NRGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATURAL RESOURCES AND GOVERNMENT OPERATIONS
COMITÉ PERMANENT DES RESSOURCES NATURELLES ET DES OPÉRATIONS GOUVERNEMENTALES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 11 avril 2000
Le président (M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.)): Merci beaucoup, chers collègues. La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons la gestion des forêts au Canada dans la perspective du commerce international.
Nous avons le plaisir d'accueillir, ce matin, Mme Annette Verschuren, de Home Depot Canada, une entreprise dont le nom revient souvent dans nos discussions.
Je suis certain que le greffier et l'attaché de recherche vous ont expliqué brièvement ce que nous attendons de vous. Vous pouvez oublier tout cela et nous exposer tout simplement vos vues sur la question.
Habituellement, nous accordons une dizaine de minutes aux témoins, qu'ils aient ou non un mémoire écrit. Après quoi, nous passons aux questions. Je tiens à vous dire que certaines seront assez directes.
Avez-vous des questions à poser avant de commencer?
Mme Annette Verschuren (présidente, Home Depot Canada): Je pense que c'est assez clair. Merci.
Le président: D'accord. Vous avez la parole.
Mme Annette Verschuren: C'est un plaisir et un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui. Merci de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
Je voudrais vous dire, brièvement, que je suis originaire de la Nouvelle-Écosse. Je suis née et j'ai été élevée au Cap-Breton. J'ai consacré la moitié de ma carrière aux affaires publiques, et l'autre moitié, au secteur privé. Je comprends donc la problématique que présente pour les gouvernements le fait de concilier intérêts économiques et sociaux. Je voudrais vous parler aujourd'hui de notre politique d'achat de produits forestiers et aussi des initiatives entreprises par Home Depot.
D'abord, quelques mots au sujet de Home Depot. Cette entreprise génère un chiffre d'affaires de 38 milliards de dollars. Basée à Atlanta, elle s'est implantée au Canada en 1995, par suite de l'acquisition d'Aikenhead. Le Canada fait partie des opérations internationales de Home Depot. Mon patron, Anders Moberg, est président-directeur général d'IKEA. Il apporte une contribution précieuse à l'équipe. Il a non seulement le sens aigu des affaires, mais s'intéresse également de près aux problèmes environnementaux.
Donc, nous nous penchons sur cette question depuis déjà plusieurs années. Nous avons pour principe de réinvestir dans la communauté, et nous sommes conscients du fait que les entreprises doivent faire preuve de leadership et de responsabilité. À cet égard, le chef de la direction, Arthur Blank—et je tiens à préciser qu'il a fait cette annonce en août 1999—a annoncé que l'entreprise allait, dans le cadre de sa politique d'achat de produits forestiers, éliminer la vente de produits tirés de trois espèces menacées, et donner préséance au bois certifié.
Nous avons décidé de ne plus vendre les produits du bois provenant d'aires fragiles au plan environnemental. Les espèces menacées sont l'acajou des Philippines, le séquoia et le cèdre. Nous avons rencontré tous nos vendeurs. En fait, nous avons rencontré nos principaux vendeurs en Amérique du Nord à trois reprises dans le but de discuter de cette politique. Nous les avons rencontrés bien avant que cette annonce ne soit faite. Nous avons donc eu des entretiens à ce sujet avec MacMillan Bloedel, Wyerhaeuser, Louisiana-Pacific et Georgia Pacific—des entreprises implantées en Amérique du Nord. Notre objectif est le suivant: travailler en partenariat avec nos vendeurs.
Nous allons désormais privilégier les produits certifiés. Nous reconnaissons le système de certification FSC, et je sais que vous allez me poser des questions à ce sujet.
Notre entreprise est présente partout dans le monde. Nous avons des magasins en Argentine, au Chili, et nous prévoyons en ouvrir en Europe. Nous sommes une entreprise en plein essor. Il nous faut donc une norme de référence internationale.
Cette question, dans une certaine mesure, est avant tout commerciale. D'après notre expérience, le système de certification FSC est la norme par excellence. En tant qu'entreprise, nous devons acheter des produits qui sont durables et qui répondent à des normes reconnues.
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Si je puis me permettre, monsieur le président, j'aimerais vous
donner quelques exemples. Je ne dépasserai pas les 10 minutes qui me
sont allouées. Je me trouvais au Cap-Breton quand l'épidémie de la
tordeuse des bourgeons de l'épinette a éclaté. Je sais donc fort bien
ce qu'on entend par l'équilibre des écosystèmes, et je suis conscient
aussi de l'impact que les entreprises peuvent avoir sur
l'environnement. Mon père a été obligé d'abattre 150 acres de bois
infesté par la tordeuse, et je dois dire que cette expérience a eu
tout un effet sur l'enfant que j'étais.
Mon mari, Erik Haites, est un économiste de l'environnement et il a fait beaucoup de recherches sur l'échange de droits d'émission et les CO2. Il m'a fait comprendre que la pérennité de nos forêts influe sur la qualité de l'air que nous respirons, et qu'il est essentiel de protéger cette ressource.
Nos efforts ne se limitent pas uniquement aux produits de bois et aux matériaux de construction. Nous prévoyons éliminer les produits tels le teck et l'acajou de nos magasins canadiens d'ici juillet 2000. Nous avons adopté une politique très sévère à cet égard. Nous collaborons de près avec nos vendeurs, qui sont en train de passer progressivement à la norme de certification FSC, car ils savent que c'est la voie de l'avenir. Nous devons, en tant qu'entreprise, faire encore plus pour protéger nos ressources et contribuer davantage à l'économie.
Je préside, au nom de Arthur Blank et de l'entreprise, le conseil environnemental de Home Depot, et j'en suis très honorée. C'est nous qui avons pris l'initiative de proposer une nouvelle politique d'achat de produits forestiers. Nos efforts ne s'arrêtent pas là. Nous comptons l'appliquer aux produits pour la peinture en éliminant, par exemple, les peintures à base d'huile que nous utilisons.
Nous avons l'obligation de bien faire comprendre à nos détaillants que l'achat de produits plus écologiques profite à l'ensemble de la planète et, au bout du compte, à l'entreprise. Nous y mettons beaucoup d'efforts. Nous n'avons rien à perdre. Home Depot est le plus grand distributeur et le plus important acheteur de produits forestiers au monde. L'équipe de direction tient vraiment à faire de la planète un endroit où il fait mieux vivre. Cela fait partie de notre système de valeurs, de nos principes.
Voilà qui termine mon exposé. Comme l'a dit le président, je suis certaine que la discussion sera fort intéressante. Je suis donc prête à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, madame.
Nous allons donner la parole à M. David Chatters, de l'Alliance canadienne.
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue. Je suis ravi de vous voir, car vous faisiez partie des témoins que nous voulions entendre. Nous vous avons écrit, en fait, pour vous demander de comparaître, et nous sommes heureux que vous ayez accepté notre invitation.
