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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 novembre 1999

• 1321

[Traduction]

La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue à la réunion de cet après-midi, qui est la douzième du comité.

Monsieur le ministre, nous comptons parmi nous des députés des quatre coins du pays. Tous sont membres du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. C'est avec plaisir que nous vous entendrons aujourd'hui.

Nous allons poursuivre l'examen du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a. Le ministre sera ici jusqu'à environ 14 heures, ce qui devrait nous donner le temps de tenir une bonne période de questions.

La parole est à vous. Ayez l'obligeance de présenter la personne qui vous accompagne.

L'honorable Dale Lovick (ministère des Affaires autochtones, gouvernement de la Colombie-Britannique): Je vous remercie, madame la présidente. Je suis ravi d'être ici et de vous présenter M. Pat O'Rourke. Patrick est sous-ministre adjoint au ministère des Affaires autochtones. Il a également fait partie de l'équipe de négociation de l'accord nisga'as de la Colombie-Britannique, depuis les tout débuts. Il a donné environ six années de sa vie aux Nisga'as, et on ne lui a posé jusqu'ici aucune question à laquelle il n'a pu trouver réponse. Je suis donc heureux de l'avoir à mes côtés, au cas où je buterais sur une difficulté.

La présidente: Je vous remercie beaucoup. Monsieur le ministre, je vous invite maintenant à faire votre déclaration préliminaire.

M. Dale Lovick: Je vous remercie, madame la présidente.

En ma qualité de ministre des Affaires autochtones, je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître devant le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord et de défendre, au nom de la province de la Colombie- Britannique, la conclusion de l'Accord définitif nisga'a.

L'entrée en vigueur de l'accord et son application sur le terrain marquent une étape importante de l'histoire de la Colombie- Britannique et du Canada. Elles scellent notre réconciliation avec la nation nisga'as et instaurent de nouvelles relations avec elle. L'Accord définitif nisga'a est également le premier traité moderne conclu en Colombie-Britannique.

Le principe fondamental qui sous-tend le projet de loi à l'étude aujourd'hui peut se résumer en un mot—réconciliation. En signant un traité avec la nation nisga'a et, pendant que nous y sommes, avec d'autres Premières nations de la province, nous tentons enfin de concilier le fait que les Autochtones étaient ici en premier avec la souveraineté de l'État.

Si nous devons parler de réconciliation, c'est que, comme la plupart d'entre nous le savons, il n'y a pas eu de traité avec les Premières nations de la Colombie-Britannique, à quelques exceptions près. Le traité nisga'a est une première étape franchie en vue de la correction du problème, laquelle se fait attendre depuis trop longtemps.

La province, qui est l'une des parties principales associées au processus de traité présidé par la B. C. Treaty Commission, a choisi la voie de la négociation pour résoudre les questions en suspens avec les Premières nations. Nous croyons que c'est en négociant plutôt qu'en misant sur les conflits et les litiges que nous parviendrons tous à nos fins.

L'arrêt Delgamuukw a clairement fait ressortir l'importance de la négociation de traité. Comme nous nous le rappelons tous, la Cour suprême, dans Delgamuukw, a en fait enjoint aux gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada de négocier avec les Premières nations pour donner suite aux négociations territoriales et de ne pas compter sur les tribunaux pour résoudre ces problèmes.

• 1325

Les Nisga'as tentent de négocier un traité depuis 111 ans. Le Canada est devenu partie à la négociation en 1976, tandis que la Colombie-Britannique, même si elle a été invitée à y participer, a attendu jusqu'en 1990 pour le faire. Les négociations tripartites ont heureusement porté fruit, de sorte que, six ans plus tard, nous disposons d'un accord de principe.

À mes yeux, le traité a ceci de significatif et d'unique qu'il définit et codifie des droits non définis, désormais protégés par la Constitution. En outre, le traité renferme une liste exhaustive des droits des Nisga'as, tandis que ces derniers renoncent à tout droit non mentionné dans le traité. La mesure a été prise par souci de certitude et de finitude.

Le traité constitue également un moyen de donner aux non- Autochtones l'assurance qu'il s'agit là des droits précis et complets des Nisga'as. Il définit de plus les frontières du territoire nisga'a. Ce n'est pas là une mince affaire; en réalité, c'est un accomplissement majeur.

Il est inutile que je résume le contenu de l'accord, même si la chose était possible dans le temps limité dont je dispose aujourd'hui, étant donné que les membres du comité connaissent désormais en détail ces modalités. Dans un premier temps, j'aimerais plutôt réfuter certains arguments invoqués à l'encontre du traité et, dans un deuxième temps, examiner certains des mythes le concernant qui circulent depuis des mois.

Le premier argument a trait au chevauchement. Je songe en particulier aux questions soulevées par les Gitanyows à l'occasion du témoignage qu'ils ont présenté devant le comité il y a quelques jours. Les Gitanyows plaident en faveur d'une suspension de la date d'entrée en vigueur du traité jusqu'à ce que les questions relatives au chevauchement aient été résolues ou qu'ils concluent eux-mêmes un traité. Ils souhaitent aussi la mise en branle d'un processus auquel participeraient les Gitanyows, les Nisga'as, la Colombie-Britannique et le Canada, afin de résoudre les conflits nisga'as-gitanyows.

Je tiens à souligner aux membres du comité que les Gitanyows, en 1998, se sont adressés aux tribunaux pour empêcher la conclusion d'un accord définitif avec les Nisga'as avant la conclusion des négociations avec les Gitanyows. En juin dernier, le tribunal a cependant rejeté la demande.

Dans l'Accord définitif nisga'a, on précise en outre clairement que les dispositions de l'accord ne portent en rien préjudice aux droits protégés par la Constitution de tout autre peuple autochtone, hormis les Nisga'as. L'accord comporte aussi des dispositions et des recours relatifs aux droits autochtones d'autres Premières nations. Si, aux termes des articles 33 et 34 de la section portant sur les dispositions générales, les tribunaux en venaient à la conclusion que le traité porte préjudice aux droits d'autres peuples autochtones, en contravention avec l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, la disposition du traité cesserait de s'appliquer, et on mettrait tout en oeuvre pour modifier le traité de façon à la corriger ou à la remplacer.

Dans le dossier des chevauchements, la position de la province est conforme aux conclusions du groupe de travail de la Colombie- Britannique sur les revendications globales de 1991, lequel a recommandé aux Premières nations de régler ces questions entre elles. Il convient de noter que le conseil tribal nisga'a déploie depuis longtemps des efforts de bonne foi pour résoudre les problèmes de chevauchement avec les Premières nations voisines.

En 1977, les Nisga'as et les Tahltans ont conclu une entente à propos de la frontière nord; en 1995, les Nisga'as et les Gitxsans ont signé un protocole d'entente; en 1996, enfin, les Nisga'as et les Tsimshians ont aussi signé un protocole d'entente pour résoudre des problèmes de chevauchement. Au cours des dix dernières années, les Nisga'as ont en outre tenté à quelques reprises de régler avec les Gitanyows le problème des chevauchements.

Pour sa part, la Colombie-Britannique a été activement associée à des efforts soutenus visant à faciliter les pourparlers entre les Nisga'as et les Gitanyows et a soutenu les efforts de médiation. Nous demeurons déterminés à négocier avec les Gitanyows. De concert avec le Canada, nous préparons une proposition territoriale et pécuniaire, ce qui représente une étape importante en vue de la conclusion d'un accord de principe. Nous pensons que la proposition pourra être faite à la fin de novembre.

• 1330

La deuxième question que j'aimerais aborder, c'est l'idée qu'il n'y a pas eu—ou qu'il n'y a pas eu assez—de consultations.

Des voix: Bravo!

La présidente: Un peu de silence, s'il vous plaît.

M. Dale Lovick: Que voilà une belle démonstration de la véritable démocratie.

Permettez-moi de consigner quelques faits au compte rendu au profit des membres du comité.

Lorsque notre gouvernement a annoncé la date de la fin du débat à propos de l'accord nisga'a, le leader du gouvernement à la Chambre a invité tous les députés de l'assemblée législative à préciser le nombre d'heures de débat supplémentaires et à indiquer si, à leur avis, il y avait lieu de prolonger les heures pendant lesquelles la Chambre siège. L'Opposition n'a pas donné suite à la demande.

J'ajoute en outre que le projet de loi C-51, la Nisga'a Final Agreement Act, est le texte de loi qui a été le plus longuement débattu dans toute l'histoire de la province—116 heures au total. Avant et après la signature de l'accord de principe conclu avec les Nisga'as en mars, on a tenu 450 réunions avec des groupes consultatifs et des citoyens. On a constitué un comité législatif chargé d'étudier les questions découlant de l'accord de principe, lequel a tenu 31 audiences publiques dans 27 collectivités de la Colombie-Britannique, de septembre 1996 à mars 1997.

Pendant la période de neuf mois précédant la ratification de l'Accord définitif nisga'a à l'assemblée législative de la Colombie- Britannique, des dizaines de milliers de résidents de la Colombie- Britannique ont demandé des exemplaires du traité ou composé le numéro sans frais du ministère pour poser des questions ou faire des commentaires. Pendant cette période de neuf mois, la ligne sans frais du ministère a reçu près de 20 000 appels, tandis que les sites Web du ministère ont été visités à plus de 250 000 reprises. Pour ma part, j'y vois un exercice de consultation très poussé.

Je vais maintenant dire un mot de la question du référendum, question qui a été étudiée en profondeur dans le cadre du débat sur l'Accord définitif nisga'a en Colombie-Britannique. L'argument fondamental des partisans du référendum, c'est qu'il revient «au peuple» de trancher une question aussi fondamentale. On peut donc supposer que les parlementaires élus n'ont pas le droit de prendre de telles décisions.

En réponse, je ne vais soulever que quelques points. De nombreux autres pourraient l'être. Lorsque, en 1990, la Colombie- Britannique s'est associée aux négociations en vue de la conclusion d'un traité avec les Nisga'as, le gouvernement de l'époque a soutenu ou convenu que la province allait ratifier le traité à l'assemblée législative. Au cours de toutes les années de débat qui ont suivi, l'idée de tenir un référendum n'a jamais été soulevée. En modifiant les règles du jeu maintenant, soit à la toute fin du processus, la province et le Canada prêteraient le flanc à des accusations tout à fait légitimes d'avoir négocié de mauvaise foi. Les Nisga'as seraient tout à fait fondés à se dissocier du processus de traité et à se tourner vers les tribunaux, lesquels, je le rappelle aux membres du comité, ont déjà statué que les Autochtones détiennent des droits sur les terres.

Par ailleurs, il est tout à fait possible qu'une décision judiciaire soit plus coûteuse et ne garantisse pas aux non- Autochtones des protections comparables à celles qu'on retrouve dans l'Accord définitif nisga'a.

Contrevenir aux modalités acceptées depuis 1990 enverrait également un signal clair à toutes les Premières nations de la province, c'est-à-dire qu'il ne sert à rien de négocier avec le gouvernement. Bref, tout le processus de traité s'effondrerait, ce qui aurait pour effet d'enliser la province dans les litiges et les conflits.

Enfin, je souligne que les droits des minorités ne peuvent pas et ne devraient pas être déterminés à la majorité des voix.

Je veux maintenant dire un mot de trois mythes qui concernent l'Accord définitif nisga'a. Le premier a trait au gouvernement nisga'a et à ce qu'on qualifie d'enclave raciale. Qu'on me permette d'affirmer sans ambiguïté que l'Accord définitif nisga'a n'entraîne pas la création d'une enclave raciale.

Des voix: Oh!

La présidente: Silence, s'il vous plaît.

Poursuivez, monsieur Lovick.

M. Dale Lovick: Je vais résister à la tentation de répondre à la rumeur qui provient des estrades populaires.

• 1335

En vertu du traité conclu avec les Nisga'as, les lois provinciales et fédérales auront la préséance en cas de conflit dans la plupart des secteurs. Dans certains secteurs, notamment ceux qui font partie intégrante de la culture nisga'a, nous avons convenu que les lois nisga'as auront la préséance et que, dans tous les autres secteurs, y compris ceux qui sont visés par ces pouvoirs intégraux, le gouvernement nisga'a n'exercera pas une compétence exclusive. Sa compétence s'exercera plutôt parallèlement aux lois fédérales et provinciales.

En fait, le traité confère aux Nisga'as les pouvoirs habituels de toute administration municipale—la circulation, l'utilisation du territoire, le zonage et la police. Toute loi adoptée par les autorités nisga'as doit respecter les normes fédérales et provinciales. En cas de problèmes, ce sont les lois fédérales et provinciales qui ont préséance.

La Colombie-Britannique ne renonce pas non plus à ses pouvoirs. En fait, c'est plutôt le contraire. Pour la première fois, des lois provinciales aussi importantes que la Wildlife Act, la Highway Act et la Schools Act s'appliqueront à des personnes jusqu'ici exemptées parce qu'elles étaient régies par la Loi sur les Indiens fédérale. Sur le territoire nisga'a, les lois relatives à la justice, à la santé, à l'éducation, aux services sociaux et à la protection de l'environnement doivent être conformes aux normes provinciales. En cas d'urgence—qu'il s'agisse d'un incendie de forêt ou de la protection d'un enfant—, le Canada et la Colombie- Britannique ont le pouvoir d'agir. La seule véritable différence, c'est que la Loi sur les Indiens fédérale ne lie plus les Nisga'as au bon vouloir du gouvernement fédéral. L'accord leur permet désormais d'administrer leurs affaires locales et d'assurer la préservation de leur culture.

Voilà qui m'amène aux dispositions du traité qui ont trait à l'autonomie gouvernementale. Pour les opposants au traité, je crois que c'est là que le bât blesse.

En premier lieu, qu'on me permette d'indiquer très clairement que le système actuel ne fonctionne ni pour les Autochtones ni pour le reste d'entre nous. Cependant, des données montrent que nous pouvons faire davantage et que la clé de l'amélioration du sort des Premières nations passe par une autonomie gouvernementale plus grande.

Je renvoie les membres du comité à un document publié par Michael Chandler et Christopher Lalonde de l'Université de la Colombie-Britannique. Le document, qui s'intitule Cultural Continuity as a Hedge Against Suicide in Canada's First Nations, devrait être une lecture obligatoire pour les membres du comité. L'hypothèse de base des auteurs est qu'une mainmise accrue des communautés autochtones sur leurs propres affaires sociales et économiques pourrait entraîner une amélioration de l'état de santé de leurs membres.

La prévalence du suicide est l'un des indicateurs clés de la santé et du bien-être des Autochtones et de leurs collectivités. Comme les membres du comité le savent sans doute, le taux de suicide chez les Indiens inscrits, particulièrement les jeunes et les plus jeunes, est six fois plus élevé que chez les non- Autochtones.

Je vais maintenant vous présenter un bref résumé des conclusions de l'étude.

Dans certaines Premières nations, la prise en charge des services de police et d'incendie a entraîné une réduction de 20 p. 100 du risque relatif de suicide. Dans certaines Premières nations, la prise en charge des services de santé a entraîné une réduction de 29 p. 100 du risque relatif de suicide. Les initiatives communautaires de revendication territoriale—il ne s'agit ici que d'initiatives—ont entraîné une diminution de 41 p. 100. Dans certaines Premières nations, la prise en charge de l'éducation a entraîné une réduction de 52 p. 100. Par ailleurs, une certaine forme—et c'est là la clé—d'autonomie gouvernementale s'est soldée par une réduction de 85 p. 100 du risque relatif de suicide.

Le message est plutôt clair. S'ils souhaitent faire leur part pour aider les Autochtones à se défaire des séquelles du passé, les non-Autochtones doivent à l'évidence s'ôter du chemin et leur permettre de prendre en main leur vie, leurs collectivités et leur avenir.

Je veux maintenant dire un mot d'un autre mythe, à savoir que l'Accord définitif nisga'a servira de modèle à tous les autres traités dans la province. Je me contenterai de dire ceci: toutes les communautés des Premières nations sont différentes et ont des intérêts et des besoins très différents. De la même façon que la situation de chacune des Premières nations est différente, chaque traité final sera différent.

Je ne vais pas trop insister sur ce point parce que je vois l'heure avancer. Je voulais simplement soulever ce point.

• 1340

Le troisième mythe, c'est que ni la Colombie-Britannique ni le Canada n'ont les moyens d'assumer les coûts du traité.

En mars dernier, les experts-conseils indépendants Grant Thornton ont publié un rapport dans lequel ils concluent que le règlement des revendications territoriales autochtones procurera un bénéfice net de l'ordre de 3,8 milliards à 4,7 milliards de dollars à la Colombie-Britannique, au cours des quarante prochaines années. L'Accord définitif nisga'a, souligne-t-on aussi dans le rapport, assurera à la Colombie-Britannique un bénéfice net de 188 millions de dollars.

L'entente sur les ressources autonomes conclues avec les Nisga'as, qui définit la contribution des Nisga'as aux coûts de leur gouvernement, aura une durée initiale de 12 ans. La proportion des coûts du gouvernement et des services nisga'as assumés par la Colombie-Britannique et le Canada diminueront au fil du temps, les Nisga'as apportant une contribution à même les recettes tirées de la perception d'impôts et de droits, les revenus d'intérêts sur les paiements découlant de la signature du traité et d'activités liées au commerce et à l'investissement, notamment la gestion des ressources naturelles.

Il est faux de prétendre qu'aucun calendrier n'a été prévu pour l'accession des Nisga'as à l'autonomie. Les politiques gouvernementales antérieures ont relégué les Autochtones sur des terres de réserve à rendement marginal, détruit leur société et leur économie et engendré un cycle de pauvreté. Nous savons tout cela. Contrairement à ce que fait le réseau de réserves actuel, le traité donne aux Nisga'as la possibilité de gérer les ressources de leurs propres terres—sous réserve, bien entendu, des lois de la Colombie-Britannique et du Canada. Le peuple nisga'a a donc ainsi véritablement l'occasion d'établir sa base économique, de devenir autosuffisant et de participer sur un pied d'égalité à la société canadienne.

