne soyons pas déçus, ni eux ni nous.
Je vais maintenant passer la parole à Faith Carter, notre coprésidente, qui va résumer notre intervention.
Mme Faith Carter (coprésidente, Northside Futures): Bonsoir. Je m'appelle Faith Carter et je suis coprésidente de Northside Futures. Mon rôle dans cet exposé est de rappeler à votre comité ce qui est dit dans le rapport Robert Donald publié en 1966. On y déclare qu'il est contraire à l'éthique et antiéconomique de donner aux jeunes des emplois dans les mines lorsqu'on ne peut pas garantir les emplois à long terme. Autrement dit, c'est aujourd'hui que se pose le problème, mais le gouvernement voulait faire économiser 300 millions de dollars à la Nova Scotia Power. Souvenez-vous, les prix du pétrole avaient grimpé en flèche et l'on s'était rabattu sur le charbon.
Aujourd'hui, en l'an 2000, il semble que le sort en soit jeté, mais nous vous demandons de nous dire quelles sont les mesures importantes qui ont été prises pour remédier aux terribles conséquences du chômage et aux souffrances sociales. Ne me dites pas que vous nous avez donné 68 millions de dollars. C'est bien peu comparativement à ce que va perdre l'économie du Cap-Breton et au coup d'arrêt donné au développement de l'île. Nos jeunes nous quittent massivement pour aller trouver de l'emploi dans d'autres provinces ou dans d'autres États. Les mineurs sont prêts à accepter le principe général selon lequel on peut tolérer une baisse d'emploi dans les mines si elle est compensée par d'autres débouchés ailleurs.
M. Donald a indiqué il y a une trentaine d'années que la région de Cap-Breton devait se préparer à terme à une cessation des activités des mines de charbon de manière à en minimiser les conséquences sociales tout en faisant souffler un vent d'espoir et d'optimisme pour ce qui est de l'avenir de la région. Il m'apparaît qu'en adoptant aujourd'hui le projet de loi C-11 vous ne faites que démoraliser davantage les mineurs du Cap-Breton.
Mes éminents collègues vous expliqueront en détail pour quelle raison il est si important pour la vie des mineurs du Cap-Breton de bloquer ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président: Merci, madame.
Je vais maintenant donner la parole à M. Sam Boutilier, qui représente le groupe Devco Pensioners.
M. Sam Boutilier (président, Devco Pensioners): Merci.
La création en 1967 de la Société de développement a été très positive. Elle a créé des emplois permanents et a donné aux habitants du Cap-Breton un sentiment de sécurité qu'ils n'avaient pas éprouvé depuis longtemps. À mon avis—et nombre de gens au sein de l'industrie le partagent—si la Société de développement s'en était tenue à l'exploitation du charbon, elle serait encore florissante et pourrait poursuivre ses activités. Elle s'est plutôt lancée dans l'élevage du bétail, l'agriculture et bien d'autres choses encore. Aucun de ces projets n'a réussi et nous sommes aujourd'hui les victimes de ces échecs.
On a beaucoup dit que la Société de développement était un gouffre pour l'argent des contribuables. Je ne suis absolument pas d'accord. Je dirais qu'en réalité la Société de développement et les sociétés qui lui sont affiliées ont rapporté davantage d'argent au gouvernement qu'il n'en a mis dans l'industrie. C'est ainsi qu'en 1991-1992, nous avons vendu quatre millions de tonnes de charbon—deux millions à l'exportation et deux millions à la Nova Scotia Power. Qui plus est, on est venu ainsi en aide à une population travailleuse, déterminée et, dans la majeure partie des cas, heureuse et fière. Il est impossible que cela puisse porter préjudice à la population canadienne.
L'industrie du charbon peut encore être viable dans l'île du Cap-Breton et, avec de bons planificateurs et une gestion résolue, elle est susceptible d'apporter une grande contribution au développement de notre province. Les mines Prince et Donkin ne seront que de petites exploitations à l'échelle de la Société de développement. Le sous-sol continue cependant à offrir d'énormes possibilités et il n'y a pas que du charbon dans l'île de Cap-Breton. Nous avons du gypse, du sel, du cuivre et du nickel, qui nous ouvrent d'autres débouchés.
L'île est bien approvisionnée en charbon et le marché est là. L'infrastructure est en place et les mineurs ont déjà reçu une formation, ils sont qualifiés et prêts à produire. L'équipement est en place. Ce serait une véritable aubaine pour notre économie. Si cette mine était en exploitation... si le gouvernement n'en veut pas—surtout la mine Donkin—il y a au plan local des gens intéressés qui seraient tout disposés à se lancer dans ce projet, et qui sont particulièrement qualifiés pour le faire.
De nombreuses erreurs ont été commises par le passé et nous perdons un temps précieux à nous attarder là-dessus. Je serais ravi que le Cap-Breton se tourne vers l'avenir et se dote d'une petite industrie du charbon qui profite aux travailleurs et à l'économie de l'île. Nous pouvons certainement tirer l'enseignement des erreurs commises par le passé et nous tourner vers l'avenir avec optimisme et en adoptant une attitude positive.
• 1855
L'arrêt prévu des activités de la Société de développement a suscité
de nombreuses inquiétudes chez les travailleurs. L'une d'entre elles
porte sur les versements effectués dans le cadre d'un régime de
pensions que l'on a qualifié de non contributif. Je vais vous dire
quelques mots de cette pension car je réfléchis à la question depuis
de nombreuses années.
En 1922, on a constitué cette pension avec la différence entre ce que l'on appelle la grosse tonne et la petite tonne. Les mineurs chargeaient une grosse tonne et on ne leur payait qu'une petite tonne. Cela signifie que pour chaque tonne de charbon qui était chargée dans les wagons, l'équivalent de 240 livres était versé dans le fonds de pension. En 1972, le gouvernement a repris le fonds de pension et l'a qualifié de non contributif. Cette appellation est très trompeuse en ce qui me concerne et, je vous le répète, j'y ai réfléchi pendant des années. Je pense qu'il faut changer le système avant que la Société de développement ne cesse ses activités.
Il faut qu'on nous garantisse par écrit que cette pension va continuer à être payée. On ne nous l'a pas mis par écrit et nous n'avons aucune idée de ce qui va se passer. L'Association des retraités se prépare à intenter un procès contre la Société de développement en raison des inégalités qui caractérisent le paiement de cette pension, les salariés touchant des prestations supérieures à celles des non-salariés. Sachant cela, nous ne pouvons tout simplement pas faire confiance à l'avenir. Nous voulons des garanties signées et contresignées.
Il y a aussi la question du charbon produit par la société. C'est un sujet qui est évoqué lors de toutes les réunions de l'Association des retraités de la Société de développement. À mon avis, il faut que le gouvernement fédéral s'en occupe rapidement, parce que nos membres ne savent plus quoi penser et se demandent ce qui les attend.
La Société de développement du Cap-Breton a depuis longtemps comme politique de mettre du charbon tiré de sa production à la disposition des retraités de la société et des veuves d'anciens employés pour qu'ils puissent se chauffer. Pour l'instant, le gouvernement ne nous a rien dit de ce qu'il adviendrait de cette prestation après la vente ou l'arrêt des activités de la société. Nous exigeons que la question soit abordée et nous aimerions bien qu'elle soit réglée aujourd'hui et, si ce n'est pas possible aujourd'hui, demain. Nos membres ne savent pas de quoi il en retourne. On entend beaucoup de rumeurs. Il faudrait à mon avis que l'on s'efforce de régler le problème lors de cette séance, pour que nous sachions à quoi nous en tenir.
Il y a un certain marasme sur l'île du Cap-Breton à l'heure actuelle. Notre taux de chômage est l'un des plus élevés dans le pays et, lorsque la Société de développement va fermer ses portes, il va encore augmenter. Personne ne semble vouloir s'attaquer au problème. En ce qui me concerne, je suis prêt à dire ici même que la Société de développement a été une véritable aubaine pour l'île du Cap-Breton. J'ai entendu dire un peu plus tôt ce soir que les jeunes allaient travailler dans les mines de charbon en pensant qu'ils allaient y rester jusqu'à leur retraite. L'avenir leur appartenait. Depuis un an et demi, on leur a coupé les ailes et ils ne savent plus où ils en sont.
J'estime que le gouvernement s'est complètement fourvoyé et qu'il lui incombe de remédier à la situation.
Merci de m'avoir écouté.
Le président: Merci, monsieur Boutilier. C'était très concis.
Madame Budden.
Mme Edna Budden (présidente, Familles unies): Je m'appelle Edna Budden. Je suis présidente de Familles unies. Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité aujourd'hui à parler de la Société de développement.
Les Familles unies sont un regroupement de femmes de mineurs constitué à la suite de l'annonce, le 28 janvier 1999, de la décision du gouvernement fédéral de se désengager de l'industrie ouillère au Cap-Breton. Nous nous sommes efforcés de convaincre le gouvernement de revoir le programme d'indemnités proposé aux salariés de la Société de développement. Ce programme ne garantissait pas aux travailleurs de Société de développement et de leurs familles une sécurité suffisante.
• 1900
Nous avons défendu notre cause en attirant l'attention des
responsables gouvernementaux de tout bord à Ottawa sur les carences du
programme d'indemnités.
Lors des 17 derniers mois, nous nous sommes rendus à quatre reprises à Ottawa pour rencontrer les membres du gouvernement et quatre fois à Halifax pour des réunions au niveau provincial et avec le caucus libéral national. Nous avons présenté notre dossier à la municipalité du Cap-Breton et obtenu le soutien sans réserve de la Municipalité régionale du Cap-Breton et de l'assemblée législative provinciale.
Notre action est constructive, respectueuse et juste, même si cette décision nous a personnellement beaucoup affectés. Nous avons soumis au gouvernement des options qui nous semblent apporter une solution satisfaisante à la situation de la Société de développement. On nous a promis que des mesures seraient prises, mais pour l'instant je n'ai pas encore reçu de réponse.
J'ai reçu le 12 juillet une lettre du premier ministre Jean Chrétien. Il commentait précisément les différentes options que nous avions présentées et nous indiquait que les résultats me seraient communiqués directement dès que l'on aurait pris une décision. Pour l'instant, nous n'avons entendu parler de rien. Cela fait 17 mois que nous subissons les affres de cette situation. Bien évidemment, nous sommes dans l'expectative à l'heure actuelle, car nous attendons les résultats de l'arbitrage de M. Outhouse.
Notre demande de modification du programme d'indemnités pour les travailleurs de la Société de développement s'élève du coeur des épouses dont les familles souffrent et souffriront encore plus, ainsi que les enfants et les générations à venir, si aucune mesure n'est prise pour garantir la sécurité au personnel de la Société de développement.
[Français]
M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Monsieur le président, l'interprétation française ne fonctionne pas.
[Traduction]
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): J'ai le même problème dans l'autre sens. Il arrive que les microphones soient placés dans la cabine trop loin de la personne qui parle et qu'il n'y ait pas suffisamment...
Le président: Ghislain, vous voyez dans quel pétrin vous nous avez mis? Nous étions en plein milieu d'une conversation sérieuse. Ne cherchez pas à obtenir de l'aide quand c'est impossible.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Excusez-moi, madame Budden.
Mme Edna Budden: Je vous en prie.
Il est certain que la fermeture de la Société de développement portera un rude coup à l'économie du Cap-Breton. Si l'on ajoute les pertes d'emploi qui en découlent, le manque à gagner annuel est évalué à environ 300 millions de dollars.
Le taux de chômage est actuellement le double de la moyenne nationale, et pour placer le Cap-Breton sur un pied d'égalité avec Halifax, il faudrait créer 16 000 emplois. Le chômage signifie pour le gouvernement une perte de revenus issue des impôts directs, mais également des dépenses consacrées à l'aide sociale et aux allocations chômage. Le chômage génère un appauvrissement de la société. Il engendre des problèmes physiques et psychologiques.
La tension subie est déjà à l'origine de graves troubles de santé et l'on me dit qu'il y a parmi le personnel de la Société de développement... À l'heure actuelle, 43 p. 100 des gens ne travaillent plus. J'ai été quelque peu offusquée en lisant dans le Cape Breton Post que M. Shannon avait remarqué que le taux d'absentéisme à la Société de développement était particulièrement élevé. Je me demande bien pourquoi. Ces travailleurs ont été soumis à des pressions énormes et ils en ressentent certainement les effets. Je ne pense pas que le journal ait raison de dire que c'est tout simplement de l'absentéisme. C'est mal juger des gens qui ont beaucoup travaillé, mais qui probablement n'en peuvent plus.
Nombre de membres de notre personnel ont eu des crises cardiaques et sont traités pour des troubles mentaux liés au stress. À terme, le gouvernement subira les coûts de l'augmentation des soins de santé, de la lutte contre la criminalité, des tensions sociales, du maintien de l'ordre et du gaspillage des ressources humaines. Des études montrent que le taux de mortalité est plus élevé parmi les chômeurs. À cela s'ajoutent d'autres coûts non quantifiables, telle que la violence en général et contre les femmes et les enfants en particulier.
À l'heure actuelle, il y a des organismes de coordination à l'île du Cap-Breton qui ont fait état de leur préoccupation dans les journaux concernant l'aggravation de ce problème.
• 1905
Mille deux cents familles vont désormais connaître les
expropriations, la disparition d'emplois, la précarité, la
généralisation des prestations d'assurance-maladie et des problèmes
sociaux comme les divorces. Dans mon groupe, il y a des gens qui ont
fait des crises cardiaques. L'une des femmes de mon groupe est devenue
suicidaire. Les relations avec son conjoint se sont dégradées. Une
autre femme de mon groupe a un enfant de 12 ans qui est devenu
anorexique et qui a perdu 15 livres en trois mois en raison des
tensions entraînées par la Société de développement. Cet enfant
consulte désormais un psychiatre.
Il est certain que cette situation a de graves répercussions. Il faut mettre fin aux tensions. Les enfants sont censés grandir heureux et devenir des acteurs productifs de la société; ils ont droit à une bonne éducation qui semble aujourd'hui hors de portée pour certains. Ce sont eux qui finalement souffriront de voir leur environnement autrefois rassurant bouleversé par le stress et les conséquences de la perte de revenus et de l'insécurité. Nous savons que les effets se feront sentir sur plusieurs générations.
Les enfants sont notre avenir et nous devrons défendre leurs intérêts et garantir un environnement stable où ils pourront s'épanouir. Nous devons aussi changer l'économie du Cap-Breton dans le bon sens et faire en sorte qu'elle soit stable et diversifiée pour que nos enfants puissent y trouver un emploi rémunérateur et ne quittent la région que par choix, et non par nécessité.
Nous avons des obligations en la matière. Il y a un arbitrage qui est en cours mais il faut aussi que nous fassions ce qui est socialement et moralement juste pour préserver la dignité des familles et des travailleurs et éviter des traumatismes qui laisseraient des séquelles pendant des générations.
J'aimerais vous parler un peu maintenant du projet de loi C-11, et en particulier des dispositions de l'article 17 concernant la fermeture de la mine et les réductions de la production. Il est clair que la Loi sur la Société de développement dispose à l'origine que toutes les mesures raisonnables ont été prises par l'entreprise afin de réduire au maximum le chômage ou les perturbations économiques.
On évoque aussi à l'alinéa a) l'échéancier correspondant au plan d'ensemble. Lorsque le gouvernement a annoncé le 28 janvier 1999 son intention de se désengager, la date avait été fixée à l'origine au 31 décembre 2000. Il s'avère aujourd'hui que cette date va être avancée et que ce désengagement va intervenir beaucoup plus tôt qu'il n'était prévu à l'origine. Cela entraîne de graves soucis pour les nombreuses familles confrontées à la perspective du chômage.
La Société de développement affirme que 500 emplois seront créés dans l'exploitation minière privée. Pour l'heure, rien ne prouve que l'acheteur potentiel de la Société de développement embauchera et gardera 500 travailleurs. La privatisation de la Société de développement n'offre certainement aucune garantie aux travailleurs qui ont accompli l'essentiel de leur carrière dans l'entreprise d'État. Il y a tout lieu de douter qu'un propriétaire privé continue d'exploiter uniquement la mine Prince.