J'aimerais savoir pourquoi votre entreprise a choisi le système de certification FSC. Mais avant cela, je tiens à dire que je trouve inquiétant l'influence qu'exerce le mouvement écologiste sur votre entreprise et vos politiques d'achat de produits forestiers, comme en témoigne un article qui a paru dans le Globe and Mail du samedi 22 janvier. On y lit que votre entreprise, ou plutôt un de vos vice-présidents, trouve que les méthodes de récolte au Canada laissent à désirer et que vous n'êtes pas prêts à faire affaire avec des gens qui refusent de modifier leurs pratiques. Or, comme les pratiques forestières au Canada figurent parmi les meilleures au monde—et nous l'avons constaté de visu, et je vous encourage à faire de même—je trouve cette déclaration plutôt étonnante.
Toujours dans le même ordre d'idées, si vous jugez que les pratiques forestières du Canada, surtout dans la région côtière centrale de la Colombie-Britannique, laissent à désirer, où comptez-vous acheter votre bois pour remplacer celui qui provient de cette région du Canada, compte tenu du fait que 80 p. 100 de vos produits forestiers en Amérique du Nord viennent du Canada?
Mme Annette Verschuren: Vous posez plusieurs questions, et je vais essayer d'y répondre au fur et à mesure.
D'abord, nous n'avons pas l'intention d'acheter moins de produits forestiers en provenance du Canada. En fait, nous espérons en acheter plus. Par exemple, J.D. Irving est l'un de nos plus gros fournisseurs dans le Nord-Est. Ils vendent aux États-Unis. Je ne fais pas affaire avec eux pour des raisons de transport et autres motifs.
Nous n'avons donc pas l'intention de réduire nos commandes. En fait, grâce à la politique d'achat de produits forestiers, nous prévoyons utiliser notre pouvoir d'achat pour encourager les entreprises à améliorer leurs pratiques de gestion forestière.
Je m'excuse pour la déclaration qu'a faite Suzanne Apple. Je ne crois pas que les forêts au Canada soient mal gérées. Toutefois, certaines compagnies ne sont pas aussi bien gérées que d'autres.
J'ai voyagé avec des représentants de MacMillan Bloedel. Je me suis rendue en hélicoptère le long de la côte de la Colombie- Britannique. J'ai passé beaucoup de temps à discuter avec nos entreprises en Colombie-Britannique. J'ai rencontré aussi notre plus gros vendeur, Donohue, au Québec. J'ai vu les méthodes de gestion forestière qu'ils utilisent, et certaines sont fantastiques. Elles le sont vraiment. Mais encore une fois, nous allons privilégier les entreprises qui s'attacheront à améliorer leurs pratiques de gestion forestière.
Aujourd'hui, les ressources en bois certifié nous permettent uniquement d'approvisionner 50 magasins. Or, nous en comptons 950 en Amérique du Nord.
M. David Chatters: Voilà pourquoi je vous pose la question: où allez-vous vous approvisionner?
Mme Annette Verschuren: Et bien, quelqu'un doit prendre l'initiative de le faire. Nous ne pouvons pas ne pas approvisionner nos clients. Toutefois, nous allons privilégier les compagnies qui s'attachent à améliorer leurs pratiques de gestion forestière, et nous comptons encourager leurs efforts en ce sens. Nous avons dit publiquement que nous allions privilégier les entreprises qui nous fournissent des produits certifiés FSC.
Il s'agit là d'un processus graduel, et nous en sommes conscients. Pour ce qui est de nos seuils, combien pouvons-nous obtenir? C'est très difficile à dire. Par exemple, dans quelle mesure pouvons-nous encourager les entreprises à modifier leurs pratiques de gestion forestière?
Je pense que nous pouvons obtenir des résultats positifs, et tous les chefs de direction avec qui je me suis entretenue comprennent bien la problématique que représente l'approvisionnement en bois et reconnaissent qu'ils doivent améliorer celui-ci. Il s'agit là d'un enjeu majeur.
Pour ce qui est des groupes environnementalistes, l'an dernier, 11 p. 100 des actionnaires de Home Depot U.S. ont demandé qu'on cesse d'acheter du bois provenant de vieux peuplements. J'ai bien dit 11 p. 100 des actionnaires. Donc, cette question n'intéresse pas uniquement les groupes environnementalistes.
Il est vrai qu'ils ont exercé des pressions sur nos magasins, et nous sommes conscients du fait qu'ils font partie intégrante des intervenants, au même titre que les Premières nations, les gouvernements et les entreprises. Ils doivent avoir voix au chapitre.
Nous devons agir pour les bonnes raisons. Notre entreprise doit aller de l'avant. Nous avons créé un conseil de l'environnement en 1992. Nous avons consacré beaucoup d'efforts à cette question au cours des dernières années.
Encore une fois, nous voulons que cette politique fasse partie intégrante de la stratégie de l'entreprise. Franchement, c'est une décision logique, car, au bout du compte, nous devons assurer la durabilité de cette merveilleuse ressource qu'est le bois. Nous allons acheter la plus grande quantité possible de produits qui proviennent de forêts bien aménagées. Nous voulons miser aussi sur les produits de remplacement. Beaucoup de gens nous disent, écoutez, est-ce que Home Depot va vendre beaucoup de produits de remplacement dans ses magasins?
Nous voulons du bois. C'est un produit merveilleux. C'est une ressource naturelle merveilleuse, et nous devons la protéger à long terme.
M. David Chatters: Tout cela est bien beau, mais êtes-vous en train de dire que Home Depot n'achètera pas de produits tirés des vieux peuplements, malgré que le Canada, en Colombie-Britannique, possède le plus grand pourcentage de vieux peuplements au monde?
Mme Annette Verschuren: Nous allons acheter la plus grande quantité possible de produits certifiés FSC.
M. David Chatters: Et ces produits ne peuvent provenir de vieux peuplements?
Mme Annette Verschuren: Pas nécessairement.
M. David Chatters: D'accord. Je vais laisser quelqu'un d'autre poser des questions.
Le président: Vous pourrez en poser d'autres plus tard.
Monsieur St. Denis.
M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib): Merci, monsieur le président, et merci d'être venue nous rencontrer, madame Verschuren.
Je pense que, pour bien comprendre la question des pratiques forestières dans le contexte du commerce international, le comité doit saisir toutes les facettes du problème.
D'abord, pour revenir à la question de M. Chatters, j'ai demandé la semaine dernière à un des représentants de la FSC—ou c'est peut-être John qui l'a fait—si le système FSC interdisait la certification de produits provenant de vieux peuplements. Ils n'ont pas dit que c'était le cas, mais que rien n'avait encore été décidé. Je pense que la réponse de Mme Verschuren s'inscrit dans la même logique.
