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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ DES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 21 novembre 2001

• 1529

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Nous allons commencer car je m'attends à ce que nos collègues arrivent bientôt, à la fin du vote. Évidemment, il faudra d'abord qu'ils se souviennent dans quelle pièce ils doivent se rendre, ce qui est toujours un problème.

La séance est ouverte.

• 1530

Je souhaite la bienvenue aux témoins et je leur rappelle le contexte de cette séance. Notre comité entreprend une étude sur la situation des enfants autochtones, essentiellement des enfants jusqu'à l'âge de 12 ans.

Nous voulons d'abord essayer de comprendre ce que fait chaque ministère au sujet de cette population particulière. Nous commençons à entendre des représentants des divers ministères et nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Notre stratégie générale est de recueillir tous ces témoignages des divers ministères concernés et d'essayer d'intégrer le tout. Si vous avez des idées à ce sujet, nous serons très heureux de les entendre.

Je souhaite donc la bienvenue à deux représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord: Dan Beavon... Est-ce que j'ai bien prononcé votre nom?

M. Dan Beavon (directeur suppléant, Direction de la recherche et de l'analyse, ministère des Affaires indiennes et du Nord): C'est Beavon comme dans «heaven».

Le président: Beavon comme dans «heaven» et dans Welsh. Et Kathleen Campbell—je ne pense pas m'être trompé dans ce cas.

Je ne sais pas dans quel ordre vous avez l'intention de vous adresser à nous mais je vous donne tout de suite la parole.

Mme Kathleen Campbell (directrice générale, Politiques sociales et programmes, ministère des Affaires indiennes et du Nord): Nous avons décidé que Dan commencerait.

M. Dan Beavon: Si j'ai bien compris, j'ai cinq minutes. Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à nous adresser au comité.

J'ai apporté avec moi trois rapports de recherche que nous venons de terminer. Deux d'entre eux ne sont même pas encore sur Internet puisque nous venons juste d'en recevoir la traduction.

Le premier, qui sera sans doute le plus intéressant à vos yeux, a été préparé sous contrat par Jeremy Hull. Il porte sur les mères seules autochtones. On y trouve beaucoup d'informations détaillées sur leur situation dans les réserves et en dehors des réserves, et sur tous les groupes autochtones, ainsi que des comparaisons avec l'ensemble de la population canadienne. Je vous en présenterai les éléments principaux dans quelques minutes.

Les deux autres études ont été exécutées à l'interne. L'une porte sur la mobilité et la migration des Indiens inscrits, et je l'ai apportée parce que j'ai vu, dans les notes de votre réunion de la semaine dernière, que Doug Norris, de Statistique Canada, s'est adressé à vous. Cette étude contient beaucoup d'informations pertinentes sur la mobilité des membres des Premières nations dont, bien sûr, les enfants.

La troisième étude concerne la mobilité ethnique et la croissance démographique de la population autochtone du Canada. Elle a été publiée dans une revue spécialisée par l'un de mes employés. Si vous me le permettez, je voudrais d'abord dire quelques mots de la première étude qui me semble tout à fait reliée à vos travaux car il est important de bien comprendre comment on définit les populations autochtones. Si l'on étudie la croissance de la population autochtone de 1971 à 1996, on constate un taux d'augmentation de 252 p. 100, contre seulement 32 p. 100 pour la population non autochtone.

Cette croissance extraordinaire ne résulte pas uniquement de la fertilité. Une bonne partie s'explique par la mobilité ethnique, ce qui veut dire le changement d'appartenance ethnique. Autrement dit, d'un recensement à l'autre, des gens qui ne s'étaient pas identifiés comme Autochtones dans le premier recensement ont changé leur identité dans le deuxième. Voilà pourquoi on enregistre une croissance extraordinaire, surtout de la population des Métis.

Ce qui est important pour votre comité, qui se penche sur la situation des enfants autochtones, c'est que vous constaterez des taux de croissance astronomiques dans ce groupe, lesquels ne s'expliquent pas seulement par la fertilité.

De la même manière, en ce qui concerne l'étude des migrations que nous vous avons remise, on s'imagine souvent qu'il y a une croissance énorme de la population urbaine parce que des Autochtones quitteraient leurs réserves pour aller s'établir dans les villes. Or, la réalité est qu'il y a depuis 30 ans une migration nette d'Autochtones des villes vers les réserves. Il y a un nombre incroyable de migrations dans chaque sens entre les réserves et les villes.

L'étude sur les migrations révèle aussi certains indicateurs de problèmes potentiels en ce qui concerne la population urbaine elle-même, laquelle connaît sans doute les taux de mobilité les plus élevés partout au Canada, alors que la population des réserves est relativement stable. Le taux de départ des réserves est inférieur à la mobilité du Canadien moyen. Autrement dit, les Autochtones sont fortement attachés à leurs collectivités d'origine et sont contents d'y vivre, pour toutes sortes de raisons d'ordre familial. Je vous ai donc remis cette étude sur les migrations pour corriger certains mythes.

• 1535

Je voudrais revenir un instant sur la mobilité ethnique car l'une des raisons pour lesquelles il est important de comprendre ce concept est qu'il signifie qu'il est très difficile de faire des comparaisons historiques entre les groupes autochtones étant donné qu'on ne compare pas le même groupe de la période A à la période B à la période C. Ce n'est pas la même cohorte. C'est une cohorte qui change parce qu'il s'agit d'un groupe de gens différents qui s'identifient comme membres de la cohorte, mais c'est un facteur qui a encore été peu étudié.

Vous verrez souvent des statistiques indiquant des progrès notables dans divers secteurs de la vie des groupes autochtones mais il faut être prudent à ce sujet. En effet, elles peuvent être trompeuses car, bien souvent, les progrès s'expliquent moins par l'amélioration des programmes ou des politiques que par une cohorte différente.

Prenez les différences concernant les études secondaires. Si vous étudiez la cohorte des 25 à 30 ans entre le recensement de 1991 et celui de 1996, elle est devenue la cohorte des 30 à 35 ans cinq ans après. En théorie, quand on suit une cohorte, le nombre de membres devrait être plus petit, en termes de population totale, parce que certains seront décédés. Or, chez les Autochtones, on constate souvent que ces cohortes connaissent des taux d'accroissement considérables, de 100 p. 100 ou 150 p. 100. Ce que cela veut dire, c'est qu'on ne compare pas le même groupe entre la période A et la période B. Autrement dit, de nouvelles personnes sont entrées dans la cohorte, apportant avec elles des caractéristiques sociales et économiques différentes et, souvent, des niveaux différents de fertilité et d'éducation, ce qui complique encore les choses.

Je voudrais maintenant traiter de l'étude la plus pertinente pour votre comité, celle concernant les mères seules, dont vous trouverez toutes les statistiques dans le synopsis. C'est une étude qui contient beaucoup de chiffres détaillés et je ne vais donc vous en présenter que les plus importants.

Vingt-six pour cent des familles autochtones étaient des familles avec mère seule, proportion qui est d'environ 16 p. 100 chez les non-Autochtones. La proportion est encore plus élevée en dehors des réserves. Dans les villes, elle peut atteindre 34 p. 100. On parle ici de deux types de familles: celles qui ont des enfants et celles qui n'en ont pas. Si l'on prend les mères qui ont des enfants, un tiers de tous les enfants autochtones vivent dans une famille avec mère seule, alors que la proportion du côté non autochtone est d'un sixième.

En ce qui concerne les enfants indiens inscrits, il y en a plus de 50 000 qui vivent dans une famille avec mère seule. Cela représente 25 p. 100 de tous les enfants autochtones—je parle du groupe des enfants jusqu'à 15 ans—alors que, dans la société canadienne, seulement 14 p. 100 des enfants non autochtones vivent avec la mère seule. Encore une fois, la proportion est beaucoup plus élevée dans les centres urbains, où près de 40 p. 100 des enfants indiens inscrits vivent dans une famille où la mère est seule.

Des facteurs très intéressants expliquent pourquoi il y a tant de mères seules dans les centres urbains, et nous avons entrepris d'autres études à ce sujet pour essayer de comprendre les raisons. Nous soupçonnons que certaines d'entre elles sont reliées à l'absence de législation sur la séparation des biens. En effet, il n'existe pas de dispositions de séparation des biens dans la Loi sur les Indiens et, lorsqu'il y a rupture d'une famille dans une communauté autochtone, il est fréquent que la maison ait été enregistrée au nom de l'homme par le biais d'un certificat de possession, ce qui veut que la mère et les enfants sont obligés de quitter la réserve car il n'y a pas assez de logements sur les réserves. C'est une raison envisageable mais nous poursuivons les recherches à ce sujet.

Je sais que j'arrive bientôt à la fin de mon temps de parole mais j'ai deux autres petites informations à vous communiquer. En ce qui concerne le revenu, les mères autochtones seules avaient un revenu moyen—ces données viennent du recensement de 1996, et le chiffre que je vais vous donner porte sur l'année 1995—d'environ 17 700 $, chiffre qui était d'environ 21 300 $ pour les mères seules non autochtones. En ce qui concerne la famille canadienne typique, avec un mari et une femme, le revenu combiné était d'environ 61 200 $, ce qui représente une différence considérable.