Nous savons que Kelly's Mountain pose des problèmes géologiques et de gaz. Selon les rumeurs, et d'après ce que j'ai lu dans les journaux, Nova Scotia Power, le seul client de la Société de développement, envisage d'utiliser du pétrole de coke mélangé à du charbon pour la production de l'électricité. De graves questions se posent et il convient de les examiner. Pendant combien de temps va-t-on pouvoir continuer à alimenter la Nova Scotia Power avec la mine Prince? Est-ce que l'entreprise du secteur privé va continuer à exploiter la mine Prince ou est-ce que le nouveau propriétaire va se décider à importer du charbon, comme cela se fait aujourd'hui au Cap-Breton?
Il est important de prendre en compte les graves problèmes de chômage au Cap-Breton et la santé des mineurs victimes de blessures, d'infections pulmonaires suite à l'exposition aux gaz ou d'autres problèmes résultant des années passées dans les mines souterraines. Tout récemment, de nombreux mineurs—je pense que l'on est maintenant à une quarantaine et que ce chiffre va probablement augmenter—ont été exposés à des doses élevées de radiation parce que les normes de sécurité ne sont pas respectées à la Société de développement. La Société de développement vient de se voir infliger une forte amende devant les tribunaux en raison du manque de sécurité de son exploitation. Nous ne savons pas quels sont les problèmes de santé dont vont souffrir à l'avenir les travailleurs qui sont exposés actuellement à ce genre de radiation.
• 1910
Nous savons tous que lorsqu'on est à la recherche d'un emploi, les
nouveaux employeurs demandent un dossier médical avant d'embaucher et
que les travailleurs les plus âgés ont beaucoup de mal à retrouver un
emploi. Au Cap-Breton, les travailleurs les plus âgés sont très
touchés par le chômage et toute leur vie en est bouleversée.
Bien évidemment, le Cap-Breton ne peut pas surmonter la perte de revenus tirés de la Société de développement de même que ses effets secondaires. Il va y avoir d'autres retombées. Les métallurgistes vont perdre des emplois. Étant donné le taux de chômage actuel, la situation va devenir un véritable cauchemar.
La Société de développement a mis en place des centres de transition pour aider les mineurs à rédiger leur c.v., mais je me demande où sont les emplois. On peut toujours rédiger bien consciencieusement des c.v., mais à quoi bon s'il n'y a pas d'emploi?
Je pense que la création récente d'un centre d'appels qui a été annoncé au Cap-Breton est une bonne nouvelle très attendue, mais tout n'est pas encore réglé, à mon avis. Cela ne va pas nous donner 900 emplois dans l'immédiat. C'est très préoccupant.
J'ai lu dans les journaux que la société EDS emploie dans ses autres services du personnel qui sont d'anciens résidents du Cap-Breton ayant demandé un transfert. Nous aurons donc des transferts d'emploi pour les résidents du Cap-Breton qui à l'heure actuelle sont au chômage et à la rue, et il faut, à mon avis, que l'on s'intéresse à cette question.
Cette activité fournira des emplois aux jeunes qui déambulent dans les rues de Cap-Breton, éventuellement un revenu d'appoint aux épouses des mineurs, mais ne garantira certainement pas des revenus identiques aux travailleurs de la Société de développement qui leur permettraient de conserver le niveau de vie modeste auquel ils étaient habitués.
Nous nous adaptons à une nouvelle économie au Cap-Breton et la période de transition va être très difficile. Je pense qu'il faut prévoir un délai de cinq à sept ans pour que le pétrole et le gaz en mer entrent en exploitation.
Il est évident qu'aujourd'hui, nous ne sommes pas plus riches qu'il y a 31 ans, lors de la création de la Société de développement pour exploiter du charbon et pour insuffler un nouveau développement économique. Je considère cependant que nous ne pouvons pas nous permettre d'écarter ceux qui ont servi cette entreprise d'État et nous devons veiller à ce qu'ils soient traités de manière juste et équitable, comme le furent d'autres employés.
Les prestations maladie sont vitales pour chacune des familles d'employés de la Société de développement. Je ne m'étendrai pas sur le sujet. Je dirais simplement que nous avons procédé à une enquête qui a révélé, je pense, que 44 p. 100 des sondés souffraient d'affections qui leur interdiraient l'accès à un régime d'assurance privé.
Il y a des familles dont les frais médicaux sont extrêmement élevés. J'ai sur moi—je ne peux pas vous en donner une copie, mais je peux vous les montrer—les reçus médicaux d'une famille de Glace Bay dont trois enfants ont besoin de médicaments. Ça se monte à 1 000 $ par mois. S'ils n'ont pas ces médicaments, ces enfants mourront.
Je pense que la situation ne laisse pas de nous préoccuper et qu'il convient d'en tenir compte.
Le président: Vous n'avez pas besoin de distribuer ces reçus mais, si vous pouvez en remettre un exemplaire à la greffière, cette dernière se fera un plaisir d'en distribuer une copie à chacun d'entre nous.
Mme Edna Budden: Très bien.
Le président: Puisque vous mentionnez la chose, je pense que tous les membres du comité devraient en posséder une copie.
Je vais vous prier, madame, de conclure.
Mme Edna Budden: Très bien. Je terminerai en disant que le projet de loi C-11... j'ai indiqué précédemment que j'avais le sentiment que le gouvernement... ce qui est prévu ici ne suffit pas pour que l'on puisse dire que l'on a respecté les dispositions des alinéas 17(4)a) et b) de la Loi sur la Société de développement pour remédier aux difficultés économiques.
Ce que je reproche par ailleurs beaucoup au projet de loi C-11, c'est l'article 22, qui traite de l'annexe 1 de la partie 1, où l'on abroge dans la nouvelle loi les dispositions de l'ancienne Loi sur la Société de développement du Cap-Breton. C'est l'une des options sur lesquelles j'ai demandé au gouvernement de se pencher. J'ai estimé qu'il pourrait y avoir là une solution. Il est évident que les employés de la Société de développement pourraient prétendre à bénéficier du régime de retraite et que, couplé au programme de transition, ce mécanisme aurait pu constituer une solution et remédier de toute évidence à bien des difficultés qu'éprouvent à l'heure actuelle les veuves d'employés de la Société de développement étant donné que lorsqu'un mineur meurt, sa retraite disparaît avec lui. Elles pourraient alors bénéficier des prestations du régime médical, des prestations pour conjoint et des prestations pour leurs enfants.
• 1915
Les possibilités étaient là, c'est évident. Je n'ai pas encore eu de
réponse concernant l'étude que l'on était censé faire et j'ai été très
déçu de voir que le gouvernement supprimait ces dispositions de la Loi
sur la pension de la fonction publique.
Je demande donc au Comité permanent des ressources naturelles ainsi qu'à la Société de développement d'étudier la question et de faire adopter un amendement pour protéger les travailleurs de la Société de développement et les empêcher de perdre cette option tant que les études n'auront pas été faites, tant que nous n'aurons pas eu de réponse sur l'admissibilité au régime de la fonction publique, et que le comité dépose des amendements au sujet de l'article 22—partie 1, annexe 1 de la Loi sur la pension de la fonction publique—pour s'assurer que la mention de la Société de développement du Cap-Breton ne soit pas abrogée dans la loi.
Nous recommandons par ailleurs que votre comité veille à ce que le gouvernement du Canada respecte les engagements qu'il a pris à l'origine aux alinéas 17(4)a) et b) de la Loi sur la Société de développement adoptée en 1967. Il ne l'a pas fait jusqu'à présent et je ne pense pas que ça se fera du jour au lendemain.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame.
Avant de passer au témoin suivant, je constate, en consultant rapidement le document que vous nous avez remis, qu'il donne les noms de certaines personnes et je ne suis pas sûr que nous puissions l'accepter ainsi. Avec votre autorisation, je propose que la greffière préserve l'anonymat des personnes qui sont mentionnées dans ce document avant que nous le distribuions.
Mme Edna Budden: Je vous en remercie.
Le président: Certains d'entre vous se demandent peut-être pourquoi j'ai laissé Mme Budden dépasser les 10 minutes qui lui étaient imparties. Si je lui ai accordé ce délai de grâce, c'est parce que ses collègues autour de la table lui avaient fait une faveur en restant brefs.
Monsieur le maire.
M. David Muise: Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'avoir la possibilité de prendre la parole ce soir devant votre comité et je vous remercie sincèrement, vous ainsi que tous les députés, d'avoir pris le temps de venir ce soir.
Je suis maire de la Municipalité régionale de Cap-Breton depuis deux ans et demi environ—probablement les pires années de ma vie, si ce n'est de la vie du Cap-Breton.
Je suis fils d'un métallurgiste et ma femme est fille de mineur de charbon, de sorte que je connais bien tous les aléas de ceux deux industries au Cap-Breton.
L'île du Cap-Breton se subdivise en quatre comtés et la Municipalité régionale du Cap-Breton recouvre quelque 2 600 kilomètres carrés, soit tout un comté de l'île.
Nombre de collectivités de mineurs se trouvent sur le territoire de la Municipalité régionale du Cap-Breton et il fut un temps où il y avait probablement une cinquantaine ou une soixantaine de mines de charbon en exploitation. Nous n'en avons plus qu'une aujourd'hui, et son avenir est loin d'être assuré.
Lors du dernier recensement, la municipalité comptait 117 000 habitants, de sorte que nous ne sommes pas une collectivité rurale. Malheureusement, en raison de notre situation économique, notre population baisse de quelque 1 000 personnes par an, et c'est dans le groupe d'âge des 22-30 ans.
Officiellement, le taux de chômage est de 20 p. 100. Officieusement, il est bien plus élevé. Le taux de participation de la main-d'oeuvre n'est que de 50 p. 100 parce qu'il faut reconnaître, monsieur le président, que bien des gens ont abandonné tout espoir et ne cherchent plus de travail.
Par conséquent, 25 p. 100 des gens sont pauvres au Cap-Breton et, en outre, la pauvreté chez les enfants est très élevée. Je n'en suis pas très fier.
Nous dépendons au Cap-Breton à 60 p. 100 environ des transferts gouvernementaux, que ce soit les pensions de vieillesse, les pensions du Canada, les pensions d'invalidité, les accidents du travail, etc. Notre population vieillit.
Ces statistiques sont toutes antérieures à la dissolution de la Société de développement du Cap-Breton. Si elles sont donc vraies—et je pense que c'est le cas—vous pouvez imaginer les répercussions de cette situation sur notre collectivité.
Laissez-moi vous citer un article de la revue The Social Worker. Il a été rédigé par une soeur de l'Ordre de Notre-Dame, qui a travaillé dans les services sociaux du Cap-Breton et qui évoque l'importance sociale de la fermeture des mines du Cap-Breton. Voici ce qu'elle dit:
-
Est-ce que le reste du pays ne se rend pas compte que tant de
Canadiens se voient soudainement privés de leurs moyens de
subsistance en raison de l'existence d'un système économique qui
impose un fardeau inégal aux différentes régions de ce pays que
nous appelons le Canada? En réalité, le pays dans son ensemble va
être touché par cette catastrophe.
Et croyez-moi, c'est une catastrophe.
• 1920
Il est intéressant de relever que cet article a été rédigé en
1967.
Que dois-je en conclure? J'en conclus, lorsque je lis l'alinéa 17b) de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton:
-
17.(4) Avant de fermer une mine ou de procéder à des réductions
substantielles de la production de charbon dans une ouillère
qu'elle exploite, l'entreprise doit:
—c'est une obligatoire, on dit «doit»—
-
garantir que
-
b) toutes les mesures raisonnables ont été prises par l'entreprise,
soit seule, soit en partenariat avec le gouvernement du Canada ou de
la Nouvelle-Écosse, ou avec un ou l'autre de leurs organismes, afin de
réduire au maximum le chômage ou les perturbations économiques que
l'arrêt ou la réduction de la production est susceptible de générer.
L'article que je viens de citer a été rédigé en 1967, et nous sommes en l'an 2000. Le problème n'a pas été résolu, même si un organisme fédéral a été mandaté pour le faire. Voilà pourquoi nous sommes si préoccupés par le fait que vous voulez abroger cette disposition de la législation. On a déclaré que l'ECBC, Enterprise Cape Breton Corporation, une société affiliée à la Société de développement du Cap-Breton, pourrait reprendre à son compte cette activité. J'aurais quelques commentaires à faire à ce sujet dans quelques minutes.
Franchement, je ne pense pas que l'on ait pris toutes les mesures que l'on pouvait raisonnablement prendre. Récemment, Donald Savoie, un économiste de l'Université de Moncton, qui connaît très bien ce gouvernement, s'est référé dans un article à ce qu'il appelle la politique de l'impuissance. M. Savoie soutient que les Maritimes n'exercent pas suffisamment d'influence au sein de la fédération canadienne.
Les quatre premiers ministres des provinces des Maritimes se sont réunis cette semaine à Moncton et ont évoqué la possibilité de se regrouper au sein d'une seule province. On en parle depuis de nombreuses années.
C'est ainsi que M. Savoie affirme que nous n'avons pas suffisamment d'influence au sein de la fédération canadienne. C'est un point de vue que je partage, monsieur le président. J'estime sincèrement que les Maritimes ont été oubliées. Si en fait les Maritimes n'ont pas suffisamment d'influence et pâtissent de cette impuissance politique, imaginez ce que la situation doit être pour l'une des économies les plus faibles de la région. C'est malheureusement notre cas, celui de la Municipalité régionale du Cap-Breton.
L'industrie du charbon du Cap-Breton a été étudiée à satiété. En 1966, dans le rapport Rand, le juge Rand s'est exprimé en ces termes:
-
Est-ce que ce secteur du Cap-Breton, qui emploie plus de 8 000
personnes
À l'époque, en 1966, il y avait 8 000 employés.
-
dans l'extraction du charbon, et dont l'influence s'exerce en fin
de compte, étant donné la situation qu'occupent les mines, sur
l'ensemble de l'économie de l'île, va être mis de côté et laissé à
l'abandon? Est-ce que les gouvernements concernés ne vont pas
prendre des mesures positives susceptibles de remédier à la
situation et de redonner de l'espoir et de l'ambition à une société
en proie au pessimisme et à l'appréhension? Pour y parvenir, du
moins dans notre pays, il ne peut y avoir qu'une seule solution;
nous ne pouvons pas couper l'île du Canada et il nous faut à mon
avis agir en faisant en sorte que la Nouvelle-Écosse retrouve sa
confiance et s'affirme en faisant preuve d'une nouvelle vitalité.
Qu'a donc fait le gouvernement ces 30 dernières années? Puisque ces mots ont été prononcés en 1966 et ont donné lieu à la création de la Société de développement du Cap-Breton, que s'est-il passé?
On a déclaré que c'est Enterprise Cape Breton Corporation qui allait désormais se charger de cette tâche. Je crains que cette responsabilité disparaisse avec la suppression de l'article 17. On ne sera plus obligé de prendre des mesures raisonnables. Très vraisemblablement, la Cape Breton Enterprise Corporation pourra alors tranquillement disparaître et le gouvernement fédéral ne sera plus tenu de faire quoi que ce soit pour le Cap-Breton.
On a déclaré que des fonds seront mis à la disposition des mineurs pour compenser la cessation de leur emploi. C'est de l'argent auquel ils ont droit. S'ils avaient travaillé pour le compte de n'importe quel autre organisme fédéral, ils auraient relevé des dispositions de la Loi sur la pension de retraite. Ne me dites donc pas que vous nous donnez de l'argent—vous restituez aux mineurs l'argent que vous leur deviez, de sorte qu'il ne faut pas compter ces 111 millions de dollars.