Concernant la FSC, il existe d'autres systèmes de certification et ils en sont tous à des stades d'évolution différents. Je pense que vous avez eu l'impression que même les représentants de la FSC éprouvent des difficultés avec leurs systèmes de gestion. Ils ne sont pas encore bien organisés, ils manquent de personnel d'exécution, et leur système de vérification par des tiers n'est pas encore en place.
Il est dangereux d'accorder une trop grande importance à ces divers systèmes de certification, notamment à celui de la FSC, alors qu'aucun d'entre eux n'a vraiment fait ses preuves. On risque de s'attirer des ennuis. Même si toutes les entreprises étaient prêtes, je ne sais pas si le système FSC ou les autres systèmes de certification seraient en mesure de répondre aux besoins du marché.
J'aimerais en savoir un peu plus là-dessus. Vous avez dit que vous présidez le Comité de l'environnement de votre entreprise. Vous êtes sans doute la mieux placée pour répondre à cette question. Est-ce que le système FSC est un système éprouvé? Existe- t-il un lien entre le système FSC, CSA, ISO, paneuropéen, SFI, c'est-à-dire l'initiative de foresterie durable, ou tout autre système qui vous vient à l'esprit? Il serait bon d'avoir votre opinion là-dessus.
Mme Annette Verschuren: Cette question est fort intéressante, monsieur St. Denis.
D'abord, nous avons invité tous les responsables des systèmes de certification à venir nous rencontrer, à Atlanta. Nous avons entendu des exposés des représentants de l'ISO, de la CSA, de la FSC et de divers autres systèmes de certification.
Ils en sont tous au stade expérimental. On dit que le système finlandais est aussi efficace que le système FSC. Or, si nous décidions, en tant qu'entreprise, d'adopter le système CSA au Canada, et le système argentin en Argentine, nous aurions beaucoup de difficultés à gérer nos affaires. Les normes seraient différentes d'un pays à l'autre.
Ce qu'il faut surtout retenir ici, c'est que les gouvernements, l'industrie, les groupes environnementalistes, les Premières nations... tous les principaux intervenants doivent se réunir en vue d'établir, ensemble, une seule et même norme. À défaut d'une telle norme, les entreprises pourront difficilement fonctionner. Nous en sommes convaincus.
D'après ce que nous avons appris, les exposés que nous avons entendus, les évaluations que nous avons effectuées—et tous les détaillants y ont participé—le système de certification FSC est la norme par excellence. Nous sommes devenus membres, il y a deux ans, du Certified Forest Products Council, et le conseil reconnaît le système de certification FSC.
Nous n'avons pas toutes les réponses, mais il est essentiel que nous fassions preuve de leadership dans ce domaine. Les produits que nous vendons doivent être assujettis à des normes rigoureuses. Cela fait partie de notre responsabilité, vu que nous sommes le plus important détaillant au monde—nous sommes responsables des produits qui sont vendus dans ces magasins. En fait, d'ici 2005, nous allons sans doute assurer la distribution d'environ 25 p. 100 de l'ensemble des matériaux de construction en Amérique du Nord.
M. Brent St. Denis: Merci de cette réponse. J'ai une brève question supplémentaire à poser.
Il est tout à fait logique que les intervenants se regroupent, travaillent ensemble pour le bien de la planète, tout en gardant à l'esprit les besoins des travailleurs de la région côtière centrale qui dépendent de la forêt. Mais, au bout du compte, nous devons tous nous préoccuper du sort de la planète.
Il est vrai qu'en l'absence d'un régime de certification éprouvé qui répond aux besoins des clients de votre entreprise, vous avez été contraint d'en choisir un et de l'appliquer. Est-ce à dire que vous ne refuserez pas d'acheter des produits forestiers provenant de vieux peuplements si le système FCS prévoit une norme de certification qui englobe les vieux peuplements? L'entreprise n'y verra-là aucun problème? Peu importe le système FSC qui sera mis en place, vous allez l'appliquer?
Mme Annette Verschuren: Oui.
La matière ligneuse est une ressource très importante à l'échelle planétaire, et nous avons la possibilité, en tant que Canadiens, de développer encore davantage notre industrie et de mettre au point des produits de qualité supérieure qui seront vendus en Amérique du Nord et à l'échelle internationale.
Le président: Je vous remercie de ces mots.
Vous êtes la première à proposer qu'il n'y ait qu'une seule forme de certification. Si je me souviens bien, les autres ont tous dit que nous pouvions avoir divers systèmes de certification, mais à la condition qu'ils soient compatibles. Or, vous êtes la première à proposer quelque chose d'exclusif.
Mme Annette Verschuren: Je vais vous expliquer pourquoi.
Le FSC est le seul groupe qui n'effectue pas ses propres vérifications. Le problème avec certains régimes de certification, c'est qu'ils prévoient des mécanismes d'auto-vérification. C'est le cas d'ailleurs du système américain. Or, ce qui importe ici, c'est la source d'approvisionnement, et nous voulons avoir la certitude que les produits sur lesquels l'industrie appose le label FSC proviennent de forêts qui sont bien aménagées. Pour cela, il faut une vérification externe effectuée par un tiers.
Le président: Cela peut en impressionner plusieurs, y compris moi-même, mais vous utilisez votre pouvoir d'achat en tant que détaillant pour court-circuiter les gouvernements et les associations et imposer votre volonté. Comment le comité peut-il recommander un tel système au Parlement?
Mme Annette Verschuren: Bonne question.
Notre entreprise estime qu'il faut établir une politique qui nous permettra d'avoir accès à des produits de meilleure qualité pour nos magasins. Nous...
Le président: Je m'excuse, madame, mais il n'est pas question ici de la qualité du produit, mais de la gestion des forêts d'où provient ce produit. Cela n'a rien à voir avec ce qui se retrouve sur les tablettes. Ce qui vous intéresse, ce sont vos obligations envers l'environnement global.
Mme Annette Verschuren: C'est exact.
Le président: Mais ce n'est ce qui vous a motivé au départ—et je fais allusion ici à l'entité sociale. Ce qui vous a motivé au départ, c'est le produit qui se retrouvait sur les tablettes, pas l'environnement.
Mme Annette Verschuren: Je pense que, au bout du compte, en tant que distributeur des produits, c'est nous qui sommes les plus près du consommateur. Nous avons donc le devoir de faire en sorte que ces produits sont sécuritaires. Nous devons encourager nos vendeurs à améliorer la qualité de leurs produits.
• 1135
Par exemple, nous avons été les premiers à nous débarrasser des
peintures au plomb. Nous avons réduit considérablement les produits à
base d'huile que nous vendons dans nos magasins, parce que nos
estimons que c'est la chose à faire. Cela fait partie de notre
culture.
Le président: Cela fait également partie de la nôtre. Je tiens à ce que cela soit très clair. Nous avons nous aussi des obligations envers les générations futures.
