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La séance est ouverte. Le Comité permanent des pêches et océans poursuit son étude de l'aquaculture en parc clos. Nous avons le plaisir d'accueillir deux témoins, que nous entendrons par vidéoconférence.
Merci aux deux témoins de se joindre à nous.
Nous accueillons David Lane, qui est directeur général de la T. Buck Suzuki Foundation, ainsi qu'Andrew Wright, conseiller en technologie de la SOS Marine Conservation Foundation.
Messieurs, vous avez chacun 10 minutes pour faire votre exposé, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Nous aurons très certainement deux rondes de questions. Pour la première, chacun aura droit à sept minutes, et pour la seconde, à cinq minutes, et cela comprend les questions et les réponses.
Merci d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui, et, sans plus tarder, je vais donner la parole à M. Lane, je suppose.
Êtes-vous prêt à commencer?
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La dernière fois que j'ai eu l'honneur de m'adresser à votre comité, nous venions de terminer notre rapport technique intitulé « Technologies for Viable Salmon Aquaculture ». Je vous invite à le relire, ou même à le lire si vous êtes un nouveau membre du comité.
Depuis, nous avons entrepris une comparaison très préliminaire des émissions de gaz à effet de serre provenant des fermes d'aquaculture en parc clos et en parc en filet, et je vous invite à la lire, si vous en avez le temps.
Aujourd'hui, je vais vous parler de ce que nous avons fait, de ce que nous faisons et de ce que nous voulons faire. Cela concerne essentiellement ces deux rapports, ainsi que notre travail avec la Première nation 'Namgis de Port McNeill, qui est en train de mettre en place le premier système de SAR en Colombie-Britannique.
Passons à la page 3 et à certains fondements de la conception des SAR.
Ceux qui ont lu le rapport se souviendront que, parmi ces fondements, nous nous préoccupons avant tout de l'écologie de l'environnement, et c'est pour cela que nous avons examiné toutes les technologies de la culture du saumon — les parcs clos, les technologies en pleine mer et les technologies terrestres — à partir de deux grands paramètres: les conditions d'élevage du poisson, et les conditions de sécurité biologique.
À partir de ces conditions générales, nous nous sommes rapidement rendu compte que la recirculation en circuit fermé, dans une exploitation terrestre, était la technologie qui répondait le mieux à nos préoccupations. Mais j'insiste sur le fait que les questions de biosécurité qui nous préoccupaient énormément sont devenues encore plus importantes, car la biosécurité est vraiment synonyme de sécurité économique pour les collectivités rurales. On a eu notamment l'exemple de l'AIS au Chili, où tous les travailleurs ont été mis à pied pendant qu'on se débarrassait des populations de saumon atteintes par la maladie. Aujourd'hui, on se rend compte que les parcs clos, parce qu'ils sont complètement bio-isolés, garantissent une grande sécurité à l'industrie, ainsi qu'à ceux qui y travaillent, car il n'y a aucun vecteur qui puisse transporter la maladie d'une ferme à l'autre, puisqu'ils sont bio-isolés.
Passons à la page 4, les travaux en cours. Nous avons entrepris de construire un SAR avec la nation 'Namgis et la SOS Marine Conservation Foundation — en partenariat avec les K'udas — , et nous allons vous parler aujourd'hui de deux choses importantes.
Les coûts en capital et les coûts civils pour construire ce SAR se situent entre 6 et 7 millions de dollars. Les plans sont prêts, et nous devrions bientôt passer à l'étape de la construction, avec PR Aqua comme équipe de conception. Ils ont déjà construit des fermes piscicoles dans le monde entier.
La ferme que nous sommes en train de construire produira environ 400 tonnes de poisson, poids vif, à une densité de 75 kg par mètre cube, et le système est conçu pour une production annuelle de 500 tonnes. Si vous faites rapidement le calcul, cela donne 1 000 tonnes tous les deux ans.
Avec 2 000 tonnes de production tous les deux ans, le coût est à peu près de 14 millions de dollars, ce qui est très près des 12 millions de dollars que nous avions prévus pour l'année 2009-2010, et bien moins que les 22 millions de dollars qu'avait prévus le MPO. Ce sont des estimations brutes, qui vont nous servir pour la production ou la construction. Je dois également signaler que, sur les 6 ou 7 millions de dollars dont je parlais tout à l'heure, les coûts civils représentent une part disproportionnée, parce que nous sommes en train de développer le site de manière à pouvoir y ajouter rapidement d'autres modules de production.
