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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ DES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 6 juin 2001

• 1533

[Traduction]

Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bonjour et bienvenue. Je m'excuse pour la folie de fin de session que nous vivons ces jours-ci. Nous avons même failli ne pas pouvoir tenir notre séance en raison de ce qui se passe à la Chambre, qui est trop ennuyeux pour en parler.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, AC): Vous faites référence au projet de loi C-28?

Le président: Oui.

Je sais que d'autres personnes se joindront à nous. Je m'excuse aussi de la façon un peu désordonnée dont nous fonctionnons aujourd'hui.

Nous sommes heureux que vous soyez présents. Je vais vous faire une brève récapitulation de l'histoire du sous-comité. Celui- ci a évolué au fil du temps et, comme vous pouvez le constater, nous avons de nouveaux membres depuis votre dernière comparution. Ainsi, ces temps-ci, nous nous employons notamment à mettre ces nouveaux membres au fait afin que nous possédions tous les mêmes informations et nous en profitons en même temps pour faire le point et réfléchir à l'évolution de divers dossiers. Aujourd'hui, nous parlons de la Prestation nationale pour enfants.

Je crois savoir que vous avez convenu entre vous que John Murphy prendrait la parole en premier. Avez-vous décidé qui serait le deuxième? Avez-vous déterminé un ordre précis?

• 1535

Je devrais tout aussi bien être arbitraire. Pourquoi ne pas enchaîner avec Ken, Joanne et ensuite Andrew? Qui veut terminer?

Très bien, commençons. Je vais donc demander à John Murphy, du Conseil national du bien-être social, d'amorcer la séance. Je vous remercie tous d'être venus. Veuillez faire preuve de tolérance; si le timbre se met soudainement à retentir, vous verrez ce à quoi nous sommes soumis.

M. John Murphy (président, Canning, Nouvelle-Écosse, Conseil national du bien-être social): Bien.

[Français]

Le président: Je crois que si nous sommes un nombre égal. Ça va, mais si vous quittez, par exemple, alors là...

[Traduction]

Nous allons tenter de conserver un nombre égal; nous pourrons ainsi rester où nous sommes.

Je vous souhaite la bienvenue, John.

M. John Murphy: Merci, monsieur le président, membres du comité. Nous sommes heureux d'avoir la possibilité de nous présenter devant votre sous-comité pour vous parler à nouveau de la Prestation nationale pour enfants, la PNE.

Le Conseil national du bien-être social est un organisme consultatif de citoyens à l'intention du ministre du Développement des ressources humaines. Notre tâche consiste à présenter au ministre un autre avis sur l'incidence des politiques fédérales sur les personnes à faible revenu au Canada et à proposer des façons d'améliorer celles-ci.

Le Conseil s'est longuement penché sur la question de la PNE au cours des dernières années. Il appuie entièrement les efforts que déploie le gouvernement fédéral pour réduire la pauvreté chez les enfants. Ce problème constitue une grande préoccupation pour nous tous qui sommes réunis autour de cette table. À notre avis, il s'agit d'une question urgente pour l'ensemble du pays.

Si les taux de pauvreté chez les enfants ont connu une faible diminution ces dernières années, ils sont encore bien loin de se situer au niveau où ils se trouvaient avant la dernière récession. Plus nous découvrons l'importance d'offrir aux enfants dès leur jeune âge les meilleures expériences possibles de développement, plus le Conseil s'emploie à recommander que la pauvreté chez les enfants devienne la priorité du gouvernement fédéral et, bien entendu, celle également des gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux.

Nous avons lutté pour l'obtention de la PNE. Lorsqu'elle a été annoncée, nous avons applaudi le gouvernement fédéral qui venait ainsi d'adopter un nouveau programme social considérable après s'être concentré pendant des années à réduire le déficit. Nous étions particulièrement heureux que cette politique vise à s'attaquer au problème de la pauvreté chez les enfants.

Le Conseil appuie également le travail du gouvernement fédéral visant à fournir des revenus plus élevés aux familles à faible revenu qui sont déjà sur le marché du travail. Nous sommes d'accord pour dire qu'il est important d'appuyer les parents vivant de l'aide sociale à faire la transition vers le marché du travail. Mais nous avons également certaines réserves concernant la PNE et des recommandations pour l'améliorer.

La principale réserve du Conseil à l'égard de la PNE demeure la récupération du supplément et le réinvestissement des sommes provenant de la récupération. La PNE a été conçue pour permettre aux provinces et aux territoires de récupérer le plein montant du supplément versé aux familles forcées de dépendre de l'aide sociale. Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick ont choisi de ne pas exercer ce droit, et nous sommes heureux de constater que plusieurs provinces ont annoncé depuis qu'elles mettront fin au moins partiellement à la récupération.

Les provinces et les territoires ont réduit leurs prestations d'aide sociale d'un montant équivalent à celui du supplément, puis ils ont utilisé les sommes ainsi économisées pour d'autres programmes provinciaux ou territoriaux visant les enfants à haut risque, mais pas nécessairement les enfants des familles auxquelles on avait retiré cette somme. Le Conseil est vivement préoccupé par les répercussions de la réforme de l'aide sociale sur les revenus des personnes dépendant des prestations d'aide sociale.

Les revenus d'aide sociale pour les familles monoparentales avec des enfants se situent entre 50 et 70 p. 100 du seuil de pauvreté, ce qui signifie qu'un parent seul avec un enfant vivait en 1999 d'un revenu annuel se situant entre 11 300 $ à Winnipeg et 13 900 $ à St. John's, Terre-Neuve. Les couples avec deux enfants touchant des prestations d'aide sociale devaient vivre d'un revenu se situant entre 48 et 62 p. 100 du seuil de pauvreté, ce qui équivalait à 16 000 $ à Montréal et à environ 17 800 $ à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard.

• 1540

L'idée même de tenter d'élever des enfants dans une telle pauvreté est impensable pour la plupart des Canadiens. Nous nous inquiétons qu'un si vaste investissement d'argent et de bonne volonté ne profite en rien aux plus pauvres des familles ayant des enfants. S'il est vrai que nous appuyons pleinement la création de mesures d'incitation au travail, nous croyons que l'objectif prioritaire doit être d'assurer des revenus appropriés aux plus pauvres parmi les pauvres, donc aux personnes qui sont forcées de dépendre de l'aide sociale.

Le gouvernement fédéral n'a pas exigé de toutes les provinces et de tous les territoires qu'ils récupèrent l'argent. Tout ce qu'il a demandé, c'est que les provinces et les territoires fassent en sorte de s'assurer que les bénéficiaires de l'aide sociale ne se trouvent pas dans une situation plus difficile en raison de la récupération. Bon nombre des provinces et des territoires ont simplement gelé leur taux d'aide sociale. L'inflation a fait le reste. Les revenus d'aide sociale sont en réalité plus bas qu'ils ne l'étaient avant la création de la PNE.

Vous constaterez dans les documents qui vous ont été distribués l'effet que cela a eu. À Terre-Neuve et au Nouveau- Brunswick, où il n'y avait pas de récupération, les revenus d'aide sociale ont commencé à augmenter grâce à l'investissement du gouvernement fédéral dans la PNE. Si vous regardez le cas d'autres provinces, elles affichent pour la plupart un taux d'inflation qui érode la valeur de l'aide sociale. Si vous examinez les taux d'aide sociale en Ontario, vous verrez que l'investissement du gouvernement fédéral dans la PNE n'a compensé en rien les dommages causés par la réduction de 22 p. 100 de l'aide sociale en octobre 1995.

La récupération signifie également que la plupart des enfants pauvres du Canada ne bénéficient pas de la PNE. L'évaluation effectuée par le Conseil du nombre d'enfants vivant de l'aide sociale en mars 1997 sous-évalue leur nombre à près de 1,1 million. Les renseignements que nous détenons de Statistique Canada pour l'année 1998 révèlent que 1,3 million d'enfants au Canada vivaient en dessous du seuil de faible revenu.