Par ailleurs, si nous avons voulu vous parler, c'est parce que votre entreprise est influente. Votre décision de reconnaître la norme de certification FSC peut être interprétée, par les sceptiques au sein de l'industrie, comme un moyen de pression additionnel. Comme l'ont indiqué certains membres du comité et comme vous l'avez vous-même admis, aucune de nos industries n'utilise cette norme actuellement.
Mme Annette Verschuren: Non. Ce sont les intervenants qui ont opté pour la norme FSC, par le gouvernement.
Il est vrai que le gouvernement exerce une compétence dans ce domaine. Encore une fois, nous insistons sur le fait que nous allons privilégier les produits forestiers certifiés par FSC. Nous voulons que les entreprises adoptent cette norme. Cela peut leur prendre cinq ans, dix ans, mais si personne ne fait le premier pas, par où doit-on commencer? Voilà la position que nous avons adoptée, dans une perspective mondiale.
Le président: Je suis certain que M. Cardin, qui meurt d'envie de poser la question suivante, estime que vous défavorisez bon nombre de ses électeurs.
[Français]
N'est-ce pas, monsieur Cardin? Je vous invite à poser la prochaine question.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Puisque vous avez déjà posé certaines de mes questions, j'en poserai moins. Il n'y a pas de problème.
Il est manifeste que vous vous préoccupez de l'environnement. Comment vous assurez-vous que tous vos fournisseurs partagent cette préoccupation et que leurs pratiques d'aménagement ne nuisent pas à l'environnement? Est-ce que vous basez votre évaluation strictement sur une certification ou est-ce que vous allez vérifier leurs actions sur le terrain?
[Traduction]
Mme Annette Verschuren: Je suis désolée, mais je ne peux vous répondre en français, monsieur Cardin.
Ce que vous demandez, en fait, c'est si vous fondons nos décisions sur des considérations d'ordre environnemental plutôt qu'économique. Je pense que, à long terme, le fait d'avoir des forêts mieux aménagées ne peut que servir l'intérêt du pays et de l'industrie. Je sais qu'il y a beaucoup de lots boisés fragmentés et de propriétaires terriens au Canada. Nous savons tous qu'il y a beaucoup de terres publiques en Colombie-Britannique. Pour ce qui est de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, toutes les régions sont différentes.
Nous n'obligerons personne à fermer ses portes. Encore une fois, nous privilégions cette norme. Nous ne pouvons pas interdire l'achat de produits forestiers qui ne portent pas le label FSC. Nous serions obligés de cesser nos activités. Toutefois, nous reconnaissons la norme FSC, et nous voulons privilégier les produits forestiers certifiés. En ce qui concerne les petits propriétaires de lots boisés, il leur faudra peut-être un peu plus de temps pour s'y conformer, mais nous espérons que ce ne sera pas le cas.
Au bout du compte, je pense que nos opérations seront plus efficaces, plus durables. J'insiste peut-être un peu trop sur le volet commercial au détriment du volet environnemental, mais je pense que les deux vont de pair.
• 1140
Je tiens à préciser que notre objectif n'est pas de supprimer des
emplois. En fait, notre entreprise a annoncé qu'elle allait ouvrir un
magasin à Montréal. Nous achetons pour 700 millions de dollars de
produits au Québec, et 600 millions aux États-Unis. En implantant des
magasins au Canada, nous avons permis aux fabricants canadiens d'avoir
accès aux marchés américains. Nous devons assurer la sécurité de nos
approvisionnements partout dans le monde. Ce que nous trouvons
particulièrement encourageant, c'est que les fabricants canadiens sont
excités à l'idée de faire affaire avec différents pays. Et
franchement, ce sont de grands exportateurs. Je représente le Canada,
et je pense que nous sommes de grands exportateurs.
Donc, nous n'y voyons que des avantages, et je veux, tout comme Home Depot, favoriser la croissance de l'industrie, non pas la restreindre. Nous ne voulons pas nuire aux emplois ou à l'industrie. Nous voulons l'encourager, favoriser sa croissance, en faire une industrie durable à long terme.
[Français]
M. Serge Cardin: Home Depot est un membre fondateur de FSC. Vous disiez que vous aviez nommé J.D. Irving le vendeur environnemental de l'année en 1999. Qu'arriverait-il si J.D. Irving se retirait de la certification FSC? Compte tenu de vos relations avec FSC, Home Depot ne se dirige-t-il pas plutôt vers une ère de normes de certification Home Depot?
[Traduction]
Mme Annette Verschuren: Ce sont là des questions fort intéressantes.
Comme vous le savez, Jim Irving a été nommé le vendeur de l'année en 1999, et il fait de l'excellent travail. Il possède sans doute la plus vaste superficie de terres forestières certifiées FSC au Canada, et nous l'encourageons à poursuivre ses efforts en ce sens.
Je sais que la situation dans les Maritimes pose problème. Il est très difficile pour moi de faire un commentaire là-dessus. Je sais que je suis originaire des Maritimes, mais je ne peux faire aucun commentaire à ce sujet.
Nous voulons l'encourager à utiliser la norme de certification FSC. Nous lui avons dit que nous achèterions tout le bois qu'il pourrait faire certifier. Il applique des normes très rigoureuses. Je ne peux pas me prononcer sur la question des compétences fédérales-provinciales et autre chose du genre. Nous préférons faire les choses simplement et dire, écoutez, voici ce que nous allons privilégier à l'avenir.
[Français]
M. Serge Cardin: Merci.
Le président: Merci, monsieur Cardin.
[Traduction]
Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir aux petits propriétaires. Il y a des lots boisés, des petits propriétaires en Ontario. Il y a des petits propriétaires qui exploitent des parcelles de terres publiques, et bon nombre de ces lots boisés, de ces petites exploitations, sont bien aménagés, car un petit lot boisé bien aménagé donne un rendement nettement supérieur.
Or, le fait d'exiger que le petit propriétaire ou l'agriculteur qui possède 50 ou 100 acres de boisé applique la norme FSC entraîne des coûts directs, et quand les représentants de la FSC ont comparu devant nous, ils ont dit—et ce n'était qu'une hypothèse—que les coûts, disons, pour un terrain de 100 acres seraient de 1 000 $ dans un premier temps, mais qu'il y aurait ensuite des coûts annuels.
• 1145
La même chose s'est produite dans d'autres secteurs de l'industrie de
transformation du bois. On a dit au petit propriétaire, d'accord, nous
allons nous occuper de vous, et voici ce que cela va vous coûter. Mais
ce n'est que pour cette opération- ci. Voici ce que va coûter la
classification du bois. Voici ce que va coûter cette opération-là.
Bientôt, il ne pourra plus livrer concurrence aux Irving et je ne sais
quelle autre entreprise.