• 1925
Le gouvernement va nous donner 68 millions de dollars au titre du
développement économique. Lorsque la Société de développement va
fermer, nous allons perdre 65 millions de dollars de pouvoir d'achat
au sein de notre collectivité—nos familles vont perdre 65 millions de
dollars de revenus en une seule année. On s'attend donc à ce que nous
transformions en une année, avec 68 millions de dollars, une économie
axée sur les ressources naturelles en une économie de services. Je dis
que c'est le gouvernement qui nous a placés dans cette situation et
qu'il est tenu d'y remédier.
L'action menée par le gouvernement fédéral du Canada ces 30 dernières années en faveur du développement économique de Cap-Breton a complètement échoué. Tous les projets—et c'est à dessein que j'emploie le terme de «projet», parce qu'il s'agissait bien de projets à court terme qui ne s'inscrivaient pas dans la durée—n'ont fait que retarder l'inévitable de 14 semaines, soit la période d'admissibilité de l'AC. S'il fallait 18 semaines pour prétendre à toucher les prestations d'AC, la durée des programmes était portée à 18 semaines. Il n'y avait rien de permanent et rien de durable.
Des efforts ont été faits sous l'égide de la Division du développement industriel établie à l'origine pour faire de la pisciculture ou de l'élevage des moutons—ce furent chaque fois des échecs retentissants. L'idée était peut-être bonne au départ, mais elle était irrémédiablement vouée à l'échec.
Dans cet article rédigé en 1966, la soeur Thomas Marie écrit:
-
Les répercussions sociales de l'arrêt des activités d'une industrie
sont toujours graves. Toutefois, c'est particulièrement
catastrophique pour nos mineurs parce qu'ils n'ont pas d'autres
possibilités d'emploi. Il n'y a pas d'autre industrie pour les
employés.
C'est ce qui s'est passé au sein de notre économie. Elle est axée sur les ressources naturelles, nous dépendons de ces ressources et il n'y a aucune diversification. Aucun débouché ne s'offrait à nos jeunes. Ils ont fait des études et sont partis.
Au sujet des études, c'est étonnant ce qu'écrit soeur Thomas dans son article. Elle nous dit que l'on s'est efforcé de faire de la formation professionnelle et elle conclut:
-
«À quoi bon?» Une école ne sert pas à grand-chose s'il n'y a pas de
marché pour les gens qualifiés qui en sortent.
Le lendemain de l'annonce faite par le ministre Goodale à Cap-Breton, les mineurs de charbon ont réagi très fortement. Le premier ministre de l'époque, M. Russell MacLellan, en a principalement fait les frais. L'un des mineurs a fait cette observation très révélatrice. Dans la quarantaine, il perdait son travail et il n'était pas suffisamment âgé pour toucher une pension. «Maintenant», a-t-il dit, «il va me falloir concurrencer mon fils pour trouver un travail. Comment vais-je faire? Est-ce que je vais laisser le travail à mon fils? Est-ce que je dois entrer en concurrence avec lui? J'ai 47 ans. Je n'ai pas l'âge de prendre la retraite.»
Malheureusement, les mineurs de charbon ne savent faire qu'une chose—extraire le charbon. Ils ont des compétences en mécanique et en électricité, mais elles sont spécialisées dans l'industrie minière. Oui, il y a quelques possibilités de formation, mais en l'an 2000 c'est dans le secteur de la haute technologie. On offre des formations dans les centres d'appel, la conception des logiciels et autres domaines de ce genre. Il n'y a pas d'emploi pour les mineurs de charbon. Heureusement, ces débouchés s'offrent à leurs enfants. Nous en sommes très heureux, mais il y a 1 200 mineurs de charbon qui vont se retrouver au chômage très prochainement.
Je suis maire d'une municipalité qui a été durement touchée sur le plan social et financier. C'est la seule municipalité de la Nouvelle-Écosse dans laquelle l'évaluation des propriétés a baissé. Dans notre municipalité, les entreprises font faillite et démolissent leurs bâtiments pour ne pas avoir à payer les taxes. Voilà à quoi je suis confronté. Je suis confronté à une perte de 1,5 million de dollars de subventions tenant lieu de taxes qui me sont versées au titre de la Société de développement du Cap-Breton. Je suis confronté à la situation des mineurs de charbon qui perdent leurs maisons. Je ne veux pas devenir un propriétaire immobilier. En tant que municipalité, nous sommes des fournisseurs de services; nous ne sommes pas des propriétaires immobiliers et cette activité ne m'intéresse pas. Nous allons avoir des difficultés à percevoir nos taxes et à faire payer l'eau, ce qui va entraîner d'autres difficultés sociales.
Il y a quelques mois, nous avons dû résilier notre contrat avec la Gendarmerie royale du Canada et passer à un service de police régional élargi parce que la GRC nous coûtait trop cher. Voilà le genre de décisions que doit prendre la Municipalité régionale du Cap-Breton.
Par conséquent, est-ce que le gouvernement a assumé son mandat? Je ne le pense pas. Il nous faut maintenant profiter de la dernière lueur d'espoir qui reste aux habitants du Cap-Breton, mettre en quelque sorte le gouvernement au pied du mur et l'obliger à favoriser notre développement économique—nous vivons une triste époque. Ainsi que l'a déclaré M. Boutilier, la création de la Société de développement du Cap-Breton a été un grand jour et sa dissolution, un bien triste jour pour le Cap-Breton.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur le maire, merci.
Cela ne nous laisse pas beaucoup de temps pour les questions. Passons-y sans tarder. Je vais me montrer beaucoup plus strict avec les membres du comité que je ne l'ai été envers les témoins. Les cinq minutes qui vous sont accordées comprennent le temps de réponse du témoin.
Je précise, tout en commençant, que la nourriture annoncée vient d'être mise sur la table. Si vous voulez vous servir, allez-y, je vous en prie. Que ceux qui veulent attendre un petit peu entament les questions et puis nous alternerons.
M. Brent St. Denis: Vouliez-vous que la Nova Scotia Power intervienne dès maintenant?
Le président: Non, nous l'entendrons dans le cadre du groupe suivant. Merci.
Monsieur Chatters. M. Chatters est membre de l'Alliance canadienne.
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, soyez les bienvenus à cette séance du comité. Nous disposons de si peu de temps, et nous avons déjà discuté de tant de choses que je ne sais pas très bien par où commencer.
Je note un contraste frappant entre le portrait très sombre que vous dressez de la situation dans votre région, et ce que nous ont dit hier d'autres témoins et en particulier le ministre et l'ancien président-directeur-général de la Société Devco, qui prévoyaient, eux, une amélioration de la conjoncture, expliquant que pendant de longues années Devco avait souffert d'une mauvaise gestion et de l'ingérence gouvernementale, et que la compagnie a un bel avenir aux mains du secteur privé. Ils estiment que la société Nova Scotia Power va avoir besoin de charbon pendant encore 20 ans, que ce charbon se trouve sur place et que les mines Prince et Donkin, passées aux mains de nouveaux propriétaires, peuvent fournir le charbon nécessaire.
Pourquoi excluez-vous une telle amélioration de la situation? Pourquoi étiez-vous contre la privatisation de Devco?
M. David Muise: J'admets que la société exploitante va faire de bonnes affaires. L'essentiel c'est le contrat de fourniture de charbon à la Nova Scotia Power. S'ils décrochent ce contrat, ce qui me semble certain, ils ne seront pas tenus de s'approvisionner sur place. Le contrat n'interdit pas d'importer du charbon de Colombie où les mineurs et les employés touchent un salaire dérisoire. Le charbon pourrait aussi bien être importé de Pennsylvanie, du Tennessee ou du Brésil. Ils auront toute latitude au niveau des approvisionnements.
D'abord, je constate avec stupéfaction qu'aucun représentant de Devco ne veut admettre que la gestion a été lamentable. Depuis 20 ans ils ne cessent de répéter que les problèmes ne se situent pas au niveau des dirigeants de la société mais au niveau du syndicat. Je n'en dirai pas plus.
Ils prétendent que, privatisée, Devco va renouer avec les bénéfices. Mais, qu'en sera-t-il de l'emploi? Cent postes? Deux cents postes? La mécanisation des mines? Cela va mettre 700 mineurs au chômage. C'est en effet l'aspect humain qui nous intéresse ici. Il ne s'agit pas seulement de la prospérité d'une charbonnière américaine installée au Cap-Breton. C'est déjà une société privée qui, en 1966, nous a plongés dans cette situation en délaissant les charbonnages.
M. David Chatters: Je vous interromps car nous allons manquer de temps.
Vous prenez pour acquis, donc, que les mines du Cap-Breton seront vendues à une société américaine puisque toutes les offres locales de rachat ont été écartées.
M. David Muise: C'est bien cela.
M. David Chatters: Et, donc, les habitants du Cap-Breton et la population dans son ensemble auraient davantage confiance, en un mot préféreraient, que l'on donne aux soumissionnaires locaux une possibilité de reprendre les mines?
M. David Muise: C'est clair.
M. David Chatters: Bon.
Le président: Monsieur Chatters, je vous remercie de votre amabilité.
[Français]
Monsieur Fournier.
M. Ghislain Fournier: Ma première observation, même si le temps presse...
Le président: Veuillez attendre un moment, s'il vous plaît, monsieur Fournier. Attendez que les témoins soient prêts.
• 1935
On éprouve ces problèmes quand M. Cardin est à votre place. Donc, je
me demande s'il s'agit d'un problème de relais. Il y a M. Fournier et
M. Cardin, et à chaque fois que M. Cardin commence à parler, il y a un
problème technique. Comme vous êtes assis à sa place, vous éprouvez
le même problème. Est-ce qu'il y a une relation? Je ne le sais pas.
[Traduction]
Sommes-nous prêts?
[Français]
Monsieur Fournier.
M. Ghislain Fournier: Monsieur le président, même si le temps presse, ma première observation s'adresse à vous parce que j'ai mal compris votre intervention à mon égard.
J'ai compris que ce qui se passait était sérieux et qu'on ne devait pas interrompre. J'espère avoir mal compris. Si mon impression est juste, je dois vous dire que je suis moi-même sérieux et que si je suis ici, ce n'est pas parce que je n'ai rien d'autre à faire ailleurs. J'espère avoir mal compris. Je suis venu ici pour comprendre et si je ne comprends pas, je dois interrompre la personne qui parle et le dire. C'est mon devoir de le faire, mais j'espère avoir mal compris ce que vous avez dit.
Le président: Oui, vous avez mal compris.
M. Ghislain Fournier: J'en suis bien content. Vous me rassurez.
Lors de votre intervention, messieurs les témoins, vous avez dit que le fédéral avait eu un échec et que c'était une absurdité. En tout cas, c'est ce que je comprends. Le gouvernement fédéral a été incapable de comprendre la réalité locale. Comment un gouvernement central pourrait-il faire mieux? Comment voyez-vous cela? Qu'est-ce qu'il aurait dû faire de plus? Il y a certaines régions, entre autres la vôtre, où le taux de chômage est de 25 p. 100. Il y a une partie de ma région où le taux de chômage atteint 80 p. 100. Quelle est la différence entre une région où le taux de chômage est de 80 p. 100 et votre région, où il est de 25 p. 100? J'essaie de comprendre. Il est vrai que vous avez un bon dossier, mais j'essaie de comprendre en quoi le gouvernement fédéral aurait dû aller plus loin. Soyez assurés que je ne suis pas ici pour le défendre.
Le président: Monsieur Fournier, est-ce que votre question s'adresse à un témoin en particulier ou s'il s'agit d'une question générale?
M. Ghislain Fournier: C'est une question générale qui s'adresse à celui qui voudra bien y répondre. M. le maire a dit qu'il était déçu...
Le président: Alors, votre question s'adresse à M. le maire.
M. Ghislain Fournier: Oui.
[Traduction]
Le président: Monsieur Muise.
M. David Muise: D'abord, je vais vous demander de m'excuser. Je suis de descendance acadienne, mais je ne parle pas assez bien le français pour vous répondre dans cette langue. Ce sera peut-être pour la prochaine fois.
Depuis trente ans, ce qui s'est produit avec la Société de développement du Cap-Breton, c'est que tous les quatre ou cinq ans on instaurait un nouveau programme de transition pour réduire les effectifs de l'industrie charbonnière par des départs à la retraite. Cela semble avoir été le principal souci du gouvernement, de réduire les effectifs des charbonnages par des départs à la retraite, alors qu'initialement il était prévu de réduire les effectifs des charbonnages en créant d'autres emplois. Il y eut bien quelques projets à court terme, mais ce furent des échecs. C'est alors qu'ils lancèrent des programmes de transition, offrant aux salariés âgés de plus de 50 ans un complément de pension de retraite jusqu'à ce qu'ils puissent, en atteignant l'âge de 60 ans, toucher les prestations du Régime de pensions du Canada. Ces départs à la retraite anticipée leur ont permis de réduire les emplois dans les mines, certes, mais non pas de créer d'autres emplois comme il était initialement prévu de le faire. C'est pour cela que je parle d'échec.
Le président: Madame Dockrill.
Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les personnes qui sont venues témoigner et, en tant que représentante du Cap-Breton, je comprends fort bien car nous avons régulièrement l'occasion de voir de nos propres yeux les situations évoquées tout à l'heure, notamment par les épouses.
Je vois, dans l'assistance, un autre représentant du Cap-Breton, le père Neville, qui, ce matin, à New Waterford, célébrait les obsèques d'un mineur de 50 ans. C'est dire que nous n'ignorons rien de ce qui se passe actuellement au Cap-Breton.
Monsieur Muise, lors de votre exposé, vous avez dit que le gouvernement fédéral ne s'était pas suffisamment engagé, ou du moins qu'il n'avait pas réussi à diversifier l'économie du Cap-Breton. En tant que maire, pensez-vous que la dissolution de Devco, prévue dans le projet de loi, risque non pas de faire des ravages mais bien de détruire le Cap-Breton tant économiquement que socialement?
M. David Muise: Cela nous porterait effectivement un coup dont on ne se remettrait pas de sitôt. Je reconnais que, récemment, le gouvernement a en effet tenté de créer des emplois, mais ces emplois-là ne son pas des emplois pour mineurs de fond. Nous sommes, je le répète, très contents de les avoir, mais ce sont les emplois qui s'adressent à d'autres personnes, non aux mineurs. Nous avons là une société qui, chaque année, contribue probablement 100 millions de dollars à l'économie, du Cap-Breton, certes, mais aussi aux lignes de chemin de fer. S'il n'y a pas de charbon à transporter, il n'y aura pas lieu de conserver les chemins de fer et cela affecterait vraiment tout le monde car, sur l'île, il existe d'autres utilisateurs du chemin de fer que les charbonnages. Ils font appel à des fournisseurs de l'île et vont acheter de l'équipement jusqu'en Ontario, et même en Europe.
Vous avez utilisé le mot «ravage» et cela provoquerait effectivement des ravages dans la municipalité. Il est clair que le comté du Cap-Breton serait plus touché que les autres comtés de l'île et je n'exagère pas en disant qu'on ne s'en remettrait pas de sitôt. Autrefois, la fermeture des houillères était amortie par les programmes de transition et les programmes de départ à la retraite. Puis, dans les années 70, la crise pétrolière a entraîné la mise en exploitation de nouvelles mines, ce qui promettait de meilleurs jours à la Société de développement du Cap-Breton. Encore une fois, au lieu de chercher à implanter de nouvelles activités, on a tout misé sur la mise en exploitation de nouvelles mines. Nous dépendons maintenant entièrement des houillères. Oui, cela provoquerait des ravages.
Le président: Une minute et demie.
Mme Michelle Dockrill: Merci, David. J'enchaîne en vous demandant si, d'après vous, l'alinéa 17(4)b) du projet de loi devrait être conservé pour vous aider, vous le maire de cette municipalité, à vous remettre, justement, du coup?