Des améliorations à l'économie et la mise en place de règles d'admissibilité plus strictes pour les programmes d'aide sociale ont peut-être eu pour effet de retirer des enfants des listes de l'aide sociale. Cela ne signifie pas moins que la plupart des enfants pauvres n'avaient pas droit aux prestations intégrales de la PNE pour la seule raison que leurs parents étaient forcés de dépendre de l'aide sociale.

Une proportion démesurément élevée d'enfants de familles monoparentales risquent de vivre de l'aide sociale. En mars 1997, comparativement aux enfants de familles biparentales, plus du double des enfants de parents seuls touchaient des prestations d'aide sociale. Il existe environ 13 mères seules pour chaque père seul. Ce fait révèle un grave problème de discrimination fondée sur le sexe inhérent à ce programme. Une famille dirigée par une femme est beaucoup plus susceptible de ne pas être admissible au plein appui de la PNE.

Les parents seuls sont déjà très menacés par la pauvreté et ils doivent déjà affronter des obstacles considérables dans leurs efforts pour amener le revenu de leur famille au-dessus du seuil de pauvreté. Les parents sans conjoint n'ont tout simplement pas la souplesse dont disposent les familles composées de deux parents pouvant potentiellement gagner un revenu. Même lorsqu'elles sont sur le marché du travail, les femmes gagnent des salaires considérablement moins élevés que les hommes, si bien qu'il leur est beaucoup plus difficile d'obtenir le revenu qui permettrait à leur famille de se passer de l'aide sociale. Lorsqu'une seule personne dans la famille peut potentiellement gagner un revenu, un autre problème se pose et constitue un obstacle plus énorme encore: le manque de services de garde d'enfants de qualité et abordables.

Nous estimons qu'un programme visant à lutter contre la pauvreté chez les enfants comporte de sérieuses lacunes s'il ne vient pas en aide aux familles les plus à risque et à celles qui font face aux plus grandes difficultés lorsqu'elles essaient d'entrer sur le marché du travail. Plutôt que d'aider ces parents à entrer sur le marché du travail, la récupération renforce la discrimination à laquelle les femmes font déjà face sur le marché du travail.

L'autre préoccupation du Conseil à l'égard de la récupération et de la stratégie de réinvestissement est l'absence d'un mode clair de responsabilisation et d'évaluation de la manière dont les provinces et les territoires dépensent l'argent qu'ils retirent aux familles vivant de l'aide sociale. Les provinces et les territoires ont été obligés de dépenser l'argent dans le secteur général des enfants à haut risque, mais aucune obligation ne leur a été faite de s'assurer que l'argent était acheminé vers les familles touchant les plus faibles revenus.

• 1545

Le Conseil ne s'oppose pas à la plupart des choix qu'ont faits les provinces et les territoires. Nous croyons cependant que les fonds provenant du gouvernement fédéral doivent avoir une destination précise et qu'il faut en rendre compte à l'intérieur d'un cadre qui garantisse l'utilité et la qualité des programmes. Or, dans les conditions actuelles, il est impossible de le savoir.

Nos recommandations quant à l'avenir de la PNE sont les suivantes.

Premièrement, nous recommandons que les évaluations futures de la PNE soient faites conformément au plan d'égalité des sexes du gouvernement fédéral. Nous estimons qu'il est prioritaire que la PNE soit évaluée par DRHC en collaboration avec Condition féminine Canada. Nous recommandons également la mise en place d'un processus d'évaluation qui prévoit une consultation auprès des parents vivant de l'aide sociale, qui peuvent réfléchir sur les effets de la PNE actuelle sur leur vie—et je tiens à insister sur cette dernière phrase.

Deuxièmement, nous recommandons qu'aucune autre somme ne soit investie dans la PNE jusqu'à ce que (a) le gouvernement fédéral ait créé un mécanisme permettant de s'assurer que les taux provinciaux et territoriaux de l'aide sociale versée aux familles avec des enfants suivent l'évolution de l'inflation. L'érosion des revenus d'aide sociale depuis la création de la PNE témoigne de l'absence d'une protection adéquate de l'accord en vigueur entre le gouvernement fédéral et les provinces et les territoires, lequel vise à assurer que la situation des bénéficiaires de l'aide sociale ne se soit à tout le moins pas aggravée; et (b) un système complémentaire de garde d'enfants soit mis en oeuvre. Sans garde d'enfants, il est tout simplement impossible pour la plupart des parents seuls d'entrer sur le marché du travail pour y occuper un emploi à plein temps et gagner un revenu suffisant pour ne plus toucher de prestations d'aide sociale. D'autres services directs pourraient être utiles, mais la garde d'enfants est le plus important.

En terminant, un programme national complémentaire de garde d'enfants en plus de la PNE nous semble être la stratégie la plus avisée de lutte contre la pauvreté chez les enfants. Vous avez peut-être vu, comme nous, que le Toronto Star a publié vendredi dernier les résultats du programme québécois de garderies à 5 $ par jour, qui a probablement contribué à la réduction de 37 p. 100 du nombre de mères seules vivant de l'aide sociale.

Voilà mon exposé. Merci, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Murphy.

Je présume, madame Roulston, que M. Murphy a parlé au nom de l'organisme et que vous êtes tous les deux en mesure de répondre aux questions.

M. John Murphy: C'est exact.

Le président: Ken Battle, soyez à nouveau le bienvenu.

M. Ken Battle (président, Institut Caledon): Merci.

J'ai distribué des graphiques dont je parlerai. Ils sont en français et en anglais.

Aujourd'hui, je vais me concentrer sur l'avenir de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. À mon avis, le gouvernement fédéral devrait dans l'avenir investir massivement dans cette prestation afin d'en faire un programme de soutien du revenu beaucoup plus important et bien plus efficace à l'intention des familles canadiennes avec des enfants. Cela contribuerait à accroître la réussite de la PNE et à atténuer certaines des critiques que vous venez d'entendre à propos de celle-ci.

En ce qui concerne les progrès réalisés jusqu'à maintenant, je crois que l'élément le plus important à propos de la PNE—ce n'est cependant pas ce que pensent en majorité les groupes sociaux—c'est qu'elle fait partie d'une grande restructuration du régime de sécurité sociale.

Soit dit en passant, le Canada est un chef de file au chapitre de ce genre de restructuration. Nous venons tout juste de terminer une étude internationale sur la réforme des prestations pour enfants de quatre pays, soit les États-Unis, l'Australie, le Royaume-Uni et le Canada. Cette étude a révélé que l'Australie et le Royaume-Uni vont certes dans la même direction que nous. Au terme de l'étude, nous avons tenu une rencontre à Londres lors de laquelle nous avons invité les participants à venir au Canada pour examiner la mise en oeuvre de la PNE. Un groupe de députés membres du Comité permanent de la sécurité sociale ainsi qu'un groupe de cadres notamment du ministère du Revenu de l'intérieur et du Trésor sont donc venus au Canada. En fait, l'Angleterre a adopté en majeure partie le modèle canadien.

Le genre de restructuration dont je parle s'inscrit dans une vision de l'aide sociale axée sur son élimination. Il s'agit d'une vision qui prévoit le remplacement graduel des programmes universels fondés sur les besoins—le principal étant le régime d'aide sociale—par des prestations globales fondées sur le revenu comme la Prestation fiscale canadienne pour enfants et les prestations provinciales pour enfants.

• 1550

Je crois qu'il est très important de ne pas seulement examiner l'incidence de la PNE et les problèmes de la récupération de façon statique. Selon moi, l'un des grands progrès que nous sommes en train de réaliser—trop lentement et trop graduellement, mais du moins dans la bonne direction—c'est de remplacer une partie croissante des revenus d'aide sociale par une prestation fondée sur le revenu entièrement indexée et non stigmatisante qui a un avenir politique, contrairement au régime d'aide sociale, qui n'a aucun avenir.

Même si les familles prestataires de l'aide sociale ne se classent malheureusement pas au premier rang en termes de revenu pour des raisons liées à l'irrationalité de l'ancien système que nous tentons de réformer, elles seront dans une meilleure situation tout simplement, pour être direct, parce que la partie de leur revenu qu'elles recevront d'Ottawa sera plus grande que celle qu'elles obtiendront de leur province.