Les coûts d'exploitation sont également un facteur important. Les coûts de la main-d'oeuvre ne sont pas encore bien déterminés, puisque nous n'avons encore jamais construit et exploité de ferme piscicole. Mais l'énergie a été un facteur important dans un grand nombre de discussions. Au départ, nous avions prévu que nos coûts énergétiques seraient de 9 kWh par kilogramme de poisson produit. Cette prévision a été réduite de moitié, très exactement.
Nous avons encore des progrès à faire, car Atlantic Sapphire, qui est un tout nouveau parc clos terrestre de 1 000 tonnes métriques, au Danemark, affiche une consommation énergétique de seulement 2 kWh par kilogramme de poisson produit. Bien que nos prévisions actuelles soient nettement inférieures à celles que nous avions au départ, elles sont encore supérieures aux résultats des fermes piscicoles les plus efficientes du monde.
Néanmoins, nos recherches nous ont amenés à conclure qu'à 9 kWh, la rentabilité est assurée. Nous sommes maintenant convaincus qu'avec les économies d'échelle, les dépenses d'exploitation peuvent être comparables à celles des parcs en filet.
Passons maintenant à la page 5, où il est question des coûts d'exploitation. Vous avez ici un graphique très chargé, mais un plan standard de SAR ressemble à peu près à une baignoire dont on a enlevé le bouchon: vous y versez de l'eau que vous avez préalablement réchauffée , pour garder les poissons à une température adéquate. Il en coûte à peu près 2 millions de dollars par an en propane pour chauffer l'eau nécessaire à la production de 1 000 tonnes métriques de poisson. À l'heure actuelle, c'est considéré par l'industrie comme un seuil de rentabilité non viable.
Le diagramme qui figure au bas de la page est celui que nous utiliserons dans notre ferme. Les effluents réchauffés proviennent de deux sources — l'air utilisé pour évacuer le CO2 et l'eau chaude —, et nous récupérons une grande partie de cette énergie au moyen d'échangeurs thermiques. Nous utilisons également des pompes à chaleur pour récupérer les résidus de chaleur.
Cela nous permet de réduire notre facture énergétique d'un facteur de 10. Nous nous fondons sur une analyse très détaillée, qui prend comme hypothèse une moyenne de -2 degrés en hiver et de +20 degrés en été. Tout ce travail est vérifié par des ingénieurs professionnels d'une entreprise qui s'appelle GENIVAR. Et le plus intéressant, c'est qu'Atlantic Sapphire, l'entreprise danoise qui a construit le premier SAR, adopte exactement la même approche.
Nous passons maintenant à la diapositive suivante, qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit là d'un travail préliminaire, et j'insiste sur l'adjectif « préliminaire ». À ce propos, j'aurai besoin de votre participation à la discussion, plus tard.
On dit souvent que les SAR sont énergivores et qu'on ne devrait pas les prendre en considération parce qu'ils émettent beaucoup de gaz à effet de serre. Nous avons retenu la méthodologie de Peter Tyedmers, qui est un expert en la matière, pour l'appliquer à l'environnement de la Colombie-Britannique.
Nous avons fait une analyse comparative pour laquelle nous avons supposé que l'impact de la production de saumoneaux et de l'alimentation était identique. Nous avons supposé que, une fois la récolte faite, les autres conditions étaient identiques. Nous avons simplement comparé la production de poisson dans une ferme terrestre et dans une ferme océanique. La diapositive suivante contient deux graphiques très révélateurs.
Une ferme océanique est susceptible d'afficher des résultats nettement moins bons qu'une ferme terrestre. La différence apparaît surtout à deux niveaux. La recherche effectuée par Peter Tyedmers supposait une alimentation électrique basée sur des combustibles fossiles du centre du Canada, et se fondait sur ce que j'appellerai une conception de SAR un peu archaïque. Si l'on prend en compte ces deux variables, les fermes d'élevage terrestres et les fermes océaniques produisent à peu près autant de gaz à effet de serre — les premières un peu moins.