De toute évidence, nul ne peut affirmer qu'il y parviendra à tel ou tel moment ou à telle ou telle date, mais nous pouvons fixer un calendrier pour les aspects du traité touchant le règlement financier. Le calendrier en question est clairement défini dans le traité et accompagné d'ententes sur les recettes autonomes, le financement et la fiscalité.

Cependant, il y a aussi un coût dont les adversaires et les critiques du traité n'ont pas beaucoup parlé, et c'est le coût de l'inaction. C'est le prix que la Colombie-Britannique paie déjà. Ce coût prend la forme de communautés marginalisées, caractérisées par des taux de chômage endémiques et systémiques élevés. Ce prix prend la forme d'investissements perdus, d'emplois perdus, de possibilités perdues.

Le coût est énorme. On estime à environ 1 milliard de dollars par année la perte essuyée par la province au seul chapitre de l'investissement.

L'Accord définitif nisga'a, me semble-t-il, envoie un message d'espoir clair et éclatant. Il montre que des problèmes jadis considérés comme insolubles peuvent en réalité être réglés—grâce à la négociation. Ces problèmes peuvent être réglés paisiblement, pour le bien de tous.

Les Nisga'as tiennent à cet accord final. Il résulte de plus de vingt années de négociations longues et ardues. Le gouvernement provincial est à la table depuis huit ans. L'accord a été formulé avec soin, et il a été conçu pour répondre aux besoins des trois parties. Il s'agit d'un compromis, au meilleur sens du terme, celui qu'a évoqué le juge en chef Lamer en faisant allusion à la notion de donnant, donnant et en nous rappelant que, au bout du compte, nous sommes tous ici pour de bon.

La nation nisga'a et la Colombie-Britannique ont ratifié l'Accord définitif nisga'a. Il me semble que le moment est venu pour le Canada de faire de même.

Avant de clore mes remarques, j'aimerais poser deux questions aux membres du comité, avant que vous ne commenciez à m'en poser à moi. Si, après vingt années de négociation, ce traité ne convient pas, quel traité conviendra? Et si, après tout ce temps, on ne peut ratifier le traité, quand le fera-t-on?

Je vous remercie de m'avoir écouté.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Lovick.

Je vais tenter de donner à chacun l'occasion de poser une question. Si le temps nous fait défaut, ce sont les représentants du gouvernement qui passeront leur tour, mais nous allons aller le plus rapidement possible. J'encourage chacun à respecter la limite de cinq minutes, de façon que le plus de partis possibles puissent se faire entendre. Je compte aussi sur la collaboration des membres du public.

Monsieur Scott, vous avez la parole.

• 1345

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Je vous remercier, madame la présidente.

Je vous remercie aussi, monsieur Lovick, de comparaître aujourd'hui.

Même si je m'inscris en faux contre bon nombre de vos propos, je vais débuter par la question des consultations.

Vous avez laissé aux personnes ici présentes l'impression que la province de la Colombie-Britannique a entrepris un processus de consultation poussé, mais je rappelle, à l'intention des personnes qui, en 1996-1997, étaient au courant de la situation, que, en réalité, l'accord de principe, qui est à la base de l'accord conclu avec les Nisga'as, avait déjà été négocié et rendu public.

Je rappelle aux personnes ici présentes aujourd'hui que les citoyens qui ont profité de l'occasion qui leur était donnée de comparaître devant le comité permanent ont invariablement été dépréciés et dénigrés. On a mis en doute leur moralité. On a mis en doute leurs motivations.

Je rappelle aux personnes ici présentes que, par suite de ces pseudo-consultations, pas un seul mot de l'accord n'a été modifié, ce qui illustre bien une bonne part de ce qui cloche dans l'accord. Le processus qui y a conduit a été dénaturé dès le départ.

Vous semblez rejeter d'emblée le témoignage des Gitanyows et des Gitxsans, qui affirment qu'on doit donner suite à leurs préoccupations avant de ratifier le traité. Mardi après-midi, ils ont prévenu les membres du comité que, dans le cas contraire, les risques de conflit étaient très réels. Ils ont fait allusion au fait qu'il pourrait bien s'agir d'un conflit violent. Ils ont pris les membres du comité à témoin: «Vous voulez la Bosnie? Vous voulez la Tchétchénie? Vous voulez l'Irlande du Nord?» Voilà l'importance que cette question revêt pour eux.

Êtes-vous donc disposé, monsieur le ministre, à recommander au comité de donner son feu vert à la ratification? À la lumière des préoccupations, des sentiments et des émotions qui ont été exprimés, êtes-vous disposé à assumer la responsabilité de tels résultats si l'accord est ratifié?

La présidente: Vous pouvez répondre, monsieur le ministre.

M. Dale Lovick: En réponse à la dernière question de M. Scott, qui est aussi, j'ose le dire, insidieuse, je répondrai que oui. Je suis prêt à ce qu'on donne suite à la ratification. Je ne suis pas en désaccord avec les prémisses sur lesquelles repose sa question—je devrais plutôt dire que je suis en désaccord avec elles. Permettez-moi simplement de soulever deux ou trois questions.

D'abord et avant tout, si, ainsi que M. Scott l'a indiqué, on n'a pas dans un premier temps tenu le genre de consultation qu'il aurait souhaité, c'est en raison de l'accord de non-divulgation qui a été conclu au moment de l'arrivée de la Colombie-Britannique à la table de négociation. À compter de 1991, avec l'élection et l'arrivée à la table du nouveau gouvernement, le processus a démarré pour de bon, et on a renoncé à l'accord de non-divulgation.

Le comité qui a fait le tour de la province et qui, de l'avis de M. Scott, s'est montré impoli et grossier, était un comité représentant tous les partis.

Je tiens aussi à affirmer qu'il a tort d'affirmer que pas un mot n'a été modifié. En fait, les articles de l'accord de principe portant sur la faune ont été modifiés en profondeur par suite des commentaires de la B. C. Wildlife Federation.

En ce qui concerne les Gitxsans ou, plus justement, les Gitanyows, les difficultés ont été réelles; personne ne le conteste. Au moment de la rédaction du projet de loi avec nos collègues du Canada et de la nation nisga'a, nous avons tout mis en oeuvre pour éviter que l'Accord définitif nisga'a ne porte préjudice aux intérêts d'une autre Première nation. J'ai cité plus tôt le passage de l'accord définitif qui, à mon avis, est aussi clair que possible. Pour l'édification des membres du comité, je pourrai également produire une liste des réunions entre les Nisga'as et les Gitanyows qui se sont tenues de mai 1993 à janvier 1998. Tout au long de 15 réunions distinctes, nous avons tenté de désamorcer le conflit.

S'il connaît bien l'histoire—et je ne sais pas si c'est le cas—des relations entre les Nisga'as et les Gitanyows, M. Scott sait qu'il ne s'agit pas d'une histoire heureuse et qu'elle perdure depuis des siècles. On a tout mis en oeuvre. À un certain point, nous qui sommes responsables de régler les revendications territoriales et de donner suite aux droits ancestraux issus de traités dans la province et même au Canada prenons conscience de l'obligation qui nous est faite d'aller de l'avant, de protéger les intérêts de la minorité, cela va sans dire, sans pour autant permettre que la position de la minorité aille à l'encontre de ce qui nous apparaît, en toute franchise, comme étant l'intérêt dominant et exprimé de la très vaste majorité des intéressés.

Voilà pourquoi nous sommes allés de l'avant, et je n'ai sur ce plan aucune excuse à fournir.

[Français]

La présidente: Merci. Monsieur Fournier, je vous invite à commencer, s'il vous plaît.

• 1350

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Je tiens à vous remercier personnellement, monsieur le ministre, de votre présentation au sujet de la position de votre gouvernement. Votre exposé contient des données, et nous connaissons maintenant votre interprétation juridique quant à ces chevauchements.

Certains témoins qui ont comparu devant nous avaient une formation d'avocats. Je respecte beaucoup cette profession, mais je fais très attention à ce que je dis lorsque je parle à ces gens. On aurait tort de croire que les députés qui n'ont pas cette formation ne font pas la différence entre ce qui est bon et ce qui ne l'est pas, ou entre ce qui est mal et ce qui ne l'est pas.

Monsieur le ministre, ces témoins de formation juridique nous disaient qu'on invoque fréquemment le fait que certaines dispositions de l'Accord définitif nisga'a vont à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Est-ce que vous partagez cet avis, monsieur le ministre?

M. Dale Lovick: Merci, monsieur Fournier. Merci, monsieur l'avocat.

[Traduction]

Aujourd'hui, je vais parler anglais, pour des raisons évidentes.

Je dirais que la question que vous avez soulevée à propos de ceux qui affirment que c'est peut-être l'accord nisga'a, et plus particulièrement la Constitution—voilà la préoccupation. Dans une certaine mesure, les dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale ne sont peut-être pas tout à fait conformes à la Charte des droits et libertés. C'est une opinion juridique qui a cours dans certains milieux. L'opinion majoritaire que nous ont donnée nos conseillers juridiques tout au long de nos pourparlers et de nos négociations longues et complexes, c'est que tel n'est pas le cas. En fait, on nous a même donné l'assurance qu'aucun problème ne se posait sur ce plan.

Pour répondre à la question, monsieur Fournier, l'autre point soulevé est que, dans le libellé du traité lui-même, on précise que, en cas de conflit, nos lois ont la préséance ou la priorité et que tout le reste, si vous voulez, est assujetti à la Charte canadienne des droits et libertés. Voilà pourquoi mon gouvernement et moi-même croyons qu'aucun problème ne se pose sur ce plan.

[Français]

M. Ghislain Fournier: Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, que cet accord apportera la stabilité et la paix sociale. Êtes-vous d'avis que l'Accord définitif nisga'a va promouvoir le développement économique dans la région visée ainsi que dans toute la Colombie-Britannique? Est-ce que vous appuyez cet énoncé?

[Traduction]

M. Dale Lovick: Madame la présidente, le député veut savoir si l'Accord définitif nisga'a favorisera le développement économique de la région. Au-delà des détails macro-économiques que j'ai déjà mentionnés aux fins du compte rendu, la meilleure réponse que je puisse donner consiste à répéter ce que m'ont dit les résidents des collectivités intéressées.

Je me suis rendu à Terrace, à Smithers, j'ai parcouru la chaîne Hazeltons et la vallée de la Nass, et je suis même remonté jusqu'à Prince Rupert. L'opinion majoritaire qu'on m'a répétée encore et encore, c'est qu'ils—«ils» étant les habitants du Nord—préféreraient que nous, du Sud, cessions de nous ingérer dans leur traité parce que nous pensons que c'est bon pour eux. En fait, c'est ce qu'a un jour déclaré le maire de Terrace, à la une d'un quotidien. Pour être franc, il en a assez que des résidents du Sud disent quoi faire aux résidents du Nord.

• 1355

Dans mon esprit, il ne fait aucun doute que l'Accord définitif nisga'a représentera un formidable tremplin économique pour cette région du nord de la province. Honnêtement, il est plus que temps que cela se produise.

La présidente: À vous, madame Hardy.

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Je tiens également à vous remercier de votre comparution.

Ce matin, nous avons entendu un témoin, M. Smith, qui nous a laissé l'impression que le droit nisga'a pourrait pénaliser ou même conduire en prison une personne n'appartenant pas à la nation nisga'a. Il a cité des exemples dans différents domaines, par exemple la santé, la garde des enfants, l'éducation, l'alcool, etc. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos du fonctionnement concurrent du droit de la Colombie-Britannique et du droit nisga'a?

M. Dale Lovick: Madame Hardy, merci de votre question.

La question des compétences concurrentes et de la suprématie est complexe. Au risque d'être accusé d'éluder la question—je puis vous assurer que tel n'est pas le cas—, j'aimerais vous faire une suggestion à vous et à vos collègues du comité. Avec votre permission, je vais m'éloigner du sujet légèrement par rapport au point que je m'apprête à soulever.

La vérité, c'est que le traité que vous étudiez aujourd'hui est précisément celui dont a longuement débattu notre Chambre. On est parfois tenté d'affirmer qu'il n'y a rien de neuf sous le soleil. En fait, j'ai déjà entendu à de nombreuses reprises tous les arguments invoqués à l'encontre du traité.

Un jour, j'ai prononcé un discours de dix minutes à propos de la question que vous venez de soulever, à savoir le fonctionnement des deux régimes, la signification de la notion de concurrence et de celle de suprématie dans notre Chambre. Je recommande donc à tous les membres du comité de s'inspirer de ce que nous avons fait avec les spécialistes qui, en Chambre, ont aidé les ministres à répondre aux questions, pour vous aider.

Le système de comités de la Colombie-Britannique diffère quelque peu de celui du gouvernement fédéral. Nous avons un comité pour l'ensemble de l'assemblée législative, et nous invitons les spécialistes à venir nous aider à répondre aux questions de l'opposition. Par conséquent, vous constaterez qu'on a répondu très, très en détail à certaines questions incroyablement difficiles sur le plan technique.

En réponse à votre question précise, qu'il suffise de dire que nous pensons que le mécanisme que nous avons négocié et que nous avons intégré dans l'Accord définitif avec les Nisga'as et le Canada donnera de très bons résultats. Nous ne voyons pas de pierre d'achoppement. En fait, l'argument fondamental que j'oppose à ceux qui se demandent comment peuvent coexister deux séries de lois ou deux services de police situés à vingt milles l'un de l'autre, c'est que, en réalité, cette situation est présente partout au pays. Sachez que, au moment où on se parle, il vous suffira de vous éloigner de cinq milles des limites de la ville de Victoria pour être assujetti aux activités d'un autre service de police.

Bref, je pense qu'il est ridicule de laisser entendre qu'on pourrait se retrouver ici avec un petit ensemble de lois d'une façon ou d'une autre incompatibles ou en contradiction avec celles du reste du pays.

La présidente: À vous, monsieur Keddy.

M. Gerald Keddy (South Shore, PC): Je vous remercie, madame la présidente. À mon tour, je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins.

Deux ou trois problèmes ont été soulevés ici, mais j'aimerais revenir en arrière pour aller plus loin sur la question du chevauchement. Nous avons à coup sûr entendu toutes les parties que la question préoccupe, en particulier les Gitanyows et les Gitxsans. Nous avons eu des discussions avec les Gitanyows, et j'ai été à l'écoute du débat avec ces deux Premières nations. Or—je pense qu'on doit l'établir très clairement, rien de ce qu'ils ont dit ne peut être interprété comme un appel à la guerre ni comme le prélude à une nouvelle Bosnie ou à une nouvelle Tchétchénie. Certains membres de l'opposition ont certes tenté de faire tenir de tels propos aux témoins. Il est certain que les Gitanyows et les Gitxsans ne sont pas très satisfaits du chevauchement, et ils n'ont aucune raison de l'être, tout comme nous n'avons aucune raison de nous attendre à ce qu'ils le soient. Cependant, l'Accord définitif nisga'a dispose de cette question.

Au profit des membres de l'auditoire, je pense également qu'il importe de préciser que les paragraphes 33, 34 et 35 portent très clairement sur la question du chevauchement. On va même jusqu'à prévoir une ventilation de telle sorte que, en cas de chevauchement, on peut procéder sur la foi des compétences. En cas de conflit de compétences, l'alinéa 34b) s'applique. L'alinéa comporte une disposition selon laquelle on peut revenir en arrière pour obtenir un jugement final, au moyen de l'arbitrage ou d'un autre recours, mais la question doit être réglée.

• 1400

Malgré tout ce qui a été dit, les Gitanyows eux-mêmes conviennent que les paragraphes 33, 34 et 35 permettent de régler les différends. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on reconduise le principe dans le texte de loi, ce qui, à leur avis, n'est pas le cas aujourd'hui. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Dale Lovick: D'abord et avant tout, je tiens à vous remercier sincèrement d'avoir posé la question et indiqué qu'aucun représentant des Premières nations ne vous a abordé en affirmant qu'une situation comme celle de la Bosnie nous attend au prochain tournant. Je pense qu'il importe de le préciser sans ambiguïté à l'intention de tous ceux qui s'intéressent aux présentes délibérations.

Dans les articles que vous avez lus, vous avez tout à fait raison d'affirmer que nous avons tenté de prévoir toutes ces choses. À propos de la question précise que vous avez posée, la meilleure garantie que je puisse vous donner est de préciser que nous avons rencontré les Gitanyows. En fait, je les ai rencontrés et je leur ai présenté ce que nous appelons un groupe de travail chargé des questions relatives aux Premières nations—il s'agit d'un comité du Cabinet et du caucus—afin de discuter de leurs préoccupations et des difficultés que nous avons rencontrées.

Comme je l'ai indiqué, la conclusion de tout ce débat est que nous pensons être sous peu en mesure de soumettre très prochainement une proposition aux Gitanyows. La négociation du traité—et donc les pourparlers—se poursuivent toujours. Malgré leurs préoccupations—et je pense qu'il s'agit d'un bémol important—, ils souhaitent aussi conclure un traité et tiennent à poursuivre le processus pour tenter d'y parvenir.

Si je puis me permettre un très bref ajout, je dirai que l'une des difficultés que nous avons rencontrées dans la négociation de l'accord tient au fait que nous avons entrepris les négociations avant l'adoption d'un protocole visant la question du chevauchement. En vertu du mécanisme de la B. C. Treaty Commission que nous avons instauré par la suite, aucun accord ne sera conclu avant que les Autochtones ne règlent leurs différends au sujet du chevauchement. Cependant, les Nisga'as avaient amorcé le processus bien avant, et il nous est apparu comme injuste de leur imposer cette restriction si tard dans le processus. Voilà d'où vient la difficulté. Mais, ainsi que vous l'avez souligné, je pense que notre texte de loi en dispose plutôt bien.

La présidente: Monsieur Iftody, vous disposez de trois minutes pour poser des questions au nom de notre parti.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Oui, à moins qu'on ne m'oblige à me taire avant.

Merci de votre exposé, monsieur le ministre.