Nous considérons la réforme des prestations pour enfants comme la première étape d'une réforme bien plus vaste de l'assurance emploi et de l'aide sociale—qui prendra de nombreuses années selon moi—qui résultera en un système de soutien du revenu et d'aide à l'emploi pour les adultes et les enfants beaucoup plus solide, humain et efficace.

La figure 1 des graphiques que je vous ai distribués montre les dépenses fédérales au chapitre des prestations pour enfants au fil des ans. Il n'y a pas eu d'augmentation spectaculaire, mais nous observons au moins une amélioration.

En 1984, nous avons dépensé environ 6,5 milliards de dollars, en dollars constants de 2001. Ce montant a bien sûr diminué au fil des années en raison de changements apportés aux programmes et de la désindexation. Grâce à la PNE et, de façon plus importante, à la décision de l'indexer entièrement, qui constitue un progrès essentiel, les dépenses au titre des prestations pour enfants ont augmenté considérablement de sorte qu'en 2001 elles s'élèveront à 8 milliards de dollars, ce qui représente une hausse d'environ 45 p. 100. Ce n'est pas mal.

De façon plus précise, la figure 2 fait état des prestations en espèces versées par le gouvernement fédéral au fil des ans aux familles à faible revenu. Je ne parle pas de l'ancienne Exemption d'impôt pour enfants ni du crédit d'impôt non remboursable, mais des prestations en espèces comme les allocations familiales, le crédit d'impôt pour enfants et la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Vous pouvez voir que, immédiatement après la guerre, le montant des allocations familiales s'élevait à 1 564 $ pour une famille avec deux enfants en dollars de 2002, et, en 2002, il sera de 5 063 $. Ainsi, au chapitre des prestations fédérales pour enfants, il y a eu des augmentations raisonnables.

Je crois que la PNE a contribué à faire progresser l'union sociale. Je pense qu'elle a créé des rouages bureaucratiques et ministériels qui, je l'espère, pourront être adaptés à d'autres politiques sociales. Cela est déjà en train de se faire en ce qui concerne l'invalidité. En effet, on a mis sur pied un groupe de travail fédéral-provincial sur le soutien du revenu pour les personnes handicapées.

Elle a donné aux provinces de la flexibilité, ainsi qu'une liberté de choix. Pour certains, ce n'est pas positif, mais pour beaucoup d'autres, oui. Les provinces jouissent certainement de flexibilité, y compris celle de faire passer l'augmentation aux familles assistées, ce qu'une ou deux provinces ont d'ailleurs fait.

À mon avis, la PNE est une réussite en ce qui concerne le Québec, même si cette province n'a officiellement pas participé à la PNE, seulement officieusement. Elle a appuyé à fond la justification politique de la PNE et a certainement pris l'argent proposé.

En ce qui concerne les Premières nations, je dois mettre un point d'interrogation. En effet, comme d'autres, je ne suis pas spécialiste en la matière, si bien que je parle d'un succès mitigé; j'espère que le traitement à part prévu pour les collectivités autochtones sera une avancée de plus. Je parlais à un attaché de recherche qui examine les réinvestissements dans les réserves et qui est très excité par ce qui se passe. Nous allons donc voir ce qui va se passer, pour l'instant je ne le sais pas.

• 1555

Dans le récent rapport, il est dit que les fonds fédéraux ont suscité des réinvestissements provinciaux, mais il y a également eu des investissements provinciaux—pas importants—en plus des fonds fédéraux. Je parlerais même d'éclectisme en raison de la diversité que l'on remarque dans les réinvestissements; c'est un ensemble de revenus et de services et c'est ce genre de gamme de politiques dont nous avons parlé, même si vous n'aimez pas trop savoir ce qu'une province particulière fait par rapport à une autre.

Des efficiences administratives se sont produites—ce qui était le troisième objectif de la PNE, si vous vous en souvenez bien—réduisant les chevauchements et les redondances, vu que la plupart des provinces qui créent les nouvelles prestations pour enfants liées au revenu se servent du régime fiscal fédéral des particuliers pour les calculer. Il y a donc de véritables efficiences au chapitre de l'évaluation du revenu et du versement des prestations.

Je pense que l'indexation complète du régime fiscal des particuliers et de la prestation fiscale canadienne pour enfants est extrêmement importante, comme vous l'ont dit la plupart des gens de ce côté de la table, et ce, depuis des années. Elle permet de stabiliser les augmentations qui deviennent de véritables augmentations et qui ne sont pas données d'une main et reprises de l'autre; elles permettent également de mettre un terme à ce que l'on pourrait appeler la suppression furtive de l'universalisation, qui était une réduction de la portée de la PFCE à cause de l'indexation partielle. Le gouvernement fédéral a fait quelques petits progrès, toutefois importants, en ce qui concerne le rétablissement des prestations pour enfants de familles non pauvres—je vais revenir là dessus dans quelques instants. C'est un élément très important de l'ensemble.

Ceci étant dit, la PNE présente plusieurs problèmes. Il est clair, comme John vient juste de le dire, que le courant contre la disposition de récupération a été très marqué. Cela est compréhensible, étant donné que la PNE a été instaurée au cours d'une période de compressions ouvertes et secrètes dans le domaine de l'assistance sociale, période qui s'est étalée sur plusieurs années. Elle n'est donc pas apparue au meilleur moment, même si la question relative à la disposition de récupération va disparaître assez vite, soit dit en passant. Lorsque le fédéral aura cessé de majorer la PFCE, ce sera la fin du réinvestissement et il n'y aura plus de problème au niveau de la disposition de récupération. Je tiens à dire qu'à mon avis, le fédéral devrait continuer à investir, mais c'est ce qui va se produire. Il n'y aura plus de problème à propos de la disposition de récupération une fois que le gouvernement fédéral ne touchera plus à l'assistance sociale.

À mon avis, un autre grand problème lié à la PFCE et à la PNE—et je ne vais pas m'étendre là dessus—c'est qu'elles sont très mal comprises. Cela s'explique en partie par la terminologie ésotérique utilisée. Il est difficile de décrire à quoi cela correspond, car il est difficile de comprendre l'ancien système. Je peux vous dire qu'essayer de l'expliquer à des non-Canadiens—sans parler des Canadiens—a été un véritable cauchemar au moment de la rédaction de ce livre. C'est certainement à cause de cela, sans compter les augmentations très graduelles et complexes de tous les niveaux de prestation, qui ont rendu la prestation pratiquement impossible à comprendre. Je dois constamment vérifier où nous en sommes. C'est donc très difficile à comprendre. N'oubliez pas que certains d'entre nous nous étions prononcés en faveur d'une prestation de choc pour enfants qui aurait introduit un nouveau système de prestation pour enfants au bout de deux années et qui aurait permis de se débarrasser de bien de ces problèmes.

J'aimerais également soulever un autre problème très brièvement, soit le risque que les politiciens exigeront trop de choses, trop tôt, en matière de prestation nationale pour enfants. Nous l'avons senti venir dans la déclaration des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux suite au récent rapport d'étape PNE, puisqu'on a d'abord laissé entendre que la PNE visait à diminuer l'incidence de la pauvreté, ce qui est tout à fait faux—cela n'a jamais été un objectif établi et ne devrait pas l'être, compte tenu de l'importance actuelle de la PNE—et, deuxièmement, que la diminution bien accueillie de la pauvreté dans les familles avec enfants s'explique en partie par la PNE. Ce serait bien de le penser, mais j'en doute. Il suffit de regarder la figure 3 pour comprendre ce que je veux dire.

Pour reprendre le langage du rapport d'étape, je ne crois pas que l'incidence de la pauvreté soit un indicateur direct pertinent de l'évaluation de la PNE, simplement parce qu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'une prestation de l'importance de la PFCE puisse diminuer l'incidence de la pauvreté. C'est la profondeur de la pauvreté qui est l'indicateur et l'objectif plus pertinents et c'est d'ailleurs ce que les ministres ont signé.