Les chiffres sont encore plus élevés si l'on tient compte de la taille des familles. N'oubliez pas que le taux de fertilité des Autochtones est beaucoup plus élevé. Sur les réserves, le taux de fertilité des femmes autochtones est d'environ 3,1 enfants par femme, alors qu'il est d'environ 1,6, soit pratiquement le double, chez les non-Autochtones. Donc, quand on parle de revenu, il faut aussi tenir compte du fait que les femmes autochtones ont plus d'enfants.

• 1540

J'en reste là car vous trouverez tous les autres chiffres dans le rapport lui-même. Si vous avez d'autres questions, je serai très heureux d'y répondre.

Je laisse maintenant la parole à Kathleen.

Mme Kathleen Campbell: Je voudrais vous parler de nos programmes.

Tout d'abord, en ce qui concerne les programmes du ministère des Affaires indiennes et du Nord destinés aux enfants, ils sont axés sur les enfants autochtones des réserves. Il existe au gouvernement fédéral d'autres programmes dont vous avez certainement entendu parler, notamment de DRHC et de Santé Canada, qui concernent les enfants en dehors des réserves.

Nos principaux programmes portent sur les services à l'enfance et à la famille et sur le réinvestissement de la Prestation nationale pour enfants. L'un de leurs objectifs est d'assurer des services comparables à ceux des provinces. Donc, pour ce qui est des enfants des réserves, nous agissons quasiment comme les provinces.

En outre, le MAINC finance des programmes de soins aux enfants en Ontario et en Alberta, et l'initiative autochtone Bon départ, au Nouveau-Brunswick. Dans un sens, ces programmes sont un peu une anomalie dans la mesure où nous y participons dans le cadre d'ententes fédérales-provinciales. En règle générale, ils s'ajoutent à des programmes de type similaire de DRHC et Santé Canada. Je pourrais vous donner quelques détails là-dessus tout à l'heure, si vous le voulez, mais nous ne sommes pas les acteurs principaux dans ces deux domaines.

Nous fournissons aussi des fonds pour l'éducation élémentaire, ainsi que pour des programmes préscolaires.

Je voudrais maintenant vous parler des deux principaux programmes, soit les services à l'enfance et à la famille et le réinvestissement de la Prestation nationale pour enfants.

Tout d'abord, le but du Programme des services à l'enfance et à la famille est d'aider les collectivités autochtones à dispenser des services d'aide à l'enfance sensibles aux caractéristiques culturelles et comparables à ceux dont bénéficient les autres résidents de la province dans des circonstances similaires. Les expressions clés ici sont «sensibles aux différences culturelles» et «comparables à ceux dont bénéficient les autres résidents de la province».

Nous avons financé des services à l'enfance qui étaient dispensés par les provinces. C'est seulement en 1991 que nous avons commencé à mettre sur pied nos Services à l'enfance et à la famille des Premières nations, essentiellement parce que celles-ci réclamaient des services mieux adaptés à leurs caractéristiques culturelles. Elles s'inquiétaient de voir des enfants abandonner leur milieu culturel par l'adoption ou par d'autres méthodes, comme les foyers nourriciers. Les Premières nations ont donc fait des pressions pour obtenir des services adaptés à leurs cultures.

Le mode de fonctionnement du programme est le suivant: une agence des Services à l'enfance et à la famille des Premières nations est créée sur une réserve, soit pour une réserve unique—ce que nous décourageons car cela fait perdre les économies d'échelle requises—soit pour plusieurs réserves ou bandes ensemble. Cette agence obtient l'agrément de la province pour dispenser des services de même niveau et de même nature que ceux de la province, mais elle est financée par le MAINC au moyen d'une formule de financement particulière tenant compte des frais d'exploitation et de gestion.

Le mandat des agences ainsi créées est de dispenser la gamme complète des services de protection et de prévention pour les enfants des réserves, ainsi que des services d'adoption dans la plupart des régions. L'ampleur du soutien dispensé par le truchement des services de prévention pour l'enfance ou la famille sur les réserves dépend essentiellement des fonds disponibles. Depuis le lancement du programme, le nombre d'agences est passé de 34 à 105, ce qui veut dire que nous avançons peu à peu vers une couverture complète de toutes les réserves.

• 1545

Nous avons récemment entrepris une révision nationale des agences de Services à l'enfance et à la famille. Cette révision relativement exhaustive nous a pris 18 mois. Elle a été menée en collaboration avec l'Assemblée des premières nations et avec des représentants des agences de Services à l'enfance et à la famille des Premières nations. Divers aspects des services ont ainsi été examinés et plusieurs recommandations ont été formulées pour améliorer les services.

À l'heure actuelle, nous concentrons notre attention sur deux questions complexes. L'une est de savoir comment trouver un juste équilibre entre des services comparables à ceux de la province et des services pertinents pour la Première nation concernée. Je pense que c'est un défi que nous devons tous relever dans nos services sociaux. L'un de nos objectifs est de dispenser des services comparables, à des niveaux comparables, mais nous en avons aussi un autre qui est de dispenser des services vraiment efficaces et adaptés à la population concernée. C'est là un défi constant pour nous.

La deuxième question, outre la recherche de cet équilibre, est de surveiller ce que font effectivement les provinces. Dans certaines, il y a un peu un effet de pendule. Pendant une certaine période, la province privilégie la protection des enfants parce qu'elle craint terriblement que des enfants subissent un préjudice ou que leur vie soit mise en danger par manque de supervision ou de soins supervisés dans le cadre des Services à l'enfance et à la famille... et, dans d'autres cas, elle s'efforce de privilégier la famille dans son ensemble. Donc, au lieu de retirer l'enfant de la famille pour s'assurer qu'il ne subit aucun préjudice, on va essayer de lui dispenser des soins au sein de l'environnement familial, c'est-à-dire d'assurer sa protection au sein de la famille.

Une autre question importante pour nous est d'évaluer le besoin de programmes concernant l'abus de drogues ou d'alcool, ou de programmes sur la gestion de la colère, voire de programmes de services parentaux supplémentaires. La situation évolue constamment dans les provinces dans tous ces domaines.

Notre rôle, au MAINC, est d'essayer de suivre l'évolution de ce pendule dans chaque région, pour adapter continuellement nos services.

En revanche, nous tenons aussi à prendre en considération les besoins exprimés par les Premières nations elles-mêmes. Or, leur message à ce sujet est qu'elles tiennent avant tout à ce que les soins dispensés aux enfants le soient au sein de l'environnement familial. Et elles veulent qu'ils soient destinés à l'ensemble de la famille, pas aux enfants seulement.

Voilà donc l'une des recommandations issues de l'examen de la politique nationale. À notre avis, c'est ce problème qui est le plus important. Nous avons un comité consultatif comprenant des représentants du ministère, de l'APN et des Premières nations. Ce comité procède à l'analyse détaillée de la recommandation et à l'évaluation des avantages et inconvénients des diverses méthodes de gestion du système de façon à répondre à ces besoins particuliers. Voilà ce que j'avais à dire au sujet du Programme des services à l'enfance et à la famille.

L'autre programme important est celui du réinvestissement de la Prestation nationale pour enfants. Je ne sais pas si tout le monde connaît bien la Prestation nationale pour enfants mais il s'agit d'un crédit d'impôt du gouvernement fédéral destiné aux personnes à revenus modiques. Dans ce contexte, l'entité—province, Première nation ou MAINC—qui gère le programme d'assistance sociale ne remet pas au parent la partie de l'AS qu'elle reçoit au titre de la Prestation nationale pour enfants. Le parent reçoit toujours le même montant d'argent mais, au lieu de tout recevoir de la même source, qui était autrement le MAINC ou la province, elle reçoit aujourd'hui une partie au titre de la Prestation nationale pour enfants et l'autre de la source de l'assistance sociale.

• 1550

La partie qui n'est pas versée par l'agence concernée—province, Première nation ou MAINC—est conservée et utilisée pour la mise en oeuvre de programmes proactifs à l'intention des enfants, dans le cadre de certaines lignes directrices correspondant à la Prestation nationale pour enfants. Ces lignes directrices sont, en gros, de lutter contre la pauvreté et d'encourager la participation à la population active.

En ce qui concerne les Premières nations, même si ces lignes directrices continuent de s'appliquer, nous travaillons avec elles pour envisager la participation à la population active dans une perspective plus longue. Autrement dit, il peut s'agir de choses telles que garantir aux enfants un lieu adéquat pour faire leurs devoirs scolaires, afin que les adultes puissent occuper leur emploi. De même, il peut s'agir d'acquérir des compétences reliées au travail en faisant du bénévolat dans la communauté.

La plupart des collectivités des Premières nations disposent donc aujourd'hui, sous une forme ou d'une autre, d'une somme d'argent qui est reliée à la Prestation nationale pour enfants, et nous collaborons étroitement avec elles pour qu'elles élaborent les lignes directrices particulières qu'elles souhaitent en ce qui concerne l'utilisation de cet argent.