Or, ces personnes jouent un rôle important. Nous allons sans doute, au fil des ans, pratiquer davantage la culture de plantations au Canada. Il y aura sans doute une tendance vers ce type de production. Or, ce qui serait tragique, c'est que les gens qui pourraient devenir d'excellents exploitants ne puissent profiter de cette possibilité en raison de tous ces obstacles.
Mme Annette Verschuren: Mais n'encouragerait-on pas les grandes entreprises à travailler avec les petits propriétaires de lots boisés? Ne serait-il pas dans leur intérêt de le faire? Après tout, ce sont elles qui achètent ce produit. Ils constituent pour elles une source importante d'approvisionnement.
Les grandes entreprises vont vous dire qu'elles utilisent les produits qui proviennent de leurs propres terres, et aussi des boisés privés. Elles utilisent les produits qui proviennent de partout. Or, si je veux compter sur une source d'approvisionnement sûre, je dois travailler de près avec les propriétaires de lots boisés et les encourager à adopter la norme de certification FSC. Je pense qu'on peut y arriver, à long terme.
Encore une fois, nous n'avons pas dit... Vous savez, nous allons privilégier la norme de certification FSC, mais si nous collaborons ensemble avec l'industrie, les petits propriétaires de lots boisés vont automatiquement...
Au bout du compte, le plus important, c'est d'assurer la pérennité des forêts dont dépendent les écosystèmes. Nous devons redonner à la terre ce que nous tirons de l'écorce terrestre. En tant qu'entreprise—et je parle en tant que contribuable canadien qui vit ici depuis 43 ans—nous devons sensibiliser l'industrie au fait qu'elle doit améliorer ses pratiques si elle veut continuer à vendre du bois.
M. Julian Reed: Mais comment allons-nous nous y prendre? Bon nombre de ces personnes gèrent sans doute mieux leurs petits lots boisés, leurs petites parcelles de terre, que les entreprises moyennes ou plus grandes, en raison des retombées économiques directes qu'elles en tirent. La question est de savoir comment allons-nous les convaincre de rester?
Mme Annette Verschuren: Vous avez raison.
Si je tiens un magasin qui fait de piètres affaires, je m'arrange pour que le gérant travaille avec quelqu'un qui se tire bien d'affaire dans un certain domaine. Or, ne peut-on pas faire en sorte que ceux qui se tirent bien d'affaire partagent avec d'autres leurs connaissances en matière d'aménagement forestier? Les petits propriétaires de lots boisés ne pourraient-ils pas se regrouper, ce qui les aideraient à absorber une partie de ces coûts additionnels?
Si vous orientez le marché dans un sens, il y aura des améliorations. De plus, les grandes entreprises, en assumant un rôle de leadership—et elles sont nombreuses à acheter des produits qui proviennent de boisés privés—travailleront avec les propriétaires de boisés privés qui, au bout du compte, n'auront rien à craindre. La ressource leur appartient, et ce produit deviendra de plus en plus précieux.
M. Julian Reed: Je voudrais poser une autre petite question, monsieur le président. Est-ce qu'il me reste du temps?
Le président: Je préférerais qu'on entreprenne un nouveau tour de table, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
M. Julian Reed: D'accord.
Le président: M. Godin a été très patient, mais il est en train de ronger son frein.
Monsieur Godin.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue à notre comité. Vous avez exprimé d'une part votre l'inquiétude, et d'autre part une attitude empreinte de responsabilité. Nul ne veut voir disparaître la planète. Nous avons une responsabilité collective de la préserver et de nous assurer que les générations futures, nos enfants et nos petits-enfants, auront un bel avenir. Je vous félicite de vos efforts en ce sens.
Je suis également allé en Colombie-Britannique et j'ai visité ses forêts en hélicoptère, y compris la forêt de Bella Coola. J'ai été impressionné de la façon dont on y gère la forêt comparativement à d'autres endroits. Bien que J.D. Irving gère très bien la forêt au Nouveau-Brunswick, nous ne pouvons pas être aussi fiers de certaines autres compagnies. Je crois que nous pouvons dire cela ouvertement.
Je suis le onzième enfant d'une famille de 11 enfants qui compte de nombreux bûcherons, y compris mon père, qui travaillent au nord de l'Ontario et au nord du Nouveau-Brunswick. Ce métier a été leur gagne-pain pendant toute leur vie. La forêt est très importante pour nous et elle le sera pour les générations à venir.
Je me demande parfois si ce ne seront pas que les environnementalistes qui auront leur mot à dire. Qui fera le contrepoids et nous assurera qu'on n'adoptera pas de positions qui n'auront pas de bon sens? J'ai été témoin de la façon dont la Colombie-Britannique agissait et j'ai été très impressionné. Je dois cependant avouer que nous ne nous sommes pas rendus dans toutes les régions de la Colombie-Britannique.
J'ai toujours dit que les gens qui travaillent dans la forêt sont chanceux parce que les arbres y repoussent. Je travaillais dans les mines où la situation est différente parce qu'une fois qu'on a fini d'exploiter une mine, elle ne se régénère plus et elle est finie. On est chanceux ici au Canada d'avoir une ressource telle la forêt que les gens pourront, s'ils s'en servent bien, continuer à exploiter.
Je suis inquiet face à l'équilibre que nous devrons essayer de maintenir. Le gouvernement n'aurait-il pas un rôle à jouer afin de coordonner les intérêts de tous les groupes qui interviennent dans ce milieu, y compris ceux du FSC dont les représentants sont venus témoigner la semaine dernière? Pourrait-il nous aider à nous assurer qu'il y aura un juste milieu et non pas que prévaudra le point de vue d'un seul groupe?
Home Depot est un membre du FSC et un allié des groupes environnementaux. Cela fait donc deux alliés qui se rangent du même côté. Qui fera le contrepoids afin qu'on puisse prendre des décisions correctes?
Par exemple, en Colombie-Britannique, devrait-on limiter la production de pâte afin de protéger la vieille forêt, ainsi que trouver un nouveau gagne-pain pour les travailleurs de la forêt? Il est encourageant de savoir que la forêt va continuer de pousser et qu'on peut faire quelque chose pour nous assurer que nos travailleurs pourront continuer à l'exploiter. On pourra aussi continuer à pratiquer la pêche parce que les poissons vont se reproduire, mais les mines ne se régénèrent plus. J'ai peut-être fait des commentaires plutôt que posé des questions précises, mais j'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.
[Traduction]
Mme Annette Verschuren: Vous soulevez des points intéressants.
Il doit y avoir un équilibre. Si nous avons adopté cette politique, c'est parce que nous sommes conscients de la nécessité d'assurer la pérennité de nos forêts, de les gérer de manière plus efficace. J'en suis moi-même consciente. Je pense que notre politique d'achat de produits forestiers, si l'on tient compte de la façon dont elle est conçue, permettra aux entreprises de se diriger dans cette voie.