M. David Muise: Je pense, effectivement, que le gouvernement fédéral doit s'engager sérieusement à faciliter notre développement économique. J'ai appris à ne pas trop compter sur la SECB. J'espère qu'ils vont pouvoir oeuvrer plus utilement, mais ils n'ont pas fait grand-chose dans le passé et, ces dernières années, ils n'ont pas vraiment les moyens. Certains parlementaires représentant d'autres régions du pays sont peut-être surpris de nous voir faire la fine bouche devant 60 millions de dollars, mais il faut bien se rendre compte de l'effet dévastateur que peut avoir, sur une communauté, la fermeture de sa seule industrie. Nous sommes 117 000 et ce n'est pas un petit village qui peut simplement mettre la clé sous le paillasson. Il s'agit d'une communauté d'une certaine envergure qui aimerait pouvoir se maintenir et nous voulons donc tout à fait collaborer avec le gouvernement fédéral. Nous allons collaborer avec la SECB. Nous voudrions simplement avoir un certain nombre de garanties.
Le président: Merci, madame Dockrill et monsieur le maire Muise.
Plusieurs membres du parti du gouvernement ont décidé de donner à l'opposition la possibilité de poser la majeure partie des questions étant donné que le temps nous est compté.
M. Reed et M. Provenzano ont ainsi accepté de partager leur temps de parole.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vais être aussi bref que possible. Il m'est pénible d'entendre le récit des situations nées de cette période de transition pleine d'incertitudes. On ne peut pas faire semblant qu'il n'en est pas ainsi.
• 1945
Dans les quelques minutes qui me sont accordées, monsieur Boutilier,
je voudrais vous parler un peu de cela. Je ne suis pas certain d'avoir
très bien compris, mais vous avez parlé tout à l'heure d'autres
possibilités minières au Cap-Breton.
M. Sam Boutilier: En effet.
M. Julian Reed: Ont-elles fait l'objet d'études sérieuses qui auraient conclu à leur viabilité?
M. Sam Boutilier: On exploite les gisements de gypse depuis assez longtemps déjà et je sais qu'il y a également du nickel. Un dépôt de gypse est exploité à Kelly's Mountain. Le minerai est chargé à bord d'un bateau. Ce n'est pas une très grosse exploitation mais, avec les capitaux nécessaires, cela pourrait le devenir.
M. Julian Reed: Est-ce une ressource importante?
M. Sam Boutilier: Je crois savoir que oui.
M. Julian Reed: Vous avez également parlé de cuivre et de nickel. Ces deux minerais sont-ils actuellement...
M. Sam Boutilier: Non, ils ne sont pas actuellement exploités, mais le minerai est bien là.
M. Julian Reed: Vous avez beaucoup de mineurs de fond expérimenté.
M. Sam Boutilier: Justement.
M. Julian Reed: Mais alors je me demande pourquoi on ne les a pas encore... Je sais que ces dernières années, le prix des métaux a baissé et donc ce n'est actuellement peut-être pas très rentable, mais cette situation est appelée à évoluer.
M. Sam Boutilier: Non. À l'île du Cap-Breton, c'est le charbon qui a toujours été le plus grand atout, et le gouvernement, je crois, a misé sur cela. L'île renferme encore beaucoup de charbon. La mine Donkin est une véritable mine d'or. Elle contient du charbon en quantité. Elle a été inondée et abandonnée. Si le secteur privé reprend l'affaire, évacue l'eau et commence à alimenter la Nova Scotia Power en charbon... Comme je le disais tout à l'heure, nous n'aurions pas de mal à exporter. Devco était toujours bien placée sur les marchés à l'exportation. Elle pourrait toujours exporter son charbon. La qualité est là. Si une entreprise privée reprenait les charbonnages—et nous aimerions que ce soient des intérêts locaux—je crois que l'affaire pourrait être rentable, surtout si on y ajoute le gypse, le nickel et le cuivre.
M. Julian Reed: Je vous remercie.
Le président: Je vais passer la parole à M. Provenzano qui disposera ainsi des deux dernières minutes.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le président, ma question va à peu près dans le même sens. Il est clair que ces problèmes existent depuis longtemps déjà. Étant donné les possibilités exposées il y a quelques instants, quels sont, au niveau local, les initiatives entreprises afin d'étudier un peu sérieusement les chances de pouvoir aboutir.
M. Sam Boutilier: Jusqu'ici, seul le gypse a fait l'objet d'un effort soutenu. Il y a quelque temps, les opérations sur la montagne ont dû être interrompues en raison de la découverte d'une nécropole indienne. Je ne suis pas certain, mais je crois que le problème a été réglé. Je ne sais pas si l'exploitation du gisement se poursuit. Il faut dire qu'on s'est surtout intéressé au charbon. C'est surtout ça.
M. David Muise: L'extraction du gypse se fait en surface. Au Cap-Breton, les gisements de charbon sont sous terre, dans des mines à longue taille et c'est très différent. Comme vous le disiez tout à l'heure, le prix des autres minerais a beaucoup baissé.
Le gaz du plateau continental représente une autre possibilité, mais la frontière entre Terre-Neuve et l'île du Cap-Breton n'a pas encore été fixée. Nous attendons depuis deux ans qu'un arbitre soit nommé en cette affaire. On ne peut pas compter sur cela, cependant, car il faudra bien attendre 20 ans avant que puissent être exploités les gisements éventuels.
Au Cap-Breton, nous persévérons dans la recherche de solutions aux problèmes économiques auxquels nous nous heurtons. Notre économie a été ravagée. Financièrement, nous n'avons pas les moyens et c'est pour cela que nous tentons d'attirer des investissements privés. Cela dit, il nous faut également obtenir l'aide du gouvernement fédéral et du gouvernement de la province.
Le président: Je vous remercie. Je passe maintenant la parole à M. Mancini, qui n'est pas membre du comité mais qui assiste à cette séance, justement, afin de pouvoir poser une question.
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Vous avez bien dit une question?
Le président: Oui. Vous disposez d'environ deux minutes.
M. Peter Mancini: Je serai bref. Il s'agit là de questions importantes.
• 1950
D'abord, je tiens à souhaiter à tout le monde la bienvenue.
Vous me connaissez tous et on peut donc abréger les présentations.
D'abord, M. Boutilier. Monsieur Boutilier, le projet de loi C-11 prévoit la création d'une nouvelle société. En gros, l'objet de cette société est exposé à l'article 18. Il s'agit essentiellement d'administrer les régimes de pension des personnes parties à la retraite. D'autres organisations estiment-elles que les Devco Pensioners devraient avoir un rôle à jouer dans la gestion de régime de pension en disposant d'un siège au conseil d'administration de la nouvelle société.
M. Sam Boutilier: Tout à fait. D'ailleurs, nous avons formulé une demande en ce sens. Nous avons obtenu 50 signatures, c'est-à-dire le nombre prévu, mais notre demande a été rejetée. Ils nous ont répondu que nous n'aurions pas voix au chapitre et qu'il serait par conséquent tout à fait inutile de siéger au conseil d'administration.
M. Peter Mancini: Alors que le gouvernement met la dernière main à un nouveau projet de loi, ce ne serait pas pour vous déplaire si ce projet était modifié afin de prévoir qu'un des sièges du nouveau conseil d'administration sera réservé à quelqu'un de votre organisation.
M. Sam Boutilier: Cela me paraît en effet souhaitable.
M. Peter Mancini: Entendons-nous. Vous avez parlé de l'approvisionnement en charbon des retraités de Devco ou de leurs veuves. Est-ce votre avis, et celui de votre organisation, que, quelle que soit la société qui rachète les mines, il y aurait lieu de continuer à fournir, aux prix actuels, du charbon à ces personnes qui maintenant en dépendent?
M. Sam Boutilier: Tout à fait.
M. Peter Mancini: Bon.
M. Sam Boutilier: Permettez-moi d'évoquer en outre la question des prestations de santé dont bénéficient nos retraités. Nous ne savons pas vraiment ce qui va se passer lors de la fermeture de Devco. Certains de nos retraités ont 58 ans et il leur faudra attendre l'âge de 65 ans pour obtenir la prise en charge de leurs dépenses pharmaceutiques. Nous ne savons pas du tout si ces prestations continueront à être assurées. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment laisser les gens dans une telle incertitude.
M. Peter Mancini: Ma prochaine question s'adresse au maire. David, je sais que vous êtes avocat car j'ai eu l'occasion de m'opposer à vous devant les tribunaux.
Vous parliez tout à l'heure de l'article 17 de la loi aux termes duquel la Société «a pris toutes les mesures possibles dans les circonstances». Ainsi que nous l'ont appris nos études de droit, il s'agit donc d'une disposition obligatoire et non simplement facultative. D'après vous, le gouvernement du Canada va-t-il, tel que le texte est actuellement rédigé, à l'encontre de sa propre législation?
M. David Muise: Oui.
Le président: Monsieur Mancini, dans la foulée, avez-vous une ultime question à poser?
M. Peter Mancini: Puis-je en poser une dernière?
Le président: Allez-y.
M. Peter Mancini: Hier, j'ai demandé à M. Shannon si le contrat avec la Nova Scotia Power était le principal atout dans le cadre de la vente prévue, et il m'a répondu que non. D'après lui, la mine Prince est l'élément principal d'une éventuelle transaction. Or, pour vous, ce contrat est le gros lot. Sur ce point, vous n'êtes donc pas d'accord avec M. Shannon.
M. David Muise: Si c'était moi le soumissionnaire, ce serait en effet ça qui m'intéresserait.
Je voudrais, très rapidement, dire quelque chose au sujet des installations de Devco. La municipalité régionale du Cap-Breton a pris contact avec le gouvernement, car elle s'intéresse, elle aussi, aux biens de la société. Le gouvernement fédéral entend se défaire du Terminal maritime de Sydney, de l'immeuble des pêches et du bassin portuaire de Sydney et nous avons décidé de constituer une administration portuaire. Nous avons déposé auprès de la province de la Nouvelle-Écosse un dossier en vue de l'acquisition du port sidérurgique de Sydney et, auprès du gouvernement fédéral, en vue de l'acquisition des installations portuaires de la Société de développement du Cap-Breton. Nous aimerions collaborer avec le nouvel acquéreur afin d'agrandir et d'améliorer le port. M. Reed voulait savoir ce que nous faisions pour améliorer notre situation, eh bien j'estime que ce projet va dans ce sens-là.
Or, on nous a dit que Devco serait vendue comme un tout et que ses biens ne seraient pas mis en vente séparément.
M. Peter Mancini: Voici une question que j'adresse soit à Faith, soit à Kathy. Ce soir, vous nous avez cité des passages d'un texte écrit. Ce n'est pas votre première visite à Ottawa et vous aviez déjà eu l'occasion de transmettre de la documentation à certains députés. J'imagine qu'une partie des textes dont vous nous avez donné lecture provient de cette documentation. Accepteriez-vous de transmettre ces documents aux membres du comité qui aimeraient les avoir? Je vous remercie.
Monsieur le président, merci.
Le président: Nous pouvons, monsieur Mancini, faire mieux encore. Nous allons en distribuer des copies. Ce document pourra alors figurer au compte rendu.
M. Peter Mancini: Monsieur le président, je sais que certains passages ont été repris dans leur exposé, mais je ne pense pas qu'elles aient en main le document original. Elles pourraient toujours nous le faire parvenir.
Le président: Si vous avez avec vous le document original, faites-le parvenir à la greffière qui pourra ainsi en distribuer des copies aux membres du comité.
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier de votre diligence et de votre franchise. Votre engagement dans ce dossier qui vous tient à coeur vous fait honneur. Je vous remercie de nous avoir aidé à mieux comprendre la manière dont vous envisagez la situation et comment ce dossier est susceptible de vous affecter.
M. David Muise: La présidence me permettrait-elle une question très brève? Le comité entend-il organiser des auditions au Cap-Breton?
Le président: Le comité n'a pas encore étudié la question, mais, comme je le disais au départ, ce comité s'est transformé en comité législatif. Normalement, c'est un comité permanent. Il est saisi, en outre, de plusieurs autres questions. Nous n'avons pas encore envisagé un déplacement car, à l'heure actuelle, c'est le texte du projet de loi que nous examinons. Qu'il me soit permis de préciser que nous vous avons invités à comparaître devant le comité dans le cadre de notre examen du projet de loi. C'est pour cela que j'avais demandé au départ que l'on fasse porter notre attention sur des dispositions précises du texte.
M. David Muise: Je vous remercie.
Le président: Monsieur le maire, mesdames et messieurs les témoins, merci.
Je vais maintenant suspendre la séance pendant deux ou trois minutes afin de donner aux autres témoins l'occasion de prendre place autour de la table.
Le président: La séance est à nouveau ouverte.
Excusez-moi. Je tiens à préciser, notamment à l'intention des observateurs, c'est-à-dire de toutes les personnes qui ne sont pas assises à cette table, qu'ils sont les bienvenus ici. Cela dit, nous demandons à tout le monde de respecter les bienséances et la sérénité de nos délibérations et cela vaut également pour les personnes qui s'alimentent.
Nous accueillons un second groupe de témoins, dont certains ont déjà été présentés. Accueillons M. Kevin McNamara, président de la Cape Breton District Labour Council; M. Kevin Murphy, vice-président de la Cape Breton Miners Development Co-operative Ltd.; et Cliff Murphy, de la Cape Breton Island Building and Construction Trades Council.
M. John Hugh Edwards (Conseiller, Cape Breton Island Building and Construction Trades Council): Je m'appelle John Hugh Edwards et c'est à moi et à Blaise MacDonald notre conseiller juridique qu'on a demandé de présenter l'exposé.
Le président: Vous accompagnez M. Murphy. Nous allons donc écouter M. John Hugh Edwards...
M. John Hugh Edwards: Et M. MacDonald.
Le président: Où est M. MacDonald? Bon. Vous pouvez vous rapprocher, si vous voulez. Cela ne présente aucune difficulté, mais je vais demander à seulement un d'entre vous de prendre la parole.
Je demande aux représentants de la Nova Scotia Power Inc. de nous excuser. Nous vous attendions un peu avant, mais j'ai dû modifier la liste des orateurs et c'est pourquoi je ne vous ai pas demandé de prendre la parole plus tôt. Je suis heureux de vous accueillir ici. Il y a, donc, M. Murray Coolican et M. Peter Kinnear. Vous pourriez peut-être vous asseoir un petit peu plus près de lui, au cas où vous voudriez vous consulter car je ne vais demander qu'à l'un d'entre vous de présenter l'exposé.
Qu'il ne soit pas dit que même lorsqu'on parle de choses sérieuses—car ce comité a effectivement parlé de choses sérieuses... Hier, l'un de nos collègues s'est vu reprocher certaines choses, mais un horoscope chinois a fini par justifier sa conduite. Il n'est jamais amer, sournois ou mesquin; c'est sans doute un Libéral.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Messieurs, vous étiez ici lorsque j'ai présenté les membres de l'autre groupe. Permettez-moi, aux fins du compte rendu, de répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Chacun d'entre vous disposera de dix minutes. Je vous demande de ne pas dépasser le temps de parole. Après cela, nous passerons aux questions. La séance des questions et des réponses est souvent, pour les membres du comité, le moment le plus productif de nos délibérations. Cela nous donne l'occasion d'insister sur un certain nombre de points précis.
• 2005
Je sais qu'il s'agit d'un dossier qui revêt pour vous une très grande
importance. Je ne veux pas interrompre votre exposé. Cela dit,
n'oubliez pas que le comité se livre à l'examen d'un projet de loi. Il
nous serait très utile que vous attiriez l'attention des membres du
comité sur les dispositions du projet de loi qui vous paraissent
particulièrement importantes. Que cela, par contre, ne soit pas pour
vous une contrainte. Soyez libres d'évoquer d'autres aspects de la
question dans la mesure où vous en tenez au temps qui vous est
imparti.
M. Murray Coolican (Vice-président, Affaires publiques, Nova Scotia Power Inc.): Monsieur le président, me permettez-vous une observation préliminaire?
Le président: Oui.
M. Murray Coolican: Je souffre du dos et, donc, si au milieu d'un témoignage, je dois sortir pour faire quelques exercices, j'espère que personne n'en prendra ombrage.
Le président: Nous comprenons fort bien.
M. Murray Coolican: Si je ne procède pas ainsi, on risque d'entendre des hurlements.
Je vous remercie.