La somme n'est pas toujours très importante dans chaque communauté, étant donné qu'elle dépend du nombre de personnes qui touchent l'assistance sociale et du montant de leurs prestations. Certaines collectivités ont donc des sommes relativement minimes mais cela ne les empêche pas d'être remarquablement innovatrices quant à la nature des programmes mis sur pied. Certaines ont utilisé les fonds pour développer des programmes existants, comme des services de garde d'enfants ou le programme Bon départ. D'autres s'en sont servis pour améliorer divers programmes de nutrition ou des programmes d'attachement culturel. Selon notre opinion préliminaire, ces mesures ont connu beaucoup de succès.

Qu'est-ce qui me permet de dire cela? Tout le monde veut le savoir. Il y a deux choses qui m'amènent à cette conclusion. Nous avons fait une évaluation préliminaire. En vertu du programme, nous sommes tenus de suivre toutes les exigences du programme de la Prestation nationale pour enfants qui sont en vigueur pour la province concernée. Nous avons donc entrepris une évaluation préliminaire, dont le rapport est en cours d'élaboration mais dont nous avons pu connaître les premiers résultats. Dans les prochaines années, nous entreprendrons aussi ce qu'on appelle maintenant un «sommet de l'évaluation», qui nous permettra d'obtenir des réponses plus définitives sur les résultats concrets de ce programme.

En ce qui concerne l'évaluation préliminaire, nous avons entrepris l'évaluation et nous avons effectué un examen des études disponibles. Nous avons aussi organisé plusieurs visites locales dans des collectivités des Premières nations et nous avons fait des études de cas.

En conclusion, les analystes ont constaté que la flexibilité des plans de réinvestissement de la Prestation nationale pour enfants répond effectivement aux besoins régionaux et locaux, ce qui est une caractéristique importante de l'initiative. Les analystes citent à cet égard le fait qu'il y a des variations dans les programmes d'un bout du pays à l'autre. Ils ont également pu constater que les besoins sont différents un peu partout.

Ils ont souligné l'importance de relier les initiatives d'investissement de la Prestation nationale pour enfants à d'autres programmes ayant des objectifs similaires, et je pense que cela devient un thème très puissant de tous les programmes destinés aux enfants.

Quand vous entendrez parler des programmes d'aide à l'enfance de DRHC, si ce n'est déjà fait, ou de l'initiative autochtone Bon départ, de Santé Canada—les deux programmes dont j'ai parlé plus tôt—vous constaterez qu'il y a quatre ou cinq types différents de programmes destinés aux réserves ou collectivités autochtones, visant une clientèle très similaire. Il est donc évident qu'il faudra faire quelque chose à l'avenir pour aider ces divers programmes à être plus cohérents et mieux coordonnés.

• 1555

Pour ce qui est d'améliorer le programme, l'évaluation a produit des recommandations concernant de meilleures communications entre nous-mêmes, au MAINC, et les Premières nations pour clarifier les rôles et responsabilités respectifs de l'initiative de réinvestissement. À mon sens, cela met simplement en relief la nécessité d'établir de meilleures communications et de clarifier les responsabilités mutuelles, ce qui débouchera probablement sur plus de clarté à long terme dans les directives elles-mêmes. La phase de mise en oeuvre a été un peu plus innovatrice, dans la mesure où nous avons surtout écouté ce que les Premières nations avaient à dire au sujet de leurs besoins particuliers, plutôt que de leur imposer ce que nous pensions qu'elles avaient besoin.

Il est clair qu'il existe plusieurs programmes de nature très similaire et je pense que nous pourrons bientôt commencer à rationaliser les lignes directrices de façon à mieux aider les Premières nations à faire le type de réinvestissement qu'elles souhaitent.

Je voudrais aborder un autre aspect de la situation qui ne figure pas dans le document que je vous ai remis. En effet, outre les évaluations formelles que nous effectuons avec nos services de vérification et d'évaluation, et outre cette évaluation préliminaire et l'évaluation globale qui suivra, nous aidons les Premières nations à procéder à des auto-évaluations. Cela s'explique parce que le fonds de réinvestissement de la Prestation nationale pour enfants constituait en fait la première source d'argent dont les Premières nations pouvaient disposer avec un plus grand degré de latitude du point de vue de la politique et du programme. Ce sont elles qui ont fixé leurs propres priorités, au sein de leurs collectivités, pour l'utilisation de l'argent. L'étape suivante consistera évidemment à voir si cet argent est utilisé de manière efficace. Nous investissons donc avec les Premières nations dans un programme d'auto-évaluation.

Je pense que nous avons commencé l'an dernier, ou même l'année d'avant, avec 19 Premières nations qui ont mis en oeuvre un processus d'auto-évaluation de leurs propres programmes, ce qui leur a permis d'acquérir les compétences en évaluation qui leur permettront de déterminer si elles atteignent leurs propres objectifs. Il y en a eu 18 la première année, puis 50 autres l'an dernier, et nous en prévoyons 50 à nouveau cette année. En outre, nous commençons cette année à mettre en oeuvre une activité de formation d'instructeurs pour que ceux qui ont appris ce processus d'auto-évaluation puissent enseigner les compétences requises à leurs collègues.

Si vous le voulez, je vais m'arrêter ici pour pouvoir répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup. Ce que j'ai beaucoup apprécié dans votre exposé, si je puis m'exprimer ainsi, c'est le ying et le yang entre la recherche et le programme. Je pense que nous pourrons être très créatifs à ce sujet.

Madame Skelton.

Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, Alliance canadienne): Merci beaucoup d'être venus témoigner.

Il existe une forte population autochtone dans ma circonscription de Saskatoon—Rosetown—Biggar.

Je veux vous poser une question. L'IDPE dit ceci: «Les gouvernements collaboreront avec les peuples autochtones du Canada pour trouver des solutions concrètes aux besoins de développement des enfants autochtones». Qu'est-ce que ça veut dire?

Mme Kathleen Campbell: C'est une initiative de DRHC et Santé Canada concernant le développement de la petite enfance. Si je comprends bien cette phrase, elle englobe deux aspects, deux manières de fonctionner. L'une concerne les enfants autochtones en dehors des réserves et, comme il s'agit d'une entente fédérale-provinciale, elle veut dire que les parties conviennent d'examiner plus attentivement ce qui est approprié pour les enfants autochtones en dehors des réserves, et que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial collaboreront à ce sujet.

Le sens est légèrement différent lorsqu'il s'agit du MAINC, étant donné que nous sommes essentiellement axés sur les réserves. Notre interprétation en est que nous devons veiller à travailler avec les Premières nations pour nous assurer qu'elles ont accès à des programmes comparables à ceux dispensés en dehors des réserves, mais aussi avec la complication supplémentaire de nous assurer qu'ils sont harmonisés aux programmes provinciaux. J'emploie l'adjectif «harmonisé» parce que nous devons nous assurer que le programme est suffisamment bien adapté aux besoins des Premières nations pour leur être vraiment utile, étant bien entendu qu'il y a certains paramètres au-delà duquel on ne peut pas aller parce qu'on doit s'assurer que les programmes sont également similaires à ceux des provinces. Il y aura donc des variations d'une province à l'autre.

• 1600

Mme Carol Skelton: Dans le Budget principal de 2000-2001, l'un des principaux résultats envisagés pour cette année était d'appuyer les enfants et les familles autochtones en bonifiant l'initiative de réinvestissement de la PNE. Qu'est-ce que cela voulait dire?

Mme Kathleen Campbell: Nous avons connu un succès relatif avec le programme de réinvestissement de la Prestation nationale pour enfants mais les sommes correspondantes augmentent chaque année car on investit chaque année plus d'argent dans le crédit d'impôt et il y a donc plus d'argent à réinvestir. Nous collaborons étroitement avec les Premières nations pour veiller à ce que ces sommes additionnelles soient effectivement investies dans les collectivités. Nous essayons donc de bonifier l'initiative du point de vue des compétences propres des collectivités autochtones pour obtenir les résultats de leur auto-évaluation.

Nous essayons également d'imprimer un peu plus de cohérence au programme à l'échelle nationale. Comme je le disais, il s'agissait avant tout dans les premières années de cerner les besoins réels des Premières nations, et ce fut donc une période d'apprentissage pour les deux parties, mais nous voulons maintenant imprimer un peu plus de cohérence de façon à avoir plus de programmation canalisée et à savoir ce que nous faisons.

Le problème le plus récent est aussi d'essayer de garantir que le programme fonctionne en cohésion étroite avec l'autre programme d'aide à l'enfance. J'essaie de choisir mes mots car, au ministère, nous utilisons le mot «intégré», mais je pense que ce que nous voulons, c'est avoir un programme qui soit le mieux intégré possible au niveau communautaire. Voilà donc les bonifications que nous envisagions.

Mme Carol Skelton: Vous avez dit qu'une évaluation des programmes a été faite pendant deux ans et que vous envisagez deux années supplémentaires, n'est-ce pas?

Mme Kathleen Campbell: Oui.

Mme Carol Skelton: Combien de temps prendra toute cette évaluation?