Mais ce qu'on n'a jamais calculé de façon précise, ce sont les terribles émanations de méthane qui proviennent du dépôt benthique. Pour cette analyse, nous avons pris comme hypothèse, et je reconnais qu'elle est de taille, que lorsque ces terribles émanations de méthane se produisent, nous surveillons la production de sulfate dans la couche anaérobique qui se forme au fond de l'océan. Du méthane se forme également dans cette couche, mais jusqu'à présent, on n'a pas fait de calculs précis. Si l'on suppose que 70 p. 100 seulement de cette biomasse pourrit naturellement, cela représente une différence énorme entre les fermes terrestres et les fermes océaniques.
C'est ainsi qu'à notre demande, et nous passons à la page huit, le ministère des Pêches et Océans étudie en ce moment...
Nous avons demandé au Ministère d'entreprendre une ACV complète de ce phénomène, car c'est important. La page neuf porte sur les possibilités industrielles et les avantages pour les premiers arrivants, en Colombie-Britannique. En particulier, si vous pouvez démontrer que votre nouvelle méthode de production permet de réduire les gaz à effet de serre, vous avez droit à une subvention de 25 $ la tonne, dont l'objectif est d'encourager l'industrie à passer des technologies océaniques aux technologies terrestres.
La Colombie-Britannique offre de nombreux avantages aux premiers arrivants. Mais comme l'indique la page 10, ces avantages ne sont pas permanents. Les entrepreneurs proches du marché vont concevoir des solutions concurrentielles, et c'est ce que nous constatons déjà au Danemark, où la première ferme, Atlantic Sapphire, a ouvert ses portes l'été dernier. Son coût de construction s'est élevé à moins de 10 millions de dollars canadiens.
Ce que je tiens à vous dire, c'est que nous avons l'occasion de créer une industrie de l'aquaculture dynamique et stable en Colombie-Britannique, qui sera bénéfique pour les collectivités rurales, mais qu'il faut savoir la saisir à temps.
Merci, Fin.
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Merci beaucoup. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité.
Je représente la T. Buck Suzuki Environmental Foundation, qui a été créée il y a plus de 20 ans. En tant qu'organisme environnemental, nous travaillons en étroite collaboration avec les pêcheurs et les employés des usines de transformation. Notre mandat officiel est d'oeuvrer à la protection du saumon sauvage et d'autres espèces de poissons dans la province de la Colombie-Britannique.
Nous faisons également partie d'une coalition de quatre organisations, la Coastal Alliance for Aquaculture Reform, qui, depuis 10 ans, étudie les impacts des fermes d'élevage du saumon dans des parcs en filet. Notre objectif n'est pas de faire disparaître les parcs en filet, mais plutôt de trouver des solutions aux problèmes environnementaux qu'ils provoquent.
Nous avons toujours dit que l'aquaculture en parcs clos est la solution pour éliminer ces impacts environnementaux, et l'expérience le confirme… Les deux grands problèmes qui préoccupent les environnementalistes en Colombie-Britannique sont le pou du poisson, et les autres maladies qui sont générées et amplifiées par les parcs en filet situés sur les routes de migration des saumons et qui se transmettent ainsi aux jeunes saumons sauvages. Ces phénomènes sont parfaitement documentés par des études scientifiques qui indiquent que, plus le pou du poisson est répandu dans les fermes piscicoles, plus on le retrouve sur les routes de migration des jeunes saumons sauvages. C'est la même chose pour les autres maladies.
En revanche, l'aquaculture en parc clos élimine pratiquement tout risque de contamination par le pou du poisson et par d'autres maladies. En fait, les défenseurs de cette technologie estiment qu'on peut exploiter une ferme terrestre à l'abri de toute maladie, même sans recourir à des antibiotiques.
Comme l'a dit Andy Wright, les déchets produits par les fermes océaniques se déposent dans le fond de la mer et risquent d'étouffer la vie benthique. Avec des fermes terrestres, en parc clos, vous éliminez complètement ce risque car l'eau circule, filtrée et traitée, et tous les déchets solides sont évacués avant d'être transformés, notamment, en engrais ou en toutes sortes d'autres produits.
Il arrive de plus en plus que des mammifères marins soient tués par les exploitants de fermes océaniques. Par exemple, 141 otaries de Californie ont été tuées au cours des trois premiers mois de cette année, d'après les statistiques du ministère des Pêches et Océans. Cela ne risque pratiquement pas de se produire avec des parcs clos, puisque les saumons restent dans un espace fermé.
Malgré l'élimination de tous ces risques, certaines préoccupations persistent, et j'aimerais en aborder trois aujourd'hui, qui ont déjà été portées à votre attention par l'industrie du saumon de la Colombie-Britannique.