Le président: Nous comprenons fort bien. Ne vous sentez pas obligé de rester assis lors de la présentation des exposés. Si vous voulez intervenir en dernier, vous n'avez qu'à me le faire savoir. Est-ce bien entendu? Merci, monsieur Coolican.
Passons d'abord la parole à M. Kevin Murphy.
M. Kevin Murphy (Vice-président, Cape Breton Miners Development Co-operative Ltd.): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Kevin Murphy. J'habite Reserve Mines, au Cap-Breton, et je travaille depuis 18 ans comme mineur dans les houillères. Je vous remercie de nous avoir invité, bien qu'un peu tardivement, à présenter un exposé devant votre comité et j'espère que cela se révélera utile au niveau des décisions à prendre.
Je suis ici en tant que représentant de la Cape Breton Miners Development Co-operative Limited. Cette coopérative regroupe des jeunes mineurs qui, aux termes des plans actuellement avancés par le gouvernement fédéral ou par la Société de développement du Cap-Breton, ne peuvent espérer ni une pension de retraite, ni un emploi dans les houillères.
La coopérative a été créée en 1998 et elle a toujours défendu l'équité dans l'industrie charbonnière du Cap-Breton. Si elle existe, c'est parce que ses membres estiment que les houillères du Cap-Breton ont un avenir qui s'inscrit dans le long terme, que leur exploitation peut être rentable et que la participation des employés à la propriété des mines est essentielle pour assurer le succès de ce secteur d'activité au Cap-Breton.
Depuis la création de la coopérative, ses membres estiment que, comme naguère, le gouvernement fédéral devrait, dans le cadre de son projet de privatisation, offrir aux employés et cadres de Devco une occasion préférentielle de se porter acquéreurs de la société. Non seulement, cela n'a pas été fait, mais nous n'avons même pas pu obtenir une aide de notre gouvernement, ni financière ni même sous forme de conseils. La coopérative a simplement été autorisée à faire une offre pour le rachat intégral de Devco, en concurrence directe avec les investisseurs privés. Notre offre a été rejetée sous prétexte que nous n'avions pas engagé une équipe de gestion, et nous n'avons même pas figuré parmi les candidats au rachat retenus après sélection.
Ne se laissant pas décourager par ce rejet, fermement décidée à participer à l'exploitation des mines de charbon du Cap-Breton, notre coopérative s'est mise à la recherche d'autres sources d'investissement et de financement. Nous avons heureusement pu conclure un accord avec Donkin Resources Limited, société également connue sous le sigle DRL. Cette compagnie, présidée par M. Steve Farrell, tente depuis 1997 de mettre en exploitation la mine de Donkin au Cap-Breton. Selon l'accord conclu avec DRL, la coopérative posséderait une participation dans la mine et serait représentée au sein du conseil d'administration. DRL, de son côté, aurait l'avantage d'accueillir un gros investisseur et de disposer d'une main-d'oeuvre acquise au projet.
La coopérative des mineurs a également voulu évoquer la possibilité de rouvrir la houillère de Phalen, fermée en décembre 1999. Nous estimons que ce projet, avec celui de la mine Donkin, pourrait être repris par notre organisation.
Plusieurs facteurs importants nous ont convaincus que nos projets sont viables. La mine de Donkin renferme assez de charbon pour les 50 prochaines années et le haut des houillères de Phalen en renferme assez pour au moins cinq ans. Nous avons, sur place, une main-d'oeuvre ayant toute la formation et l'expérience voulues. Nous pouvons, en outre, compter sur l'appui d'une communauté minière traditionnelle. Nous disposons d'un marché local puisque la Nova Scotia Power a besoin de 1,4 million de tonnes par an et, si l'on tient compte de la houillère de Prince et de la production des mines à ciel ouvert sur un marché libre susceptible d'absorber, à l'exportation, 1 million de tonnes par an.
• 2010
Je précise, à l'intention des membres du comité que, en ce qui
concerne la mine Donkin, les chiffres ont été vérifiés par des experts
indépendants, aussi bien sur le plan de l'ingénierie que sur le plan
des finances. Nous entendons obtenir ce même genre d'expertise pour la
houillère Phalen.
Le projet Donkin, que je voudrais présenter au comité et faire reproduire...
Le président: Nous en prenons livraison. Il n'est qu'en version anglaise n'est-ce pas?
M. Kevin Murphy: Oui, il n'est qu'en anglais.
Le président: Bon, laissez-le avec nous.
M. Kevin Murphy: Nous pouvons vous le laisser et le faire reproduire?
Le président: Nous allons le consigner au procès verbal et nous le ferons traduire afin que tous nos collègues du comité puissent en prendre connaissance.
M. Kevin Murphy: Très bien. À qui devrais-je le donner?
Le président: À la greffière.
M. Kevin Murphy: Merci.
Le projet Donkin comprend une mine de charbon souterraine, une usine de débourbage et, dans le projet complémentaire, une centrale thermique. La mine devrait produire 1,2 million de tonnes par an avec une main-d'oeuvre maximum de 180 employés. L'usine de débourbage intégrera les technologies les plus récentes et il n'y aura pas de déversements. Les coûts en capital, sur 20 ans, s'élèvent à 143 millions de dollars avec une marge d'autofinancement de 70 millions de dollars. Ces chiffres-là ne tiennent pas compte des coûts liés à la centrale thermique.
Selon les prévisions des consultants engagés par DRL, les besoins en électricité devraient augmenter de 20 p. 100 en Nouvelle-Écosse d'ici l'an 2008. Compte tenu de l'augmentation prévue dans l'utilisation du gaz naturel, il y aura, au cours de la même période, une baisse de 20 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre dans l'ensemble du secteur industriel et une baisse de 10 p. 100 des émissions de dioxyde de soufre.
Le plan de financement initial a fait l'objet d'une vérification par des consultants indépendants sur le plan aussi bien de l'ingénierie que de la comptabilité. Il faudra au départ 10 millions de dollars, dont au moins 3 millions investis par la coopérative des mineurs. Cela constitue un coefficient de levier suffisant aussi bien pour le capital initial que pour le financement à long terme et les problèmes d'exploitation qui pourraient surgir.
Je souligne, à l'intention des responsables politiques, le montant des dépenses qu'engagerait la société en question. Il est prévu qu'en 20 ans que le seul projet Donkin dépensera 600,8 millions de dollars en Nouvelle-Écosse, plus 135 millions dans le reste du Canada. Les sommes versées en impôts directs s'élèveront à 259,3 millions de dollars. Cela ne comprend pas les impôts et les dépenses des sous-traitants ou les emplois qui seront créés.
Il faudrait également savoir si une compagnie venue de l'extérieur entendrait mettre en exploitation la mine de Donkin. Devco ayant invoqué la confidentialité, personne n'est en mesure de répondre à cette question, mais nous pouvons, cependant, affirmer qu'aucun projet ne saurait aboutir sans l'appui du marché local, sans une convention collective moderne et sans l'appui de la communauté du Cap-Breton.
Il faut comprendre que personne ne voudra investir dans l'industrie minière si cela oblige à reprendre les accords coûteux et compliqués actuellement en vigueur avec les syndicats. Cela est particulièrement vrai de la coopérative des mineurs et il faudra que les repreneurs puissent conclure une nouvelle convention collective avec le syndicat choisi pour représenter les employés.
Le projet Donkin, tel que nous l'avons exposé, n'est pas une opération spéculative, mais bien le fruit d'un engagement durable de la part de la population locale. La participation des salariés à la propriété de l'entreprise a toujours un effet modérateur sur les coûts, alors même qu'elle renforce la production et la sécurité. Une baisse des coûts permettra à Donkin survivre aux retournements de conjoncture. C'est pourquoi nous estimons qu'il y aurait lieu de privilégier, par rapport à des investisseurs extérieurs, la propriété locale de la mine et une prise de participation des employés. Nous estimons que le manque de confiance que le gouvernement témoigne envers l'industrie charbonnière a des conséquences fâcheuses pour la population et entraînera à terme la mort de cette industrie.
La Cape Breton Miners Development Co-operative Limited croit fermement à l'avenir des houillères de notre île. Malheureusement, nos efforts en vue de concrétiser ces objectifs se sont heurtés au processus douteux qui a été retenu en vue de la privatisation de la Société de développement du Cap-Breton. Le processus de mise en vente de Devco manque de transparence. Nous ne savons pas où en sont les choses et nous ne savons même pas quels sont les biens qui seront mis en vente.
• 2015
Le conseil d'administration, le ministre des Ressources naturelles et
Nesbitt Burns savaient très bien qu'un groupe de mineurs s'intéressait
au rachat de Devco et, pourtant, rien n'a été fait pour examiner cette
piste. Les mineurs ont été injustement rangés dans la même catégorie
que de riches sociétés internationales et ont été éliminés de la liste
des soumissionnaires éventuels après une première sélection, au
prétexte qu'ils n'avaient pas les aptitudes de gestion nécessaires.
Ces aptitudes, on peut aisément se les procurer, comme sont parvenues
à le faire dans le passé d'autres coopératives de production.
Nous suivons de près l'évolution de la situation et nous croyons savoir qu'un repreneur étranger s'intéresse uniquement à la mine Prince et à l'infrastructure de transport, y compris les quais de chargement et de réception des marchandises. D'après nous, on fait tout pour écarter de l'exploitation de la mine Donkin les sociétés de la Nouvelle-Écosse. Il y a, pour cela, deux raisons. La première est que les quais de chargement du charbon et autres éléments d'infrastructure n'auront, pour un repreneur étranger, que peu de valeur en l'absence d'importations de charbon. Un repreneur étranger verrait d'un mauvais oeil l'entrée d'un concurrent dans l'industrie charbonnière de la Nouvelle-Écosse.
Nous craignons que le gouvernement du Canada cherche à maximaliser le produit de la vente de Devco en fermant la mine Donkin pour éliminer la concurrence. Cela veut dire que, par la même occasion, nos emplois seront bradés à des sociétés étrangères.
La Miners Development Co-operative sait de source sûre que tout le charbon nécessaire pour alimenter le marché de la Nouvelle-Écosse peut être extrait en Nouvelle-Écosse. Cette extraction peut être rentable et l'industrie électrique de la Nouvelle-Écosse est en mesure de respecter les normes environnementales. Nous voulons investir dans notre avenir. Le gouvernement du Canada semble vouloir, au contraire, l'hypothéquer. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Murphy.
Nous passons maintenant la parole à M. McNamara.
M. Kevin McNamara (Président, Cape Breton District Labour Council): Monsieur le président, honorables députés, je m'appelle Kevin McNamara et je suis président de la Cape Breton Labour Council de Sydney en Nouvelle-Écosse. Cela fait 36 ans que je fais partie de la population active.
Dans le contexte du projet de loi C-11, permettez-moi de rappeler qu'en 1968 j'ai manifesté à Sydney, le jour du vendredi noir, contre la fermeture de Sydney Steel. En 1969, Tom Kent mettait fin aux opérations de Devco. À l'époque, je travaillais aux chemins de fer S & L. Le 1er juillet 1969, étant donné que le projet de loi C-17 nous avait fait perdre nos emplois, je suis allé travailler dans les fours à coke à Sydney en Nouvelle-Écosse. J'y ai travaillé jusqu'en 1976. En 1977, j'ai repris mes études post-secondaires.
J'espérais un peu voir le sénateur Buchanan ici car j'ai obtenu mon diplôme en gestion des affaires à l'université Saint Francis Xavier où le premier ministre John Buchanan se trouvait lui aussi. Il estimait, à l'époque, que le gaz et le pétrole de la zone maritime garantirait l'avenir de la Nouvelle-Écosse. Or, ces ressources, comme vous le savez, nos premiers ministres de ces dernières années les ont, au contraire, bradées. Il nous en restera peut-être 2 p. 100.
Encore au sujet du projet de loi C-17, on a dû me donner un emploi. Je ne travaillais là que depuis 1964. En 1969, on m'a dit d'aller travailler aux fours à coke de Sydney Steel. C'est à l'époque, me semble-t-il, que Tom Kent a fermé le chemin de fer. Nous étions 20 à aller travailler aux fours à coke. En 1971, comme quelqu'un le disait plus tôt, l'augmentation des prix du pétrole avait assuré la reprise de l'industrie charbonnière. Le chemin de fer n'a pas été supprimé et les mines ont continué à produire du charbon.
Monsieur le président, je regrette beaucoup de ne pas avoir eu le temps de préparer un exposé ou un mémoire que j'aurais pu distribuer. En effet, ce n'est qu'à 11 h lundi matin que j'ai été averti. Nous travaillons par équipe et j'ai dû prendre une nuit de congé. Je leur ai dit «Et mon salaire?» et ils m'ont répondu «Ça ne nous concerne pas.» Je tenais tellement à évoquer devant vous ce dossier que j'ai dû prendre un congé. Quelqu'un disait tout à l'heure que le comité pourrait se rendre à Sydney. L'idée me paraît excellente. Cela nous donnerait au moins le temps de peaufiner ce que nous avons à dire.
• 2020
Quoi qu'il en soit, j'estime que, par le projet de loi C-11, le
gouvernement fédéral entend renoncer à ses responsabilités économiques
à l'île du Cap-Breton. Depuis plus de 32 ans, le gouvernement fédéral
a piloté la société d'État. C'est lui qui veillait à l'emploi et au
développement économique de l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse,
une des provinces les plus démunies du Canada.
Le Cap-Breton qui, depuis 300 ans, vit de l'industrie du charbon, constitue un cas d'espèce en matière de redéploiement économique. En effet, il s'agit d'une population de mineurs dont la formation et les aptitudes ne sont pas directement transférables à un autre secteur. J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir quitter la sidérurgie puisque, comme vous le savez, et comme le maire Muise le disait plus tôt, Sydney Steel va fermer.
Il n'y a donc, sur l'île du Cap-Breton, pas de source d'emploi. Or, pour alimenter la croissance, pour pouvoir payer des impôts, pour améliorer les conditions de travail, il nous faut des emplois. Je suis actuellement travailleur social en Nouvelle-Écosse. La situation que vous ont exposée plus tôt mes collègues ne correspond qu'à la partie visible de l'iceberg et je crains une aggravation de la situation sociale sur l'île du Cap-Breton et notamment une augmentation du nombre de suicides et des divorces et l'aggravation des problèmes liés à l'alcoolisme.
J'ai fait, en 1980 pour le professeur John Nicholson, un devoir de sociologie. Il s'agissait, en l'occurrence, de la sociologie de la famille. Si j'avais eu le temps, j'aurais essayé de le retrouver. Ce que j'écrivais à l'époque au sujet du grave chômage très sévère qui frappait l'île du Cap-Breton anticipait sur ce qui se passe aujourd'hui.
J'ai également, chez moi, une étude que j'avais envoyée en 1951 au premier ministre de la Nouvelle-Écosse. En 1951, l'aciérie employait 5 200 personnes. Aujourd'hui elle n'en emploi que 400. Quand l'aciérie employait 5 200 personnes, il y avait au moins 6 000 mineurs dans les houillères de l'île du Cap-Breton. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les emplois ont disparu.
Si, en vertu de ce projet de loi C-11, le gouvernement s'en débarrasse et que la Nova Scotia Power... je ne sais pas s'ils seront représentés ici aujourd'hui, mais cette société a le droit de s'approvisionner en charbon n'importe où. Aux termes du projet de loi C-17, il leur faut s'approvisionner en charbon auprès des mines du Cap-Breton.
Je crois savoir que les mines du Cap-Breton recèlent 2 millions de tonnes de charbon. Peu importe qui en assure l'exploitation, mais je veux que les emplois aillent aux gens du Cap-Breton. En tant que membre du Cape Breton District Labour Council, je peux vous dire que c'est tout ce qui nous manque et que, si les emplois sont maintenus, la population de l'île du Cap-Breton pourra vivre heureuse.
Monsieur le président n'est plus ici, mais je crois qu'il aimerait notre île s'il décidait d'y effectuer un voyage.