Mme Kathleen Campbell: Sur les deux évaluations, en termes d'auto-évaluations, nous espérons que ce sera un programme continu.

Mme Carol Skelton: Mais le ministère...

Mme Kathleen Campbell: Et c'est pourquoi nous avons l'activité de formation d'instructeurs, afin que les Premières nations puissent continuer à faire ça de manière indéfinie.

En termes d'évaluation, c'est un échéancier similaire à celui du programme global, et il y a deux phases. Nous procédons actuellement à l'évaluation préliminaire et je crois que, dans deux ans, nous ferons le sommet de l'évaluation. Ensuite, je suppose qu'il faudra effectuer d'autres évaluations, après avoir vu les résultats des deux évaluations. Nous aurons donc un programme continu d'évaluations à mesure que les choses avancent.

Mme Carol Skelton: Vous parliez de la fluidité des migrations entre les réserves et les villes, dans chaque sens, et vous disiez que tout le monde croit que les populations des villes augmentent beaucoup. Avez-vous des chiffres quelconques à ce sujet? Est-ce que les populations se sont relativement stabilisées?

M. Dan Beavon: Vous trouverez dans le rapport sur les migrations des chiffres concernant les 10 premières villes du Canada. Nous y indiquons les arrivées, les départs et les flux nets. Par exemple, pour le recensement de 1996, pratiquement toutes les grandes villes du Canada ont perdu des Indiens inscrits, je crois, sauf Saskatoon, Thunder Bay et Ottawa. Il y a eu un léger gain net à Ottawa-Hull mais, dans presque tous les autres cas, il y a eu une baisse de population.

Cela vaut également pour la population générale. C'est ce qu'ils appellent un «renversement censitaire métropolitain», c'est-à-dire que les villes enregistrent de manière générale une baisse de population. Nous suivons cette évolution depuis 1966, du point de vue des flux nets. Nous avons également fourni une ventilation pour les autres groupes autochtones.

Mme Carol Skelton: Merci. C'est tout pour maintenant.

• 1605

[Français]

Le président: Madame Guay.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): J'aimerais poser deux petites questions.

Je vous souhaite la bienvenue au comité. J'aimerais savoir, en premier lieu, si vous avez de la difficulté à administrer certains programmes à cause des chevauchements avec différents ministères. Comment faites-vous pour appliquer les programmes et le faire de façon efficace? Je sais que Santé Canada a des programmes, que vous en avez et que d'autres ministères en ont. Comment fait-on pour travailler ensemble de façon efficace?

J'ai été surprise lors de la dernière réunion où Statistique Canada, qui d'ailleurs n'avait pas de statistiques vraiment récentes à nous soumettre, a témoigné. Les dernières statistiques dataient de 1996. Même les représentants nous disaient qu'il était difficile de les recueillir à cause des différents programmes de différents ministères. Peut-être pourriez-vous élaborer un peu sur ce sujet et nous expliquer comment cela fonctionne vraiment.

[Traduction]

Mme Kathleen Campbell: Oui. L'une des raisons pour lesquelles les secteurs se sont cloisonnés et sont devenus très rigides est que c'était en fait la solution la plus facile pour les ministères. Donc, si vous me permettez de morceler votre question, le problème des systèmes cloisonnés n'est pas le vrai problème si l'on prend un ministère en particulier. C'est la méthode naturelle pour exercer un contrôle absolu sur l'utilisation de l'argent. Nous avons en fait des statistiques qui nous l'indiquent, au ministère. C'est quand on se place d'un point de vue plus général, en examinant deux ou trois ministères en même temps, qu'on réalise que ce n'est pas très efficace, du point de vue des collectivités, ni du point de vue du gouvernement fédéral dans son ensemble.

Je ne veux pas couper les cheveux en quatre mais, du point de vue du ministère, ce n'est pas un problème. Par contre du point de vue plus général, c'en est manifestement un et il faudrait s'y attaquer. Toutefois, c'est un problème qui est très difficile à résoudre parce qu'il n'est pas dans l'intérêt naturel d'un ministère de se compliquer la vie en se mettant à travailler avec tous les autres ministères.

Cela exige donc un effort particulier, un effort fédéral particulier, et cela montre le besoin d'horizontalité au sein du gouvernement afin de trouver une manière permettant à tous les ministères d'agir ensemble de cette manière. Je pense que c'est un problème très réel mais qu'il y a des obstacles bureaucratiques naturels à surmonter pour le résoudre.

Je voudrais dire quelques mots sur les statistiques. Nous avons tendance à tenir des données administratives sur les résultats de chaque programme, étant donné que chacun exige certains types de rapports pour en mesurer les résultats et l'efficacité, ou pour savoir si les bénéficiaires obtiennent vraiment l'argent et ce qu'ils en font. Nous avons donc toute une banque de données administratives qui nous révèlent une partie de la réalité.

Le vrai problème, à plus long terme, est d'utiliser ces données ou d'en obtenir d'autres pour connaître l'impact global sur la communauté, ainsi que les résultats à longue échéance, ce qui est difficile. Statistique Canada n'étudie la population des réserves que pour l'année du recensement, et il n'y a eu qu'un recensement spécial des populations autochtones. Je pense que l'exercice sera repris cette année.

Pour l'avenir, donc, surtout quand on voit que les Premières nations jouent un rôle plus actif dans la gestion de leurs programmes, il faudra qu'elles nous fournissent des statistiques, et que nous en obtenions nous-mêmes, pour savoir si ces programmes sont vraiment efficaces et quelle est leur incidence globale. Je pense donc, oui, que vous avez mis le doigt sur un vrai problème.

[Français]

Mme Monique Guay: Il semble que, même pour obtenir des statistiques, tout soit plus compliqué quand il est question des autochtones, quand il est question de dossiers comme celui des enfants dans les réserves ou celui des enfants hors réserve. Tout ce domaine semble tellement difficile d'accès. Il est difficile d'avoir de l'information et des données justes. Il est donc difficile pour vous aussi de mettre sur pied des programmes qui vont fonctionner partout, ou de suivre l'évolution de certains programmes que vous avez mis en oeuvre. Cela est inquiétant.

• 1610

Voici ma dernière intervention. Vous avez parlé plus tôt du travail des différentes provinces et de leurs priorités ou façons de faire. Au Québec, on va souvent préférer sortir un enfant de son milieu pour le protéger immédiatement et aller ensuite voir la famille pour essayer de trouver des solutions pour réintégrer l'enfant par la suite.

Il y a d'autres endroits où, selon ce que vous dites, la famille est priorisée. Quand c'est possible, on le fait, mais ce n'est pas toujours évident. Chez nous, dès qu'on cerne un danger pour l'enfant, on le retire de son milieu familial pour sa santé et sa sécurité.

Il n'est donc pas évident de tout harmoniser cela à votre niveau. Pouvez-vous nous donner des exemples de programmes qui fonctionnent vraiment bien dans certaines provinces et qu'on pourrait adopter ailleurs? Je ne parle pas d'adoption intégrale parce que ce n'est pas possible, mais il serait intéressant d'avoir une petite idée là-dessus.

[Traduction]

Mme Kathleen Campbell: En règle générale, nous avons constaté que le programme le plus efficace est celui pour lequel les gens ont un sentiment d'appartenance et de pertinence. Et je pense que c'est manifestement l'idée qui a fondé la création des agences de Services à l'enfance et à la famille des Premières nations, qui sont gérées par les Premières nations elles-mêmes, par des conseils d'administration composés de membres des Premières nations, ce qui les relie directement aux collectivités.

Toutefois, nous devons aussi assurer l'harmonisation des programmes pour garantir qu'ils respectent certaines normes professionnelles correspondant aux licences accordées par les provinces. Autrement dit, l'agence de la Première nation est tenue de respecter les normes professionnelles établies par la province dans le secteur considéré. Toutefois, les programmes assurent en même temps un sentiment de pertinence culturelle. Les responsables comprennent la problématique et ils sont capables d'évaluer les cas individuels un peu plus attentivement pour assurer la sécurité de l'enfant.

[Français]

Le président: C'est bien pour l'instant, madame? Vous savez qu'en principe, madame aurait dû chanter à l'opéra ce soir, mais cela a été annulé.

[Traduction]

Monsieur Tirabassi, c'est à votre tour de chanter.

M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Je n'ai pas de questions.

Le président: Mais quelle voix!

Je vais donc intervenir, si vous me le permettez. Tout d'abord, je suis très heureux que vous soyez tous les deux ici car cela suggère des juxtapositions très intéressantes. Je n'ai pas eu la chance de lire l'étude sur la mobilité ethnique mais c'est un concept fascinant, cette notion d'autocatégorisation, si je comprends bien de quoi il s'agit.

Je suis sûr que c'est dans le document mais vous pouvez peut-être me dire, monsieur Beavon, quelle est la différence de pondération entre le facteur de catégorisation et le facteur de fertilité. Quel est l'ordre de magnitude?

M. Dan Beavon: C'est une question très intéressante. En fait, la question est abordée dans l'étude qu'a préparée Eric Guimond, l'un de mes employés. Il termine son doctorat en démographie à l'Université de Montréal et c'est tout le thème de sa thèse.