J'aimerais simplement donner suite à une remarque que vous avez faite et qui m'a paru particulièrement intéressante. Vous avez fait allusion à l'assentiment des résidents du Nord qui, dans le cas qui nous occupe, seront au premier chef touchés par le traité. Comme vous l'avez indiqué, c'est un peu comme si d'autres personnes venues du Sud leur disaient comment vivre leur vie. À titre d'exemple, nous avons entendu, il y a quelques jours, le témoignage du maire de Terrace, soit la plus importante collectivité. À ces côtés, se trouvait Joanne Monaghan, du district régional de Kitimat-Stikine, qui s'étend sur un territoire vaste et majestueux. Si je comprends bien, elle est la présidente, et elle représente un éventail de politiciens réunis dans un groupe de vingt, trente ou peut-être quarante personnes, répartis sur l'ensemble du territoire concerné.

À l'occasion de leur témoignage devant le comité, ces deux personnes ont catégoriquement affirmé—et j'ai cherché à obtenir des éclaircissements sur ce point—que l'accord serait avantageux pour leurs collectivités et qu'il allait contribuer à leur prospérité. Elles ont affirmé que les résidents de la région ont l'obligation de vivre ensemble—sur ce point, elles se sont peut- être fait l'écho de l'arrêt de la Cour suprême, dans lequel on rappelle que nous sommes tous ici pour de bon—et que, à leur avis, l'accord est avantageux pour leurs commettants.

Qu'on me permette de dire ceci: les politiciens locaux de la base dans cette région nordique ont catégoriquement affiché leur soutien et affirmé que l'accord serait avantageux, et non désavantageux, pour les résidents de la région.

Est-ce bien ce qu'a entendu le Comité permanent de l'assemblée de la province à l'occasion des 31 réunions qu'il a tenues? Si je pose la question, monsieur, c'est parce que, franchement, le témoignage de ces deux politiciens me paraît plutôt convaincant. Peut-être pourriez-vous dire un mot à ce sujet.

M. Dale Lovick: Je vous remercie de la question. Je pense que ma réponse va vous surprendre.

Pour être tout à fait franc, la conclusion à laquelle en sont venues des personnes comme Jack Talstra et Joanne Monaghan est le fruit d'une évolution. Je fonde mon assertion sur... Permettez-moi de vous donner un exemple—et je suis sûr que l'intéressé me pardonnera d'utiliser son nom. Je fais référence à l'ex-maire de Kitimat, un dénommé George Thom.

• 1405

George Thom a lutté d'arrache-pied pour se faire entendre au comité consultatif. À l'époque, il était convaincu que le district régional et l'administration locale avaient été exclus. À son arrivée à la table, il affichait, disons-le franchement, une bonne mesure d'hostilité et de suspicion. Deux ans plus tard, soit après avoir surmonté la tâche incroyablement difficile que représente la maîtrise du sens et des implications du traité, George est devenu l'un de ses partisans les plus passionnés, efficaces et éloquents.

J'oserais dire que le phénomène s'est répété à de nombreuses reprises. Je pourrais faire état d'un cheminement analogue pour un certain nombre d'autres dirigeants municipaux. La conclusion qui s'impose, c'est que, aujourd'hui—ce qui n'était peut-être pas le cas il y a quelques années—, le traité bénéficie d'un appui presque universel auprès de ceux qui le comprennent et qui ont participé à son élaboration.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Iftody.

Monsieur le ministre, nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré. Je pense que nous ne vous avons retenu que quelques minutes de plus que prévu. Je vous remercie beaucoup.

M. Dale Lovick: Merci.

La présidente: Je demande maintenant à M. Miles Richardson de bien vouloir s'avancer.

Une fois de plus, nous allons tenir une période de questions uniques. La salle est à nous jusqu'à la fin de la réunion, et pas plus, parce qu'on en aura besoin peu de temps après notre départ prévu.

Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Miles Richardson, commissaire en chef de la British Columbia Treaty Commission. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence parmi nous. Commencez quand vous voudrez.

M. Miles Richardson (commissaire en chef, British Columbia Treaty Commission): Je vous remercie, madame la présidente. Je m'appelle Miles Richardson, et je suis le commissaire en chef de la British Columbia Treaty Commission. À mes côtés aujourd'hui se trouve le commissaire Peter Lusztig, l'un des cinq commissaires que compte la commission.

Je tiens à remercier le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de l'occasion qui nous est donnée de comparaître aujourd'hui pour discuter des importants enjeux à l'étude.

L'un des grands avantages que procure le fait de siéger à la commission est qu'on doit parcourir la Colombie-Britannique, discuter avec bon nombre de personnes et recueillir de nombreux points de vue différents. C'est avec un groupe d'élèves de la neuvième année de Point Grey, à Vancouver, que j'ai eu l'une de mes discussions les plus mémorables. Leur classe m'avait invité à titre de conférencier. Les élèves tenaient une série de discussions sur la conclusion de traités en Colombie-Britannique, et ils voulaient m'entendre sur la question et me poser des questions à ce sujet.

Inévitablement, comme cela se produit dans le cadre de telles discussions, nous avons commencé à parler d'égalité. Le problème s'est posé au regard de bon nombre d'enjeux, mais les élèves ont ramené la discussion à la notion d'égalité. Nous avons longuement parlé et évoqué divers points de vue à ce sujet. Vers la fin, l'un des élèves—il était assis à l'arrière et n'avait pas dit grand'chose—s'est levé et a bombé le torse parce qu'il avait quelque chose d'important à dire. Selon lui, l'égalité ne signifie pas que nous sommes tous les mêmes parce que nous ne le sommes pas; à ses yeux, l'égalité signifie que chacun de nos droits est clairement défini et que nous nous respectons mutuellement. Dans les moments les plus difficiles que j'ai rencontrés dans la facilitation des négociations du traité en Colombie-Britannique, j'ai prié pour qu'une telle sagesse s'impose.

Les négociations de traité ont trait aux droits, et non à la race ni aux divers autres éléments que différents analystes produisent dans le débat.

• 1410

Après plus ou moins 150 années en Colombie-Britannique, les Premières nations, le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont, il y a six ans, convenu d'un processus et d'une procédure pour remédier à l'une des questions les plus fondamentales et les plus persistantes qui se posent à nous, à savoir l'enjeu territorial en Colombie-Britannique ou, pour reprendre les mots des tribunaux, les différends qui ont trait aux titres. Nous avons convenu d'une procédure pour remédier à la concurrence entre les titres à la Couronne et les titres autochtones, expression juridique utilisée pour désigner l'ancien titre héréditaire des Premières nations.

Même si les négociations avec les Nisga'as, qui se poursuivent depuis bien plus de six ans, soit depuis environ vingt ans, sont antérieures à ce processus, la bonne foi dont on a fait preuve tout au long des négociations et le respect des engagements pris à la table de négociation et inclus dans le traité auront des répercussions sur l'ensemble du processus de négociation dans le reste de la Colombie-Britannique.

Nous sommes ici pour lancer un message très simple. Pour faire en sorte que la négociation demeure une option viable, aussi bien que pour lui conférer la force et le leadership auquel on est en droit de s'attendre de la part des autorités gouvernementales, ainsi qu'on en a convenu au préalable, nous devons signer le traité avec les Nisga'as.

La B. C. Treaty Commission, comme je l'ai indiqué, a été créée en 1993 afin de faciliter les négociations de traité en Colombie- Britannique. Même si elle n'a pas pris part aux négociations avec les Nisga'as, la commission, au cours des six dernières années, les a suivies de très près. Lorsque la commission a été créée, les négociations avec les Nisga'as étaient déjà bien engagées, de sorte qu'elle n'a pas pris part au processus. Avec l'entrée en scène de la Colombie-Britannique dans les négociations avec les Nisga'as en 1990, l'ère moderne des négociations de traité dans la province a cependant débuté.

À peu près à la même époque, le First Nations Congress de la Colombie-Britannique, au nom des Premières nations participantes et des gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique, a formé le groupe de travail sur les revendications de la Colombie- Britannique, qui avait pour mandat de recommander une approche de la négociation de traités modernes en Colombie-Britannique. Après plus ou moins 150 années, on a décidé de négocier.

On a donné six mois au groupe de travail pour mettre au point une approche. Dans son rapport, ce dernier a formulé diverses recommandations. Le rapport et les recommandations qu'il contient balisent le processus de négociation de traités en Colombie- Britannique, que la commission facilite.

En acceptant les 19 recommandations, les parties ont pris des engagements fondamentaux les unes envers les autres de même qu'envers les résidents de la Colombie-Britannique et du Canada. L'une des responsabilités de la commission consiste à faire en sorte que les parties respectent leurs engagements.

Le rapport du groupe de travail sur les revendications de la Colombie-Britannique donnera à votre comité une idée de ces engagements, particulièrement en ce qui concerne la portée prévue des négociations. Certaines personnes ont soutenu que le public n'était pas au courant de la mise en branle de ces négociations et que divers éléments de l'Accord définitif nisga ont constitué une surprise totale. Rien n'est plus faux.

Dans le rapport du groupe de travail de 1991, on définit clairement la portée des négociations. À l'examen de l'Accord définitif nisga'a, on peut conclure que le groupe de travail a donné une idée claire du contenu prévisible des négociations de traités et, à terme, des accords.

Si on peut s'imaginer que le public ne savait pas à quoi s'attendre en 1991, l'intérêt considérable suscité ensuite par une période d'agitation sociale soutenue puis, en 1993, la mise en branle du processus, ont corrigé la situation. Depuis, les négociations se sont déroulées à découvert, dans le cadre du processus le plus ouvert et le plus accessible que la commission connaisse.

• 1415

Le comité aurait intérêt à profiter de son séjour en Colombie- Britannique pour s'informer à ce sujet et à écouter les intervenants. Tous les traités déposés dans la province s'assortissent d'un protocole relatif à l'ouverture, en vertu duquel les parties conviennent que les discussions et les délibérations seront de façon générale accessibles au public. Bien entendu, il arrive qu'on aborde des enjeux délicats qui exigent certaines discussions privées. Au vu des protocoles relatifs à l'ouverture, il s'agit de l'exception plutôt que de la règle.

Les négociations, mesdames et messieurs, ont été très ouvertes. Nous encourageons les citoyens de la Colombie-Britannique et du Canada à désormais se tourner vers l'avenir, à profiter de l'occasion qui leur est donnée de s'informer et à participer aux négociations de traités.

Nonobstant les ententes officielles concernant l'ouverture, l'une de nos déceptions a été la très faible participation aux séances de négociation de traités—et il y a eu 42 tables réparties aux quatre coins de la province. À nos yeux, l'ouverture du processus est sans précédent.

Les Nisga'as ont pavé la voie aux négociations de traités, mais l'Accord définitif nisga'a ne servira pas de modèle aux traités conclus en Colombie-Britannique. De nombreuses Premières nations affirment que le traité conclu avec les Nisga'as est en deçà de leurs attentes. Il incombe à chacune des Premières nations de prendre les décisions qui s'imposent, et nous n'avons pas à juger. L'Accord définitif nisga'a vise les Nisga'as, les citoyens de la Colombie-Britannique et les citoyens du Canada. Il honore l'engagement des parties à négocier volontairement un traité, sur la foi d'un consentement éclairé et sans réserve. De par sa nature, le traité est une entente obtenue au moyen de négociations politiques, et non de strictes interprétations juridiques. Il donne également suite aux obligations juridiques du Canada et de la Colombie-Britannique à l'égard des Nisga'as, suivant une procédure mutuellement acceptable.

Je reviens une fois de plus au rapport du groupe de travail, dans lequel on lit—et je cite:

    Les négociations de traités en Colombie-Britannique sont une occasion de reconnaître les gouvernements des Premières nations sur leurs territoires traditionnels. Dans les traités, qui seront protégés par la Constitution, il importe qu'on définisse explicitement les compétences.

L'un des éléments des assises historiques du droit des Premières nations à participer à des négociations de traités tient au fait que ces dernières constituaient jadis des nations distinctes et autosuffisantes, chacune dotée de sa langue, de son économie, de son système de droit et de gouvernement et de son territoire. Ce droit découle du fait que les Premières nations, en plus de posséder les terres, les administraient.

S'il est vrai qu'on n'a pas encore demandé aux tribunaux de préciser si l'autonomie gouvernementale constitue un droit autochtone, les décisions qu'ils ont rendues à propos de la nature des titres autochtones nous donnent certains indices de leur opinion à ce sujet. En affirmant que les titres autochtones appartiennent à la communauté qui possède les terres, la Cour suprême semble laisser entendre que l'exercice et la réglementation des titres autochtones véhiculent certaines formes d'entente collective sur les compétences. Il s'ensuit logiquement que les droits et les titres autochtones exigent une certaine forme d'autonomie gouvernementale.

Le déni des droits et des titres autochtones fait partie intégrante de l'histoire de la Colombie-Britannique. La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que cette situation doit changer. Les titres et les droits autochtones ne sont plus un sujet de débat ni d'enquête. Le plus haut tribunal du pays a fait entrer l'enjeu qu'on désigne par l'expression «question territoriale»—le conflit entre les titres de la Couronne et les titres autochtones—dans la sphère du politique en pressant les parties intéressées d'entreprendre des négociations. Dans des arrêts récents, la cour a souligné à un certain nombre de reprises qu'il faut privilégier les négociations politiques aux litiges. C'est au terme de négociations politiques axées sur le compromis qu'on a abouti aux dispositions relatives à l'autonomie gouvernementale de Nisga'as.

Si nous devons conclure des traités, affirment certaines personnes, on devrait effectuer un versement ponctuel en espèces à chaque Autochtone. L'arrêt Delgamuukw de la Cour suprême montre clairement qu'il ne s'agit pas là d'une option envisageable. Si elle n'est pas envisageable, c'est à cause des titres autochtones.

Les titres autochtones, qui sont présents dans de nombreuses régions du monde, sont antérieurs aux systèmes de propriété fondés sur la common law ou le droit civil. Les titres autochtones reposent sur le principe fondamental selon lequel les personnes qui occupent et utilisent un territoire détiennent les titres qui s'y rattachent.

• 1420

Les titres autochtones ont ceci de particulier qu'ils sont détenus par des groupes et non par des particuliers. Lorsque la Cour suprême du Canada a confirmé l'existence de titres autochtones en Colombie-Britannique, il est apparu clairement que les gouvernements devaient répondre aux besoins des Premières nations, titulaires des titres, et non à ceux de particuliers.

Une très forte majorité de résidents de la Colombie- Britannique est d'accord pour dire qu'il faut négocier des traités avec les Premières nations pour résoudre les problèmes liés à la propriété des terres et aux compétences dans la province. La plupart des Canadiens conviennent que ces questions ont pendant trop longtemps été passées sous silence ou niées. Depuis trop longtemps, les résidents de la province font les frais de l'incertitude économique.

Pour régler ces problèmes, on a mis en branle un processus de négociation de traités. Ce processus a éclairé les négociations avec les Nisga'as, tout comme les négociations avec les Nisga'as ont éclairé le processus de négociation de traités en Colombie- Britannique.

N'oublions pas que les négociations de traités ont trait au changement. Les traités sont susceptibles de modifier des aspects fondamentaux de notre vie—à qui appartiennent les terres, qui a compétence sur elles et qui les administre.

Les traités entraînent également de nouvelles allocations des ressources et des recettes qui en découlent. Des groupes d'intérêt particuliers ont tenté de faire en sorte qu'aucune modification ne soit apportée dans ces domaines, ce qui a porté préjudice à la conclusion du traité. Si le processus exige des millions de dollars et met trop de temps à déboucher sur la conclusion d'accords, les relations seront compromises, et la volonté des Premières nations de négocier, gravement menacée.

Le gouvernement du Canada doit demeurer fidèle aux engagements qu'il a contractés en entamant des négociations de traités avec des Premières nations de la Colombie-Britannique et honorer les accords qu'il a conclus de bonne foi. À la lumière des tensions qui caractérisent actuellement la négociation de traités en Colombie- Britannique, les Premières nations doivent savoir que le Canada et la province demeurent engagés envers le processus. L'Accord définitif nisga'a constitue une expression de cet engagement.

Dans le périple qui s'est amorcé lorsque le gouvernement de la Colombie-Britannique s'est associé au gouvernement du Canada pour négocier avec les Nisga'as en 1990, nous devons aller jusqu'au bout. C'est un périple qui, pour les Premières nations, s'est amorcé il y a plus de 150 ans.

Depuis plus de 150 ans, les Premières nations de la Colombie- Britannique cherchent à faire reconnaître leurs droits et leurs titres au moyen de pétitions, de protestations, de recours aux tribunaux et de négociations. L'époque du déni est désormais derrière nous. Les Canadiens ont opté pour la voie des négociations politiques, et nous sommes ici pour affirmer qu'il s'agit de la voie privilégiée, du meilleur moyen d'en arriver à une réconciliation marquée au sceau du respect mutuel.

La conclusion de traités se justifie aujourd'hui par des motifs péremptoires, et on a toujours eu de solides motifs historiques et économiques d'agir en ce sens. Le moment est venu de donner suite. Les Nisga'as et les gouvernements fédéral et provincial s'entendent pour aller de l'avant. Or, il s'agit d'un accord qu'on a eu du mal à obtenir, tout comme on aura du mal à négocier d'autres traités qui répondent aux besoins et aux intérêts de chacune des parties.

La B. C. Treaty Commission demande au comité de recommander la ratification du traité conclu avec les Nisga'as dans les plus brefs délais possibles, pour éviter que la procédure de conclusion de traités en Colombie-Britannique soit ni différée ni mise en échec. Le défaut de ratifier le traité avec les Nisga'as portera gravement atteinte à l'honneur de la Couronne et, pour le Canada, rendra difficile, sinon impossible, la négociation de traités avec la Colombie-Britannique. Le défaut de ratifier le traité avec les Nisga'as aura pour effet de rendre d'autres options—par exemple le recours aux tribunaux et l'action directe—encore plus attrayantes.