Si vous regardez la figure 3, vous pouvez voir ce qui se passe. Il n'y a rien d'étonnant à ce que le taux de chômage et le taux de pauvreté soient étroitement liés. Nous pourrions investir encore plus dans la prestation nationale pour enfants. Si le chômage augmente, la pauvreté des enfants s'accentue et on pourrait dire que la PNE est un échec. Eh bien, elle pourrait être un succès; elle pourrait améliorer le niveau de vie des familles à faible revenu même si l'incidence de la pauvreté ne cesse d'augmenter. Je crois donc qu'il y a un problème.

• 1600

Deux autres questions se posent. Je ne vais pas en parler, mais simplement en faire mention. Tout d'abord, certains économistes sont absolument contre les taux marginaux d'imposition, car selon eux, ces taux élevés créés par la PFCE entraînent la désincitation au travail. À mon avis, c'est d'un ridicule consommé; rien ne le justifie.

Le président: Vous pourriez donner votre avis personnel à ce sujet.

M. Ken Battle: C'est une vue fort simpliste du comportement du marché du travail, mais ce sont des critiques que je ne cesse d'entendre, lorsque je m'adresse à certains groupes.

Enfin, une question particulière au sujet du réinvestissement se pose en Ontario—et je commence à manquer de temps, si bien que j'y reviendrai si vous voulez parler de l'Ontario. Étant donné qu'une partie des fonds réinvestis est versée aux municipalités de l'Ontario, puisque l'Ontario a toujours un système d'aide sociale à deux paliers, ce qui entraîne...le NPD de cette province s'oppose à la disposition de récupération et quelques municipalités ne suivent pas les conseils du gouvernement de l'Ontario à ce sujet.

J'ai abordé...et je veux en parler rapidement, car cela fait partie de ma phrase-choc de la fin. Si vous regardez la figure 4, vous voyez qu'elle compare les prestations fédérales pour enfants en dollars constants—en 1984 dans l'ancien système des allocations familiales, de l'exonération fiscale pour enfants et du crédit d'impôt pour enfants remboursable, et la PFCE telle qu'elle existera en 2004. Vous pouvez voir que l'ancien système n'était pas vraiment lié au revenu et qu'il était complètement universel au point de vue du montant de la prestation...très universel, non seulement en termes de portée, mais aussi en termes de montant. Par rapport à l'ancien système, la PFCE est bien sûr beaucoup plus ciblée.

Si vous regardez la figure 5, vous voyez que les prestations pour enfants représentent un pourcentage du revenu familial dans l'ancien système et le nouveau. Il apparaît donc assez clairement que les familles à faible revenu ont tiré le plus parti des prestations fédérales pour enfants.

La figure 6 décrit le changement intervenu dans la prestation pour enfants en termes de pourcentage du revenu familial. Je le souligne, parce que même si les familles à revenu modeste et à revenu moyen se sont retrouvées perdantes, proportionnellement parlant, l'impact est très mineur par rapport aux familles à plus faible revenu auxquelles ont été consenties de grandes augmentations.

Si j'en parle, c'est parce que c'est un enjeu fort important en ce qui concerne les prestations pour enfants examinées de façon plus générale. Il ne s'agit pas simplement de l'objectif anti- pauvreté des prestations pour enfants, sur lequel la PNE s'est concentrée. Nous avons également ce que l'on appelle la reconnaissance parentale ou la fonction d'équité horizontale des prestations pour enfants, élément sur lequel nous devons nous pencher davantage à l'avenir. Nous parlons donc de rétablir et d'augmenter les prestations pour les familles non pauvres, notamment les familles à revenu modeste et moyen.

Enfin, que devrait-on faire de la PFCE selon moi? Eh bien, je crois que nous—«nous» désignant le gouvernement fédéral—devrions envisager de continuer d'investir de façon très substantielle dans la PFCE, bien au-delà de ce qui a été prévu pour 2004—le ministère des Finances ne voudra certainement pas aller plus loin—afin de créer une prestation beaucoup plus importante. Cela présente plusieurs avantages.

Le montant de la prestation maximale... Nous donnons le chiffre de 4 200 $ qui, selon nous, est une estimation très faible du coût que représente l'éducation d'un enfant dans une famille à faible revenu. Je ne pense pas que le montant réel soit ce qui compte vraiment, c'est plutôt le fait que l'on prévoie une prestation pour enfants beaucoup plus importante. Quels en seraient les effets? Eh bien, en ce qui concerne l'objectif anti-pauvreté, non seulement aurait-elle un effet beaucoup plus marqué sur la profondeur de la pauvreté, mais elle permettrait de vraiment diminuer l'incidence de la pauvreté. Elle se traduirait par de réelles augmentations nettes pour les familles assistées également. Elles commenceraient à entrevoir... Elles en bénéficieraient, car nous irions bien au-delà de l'ancienne prestation fédérale pour enfants.

Les familles non pauvres bénéficieraient d'un important relèvement de leurs prestations, si bien que nous renforcerions l'objectif d'équité horizontale. Cela permettrait de rattraper ce que j'appelle l'objectif perdu des prestations pour enfants. Ceux d'entre vous qui êtes suffisamment âgés et qui se souviennent de la politique gouvernementale keynésienne du bon vieux temps des allocations familiales pendant la guerre, un des arguments avancés... Je veux bien sûr parler de la Deuxième Guerre mondiale et ce faisant, donne une indication de mon âge; c'est la guerre à laquelle je pense. On avait annoncé à grand fracas que les allocations familiales allaient servir de stabilisateur économique puisqu'elles remettraient de l'argent entre les mains des familles, des mères les premières années, qui le dépenseraient. À mon avis, cet objectif est toujours pertinent et je crois que si la prestation pour enfants était suffisamment importante, elle servirait de coussin pour les familles avec enfants en cas de récession. Elle permettrait également d'aplanir, mieux que ce que nous faisons aujourd'hui, l'inégalité croissante de revenu marchand dont beaucoup d'entre nous nous plaignons.

• 1605

Je crois également qu'une prestation pour enfants plus importante améliorerait également le choix parental. Ce n'est pas une expression que j'utilise habituellement, mais elle est en quelque sorte politique. Ce que je veux dire ici, c'est que si l'on examinait proportionnellement parlant les genres de familles qui tireraient le plus profit d'une prestation de choc pour enfants, on s'apercevrait qu'il s'agit des familles monoparentales, puisqu'elles tendent à avoir un revenu peu élevé, et les couples à revenu unique d'emploi avec enfants. Ce sont les familles dont Beverly Smith parlait ce matin à la CBC. Cette personne de Calgary se plaint toujours de la disparité entre les couples à revenu unique d'emploi et les couples à double revenu. Étant donné que les couples à revenu unique d'emploi tendent à avoir des revenus plus bas, ils tireraient davantage profit d'une prestation pour enfants plus importante que les couples à double revenu—relativement parlant.

Je crois que la redistribution positive est très importante et comporte deux volets: premièrement, les provinces plus pauvres tireraient davantage profit d'un programme national de prestations pour enfants, toutes proportions gardées. Par ailleurs, comme je l'ai dit plus tôt, cela renforcerait la capacité du système en matière de transfert fiscal à compenser l'inégalité du revenu marchand. Cela remplacerait complètement ce qui reste des prestations d'assistance sociale pour enfants; il en reste pas mal dans le système d'assistance sociale.

Une prestation pour enfants plus importante comme celle-ci favoriserait ce qui, à mon avis, est une tendance souhaitable pour la division du travail en matière de politique sociale entre Ottawa et les provinces. Ottawa jouerait—comme c'est maintenant le cas, même dans le contexte de l'actuelle PFCE—un rôle encore plus grand dans le domaine de la sécurité du revenu, libérant les provinces qui pourraient alors consacrer toutes leurs énergies et toutes leurs ressources aux services sociaux, de santé et d'éducation. Il s'agit à mon avis d'une division du travail qui est très sensée. Je ne veux pas dire que le gouvernement fédéral n'a pas un rôle important à jouer et qu'il ne doit pas rétablir le financement des services sociaux, de santé et d'éducation; loin de là.