La difficulté vient du fait qu'on ne peut pas mesurer la mobilité ethnique, on peut simplement la déduire. C'est un sujet très controversé, même parmi les démographes. Beaucoup rejettent le concept parce qu'ils ne peuvent pas le mesurer, parce qu'il n'y a en fait fondamentalement que quelques facteurs qui sont reliés à la croissance. Il y a les augmentations naturelles, c'est-à-dire les naissances moins les décès, et il y a l'immigration et, en règle générale, on parle de migration internationale.

Avec une population fermée comme la population autochtone du Canada, ce que fait Eric—c'est son travail—c'est qu'il estime les éléments reliés aux naissances, les éléments reliés aux décès, et qu'il intègre aussi une sous-estimation du recensement résultant d'erreurs dans les données elles-mêmes. Ensuite, il compare un recensement au suivant. Et il fait ça pour différents groupes autochtones. Et ce que l'on constate, d'un seul coup, c'est que la croissance est largement supérieure à celle à laquelle on pourrait s'attendre du fait de ces autres facteurs. Ce qu'il fait alors, c'est qu'il calcule une variable qu'il appelle croissance maximum théorique. Il prend les taux de fertilité les plus élevés que l'on ait jamais enregistrés sur la planète, et il soustrait les taux de mortalité les plus faibles. Cela vous donne votre taux de croissance maximum théorique, qui est de l'ordre de 8 p. 100.

• 1615

Vous avez donc une croissance théorique de 8 p. 100 par an. Si vous prenez des groupes comme les Métis, je ne me souviens plus des chiffres exacts mais, dans certaines provinces, c'est de l'ordre de 20 p. 100 à 30 p. 100. Voilà donc d'où il déduit qu'il y a cette mobilité ethnique.

Le président: Dois-je donc supposer que la plus grande mobilité ethnique, du point de vue de l'autocatégorisation—si je peux employer cette expression—concerne les Métis, parce qu'il existe une définition beaucoup plus rigide de ce qu'est un Indien inscrit?

M. Dan Beavon: C'est exact.

Le président: Quelle est la pondération entre ces deux catégories?

M. Dan Beavon: Ce qui se passe, et vous pouvez regarder... Nous en sommes juste à la mortalité... en examinant les projections démographiques. C'est un secteur qui est très controversé car les projections de population qui ont été faites pour les groupes autochtones n'ont jamais tenu compte de la mobilité ethnique. Il y a dans le livre que nous préparons actuellement—chez ABC Press—un chapitre qui est consacré à cette question.

Pour la population des Indiens inscrits, la croissance est très facile à projeter car nous avons un registre des Indiens, c'est-à-dire essentiellement une base de données des naissances et des décès. C'est la seule vraie base de données qui existe, à part le recensement. Cela nous donne une précision incroyable pour calculer des projections de population pour les Indiens inscrits. Si l'on intègre la fertilité et les décès, et on peut modéliser les mariages en dehors du groupe, ce qui est important du point de vue des règles d'héritage des Indiens inscrits, on peut faire des estimations très précises de la population indienne inscrite. On doit aussi tenir compte des réintégrations suite au projet de loi C-31, ce qu'on peut faire également.

Pour les autres groupes, c'est en fait une question de mariages en dehors du groupe. C'est toute l'histoire de la population autochtone du Canada. Il y a eu des centaines d'années de mariages mixtes. Quand on parle de familles autochtones, par exemple, 44 p. 100 d'entre elles, en termes de couples, ont un conjoint non autochtone. La question est de savoir comment les enfants vont se définir.

Quand on examine les projections faites pour la CRPA, par exemple, on voit que des projections d'identité ont été faites pour la première fois en utilisant les données du recensement de 1991. Leur estimation de la croissance des Métis était fausse d'un facteur de—je ne me souviens plus—près de 350 p. 100, alors que, pour la population non inscrite, ils avaient projeté une croissance mais il y a eu en fait un élément négatif, ce qui veut dire que beaucoup d'Indiens non inscrits ont changé de groupe et se sont identifiés comme Métis. Ce qu'il faut comprendre à l'égard de ce processus c'est que, lorsqu'il existe des programmes, des droits ou des privilèges reliés à l'appartenance à un groupe ethnique, les gens changeront d'identité pour obtenir ces avantages.

Ce n'est pas un nouveau concept. On a vu la même chose dans le passé. Après la Deuxième Guerre mondiale, la population allemande du Canada ne s'est pas identifiée comme telle dans le recensement parce que ce n'était pas chic d'être Allemand. Nous faisons actuellement des recherches internationales et nous voyons le même phénomène en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis en ce qui concerne ce phénomène de mobilité ethnique.

Quand on voit les taux de croissance des populations autochtones du Canada, ils sont presque exponentiels. Ils devront à un certain moment atteindre une crête car, au bout d'un certain temps, il n'y aura plus de gens qui auront du sang autochtone.

Le président: Je crois comprendre que votre rôle et celui de Mme Campbell sont un peu différents. J'ai l'impression que votre mandat en matière de recherche concerne toute la population autochtone, quelle que soit sa définition...

M. Dan Beavon: Pas tout à fait. Quand je suis arrivé aux Affaires indiennes, il y a quatre ans et demi, on s'intéressait avant tout à la population des réserves. C'est là que nous avons fait une bonne partie de nos recherches. Comme les données qui sont disponibles sont très limitées, nous utilisons beaucoup le recensement.

Cela se comprend parfaitement lorsqu'on fait des analyses comparées de groupes mais, si vous examinez l'étude des migrations, ou l'étude sur les mères seules autochtones, ça ne coûte rien de plus de ventiler les groupes de comparaison. On peut alors comparer entre les réserves et en dehors des réserves, on peut comparer par région géographique, milieu rural, milieu urbain et réserve. On peut comparer par groupe autochtone différent, métis, inscrits, non inscrits et inuits, et on peut comparer aussi avec les non-Autochtones. Ça ne coûte pas plus cher de faire ces comparaisons et cela produit des analyses beaucoup plus détaillées.

• 1620

Le président: Est-ce que ça ne vous donne pas aussi une approche de systèmes plus dynamique—c'est-à-dire que vous pouvez étudier la mobilité pas au sens de l'auto-définition ethnique mais en amont et en aval, entre la réserve et la ville? Je peux croire qu'il peut y avoir une population de base stable, mais je crois aussi qu'il doit y avoir des migrations saisonnières. Êtes-vous en mesure de saisir ces facteurs?

M. Dan Beavon: Oui, et nous le faisons encore une fois avec les données du recensement, en choisissant les réponses à des questions comme: où résidiez-vous il y a cinq ans, où résidiez-vous il y a un an.

Avec ces données, nous pouvons construire une matrice pour chaque communauté du Canada il y a cinq ans et maintenant pour voir combien de personnes sont allées d'ici à là ou de là à là. Nous avons mené toutes sortes d'études de cas différentes sur des villes particulières, comme Thunder Bay, Regina, Saskatoon et Edmonton, et on peut voir les flux différents d'entrées et de sorties de ces villes pour les différents groupes. Cela aide beaucoup quand on fait ce type de recherche.

On constate encore une fois que la population est très hétérogène. Les gens s'imaginent souvent que la population autochtone est très homogène mais, dans des villes différentes comme Winnipeg, on peut trouver jusqu'à 44 Premières nations différentes. Nous pouvons vous dire quelle est la concentration de telle ou telle Première nation dans telle ou telle communauté.

Il y a aussi des tendances à l'égard de ces migrations. On constate parfois des anomalies qui peuvent être reliées à des facteurs de santé. Ainsi, nous avons découvert à Winnipeg une anomalie où il y avait une collectivité du Grand Nord qui était fortement représentée dans la ville. En voyant un documentaire à CBC, nous avons découvert qu'il y avait au sein de cette communauté un taux très élevé de diabète et que la communauté n'avait pas accès à des sources d'eau douce pour faire fonctionner les machines de dialyse. Santé Canada transporte donc chaque année tous ces gens à Winnipeg pour des dialyses, à grands frais. Cela se reflète dans les statistiques.

Voilà la difficulté que pose l'interprétation des statistiques. Chaque communauté et chaque ville ont leur propre histoire en ce qui concerne ces flux.

Le président: Votre direction de la recherche procède-t-elle également à l'évaluation des programmes ou est-ce différent?

M. Dan Beavon: C'est différent. Notre unité essaie fondamentalement de faire de la recherche de politique prospective, de la recherche stratégique. Je ne m'occupe pas d'évaluation ou de recherche opérationnelle fondamentale.

Le président: Est-ce que vous vous parlez?

M. Dan Beavon: Constamment, mais peut-être pas autant qu'on le souhaiterait parce que nous sommes tous les deux des gens de base.

Nous essayons de jeter les bases pour des décisions de politique à caractère empirique.