Premièrement, la conversion des fermes océaniques en fermes terrestres nécessitera de vastes étendues de terrain. Deuxièmement, les fermes terrestres utilisent énormément d'eau. Troisièmement, la disparition des fermes océaniques entraînera la disparition des emplois, au profit des centres urbains, semble-t-il. Nous estimons que ces trois affirmations sont incorrectes, et je vais les reprendre une par une.
Premièrement, s'agissant de la vaste superficie de terrain qui sera nécessaire, le porte-parole de la Canadian Aquaculture Industry Alliance, Ruth Salmon, vous a dit le 1er novembre qu'au Nouveau-Brunswick, par exemple, il faudrait l'équivalent de 18 000 terrains de football pour déménager les parcs en filet actuels dans des parcs clos. Ce chiffre est nettement exagéré puisqu'en fait, c'est 200 fois moins que ça.
La superficie de terrain qui sera nécessaire pour déménager les parcs en filet dans des parcs clos est à peu près identique à la surface aquatique qu'occupent actuellement les parcs en filet. La structure d'un parc en filet… Je suis sûr que vous en avez déjà vu. Si on construit une ferme en parc clos, pour produire la même quantité de poissons, il faut à peu près le même espace.
Il faut un peu d'espace autour, mais c'est à peu près la même chose que l'amarrage d'une ferme piscicole au fond de l'océan. Donc, pour ce qui est de l'espace nécessaire, il n'y a pratiquement pas de différence entre une ferme océanique et une ferme terrestre, si ce n'est que, dans ce dernier cas, il faut du terrain, mais en Colombie-Britannique, cela ne manque pas. Pour produire la même quantité de poissons à partir de fermes terrestres, il faudrait à peu près 140 hectares.
Pour mettre cela en perspective, il faut rappeler que l'agriculture est un secteur très prospère en Colombie-Britannique, et que la réserve de terres agricoles est de quatre millions d'hectares. Autrement dit, il suffirait d'utiliser 0,001 p. 100 de cette réserve pour bâtir une nouvelle économie viable en Colombie-Britannique, grâce à l'aménagement de fermes en parcs clos. Toujours pour mettre cela en perspective, cela représente à peu près le même espace que celui qu'occupe la plus grande exploitation de bleuets de la vallée du Fraser en Colombie-Britannique — et je ne parle que d'une seule exploitation.
S'agissant de la consommation d'eau, il est vrai qu'il faut une certaine quantité d'eau pour exploiter le système et pour alimenter les multiples citernes que compte normalement une entreprise commerciale, mais une grande entreprise de transformation des aliments ou de transformation du poisson en utilise à peu près autant. Ce sont l'hydroélectricité et l'irrigation agricole qui sont les plus gros consommateurs d'eau, et les fermes piscicoles terrestres n'en représenteront qu'une petite partie. Ce qui est important, c'est la source de l'eau et la viabilité de cette source.
Enfin, je voudrais parler des collectivités rurales et des emplois qui risquent de disparaître avec le déménagement des parcs en filet actuels. Il faut savoir que tous les projets d'aménagement de fermes en parcs clos sont situés dans des collectivités rurales, le long de notre côte. Port Hardy, Campbell River, et même plus au nord de l'île de Vancouver seraient de bons sites possibles. Il vaut mieux qu'elles soient installées à proximité d'une usine de transformation du poisson. Elles cadrent bien avec l'environnement des collectivités rurales, et elles sont particulièrement intéressantes pour les collectivités des Premières nations.
Nous pensons que les emplois qui existent dans les fermes océaniques actuelles pourraient être immédiatement transférés dans les fermes terrestres, avec, en plus, deux avantages.
Premièrement, les fermes en parcs clos créent davantage d'emplois. Autrement dit, il faut davantage de personnes pour exploiter un parc clos. C'est ce que confirme une étude du ministère des Pêches et Océans, à savoir qu'il faut au moins 50 p. 100 de travailleurs de plus pour exploiter une ferme en parc clos. C'est une véritable manne pour les économies rurales locales.
Deuxièmement, on oublie souvent que les fermes océaniques ne sont pas situées dans les collectivités, mais souvent à une heure de bateau, dans des endroits où les travailleurs doivent rester une semaine ou plus, loin de leur famille et loin de leur collectivité. Si ces mêmes travailleurs étaient employés dans une ferme terrestre, ils pourraient y aller en voiture, comme pour un autre emploi. À notre avis, ce serait là un avantage très important pour les économies rurales et pour les Premières nations de la Colombie-Britannique et des autres provinces du Canada.