Je vous remercie d'avoir donné à la commission la possibilité de faire connaître ses vues. Mes quatre collègues commissaires se joignent à moi pour vous souhaiter la meilleure des chances dans vos délibérations. Je vous remercie.

La présidente: Merci, monsieur Richardson.

Nous allons à peine avoir le temps de permettre à chacun des partis de poser une question.

Je cède la parole à M. Gouk, pour le Parti réformiste.

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Je vous remercie, madame la présidente.

J'ai appris aujourd'hui que, aux termes du processus actuel que supervise votre organisme, aucun règlement n'interviendra avant que les difficultés liées au chevauchement n'aient été résolues. Si les Nisga'as ne sont pas assujettis à la même obligation, c'est que le processus était déjà en cours.

• 1425

Par ailleurs, des témoignages et des informations qui, bien entendu, relèvent du domaine public, nous apprennent que la première carte incluse dans une revendication aux termes de l'arrêt Calder ne comprenait pas les terres des Gitanyows et des Gitxsans. Les Gitanyows, dans les discussions qu'ils ont eues avec nous mardi, ont souligné que, depuis la conclusion de l'accord de principe, ils ont tenté de rencontrer les Nisga'as pour résoudre la question des chevauchements, mais que les Nisga'as ne se sont pas présentés. Pourquoi le feraient-ils, nous ont dit les Gitanyows, maintenant que les deux ordres de gouvernement se sont rangés de leur côté?

On doit maintenant tenir des négociations avec les Gitanyows ainsi qu'avec de nombreux autres groupes. Or, ces derniers déclarent: «À quoi bon négocier si le gouvernement nous retire nos terres? Le fait de vous entendre dire que vous allez prendre ma maison, mais que ce n'est rien puisque vous allez me permettre de retenir les services d'avocats et de spécialistes et de m'adresser aux tribunaux pour tenter de récupérer ce qui m'appartient constitue une bien mince consolation». Je pense qu'aucun non- Autochtone ne l'accepterait, et je ne vois pas pourquoi les Autochtones devraient l'accepter.

Et vous nous dites d'aller de l'avant parce que, dans le cas contraire, le scénario suivant nous attend—et je vous cite: «Le défaut de ratifier le traité avec les Nisga'as aura pour effet de rendre d'autres options—par exemple le recours aux tribunaux et l'action directe—encore plus attrayantes.» Les Gitanyows nous disent que le recours aux tribunaux et à d'autres moyens d'action est tout ce qui leur reste. Violer le droit de propriété constitue une infraction. En droit autochtone, il s'agit d'une infraction grave, et la partie lésée défendra son territoire.

Si vous tenez à éviter les recours aux tribunaux, pourquoi nous recommandez-vous d'aller de l'avant avant que la question ne soit réglée?

La présidente: Vous pouvez répondre, monsieur Richardson.

M. Miles Richardson: Il est encourageant d'entendre le député se porter vigoureusement à la défense de l'intérêt des Autochtones. Pour ce qui est du traité avec les Nisga'as et de son rôle dans les négociations avec les Gitanyows, le traité avec les Nisga'as est antérieur, ainsi que je l'ai déjà indiqué, au processus de conclusion de traités établi en Colombie-Britannique.

Avec la mise en place du processus, la commission a, en ce qui concerne les territoires qui se chevauchent, recommandé sans ambiguïté aux parties que le Canada et la Colombie-Britannique évitent de conclure la quatrième étape, à savoir l'accord de principe, avant d'avoir tout mis en oeuvre pour régler la question des chevauchements. On ne l'a pas fait dans le traité avec les Nisga'as. L'action a été portée à l'attention des parties au moment de la conclusion de l'accord de principe.

Je crois comprendre que des modifications ont été apportées à l'accord de principe pour faire une place à la reconnaissance future des droits d'autres Premières nations susceptibles d'entretenir des liens avec des dispositions du traité conclu avec les Nisga'as. Donc, manifestement, on a renoncé à certaines options, mais celles qui consistent à négocier une solution au problème du chevauchement existent toujours. J'unis donc ma voix aux vôtres pour presser les Nisga'as, les Gitanyows et les Gitxsans de s'asseoir pour discuter dans le respect et de bonne foi pour régler le problème. Il existe des mécanismes pour le faire.

M. Jim Gouk: Que diriez-vous de soustraire le territoire disputé au traité, dans l'attente d'un jugement ou d'une décision judiciaire, et d'aller de l'avant avec le reste? Je ne dis pas que c'est là ma seule préoccupation, et, sur ce point particulier, quelle serait votre position?

M. Miles Richardson: La commission, à titre de gardien impartial du processus, ne se prononce pas sur de telles questions. Lorsqu'un engagement a été pris envers la négociation, nous avons pour position de veiller à ce que les parties les respectent et y souscrivent de bonne foi. Sur une question de fond comme celle que vous soulevez, c'est aux parties qu'il incombe de se prononcer.

Nous nous contentons de presser les parties de négocier un règlement. Les mécanismes nécessaires pour y arriver existent. Ce qu'il faut maintenant, c'est la volonté d'agir.

J'y vois un enjeu aussi pressant et important que vous. Je pense qu'il s'agit d'une question importante et que les parties doivent s'atteler à la tâche.

M. Jim Gouk: Vous allez prendre part aux négociations avec les Gitanyows. Or, la question qu'ils posent est la suivante: qu'auront-ils à négocier si vous leur enlevez leur terre? Comment négocier avec des intervenants qui affirment que vous avez cédé aux Nisga'as les terres qu'ils entendent revendiquer? Or, cela ne faisait pas partie des revendications initiales. La première carte ne comprenait pas les terres des Gitanyows ni celles des Gitxsans. Si on affirme aujourd'hui qu'ils n'obtiendront que 8 p. 100 de leurs territoires traditionnels, c'est uniquement parce que la carte a été élargie. Ils obtiennent 25 p. 100 du territoire visé par leurs revendications initiales, et c'est uniquement parce qu'on a repoussé les frontières sur des terres revendiquées par les Gitxsans et les Gitanyows que le chiffre a été ramené à 8 p. 100.

La présidente: Je vous prie de répondre brièvement, monsieur Richardson, parce que la présente période de questions tire déjà à sa fin.

• 1430

M. Miles Richardson: Vous avez raison de conclure à l'existence d'un différend, et je me contenterai simplement de répéter qu'on dispose de mécanismes pour le régler. Il s'agit d'un différend très important. Je ne le traite pas à la légère. Il s'agit d'un différend très grave. On dispose des moyens de le résoudre.

Je presse chacune des parties, des parties des Premières nations, de tout mettre en oeuvre, avec l'appui des gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique, pour résoudre le problème dans le cadre de négociations marquées au sceau du respect.

La présidente: Monsieur Fournier.

[Français]

M. Ghislain Fournier: À mon avis, l'entente est très bonne. Que je sache, personne n'a réussi à démentir l'énoncé selon lequel la pire des ententes vaut bien le meilleur procès et le meilleur jugement de la cour. Imaginez-vous entendre dire par la majorité que l'entente est bonne.

C'était un court préambule avant ma question. Mardi dernier, on soulevait la problématique du chevauchement des terres des nations voisines des Nisga'as, qui considèrent que les terres incluses dans le traité nisga'a font partie de leurs territoires ancestraux. Nous avons appris que vous aviez accepté qu'il y ait médiation dans le passé et que vous considériez que les Nisga'as faisaient preuve de bonne foi dans leurs relations avec leurs voisins. Nous avons également appris qu'une offre serait déposée d'ici peu auprès de la nation gitanyow. Est-il exact que vous espérez pouvoir participer à la médiation?

[Traduction]

M. Miles Richardson: La commission, lorsqu'elle a été mise au courant du différend qui oppose les Premières nations, a en toute sincérité proposé d'agir comme facilitateur ou médiateur à la demande et avec le consentement des parties concernées—les Nisga'as et les Gitanyows. Nous demeurons disposés à le faire. Cependant, il est certain que nous ne pouvons nous imposer et que nous ne le ferons pas. Si elles ont affaire à nous, nous interviendrons.

Dans vos remarques, vous avez déclaré—et c'est très important—que j'avais moi-même fait allusion à la bonne foi ou à l'engagement de l'une ou l'autre des parties au différend. Ce n'est pas à nous qu'il incombe d'intervenir dans le dossier. Il faut laisser aux Premières nations le soin de régler leurs différends. Nous ne jugeons pas les parties, ni les Gitanyows ni les Nisga'as. Tout ce que nous faisons, c'est les presser de trouver un règlement au moyen de la négociation, et nous sommes prêts à les aider à y parvenir.

Cela dit, je ne minimise en rien la complexité de l'enjeu. Cependant, nous serons là pour les aider s'ils le souhaitent. Ils ont choisi d'autres médiateurs, et c'est très bien ainsi.

[Français]

M. Ghislain Fournier: Au-delà de cette prochaine offre, est-ce que vous envisagez un nouvel effort de médiation entre les nations autochtones de la vallée de la Nass? Si c'est le cas, par quel mécanisme pourriez-vous contribuer à faciliter la négociation?

[Traduction]

M. Miles Richardson: Je ne suis pas certain de bien comprendre la question. Par quel mécanisme pourrions-nous contribuer à faciliter la négociation avec les nations en cause de la vallée de la Nass? Nous avons proposé d'agir à titre de facilitateur- médiateur impartial et indépendant pour aider les parties à se concentrer sur les enjeux, afin de leur permettre de s'entendre sur les paramètres de discussion et d'amorcer la négociation.

Je ne suis cependant pas en mesure d'exposer aujourd'hui les moyens précis que nous avons pris pour ce faire. C'est là l'une des choses que nous faisons, et il s'agit d'un processus créatif. Nous allons utiliser les ressources mises à notre disposition pour obtenir qu'elles entament des négociations. De toute évidence, elles doivent régler le problème entre elles.

• 1435

Nous demandons aux gouvernements du Canada et de la Colombie- Britannique de soutenir et de faciliter l'entreprise, mais nous sommes disposés à jouer le rôle de médiateur si elles nous le demandent. Pour le moment, il s'agit purement d'hypothèses. Pour le moment, nous n'avons pas reçu de demande en ce sens.

[Français]

La présidente: C'est tout, monsieur?

[Traduction]

Monsieur Keddy, s'il vous plaît.

M. Gerald Keddy: Je vous remercie, madame la présidente.

Je tiens à remercier nos témoins. Je suis certain que tous les membres du comité ont un certain nombre de questions à poser. Je vais tenter d'aller droit au but, mais, au sein du comité, nous avons tous la manie du préambule.

À propos du chevauchement, et la question fait l'objet de débats et préoccupe à coup sûr tous les membres du comité, il existe dans l'Accord définitif nisga'a un mécanisme, dont nous avons parlé plus tôt, qui dispose très clairement du problème. Nous en avons parlé aux Gitanyows et aux Gitxsans, qui sont au courant de l'existence du mécanisme. Ils aimeraient qu'on balise très clairement le processus dans la loi elle-même, auquel cas ils se sentiraient plus à l'aise.

L'autre commentaire que j'aimerais faire a trait à ce que vous avez dit à propos du modèle. Nous avons tous pris grand soin d'éviter de dire que l'accord ne servira pas de modèle à d'autres traités. Cependant, je suis en mesure d'affirmer que l'accord en question renferme un certain nombre de dispositions qui, je crois, plaisent à tous les députés et même, j'imagine, à certains de nos membres qui ne sont pas en faveur du traité. Je veux en énumérer quelques-unes parce qu'il s'agit de paramètres auxquels, à mon avis, adhèrent la plupart des Canadiens et des Premières nations.

Dans certains cas, nous allons être en désaccord, et il faudra négocier et travailler d'arrache-pied. Dans le traité, il est certain que la Constitution du Canada s'applique. Par ailleurs, la plupart des parties aimeraient qu'il en soit ainsi dans tous les traités. Le fait que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique revêt de l'importance pour le processus de négociation de traités.

Par ailleurs, la question de la propriété foncière en fief simple peut s'appliquer à certains traités, mais pas à d'autres. Ce n'est pas à moi de le dire. Ce qui me plaît dans la propriété foncière en fief simple, cependant, c'est qu'elle confère aux Premières nations le droit d'hypothéquer une propriété, de la donner en garantie et de s'adresser à une banque, sans pour autant renoncer au contrôle de la propriété ni aux compétences qui s'y rattachent, même si cette dernière en vient à échapper aux Premières nations, parce qu'elle est toujours visée par le règlement obtenu avec les Nisga'as et que les lois nisga'as y ont toujours la préséance. Dans le dossier de la fiscalité, la situation est différente.

Dans la mesure du possible, j'aimerais que vous nous disiez comment certains de ces éléments pourraient être transposés dans d'autres secteurs et dans d'autres traités.

M. Miles Richardson: Le traité conclu avec les Nisga'as n'est pas un modèle. On doit simplement constater la réalité et contracter l'engagement essentiel qui suivent: chaque Première nation aura le loisir de négocier son propre traité avec les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique, qui sont les mêmes vis-à-vis. Lorsqu'on examine des enjeux en plein jour, il est vrai qu'on constate l'existence de certains points qui seront approchés de la même façon, mais on aurait tort d'en faire une condition préalable aux négociations. On pourra peut-être le faire, par consensus, pendant les négociations et à la fin des négociations. J'oserais même dire que c'est ce qui va se produire, et on ne doit pas en faire une condition préalable aux négociations.

En ce qui concerne la mise en oeuvre dans la loi du mécanisme de règlement des différends contenu dans l'accord de principe, je prie instamment le gouvernement de mettre tout en oeuvre pour amener les Premières nations concernées à régler ce grave différend. Je pense qu'il importe qu'on leur vienne en aide parce qu'elles seules peuvent régler le problème.

La présidente: Vous avez le temps de poser une très brève question sans préambule, à moins que vous n'en décidiez autrement.

M. Gerald Keddy: J'ignore si je peux poser une question sans préambule.

La présidente: Je plaisantais, monsieur Keddy. Faites un préambule aussi long que bon vous semblera.

• 1440

M. Gerald Keddy: L'autre enjeu que j'aimerais soulever a trait à la grande controverse qui entoure l'allocation des ressources halieutiques, c'est-à-dire le pourcentage du total des prises admissibles sur la rivière Nass qui sera accordé aux Nisga'as. À l'examen des allocations de poissons, je constate que l'allocation totale dont bénéficie le Canada s'établit à 26 p. 100 et à 16 p. 100 des stocks hauturiers, étant entendu qu'une bonne partie de ces poissons seront capturés en haute mer au moyen de la pêche d'interception, principalement par des habitants de l'Alaska.

Si j'évoque cette question, c'est en raison des débats qui entourent d'autres traités. Bien entendu, l'opposition affirmera que si on applique le pourcentage des ressources halieutiques de la rivière Nass, soit 26 p. 100 aux 50 bandes qui sont actuellement en négociation—je crois me rappeler que vous avez dit qu'il y en a 42—, il ne restera plus beaucoup de saumons pour la pêche commerciale non autochtone. Lorsqu'on applique le ratio à l'ensemble des intéressés, on constate sans mal qu'il restera 64 p. 100 du total des prises admissibles pour la pêche commerciale, qu'elle soit non autochtone, autochtone ou je ne sais quoi. Il s'agit toujours de la pêche commerciale.

Je comprends que le saumon représente un enjeu important pour bon nombre de bandes parties à des négociations de traités, mais croyez-vous qu'il y aura toujours, à la fin du processus—et je suis certain que vous avez étudié certains chiffres et examiné la situation de près—toujours place pour une pêcherie commerciale ou, si vous préférez, une pêcherie commerciale non autochtone?

M. Miles Richardson: La question devra être réglée par les parties à la table de négociation. La commission n'a pas à se prononcer sur cette question. Il s'agit à coup sûr d'un élément important du processus de réconciliation dans le dossier des pêches, qu'il s'agisse de l'allocation des ressources ou des responsabilités en matière de gestion. Il me semble qu'on devrait aspirer à une solution partagée, à une solution entre tous les participants à la pêche.

La présidente: Monsieur O'Reilly, vous avez cinq minutes. C'est la dernière question qui sera adressée au témoin.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

Je vous remercie de votre présence. Vous avez jeté un certain éclairage sur le processus.

Dans votre document, vous dites que, de 1991 à 1993, le processus de négociation a été très fermé. Depuis, les négociations se sont, selon vous, déroulées en plein jour. On ne nous a parlé que de la partie qui s'est déroulée en vase clos. Les opposants ont utilisé les mots «en secret», «règlement imposé», «à huis clos», «sans consultation». Naturellement, bon nombre de ces mises en lumière se font à l'instigation du Parti réformiste.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos du processus? Vous dites que le processus s'est déroulé au vu et au su de tous, à l'exception, bien entendu, de certaines questions qui relèvent de la cuisine interne, comme dans toute administration municipale ou dans tout gouvernement fédéral ou provincial. Depuis le début, on nous dit que les négociations n'ont pas fait l'objet de consultations. Vous nous avez présenté une réalité légèrement différente, et je voulais vous donner l'occasion de vous expliquer plus en détail.

M. Miles Richardson: Si, dans le document que j'ai déposé, je laisse entendre que le processus a été fermé de 1991 à 1993, c'est bien malgré moi. Je pense que les parties aux négociations pourraient avec éloquence faire état des mesures qu'elles ont prises pour assurer l'ouverture du processus.

Depuis l'entrée en vigueur du processus de traité en Colombie- Britannique, certains des premiers protocoles négociés visaient l'ouverture. Au nombre des principes qui y sont enchâssés, citons l'examen du public, l'accès du public à la table de négociations et les modalités des communications entre les négociateurs et leurs divers commettants, qu'il s'agisse du gouvernement du Canada, de celui de la Colombie-Britannique ou de celui de chacune des Premières nations concernées.

En ce qui concerne les protocoles, les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada travaillent habituellement de concert. Il s'entendent entre eux et avec la Première nation concernée pour faire en sorte que les négociations soient ouvertes au public et accessibles à tous. En règle générale, il s'agit là de l'une des dispositions qui s'appliquent à la plupart des tables. Les négociations proprement dites sont donc tout à fait ouvertes à un examen approfondi.