Le président: L'un des programmes dont parlait Mme Campbell est la Prestation nationale pour enfants et il semble y avoir certains défis statistiques pour comprendre la situation sur les réserves. Mme Campbell connaît ces arguments, que nous avons déjà entendus dans un contexte différent. C'est un problème même pour la population des réserves, qui est à certains égards plus stable quant au nombre de familles qui sont admissibles, étant donné que le principal critère d'admissibilité est la production d'une déclaration d'impôt sur le revenu. Comme bon nombre de membres des Premières nations ne produisent pas de telle déclaration, comment savoir quelle est la proportion des gens qui sont admissibles, en fonction de leur revenu? Quelle est la proportion qui obtient la prestation? Est-ce là l'un de vos problèmes, ou est-ce un problème d'analyse?

M. Dan Beavon: C'est un défi pour tous les deux. Bon nombre de gens gagnent un revenu sur la réserve et n'ont pas à produire de déclaration d'impôt sur le revenu mais, si j'ai bien compris, ils en produisent quand même une pour obtenir des prestations fiscales.

Mme Kathleen Campbell: Dans ce cas particulier, ce n'est pas tant un problème de statistique qu'un problème opérationnel car le recouvrement de la Prestation nationale pour enfants n'est possible que si les gens formulent une demande d'assistance sociale. Dans ce cas, ils n'obtiennent que ce montant, moins la Prestation nationale pour enfants. À cette étape opérationnelle, l'administrateur leur demande s'ils touchent un autre revenu et, s'ils disent non, il leur demande s'ils reçoivent ou non la Prestation nationale pour enfants. S'ils disent non, on leur dit «Voici votre formulaire, allez demander la prestation; vous ne demandez pas l'impôt, ce n'est pas un impôt». S'ils refusent toujours, on a un autre problème. Quand nous avons lancé le programme, nous nous attendions à ce qu'un certain nombre de gens refusent mais nous n'avons entendu parler d'aucun cas de refus.

Le président: Vous dites qu'on n'est pas obligé de produire une déclaration d'impôt, même en indiquant un revenu égal à zéro, pour obtenir la Prestation nationale pour enfants quand on vit sur une réserve?

• 1625

Mme Kathleen Campbell: On a le droit de dire zéro dans la mesure où on produit la déclaration uniquement pour obtenir la prestation.

Le président: Mais il faut quand même envoyer un formulaire de déclaration, même si le revenu est égal à zéro, pour être admissible à la prestation?

Mme Kathleen Campbell: Je devrais consulter une référence technique pour pouvoir vous dire si on peut demander la prestation sans être techniquement obligé de produire une déclaration d'impôt. Je n'en sais rien. Le savez-vous, Art?

Le président: Il cherche.

Voulez-vous vous avancer pour répondre, Art, et vous identifier? Ce serait utile.

Mme Kathleen Campbell: Il s'agit de Art Dedam, directeur de la Réforme de la sécurité du revenu. Il pourra sans doute vous répondre grâce aux connaissances qu'il a acquises dans son poste antérieur, concernant le système fiscal, plutôt que grâce à ses responsabilités actuelles.

Je m'excuse de vous mettre sur la sellette.

Le président: Bienvenue, monsieur Dedam.

M. Art Dedam (directeur suppléant, Réforme de la sécurité du revenu, ministère des Affaires indiennes et du Nord): Ce n'est pas la première fois que Kathleen me met sur la sellette.

De manière générale, nous avons constaté une augmentation de la production de documents pour des prestations fiscales dans les communautés des Premières nations depuis l'introduction des ristournes de TPS. Nous avons effectué quelques recherches pour établir le niveau de participation dans les communautés des Premières nations et nous avons constaté qu'il est en fait très élevé, probablement au-dessus de 90 p. 100. Certes, la démarche techniquement juste consiste à produire une déclaration d'impôt sur le revenu en indiquant un revenu nul et de remplir ensuite le formulaire joint pour recevoir la prestation et le supplément.

M. Dan Beavon: Laissez-moi vous donner une perspective de chercheur là-dessus. Cela fait plusieurs années que nous souhaitons étudier cette question de l'utilisation des données de Revenu Canada pour analyser les déclarations d'impôt sur le revenu. Évidemment, la difficulté est que nous n'avons pas de code d'identification pour identifier un contribuable comme étant Autochtone. Il y a cependant d'autres solutions, l'une d'entre elles étant le code postal.

Le président: Le code postal?

M. Dan Beavon: Oui. Par exemple, Statistique Canada effectue toutes sortes d'analyses à Revenu Canada en obtenant des données sur la base du code postal. On regroupe les déclarations par code postal. La difficulté est que les communautés des Premières nations n'ont pas de code postal unique. Certaines en ont un mais la plupart partagent leur code postal avec une ville ou une collectivité de l'extérieur. J'en ai discuté avec des gens de la Société des postes et ils me disent qu'ils ont un nombre quasiment illimité de codes postaux qu'ils peuvent attribuer. Ils donnent des codes postaux à des entreprises particulières mais ils ne tiennent particulièrement à accorder des codes postaux spéciaux aux Premières nations.

Le président: Cela semble pourtant une solution assez simple et je n'ai pas l'impression que ce serait une infraction à la protection des renseignements personnels ou à quoi que ce soit d'autre. Y a-t-il un inconvénient quelconque?

M. Dan Beavon: J'en vois un.

Mme Kathleen Campbell: Ce n'est pas nécessairement un inconvénient mais je pense qu'il serait intéressant, dans le cadre d'une telle étude, de définir exactement ce qu'est une communauté. Traditionnellement, du point de vue de Statistique Canada, les communautés sont définies par le recensement un jour particulier, une fois tous les cinq ans, selon certaines limites géographiques.

Si l'on veut savoir ce qu'est une communauté autochtone, étant donné les facteurs de mobilité dont nous avons déjà parlé, on constate que la communauté peut... On pourrait envisager de définir la communauté en fonction des gens qui disent eux-mêmes en faire partie ou qui y résident, étant donné que les gens peuvent sortir de la communauté pour de nombreuses raisons, par exemple pour occuper un emploi, de temps à autre, pour faire des études, etc.

Si l'on considère la communauté uniquement en fonction des gens qui y résident à un moment donné, on aura inévitablement une image différente du degré de succès ou d'insuccès des membres de cette communauté que si l'on considère tous les gens qui se considèrent plus sociologiquement ou psychologiquement comme membres de cette communauté.

Par exemple, si vous avez beaucoup de gens dans une communauté qui partent pour occuper des emplois où ils réussissent très bien—et j'ai récemment entendu l'exemple de gens qui vont à New York et qui travaillent sur les tours, de temps à autre, et reviennent régulièrement dans leur communauté. Ils font partie de la communauté et, quand on les inclut dans les statistiques de la communauté, on a une impression complètement différente—probablement une impression plus grande de succès—de ce qu'est cette communauté que si l'on ne tient pas compte de ce facteur.

• 1630

Le président: À quoi la réponse statistique est...

Mme Kathleen Campbell: Nous ne le savons pas encore.

Le président: Au fait, je précise que je poursuis cette discussion tant que quelqu'un d'autre ne lèvera pas la main. Comme elle m'intéresse beaucoup, ne vous sentez pas obligés d'intervenir.

Mme Carol Skelton: Oui. J'aimerais ajouter quelque chose pour la Saskatchewan. Votre politique actuelle est que les provinces et territoires assument la responsabilité des enfants en dehors des réserves, n'est-ce pas?

Mme Kathleen Campbell: Oui.

Mme Carol Skelton: Y a-t-il des plans pour améliorer la coordination? Essayez-vous continuellement de l'améliorer, surtout dans ma ville de Saskatoon, avec la croissance de population qu'elle connaît maintenant? Je dois dire que j'en suis très étonnée. Je savais que c'était un facteur important mais je n'avais pas réalisé qu'il l'était autant. Est-ce que vous faites des efforts particuliers pour assurer une meilleure collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces?

Mme Kathleen Campbell: Il y a deux aspects à cette question. Le premier est que, de manière générale, en vertu de l'ACUS—Accord cadre sur l'union sociale—les deux paliers de gouvernement sont généralement convenus de mieux coopérer, d'oeuvrer de manière plus coordonnée et plus coopérative dans tous les programmes sociaux, et de voir comment mieux faire à ce chapitre. L'autre aspect est d'ordre plus pratique et technique. Très franchement, cela dépend beaucoup de la région et des relations qui se sont établies entre les gens qui assurent la prestation des programmes dans les régions.

Nous avons certainement l'intention de collaborer plus étroitement avec les provinces mais le degré de succès peut varier d'une province à l'autre.

Mme Carol Skelton: Bien.

Quand je vous ai demandé combien de temps allait durer l'évaluation, vous ne m'avez pas donné de réponse très précise, comme «deux ans». Depuis combien de temps travaillez-vous à l'évaluation de vos programmes, globalement? Si vous dites deux ans, ça veut dire qu'il faudra deux ans supplémentaires. Depuis combien de temps travaillez-vous déjà là-dessus?

Mme Kathleen Campbell: Je vais vous répondre et nous verrons ensuite si...

Le programme doit faire l'objet d'une évaluation à certains intervalles. La première évaluation est préliminaire, la deuxième, exhaustive. Je pense qu'il y a un échéancier de quatre ans pour l'évaluation exhaustive mais, avant qu'elle commence il faut terminer l'évaluation préliminaire.