Merci.
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Je vais vous répondre. À l'heure actuelle, l'industrie utilise une méthode de production en vrac, c'est-à-dire qu'on place tous les poissons dans l'océan pour les retirer deux ans plus tard. Avec des installations en parc clos, on peut, pour maximiser le rendement des investissements, se permettre d'utiliser et de construire des équipements de façon à ce que, lorsque tous les poissons ont atteint leur taille maximum au bout de deux ans — ou même un an, dans notre cas, car ils se développent plus vite en eau moins froide —, les équipements fonctionnent à pleine capacité à ce moment-là. Mais la plupart du temps, ils ne fonctionnent pas à pleine capacité.
Pour mieux rentabiliser votre investissement, vous placez dans les citernes un nombre excédentaire de petits poissons si bien que, dès qu'ils atteignent 3 kg, vos citernes sont pleines. Vos équipements tournent ainsi à pleine capacité pendant une bien plus grande partie du temps. Mais comme les citernes sont pleines, vous devez en retirer un plus grand pourcentage de poissons pour permettre aux autres poissons d'atteindre les 5 kg. Cela vous permet d'avoir deux récoltes avec les mêmes équipements: des poissons de 3 kg et des poissons de 5 kg.
Vous pouvez même aussi, si vous en avez le talent, faire des récoltes de poissons de 3 kg, de 4 kg et de 5 kg, afin d'optimiser l'utilisation de vos équipements. C'est ce que vous pourrez voir à l'Institut des eaux douces, où votre comité va se rendre prochainement, je crois. Ils viennent tout juste de récolter leur première cohorte de poissons de 5 kg élevés en parc clos, sans maladie, sans vaccin, sans adjuvants thérapeutiques chimiques, dans des installations à sécurité biologique. Étant donné que la qualité de l'eau est nettement supérieure à celle de l'océan, et que les conditions d'élevage y sont plus strictes, la chair du poisson est plus ferme.
Voilà, en termes généraux, ma réponse à votre question.
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Il y a là deux questions.
La première concerne l'article du journal de Campbell River, dont la lecture m'a profondément déçu, car j'ai trouvé que c'était un résumé très tendancieux de la réunion. Durant cette réunion, on nous a présenté plusieurs projets d'aquaculture en parc clos de divers pays, avec leurs analyses économiques et leurs prévisions de rendement.
La gamme des projets était très large. En Chine, le coût de production en parc clos était incroyablement bas, et on ne semblait pas attacher beaucoup d'importance aux coûts d'énergie. Atlantic Sapphire, comme je l'ai dit, a été construit pour moins de 10 millions de dollars, ce qui était le seuil de… Un parc en filet coûte environ 8 millions de dollars, pour le même niveau de production et, soyons bien clairs, les frais d'exploitation seraient similaires.
Donc, Thue Holm, le PDG d'Atlantic Sapphire, a un système qui peut être compétitif, et c'est quelqu'un qui est aussi très malin. Bien qu'il parle d'un produit de qualité supérieure, comme vous l'avez dit, il est exigeant et il obtient un prix plus élevé grâce à cela.
Certes, comme vous l'avez dit, si tout le secteur adopte son système, ça deviendra un produit de grande consommation.
Il y a un autre facteur qu'on n'a pas encore réussi à chiffrer. Comme on capte les déchets, c'est-à-dire les déchets d'alimentation liquides et les déchets solides, chacune de ces fermes pourrait éventuellement les vendre directement à des producteurs de légumes de qualité supérieure, ce qui rehausserait leur rentabilité. Aujourd'hui, nos parcs en filet perdent une quantité énorme de revenus en rejetant ces déchets précieux dans l'océan, et nous avons inclus ce manque-à-gagner dans nos études originelles.
Aujourd'hui, nos PDG sont récompensés lorsqu'ils se concentrent de façon obsessive sur un seul produit en essayant d'en optimiser la production. Cela se fait essentiellement sur le dos d'une énergie à bon marché. A l'avenir, il faudra que les déchets de cette activité industrielle deviennent le produit d'alimentation de l'activité industrielle suivante. Les déchets d'éléments nutritifs de ces fermes sont phénoménaux.