Côté collaboration, je pense que le gouvernement doit assumer un rôle de chef de file de concert avec l'industrie, les intervenants, et élaborer une stratégie qui encourage nos industries à adopter des normes plus rigoureuses. Je trouve que c'est une excellente suggestion. Nous aimerions participer à cet effort puisque nous avons des intérêts à défendre. Toutefois, je pense que notre politique aura pour effet d'encourager l'adoption de normes plus rigoureuses. Elle ne nuira pas à la productivité de l'industrie.
M. Yvon Godin: La raison pour laquelle je dis de telles choses—je vous ai parlé rapidement des mines et dit qu'il n'y a pas grand-chose qu'on peut faire puisqu'on ne peut pas les faire pousser—, c'est qu'on sait qu'ils ont mal géré la pêche et qu'aujourd'hui, on n'en a plus. On sait que des gens ont été accusés de ne pas avoir bien fait leur travail. Alors, je pense que si on s'en va dans une direction pour essayer de mieux gérer nos forêts, il faut essayer de trouver la meilleure solution pour le faire ensemble.
Un des problèmes, par exemple, concerne les gens qui ont des lots boisés privés. Ils n'ont pas les outils pour faire repousser la forêt. J'ai bien peur que ce soit les grosses compagnies qui prendront le dessus et que les autres seront éliminés. C'est comme ce qu'a fait Home Depot; il a tout acheté. C'est là un problème pour les petits propriétaires de lots boisés. Je pense que ce comité-ci pourrait peut-être trouver des solutions pour essayer de les aider. Je pense que ce serait terrible que ce soit un monopole de J.D. Irving. Il s'agit d'une entreprise intelligente qui aimerait avoir le monopole.
[Traduction]
Mme Annette Verschuren: Nous ne voulons surtout pas encourager la création de monopoles. Mon père était agriculteur au Cap-Breton. Je sais à quel point les lots boisés sont importants. Mais je sais également que nous devons apprendre à les gérer de façon plus efficace, car j'en ai vu beaucoup dont l'aménagement laissait à désirer. Je suis allée au Cap-Breton en fin de semaine, et j'ai vu qu'on avait arraché beaucoup d'arbres le long des routes, sans rien laisser.
Plusieurs de nos pratiques nuisent à l'écosystème, à l'environnement. Nous devons décourager ce genre de comportement par le biais d'encouragements, de normes plus rigoureuses. Je pense que le marché et l'industrie vont finir par réagir.
[Français]
M. Yvon Godin: J'ai une dernière question.
[Traduction]
Le président: Pas de discours.
M. Yvon Godin: Non, c'est terminé. Il n'y aura plus de discours.
Le président: L'ancien président convoite mon poste.
M. Yvon Godin: Oui, mais il devrait se rendre compte qu'il ne l'occupe plus et qu'il nous fait perdre du temps.
Le président: D'accord, alors passons rapidement...
M. Yvon Godin: Et j'ai sans doute oublié ma question à cause de cela. Dommage.
Le président: Allez-y, monsieur Godin.
M. Yvon Godin: Je poserai ma question plus tard.
Le président: Vous allez la poser plus tard?
M. Yvon Godin: Oui.
Le président: D'accord.
M. Yvon Godin: J'ai perdu le fil de ma pensée.
Le président: Très bien.
M. Yvon Godin: Je ne sais pas si c'est bien, mais nous allons...
Le président: C'est une tactique partisane qu'utilisent certains membres.
Monsieur Provenzano.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je ne veux pas revenir sur le même sujet, mais je crois comprendre que Home Depot possède plus de 850 magasins.
Mme Annette Verschuren: Il en possède 950.
M. Carmen Provenzano: Neuf cent cinquante? Il y en a combien au Canada?
Mme Annette Verschuren: [Note de la rédaction: Inaudible] Nous employons 13 000 personnes, et nous sommes présents dans cinq provinces. Nous prévoyons ouvrir des magasins dans les autres provinces au cours des prochaines années.
M. Carmen Provenzano: Où les magasins du Canada se procurent- ils leurs produits du bois?
Mme Annette Verschuren: MacMillan Bloedel-Weyerhaeuser et Donohue, du Québec, sont les deux compagnies les plus importantes, puis nous achetons aussi de petites entreprises régionales. Nous achetons de compagnies qui font du bois imprégné sous pression. Ils représentent un tiers qui fournit beaucoup de produits, de partout sur le marché.
M. Carmen Provenzano: Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cela, mais quel pourcentage de l'approvisionnement de Home Depot à ses magasins du Canada provient des États-Unis?
Mme Annette Verschuren: Très peu. En fait, nous dépendons beaucoup, aux États-Unis, de l'approvisionnement canadien en produits du bois. Irving nous vend une quantité énorme de bois d'oeuvre et en vend dans la région nord-est des États-Unis.
Tous les produits utilisés au Canada proviennent de fabricants canadiens. Ce sont des produits de base, et il n'est pas logique de devoir les transporter. Donc, si on est près d'un marché des produits de base, c'est là qu'on s'approvisionne.
M. Carmen Provenzano: Il y a donc pénurie de l'approvisionnement de produits du bois certifiés FSC provenant de fournisseurs canadiens.
Mme Annette Verschuren: L'offre mondiale de produits du bois certifié FSC ne pourrait suffire à approvisionner qu'une cinquantaine de nos magasins. C'est vous dire combien il y a peu de ces produits dans le monde.
M. Carmen Provenzano: Voulez-vous dire que vous acceptez des produits du bois, qui sont vendus dans vos magasins du Canada, qui ne portent pas le label FSC?
Mme Annette Verschuren: Nous n'aurions rien dans nos magasins du Canada, ni nulle part en Amérique du Nord, si nous voulions n'accepter que des produits du bois certifié FSC. Il n'y en a pas assez. Nous travaillons en étroite collaboration avec tous nos fournisseurs pour qu'il y ait plus de produits certifiés FSC. Nous travaillons avec deux compagnies. MacMillan Bloedel-Weyerhaeuser a annoncé publiquement qu'elle s'orientait vers la certification FSC. Les opérations de Collins Pine, de la Californie, sont entièrement certifiées par FSC, et nous achetons leur contreplaqué.
Je le répète, nous préférons les produits du bois qui portent le label FSC et nous encourageons leur fabrication.
M. Carmen Provenzano: Alors ce n'est pas vraiment pour favoriser les échanges commerciaux avec les compagnies canadiennes, en ce qui concerne vos approvisionnements.
Mme Annette Verschuren: Non. Je ne sais pas exactement dans quelle mesure notre compagnie dépend du Canada pour son approvisionnement en produits du bois, mais c'est beaucoup. Aux États-Unis, nous achetons beaucoup auprès des plantations. Dieu bénisse les Américains, mais ils ont coupé tous leurs arbres.