• 1445

De la même façon, les parties ont mis sur pied des mécanismes de consultation. Au niveau régional, elles misent sur ce qu'elles appellent des comités régionaux, au sein desquels sont représentés tous les groupes d'intérêts organisés que concernent les questions négociées. Sur ces enjeux, le Canada et la Colombie-Britannique s'emploient à consulter officiellement les comités.

De même, il existe des comités consultatifs des administrations locales, caractéristique habituelle des protocoles visant l'ouverture, ce qui assure à chacune des administrations locales—les maires, les districts régionaux et tous les résidents de la région—un accès officiel aux négociations. En ce qui concerne les négociations avec les Nisga'as, je sais que cet accès était tout à fait complet. Je le sais parce que mon oncle est maire de Port Edward—il m'en voudrait d'un tel aveu. Les responsables des administrations locales ont, dans ce cas, bénéficié d'un plein accès à la négociation et à l'information—et c'est le seul processus qui ait été mené jusqu'au bout.

Il y a aussi des tribunes publiques. Dans l'ensemble de la province, on a constitué ce qu'on appelle le Comité consultatif de la négociation de traité, grâce auquel les principaux groupes d'intérêts organisés à l'échelle provinciale ont périodiquement accès aux négociateurs fédéraux et provinciaux de même qu'aux ministres, qui leur donnent des orientations. On y retrouve notamment des représentants de l'industrie forestière, de l'industrie de la pêche, de l'industrie des guides et des pourvoyeurs, d'organismes provinciaux du secteur immobilier, de groupes environnementaux, et ainsi de suite. On a tenu des négociations dans l'ensemble de la province, de la base jusqu'au niveau de ce comité.

J'ai dit que l'ouverture dont on a fait preuve dans des négociations aussi fondamentales que celles-ci était sans précédent et je mets quiconque au défi de donner un seul exemple de processus plus ouvert que celui-ci, où que ce soit dans le monde. Le défi est lancé.

La présidente: Je vous remercie beaucoup. C'est la fin de la période de questions pour le témoin. Je tiens à vous remercier tous les deux de vous être déplacés aujourd'hui et de nous avoir fait profiter de vos connaissances à propos des traités en Colombie- Britannique.

J'invite maintenant nos deux prochains témoins à se joindre à nous. Nous accueillons Gordon Campbell, chef du Parti libéral de la Colombie-Britannique, et Gordon Gibson, agrégé supérieur de recherches au Fraser Institute.

• 1450

Messieurs Campbell et Gibson, nous vous souhaitons la bienvenue. Je suis heureuse de vous accueillir parmi nous cet après-midi. Avant de commencer, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir nous présenter vos collègues?

M. Gordon Campbell (chef, Parti libéral de la Colombie- Britannique): Je vous remercie beaucoup. Je m'appelle Gordon Campbell. À mes côtés se trouvent le critique du procureur général, Geoffrey Plant, député de Richmond-Stevenston, et le critique des affaires autochtones, Michael de Jong, député de Matsqui.

La présidente: Monsieur Gibson, nous sommes heureux de vous accueillir cet après-midi. Nous allons vous donner à chacun l'occasion de présenter un bref exposé d'environ dix minutes, après quoi nous passerons à la période de questions. Nous n'aurons probablement le temps que d'une série de questions. Chacun dispose d'une période de cinq minutes, comme vous en avez été témoin dans l'auditoire.

Qui veut commencer? Monsieur Gibson.

M. Gordon Gibson (agrégé supérieur de recherches, Fraser Institute): Je vous remercie, madame la présidente.

D'entrée de jeu, je tiens à préciser que M. Campbell ne devrait accepter la responsabilité d'aucun des propos que je tiendrai, même si nous faisons partie du même groupe de témoins. Il s'agit d'une déclaration personnelle.

La présidente: Je vous remercie.

M. Gordon Gibson: Le traité conclu avec les Nisga'as est un très vaste sujet. Je vais me contenter de donner un aperçu des grands principes qui le sous-tendent. Je me suis prononcé par écrit sur les points de détail; d'autres au Fraser Institute se sont également prononcés par écrit sur les points de détail. Pour ceux que la chose intéresse, je vais laisser au greffier du comité quatre de nos publications à titre d'information.

Autre remarque préliminaire: le traité est-il un modèle? Il est non pas un modèle, mais bien plutôt un plancher. Aucun politicien autochtone de la province ne pourra, dans quelque domaine que ce soit, accepter moins que ce que prévoit le traité conclu avec les Nisga'as, sans s'exposer à de grandes difficultés. Le traité a donc une importance qui va bien au-delà des modalités qu'il renferme.

Mes premiers commentaires porteront sur la contribution du traité conclu avec les Nisga'as au processus de réconciliation avec le passé de même que sur ce qu'il laisse entrevoir pour les relations futures.

La réconciliation avec le passé n'est plus un enjeu philosophique; il s'agit désormais d'une question juridique et politique qui fait appel aux droits de propriété et à d'autres droits. Il s'agit d'une question régie par l'arrêt Delgamuukw. Il s'agit d'une question émotive. Elle définit un schéma qui entraînera des transferts massifs de richesses en Colombie- Britannique, et c'est le Canada qui, en bonne partie, en fera les frais.

Avant la conclusion du traité avec les Nisga'as, on évaluait à 10 milliards de dollars le coût du règlement d'une revendication territoriale en Colombie-Britannique. À la lumière du traité conclu avec les Nisga'as, on peut penser que la somme est plutôt de l'ordre de 15 milliards de dollars. Lorsque l'arrêt Delgamuukw fera pleinement sentir ses effets à l'occasion de négociations futures, ce qui n'a pas été le cas pour les Nisga'as, je pense que la facture s'élèvera plutôt à plus de 30 milliards de dollars.

Voilà qui ne manquera pas d'inciter certaines personnes à exercer des pressions pour qu'on rouvre des traités conclus antérieurement au pays ni d'exercer une influence sur les attentes relatives aux règlements au Québec et dans la région de l'Atlantique, où il n'y a pas pour le moment de traités portant sur des revendications territoriales.

Cependant, la question des relations futures revêt ici une importance bien plus grande. Le traité, qui est purement discrétionnaire, n'a pas été orienté par des tribunaux. Je tiens à insister sur ce point, et j'y reviendrai.

Le traité répète les erreurs du passé. Il vient couronner 132 années de politique fédérale déficiente. Le ratifier constituerait une terrible erreur. Les principales erreurs sont les suivantes: traiter les Indiens différemment des autres; établir des gouvernements sur la foi de sociétés ayant des règles d'appartenance strictes; enchâsser dans la constitution un tiers ordre auparavant inconnu; miner en conséquence les valeurs qui sous-tendent la citoyenneté canadienne en réduisant au minimum les relations que certains citoyens entretiennent avec leurs gouvernements et entre eux; et maximiser les relations nécessaires avec les administrations indiennes.

Pour ce faire, on constitutionnalise une structure du pouvoir envahissante qui, à la lumière d'autres expériences, a donné aux gouvernements indiens le moyen de contrôler le peuple, et non l'inverse, et d'établir une structure économique fondée sur la propriété et la gestion collectives de la plupart des biens.

C'est l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 qui est au coeur du problème. En 1867, on vivait dans un monde sexiste et raciste. Les femmes, les Chinois, les juifs et les Indiens étaient tous considérés comme inférieurs. Seuls les Indiens ont eu le malheur d'être «enchâssés» dans la Constitution. En 1999, tous les autres se portent bien. En revanche, la situation des Indiens n'est guère reluisante. Si on peut comprendre que, à l'époque, on singularisait les Indiens en leur réservant un traitement différent de celui d'autres Canadiens, il est inexcusable de le faire encore aujourd'hui.

Le traité conclu avec les Nisga'as est le dernier jalon brillant sur une voie sans issue qui conduit tout droit au malheur.

Les témoignages de l'histoire sont éloquents. Nous avons tenté de traiter différemment les Indiens, mais tous n'ont pas été d'accord. Au dernier recensement, on a dénombré 1,1 million de Canadiens descendant d'Autochtones. Environ le tiers d'entre eux ne s'identifient plus comme tels, et la Commission royale a constaté que les personnes en question se tirent bien d'affaire. Un autre tiers d'entre eux ne vivent pas dans des réserves et se tirent nettement mieux d'affaire du point de vue de l'emploi, de l'éducation, de la santé et de la violence familiale—et autres mesures du genre. Enfin, il y en a un tiers qui vivent dans des réserves.

• 1455

À la lumière de cette expérience, comment peut-on justifier ce qui équivaut à une politique sur les super-réserves, ce qui est précisément le traité conclu avec les Nisga'as? Cette affirmation se fonde sur l'expérience réelle et non sur de simples suppositions. La question fondamentale est la suivante: les Indiens sont-ils des êtres humains ordinaires comme vous et moi, ou sont-ils foncièrement différents? Nous sommes tous différents de par notre culture, notre patrimoine, ou nos dons physiques et mentaux et notre vie matérielle. En conclut-on qu'il faut définir des catégories différentes de citoyenneté ou des droits politiques différents?

Au Canada, nous nous sommes donné une société tolérante et civile. Notre administration et notre régime de droits parviennent à concilier d'énormes différences entre nous, celles qu'on observe entre les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux, les Écossais et les Chinois, les capitalistes et les socialistes, les catholiques et les athées, les homosexuels et les hétérosexuels, les ermites qui vivent dans l'isolement et les Huttériens qui vivent en colonie—autant de différences que transcendent les modes d'administration existants.

En ce qui concerne le traité avec les Nisga'as, pourquoi, à la lumière de la réussite du modèle existant pour les non-Indiens, tenons-nous à créer et à constitutionnaliser un gouvernement indien distinct fondé sur des règles d'appartenance strictes à la société qui sont fonction de l'ethnicité et de l'hérédité? Si vous adoptez le traité conclu avec les Nisga'as, vous devrez répondre à la question que je viens de poser de même qu'à une seconde: comment Martin Luther King et Nelson Mandela qualifieraient-ils cette entente?

Pour justifier des gouvernements indiens distincts, on invoque des motifs théoriques. Premièrement, les Indiens sont si différents du reste d'entre nous qu'ils ont besoin d'un gouvernement distinct. Je rejette cet argument, que je tiens pour un non-sens flagrant. Deuxièmement, on devrait, pour une raison ou pour une autre, réinstituer la forme de gouvernement en vigueur à l'époque du contact avec les Européens. Au cours des 200 dernières années, cependant, les modes de gouvernement ont changé radicalement, et la seule mesure qui se justifie aujourd'hui est l'utilité, et non l'émotion. La création d'un tiers ordre est vue comme une condition indispensable à la préservation d'une culture autochtone.

Je ferai deux commentaires. Aux quatre coins du monde, les huttériens et les juifs auxquels j'ai déjà fait allusion ont préservé leur culture malgré de terribles persécutions. Les cultures indiennes sont-elles moins solides? Fait beaucoup plus essentiel, la préservation d'une culture aux dépens d'autres citoyens—le coût d'une telle attitude est onéreux du point de vue pécuniaire ou, dans le cas qui nous occupe, du point de vue d'autres valeurs canadiennes, comme l'égalité et la non- discrimination raciale—constitue-t-elle un objectif gouvernemental légitime? Pour ma part, je suis d'avis que la préservation de toute culture relève de la responsabilité de ceux qui y adhèrent.

Il importe d'examiner le traité à la lumière de l'objectif et de l'avantage de la dimension collective, la collectivité. On a ici affaire à deux enjeux: la liberté collective et l'économie collective. On peut représenter la question de la liberté collective sous l'angle de petits gouvernements assortis de vastes pouvoirs. Le gouvernement nisga'a aura la mainmise sur un budget de 30 millions de dollars, soit environ 15 000 $ par habitant, c'est- à-dire la quasi-totalité des fonds de trésorerie de la collectivité. Il aura la mainmise sur la quasi-totalité des actifs financiers et tangibles des Nisga'as. Le gouvernement nisga'a ou la société d'État nisga'a aura la mainmise sur la vie quotidienne des citoyens dans des dossiers tels que le logement, l'éducation, l'aide sociale, la santé, le financement particulier des études à l'extérieur, etc.

Les citoyens ont tout à fait intérêt à s'entendre avec un gouvernement si puissant. A-t-on affaire à une administration municipale? Pas du tout.

Lord Acton a dit: le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt de manière absolue. Cela est vrai. Cela n'a rien à voir avec les Nisga'as, ni avec les Indiens ou les Nord-Américains. C'est la nature humaine. C'est pourquoi l'histoire du gouvernement moderne est celle de l'équilibre des pouvoirs. Le traité des Nisga'as renferme de belles paroles à ce sujet, mais les mécanismes d'exécution y font défaut.

En économie, la question de la dimension communautaire, de la collectivité, est très simple. Le traité des Nisga'as confie l'ensemble de la gestion des biens au collectif dirigé par le gouvernement nisga'a. Or, s'il y a une leçon économique qui est universellement acceptée au XXe siècle, c'est que ce système est un échec du point de vue de l'économie comme du point de vue de la liberté. La propriété privée est au coeur même de la saine gestion des affaires et de la productivité. La propriété privée est la condition de base de la liberté. Le traité des Nisga'as n'interdit pas la propriété privée, mais il investit essentiellement toute la propriété dans l'État.

Le règlement des Nisga'as doit prendre la forme d'un bien en nom collectif, mais il pourra bien prendre la forme d'un bien en nom individuel. Et sauf tout le respect que je dois à M. Richardson, aucun tribunal ne pourrait empêcher cela. Le traité peut bien dire ce qu'il dit, et le tribunal prendra appui là- dessus. Et le fait de ne pas prévoir de règlement individuel ou de choix pour chacun des Nisga'as, au moment de savoir s'ils acceptent le règlement et décident de passer à autre chose ou s'ils souhaitent faire partie d'une collectivité... c'est un choix qui n'a jamais été proposé au peuple nisga'a. Et malgré cela, 45 p. 100 seulement des adultes en droit de se prononcer ont exprimé leur accord avec le traité. Il y a bien des gens qui, tout simplement, n'ont pas voté.

Voici la dernière question de principe que je soulèverais: je vous demande d'envisager du point de vue moral le fait de traiter un Canadien différemment d'un autre en droit. Imaginez un nouveau- né qui est comme le reste d'entre nous: les parents socialisent et veillent sur l'éducation de l'enfant, ils lui inculquent des valeurs, les écoles l'instruisent, l'État veille sur les droits de l'enfant, et l'égalité des chances est l'objectif visé. Imaginez maintenant qu'un Indien naît le même jour. Cet enfant est assujetti à un régime juridique différent, à un État qui exerce sur sa vie une influence relativement plus grande et à des stimulants économiques inusités dont on pourrait soutenir qu'ils faussent la donne.

• 1500

C'est la question que j'aimerais que vous envisagiez: quel droit avons-nous, sur le plan moral, d'imposer cela? Dans notre système, les parents peuvent imposer n'importe quel ensemble de valeurs qu'ils souhaitent imposer. Quel droit avons-nous de faire cela?

Enfin, quant au rôle du comité ici présent, les médias semblent s'entendre pour dire que l'affaire est close, que rien ne peut être modifié. C'est, selon moi, raisonner par cynisme ou par résignation intellectuelle. Ce n'est pas juste. Les gouvernements ont agi sans mandat public dans le dossier étatique le plus fondamental qui ait marqué la Colombie-Britannique depuis les 62 années où je suis au monde.

Une des plus illustres conversations de l'histoire de la politique canadienne s'est déroulée en juillet 1984 entre le premier ministre d'alors, John Turner, et M. Brian Mulroney. M. Mulroney a pris à partie M. Turner en l'accusant d'avoir procédé à une série de nominations politiques honteuses à l'instigation du premier ministre Trudeau. M. Turner a écarté l'argument du revers de la main en affirmant qu'il n'avait pas le choix. M. Mulroney a donné la bonne réponse. Il a dit: «Vous aviez le choix, vous aviez le choix de dire "non".» M. Turner avait la cote dans les sondages au début de la campagne électorale, mais le débat en question a sonné le glas pour lui, et il a été emporté par le flot de l'histoire.

Vous avez le choix, messieurs, mesdames, membres du comité. Vous pouvez dire «non». Acquiescez à un règlement honorable des différends du passé, acquiescez à une aide future et à l'égalité des chances, acquiescez à un véritable ordre municipal de gouvernement et à l'ensemble complet des freins et contrepoids, mais refusez une structure gouvernementale distincte pour les Indiens et l'élargissement des différences juridiques entre les Canadiens.

Si vous ne choisissez pas le bon chemin, cela ne nous nuira pas énormément, ni à vous ni à moi, sauf peut-être au moment des prochaines élections. Cela nuira simplement à ces nouveaux-nés canadiens d'origine indienne que votre acquiescement aura marqués au fer rouge de la «différence».

La présidente: Monsieur Campbell, la parole est à vous dès que vous êtes prêt à commencer.

M. Gordon Campbell: Merci.

Il y a beaucoup de choses dont nous pourrions discuter en discutant du traité des Nisga'as, mais j'entends m'en tenir à trois grands points, pour votre gouverne. D'abord, j'aimerais parler un peu du processus qui nous a conduits à l'audience organisée ici aujourd'hui. Ensuite, je veux mettre en lumière l'aspect le plus difficile du traité des Nisga'as, le modèle d'autonomie gouvernementale qui y est proposé. Et enfin, je souhaite affirmer, avec toute la force possible, à quel point il importe, aux yeux de tous les habitants de la Colombie-Britannique, que nous négocions des traités justes et viables qui présentent un caractère certain, définitif et égalitaire.

Le traité des Nisga'as ne répond pas à ces critères fondamentaux. De fait, chacun des membres de mon groupe parlementaire a fait valoir ce dernier point durant le débat tenu sur les principes du traité à l'assemblée législative de la Colombie-Britannique. J'ai apporté des photocopies des exposés de mes collègues, que je déposerai pour qu'ils constituent leurs mémoires officiels à l'intention du comité, puisqu'ils n'ont pas eu l'occasion de venir vous rencontrer en personne.