Nous arrosons aujourd'hui les champs de légumes avec de l'eau contenant de l'engrais chimique alors que l'engrais de ces fermes piscicoles est gaspillé. On pourrait cultiver des tomates et des poivrons, par exemple, avec les déchets de ces fermes. Ce serait bénéfique pour les économies rurales. Cela représenterait de la diversification économique et contribuerait à développer l'infrastructure de nos collectivités rurales.
Vos questions sont tout à fait légitimes, tout comme vos préoccupations, mais je pense que le but même du projet que nous réalisons est de valider les solutions à ces problèmes.
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Si vous examinez nos études d'origine, vous verrez qu'elles contiennent les deux analyses : avec et sans revenus de ces produits.
La première phase de notre analyse du projet ne tient aucun compte des revenus issus de ces déchets. Nous comptons sur l'obtention d'un prix plus élevé, ce qui a été vérifié directement auprès des fournisseurs. Aujourd'hui, chez Safeway, vous payez 20 $ le kilo de saumon pour lequel la ferme a touché 6 $ le kilo, et encore, avec de la chance. La différence est accaparée par les nombreux intermédiaires de la distribution.
Nous avons obtenu des contrats directs avec les détaillants. Cette marge, la différence entre les 20 $ que paie le consommateur et les 6 $ que reçoit la ferme aquacole, est partagée entre le fournisseur et… Pourquoi voudrions-nous céder à tout un paquet d'intermédiaires l'essentiel du profit de notre entreprise?
Donc, les Sobeys de ce monde et les Whole Foods de ce monde nous disent que, si nous pouvons leur garantir 1 000 tonnes de saumon par an, ils nous l'achèteront à un prix beaucoup plus élevé parce que cela leur rapportera encore plus que du saumon ordinaire.
Voilà notre modèle commercial. Certes, je conviens avec vous que notre saumon risque de devenir du saumon ordinaire à long terme, mais ce sera quand même un poisson de qualité supérieure. Cela a été démontré et vous le verrez lors de votre visite à l'Institut des eaux douces. C'est un produit de qualité supérieure, ce qui a été prouvé. Il n'est pas de qualité supérieure parce que c'est marqué sur l'étiquette, mais parce que des consommateurs et des chefs cuisiniers l'ont testé. On en revient toujours au fait que l'aquaculture en parc clos donne un poisson élevé dans les conditions optimales, dans de l'eau propre, etc. Si j'achète de la viande de boeuf biologique élevé en prairie, je dois payer un supplément phénoménal. Je ferai la même chose quand j'achèterai du poisson pour nourrir ma famille.
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Je peux vous donner une réponse partielle, Joyce, et c'est un plaisir de vous revoir.
Tout d'abord, je vous confirme que nous avons évidemment calculé les volumes. Pour chaque tonne de poisson produite, il y a environ un quart de tonne de déchets solides. Je ne peux vous donner de chiffres précis de mémoire, mais je sais qu'une partie importante des nitrates et des phosphates disparaît dans le flux des déchets liquides. Nous n'avons donc pas inclus ça dans nos coûts. Vous avez raison, ce sont simplement des déchets ultimes. C'est aussi simple que ça.
Ce que nous avons chiffré, du côté terrestre, c'est ce que nous pouvons faire des déchets utilisables en produits à valeur ajoutée. Avec chaque tonne de déchets solides qui est produite, on peut produire environ 500 à 1 000 kWh d'énergie. C'est très bien documenté pour la décomposition anaérobie.
Nous avons fait des calculs avec cette source d'énergie, qui pourrait représenter environ 5 p. 100 des coûts d'énergie de la ferme. C'est peut-être modeste, mais cela pourrait très facilement servir à chauffer une serre adjacente.
Il y a ensuite le flux des nitrates liquides, qui est très important, car la densité de nitrates est très élevée. Il serait donc possible de s'en servir pour cultiver des fruits et légumes.
Nous avons intégré tout cela dans notre calcul des coûts. Certes, nous n'avons pas intégré le coût de la pollution ultime, et votre remarque à ce sujet est très pertinente. Si l'on décidait d'en tenir compte, cela rendrait les paramètres des parcs clos encore plus favorables.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma question s'adresse peut-être davantage à M. Lane, mais j'aimerais aussi connaître l'opinion de M. Wright sur la question, si c'est possible.