Dans la région nord-ouest, il y a encore pas mal de forêts anciennes, mais il y a beaucoup de plantations. Nous achetons les produits des plantations, comme Georgia Pacific, qui est une grosse compagnie, et Louisiana-Pacific. Nous avons aussi rencontré tous ces chefs de file et nous les encourageons à faire certifier leurs produits par FSC.
M. Carmen Provenzano: Pour changer de sujet—et, je m'excuse encore si vous en avez déjà parlé dans votre exposé; j'ai été retardé—à ce que je comprends, Home Depot est un membre fondateur du Forestry Stewardship Council. Pourriez-vous expliquer au comité qu'est-ce qui a motivé votre compagnie à être un membre fondateur de cet organe?
Mme Annette Verschuren: Nous sommes l'un des membres fondateurs du Certified Forest Products Council, qui appuie le FSC. Nous ne sommes devenus membres qu'en 1992—je ne sais pas exactement quand, mais cela fait un bon moment.
M. Carmen Provenzano: Le Certified Forest Products Council n'a-t-il pas été fondé en 1997?
Mme Annette Verschuren: Non, c'était avant cela.
M. Carmen Provenzano: Il y a un groupe d'acheteurs qui a été fondé en 1997, dont Home Depot est membre.
Mme Annette Verschuren: C'est exact, et c'est le Certified Forest Products Council. Mais FSC, c'est le Forest Stewardship Council, dont nous préconisons le système de certification.
Pour répondre à votre question, il me faut réitérer les valeurs de la compagnie. Bernie Marcus et Arthur Blank ont fondé cette compagnie il y a 20 ans. Dans le cadre de ses principes fondateurs, la compagnie a largement rétribué les communautés où elle s'est établie. Cela fait partie intrinsèque de nos valeurs. Selon nous, si l'on prend quelque chose aux communautés, il faut aussi leur donner quelque chose.
Au Canada, par exemple, j'ai des employés qui travaillent à temps plein dans le domaine des relations communautaires et de la santé. Nous appuyons constamment des programmes dans la communauté; nous construisons avec elles des rampes pour les personnes handicapées, par exemple. C'est un aspect très important de notre culture et de ce que nous sommes.
Nous avons adopté certaines positions dans le domaine de l'environnement. Nous avons été parmi les premiers en Amérique du Nord à éliminer le plomb des produits de peinture, au début des années 90. Nous avons toujours reconnu que c'est important et que cela fait partie des responsabilités de notre entreprise, donc c'est imprégné dans nos valeurs.
M. Carmen Provenzano: Que diriez-vous si on prétendait—je vais vous faire vous hérisser—que votre participation au Forest Stewardship Council et de ce groupe d'acheteurs vise à créer un marché pour vos propres produits? Quelle serait la réaction de votre compagnie à cette affirmation?
Mme Annette Verschuren: Ce n'est certainement pas le but que nous visons. La seule autre compagnie participante est J.D. Irving. Nous sommes les premiers détaillants à appuyer le FSC. Notre objectif, je le répète, est de favoriser la durabilité d'une ressource très importante.
M. Carmen Provenzano: On ne peut certainement pas vous le reprocher.
Mme Annette Verschuren: Non.
M. Carmen Provenzano: Donc, Home Depot ne vise absolument pas, par cette participation, à créer un marché?
Mme Annette Verschuren: Non. Nous sommes une compagnie axée sur le marché. Nous continuerons de fournir à nos clients des produits de la meilleure qualité possible, au meilleur prix possible. Nous n'avons rien à y gagner. Nous ne possédons pas de forêts; nous ne sommes que des détaillants. Nous ne sommes les propriétaires d'aucune des compagnies qui participent à ce programme. Et vous ne m'avez pas fait me hérisser.
M. Carmen Provenzano: Est-ce que je peux poser une autre toute petite question, ou est-ce que mon temps est écoulé?
Le président: Une toute petite question.
M. Carmen Provenzano: En ce qui concerne le commerce international et la certification FSC, les normes qui s'appliquent aux pratiques de gestion des forêts varient grandement de l'un à l'autre des pays qui fournissent des produits du bois à Home Depot. Je pense que c'est reconnu. Que pensez-vous du fait qu'il se pourrait que les normes certification FSC soient plus rigoureuses pour une forêt au Canada que pour une forêt de la Suède, de la France ou d'ailleurs en Europe?
Mme Annette Verschuren: Je pense que ces normes devraient être partout pareilles. Si un produit porte le label FSC, les normes de certification devraient être pareilles dans le monde entier.
M. Carmen Provenzano: Vous n'accepteriez pas que ce soit inéquitable, alors?
Mme Annette Verschuren: Non.
Le président: Bien. Il nous reste quelques minutes, alors je vais essayer de faire un deuxième tour. Vous aurez droit à une question chacun, et à environ une minute, deux au maximum. Sommes- nous d'accord?
Je vais commencer de ce côté-ci avec M. Godin; une seule question.
[Français]
M. Yvon Godin: D'accord, je vais essayer de formuler mes deux questions en une seule.
J'aimerais savoir si les groupes environnementaux ont vraiment fait du chantage auprès de Home Depot en lui disant que s'il n'adoptait pas la certification FSC, ils n'achèteraient pas ses produits? C'est une question rapide.
Vous avez dit plus tôt que vous étiez d'accord que les gens devraient être réunis autour d'une table. Vous étiez ouverts à ce genre de chose et à ce que le gouvernement puisse agir comme leader pour réunir les gens. Pourriez-vous me dire si vous êtes d'accord avec mon collègue Provenzano qui disait qu'au Canada, la certification FSC pourrait peut-être devenir flexible, que les arbres ne poussent pas de la même façon qu'en France, et qu'il pourrait y avoir une norme différente qui serait acceptable pour le Canada et qui nous permettrait d'atteindre nos buts? On veut sauver notre forêt, mais on doit faire les choses différemment. Cela serait-il acceptable pour Home Depot aussi?
[Traduction]
Mme Annette Verschuren: Vous demandez, dans votre première question, si les groupes environnementaux ont une influence sur nos décisions. Comme je le disais au président tout à l'heure, nous subissons de fortes pressions de nos actionnaires, et aussi de nos clients.
L'autre jour, alors que j'étais dans une allée d'un de nos magasins, j'ai entendu un client dire «Je veux un produit de nettoyage sans phosphate. Où sont-ils?» Cela devient très important pour nos clients. Nous dialoguons avec les groupes environnementaux, et nous continuons de travailler avec les ONG, au sujet de l'orientation et de l'industrie. Il ne fait pas de doute qu'ils font partie des intervenants. Est-ce qu'ils nous ont poussés à prendre cette initiative? Non. Notre compagnie a agi de son propre chef.