Un très grand nombre des habitants de la Colombie-Britannique auraient souhaité pouvoir s'adresser à vous tous pour vous dire pourquoi ils sont en accord ou en désaccord avec ce traité historique. Tristement, il y a lieu de se demander si ces audiences ont une quelconque utilité, puisqu'il semble évident que ni mes propos ni ceux d'une quelconque autre personne auront une incidence sur le cheminement du traité au Parlement.

Nos institutions législatives et parlementaires laissent tomber les habitants de la Colombie-Britannique et du Canada. On nous a dit que les dés sont jetés. Un membre du comité a apparemment affirmé que le traité est bouclé, que rien ne sera modifié, malgré les audiences. C'est la même personne qui a dit:

    Nous sommes seulement en Colombie-Britannique parce que le Parti réformiste a une tactique qui consiste à détourner les travaux du comité. Ce petit numéro coûte 500 000 $ aux contribuables.

Quelle arrogance. Quel mépris pour les habitants de la Colombie-Britannique. Quel constat accablant: le gouvernement fédéral a le mépris le plus total pour la filière parlementaire.

Si vous voulez faire savoir aux habitants de la Colombie- Britannique qu'Ottawa n'en a que faire de cette province, voilà bien la façon de procéder. Si vous n'êtes pas ici pour déterminer équitablement si ce traité peut, devrait ou doit être amélioré, alors que faites-vous là? Il semble évident que le gouvernement a décidé de ne pas avoir l'esprit ouvert, tout comme le gouvernement de la Colombie-Britannique a décidé de faire la sourde oreille en mettant fin au débat à notre assemblée législative. Quel lamentable travestissement de la démocratie.

• 1505

Quel que soit le sentiment que nous inspire ce traité, nous méritons tous l'occasion de nous prononcer. À long terme, c'est la seule façon pour nous de rendre les traités viables. Si les traités ne représentent pas une vision commune de réconciliation qui reflète les valeurs canadiennes, ils sont voués à l'échec.

Si nous souhaitons réellement édifier une nouvelle collectivité, il nous faut communiquer. Il nous faut être prêt à mettre nos idées sur la table et à faire confiance aux gens. On ne peut imposer un traité en s'attendant à ce que cela marche. Ni l'un ni l'autre des gouvernements en cause n'a reçu des gens de la province le mandat nécessaire pour faire ce que suppose ce traité.

Les habitants de la Colombie-Britannique ont été écartés de la démarche à toutes les étapes. À commencer par la disposition de non-divulgation qui a permis de soustraire les détails des négociations avec les Nisga'as au regard du public. À partir de ce moment-là, les choses n'ont fait qu'empirer. On a promis aux gens que le gouvernement étudierait sans préjugé toutes les recommandations du Comité provincial des affaires autochtones. Cette promesse n'a pas été respectée. Je vous invite vivement à étudier les recommandations qui ont été formulées, que je dépose aujourd'hui.

On a promis aux gens que les 31 membres du Comité consultatif de négociation du traité auraient l'occasion d'étudier chacun des chapitres du traité avant que celui-ci ne soit parafé. Cette promesse n'a pas été respectée. On a promis aux gens que les revendications qui se chevauchent seraient réglées avant que la dernière main ne soit mise aux traités. La promesse n'a pas été respectée, comme les Gitanyows ont pu vous le dire. On a promis aux gens que leurs élus auraient tout le temps voulu pour poser des questions sur ce traité. Cette promesse faite aux habitants de la Colombie-Britannique n'a pas été respectée non plus.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis fin au débat brutalement avant que même la moitié du traité n'ait été examiné, et, maintenant, le gouvernement fédéral reprend à son compte cette démarche abusive. Comme le gouvernement a appliqué la clôture au débat, les députés de la Colombie-Britannique n'ont pu se prononcer même sur les principes du traité. Cela veut dire que les habitants de la Colombie-Britannique se sont vu refuser même la représentation la plus élémentaire pour ce qui touche un traité qui aura une incidence profonde sur leurs droits, leur province et leur avenir.

À mes yeux, cela nous amène à poser une question assez simple: pourquoi les gouvernements craignent-ils tant ce débat? Il ne semble y avoir que deux raisons possibles: soit qu'ils ne connaissent pas la réponse aux questions qui sont posées, soit qu'ils connaissent la réponse, mais qu'ils veulent la cacher aux gens. D'une façon ou de l'autre, ce n'est pas acceptable.

Je me suis adressé par écrit au gouvernement à plusieurs reprises, et j'ai écrit plusieurs textes pour faire valoir nos préoccupations au sujet du traité, tout cela en vain. Je vais aussi déposer ces documents.

Même aujourd'hui, le public est tenu à l'écart de l'audience. Vous faites comme si de vastes régions de notre province n'existaient pas, comme si elles n'avaient aucune importance. À plusieurs endroits—Peace River, Cariboo, Thompson, Okanagan, Kootenays—, les gens se sont tous vu refuser l'occasion de se prononcer. Aux membres du comité qui ne sont pas originaires de la Colombie-Britannique: vous devriez savoir que chacun des endroits que j'ai nommés est plus vaste que le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Écosse ou l'Île-du-Prince-Édouard. Ils ne doivent pas être oubliés.

N'y être pas allé, ce n'est tout simplement pas correct. Cela nuit énormément au processus. Pour miner la confiance à l'égard de cette entreprise des plus importantes, il n'y a rien de tel que l'esquive et la mise en plan du débat public, que l'escamotage des questions difficiles sous prétexte que le public ne comprendrait pas.

C'est paradoxal. Les Nisga'as sont venus nous voir et nous ont dit: «On nous a écartés de l'affaire. Nous voulons y prendre part.» Et ceux qui prétendent vouloir ouvrir la porte aux Nisga'as, pour que ceux-ci puissent participer, ferment la porte aux habitants de la Colombie-Britannique. C'est déplorable. Ce n'est pas que la génération présente que vous laissez tomber; vous laissez tomber les générations futures en semant l'injustice et l'insatisfaction.

Tout cela se fait à l'envers, et je crois vraiment qu'il importe pour le comité de nous écouter. Les habitants de la Colombie-Britannique sont favorables aux traités. Ils souhaitent des traités qui permettront de concilier les droits constitutionnellement reconnus et protégés des peuples autochtones, d'une part, et la souveraineté de la Couronne, d'autre part. Ils souhaitent négocier un règlement des revendications parce que cela est préférable aux règlements imposés par les tribunaux. Mais tout autant, ils souhaitent avoir des traités pour s'assurer que la loi s'applique également à tous les Canadiens, qu'ils soient autochtones ou non.

• 1510

Les affrontements et les actions illégales ne représentent pas des options légitimes. Les gens de notre province savent que si nous travaillons tous ensemble, nous pouvons et nous devons négocier un règlement équitable et honorable des revendications, mais nous devons le faire ouvertement et honnêtement, sans crainte de récrimination. C'est pourquoi je m'engage à proposer à tous les habitants de la Colombie-Britannique un référendum unique, appliqué à l'ensemble de la province, sur les principes qui serviront à orienter notre mandat de négociation en ce qui concerne les traités à l'avenir.

Soyons clairs: mon gouvernement n'accepterait pas le traité des Nisga'as comme modèle pour la négociation de futurs traités. Nous n'approuverons aucun traité tant et aussi longtemps qu'une tentative n'a pas été faite pour inviter tous les habitants de la Colombie-Britannique à un débat réel sur les principes qui devraient, selon eux, servir de fondement aux traités.

Nous avons de graves réserves quant à plusieurs aspects du traité, dont bon nombre sont exposées dans notre guide «parallèle», que je dépose ici. Nous sommes particulièrement inquiets de l'éventualité que soit instauré ce modèle d'autonomie gouvernementale sans précédent qui sera pour ainsi dire cimenté dans la Constitution canadienne. De fait, les conséquences constitutionnelles de cette partie du traité nous préoccupent à un point tel que nous nous y opposons devant les tribunaux. Cette contestation judiciaire sera lancée tout de go si le traité est adopté sous sa forme actuelle. Je dépose également à l'intention du comité notre demande d'instance à cet égard.

Ce modèle d'autonomie gouvernementale va à l'encontre de la Constitution: le traité des Nisga'as créera de toutes pièces un troisième ordre de gouvernement avec reconnaissance de spécificités et compétences suprêmes sous le régime de notre Constitution. Dans 14 champs de compétences au moins, les lois des Nisga'as auront préséance sur le droit fédéral et provincial; elles auront une supériorité juridique. Aucun autre gouvernement autochtone au Canada n'a cette reconnaissance établie dans la Constitution. Notre Constitution dit que tous les pouvoirs au pays appartiennent à deux ordres de gouvernement seulement, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux; néanmoins, ce traité vise à modifier notre Constitution par la bande. Il enlève même à des Canadiens un droit démocratique, celui de voter.

Les habitants non nisga'as seront assujettis aux lois des Nisga'as et se verront refuser à jamais leur droit constitutionnel le plus fondamental, le droit d'élire le gouvernement qui régira leur vie. C'est l'antithèse de la société canadienne, et ce n'est pas du tout une façon d'édifier des relations nouvelles avec les Premières nations. Les habitants de la Colombie-Britannique n'arrivent pas à comprendre pourquoi le gouvernement fédéral semble reconnaître cela, bien qu'il ait insisté sur un modèle public d'autonomie gouvernementale pour le Nunavut, pour que chacun ait un droit de vote égal. Pour réparer les vieilles injustices, il ne faut pas en créer des nouvelles—c'est l'égalité qui est la réponse. On ne guérit pas le mal par le mal.

Nous appuyons vivement la notion d'autonomie gouvernementale pour les Autochtones, mais nous avons foi dans un modèle d'autonomie gouvernementale qui procède par délégation à partir des lois fédérales et provinciales. C'est le modèle dont s'est servi le gouvernement fédéral il y a à peine quelques années pour régler les revendications au Yukon. Les 14 Premières nations du Yukon auront un modèle de gouvernement délégué qui concorde avec notre Constitution, un peu comme le modèle de la bande sechelte en Colombie-Britannique.

Pourquoi diable créer de toutes pièces un troisième ordre de gouvernement pour une Première nation dans une province, avec une reconnaissance et des droits constitutionnels particuliers qui ne sont pas offerts à toutes les Premières nations? Pourquoi le gouvernement nisga'a et peut-être 50 ou 60 autres gouvernements autochtones en Colombie-Britannique auraient-ils une reconnaissance et des droits constitutionnels particuliers que nous n'accordons même pas au Québec? Le modèle nisga'a d'autonomie gouvernementale a été expressément rejeté par la majorité des Canadiens, y compris la majorité des Canadiens autochtones, dans le référendum sur l'Accord de Charlottetown. Pourquoi la Colombie-Britannique devrait-elle servir de cobaye dans cette expérience sans précédent que mène le gouvernement et qui sera inscrite à jamais dans la Constitution?

Pour que les traités portent fruit, il faut qu'ils présentent un caractère certain, définitif et égalitaire. J'ai déjà dit en quoi le critère d'égalité ne serait pas respecté. Les personnes non nisga'as assujetties aux lois des Nisga'as ne seront pas des citoyens égaux. Les femmes nisga'as n'auront pas de protection adéquate de leurs droits inscrits dans la Charte. La Charte elle-même donne au gouvernement nisga'a les moyens de d'écarter tout droit individuel qui ne concorde pas avec les droits et pouvoirs issus du traité.

• 1515

Le principe d'égalité est miné de tous les points de vue. Le traité aura pour effet d'inscrire à jamais un droit de pêche commercial particulier qui repose uniquement sur l'ethnie. Ce n'est pas de l'égalité; c'est de la discrimination. La primauté du droit ne sera pas appliquée de manière égale à tous les citoyens de la Colombie-Britannique, là où les lois des Nisga'as peuvent avoir préséance sur les lois fédérales ou provinciales. Par ailleurs, les habitants de la Colombie-Britannique n'auront pas droit à un traitement égal à l'intérieur du Canada. Nous serons les seuls à avoir un troisième ordre de gouvernement autochtone, ce qui n'existe dans aucune autre province.

Le traité n'a pas non plus de caractère certain et définitif. Il y a encore 52 domaines où les négociations sont en cours ou sont à venir. Si l'une quelconque des autres Premières nations négocie un traitement fiscal plus favorable dans son traité, les Nisga'as peuvent insister pour renégocier afin d'obtenir la même chose.

Fait encore plus important peut-être, les décisions récentes des tribunaux devraient nous inciter à nous arrêter pour réfléchir à ce que peut signifier chacun des mots du traité. La décision rendue dans l'affaire Marshall laisse voir que même les traités qui semblent parfaitement clairs, en surface, peuvent faire l'objet d'une réinterprétation radicale devant les tribunaux. Nous serions donc bien avisés de nous assurer de la signification des traités avant de les couler dans le bronze de la Constitution.

Pratiquement tous les paragraphes du traité des Nisga'as peuvent être à l'origine d'un embrouillamini juridique, à moins que nous prenions dès maintenant le temps de répondre à toutes les questions possibles concernant la signification des termes qui sont utilisés. C'est pourquoi mes collègues et moi-même avons déployé tant d'effort pour analyser chacun des paragraphes à l'étape de l'étude en comité à l'assemblée législative de la Colombie- Britannique. De toute façon, les tribunaux ont besoin des consignes du législateur—de nous tous, de vous tous—quant au sens que nous prêtons à ce document historique qui sera protégé par la loi fondamentale de notre pays.

Regardons par exemple l'article 30 du chapitre sur l'autonomie gouvernementale. Cet article crée des obligations constitutionnelles pour le gouvernement provincial: répondre à quatre critères avant de pouvoir même modifier ses propres lois. C'est imposer à la province un fardeau incroyable de consultation et d'administration qui ne fera que créer encore de l'incertitude. L'incertitude qui existe maintenant en ce qui concerne les droits autochtones mal définis se transposera pour ainsi dire dans la nouvelle incertitude que font naître ces droits nouvellement définis dans le traité des Nisga'as. Si cela est reproduit 50 ou 60 fois dans d'autres règlements, il en résultera un cauchemar bureaucratique sans fin. Ce sera brutal.

Que penseront les autres provinces du fait de se voir imposer ce modèle d'autonomie gouvernementale avec les obligations et les droits particuliers que cela comporte? Un jour, dans un avenir assez proche, les autres provinces se réveilleront et verront rouvert le dossier des traités numérotés qui s'appliquent à elles. Les responsables fédéraux verront que les droits constitutionnels de leurs citoyens seront compromis et minés avant même qu'ils ne le sachent. Peut-être alors les préoccupations que je soulève aujourd'hui deviendront-elles pertinentes aux yeux du reste du Canada.

Mieux encore, je vous invite vivement à prêter oreille aux préoccupations que nous avons, moi-même et d'autres, exposées ici, et à lire les documents qui font partie de notre dossier. Je vous invite vivement à étudier avec soin la signification réelle de ce traité pour la Colombie-Britannique et pour notre pays. Je vous invite vivement à envisager la possibilité que les auteurs de ce traité, si bonnes qu'aient été leurs intentions, se soient trompés. Si c'est le cas, n'est-il pas votre devoir d'en repérer les lacunes et d'insister pour les corriger avant que le traité n'ait force de loi?

J'avancerai que si l'un quelconque d'entre nous manque à ce devoir, il manque à sa fonction, il manque à son devoir envers lui- même, envers son pays, envers notre province. Nous avons besoin de traités qui présentent un caractère certain, définitif et égalitaire. Nous avons besoin de traités qui respecteront les droits existants des Premières nations sans créer d'autres droits qui viendront diviser en permanence les habitants de la Colombie- Britannique et qui susciteront des tensions et des injustices nouvelles.

Nous avons besoin de traités qui protégeront les droits de tous les Canadiens sans céder le droit de vote ni inscrire dans la constitution une sorte de discrimination à rebours. Tout au moins, nous devons nous assurer, hors de tout doute raisonnable, que les traités sont constitutionnels. Nous devons nous assurer qu'ils situent la réconciliation dans une vision commune qui répond au critère fondamental de la démocratie.

Je vous demande donc aujourd'hui d'avoir l'esprit ouvert et de travailler de concert avec les habitants de la Colombie-Britannique pour construire des traités qui reflètent les valeurs fondamentales que nous chérissons en tant que Canadiens. Merci.

Des voix: Bravo!

La présidente: Merci à vous deux, messieurs Campbell et Gibson.

Nous commencerons la série de questions. Je cède la parole à M. Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier les deux Gordon de l'exposé éloquent qu'ils nous ont présenté. Je me demande simplement s'il existe d'autres Gordon. Cela doit être le mot magique aujourd'hui, comme en témoignent les exposés qui nous ont été présentés.

Je vais vous poser une question, monsieur Campbell, et puis mon collègue Mike aimerait en poser une aussi avant que vous nous donniez la réponse.

• 1520

Vous avez tous deux fait allusion à cela dès le départ: le gouvernement entend-il vraiment écouter les gens et changer quoi que ce soit? Je crains que non.

Je crois que c'est très probable, et j'espère que vous serez notre prochain premier ministre provincial. Et les gens sont nombreux à être d'accord avec moi là-dessus. Nous constatons les préoccupations exprimées par un grand nombre de voisins autochtones, par exemple les Gitanyows, et leurs conflits. Il y a possibilité de violence, une possibilité très réelle, qui a été évoquée devant le comité il y a quelques jours. Vous allez devoir traiter avec les répercussions de cette décision.

Vous avez répondu à un grand nombre de mes questions en parlant de la façon dont vous envisagez les traités, et ils sont très importants pour régler cela. Je suis d'accord avec vous là- dessus. Mais nous allons devoir composer avec certaines des répercussions, et vous allez probablement être le premier ministre qui sera chargé de cette responsabilité. Comment procéderez-vous?

Avant de répondre, veuillez écouter mon collègue, qui aimerait vous poser une question.