L'évaluation préliminaire a pris à peu près cinq mois et elle est tout juste terminée. Nous avons une ébauche de rapport. Je ne pense pas qu'il ait été publié mais il le sera bientôt. L'échéancier suivant concerne l'évaluation plus générale. Je ne comprends donc pas bien...

Mme Carol Skelton: C'est utile parce que je me demandais...

Monsieur le président, pourrons-nous avoir l'ébauche de rapport quand elle sera disponible?

Le président: Est-ce possible? L'ébauche de rapport est-elle un document secret?

Mme Kathleen Campbell: Non, ce n'est pas secret. Nous nous occupons actuellement de la publication du rapport, et c'est pour bientôt. Je n'ai pas de date précise, cependant.

Le président: Pourriez-vous l'envoyer au greffier quand il sera prêt? Ce serait utile.

Mme Carol Skelton: J'en serai très heureuse, monsieur le président.

Le président: Je vais donc reprendre mes questions. J'en étais au défi statistique concernant les enfants. Monsieur Beavon, vous pourrez peut-être nous aider un peu, à ce sujet, ou madame Campbell.

Hier, ou la veille, la ministre du Développement des ressources humaines a publié le premier rapport de base sur les services de développement de la petite enfance dont le gouvernement du Canada assume directement la responsabilité.

Je viens juste de voir le communiqué de presse. Je n'ai pas encore lu le document lui-même. Dois-je supposer que c'est simplement une liste des différents types de programmes de nutrition prénatale et de soins à l'enfance? Est-ce relié à la population autochtone, aux enfants autochtones? Pourriez-vous décrire ce que ce document...?

• 1635

Mme Kathleen Campbell: Oui. Ce document est destiné à répondre aux obligations fédérales-provinciales au titre de l'Entente sur le développement de la petite enfance qui est entrée en vigueur en septembre 2001, si je me souviens bien. C'est une entente qui a été ratifiée par les provinces et le gouvernement fédéral.

Nous avons participé à la préparation de ce rapport parce que nous avons fourni la description des programmes offerts aux Premières nations des réserves. Je répète cependant que c'est une initiative de Santé Canada et de DRHC, qui assument la responsabilité principale de tout le secteur des programmes de développement de la petite enfance, et ce sont eux qui ont décrit les programmes disponibles pour tous les enfants du Canada.

Le président: En ce qui concerne l'IDPE—et je suis sûr que vous me voyez venir—pourriez-vous nous rappeler quelle est l'obligation du gouvernement du Canada en ce qui concerne l'Initiative de développement de la petite enfance pour les enfants autochtones? À quoi nous sommes-nous engagés et où en sommes-nous par rapport à cet engagement?

Mme Kathleen Campbell: Nous déployons beaucoup d'efforts pour cerner ces obligations, je suppose, ou les engagements qui ont été pris dans le discours du Trône. On a mentionné à cette occasion qu'il fallait collaborer avec les communautés des Premières nations pour mettre en oeuvre les programmes à l'intention des enfants et pour répondre aussi aux besoins reliés au programme Bon départ pour les Autochtones et au SAF, syndrome d'alcoolisme foetal. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire à ce sujet pour le moment.

Le président: Voici une question pour M. Beavon. Pouvez-vous nous dire où se situent les enfants autochtones dans l'étude nationale longitudinale des enfants et des adolescents? Vous pourriez peut-être d'ailleurs nous rappeler en passant de quoi il s'agit et nous dire s'il y a là un élément manquant au sujet des enfants autochtones.

M. Dan Beavon: Je pense que c'est une question plus vaste que cela. En fait, il y a toutes sortes d'enquêtes qui sont menées par Statistique Canada entre les recensements. Il faut bien tenir tous ces gens occupés à faire autre chose. Cela dit, quand Statistique Canada mène ces autres enquêtes, les communautés autochtones et du Grand Nord en sont dans la plupart des cas exclues, essentiellement pour des raisons de coût.

Donc, quand on fait des études comme l'étude nationale longitudinale des enfants et des adolescents ou l'Enquête nationale sur la population et la santé, ou toutes sortes de grandes enquêtes qui produisent toutes sortes d'informations très importantes avec lesquelles on peut jouer, comme sur les conditions de vie des enfants et adolescents autochtones, les échantillons sont extrêmement petits car les communautés des Premières nations sont exclues. On ne saisit donc d'informations que sur la population autochtone urbaine. Et même alors, dépendant de la manière dont l'enquête a été structurée, il risque aussi d'y avoir une distorsion d'échantillonnage.

On peut donc prendre des enquêtes comme l'ESG, l'Enquête sociale générale, qui utilise des thèmes différents chaque année. Si vous faites une enquête sur la victimisation, vous la faites par téléphone. Or, bon nombre d'Autochtones des centres urbains vivent dans des logements inférieurs aux normes et n'ont pas le téléphone, ce qui veut dire qu'ils ne participent pas non plus à ces enquêtes-là.

Il y a moyen de contourner ces problèmes, par exemple en suréchantillonnant les populations autochtones ou en mettant sur pied une sorte de mécanisme d'échantillonnage stratifié pour les collectivités des Premières nations, mais c'est aussi une question d'argent, j'imagine.

Le président: Voici une question sur les politiques générales. Le défi très intéressant dont a parlé Mme Campbell au sujet de... Je pense que vous étiez sur le point d'employer le mot «harmonisation», au sujet des politiques provinciales, mais que vous n'êtes pas allée jusque-là. Vous avez mentionné l'exemple du pendule entre les droits de l'enfant et l'intégrité de la famille, si je peux m'exprimer ainsi. Je suppose cependant qu'il doit y avoir d'autres fluctuations dans les politiques—par exemple, le gouvernement de l'Ontario a réduit de manière très substantielle les paiements de bien-être social, et il a sa propre vision du monde.

Considérant les défis particuliers que pose une population autochtone dès le départ, je me demande pourquoi nous voudrions harmoniser nos politiques avec 12 ou 13 régimes différents, potentiellement, des provinces et des territoires? Pourquoi ne pas tout simplement essayer de faire le mieux possible de notre côté, étant bien entendu qu'il y a des différences au sein de la population autochtone elle-même? Au fond, cela deviendrait l'étalon-or pour cette sorte de chose. Pourquoi ne pas essayer tout simplement de bien faire de notre côté, sans nous soucier de cette notion bizarre d'ingénierie sociale qui semble intéresser telle ou telle province à tel ou tel moment, sans qu'il soit nécessaire de mentionner de nom comme, par exemple, la Colombie-Britannique ou l'Ontario?

• 1640

Oubliez cette dernière remarque, c'était purement politique.

Mme Kathleen Campbell: Il y a certaines raisons pour lesquelles nous devrions essayer d'harmoniser nos programmes avec ceux des provinces. L'une d'entre elles est que l'on veut éviter de produire ce qu'on pourrait appeler des «facteurs indus» de migration à partir des réserves ou vers les réserves.

Le président: Vous voulez parler d'incitatifs qui encourageraient...

Mme Kathleen Campbell: Oui, quelque chose qui serait tellement différent que ce serait la vraie raison, voire la seule... quelque chose qui constituerait un incitatif artificiel à quitter une réserve ou à aller s'y établir. Certes, d'aucuns affirment cependant qu'il y a tellement d'autres incitatifs, dans un sens ou dans l'autre, que ce n'est peut-être pas un gros facteur, mais je pense que c'est un facteur quand même.

Il y a certainement d'excellentes raisons pour que nous ne fassions rien qui soit inférieur à ce qui est offert aux autres citoyens du Canada, parce que les membres des Premières nations ont parfaitement droit au même niveau. Le seul argument contre le fait d'être l'étalon-or absolu, je suppose, serait d'ordre financier, tant et aussi longtemps que l'on peut maintenir un certain niveau d'harmonie avec la province.

Le président: Je vais poser une question à M. Beavon.

Je pense vous avoir entendu dire qu'il y a eu une tendance, au cours des années, à retourner sur les réserves ou à...

M. Dan Beavon: Depuis 30 ans, il y a eu une tendance très claire de migration nette de retour vers les réserves.

Le président: Quelles sont les explications? Évidemment, cela pourrait être relié à l'étalon-or des services sociaux mais j'ai peine à le croire.

M. Dan Beavon: Il est difficile de cerner les raisons des migrations. Dans le recensement, on ne demande pas aux gens pourquoi ils déménagent. Toutefois, cette question figurait dans le recensement de 1991 auprès des Autochtones.

Dans l'étude que je vous ai fournie, je propose une analyse des raisons avancées pour expliquer les déménagements. Il y a essentiellement quatre types de migrations: d'une réserve vers l'extérieur de la réserve; de l'extérieur de la réserve vers la réserve; d'une réserve à une autre réserve; et de l'extérieur de la réserve vers l'extérieur de la réserve, par exemple d'une ville vers une autre ville.