Vous voulez aussi savoir si nous pensons que le gouvernement pourrait jouer un rôle de chef de file dans la modification des normes FSC pour notre pays? Je pense que tous les intéressés devraient participer à l'examen des normes, de manière à ce qu'on puisse s'entendre sur ce que le label FSC signifie pour nos forêts qui, vous l'avez dit, ne sont pas des plantations. C'est un environnement où les arbres poussent beaucoup moins vite que, disons, les eucalyptus au Brésil. Alors je pense certainement qu'il nous faut collaborer et dialoguer à ce sujet.
Le président: Est-ce que c'était un oui, pour le rôle du gouvernement?
Mme Annette Verschuren: Absolument.
Le président: Monsieur Reed.
M. Julian Reed: Madame Verschuren, je suis sûr que vous avez pu remarquer une certaine susceptibilité à l'égard des ONG, etc. La raison à cela, bien sûr, c'est qu'il y en a qui ont entrepris d'attaquer le Canada à distance, de l'Europe, d'ailleurs, mais qui ne songent pas à attaquer des pays qui ne font aucune gestion des forêts. Ils ne font rien au sujet des pays de l'Extrême-Orient qui ne font que détruire et surexploiter leurs forêts en ce moment.
C'est là où le bât blesse. Pourquoi s'en prendre aux bons plutôt qu'aux méchants? Nous au moins, nous nous efforçons d'améliorer notre situation, et cela fait un bout de temps que nous essayons. Nous savons qu'il y a moyen de faire mieux, et ça viendra. Lorsqu'on voit qu'il y a ce dialogue avec ces ONG, cela suscite une certaine susceptibilité chez nous. Je suis sûr que vous pouvez le comprendre.
La question qui découle de cela concerne ces pays délinquants qui ne pratiquent aucune forme de gestion des forêts, qui n'ont aucune mesure du genre en ce moment. Leur achetez-vous des matériaux?
Mme Annette Verschuren: Oui, c'est un fait. La position qu'a adoptée notre compagnie est que nous avons reconnu que l'acajou des Philippines, le séquoia et le cèdre sont des espèces menacées. Nous cesserons d'acheter ces produits. Certains d'entre eux proviennent d'autres pays du globe.
Pour ce qui est des raisons des ONG de s'en prendre au Canada, je les laisserai se justifier eux-mêmes, mais le Canada est aussi le plus grand consommateur du monde, par habitant, de produits du bois.
M. Julian Reed: Il y a de l'argent à y faire.
Mme Annette Verschuren: De toute évidence, les ONG ciblent ce marché. Nous pouvons provoquer d'énormes changements dans ce domaine. Lorsque mon marchand de peinture se rend compte que le manche d'un certain type de pinceau vient d'un pays qui n'applique pas des principes reconnus de gestion des forêts, c'est bien simple, il n'y a qu'à changer de fournisseur. Nous pouvons en changer rapidement, et nous le faisons. Il y a toutes sortes de produits du bois autres que les planches qu'on vend dans nos magasins, que ce soit sur les barbecues, etc.
J'observe un transfert. Ce pourrait être le transfert de produits d'autres marchés vers les marchés nord-américains. Encore là, dans le cadre de notre mécanisme courant de prise de décisions, si nous reconnaissons devoir en décider d'après certains principes, ces pays-là perdront leur marché. Si les pays développés voulaient bien reconnaître qu'ils font quelque chose d'incorrect, nous pourrions changer le monde.
Le président: Merci.
Monsieur St. Denis. Vous prendrez certainement beaucoup moins de temps que M. Reed.
M. Brent St. Denis: J'aimerais continuer dans le même ordre d'idée des questions qui ont été posées, particulièrement celles de M. Provenzano et de M. Godin. Il est assez facile, je crois, dans les hautes sphères, de convenir des principes fondamentaux, etc., mais lorsqu'on en vient au détail—si je peux me permettre de reformuler une partie de la question de M. Provenzano—la question de la biodiversité prend plus de place dans le régime FSC qu'ailleurs. Je pense que l'un des attraits pour le consommateur et les compagnies comme la vôtre est que ce régime couvre un large éventail de dimensions du problème.
Prenons la biodiversité. Si vous achetez du bois venant d'une forêt naturelle, que ce soit une forêt ancienne ou plus récente, la biodiversité y existe tout naturellement. Le problème est de préserver ce qui existe déjà. Si vous allez ailleurs, comme sur les terres de plantations de Georgia Pacific ou d'autres gérées, peut- être, par les pays scandinaves... Dans les nouvelles forêts qui sont presque comme des plantations, la biodiversité a disparu depuis longtemps. En réponse à une question, le FSC, c'est pour, s'il n'y a pas biodiversité et la forêt n'est pas naturelle, essayer de les obliger à recréer la nature.
C'est là, la différence. Nous nous attendions à une norme plus rigoureuse parce que nous avons la nature, et nous tenons à la préserver. D'autres pays l'ont perdue. Dans quelle mesure sont-ils obligés de la recréer? C'est cela qui fait une différence fondamentale, au bout du compte, entre le Canada et d'autres pays. Je me demande s'il est possible de concilier cela, même par l'entremise du FSC.
Mme Annette Verschuren: Je pense qu'il le faut. Je ne crois pouvoir le faire à moi seule, mais je pense que la volonté collective de tous les intervenants peut y parvenir.
M. Brent St. Denis: Croyez-vous qu'au moins, les Européens qui gèrent ou utilisent des forêts de plantation devraient être obligés, de la même façon que nous préservons les forêts, à recréer un environnement naturel autant que possible?
Mme Annette Verschuren: Oui.
M. Brent St. Denis: D'accord. Je vous remercie.
Le président: Madame Verschuren, vous vous êtes très bien défendue devant le comité. Je vous remercie de la franchise avec laquelle vous avez répondu aux questions.
Mon précieux attaché de recherche m'indique ici que vous faites aussi l'objet de certaines attaques de groupes environnementaux. Bien que vous ayez capitulé, vous avez fait face avec courage et avez affirmé que non, vous n'étiez pas en faute. Je vous fais mes compliments pour cela aussi.
Mme Annette Verschuren: J'aimerais faire une observation sur les ONG.
Nous tenons à afficher une position modérée. Il y a des ONG de droite et de gauche, à ce sujet. Nous sommes des gens d'affaires. Nous le reconnaissons et nous nous classons dans les rangs des modérés, et ils ont certainement beaucoup d'influence pour faire valoir leur position. Les ONG m'ont fait beaucoup de reproches, mais je les respecte. Chacun a bien le droit d'avoir une perspective différente sur la question. Nous avons besoin de leur participation au dialogue, et il nous faut trouver un plan qui puisse convenir à tout le monde.
Le président: Je ne doute pas que nous souhaitions tous exactement cela, mais nous aimerions que ce soit une solution équilibrée.
Madame, je vous remercie infiniment de vous être jointe à nous aujourd'hui.
Je demande aux membres du comité de rester un moment. Nous allons suspendre la séance une minute pour nous réunir à huis clos.
Merci encore.
Mme Annette Verschuren: Merci beaucoup.