M. Mike Scott: C'est une question que je poserai très rapidement à M. Gibson.

Monsieur Gibson, j'aimerais que vous parliez au comité des conséquences nationales du traité des Nisga'as. Je crois que la discussion n'a pas beaucoup porté là-dessus depuis quelques jours, mais je crois que vous avez certaines idées là-dessus aussi.

La présidente: D'abord, M. Campbell répondra à la première question, puis, une fois qu'il aura fini, M. Gibson pourra répondre à la deuxième.

M. Gordon Campbell: Il est très important que chacun se rappelle le fait que nous ne pouvons réussir en négociant dans un climat d'intimidation, et que nous refusons de le faire. Les lois existent pour nous protéger tous, et nous avons l'intention de nous assurer que tous le savent, d'un côté de la table comme de l'autre, chez les Autochtones et les non-Autochtones.

La chose la plus importante que nous devrions retenir en tant que Canadiens, c'est que la loi existe pour protéger tous les Canadiens, et que la loi sera appliquée. Franchement, quiconque menace de recourir à la violence s'engage dans une direction tout à fait opposée à celle que nous cherchons à emprunter avec la négociation du traité, pour nous assurer que nous pouvons progresser.

Certes, je compatis avec les Gitanyows. Comme je l'ai déjà dit, on nous a dit que la question des droits qui se chevauchent serait réglée. Cela n'a pas été le cas. Les Gitanyows ne sont pas la seule Première nation qui se préoccupe du traité des Nisga'as. Ce n'est pas la seule collectivité qui s'en soucie.

Nous allons appliquer la loi. Nous allons créer, j'espère, un contexte propice à l'ouverture et à l'honnêteté. Je reconnais le fait qu'il s'agit ici de décisions difficiles qu'il faudra tout de même prendre, mais nous n'allons tolérer aucune activité violente, et nous n'allons pas mener les négociations dans un climat d'intimidation.

La présidente: Monsieur Gibson, à votre tour.

M. Gordon Gibson: À la question de M. Scott concernant les conséquences nationales du traité des Nisga'as, je donnerai une réponse en deux parties.

Une partie du Québec, presque tout l'Ontario et la plupart des provinces des Prairies sont régis par des traités. La Cour suprême du Canada a fait valoir avec une vigueur certaine la notion d'honneur de la Couronne. Dans l'affaire Marshall, il y a d'ailleurs eu une façon imaginative, expansive, absurde de caractériser l'honneur de la Couronne.

Je crois que nous allons découvrir que cela motivera les bandes indiennes qui sont touchées par les traités existants à dire: «Ces ententes conclues il y a 100 ans sont tout simplement déraisonnables compte tenu de l'arrêt Delgamuukw et des règlements intervenus en Colombie-Britannique, et il faut simplement rouvrir cela pour satisfaire l'honneur de la Couronne». Et je parle des cas où il existe déjà des traités.

Dans la plupart des provinces de l'Atlantique, il existe des traités, mais ceux-ci ont tendance à être des traités de paix et d'amitié, plutôt que des traités fonciers. Dans une bonne part du Québec, particulièrement la partie est du Québec, il n'y a pas de traités qui viennent régler les revendications territoriales. Dans ces régions, vous allez voir que les traités de la Colombie- Britannique serviront très directement de précédent. Cela se rapporte donc très directement à d'autres régions du Canada.

La présidente: Il vous reste 20 secondes si vous voulez continuer.

M. Gary Lunn: Je m'en tiendrai là. Merci, madame la présidente.

[Français]

La présidente: Monsieur Fournier, veuillez commencer.

M. Ghislain Fournier: Puisque le temps presse, je ne ferai pas de préambule.

Monsieur Gibson, est-il possible que vous envisagiez la notion des droits collectifs? Est-ce vraiment impossible dans tous les cas? Si c'est impossible, que fait-on des jugements de la Cour suprême qui reconnaissent ces droits? Est-ce que vous pouvez répondre à cette question?

• 1525

[Traduction]

M. Gordon Gibson: C'est une question tout à fait fondamentale, une question très importante, car l'histoire du Canada est en fait celle d'un équilibre entre les droits individuels et collectifs recherchés au fil des ans. Étant originaire de la province de Québec, vous en serez tout à fait conscient—de ces droits collectifs que ressentent les Québécois de former un peuple, d'être eux-mêmes.

Dans d'autres secteurs de l'économie, cela se manifeste de façons beaucoup plus modestes. Nous reconnaissons, par exemple, les droits collectifs des syndicats de travailleurs. Nous disons que c'est là une institution qui possède des droits collectifs, et cela a une valeur réelle.

Le critère pertinent, selon moi, c'est de s'assurer que dans tous les cas où des collectivités sont établies pour des fins précises, elles existent pour servir leurs membres, plutôt que pour acquérir une puissance telle qu'elles contrôlent leurs membres. C'est ce qui m'inquiète à propos du genre de gouvernement indien qui serait établi dans le cas du traité des Nisga'as.

La présidente: Monsieur Fournier.

[Français]

M. Ghislain Fournier: Monsieur Campbell, vous avez établi l'importance de ce traité pour la Colombie-Britannique et énoncé trois grands principes: un traité qui est sûr, certain et égal. Vous vous êtes permis, à bon droit, de citer le Québec en exemple. Avant de vous poser ma question, je vais vous dire que le Québec, sous un gouvernement de M. René Lévesque du Parti québécois, avait d'abord reconnu l'existence d'un peuple et le principe de l'égalité.

Je vais vous poser une question à deux volets. Si vous étiez membre du gouvernement, comment envisageriez-vous les négociations? Comment régleriez-vous ce dossier, en parlant d'égal à égal, en vue d'en venir à un traité sûr et certain? Si je suis dans l'erreur, veuillez me corriger, mais il me semble que les négociations ont réduit les terres des Nisga'as de 100 p. 100 à 8 p. 100. Est-ce que vous les réduiriez davantage? Est-ce cela, un traité égal, sûr et équitable? Je me pose vraiment cette question, monsieur Campbell. D'après vous, aurait-on pu leur laisser encore moins que 8 p. 100 de leurs terrains?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Campbell, à vous.

M. Gordon Campbell: Je ne crois pas que l'attribution des terres reflète l'égalité ou l'inégalité. Je crois que cela reflète la négociation qui a eu lieu. L'élément critique du traité des Nisga'as pour ce qui touche l'autonomie gouvernementale, toutefois, c'est qu'il établit sans équivoque de nouvelles inégalités qui seront inscrites dans la Constitution. Cela sera coulé à jamais dans le bronze de la Constitution.

Les pourparlers sur l'attribution des terres se poursuivent. Évidemment, il y a eu compromis. Cela faisait partie des négociations. Mais la question fondamentale de cette négociation et la lacune fondamentale de ce traité, c'est qu'il divise en deux groupes les habitants de la Colombie-Britannique. Il crée de toutes pièces un troisième ordre de gouvernement ayant des droits spéciaux qui ont préséance absolue sur les lois fédérales et provinciales, et qui enlèvent à des Canadiens le droit d'élire le gouvernement qui régit leur vie. Cela représente à mes yeux un vice fondamental, une lacune fondamentale du traité des Nisga'as.

[Français]

La présidente: Désirez-vous poser une autre question? Non.

[Traduction]

Madame Hardy.

Mme Louise Hardy: Vous avez parlé des revendications territoriales au Yukon. Il y a là des gouvernements des Premières nations qui réglementent leur propre vie grâce à l'autonomie gouvernementale. Si je me trouve sur le territoire des Gwich'in, je dois obéir à leurs lois. Le Yukon ne s'effondre pas pour autant, nous pouvons fonctionner en sécurité, mes droits ne sont pas bafoués. Si les gens là ne veulent pas d'exploitation du pétrole et du gaz naturel dans les zones de mise bas du caribou, ils peuvent refuser cela. C'est une décision fondamentale pour eux, car, à leurs yeux, le caribou vaut son pesant d'or.

Vous vous dites favorable à l'autonomie gouvernementale, mais seulement dans la mesure où cette autonomie gouvernementale prend la forme que vous croyez être la bonne. La notion d'autonomie gouvernementale repose entièrement ici sur le fait que les Nisga'as ont décidé d'avoir des biens en nom collectif, et c'est là leur décision. Si nous respectons vraiment l'autonomie gouvernementale, il faut alors leur permettre de déterminer cela à l'avance. Ils assimilent peut-être la liberté au fait d'avoir cette propriété collective, alors que M. Gibson associe égalité et propriété privée. C'est donc le désaccord fondamental dont il est visiblement question ici.

• 1530

Tout ce que vous avez dit m'a convaincu à quel point il est encore plus important pour moi d'appuyer ce traité, pour que ces gens puissent aller de l'avant et s'autodéterminer, et se prendre en charge.

La présidente: Monsieur Campbell.

M. Gordon Campbell: Permettez-moi simplement de dire qu'au Yukon, si je ne m'abuse, il n'y a pas d'autonomie gouvernementale protégée par l'article 35.

Même le gouvernement fédéral, au moment de l'instaurer, a laissé entendre qu'il s'agissait d'une autonomie gouvernementale de style municipal. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas cela.

Ce que nous devrions reconnaître, à mon avis, c'est qu'avec le pouvoir d'administration délégué des gouvernements fédéral et provinciaux, il est possible pour les gens en question de prendre ces décisions. Je suis heureux qu'ils prennent ces décisions.

Ce qu'il nous faut comprendre, à mon avis, c'est qu'une fois cela adopté, ce sera adopté pour de bon. Le gouvernement fédéral lui-même a fait valoir cela dans le cas des traités du Yukon. Je fais valoir la même chose dans le cas des habitants de la Colombie- Britannique. Pour être franc, je ferais valoir la même chose pour les Nisga'as.

Si les femmes nisga'as qui ont peur de ce qui se passe et de ce qui pourrait arriver à leurs droits ont raison, nous ne pourrons aucunement améliorer les choses une fois le traité adopté et inscrit dans la Constitution. Si les familles chez les Nisga'as nourrissent à juste titre certaines réserves à ce sujet, nous ne pourrons aucunement améliorer les choses par la suite.

Alors, nous disons: l'autonomie gouvernementale, nous y sommes favorables. Donnons au peuple nisga'a une administration municipale par délégation de pouvoir, un véritable gouvernement par délégation, et cela vaudra mieux pour lui à long terme. Il aura l'autodétermination voulue, mais nous serons en bonne posture pour améliorer et corriger les choses s'il existe des lacunes fondamentales.

Mme Louise Hardy: En ce qui concerne la Constitution, l'entente des Nisga'as jouit d'une plus grande souplesse que l'entente du Yukon en tant que territoire, car pour devenir une province, il nous faut le consentement de huit autres provinces. Ce n'est pas le cas du peuple nisga'a. Il est protégé par la Constitution, mais il n'est pas inscrit dans la Constitution, ni n'en est exclu même comme le Yukon.

M. Gibson a affirmé que le gouvernement des Premières nations est intrinsèquement corrompu et que l'argent qui lui sera transféré lui donnera un pouvoir incroyable. Grâce à l'accord sur les transferts au Nord, les administrations territoriales obtiennent, sous forme de paiements de transfert, environ 500 millions de dollars. Je peux vous affirmer moi-même que le gouvernement du Yukon est extraordinairement responsable. Si les gens du Yukon ne sont pas satisfaits, ils peuvent lui faire prendre la porte en deux temps trois mouvements. Je ne vois pas en quoi le transfert de sommes aux gouvernements représente une corruption en soi.

M. Gordon Gibson: Moi non plus. Encore une fois c'est une question d'échelle et d'équilibre des pouvoirs.

D'abord, les gouvernements territoriaux ne sont pas inscrits dans la constitution. Ce sont des créations d'Ottawa, et Ottawa peut révoquer leurs pouvoirs à n'importe quel moment.

Ensuite, les gouvernements territoriaux n'ont pas une telle incidence sur la vie des citoyens individuels qu'ils peuvent contrôler le vote de ces citoyens, s'ils souhaitent le faire. Par ailleurs, la tradition de liberté de la presse est beaucoup plus forte à Whitehorse et à Yellowknife—et, nous le verrons, dans le nouveau territoire—que dans la réserve indienne moyenne, où les réunions se déroulent, traditionnellement, à huis clos.

Nous ne savons pas comment les Nisga'as entendent procéder à cet égard. Bien sûr, ils ont une Constitution, et ils ont tous les pouvoirs nécessaires pour convoquer une réunion. Mais il existe de nombreux freins et contrepoids institutionnels prévus par ailleurs. C'est donc la question de l'échelle qui me préoccupe, et je ne vois pas ces freins et contrepoids dans le traité des Nisga'as.

La présidente: Monsieur Keddy, à vous.

M. Gerald Keddy: Merci, madame la présidente. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos invités.

M. de Jong et moi-même avons eu l'occasion de tenir ce débat à Ottawa pendant deux heures et demie environ. Cela s'est révélé très enrichissant pour les deux parties, j'espère.

Je dois dire que je suis en désaccord avec plusieurs des déclarations faites ici, et je crois que l'Accord définitif nisga'a ne se prête pas à une telle interprétation pour qui en fait une lecture attentive.

Un grand nombre de questions sont en jeu ici, et je vais essayer de traiter de quelques-unes d'entre elles et de poser des questions aux témoins.

On a parlé de la «réserve indienne moyenne». L'idée, justement, c'est que les terres des Nisga'as ne représentent plus la réserve indienne moyenne. L'idée de tout cela, c'est de soustraire les Nisga'as à la Loi sur les Indiens—on ne dirait certainement pas qu'ils ne seraient plus «sous l'égide de...», car c'est différent—, de prévoir l'autonomie gouvernementale et de permettre à la nation nisga'a de réellement progresser.

• 1535

J'ai noté plusieurs points, et je ne sais pas très bien quoi en faire. Il y en a simplement trop.

Parlons d'argent. M. Gibson a répété que cela coûterait, selon eux, 10 milliards de dollars, puis 15 milliards, jusqu'à 20 milliards, peut-être 30 milliards ou au-delà de 30 milliards pour régler les traités avec les Indiens en Colombie-Britannique. Si cela coûte bel et bien 30 milliards de dollars, c'est une somme incroyable. C'est une question dont tous les Canadiens devraient se soucier.

Nous devrions nous soucier aussi des paiements de transfert qui sont versés en ce moment même aux Premières nations. Nous consacrons 6 milliards de dollars par année au ministère des Affaires indiennes et du Nord, et 3,6 milliards ou 3,8 milliards de dollars qui vont directement aux Premières nations. Nous dépensons de l'argent, mais les résultats ne sont pas là. Il faut changer un élément de l'équation.

Il y a une façon de changer l'équation: c'est l'habitation. Le pouvoir de rendre les gens responsables d'eux-mêmes. La possibilité, pour les gens, de saisir les occasions économiques qui se présentent.

Lorsque nous agissons ainsi, en tant que parlementaires, en tant que membres d'une assemblée législative provinciale, en tant que membres d'une municipalité ou en tant qu'élus, nous avons la responsabilité de protéger les droits d'autrui, et ce traité a aussi permis de faire cela. Il a permis de protéger les droits des non-Autochtones.

Je ne suis pas du tout d'accord pour dire qu'il y aura des gens qui n'auront pas le droit de vote, qui seront imposés sans être représentés. Comme je l'ai expliqué ce matin, nous avons déjà au pays un impôt sans représentation, avec des gens qui n'ont pas le droit de voter.

Bon, M. Campbell a expliqué très... et j'ai remarqué qu'il a ajouté «Canadiens» à ce qu'il a dit. C'est vrai. Mais nous avons des résidents permanents, qui n'ont pas du tout l'intention de vivre ailleurs qu'au Canada, et qui n'ont pas le droit de vote. Et nous imposons leurs revenus.

Le fait est que, sur le territoire des Nisga'as, la politique fiscale fonctionne très clairement. Le gouvernement nisga'a contrôle les terres nisga'as de la même façon que toute municipalité contrôle ses terres. Il a le droit de taxer les Nisga'as. Il n'a pas le droit de taxer les autres personnes. Les non-Autochtones qui habitent en ce moment en territoire nisga'a ne seront pas imposés par les Nisga'as. Ils continueront à verser leur impôt à la province de la Colombie-Britannique. Ils sont même protégés au point où ils possèdent les emprises des routes qui conduisent à leurs parcelles de terrain.

Les non-Nisga'as sont donc protégés sur toute la ligne. Si jamais le terrain nisga'a est vendu à un non-Autochtone, les Nisga'as renoncent au droit de percevoir des impôts. Ils renoncent à ce droit.

J'aimerais obtenir quelques réponses à ce sujet.

La présidente: Monsieur Campbell, à vous.

M. Gordon Campbell: Permettez-moi simplement de dire, au sujet des coûts de ce traité, cela me semble assez incroyable que nous ne soyons pas encore fixés. Je vous dirais, monsieur, que vous ne connaissez pas le coût du traité. Les négociateurs fédéraux ne connaissent pas le coût du traité, ou c'est qu'ils ne nous ont pas révélé le coût du traité. Le gouvernement provincial ne nous a pas révélé le coût du traité.

L'idée de conclure une entente sans en connaître les coûts à long terme n'a, il me semble, pas beaucoup de sens. Le négociateur en chef du fédéral nous a dit que 75 p. 100 des coûts du gouvernement nisga'a seront encore assumés par le Canada dans 15 ans.

Ce n'est pas à ce moment-ci que la Loi sur les Indiens sera supprimée. La Loi sur les Indiens continuera de s'appliquer à tous les Nisga'as qui n'habitent pas dans une réserve. Le débat que nous avons eu a permis un peu de faire ressortir tout cela, mais une des choses que nous voulons, c'est que chacun des articles du traité fasse l'objet d'un débat, pour que nous puissions avoir accès à toute l'information.

Je comprends tout à fait que nous puissions être en désaccord, vous et moi, une fois que nous aurons étudié tous les faits, mais permettez-moi de vous dire que les Canadiens n'ont pas encore accès à tous les faits. Les habitants de la Colombie-Britannique non plus. En fait, les faits ont été occultés, et ce, à dessein.