J'ai noté quelques idées à l'intention du comité. La première serait d'installer les services d'un ministère fédéral sur l'île. La Banque royale ne veut plus s'occuper des prêts étudiants. Qu'on nous confie ce travail. Nous nous en occuperons. Nous avons, sur l'île du Cap-Breton, des gens parfaitement aptes à gérer tous les prêts étudiants du Canada. On pourrait investir au Cap-Breton 100 millions de dollars. Confiez-nous cela. Cela ne retirerait rien à Ottawa. Cela ne retirerait rien au Nouveau-Brunswick ou à l'Île-du-Prince-Édouard. Confiez cela à l'île du Cap-Breton. Cela permettrait de créer des emplois.
Créez des programmes de formation au campus Marconi de l'UCCB et au collège de la garde côtière. Ne prêtez pas attention à ceux qui cherchent à s'attribuer une part des 88 millions de dollars pour créer, à l'intention des salariés de Devco, des emplois à six ou sept dollars de l'heure. Donnez cet argent aux compagnies et aux collèges déjà en activité.
• 2025
Ma fille est à l'université. Plusieurs étudiants nous ont accompagnés
ici aujourd'hui. M. MacKinnon, le président de l'association des
étudiants est ici. M. Gillis est ici. S'ils avaient été avertis, ils
auraient, eux aussi, probablement présenté un exposé.
Élaborez un plan énergétique cohérent pour l'utilisation du charbon et du gaz naturel de l'île du Cap-Breton. Donnez au Cap-Breton les moyens d'explorer les champs gazifères et pétrolifères au large des côtes. Ne retenez pas les projets de John Hamm. Laissez à l'île du Cap-Breton le soin d'agir avec l'appui du gouvernement fédéral. Nous pourrons alors obtenir l'appui du gouvernement provincial et les emplois créés permettront d'augmenter les rentrées fiscales de tous les paliers de gouvernement.
Comme je le disais déjà en 1950, les impôts perçus, au Cap-Breton, par les gouvernements fédéral et provincial, ont alimenté la prospérité générale.
Ouvrez la mine Donkin. Il faut le faire. Je ne sais pas comment vous allez y parvenir, mais il nous faut des capitaux pour assurer l'exploitation de la mine Donkin car beaucoup de mineurs ont atteint une sorte d'âge ingrat. Il y a cinq ou dix ans, à 47 ans, un salarié des mines n'était plus guère employable. C'est la situation des gens dont je vous parle. Mais s'il y a des emplois de mineurs, ces hommes pourront travailler jusqu'à 60 ans. Donnez-leur la possibilité de travailler.
Voilà, si vous voulez, quelques bribes de l'exposé que j'aurais voulu avoir le temps de préparer. Terre-Neuve a les services de l'impôt sur le revenu, l'Île-du-Prince-Édouard a les anciens combattants, confiez-nous la gestion des prêts étudiants et nous nous en occuperons. Nous pourrions peut-être même consentir des prêts à des taux moins élevés.
Je demande donc au comité de ne pas adopter le projet de loi C-11 tel que rédigé, mais de s'en tenir au texte voté par notre premier ministre ainsi que par Allan MacEachen. Il faut assurer le développement économique de l'île du Cap-Breton. Je vous demande d'y assurer le maintien de l'activité économique. Merci.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci beaucoup, monsieur McNamara, pour votre présentation.
Avant de passer aux questions, j'aimerais...
Une voix: Nous avons un autre témoin, monsieur le président.
Le vice-président (M. Julian Reed): Non, je ne pense pas que M....
Une voix: Nous avons M. Murphy, du Conseil des métiers de la construction de l'Île du Cap-Breton.
Le vice-président (M. Julian Reed): Vous pouvez faire une déclaration pour commencer, si vous le désirez, mais le président m'a dit que MM. Kevin Murphy et McNamara devaient être les deux seuls à faire des exposés.
Une voix: Je crois que nous avons la Nova Scotia Power Corporation et le Conseil des métiers de la construction.
M. Kevin McNamara: Eh bien, Joe s'est trompé, foi de Cap-Bretonnais.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci beaucoup. Je ne sais pas si le président est déjà allé au Cap-Breton, mais je tiens à vous dire que j'ai eu le privilège de faire le Sentier Cabot trois fois.
Nous allons maintenant entendre M. Cliff Murphy.
Une voix: C'est M. Edwards qui va commencer.
Le vice-président (M. Julian Reed): Monsieur Edwards. Merci.
M. John Hugh Edwards: Monsieur le président, je m'appelle John Hugh Edwards et je travaille pour l'Université de Saint-François Xavier, au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse. En outre, je suis conseiller auprès du Conseil des métiers de la construction de l'Île du Cap-Breton.
Je suis accompagné de M. Cliff Murphy, président de cet organisme, et de notre conseiller juridique Blaise MacDonald. Nous serons donc trois à pouvoir répondre à vos éventuelles questions.
Nous avons amené avec nous toute une boîte de documents contenant notamment des exemplaires d'une proposition relative à l'adaptation de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, des copies d'une vidéo portant sur la situation actuelle des travailleurs de la construction au Cap-Breton, un résumé de ce rapport, des états financiers révisés fondés sur un rapport rédigé en 1997 et quelques nouveaux éléments de proposition que nous n'avions pu déposer en 1997.
• 2030
Je vous prie d'accepter mes excuses si ces documents ne sont pas
traduits en français, mais on ne nous a confirmé notre comparution
qu'hier à 17 h 30, heure de l'Atlantique, si bien que nous n'avions
plus le temps de les faire traduire.
Avant de commencer notre exposé, je tiens à réitérer ce que de nombreux compatriotes du Cap-Breton vous ont déjà dit... Je suis intimement persuadé que le projet de loi C-11 dont vous êtes saisi est certainement la mesure législative la plus importante pour Cap-Breton depuis l'adoption de la Loi sur la société de développement du Cap-Breton, que ce projet de loi est censé remplacer.
Cela dit, monsieur le président, vous avez devant vous une quinzaine des quelque 117 000 Cap-Bretonnais dont le maire Muise vous a parlé tout à l'heure. Cette situation est injuste envers nous et, afin de bien comprendre ce que signifie l'adoption de ce projet de loi C-11 pour nous, votre comité devrait se rendre à Cap-Breton pour s'entretenir avec le plus large éventail possible de résidents de l'île.
Cela étant posé, sachez que le Conseil des métiers de la construction de l'Île du Cap-Breton représente environ 3 200 travailleurs de l'industrie de l'île. Bien qu'aucuns d'eux ne travaillent dans l'industrie houillère, nous estimons cependant être visés par le projet de loi C-11. Je tiens à attirer votre attention sur les parties de la loi qui sont éliminées par le projet de loi C-11, sans autre forme de procès si ce n'est une simple mention indiquant que les passages en question ne sont pas repris. Je veux parler du paragraphe 17(1) et de l'alinéa 17(4)b) de la loi actuelle.
Je vais vous en faire lecture afin que tout le monde se rappelle bien ce que contenait la loi de 1967. On peut lire au paragraphe 17(1):
-
... le plan doit tenir compte des chances de création d'emplois
dans les autres secteurs et de diversification de l'économie de
l'Île du Cap-Breton.
L'alinéa (4)b), quant à lui, stipule que la société doit s'assurer que:
-
... d'autre part, elle-même a, de concert éventuellement avec le
gouvernement du Canada ou de la Nouvelle-Écosse ou leurs
mandataires, pris toutes les mesures dans les circonstances pour
réduire autant que faire se peut le chômage ou les perturbations
économiques qui peuvent en découler.
Ces deux passages sont absents du projet de loi, bien qu'ils soient essentiels pour l'avenir de l'Île du Cap-Breton. Ils ont des conséquences directes pour tous les travailleurs de l'industrie de la construction.
Je vais vous expliquer ce que j'entends par-là, monsieur le président.
En vertu du paragraphe 17(1) où il est question de créer des emplois dans d'autres secteurs que l'industrie houillère, on encourageait les travailleurs de l'industrie houillère, âgés de 55 à 64 ans, à intégrer massivement le secteur de la construction, dans le cadre des initiatives du gouvernement fédéral lancées en vertu de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton.
Dans les années 60 et 70, le gouvernement a fait preuve d'optimisme en suggérant aux jeunes travailleurs que, grâce à ses initiatives, on réaliserait le double objectif fixe: fermer l'industrie houillère tout en revitalisant et en diversifiant l'économie du Cap-Breton par la création d'emplois permanents dans l'industrie de la construction, à l'intention de travailleurs spécialisés. À la même époque, on a assisté au bourgeonnement, sur l'Île du Cap-Breton et ailleurs au Canada, d'institutions de formation professionnelle auxquelles les jeunes étaient fortement invités à s'inscrire pour rentrer dans l'industrie de la construction.
Ces initiatives ont échoué pour les raisons que nous avons expliquées dans la première partie des audiences de cet après-midi. J'aimerais avoir l'occasion, plus tard, de répondre de nouveau à certaines questions que vous avez posées. On peut toujours débattre des raisons pour lesquelles ces initiatives ont échoué, mais il demeure qu'elles ont bel et bien échoué et qu'à cause de cela le niveau de chômage chez les travailleurs de la construction est très élevé sur l'Île du Cap-Breton.
Avant que ce gouvernement n'adopte une mesure législative modifiant en profondeur ses responsabilités en matière de renouveau économique sur l'Île, il devrait examiner le résultat des tentatives antérieures et faire ce qu'il faut pour corriger certains des effets directs de ses politiques passées.
• 2035
La deuxième raison pour laquelle le Conseil des métiers de la
construction de l'Île du Cap-Breton a tenu à comparaître devant vous
aujourd'hui tient au fait que, depuis des années, nous réclamons un
programme d'adaptation pour les travailleurs âgés. Les initiatives
antérieures dans ce domaine—comme le PAAIN, le PATA et d'autres—ne
concernaient pas les travailleurs de la construction et il n'existe
pas d'autres programmes d'adaptation pour les travailleurs âgés.
D'ailleurs, nous sommes le seul pays du G-9 dans cette situation.
En mai 1997, le Conseil a soumis au gouvernement un plan exhaustif visant à offrir un revenu de transition et à donner la possibilité aux travailleurs de la construction de 55 à 64 ans d'effectuer des travaux communautaires. Nous avons un exemplaire de ce rapport pour tous les membres du comité.
Je vais vous expliquer en quoi le programme en question pourrait avoir un effet sur les délibérations de ce comité permanent à propos du projet de loi C-11.
En permettant à plusieurs centaines de travailleurs de l'industrie de la construction de se retirer avec dignité de ce secteur, il serait possible à de jeunes travailleurs de passer du stade d'apprenti à celui de journalier. Grâce à ce programme, on donnerait la possibilité aux travailleurs spécialisés—électriciens, mécaniciens et autres—d'intégrer les syndicats de l'industrie de la construction les concernant, syndicats qui sont actuellement engorgés, et de contribuer grandement à la réalisation d'un programme de relance économique de l'Île du Cap-Breton, tel que prévu au paragraphe 17(1) et à l'alinéa 17(4)b) de la Loi actuelle sur la SDCB. Ni les gouvernements précédents ni le gouvernement actuel ne se sont livrés à ce genre de planification et de stratégie complètes.
Depuis que nous avons soumis, pour la première fois, cette proposition d'adaptation des travailleurs âgés de l'industrie du Cap-Breton, en mai 1997, nous n'avons cessé d'améliorer le document en question. Tous les conseils des métiers de la construction au Canada ont convenu de ne pas réclamer de programme semblable si un projet pilote était mis en oeuvre et financé sur l'Île du Cap-Breton.
Ce programme est l'un des sept points inscrits à la proposition pancanadienne des métiers de la construction en vue de régler la question de l'AE, de même qu'à la convention collective signée entre l'industrie et les travailleurs sur l'Île du Cap-Breton en février 2000. Cette convention contient un article prévoyant que les employeurs et les employés contribueront à raison de 30 cents de l'heure, en tant que partenaires du gouvernement, au financement d'un tel programme d'adaptation des travailleurs âgés.
Sur la base des statistiques établies ces dernières années, on sait que les travailleurs représentés par le Conseil des métiers de la construction de l'Île du Cap-Breton accomplissent en moyenne 1,5 million d'heures de travail par an. La cotisation des travailleurs et de leurs employeurs, destinée à financer un tel programme d'adaptation des travailleurs âgés, représenterait donc 30 cents de l'heure multipliés par 1,5 million d'heures par an.
Nous estimons que ce partenariat est loin d'être négligeable et que c'est le genre d'initiative dont le gouvernement a besoin aujourd'hui pour relancer l'économie sur l'île.
Voilà donc la proposition que nous avons formulée, mais nous ne sommes pas parvenus jusqu'ici à intéresser le gouvernement à s'associer à l'industrie et aux travailleurs pour le mettre en oeuvre. Nous aimerions maintenant l'inscrire dans le cadre d'un plan de renouveau et de diversification économique sur l'Île du Cap-Breton. Ce plan exprimerait la solidarité des travailleurs de la construction envers leurs camarades de l'industrie houillère, de même que leur solidarité envers un gouvernement qui se montrerait prêt à travailler main dans la main avec les résidents de l'Île du Cap-Breton pour régler ce problème.
Cela dit, je m'en remets à vos questions pour traiter des aspects techniques de ce programme.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci, monsieur Edwards.
Avant d'entendre M. Coolican, je vous rappelle que nous devrons poser des questions brèves et concises. D'ailleurs, après l'intervention de M. Coolican nous saurons exactement de combien de temps nous disposerons pour nos questions.
Monsieur Coolican, je vous en prie.
M. Murray Coolican: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'appelle Murray Coolican et je suis vice-président aux affaires publiques de la Nova Scotia Power. Je suis accompagné de M. Peter Kinnear, directeur des relations gouvernementales et du développement économique.
La Nova Scotia Power se réjouit de la possibilité qui lui est donnée de participer au débat de votre comité et de vous dresser l'historique de notre compagnie ainsi que de la relation que nous entretenons de longue date avec l'industrie houillère de la Nouvelle-Écosse.
• 2040
Nous nous sommes fixé pour mission d'être une entreprise de services
énergétiques de choix. Nous appliquons cette mission au quotidien,
dans nos rapports avec nos clients, nos employés et nos actionnaires.
Nous sommes un organisme réglementé, détenu par des intérêts privés.
Nous sommes une filiale de Nova Scotia Power Holdings Incorporated et
nous fournissons de l'électricité à quelque 440 000 abonnés de la
province. Nous exploitons des centrales grâce auxquelles nous
produisons 2 200 méga watts et nous entretenons et exploitons quelque
30 000 km de lignes de transmission et de distribution.
Près de 90 p. 100 de l'électricité que nous produisons provient de centrales thermiques, les 10 p. 100 restant étant produits par des centrales hydroélectriques. Quatre-vingts pour cent de l'électricité produite par les centrales thermiques provient de centrales alimentées au charbon et 10 p. 100 de génératrices au mazout.
La Nova Scotia Power est un important employeur sur l'Île du Cap-Breton, puisque nous comptons trois grandes centrales électriques et que nous avons également un important effectif qui s'occupe du réseau régional de transmission et de distribution, le tout à Sydney.
Nous exploitons actuellement cinq centrales thermiques. La plus importante se trouve à Lingan et la plus récente à Point Aconi, toutes deux sur l'île. Un peu plus au sud, dans le détroit de Canso, toujours sur l'Île du Cap-Breton, nous avons notre centrale de Point Tupper. Notre deuxième plus grosse centrale se trouve dans le détroit de Northumberland, à Trenton. Ces quatre centrales sont essentiellement alimentées au charbon.
Notre centrale de Tufts Cove, située dans la municipalité régionale de Halifax, est également alimentée au charbon pour l'instant, mais nous sommes en train de la convertir au gaz et nous espérons être branchés au réseau de gaz naturel d'ici la fin de l'année. Il convient de remarquer ici que notre centrale de Tufts Cove sera le plus gros client de gaz naturel de la province.