Enfin, si vous regardez la figure 7, ce dont je parle et que d'autres groupes appuient, ne se résume pas à des promesses en l'air. L'Australie et le Royaume-Uni versent déjà des prestations pour enfants aux familles à faible revenu qui sont de l'importance dont je parle dans le cadre d'une prestation fiscale élargie pour enfants.

Désolé que ce graphique soit si compliqué; il provient de notre étude comparative. Très rapidement, je dirais que la fine ligne en haut correspond au montant des prestations pour enfants au Royaume-Uni. Il s'agit de 200 couples avec deux enfants, en dollars américains; telle sera la situation du Royaume-Uni, une fois l'intégration du crédit d'enfant terminée—qui est basée sur notre système. Vous pouvez voir qu'il s'agit de près de 7 600 $ américains pour deux enfants, ce qui est plus que les 4 200 $ canadiens par enfant dont nous parlons. L'Australie, deuxième ligne avec les points, est considérablement plus généreuse que le Canada. Le Canada est représenté par la ligne en pointillé au centre. Les États-Unis sont représentés par la ligne du bas, qui décrit une répartition bizarre et complètement irrationnelle, puisque leur système ressemble beaucoup à celui que nous avions avant que nous ne le changions. Je le dis, car il est important à mon avis de reconnaître que d'autres pays dépensent plus en matière de politique familiale, y compris dans le domaine des prestations pour enfants.

Cela pose un problème sur lequel nous nous penchons. Je vais terminer là dessus, monsieur le président. Nous sommes confrontés à de graves dilemmes et à des questions de conception lorsque nous envisageons le relèvement de la prestation fiscale pour enfants. Le Royaume-Uni et l'Australie ont adopté ce que j'appelle un régime par étapes afin de pouvoir se permettre de verser une plus grande prestation pour enfants aux familles à faible revenu. Vous remarquerez que la prestation baisse considérablement, se stabilise et baisse de nouveau, pas exactement de la même façon mais presque, tandis qu'au Canada, on observe une baisse beaucoup plus régulière des prestations.

• 1610

Avec un programme de style canadien, si on augmente la prestation maximale dans la partie inférieure, on arrive à un programme beaucoup plus coûteux, car les prestations diminuent beaucoup plus lentement qu'en Australie et au Royaume-Uni et que les dépenses sont donc plus élevées. Une façon de diminuer les dépenses consiste à suivre leur modèle. Par contre, leur approche présente de graves problèmes de conception et je vais rapidement vous parler de deux d'entre eux.

Pour les économistes qui s'inquiètent au sujet des taux marginaux d'imposition élevés, il faut dire que ces taux sont phénoménaux dans les paliers de faible revenu en Australie et au Royaume-Uni et qu'ils sont bien pires que les nôtres. Deuxièmement, on se retrouve face aux problèmes d'inégalités verticale et horizontale. Il y a dans le système britannique des gens dont le revenu est très différent et qui reçoivent des prestations pour enfant très différentes et ce système n'est pas aussi souhaitable que le nôtre en termes de régime lié au revenu. Je le dis simplement car il est plus facile de parler de l'élargissement de la prestation fiscale pour enfants que de l'adopter. Je pense qu'il va falloir se pencher davantage sur cette question.

Heureusement, cette étude qui nous permet d'examiner l'expérience d'autres pays m'encourage à défendre le concept d'autres investissements dans la PNE.

Le président: Merci beaucoup.

Je souhaite la bienvenue à Andrew Jackson. Je crois que les membres du comité connaissent probablement le Conseil canadien de développement social pour son rapport d'étape annuel sur le progrès des enfants au Canada qui, chaque fois qu'il est publié, suscite pas mal d'intérêt et d'interprétations. À mon avis, cela cadre parfaitement bien. Je crois que nous devrions vous recevoir officiellement chaque année après la publication de votre rapport en votre qualité de spécialistes ou autrement. C'est d'ailleurs ce que nous faisons aujourd'hui. Bienvenue.

M. Andrew Jackson (directeur de recherche, Conseil canadien de développement social): Merci beaucoup. Nous serions heureux de répondre à l'invitation.

Aujourd'hui en raison du manque de temps, mais aussi parce que le deuxième rapport annuel sur la prestation nationale pour enfants vient juste d'être publié, j'ai décidé de parler essentiellement du rapport lui-même et...

Le président: Votre rapport plutôt que le sien.

M. Andrew Jackson: Non, le rapport du gouvernement...

Le président: Son rapport.

M. Andrew Jackson: Ce rapport.

Mon avis est peut-être légèrement différent de celui de Ken à ce sujet. J'ai voulu examiner le rapport en me demandant si effectivement, la prestation nationale pour enfants commence à avoir un impact. Je suis d'accord avec Ken au sujet du taux de pauvreté, mais je crois qu'il est normal de s'attendre à ce que la prestation nationale pour enfants, combinée avec des changements sur le marché du travail, ait un effet sur le niveau de faible revenu et notamment sur le niveau de faible revenu des familles de travailleurs qui ont des enfants. Il est clair que le programme visait explicitement à apporter un supplément de revenu important aux familles de travailleurs qui ont des enfants.

Je crois que l'on fait fausse route lorsque l'on s'attarde sur le taux de pauvreté en général sans faire la distinction entre les bénéficiaires prévus du programme, ainsi que l'impact de ce dernier. Je crois qu'on peut le faire raisonnablement et c'est ce que j'essaie de faire.

Deuxièmement, tout le monde connaît le vieil adage au sujet de la politique monétaire qui doit toujours tirer les leçons du passé; c'est exactement la même chose pour la politique sociale, vu que les données les plus récentes sur le revenu dont nous disposons datent de 1998, il y a donc longtemps. L'année 1998 était véritablement la première année où l'on pouvait s'attendre à ressentir l'impact des prestations, impact très modeste. Si vous regardez le graphique de Ken, les dépenses totales ont augmenté de 600 millions de dollars en 1988 par rapport à 1997, si bien que l'on pourrait commencer à ressentir les effets du programme cette année-là.

Il est à mon avis vraiment important d'analyser ces effets dans le contexte de ce qui se passait sur le marché du travail. Après une très lente reprise de l'emploi à partir du milieu des années 90, l'année 1998 a été une très bonne année. Il est probablement important de ne pas oublier, lorsque l'on regarde vers l'avenir, que la pauvreté chez les enfants va augmenter, tant au chapitre de l'incidence que de la profondeur, en 1999 et 2000 et probablement en 2001.

• 1615

Le Parlement s'est fixé l'objectif d'éradiquer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Le point positif à la fin de la décennie—si tant est qu'il y en ait—c'est que l'on aura traversé les années 90 sans augmentation structurelle de la pauvreté chez les enfants, avec un peu de chance. Je crois qu'il est fort possible que le taux de pauvreté chez les enfants soit revenu au niveau de la fin des années 80. D'après les économistes, si l'on tient compte des ajustements cycliques, la situation n'a pas empiré; cela fait plutôt oublier le fait que pour beaucoup de gens, les années 90 ont été assez désastreuses. Toutefois, il me semble important de savoir, lorsque l'on regarde les données, que l'on se trouve au début de trois années au moins au cours desquelles la situation va progressivement s'améliorer.

J'aimerais revenir sur un ou deux tableaux. Je vais commencer par le tableau 1 de la page 5. Ce que je veux dire, et c'est ma conclusion, c'est que même si l'incidence de la pauvreté chez les enfants a diminué—de 1996 à 1997 et de 1997 à 1998—la profondeur de la pauvreté chez les enfants en général a augmenté; je veux parler de la mesure dans laquelle les familles à faible revenu tombent en dessous du seuil de la pauvreté. Lorsque l'on subdivise davantage et que l'on examine les familles à faible revenu avec enfants, selon qu'elles disposent d'un revenu d'emploi ou non, la situation est assez différente. On observe une diminution très marquée de la pauvreté et de la profondeur de la pauvreté dans les familles de travailleurs qui ont des enfants, mais un faible revenu encore plus bas pour les non travailleurs qui bien sûr dépendent en très grande majorité de l'assistance sociale.