Pour ce qui est de l'élevage en filet, il y a beaucoup d'impacts possibles, surtout au niveau environnemental. Il y a aussi beaucoup d'inquiétudes. À ce sujet, on peut donner comme exemple la transmission de maladies au saumon sauvage et la présence de contaminants comme les pesticides, les antibiotiques et les additifs alimentaires.
Mardi dernier, on a reçu des représentants de l'industrie aquacole, en l'occurrence Cooke Aquaculture, qui fait présentement face à 11 chefs d'accusation relativement à l'utilisation d'un pesticide illégal au Canada, dans la baie de Fundy. Dans ce cas précis, il s'agit d'un pesticide utilisé pour contrer le pou du poisson. Ça a été assez dévastateur. Il a été démontré que le pesticide utilisé a attaqué le système nerveux des homards, notamment, causant la paralysie et la mort de milliers d'entre eux.
Dans le cadre de l'élevage en filet, existe-t-il des moyens plus écologiques de contrer ce type de maladie? Peut-on utiliser autre chose que des pesticides qui s'attaquent à d'autres formes de vie dans l'océan?
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J'en serais ravi. J'ai fait rapport de nos discussions à Peter et nous avons examiné en détail son étude. Je ne dirai pas qu'il y a des divergences. Je pense que c'est plutôt une question de point focal.
En Colombie-Britannique, notre électricité est essentiellement d'origine non fossile. Elle vient surtout des barrages hydrauliques. Le travail de Peter Tyedmers portait spécifiquement sur le Canada central, où l'énergie provient essentiellement du charbon, ce qui fait que c'était foncièrement différent dès le départ.
L'autre facteur dont il n'a pas tenu compte… Ce n'est pas vraiment qu'il n'en a pas tenu compte, puisque nous en avons tous les deux tenu compte de manière similaire, c'est plutôt que nous le faisons maintenant dans le contexte de la Colombie-Britannique, ce qui est très différent. Nos chiffres sont assez semblables en ce qui concerne l'utilisation des différents facteurs, qu'il s'agisse de remorqueurs pour tirer des péniches d'aliments pour le poisson ou de camions. C'est kif-kif à ce sujet. C'est simplement le facteur de l'hydroélectricité qui fait toute la différence.
L'autre facteur qui n'a pas été pris en compte avec exactitude — et je tiens à le souligner —, c'est que nous n'avons pas de données sur la quantité de méthane qui est rejetée par les déchets benthiques. Or, c'est très important. D'un point de vue sociétal, nous devrions prendre nos décisions sur la base de données scientifiques et factuelles extrêmement précises. Or, nous ne les avons pas encore.
Ce que je peux vous dire, c'est que, si vous ne tenez pas compte des rejets de méthane, les parcs en filet et les parcs terrestres sont équivalents du point de vue des émissions de GES. S'il y a ne serait-ce que 10 p. 100 de rejets de méthane par les déchets benthiques, il y a un flux de revenus qu'on peut tirer du Pacific Carbon Trust pour faciliter la conversion des parcs en filet en parcs clos. Je pense que c'est une possibilité extrêmement intéressante. Il suffirait simplement de calculer l'amélioration exacte.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais parler de l'impact sur les organismes benthiques des déchets de la production de saumon. Je ne suis pas convaincue que cet impact soit positif simplement parce qu'il y a plus de crevettes. En fait, l'industrie a réussi à réduire considérablement la quantité de déchets qui se déposent sur les fonds marins.
La tâche était énorme, mais des règlements provinciaux l'ont obligée à le faire car certaines zones avaient été irrémédiablement endommagées. La vie avait pratiquement disparu dans certains secteurs, car des quantités excessives de déchets s'étaient accumulées là où il n'y avait pas suffisamment de courant. L'industrie essaie de contrôler cette situation depuis 10 ans, conformément aux règlements des gouvernements provinciaux. Je tenais à le dire parce qu'il ne faut pas qu'on considère cela simplement comme l'un des coûts et l'un des risques de l'élevage du saumon en parcs en filet.
J'aimerais savoir comment, à votre avis, on pourrait faire participer à la transition vers des fermes terrestres les investisseurs et les entreprises actuelles qui produisent du saumon dans des parcs en filet. Je suppose que les 6 000 habitants de la Colombie-Britannique qui occupent ces emplois, le milieu des affaires, et tous ceux d'entre nous qui nous intéressons à l'économie de cette province, ne veulent pas du tout obliger ces entreprises à mettre la clé sous la porte alors qu'elles font tout ce qu'elles peuvent pour contrôler et atténuer ces impacts négatifs.