Nous sommes en principe favorables au projet de loi C-11, car nous estimons qu'il est la meilleure façon de maintenir une industrie houillère au Cap-Breton. Nous pensons qu'il est possible d'exploiter les mines du Cap-Breton de façon rentable pour que les prix de la houille soient compétitifs avec des sources d'énergie comparables ailleurs en Amérique du Nord et dans le monde. Si l'on veut jouer la carte de la concurrence internationale, il est évident que la privatisation des opérations nous permettra de rentabiliser le fonctionnement de ce genre d'entreprise à long terme.
L'appui que nous apportons au projet de loi C-11 tient en partie à l'histoire et à l'expérience de notre société. Nous sommes intimement convaincus que la privatisation de la Nova Scotia Power a servi l'intérêt du public. Comme nous avons adopté une approche davantage commerciale, presque tous nos indicateurs de rendement se sont améliorés. Nous avons été privatisés en 1992. Avant cela, nous avions un statut de société d'État provinciale. Depuis la privatisation, nous nous sommes surtout efforcés de devenir un fournisseur d'énergie très compétitif pour la Nouvelle-Écosse.
Je vais vous parler un peu de nos réalisations dans trois grands domaines importants qui sont: l'amélioration de la sécurité, des prix de l'électricité stables et compétitifs et l'amélioration de la fiabilité du service. Deux de ces grands objectifs dépendent de nos sources d'approvisionnement en combustibles. Les prix du combustible représentant plus de 40 p. 100 de nos coûts, le fait de pouvoir nous approvisionner en mazout et en charbon à des prix compétitifs nous donne la possibilité de proposer, nous aussi, des tarifs compétitifs à nos clients sur l'île. Ainsi, la fiabilité des approvisionnements en houille est un facteur déterminant grâce auquel nous pouvons garantir l'approvisionnement d'électricité.
La Nova Scotia Power a, jusqu'ici, atteint ses objectifs sur ces plans-là. Nous avons constaté une amélioration de la sécurité sur les lieux de travail, par rapport aux autres services d'électricité au Canada. Avant la privatisation, nous nous situions dans la bonne moyenne sur ce plan, mais en 1998, dernière année pour laquelle nous avons des données comparatives, nous étions au second rang au Canada.
Sur le plan commercial, grâce à un contrôle des coûts, nous offrons des prix stables depuis plusieurs années—en fait depuis 1996—et nous nous sommes engagés à stabiliser nos prix en 2000 et en 2001. Ce faisant, nous avons considérablement amélioré la situation concurrentielle de la Nouvelle-Écosse dans la région de l'Atlantique. Alors que nos prix de l'électricité étaient sensiblement plus élevés que ceux pratiqués par nos concurrents dans la région, nous sommes maintenant très concurrentiels. Par exemple, alors que nous maintenions nos prix, Énergie NB, société d'État du Nouveau-Brunswick, imposait toute une série d'augmentations de tarif.
• 2045
Pour être une entreprise de services énergétiques de choix, nous
savons qu'il nous faut être un fournisseur fiable d'électricité. Au
cours des deux dernières années, nous avons atteint un niveau de
fiabilité record quant au nombre et à la durée des pannes
d'électricité ainsi qu'à la qualité de nos communications avec notre
clientèle pendant ces pannes.
Comme je l'ai dit plus tôt, le coût le plus important pour la Nova Scotia Power est celui du combustible. Soixante-dix pour cent de ce coût est d'ailleurs constitué par le charbon. Nous avons toujours acheté notre charbon auprès de fournisseurs de la Nouvelle-Écosse et nous envisageons de continuer ainsi.
Ces dernières années, la Société de développement du Cap-Breton a éprouvé un certain nombre de problèmes de production. Nous avons collaboré avec la SDCB pour faire face à ces situations et garantir un approvisionnement d'électricité régulier à nos clients. Récemment, ce fut de nouveau le cas à l'occasion de la rupture d'approvisionnement de charbon due à la fermeture prématurée de la mine de Phalen et aux difficultés de lancement de la mine de Prince.
S'agissant d'approvisionnement de charbon, nos exigences sont triples: bénéficier de prix compétitif à l'échelle internationale, pouvoir compter sur la fiabilité des approvisionnements et avoir un produit de qualité.
Pour ce qui est du prix, et afin que la Nova Scotia Power continue d'offrir des tarifs d'électricité stables et compétitifs à ses clients, elle doit pouvoir s'alimenter en combustibles à des prix compétitifs. Ce raisonnement se tient non seulement sur le plan commercial, mais il prend acte de l'importance des tarifs de l'électricité dans la capacité de la province d'attirer et de retenir des industries sur ce territoire.
Pour ce qui est de la fiabilité, nos clients n'acceptent pas d'interruptions dans la fourniture d'électricité, même quand nous ne recevons plus de charbon.
Pour ce qui est de la qualité, nous exigeons que la houille fournie réponde à certains critères. La qualité du charbon est importante pour pouvoir exploiter de façon convenable et rentable nos centrales et nous plier aux exigences de plus en plus contraignantes en matière de rejets atmosphériques. C'est grâce à la qualité du charbon qu'elle achète que la Nova Scotia Power a pu se plier aux normes environnementales, sans porter atteinte à sa rentabilité.
Nous encourageons la Chambre des communes et le Sénat à appuyer et à adopter le projet de loi C-11 durant l'actuelle session. J'affirme cela parce qu'il est extrêmement important de maintenir le niveau de confiance de toutes les parties qui se disent intéressées à reprendre et à exploiter les actifs de la Société de développement du Cap-Breton. Si l'on tardait à adopter ce projet de loi, on risquerait de miner cette confiance et de saper les intérêts mutuels des parties désireuses de maintenir une industrie houillère au Cap-Breton. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci, monsieur Coolican.
Avant de passer aux questions, je demande le consentement unanime du comité pour poursuivre la séance jusqu'à 21 h 15 afin que tout le monde dispose d'à peu près cinq minutes pour poser des questions. Toutefois, je serais strict sur le respect du temps.
Des voix: D'accord.
Le vice-président (M. Julian Reed): Monsieur Chatters.
M. David Chatters: Monsieur le président, je suis de plus en plus contrarié par la façon dons ce comité fonctionne. La première fois que je me suis exprimé à propos de ce projet de loi remonte à novembre 1999. Voilà maintenant qu'on convoque les témoins à quelques heures de préavis et qu'on nous donne moins de cinq minutes pour leur poser des questions. L'agencement des témoins est tellement mauvais qu'il nous est impossible de poser des questions couvrant un large éventail. Je suis frustré par cette situation inacceptable. Cela étant, je viens sans doute d'utiliser déjà la moitié de mon temps, mais peu importe...
Je ne sais pas à qui poser ma première question, mais j'ai surtout retenu ce qu'a dit M. Murphy parce qu'il a exprimé une grande partie des préoccupations que je ressens moi-même à propos du secret qui enveloppe la dissolution de la SDCB. Je partage un grand nombre des réserves qu'il a exprimées, notamment à propos de ce qui se passe et du fait que les Canadiens et les Canadiennes, y compris les Cap-Bretonnais que vous êtes, ne connaîtront sans doute jamais les conditions de cette vente. Quant à moi, ce n'est certainement pas une façon raisonnable de dissoudre une société publique qui a été créée avec l'argent des contribuables et qui est tellement importante pour l'avenir des Cap-Bretonnais.
Ma question, qui sera aussi brève que possible, s'adresse à M. Murphy. Votre projet de créer une coopérative de mineurs a été rejeté par Nesbitt Burns et par le président du conseil de la SDCB. Est-ce que votre soumission formulée en liaison avec Donkin Resources Limited, firme de gestion très compétente qui a fait ses preuves, a également été rejetée par Nesbitt Burns?
M. Kevin Murphy: Nous n'étions pas associés avec Donkin Resources quand cette firme a déposé sa première soumission portant sur la reprise des actifs de la SDCB.
M. David Chatters: Laquelle a également été rejetée.
M. Kevin Murphy: Effectivement.
En janvier, Donkin Resources Limited a obtenu une injonction pour interdire la vente de la SDCB sous prétexte que le gouvernement fédéral avait brisé le contrat le liant avec cette firme.
M. David Chatters: Et la cause est actuellement devant les tribunaux.
M. Kevin Murphy: Oui. Depuis ce moment-là, depuis la fin janvier, le gouvernement fédéral—par l'intermédiaire de ses avocats ou de ceux de la SDCB, peu importe—a communiqué avec M. Farrell pour lui demander de soumettre un plan. Le gouvernement lui a fixé un délai pour cela, délai qui a été respecté. Le gouvernement s'était engagé à négocier, mais depuis lors, on n'a plus entendu parler de lui.
M. David Chatters: Et M. Farrell n'a obtenu aucune réponse?
M. Kevin Murphy: Aucune.
M. David Chatters: Très bien. Ça va.
Je vais poser une brève question au représentant de la Nova Scotia Power. Donnez-moi une idée du volume de charbon dont vous pensez avoir besoin au cours des 20 prochaines années. Quels sont vos plans à long terme pour en matière de conversion au gaz et quel effet cela aura-t-il sur vos besoins en charbon? Par ailleurs, la direction de Nova Scotia préfère-t-elle effectivement acheter le charbon dont elle a besoin auprès des mines du Cap-Breton, exploitées par des Cap-Bretonnais?
M. Murray Coolican: Il est très difficile de savoir ce que seront nos besoins sur 20 ans. Les marchés de l'énergie fluctuent ces jours-ci, comme les exigences sur le plan de l'environnement, bien que celles-ci ne fluctuent pas à la hausse mais plutôt à la baisse, puisqu'on semble de plus en plus vouloir serrer la vis sur ce plan.
M. Kevin McNamara: Contentez-vous de répondre à la question.
M. Murray Coolican: Mais justement, je ne peux pas répondre à votre question sauf si vous me dites ce que seront les exigences environnementales pendant cette période et ce que sera la croissance économique de la Nouvelle-Écosse.
En revanche, je puis vous dire qu'à l'heure actuelle nos centrales au charbon sont plus efficaces que les centrales alimentées au gaz naturel. Pour l'instant, nous n'avons donc pas l'intention de construire d'autres centrales alimentées au gaz naturel et nous ne le ferons pas tant que la charge sera suffisamment importante pour le justifier, parce que nos centrales au charbon sont compétitives.
Les trois exigences que nous rattachons à l'achat de charbon sont: des prix compétitifs à l'échelle internationale, un approvisionnement fiable et un charbon de qualité. Si ces critères sont respectés, il nous sera toujours plus économique d'acheter du charbon sur l'Île du Cap-Breton, parce que les coûts de transport seront forcément plus intéressants.
M. David Chatters: Très bien. Voilà, monsieur le président, le manque de temps m'oblige à rendre le micro.
Le vice-président (M. Julian Reed): Excusez-moi de vous imposer un chronomètre aussi serré, monsieur Chatters. Je prends note de votre plainte.
M. David Chatters: C'est inacceptable.
Le vice-président (M. Julian Reed): Comme nous avons deux fois plus de députés de l'opposition que de députés du côté gouvernemental, je me dois de passer la parole à M. Fournier, si cela vous va?
M. Brent St. Denis: C'est bien.
Le président: Bien, alors nous changerons de côté.
[Français]
M. Ghislain Fournier: Moi aussi, je suis embêté. Je me demande auquel d'entre vous je dois adresser ma question, parce que vous avez tous été très bons dans vos exposés. Peut-être que M. Edwards pourrait répondre. Les autres pourront compléter s'ils le veulent.
J'ai décelé, lors de vos exposés, qu'il y avait un semblant de problème. Vous me direz si j'ai raison. L'argument de fond se situe à l'article 5 proposé du projet de loi C-11 qui, selon moi, confère au fédéral une juridiction qui devrait normalement revenir à la province. Selon vous, si le fédéral se retirait en accordant une compensation équivalente, est-ce que la province pourrait mieux administrer? Est-ce que la province serait plus près de vous? Serait-elle aussi compétente? Y aurait-il un avantage?
• 2055
Je pense toujours à un retrait du fédéral avec compensation afin de
donner au milieu la possibilité d'arriver à une bonne solution, parce
que vous avez un sérieux problème à résoudre dans les mines de charbon
du Cap-Breton.
[Traduction]
M. John Hugh Edwards: D'après ce que je crois comprendre de votre question, monsieur, je vous le répète: non, non et non! Le gouvernement fédéral ne doit pas se retirer et offrir un dédommagement. Le gouvernement fédéral ne doit pas reprendre ce rôle. Le gouvernement fédéral a certainement un rôle à jouer non seulement dans des endroits comme l'Île du Cap-Breton, mais également ailleurs au pays. C'est sûrement le cas pour la région que vous représentez, si vous avez là-bas 80 p. 100 de chômage. Peu importe votre option politique, sachez que le gouvernement national a un rôle à jouer dans les régions qui sont sérieusement touchées par le chômage.
Dans certaines provinces, c'est le gouvernement provincial qui pourrait jouer un rôle plus important et je pense effectivement que les gouvernements provinciaux doivent intervenir, mais sans le gouvernement fédéral, nous serions en grande difficulté à l'Île du Cap-Breton et en Nouvelle-Écosse.
Dans notre proposition concernant l'adaptation des travailleurs âgés, nous parlons d'un partenariat à trois: le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et l'industrie, ce qui s'entend des employeurs et des travailleurs. Nous estimons que c'est ce genre d'approche tripartite—entreprises, travailleurs et gouvernement—qui nous permettra de progresser.
[Français]
M. Ghislain Fournier: Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais apporter une précision. Quand j'ai dit que le taux de chômage était de 80 p. 100 dans mon comté, j'aurais dû préciser qu'il s'agit d'un comté où il y a plusieurs mines: Quebec Cartier Mining Company , Wabush Mines, Fer et Titane de Havre-Saint-Pierre. Or, quand je parle d'un taux de chômage de 80 p. 100, je parle d'un coin de ma région qui est isolé, où il n'y a pas de route, la Basse-Côte-Nord. La population est anglophone et elle vit de la pêche seulement. Avec l'embargo du fédéral, le taux de chômage y est de 80 p. 100. Les emplois sont saisonniers, ce qui fait que l'hiver, on se retrouve sans emploi. La moyenne du taux de chômage dans tout mon comté se situe à 16 ou 17 p. 100. Je tenais à apporter cette précision. Plus tôt, c'est sorti de façon spontanée.
[Traduction]
Le vice-président (M. Julian Reed): Monsieur Fournier, malheureusement votre temps est écoulé. Je vous remercie.
M. Kevin McNamara: Puis-je répondre à cette question qui, si je ne m'abuse, concerne le paragraphe 17(4)?
Le vice-président (M. Julian Reed): Bien sûr. Allez-y.
M. Kevin McNamara: Je ne sais pas. Peut-être ai-je mal compris le libellé en question, mais d'après moi le paragraphe 17(4) dispense le gouvernement fédéral de sa responsabilité. Je me trompe?
[Français]
M. Ghislain Fournier: Je parlais de l'article 5 proposé, qui porte sur les séances et qui confère au fédéral toute la responsabilité, responsabilité qui, à mon avis, devrait être celle des provinces, mais avec compensation.
[Traduction]
M. Kevin McNamara: Je vous dirais que si le gouvernement s'en était tenu à l'article 5, la province de la Nouvelle-Écosse ne se trouverait pas aujourd'hui dans la position où elle est.
Merci.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci, monsieur McNamara.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis: Cela ne me dérangerait pas de passer en dernier si Mme Dockrill ou M. Mancini veulent parler d'abord.
Le vice-président (M. Julian Reed): Très bien. Voulez-vous commencer, monsieur Mancini?
M. Peter Mancini: Je serai bref.
Le vice-président (M. Julian Reed): Très bien, allez-y.
M. Peter Mancini: Ma question s'adresse surtout à M. Coolican, de la Nova Scotia Power. Est-ce que votre société est candidate pour reprendre les actifs de la SDCB?
M. Murray Coolican: Non.
M. Peter Mancini: Vous êtes-vous entretenu avec les acheteurs potentiels, au cours des derniers mois?
M. Brent St. Denis: Je veux faire un rappel au Règlement, monsieur le président. Que mon ami d'en face, Peter, m'en excuse, mais je pense que les témoins risquent de se sentir obligés de répondre à des questions auxquelles ils ne voudraient pas forcément répondre, parce qu'on déborde ici sur la question de la vente...