• 1540

Une des régions de notre province où vous n'irez pas, c'est celle de l'Okanagan. Nous avons un document sur l'Okanagan qui précise que, si ce traité est adopté, ce genre de processus, ce genre de politique publique aura une incidence directe sur 1 000 fermes dans l'Okanagan.

Je crois que nous devrions savoir ces choses avant de prendre de telles décisions, car une fois la décision prise, une fois le traité intégré à la Constitution, il est pour ainsi dire coulé dans le bronze.

La présidente: Votre temps est écoulé, monsieur Keddy.

Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

Vous avez parlé du Nunavut, et je vais devoir vous corriger là-dessus. Nous n'avons pas l'autonomie gouvernementale au Nunavut, pour commencer, et le gouvernement fédéral n'a pas insisté pour que ce soit un modèle public d'autonomie gouvernementale. Le gouvernement territorial est donc tout à fait distinct de l'entente de règlement des revendications territoriales sur laquelle j'ai un droit de vote, en tant que bénéficiaire du Nunavut.

J'espère bien que le reste de vos renseignements sur les Nisga'as sont plus exacts.

Lorsque vous parlez des ententes des Nisga'as et des droits des gens, je crois que vous avez tendance à oublier le fait que les Nisga'as ont pris part aux négociations, qu'ils ont décidé d'accepter l'entente. Ils ont négocié cela pendant de nombreuses années, de bonne foi, et ils l'ont acceptée. Ils ont fait des compromis, mais ils estimaient qu'ils pouvaient vivre avec cet accord, pour l'avenir des Nisga'as.

Vous semblez en parler comme s'ils n'avaient joué aucun rôle dans les négociations. Il me semble que vous savez mieux que les Nisga'as ce qui est bon pour eux, alors qu'ils ont pris eux-mêmes la décision d'accepter cette entente.

Ma question est la suivante: quelle solution de rechange proposez-vous à cette entente, pour les Nisga'as?

Merci.

La présidente: Monsieur Campbell.

M. Gordon Campbell: Permettez-moi de dire d'abord que les Nisga'as ont été très actifs et très patients dans les négociations. Les Nisga'as ont été appelés à dire s'ils étaient d'accord ou non avec cela, et c'est une chose que je respecte. Tout ce que je demande, c'est que les habitants de la Colombie-Britannique, ceux qui ne sont pas nisga'as, qui seront touchés directement par cela, aient la même occasion de se prononcer. Je demande que les Autochtones qui habitent la Colombie-Britannique et qui estiment que ce traité leur nuit aient aussi l'occasion de s'exprimer. Je demande que tout le reste de la Colombie-Britannique ait l'occasion de s'exprimer et d'être entendu.

De fait, j'estime que le modèle que les Nisga'as ont suivi en est un que nous pourrions imiter. Ils sont allés voir les gens eux- mêmes et leur ont demandé ce à quoi le mandat devrait ressembler. Ils ont fait approuver leur mandat par les gens eux-mêmes. Au terme de la négociation, ils sont retournés voir les Nisga'as et ont dit: «Est-ce bien cela? Avons-nous fait les bons choix?»

Je lève mon chapeau aux Nisga'as pour le travail qu'ils ont accompli et, de ce point de vue, je crois que nous avons laissé tomber ceux qui ne sont pas nisga'as. Nous n'avons pas inclus dans la démarche la population de la Colombie-Britannique.

Mme Nancy Karetak-Lindell: J'imagine que vous parlez du référendum.

M. Gordon Campbell: Ce serait une façon de le faire.

Mme Nancy Karetak-Lindell: D'accord. Je sais qu'on en a discuté quelque peu ce matin.

J'ai de la difficulté à saisir comment une personne qui ne comprend pas une culture et une langue particulières a le droit de voter pour déterminer si l'autre a le droit d'utiliser sa culture et sa langue dans sa propre collectivité. J'ai de la difficulté à comprendre comment un référendum serait dans l'intérêt des Nisga'as.

Ce que vous demandez, c'est qu'un groupe de gens qui ne comprennent visiblement pas les Nisga'as et leur culture se prononcent sur une chose qui appartient aux Nisga'as. C'est la façon dont je vois les choses, tout au moins, avec ce référendum provincial que vous demandez.

M. Gordon Campbell: Nous proposons qu'il y ait un référendum provincial sur les principes sous-tendant tous les traités et non pas simplement le traité des Nisga'as.

• 1545

Croyons-nous que les traités devraient refléter le principe d'égalité? Les habitants de la Colombie-Britannique souhaitent-ils créer de toutes pièces un troisième ordre de gouvernement qui pourra adopter des lois ayant préséance sur les lois fédérales et provinciales? Ce sont là des questions légitimes que nous devrions, selon moi, pouvoir poser aux citoyens dans une démocratie. Nous devrions les inviter à participer à un tel débat. Nous pouvons arriver à la table avec ce mandat, tout comme les Nisga'as sont arrivés à la table avec leur mandat.

Ce faisant, par la négociation et par le résultat que nous atteignons, je crois que l'entente conviendra à tous.

Nous n'avons pas inclus la population de la Colombie- Britannique. Comme vous le savez peut-être, la Colombie-Britannique a une loi sur l'approbation des modifications constitutionnelles. Selon cette loi, avant que nous puissions modifier la Constitution, les habitants de la Colombie-Britannique doivent être appelés à déterminer s'ils y sont favorables ou non.

Ce que je sais, et ce que le comité sait aussi, selon moi, c'est que la seule fois où la population de la Colombie-Britannique a été appelée à répondre à cette question, elle a rejeté l'établissement d'un troisième ordre de gouvernement inscrit dans la Constitution.

La présidente: C'est tout le temps que vous avez, madame Lindell.

Nous pouvons accorder cinq minutes de plus au Parti réformiste, et cinq minutes, au gouvernement, si vous le voulez bien.

Monsieur Lunn, voulez-vous prendre la parole?

M. Gary Lunn: Certainement. Merci, madame la présidente.

J'ai écouté les questions posées, assis ici, toute la journée, et j'ai écouté tous les députés. Malheureusement, je ne vois pas une seule personne qui serait vraiment prête à retourner en arrière et à apporter des modifications. De fait, je mettrais ma réputation en jeu là-dessus. Je serai entièrement et absolument abasourdi si un seul mot dans ce document ou cette loi est changé.

Cela dit, j'ai écouté M. Gibson affirmer avec beaucoup d'éloquence qu'il s'agit, en fait, non pas d'un modèle, mais plutôt d'un plancher. C'est un défi que devront relever les gouvernements subséquents. Comme vous le savez, il y a encore de nombreux traités à conclure en Colombie-Britannique.

J'ai étudié le modèle des Maoris en Nouvelle-Zélande. Ce que les gens ont fait là avec leurs Autochtones m'a beaucoup impressionné. Essentiellement, le gouvernement a dit: Bon, il y a 600 ou 700 millions de dollars—j'oublie le chiffre exact—, voici le pot. Nous avons dix ans pour régler toutes ces revendications territoriales et, au bout du compte, tout le monde sera visé par le principe d'égalité, essentiellement comme M. Campbell l'a dit.

Il y a eu une certaine résistance, mais au bout du compte, l'exercice a été un franc succès. Lorsque j'ai parlé aux Maoris là- bas, la première chose qu'ils m'ont dite, c'est: «Je suis néo- Zélandais et très fier de l'être.» Le seul droit qu'ils ont à l'inverse de n'importe quel autre néo-Zélandais, c'est le droit de pêcher à des fins cérémoniales ou pour eux-mêmes. Par ailleurs, ils n'ont pas de reconnaissance particulière, et ils se sont très bien débrouillés.

Comment progresser en essayant de négocier le règlement du reste de ces revendications territoriales? Comment faire cela avec l'entente des Nisga'as qui sert de modèle? Pouvons-nous aborder les 49 autres cas en disant: eh bien, ça existe, et ce n'est pas ce que nous aurions fait; c'est nous qui gouvernons maintenant, mais voici notre nouveau modèle? Pouvons-nous revenir sur nos pas pour corriger l'entente des Nisga'as? Est-ce possible?

Le traité présente certains aspects qui sont bons, mais il comporte aussi certaines lacunes fondamentales, comme vous l'avez fait remarquer, en ce qui concerne les dispositions touchant l'autonomie gouvernementale.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.

M. Gordon Campbell: Eh bien, en attendant le résultat de la cause portée devant les tribunaux concernant l'autonomie gouvernementale et le fait d'enlever aux gens le droit d'élire le gouvernement qui va régir leur vie, je ne crois pas qu'il sera très facile de corriger les défauts du traité des Nisga'as une fois le fait accompli. De fait, je crois que cela ne se fera pas.

Comme l'a déjà dit Alex MacDonald, ancien procureur général néo-démocrate en Colombie-Britannique, une fois ce traité adopté, il est coulé dans le béton constitutionnel.

Est-ce dire que c'est ce que nous avons pour de bon, pour tous les autres endroits? Non. Je crois que nos gouvernements ont laissé tomber les Autochtones dans les faits, parce qu'ils n'ont pas invité à la table de négociation les autres gens. Ils les ont exclus à dessein. Dans leurs initiatives, ils ont trahi continuellement la population de la Colombie-Britannique, et c'est tout simplement répréhensible.

Que les gens soient d'accord ou non avec ce qui se déroule, ce sera nettement mieux pour nous d'avoir un débat ouvert et sans entrave sur la question. Par exemple, lorsque le gouvernement de la Colombie-Britannique s'emporte et dépense 8 millions de dollars pour faire avaler sa propagande—qui dit qu'il s'agit d'un style de gouvernement municipal—et que le procureur général de la Colombie- Britannique doit se faire poser des questions pendant des heures pour enfin admettre: «Eh bien, non, ce n'est pas le cas. Cela n'est pas vrai.»—Voilà qui a miné les réserves de bonne volonté nécessaires au règlement de ces traités.

• 1550

La population de la Colombie-Britannique sait qu'il nous faut régler la question de ces traités. Elle comprend que les Autochtones ont des droits selon notre Constitution. Elle veut progresser dans ce dossier. Tout de même, je crois que la première étape d'importance, c'est de l'inclure dans un référendum provincial sur les principes sous-tendant l'ensemble des traités, pour que, tout au moins, le groupe provincial de négociateurs soit investi d'un mandat public pour négocier les principes qui sont là pour nous, qui servent de cadre.

M. Mike Scott: J'ai une question très rapide à poser, monsieur Campbell. Soit dit en passant, j'apprécie vraiment l'exposé que vous avez présenté ici aujourd'hui. C'est très apprécié. Je crois que tous les gens de la Colombie-Britannique qui nous regardent apprécieraient la position que vous avez prise.

Diverses personnes venues présenter leur témoignage au comité, et certains des membres du comité eux-mêmes à la Chambre des communes ont affirmé que les habitants de la Colombie-Britannique appuient en fait le traité des Nisga'as. J'aimerais simplement vous demander, à vous qui êtes chef de l'opposition officielle dans la province, de nous dire ce que vous en pensez, tout au moins, comment jaugez-vous l'appui public ou l'absence d'appui public en ce moment, en Colombie-Britannique, à l'égard de ce traité?

M. Gordon Campbell: À mon avis, plus les gens en apprennent sur le traité, plus ils deviennent nerveux. Comme j'ai essayé de le dire durant mon exposé, les gens de la province appuient vivement l'idée de régler les traités et de faire des progrès.

La difficulté à laquelle nous faisons face, c'est que lorsque les questions restent sans réponse, lorsque le débat est clos, lorsque le public est écarté de l'exercice, les gens vont tout naturellement avoir des réserves importantes et significatives. Je crois honnêtement qu'au cours des quelque derniers mois, les appuis à l'égard du traité se sont atténués. Pour être franc, je dirais que si vous allez dans l'Okanagan et que vous parlez aux gens, vous constatez qu'ils ont de graves préoccupations et des craintes bien réelles à ce sujet. Si vous allez dans la chaîne Cariboo et que vous parlez aux gens à propos de ce qui se passe, vous constatez qu'ils ont de graves préoccupations et des craintes bien réelles. Si vous allez dans le Nord-Ouest—je ne sais pas très bien ce qui est arrivé à votre réunion à Terrace—vous allez entendre dire que certaines personnes appuient le traité, mais que d'autres personnes sont très inquiètes à ce sujet.

La difficulté que pose le fait de clore le débat et de ne pas répondre aux questions difficiles, c'est que cela crée une incertitude encore plus grande. À mon avis, cela a été honteux. De fait, permettez-moi de vous dire, en tant que chef de l'opposition à l'assemblée provinciale de la Colombie-Britannique, que lorsque notre gouvernement a décidé de guillotiner le débat à la Chambre et de nous empêcher d'étudier systématiquement les articles du traité, ce qu'il avait promis de faire pour le traité et les annexes et appendices qu'il comporte, il y avait encore espoir en Colombie- Britannique qu'une démarche pourrait avoir lieu à Ottawa, à notre Parlement. Nos députés auraient l'occasion de poser les questions que posent les habitants de la Colombie-Britannique. Je crois que, du fait que ces questions sont restées sans réponse, les appuis des citoyens de la Colombie-Britannique à l'égard du traité s'atténuent. Je crois que c'est une chose dont les gens devraient être conscients.

La présidente: Merci.

Les cinq dernières minutes sont pour M. Bonin.

[Français]

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Monsieur Campbell, la responsabilité du Parlement, dont je fais partie à titre de député, et des assemblées législatives, où vous exercez les fonctions de député, consiste à protéger et à défendre les droits de chaque personne. Cela comprend les droits inhérents et les droits des minorités. Ayant entendu votre exposé, cela m'intéressait de savoir dans quelle mesure vous êtes prêt à défendre les droits inhérents et les droits des minorités dans la province de la Colombie-Britannique.

M. Gordon Campbell: Je crois que les droits inhérents et les droits des minorités sont protégés dans notre Constitution. Je ne crois pas que nous les protégions en minant la Constitution ou en minant les droits des autres Canadiens.

M. Raymond Bonin: Comment garantir alors les droits inhérents et les droits des minorités qui seraient protégés, défendus et garantis dans un référendum où la majorité détermine les droits de la minorité sans son consentement? J'aimerais que vous le disiez pour le compte rendu.

M. Gordon Campbell: Un référendum n'enlèverait d'aucune façon ses droits à un Canadien. Nous ne sommes pas en position de faire cela. Pour être franc, je crois que les gens qui laissent entendre que le référendum est une façon d'enlever des droits aux gens ne comprennent pas notre Constitution... Je parle de notre Constitution, de l'idée d'utiliser notre Constitution pour protéger les droits des Autochtones aussi bien que des non-Autochtones.

• 1555

Il existe deux façons de définir les droits des Autochtones: nous pouvons les négocier pour les définir clairement ou nous pouvons nous adresser aux tribunaux pour les définir clairement. Nous comprenons cela. Nous voulons négocier. Mais les droits des minorités et des Autochtones sont bien protégés dans notre Constitution aujourd'hui, et ils demeureront protégés dans notre Constitution.

M. Raymond Bonin: Et si vous négociez et que les négociations achoppent, procédez-vous alors au référendum avec majorité, ce qui se répercute sur les droits de la minorité?

M. Gordon Campbell: Non.

M. Raymond Bonin: À quel stade tenez-vous le référendum?

M. Gordon Campbell: Nous tenons le référendum au début du processus, nous nous adressons aux habitants de la Colombie- Britannique et leur demandons des consignes sur le mandat que nous devrions apporter à la table de négociation du traité. Les habitants de la Colombie-Britannique veulent régler la question des traités. N'allez pas croire que ce n'est pas le cas. Nous le voulons. Mais nous croyons que les traités doivent se fonder sur l'égalité. Par exemple, veut-on un troisième ordre de gouvernement entièrement nouveau? Personne n'a demandé aux habitants de la Colombie-Britannique s'ils souhaitent créer de toutes pièces un troisième ordre de gouvernement. Nous devrions leur poser la question. Je ne suis peut-être pas d'accord, mais si les habitants de la province en veulent, c'est bien, ils peuvent se donner un troisième ordre de gouvernement nouveau. Tout de même, il faut appliquer le principe démocratique et leur demander d'abord, avant d'essayer d'imposer la chose par la bande.

M. Raymond Bonin: Votre équipe de négociateurs aurait donc, au départ, le mandat de négocier ce qui se répercutera sur les droits des minorités. À ce moment-là, les minorités arriveraient à la table de négociation en jouant selon vos règles.

M. Gordon Campbell: La lecture que je fais de la Constitution canadienne me montre que les droits des minorités sont protégés aujourd'hui. Un référendum n'enlèverait pas de droits à quiconque.

M. Raymond Bonin: Et la question que je vous ai posée au début est la suivante: comment garantir cela?

M. Gordon Campbell: Nous avons foi dans la Constitution canadienne, comme vous, je présume.

Une voix: Alors pourquoi faut-il un référendum?

M. Raymond Bonin: On a demandé pourquoi il faut un référendum si cela est garanti.

M. Gordon Campbell: Ce n'est pas un référendum qui porte sur les droits des minorités. Pour être franc, je crois qu'on fait erreur en laissant entendre cela.

M. Raymond Bonin: Mais c'est quand même un référendum où la majorité décide de quelque chose qui a une incidence sur la minorité. Vous ne pouvez nier cela.

M. Gordon Campbell: Non.

M. Raymond Bonin: Bon, merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Voici maintenant le dernier volet de questions. Je dois, en tant que présidente, au nom de tous les membres du comité, remercier ceux qui sont venus contribuer à nos travaux aujourd'hui. La journée de travail a été excellente pour ce qui est de nous donner une approche équilibrée et un point de vue équilibré sur l'opinion des habitants de la Colombie-Britannique, et nous apprécions votre apport.

Je tiens à remercier aussi l'auditoire. Si vous avez un mémoire, je vous prie de le déposer sur la table.

Je rappelle au comité que nous siégeons demain à Vancouver de 9 heures à midi, et puis ensuite, tout l'après-midi.

Merci beaucoup. La séance est levée.