D'un autre côté, il y a des facteurs dont on n'a pas encore calculé le coût, mais j'ai l'impression que l'industrie qui est en train de se développer constitue une solution de rechange tout à fait positive.
Monsieur Wright, vous avez dit qu'il fallait saisir l'occasion pour profiter des avantages du « premier arrivant ». Avons-nous pris du retard? Que devrait faire le gouvernement pour faciliter la transition vers un mode de production du saumon qui est certes moins risqué mais qui doit toutefois être économiquement viable? Que pourrait-on faire d'autre que subventionner des entreprises individuelles? Pour la prochaine étape, quel régime allez-vous conseiller aux gouvernements fédéral et provinciaux de mettre en place afin d'assurer une transition gagnant-gagnant?
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Nous en avons déjà une bonne idée, parce que nous avons préparé un bioplan et que nous avons calculé le nombre de personnes qu'il nous faudrait pour l'exécuter.
Contrairement à une étude d'ingénierie, par exemple, où vous pouvez calculer combien de pompes il vous faut pour transporter tant de mètres cubes d'eau par seconde, et c'est un calcul très précis, le coût d'exploitation d'une ferme est difficile à prévoir avec exactitude tant qu'on n'a pas vraiment commencé à l'exploiter et à se rendre compte que, deux fois par semaine, il faut tout vider, par exemple… Je veux dire par là que la probabilité d'activités imprévues est élevée. Nous avons déjà une très bonne idée de ce que seront nos coûts de main-d'oeuvre, mais tant que la ferme ne fonctionne pas, nous n'aurons pas des chiffres précis, alors que pour d'autres postes de dépenses, il est facile de calculer, par exemple, combien d'énergie on va utiliser parce qu'on connaît la quantité d'eau dont on aura besoin, le nombre de pompes, etc.
C'est vrai que j'ai fait cette petite mise en garde, mais en fait, nous avons déjà fait une estimation très précise de ce que seront nos coûts de main-d'oeuvre. Et nous sommes convaincus que l'opération sera rentable.
Maintenant, la question est de savoir quel sera son degré de rentabilité. Il faudra voir également dans quelle mesure le prix plus élevé que nous demanderons pour notre produit aura un impact sur le marché. Les prix fluctuent. À l'heure actuelle, le prix à Seattle du saumon frais, avec tête et vidé, est de 2,9 $ la livre, mais il a déjà dépassé les 5 $. C'est un marché très volatil.
Heureusement, étant donné qu'une ferme terrestre est alimentée à l'électricité, c'est un coût très stable, alors que pour une ferme alimentée au propane, le prix dépend du prix du pétrole.
Ce sont donc des variables qu'il faut prendre en considération. Le modèle du MPO est un excellent outil pour faire des simulations à partir de chiffres. Je suis donc assez convaincu que nous...
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Pas du tout, monsieur. Je disais simplement que, si vous vous reportez à l'étude de Peter Tyedmers, qui recommande de faire une ACV intégrale… Il y a toute une liste de choses à prendre en considération, qui vont du potentiel de toxicité pour l'homme à l'eutrophisation, et si vous tenez compte de tous ces effets pour comparer la production d'un parc en filet à celle d'un parc clos pendant une période de 25 ans — et c'est purement théorique, car vous n'avez pas besoin d'attendre tout ce temps —, il est très difficile d'imaginer que les parcs clos sont moins bons que les autres. Les parcs clos vous donnent la possibilité de tout récupérer et de tout transformer — y compris les déchets — de façon appropriée.
Dans un parc en filet, tout est évacué, mais où, je vous le demande? C'est évacué dans l'écosystème, en tout cas, dans les zones de pêche d'espèces sauvages, dans les zones de frai des crevettes, dans les zones de frai des palourdes, etc. Il faut bien que ce soit évacué quelque part.
Vous pouvez faire l'analyse. Ce que j'essaie de faire, c'est d'amener les gens à réfléchir à la question posée par Richard Feynman: comment obtenir rapidement la réponse qui vous permettra de prendre la bonne décision...? Si vous abordez la question de cette façon, vous savez qu'elle devrait être la réponse de l'ACV. Allons-y, ne perdons pas de temps. Faisons-le avec précision, mais sans entraver les progrès, car la réponse, nous la connaissons, c'est une simple question de bon sens.
M. Brian Hayes: Merci, monsieur le président.