M. David Chatters: Je veux faire un rappel au Règlement, monsieur le président...
M. Brent St. Denis: Une seconde. C'est moi qui parle. Merci David.
On semble donc déborder sur la question des produits de la vente. Quoi qu'il en soit, laissons le témoin décider.
M. David Chatters: Absolument pas, monsieur le président, c'est faux.
Le vice-président (M. Julian Reed): Nous allons entendre votre rappel au Règlement.
M. Brent St. Denis: C'était cela mon rappel au Règlement, monsieur le président.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci, monsieur St. Denis.
Monsieur Chatters.
M. David Chatters: Monsieur le président, c'est inacceptable. Hier, on m'a référé aux règles de procédure de ce comité à cause de certaines questions que je posais et j'ai pu constater, à la lecture de ces règles, que le comité peut contraindre les témoins à répondre aux questions qu'il leur pose.
M. Brent St. Denis: Si ce sont des questions portant sur le projet de loi...
M. David Chatters: Non, il n'est pas question de la pertinence au projet de loi. Je pourrais toujours vous sortir cet ouvrage pour que vous le consultiez, si vous voulez qu'on procède ainsi. Quant à moi, je propose que le comité demande au témoin de répondre à cette question.
M. Brent St. Denis: Tant vous y êtes, interrogez-le donc sur ses finances personnelles.
Le vice-président (M. Julian Reed): À l'ordre, s'il vous plaît. Monsieur Chatters, je vous souligne que nous n'avons pas le quorum...
M. David Chatters: Alors, il vaudrait mieux nous taire.
M. Peter Mancini: Certainement pas.
Monsieur le président, je pense que nous devrions agir d'une façon qui, selon moi...
M. Brent St. Denis: Faites confiance à Peter pour cela.
Le vice-président (M. Julian Reed): Vous pouvez?
M. Brent St. Denis: Je le crois.
Le vice-président (M. Julian Reed): Très bien. Eh bien nous allons considérer que nous tenons une discussion de nature générale, par égard à nos témoins qui sont venus d'aussi loin pour comparaître devant le comité...
M. Peter Mancini: Je l'apprécie.
Monsieur le président, ma question se fonde sur les témoignages, les déclarations et les recommandations formulées par le témoin. Le témoin a fortement recommandé que ce comité adopte le projet de loi C-11 tel quel parce que, selon lui «il est nécessaire de maintenir la confiance des acheteurs potentiels». Voilà une déclaration qui est loin d'être vide de sens. Ma question visait simplement à savoir comment il en était arrivé à cette conclusion.
Le vice-président (M. Julian Reed): Le témoin peut-il répondre?
M. Murray Coolican: Le témoin en est arrivé à cette conclusion parce que, dans toute transaction commerciale du genre—où il y a, d'après ce que je crois savoir, des acheteurs potentiels—plus on attend longtemps pour conclure et plus on court de risque que d'autres problèmes surgissent et détournent l'acheteur potentiel. Cela arrive souvent dans les affaires et plus la transaction est conclue rapidement et mieux c'est.
Je serais néanmoins heureux de répondre à la question précédente. Nous sommes liés par les accords de confidentialité que nous avons signés, mais nous avons toujours voulu collaborer avec le gouvernement et la SDCB pour la cession de ses actifs. De plus nous sommes disposés à nous mettre à la disposition des acheteurs potentiels qualifiés pour leur parler de nos besoins éventuels de charbon.
M. Peter Mancini: D'après votre réponse, vous recommandez au comité que le gouvernement agisse rapidement parce que c'est généralement ainsi que les choses doivent se passer dans le monde des affaires...
M. Murray Coolican: C'est exact.
M. Peter Mancini: ... mais que cela ne s'applique pas particulièrement à cette entreprise.
C'est tout?
Le vice-président (M. Julian Reed): Nous commençons à manquer de temps, monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: Je sais, mais on m'a pris pas mal de mon temps...
Le vice-président (M. Julian Reed): Très bien.
M. Peter Mancini: J'ai deux autres questions. Et je pense que mon ami aussi a une question à poser.
Le vice-président (M. Julian Reed): Je vais être généreux.
M. Peter Mancini: Parfait.
Revenons-en à la Nova Scotia Power. Vos critères sont le prix, la régularité de l'approvisionnement et la qualité des produits. Dois-je comprendre que la source d'approvisionnement en charbon est une considération mineure?
M. Murray Coolican: À prix égal, la source d'approvisionnement n'est tout de même pas sans importance. À condition d'obtenir un prix compétitif pour un charbon de bonne qualité au Cap-Breton, nous préférons nous approvisionner sur l'île à cause des coûts de transport.
M. Peter Mancini: Est-ce que la Nova Scotia Power achète du charbon de la Colombie?
M. Murray Coolican: Nous achetons du charbon de plusieurs sources, notamment en Colombie, parce que les mines du Cap-Breton n'en produisent pas suffisamment.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci beaucoup.
Monsieur Provenzano, je suppose...
M. Carmen Provenzano: Je cède mon temps de parole au député de l'opposition qui voudra l'utiliser.
Le vice-président (M. Julian Reed): Parfait.
Madame Dockrill.
Mme Michelle Dockrill: Monsieur le président, je tiens à souligner, pour le procès-verbal, à quel point je suis frustrée par notre procédure boiteuse. Alors que les témoins nous parlent des dégâts sociaux et économiques que ce projet de loi va occasionner sur l'Île du Cap-Breton, j'ai l'impression qu'on me demande de commander le dîner sans me laisser jeter un coup d'oeil sur le menu. C'est révoltant et je tenais à ce que ce soit dit.
• 2105
Les déclarations de plusieurs témoins semblent contredire directement
ce que le ministre nous a dit hier à propos de la façon dont le
gouvernement fédéral s'acquitte de ses obligations légales pour
assurer la diversification économique sur l'Île du Cap-Breton.
On nous a dit qu'un organisme connu sous le nom d'Entreprise Cap-Breton, société mise sur pied pour favoriser la diversification économique dans le cadre de la dissolution de la SDCB, a 352 millions de dollars. Entre-temps, on a malheureusement découvert que l'Île du Cap-Breton connaît l'un des taux de chômage les plus élevés au pays.
Ma question s'adresse à vous, John Hugh. Estimez-vous que le système mis en place par le gouvernement fédéral a effectivement porté fruit sur le plan de la diversification économique? En outre, n'estimez-vous pas qu'un minimum de transparence et de responsabilité s'impose dans le cas des organismes existants et futurs?
Monsieur le président, j'aimerais tout de suite poser ma deuxième question, après quoi le témoin pourra répondre.
Ma deuxième question s'adresse au représentant de la Nova Scotia Power. Je vais essayer de faire la même chose après quoi je vous laisserai répondre. Vous avez vanté les succès de la privatisation. D'abord, j'aimerais savoir si la Nova Scotia Power a augmenté ses tarifs depuis la privatisation et, le cas échéant, de combien. Deuxièmement, pour enchaîner en quelque sorte sur la question de mon collègue, j'aimerais savoir quel pourcentage de charbon vous avez importé en 1999-2000 et si ce charbon a été livré sur l'Île du Cap-Breton par la Canada Steamship Lines.
M. John Hugh Edwards: Michelle, pour répondre à la première partie de votre question, si je me la rappelle bien, je vais citer un extrait d'un document où Jim Bickerton évalue les retombées économiques régionales de la SDCB. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, voici ce qu'il dit:
-
... les mesures de développement régional prises dans le passé n'ont
pas permis de créer de base économique nouvelle ou diversifiée sur
l'Île du Cap-Breton, contrairement à ce que prévoyait le paragraphe
17(1) de la loi. La démarche entreprise par le gouvernement du Canada
pour réaliser cet objectif n'a été ni soutenue, ni concertée, ni
coordonnée ni exhaustive. En revanche, la mobilisation de ressources
gouvernementales beaucoup plus importantes et diversifiées dans la
région métropolitaine de Halifax, a donné des résultats économiques
plus palpables à l'échelle locale.
Arrêtons-nous là pour l'instant, car on trouve dans ce document une autre réflexion sur les initiatives gouvernementales destinées à dynamiser la croissance dans la région métropolitaine de Halifax au début des années 70.
Voici ce que dit M. Bickerton à cet égard:
-
Troisièmement, au vu de cas semblables ailleurs au Canada, il semble
qu'Ottawa, en collaboration avec ses partenaires provinciaux, dispose
de la capacité voulue pour atténuer les répercussions de la fermeture
de grands secteurs. Ce qui a été déterminant dans les réussites
constatées ailleurs, c'est la volonté politique de recourir aux
instruments de l'État,
—plutôt qu'aux instruments du marché, comme le recommande M. Coolican—
-
notamment à la fonction publique...
C'est de cela dont M. McNamara parlait à propos de la décentralisation des fonctions gouvernementales. C'est ce qui se passe à Summerside, Moncton et ailleurs.
-
Enfin, d'aucuns soutiennent que les changements économiques et
technologiques associés à la mondialisation sont synonymes de
débouchés et de potentiels pour les régions qui, jusque là, étaient
handicapées parce qu'elles étaient éloignées du centre des économies
nationales. Des régions comme l'Île du Cap-Breton peuvent maintenant
espérer générer elles-mêmes leur croissance et leur développement
économiques en participant à une économie de plus en plus mondialisée.
Voilà pour la partie de votre question qui me concernait, Michelle.
Mme Michelle Dockrill: Bien.
M. John Hugh Edwards: Je crois que dans la deuxième partie de votre question, vous vouliez savoir si ce processus devait être davantage transparent et si les résidents du Cap-Breton devaient participer au genre de renouveau économique que nous voulons? Je vais, bien sûr, vous répondre par l'affirmative.
Le vice-président (M. Julian Reed): Merci...
Mme Michelle Dockrill: Et mes questions à la Nova Scotia Power?
Le vice-président (M. Julian Reed): Ah oui!
M. Murray Coolican: Vous avez posé plus d'une question. Vous avez notamment parlé des augmentations de tarif depuis la privatisation. Eh bien, nous avons eu une augmentation de prix en 1992-1993 et une autre en 1995-1996.
Mme Michelle Dockrill: Vous parlez bien d'augmentations de tarif?
M. Murray Coolican: Je parle d'augmentation de prix.
J'ai ici un tableau qui compare nos tarifs à ceux de l'indice des prix à la consommation au Canada. On ne voit pas la situation en 2000-2001. Nous voulons que nos prix demeurent stables, mais nous ne savons pas encore comment ils évolueront en fonction de l'IPC. Je doute que le gouverneur de la Banque du Canada parvienne autant qu'il le souhaiterait à stabiliser l'IPC pour que nos prix restent stables.
Vous vouliez également savoir auprès de qui nous nous sommes approvisionné en charbon en 1999. Eh bien, nous avons acheté un peu plus de charbon sur les marchés internationaux en 1999 qu'à l'Île du Cap-Breton et nous pensons que cette situation se maintiendra l'année prochaine.
Mme Michelle Dockrill: En fait, je voulais savoir quelle proportion de charbon vous aviez achetée sur les marchés locaux en 1999-2000.
M. Murray Coolican: Je n'ai pas de chiffres précis en main et je ne peux donc pas vous donner de pourcentage exact. Disons que c'est sans doute de l'ordre de 40 p. 100.
Mme Michelle Dockrill: Vous pourriez peut-être envoyer plus tard cette donnée au comité.
Par ailleurs, je voulais savoir si une partie de ce charbon avait été livrée par des navires de la Canada Steamship Lines.
Le vice-président (M. Julian Reed): Excusez-moi madame Dockrill, mais la gestion d'une compagnie est sans effet sur ce projet de loi, sauf si vous pouvez expliquer dans quelle mesure votre question concerne effectivement le projet de loi.
Mme Michelle Dockrill: Monsieur le président, si je pose cette question, et je suis d'accord avec M. Chatters à cet égard, c'est parce que la mise en oeuvre de cette loi, qui va occasionner des dommages sociaux et économiques graves sur l'île, baigne dans le secret. D'après ce que je crois savoir, nous avons reçu pour tâche de convoquer des témoins et de leur poser des questions.
Le vice-président (M. Julian Reed): Madame Dockrill, je crois...
Mme Michelle Dockrill: Si le témoin refuse de répondre à cette question, c'est parfait. Je veux simplement que ma question soit consignée au procès-verbal.
Le vice-président (M. Julian Reed): Selon moi, votre question est déplacée. D'ailleurs, je la déclare irrecevable.
Mme Michelle Dockrill: Très bien.
Le vice-président (M. Julian Reed): Je vais profiter de cette occasion pour remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de s'être rendus à notre invitation à si court préavis. Nous avons dû perturber leurs habitudes pour leur demander de venir témoigner sur une question très chère au coeur des membres de ce comité, question que nous essayons de régler du mieux possible. Je vous remercie de votre participation et de votre patience.
Nous allons régler une petite chose avant de lever la séance, avant que nous n'abandonnions le navire. En fait, il s'agit d'une brève annonce.
La prochaine réunion aura lieu le mardi 30 mai à 11 h. Elle portera sur l'étude du projet de loi article par article. Le président vous demande de soumettre vos amendements d'ici le mardi 23 mai à 15 heures, au bureau du greffier, pièce 632 de l'édifice Wellington. C'est très important.
M. David Chatters: Je veux faire un rappel au Règlement, monsieur le président.
Le vice-président (M. Julian Reed): Oui, monsieur Chatters.
M. David Chatters: Je tiens à ce qu'il soit consigné au procès-verbal que, il y a plusieurs mois de cela, j'ai spécifiquement demandé à ce qu'on invite un autre témoin qui est directement intéressé par la question de la privatisation de la SDCB. Le comité ne l'a pas contacté et ne lui a pas non plus demandé s'il voulait comparaître devant nous.
• 2115
J'en ai assez! Je m'inquiète de la façon dont les choses se déroulent
ici. C'est sans doute le premier témoin dont le nom ait été donné pour
ce dossier et je tiens à ce qu'il soit dit que le comité a refusé de
le convoquer.
Le vice-président (M. Julian Reed): Monsieur Chatters, je vous promets que je vais analyser cette question et que je ferai tout ce que je peux pour obtenir une explication satisfaisante.
Oui, monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: Je voudrais qu'on me précise deux choses. D'abord, vous voulez que nous vous remettions les amendements d'ici mardi prochain, mais la prochaine réunion du comité est également prévue pour le mardi 30 mai. Monsieur le président, une motion est inscrite au feuilleton. Je suppose que vous voulez en traiter à huis clos.
Le vice-président (M. Julian Reed): Comme nous n'avons pas le quorum, monsieur Mancini, nous ne pouvons pas traiter de cette motion ce soir.
M. Brent St. Denis: D'ailleurs, le motionnaire n'est pas là.
M. Peter Mancini: J'ai cru comprendre que le motionnaire...
Le vice-président (M. Julian Reed): Que le motionnaire soit là ou pas, peu importe, puisque nous ne pouvons prendre cette motion en délibéré sans quorum.
Mme Michelle Dockrill: J'en appelle au Règlement, monsieur le président. Nous avons demandé au greffier de nous confirmer si le motionnaire doit être présent. Il nous a dit que ce n'était pas nécessaire, qu'un membre présent pouvait le remplacer.
Le vice-président (M. Julian Reed): Très bien. Je suis d'accord.
Mme Michelle Dockrill: Cela étant, peut-on reporter cette question à la prochaine réunion?
Le vice-président (M. Julian Reed): C'est ce que nous allons faire.
M. Peter Mancini: Pouvons-nous la reporter jusqu'à la prochaine réunion, le mardi 30 mai?
Le vice-président (M. Julian Reed): Oui.
M. Peter Mancini: Merci.
M. Ghislain Fournier: À quelle heure?
Le vice-président (M. Julian Reed): À 11 heures.
La séance est levée.