Pour le confirmer, au tableau 1, ce que nous voyons de 1997 à 1998 est que le taux de pauvreté des familles biparentales à un seul revenu est passé de 24 à 18 p. 100, une baisse assez remarquable. Et d'ailleurs, 75 p. 100, c'est-à-dire trois sur quatre familles biparentales avec enfants qui vivent avec un faible revenu ont une rémunération. C'est donc qu'une grande partie des familles biparentales avec enfants ont au moins quelques revenus au cours de l'année et, par conséquent, pourraient être des bénéficiaires du programme.

Si on observe le niveau de faible revenu des familles biparentales avec enfants, nous découvrons, pour les familles avec un revenu d'emploi, une diminution de 600 $ du niveau de pauvreté entre 1997 et 1998, soit d'environ 7 800 $ à 7 200 $. De même, pour les familles monoparentales avec un revenu d'emploi, on constate une diminution importante, là encore, du niveau de pauvreté des enfants. L'on ne peut absolument pas attribuer ce phénomène uniquement à la Prestation nationale pour enfants. Cela viendrait plutôt notamment de revenus d'emploi supérieurs, découlant probablement d'un plus grand nombre de semaines de travail pendant l'année mais, néanmoins, le programme existait et fournissait un complément à ces familles qui avaient un revenu. Et bien entendu, dans la mesure où il y a des effets, les revenus auraient encore augmenté en 1999, 2000 et 2001.

Alors je tiens compte de l'avertissement de Ken, de prendre garde de voir un indice dans le taux de pauvreté. Mais à mon avis, si on veut vraiment mesurer le succès de la Prestation nationale pour enfants, un indicateur clé, en ce moment serait le niveau de faible revenu de familles avec enfants et, dans une moindre mesure, les changements dans ce niveau. Il est clair que ce qui arrive, sur un marché de l'emploi en reprise, c'est que le niveau de pauvreté chute tandis que ces familles à faible revenu travaillent plus de semaines; tandis que le taux de chômage baisse, ces familles se démarquent du seuil de pauvreté. D'autres familles qui, auparavant, n'avaient aucun revenu ont maintenant, peut-être, relativement peu de semaines. Je pense que la Prestation a des conséquences sur ce plan.

Passons au tableau suivant. J'aimerais dire un mot sur les différences provinciales parce que je pense qu'elles sont révélatrices. Je crois qu'une partie de ce débat autour de la récupération touche plusieurs enjeux différents. L'un est que, si la PNE, en tant que programme, visait à aider les familles avec enfants qui ont un revenu, nous devrions analyser ses conséquences en partant ce cette hypothèse. Le fait qu'il y ait un niveau accru de faible revenu chez les familles assistées est un problème social extrêmement important, qu'il faudrait vraiment, selon moi, régler. Cependant, nous ne devrions certainement pas le reprocher à la Prestation nationale pour enfants, parce que le programme ne visait pas à faire quoi que ce soit directement à ce sujet, à part, bien entendu, par le biais des mesures d'intégration sociale et de transition à l'emploi.

• 1620

Si l'on regarde les trois provinces qui sont comparées, le principal facteur que je voulais souligner... Il est difficile de tirer des conclusions à partir de données préliminaires; ce sont les chiffres de la première année. Mais il me paraît nécessaire de souligner le fait qu'il semble y avoir des conséquences particulièrement positives en Saskatchewan, qui a été la première province à pleinement appliquer la PNE. C'est aussi la province qui a le plus investi dans le soutien du revenu et les services aux familles avec enfants, au-delà des obligations imposées par la PNE. Les chiffres sont là, dans les rapports des gouvernements. Cependant, la Saskatchewan a investi nettement plus par habitant que l'Alberta et l'Ontario. Je ne pense pas qu'on pourrait sensément justifier ce meilleur rendement de la Saskatchewan en disant que, d'une certaine façon, leur marché de l'emploi est meilleur que celui de l'Alberta ou de l'Ontario. On sait tous que l'Alberta est une province plus riche que la Saskatchewan.

Si on regarde le taux de faible revenu, en Saskatchewan, l'on y constate une chute époustouflante du côté des familles monoparentales. Ce taux a, en fait, chuté de plus de moitié en 1993 pour se situer environ au tiers en 1997, et à moins de 20 p. 100 en 1998. Il y a quelques difficultés. Les données sont conformes aux normes de diffusion de Statistique Canada, mais lorsqu'il s'agit d'une petite province, il faut les interpréter avec une certaine prudence. Cependant, la Saskatchewan a bien un programme correspondant à la PNE, en vertu duquel la province offre un supplément de revenu aux parents qui travaillent, alors l'on pourrait s'attendre à ce que le programme ait des avantages.

Je pense qu'il convient de souligner que si on regarde le niveau de faible revenu des familles biparentales et monoparentales, il est nettement moins frappant en Saskatchewan qu'en Alberta ou en Ontario, surtout parce qu'ils coupent les prestations d'aide sociale d'abord en ne les indexant pas à l'inflation plutôt qu'au moyen de réductions importantes et directes, du genre de ce qu'on a vu en Alberta et en Ontario.

Ma principale conclusion découle donc d'un examen assez ordinaire des chiffres. Je répète tout de même la mise en garde que nous ne devrions pas trop nous fier aux chiffres d'une seule année. Je pense cependant qu'il faudrait concevoir des indicateurs qui nous permettraient de déterminer l'effet de la prestation pour enfants sur la pauvreté des enfants. Je pense que c'est sur le niveau de faible revenu des familles de travailleurs avec enfants qu'on devrait s'attendre à voir des effets, s'il y en a. Je m'attends à d'autres bonnes nouvelles de ce côté-là, avec le temps.

Il faut tout de même ajouter que, bien que la proportion des familles avec revenu ait augmenté avec la relance économique, nous avons toujours encore des familles biparentales à faible revenu qui n'ont rien gagné en 1998. La moitié des femmes monoparentales n'ont aucun revenu. Alors, pour ce groupe—elles sont, de fait, toutes pauvres—, l'ampleur de la pauvreté est largement déterminée directement selon le niveau des prestations d'aide sociale. Je suis tout à fait d'accord avec le point de vue de mes collègues selon lequel si nous voulons régler ce problème d'étendue de la pauvreté des familles sans emploi avec enfants, il nous faudra vraiment examiner le niveau des prestations d'aide sociale.

Je plaiderais en faveur de ce que, lorsque nous recensons les effets des programmes, dans une certaine mesure, nous examinions ces aspects distinctement. Je pense qu'un programme qui vise à offrir un supplément de revenu aux travailleurs pauvres devrait être jugé d'après ses conséquences sur ce plan et que nous devrions juger les conséquences des revenus d'aide sociale selon la perspective de l'aide sociale.

• 1625

J'ai une dernière chose à dire, dans le même ordre d'idées, et c'est que nous ne devrions pas, à mon avis, maintenir un écart trop étroit dans nos esprits entre les familles bénéficiaires de l'aide sociale et les travailleurs pauvres. Il y a une transition énorme entre ces deux groupes, avec le temps. Ce ne sont pas toutes les familles bénéficiaires d'aide sociale qui le restent. Nous avons certainement, je pense, un problème très grave au Canada, où un enfant sur dix a un très haut niveau de faible revenu à long terme parce qu'ils sont longtemps bénéficiaires de l'aide sociale. Il y a un groupe beaucoup plus vaste d'enfants qui plongent dans la pauvreté et en émergent constamment, selon la situation du marché de l'emploi.

Le président: Merci beaucoup.

Sans oublier que nous sommes pressés par le temps, je veux souhaiter la bienvenue, sans trop lui lancer de fleurs, à Richard Shillington, qui ne cesse de nous épater par ses numéros de jonglerie avec les chiffres.

M. Richard Shillington (directeur, Tristat Resources): Je suis victime d'injustice. On m'a demandé de venir préparer à parler pendant cinq minutes. À ce que j'ai compris, personne d'autre n'a reçu la même directive. Je ferai de mon mieux pour m'en tenir à ces cinq minutes.

Le président: C'est comme la remise des Oscars, vous obtenez une télévision pour le plus court mot de remerciement.