Il y a un graphique dans le rapport que je vous ai remis. Nous avons exclu les migrations de réserve à réserve, c'est-à-dire des membres d'une Première nation qui vont dans une communauté d'une autre Première nation, car les chiffres sont vraiment minuscules. Il reste donc les autres raisons, par exemple pourquoi des gens quittent une ville pour retourner sur une réserve, et la toute première raison est d'ordre familial. La deuxième raison concerne la qualité des logements. Beaucoup de gens ne trouvent pas de bons logements dans les villes. J'essaie de me souvenir des autres raisons mais elles figurent sur le graphique.

Si nous examinons les autres situations dans lesquelles des gens quittent une réserve pour aller en ville, la toute autre première raison est encore une fois d'ordre familial. Il y en a une autre qui concerne l'éducation, car les jeunes adultes ne peuvent faire d'études postsecondaires qu'en dehors des réserves. Il n'y a pas d'universités et de collèges sur les réserves. Ils ne vont donc pas là pour l'emploi. L'autre raison concerne encore le logement.

Donc, 25 p. 100 retournent sur une réserve à cause du logement, et 25 p. 100 quittent une réserve à cause du logement.

L'autre facteur vraiment intéressant, quand on se demande pourquoi les gens changent de ville, montre que ce groupe est le plus dynamique de tous. Encore une fois, la première raison est d'ordre familial, mais c'est la première fois que l'emploi apparaît aussi comme facteur. Essentiellement, ils passent d'une ville à une autre pour chercher du travail, et ils n'en trouvent toujours pas, ce qui ressort de toutes les statistiques dont on dispose sur le chômage.

Mme Carol Skelton: J'ai une question, qu'il n'est peut-être pas juste de vous poser. Le ministère a constaté qu'il existe un groupe d'environ 200 000 personnes âgées au Canada qui ne reçoivent pas le Supplément de revenu garanti. Avons-nous des chiffres correspondants sur le nombre d'enfants qui ne bénéficient pas de vos programmes?

• 1645

Mme Kathleen Campbell: Pour ce qui est de la Prestation nationale pour enfants, comme l'a dit M. Dedam, nous sommes pratiquement sûrs d'avoir une couverture quasi totale. En ce qui concerne les programmes gérés par les collectivités, je pense que la couverture est déterminée par les collectivités elles-mêmes. Il peut s'agir de programmes destinés à certains publics particuliers, comme un programme de repas scolaire ou un programme culturel. Je veux dire par là qu'il n'y a donc pas une couverture totale pour tous les enfants de la collectivité concernée, mais ce sont quand même des prestations qui sont dispensées à tous les enfants de la collectivité.

Pour ce qui est des services à l'enfance et à la famille, il est très difficile de savoir quels sont les niveaux réels d'abus, que ce soit dans les réserves ou dans n'importe quelle autre collectivité. Dan pourrait peut-être vous parler d'une étude qu'il a entreprise à ce sujet. Il ne fait aucun doute qu'il y a aussi des abus non déclarés. Donc, dans ce sens de non-couverture, nous ne sommes pas certains du niveau réel.

J'ai eu des discussions avec mes collègues du Conseil du Trésor parce qu'on a constaté une augmentation considérable, depuis trois ans, des enfants qui sont placés sous un régime de garde, et que les coûts correspondants ont augmenté aussi. J'affirme que c'est un signe de succès, car l'objectif du programme est effectivement d'assurer une protection. En conséquence, considérant que les services sont maintenant culturellement orientés, nous constatons qu'il y a plus d'enfants qui ont besoin de ce type de protection et de ce type d'aide. À long terme, ils aimeraient que le but ultime du programme soit que cette protection ne soit plus nécessaire, mais cela exigera plus d'investissement du côté de la prévention.

Mme Carol Skelton: Avez-vous une remarque à faire, monsieur Beavon?

M. Dan Beavon: Je pense que Kathleen faisait référence à certaines des recherches que nous menons actuellement dans ce domaine. Nous menons une grande étude de victimisation en Colombie-Britannique. Je l'ai entreprise avec une subvention du CRSH et je travaille avec le Département de criminologie de l'université Simon Fraser.

Ils sont à l'heure actuelle sur le terrain à Vancouver. Ils ont déjà eu des entrevues avec environ 600 Autochtones du centre-ville de Vancouver. Il y a pas mal d'adolescents parmi les Autochtones incarcérés. Ils suivent 80 adolescents autochtones du point de vue de la récidive, en essayant d'examiner les facteurs reliés à leurs difficultés.

À l'échelle provinciale, par exemple, la moitié des adolescents incarcérés en Colombie-Britannique, et inclus dans l'étude, sont Autochtones. Beaucoup sont en prison pour des infractions reliées à la prostitution et aux drogues. Et je répète qu'un nombre très élevé des jeunes sont Autochtones également. Dans le cadre de l'étude, nous suivons une cohorte de ces jeunes. Je pense que certains des résultats préliminaires montrent, par exemple, que plus de 80 p. 100 récidivent dans une période de six mois. Ils sont tributaires des ressources disponibles dans la communauté du centre-ville de Vancouver.

Nous sommes sur le point de lancer cette semaine une étude sur les sans-abri autochtones, dans le cadre de l'étude de victimisation. Tout cela est encore préliminaire, car ils sont sur le terrain et ça continue. Les résultats ne sortiront pas avant un an.

J'ai vu certains des chiffres préliminaires issus de l'analyse et ils sont effrayants du point de vue de l'alcoolisme, du crack et de l'héroïne. C'est une question de ressources disponibles. Une partie de l'étude n'est pas tellement axée sur les taux réels que sur les services réels qui sont disponibles et sur la manière dont ils les utilisent.

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Le président: Je m'attends à ce que Mme Skelton et les autres membres du comité, quand tous seront ici, voudront prendre connaissance de cette étude et rester en contact avec vous, même avant que vous n'ayez produit une analyse exhaustive des chiffres.

L'un des objectifs du sous-comité est de mener enquête sur les programmes hors réserve destinés aux enfants jusqu'à l'âge de 12 ans. Après le congé, nous entreprendrons une deuxième phase concernant les enfants et adolescents autochtones des villes et en dehors des réserves. Nous aurons donc besoin de ce genre d'informations.

J'aimerais donc établir une relation de travail avec vous, car il est évident que vous aurez des informations très récentes. Nous essaierons de négocier quelque chose au sujet des règles du jeu, pour ce qui est de protéger vos recherches et d'assurer la confidentialité des renseignements personnels. Je pense qu'il est important que nous restions en contact à ce sujet car nous avons un intérêt commun à cet égard.

Monsieur Beavon, comment négociez-vous avec les Premières nations les questions que vous posez... la manière dont vous vous y prenez et toutes les choses de ce genre?

M. Dan Beavon: J'ai probablement 18 études différentes concernant les collectivités des Premières nations. Cela n'a jamais été un problème. En règle générale, nous partageons des objectifs communs au sujet de ces études. Je ne vais pas dans les communautés des Premières nations qui ne sont pas intéressées à être nos partenaires.

Essentiellement, nous mettons sur pied une stratégie de partenariat. L'un de mes employés va sur place et travaille avec l'un des chefs ou avec un représentant du conseil de bande. On met sur pied un petit comité directeur qui fixe les paramètres de l'étude. Ensuite, on engage un expert-conseil qui mène l'étude réelle. C'est donc un vrai partenariat.

Par exemple, j'ai des recherches en cours avec des chefs du sud du Manitoba. Nous avons mené quatre ou cinq études avec les Nishnawbe du sud de l'Ontario. J'ai aussi fait des recherches récemment à Kahnawake. Je mène beaucoup d'études de cas au nord de l'Alberta, dans la région du Traité 8, la région des sables bitumineux, au sujet de la relation entre la gouvernance et le développement économique, en essayant de reproduire des recherches menées aux États-Unis par l'université Harvard. Certains de leurs étudiants en doctorat participent à ces études sur le terrain, avec moi.

Le président: Excellent.

Mme Carol Skelton: Avez-vous quelque chose en cours en Saskatchewan?

M. Dan Beavon: Ça varie d'une année à l'autre. L'an dernier, nous avons effectué des études de cas sur la migration en Saskatchewan. J'essaie de voir si nous avons quelque chose en cours maintenant. Je devrais vérifier car j'ai tellement de projets en cours.

Mme Carol Skelton: Pas de problème.

Le président: Vous pourrez peut-être nous envoyer la réponse plus tard?

M. Dan Beavon: Certainement.

Le président: Merci.

J'ai le sentiment que nous allons coopérer pendant très longtemps, tous les deux. En fait, nous n'allons pas admettre qu'il n'y a que nous deux. Nous allons prétendre que le troisième est allé à la salle de bains et qu'il n'est pas encore revenu car, selon le règlement, nous sommes censés être trois. J'ai cependant tendance à utiliser le règlement de l'église, quand deux ou trois personnes sont réunies.

Cela dit, je tiens à vous remercier beaucoup de ces témoignages extrêmement intéressants. Comme je suis un fanatique de recherche, je suis très heureux du caractère complémentaire de vos exposés et du soin que vous avez pris à les préparer. J'espère que nous allons continuer à collaborer car nous avons manifestement un objectif commun qui est le bien-être de tous nos enfants.

La séance est levée.

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