M. Richard Shillington: Je voulais seulement souligner plusieurs éléments, plutôt que de répéter bien des choses que j'ai entendues.

Nous avons beaucoup entendu parler de la distinction—et Andrew vient tout juste de la souligner—entre les familles qui reçoivent de l'aide sociale et les familles pauvres avec revenus d'emploi. Il est certain que l'élément litigieux de la Prestation pour enfants se rapporte au traitement différentiel de ces deux types de familles. Andrew vient de faire remarquer l'amélioration de la situation des familles pauvres avec revenus d'emploi et la détérioration de celle des familles bénéficiaires de l'aide sociale. Je pense que c'est vrai.

Alors l'une des questions qu'on pourrait bien se poser est la suivante: quelles proportions des familles se trouvent dans ces deux groupes? J'aurais pensé que cet élément d'information est facile à obtenir, mais ce n'est pas le cas. Le Conseil national du bien-être social a dit, il y a quelques années, que quelque chose comme deux tiers des enfants pauvres étaient visés par la récupération, chiffre qu'a contesté DRHC, mais je n'avais vu aucune donnée pour le vérifier jusqu'à ce que je voie ce rapport d'étape qui a été diffusé alors que j'étais à l'étranger. J'ai été heureux de le voir. Si vous regardez les documents que j'ai fournis et les tableaux, vous verrez ces chiffres dans l'annexe des statistiques. Ils confirment les chiffres que nous avions et que, je pense, j'ai présenté devant ce comité il y a un an et demi, selon lesquels plus ou moins un million d'enfants vivent de l'aide sociale. La grande majorité d'entre eux vivent dans des familles monoparentales.

Selon votre choix de seuil de pauvreté—nous avons maintenant une pléthore de seuils de pauvreté que nous pouvons utiliser dans notre pays—cela signifierait qu'environ 70 p. 100 des enfants pauvres sont visés par la récupération. Si nous avions un programme qu'on pourrait appeler un supplément de revenu pour les gagne- petit, je ne pense pas que quiconque s'y opposerait. Si ceci est déclaré, comme assez souvent je pense, comme un programme de lutte contre la pauvreté, alors nous avons au Canada un programme de lutte contre la pauvreté qui exclue la plupart des enfants pauvres. En excluant les enfants selon le critère de l'emploi, nous savons aussi que nous excluons les enfants selon le critère du sexe de leurs parents, parce que la majorité des familles monoparentales à faible revenu vivent de l'aide sociale.

Je pense que la plupart d'entre nous nous serions opposés à un programme de lutte contre la pauvreté qui viserait à augmenter le revenu des pauvres catholiques ou des pauvres protestants. Je pense que nous nous serions objectés à un programme visant à augmenter le revenu des chefs de famille monoparentale pauvres mais pas des couples, ou l'inverse. Je soutiens qu'effectivement, c'est ce que nous avons fait en liant notre programme de lutte contre la pauvreté à l'emploi, tout en faisant très peu sur le plan de la garde des enfants. Nous avons exclu la grande majorité des bénéficiaires potentiels. Vous pouvez trouver les données à l'endos du rapport d'étape. Vous n'avez qu'à regarder le tableau 8, qui indique combien de chefs de familles monoparentales et combien de couples reçoivent de l'aide sociale. Comparez ces chiffres au tableau 2, qui indique le nombre de familles pauvres. Je suis sûr que le Conseil du bien-être social a raison. Peu m'importe que DRHC ne soit pas d'accord avec ces chiffres.

• 1630

Je vous invite à passer à la dernière page de mon document, rien que pour vous montrer jusqu'à quel point, ici, on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres. C'est une citation d'un rapport. C'est ainsi que le Canada a décrit la Prestation fiscale pour enfant aux Nations unies, dans un rapport sur notre développement social:

    [...] le 1er juillet 1998, a été mise en oeuvre la nouvelle Prestation nationale pour enfants; il s'agissait d'un travail de collaboration des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux; environ la moitié des bénéficiaires sont des familles monoparentales dirigées par des femmes.

Je ne vois pas comment on peut faire d'un programme qui a exclu les chefs de familles monoparentales, en faisant de l'emploi la porte d'accès à des prestations de lutte contre la pauvreté, un programme qui viserait, d'après cette citation, à favoriser les familles monoparentales.

Ken a raison, la prestation pour enfant suscite beaucoup de confusion. Au sujet de la récupération, combien est récupéré, et combien de personnes sont touchées par cette mesure, il y a énormément de confusion, et il a fallu du temps, je pense près de cinq ans depuis les premières annonces au sujet de la prestation pour enfants, pour obtenir les moindres données sur le nombre de personnes touchées par la récupération.

Je vous remercie. Je m'en suis tenu à mes cinq minutes.

Le président: Vous aurez votre télévision.

Entrons donc dans le vif du sujet. Roy Bailey.

M. Roy Bailey: Je vous remercie, monsieur le président.

Merci à tous pour vos présentations.

Puisque vous avez abordé la question d'un point de vue historique, je me rappelle, en tant qu'enfant de la Dépression, que nous ne parlions pas vraiment d'aide sociale, mais plutôt d'assistance. Bien entendu, l'avantage c'est que tout le monde était dans le même bateau. Tout le monde était pauvre.

Très rapidement, j'aimerais poser quelques questions. Cette affaire de récupération m'ennuie depuis qu'on a commencé à en parler. Il n'a pas semblé correct de fournir de l'argent à une certaine personne dans un but précis, puis si cette personne arrive à améliorer sa situation quelque peu, de la punir. C'est bien ça? C'est une mesure punitive, cette récupération fiscale?

Je vais vous donner un exemple pour illustrer mon point de vue. Nous avions un terrain tout malpropre à côté de chez nous. Mon épouse m'a dit, tu ne pourras jamais l'acheter, ne t'en occupe pas. Mais je ne pouvais pas en supporter la vue, alors j'ai fini par l'acheter, puis je l'ai aménagé et tout le reste. Alors cette année, lorsque j'ai reçu mon relevé de taxes foncières, le montant avait triplé. C'est une espèce de mesure punitive. La récupération fiscale est punitive aussi, n'est-ce pas?

J'aimerais que M. Murphy m'explique la récupération. Je pense à comprendre, mais j'aimerais vous entendre l'expliquer.

M. John Murphy: D'accord. Je vais vous dire où on en est avec la récupération. Ce dont il s'agit ici, c'est du supplément—il y a les prestations, puis le supplément.

M. Roy Bailey: D'accord.

M. John Murphy: Donc les provinces ont pu, en vertu de cet accord sur l'union sociale, récupérer de l'argent auprès de bénéficiaires de l'aide sociale et réinvestir cet argent dans des programmes pour les enfants à risque élevé. Nous avons soutenu, au Conseil national du bien-être social, bien entendu, que ce supplément aurait dû aller directement aux plus pauvres des pauvres. Nous n'avons en fait aucune indication que ce supplément qui a été réinvesti profite aux plus pauvres des pauvres. C'est, en deux mots, ce dont il s'agit ici.

Le président: Excusez-moi, j'ai une déclaration très bizarre à faire. Ça me gêne, mais pour certaines raisons, les députés du parti ministériel sont appelés à retourner...

M. Roy Bailey: Pouvons-nous poursuivre?

Le président: Bien entendu, et je vais demander à Mme Guay de prendre le fauteuil.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Mais pourquoi doivent- ils y aller?

Le président: C'est très bizarre. En fait, vous trois et nous deux n'avons aucune idée de...

Mme Libby Davies: Pourquoi vous a-t-on demandé de retourner?

Le président: Je n'en ai pas la moindre idée. Rien d'extraordinaire n'arrive à ce que je sache, mais je vais demander...

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Vous devez tous aller à la Chambre, mais pas nous, je suppose.

Mme Libby Davies: Est-ce que c'est parce que c'est le comité plénier?

Le président: C'est le comité plénier, et je ne sais pas ce dont il s'agit. Mais j'ai demandé à Mme Guay de prendre ma place. Je vous fais mes excuses les plus humbles, mais allez-y, profitez- en.

Mme Monique Guay: Au revoir, John. Vous pouvez revenir quand vous voulez.

Le président: Oh, merci, et merci de me supporter.

Des voix: Oh, oh.

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): C'est votre tour, monsieur Bailey.

M. Roy Bailey: Merci.

J'aimerais, au sujet de cette récupération, mentionner quelque chose qui m'a toujours chicoté. Lorsque quelqu'un qui n'a pas d'emploi et a un faible revenu trouve un emploi à temps partiel, dans quelle mesure cette personne devrait-elle recevoir des prestations de soutien du revenu? Pourquoi devrait-on commencer à réduire le revenu? J'aimerais que vous m'en parliez. C'est une chose qui m'a toujours embêté. Si quelqu'un trouve un emploi, c'est tant mieux. Pourquoi prendre ces 50 $ qu'il ou elle gagne et les déduire de ses prestations? C'est contradictoire, à mon avis.

• 1635

M. Ken Battle: Peut-être puis-je commenter cela, puisque vous avez soulevé une question centrale au sujet de la récupération. Laissons de côté la Prestation nationale pour enfants. Revenons là où nous en étions avant cette prestation—et nous ne sommes pas encore au bout du chemin.

En vertu de l'ancien système de sécurité du revenu pour les familles avec enfants—et je reviens exactement à votre exemple—si vous receviez de l'aide sociale et trouviez un emploi mal rémunéré, ce qui est plus que probable si vous êtes entré sur le marché du travail, voici ce qui vous arrivait avec la sécurité du revenu. Vous perdiez les prestations d'aide sociale que vous receviez pour vos enfants. Cela représente des milliers de dollars. Vous perdiez les prestations de soutien du revenu pour vos enfants, les prestations complémentaires de santé—ou du moins c'était le cas jusqu'à ce que la Prestation nationale pour enfants corrige ceci. Vous payiez des cotisations sociales sur votre faible salaire. Vous payiez de l'impôt sur le revenu au gouvernement fédéral et aussi, dans de nombreuses provinces, au gouvernement provincial.

M. Roy Bailey: Le RPC?

M. Ken Battle: Oui, le RPC compte avec les cotisations sociales.

Vous auriez des dépenses liées à l'emploi, comme l'habillement et le transport. Vous n'auriez pas de bons services de garde. Les garderies subventionnées sont rares, ce qui fait que la plupart des familles à faible revenu paient de leur poche.

C'était ainsi avec l'ancien système. Autrement dit, rien n'était en faveur des gens qui passaient de l'aide sociale, situation déjà peu enviable, à un emploi mal rémunéré. Ce que le Conseil national du bien-être social essaie de faire, c'est d'augmenter le nombre des prestations pour enfant versées aux familles pauvres pour qu'au moins, lorsqu'elles passent de l'aide sociale au marché de l'emploi, elles ne perdent pas des milliers de dollars de revenus pour leurs enfants. C'est le raisonnement de la prestation pour enfant.

Je pense qu'il est important de faire une distinction entre les prestations d'aide sociale pour adultes et celles qui visent les enfants. Je veux dire par là qu'il n'y a rien, comme, je crois, Andrew l'a dit, que la prestation nationale pour enfant puisse faire pour empêcher toutes les provinces de réduire leurs prestations d'aide sociale, discrètement, par le biais de la non- indexation—même pas une indexation partielle, mais l'absence d'indexation.

C'est un problème sérieux, mais ce n'est pas un problème que la Prestation nationale pour enfant peut régler. L'autre côté de la médaille de la récupération, c'est que l'objet de la politique centrale originale, pour le Conseil national du bien-être social, était d'équilibrer les prestations pour enfants pour toutes les familles à faible revenu. En vertu de l'ancien système, il y avait des prestations différentes, selon que vous travailliez ou receviez de l'aide sociale. Si vous travailliez, vous aviez la moitié de ce que recevait un bénéficiaire de l'aide sociale.

Ce dont j'ai parlé plus tôt dans ma présentation, et qu'Andrew a mentionné à la fin de la sienne, est très important, c'est-à-dire la transférabilité de la nouvelle prestation. Si vous êtes un Canadien à faible revenu, ou même à revenu moyen, que vous soyez bénéficiaire de l'aide sociale ou de l'assurance emploi, sur le marché du travail ou quoi que ce soit d'autre, la Prestation nationale pour enfant vous garantira un revenu sûr et stable qui ne peut être réduit selon la source de votre revenu.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Monique Guay)): Madame Roulston, vouliez-vous répondre aussi?

[Traduction]

Mme Joanne Roulston (directrice, Conseil national du bien-être social): Oui.

Je ne suis pas d'accord, en fait, pour dire que ce n'est pas au Conseil du bien-être social de régler le fait que les provinces permettent à l'inflation d'éroder les revenus de bien-être social, parce que l'une des conditions en vertu desquelles les provinces ont été autorisées à procéder à la récupération était que les bénéficiaires de l'aide sociale ne se retrouvent pas en plus mauvaise posture. Il y a une chose que nous voulions faire comprendre, et c'est qu'il faut une espèce de mesure d'application de cette entente avec le gouvernement fédéral. Ce pourrait être qu'il n'y ait plus d'argent à s'il n'y a pas respect de l'entente conclue avec le gouvernement fédéral. Ce n'est pas assez de laisser les provinces faire à leur tête. Nous avons déjà vu ce que cela donne, lorsqu'elles ont dit que ce n'était pas leur faute mais celle de l'inflation.

Une autre chose, au sujet du mur de l'aide sociale, c'est que notre régime d'aide sociale s'est assoupli. Des gens peuvent travailler à temps plein sans pour autant gagner beaucoup plus que ce qu'ils recevaient de l'aide sociale. On peut imaginer que, avec le très faible salaire minimum, une femme peut travailler à temps plein et avoir assez de personnes à charge pour avoir encore besoin d'un supplément de l'aide sociale. Voilà une femme qui travaille autant qu'elle le peut et qui ne gagne toujours pas assez pour soutenir sa famille. Alors elle obtient un supplément de l'aide sociale.

• 1640

M. Ken Battle: Disons qu'elle obtient un supplément selon la province et à condition qu'elle en fasse la demande.

Mme Joanne Roulston: C'est vrai.

M. Ken Battle: Il y a beaucoup de gens qui ne demanderaient pas d'aide sociale, alors ne tirez pas de conclusion trop vite.

Mme Joanne Roulston: C'est vrai, chaque province a son propre régime d'aide sociale. Il y a beaucoup d'accrocs, mais c'est encore une possibilité, qu'on puisse obtenir un supplément de l'aide sociale. On peut se refuser à le demander, c'est vrai, mais si on choisit d'en faire la demande, on perd le supplément de la Prestation nationale pour enfant, même si on travaille à temps plein et autant qu'on le peut.

C'est pourquoi, selon nous, il est toujours anormal de...c'est tout simplement incompatible avec l'intention de créer un incitatif au travail.

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Roy, nous vous reviendrons après, d'accord?

M. Roy Bailey: Oui, c'est très bien. Merci.

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Libby, c'est à vous.

Mme Libby Davies: Merci beaucoup.

Je suppose que vous avez déjà tous comparu devant nous. Nous semblons tourner en rond, discuter inlassablement de la même chose.

À mon avis, la prestation nationale pour enfants n'est, à certains égards, qu'une immense escroquerie. L'ancien ministre, M. Pettigrew, avait déclaré que la prestation nationale pour enfants était l'initiative sociale la plus importante—et j'insiste sur le mot «sociale»—à voir le jour depuis les années 70.

Or, on nous dit que cette mesure ne vise pas vraiment à réduire la pauvreté. Même si l'on part du principe que cette prestation tient lieu de subvention salariale pour les personnes qui occupent un emploi sans possibilité d'avancement et qui touchent un salaire minimum—elle a peut-être été utile dans une certaine mesure—, qu'en est-il des autres familles à faible revenu qui ne reçoivent pas la prestation, qui vivent toujours dans la pauvreté? Vue sous cet angle, elle n'est pas une réussite.

Je tiens à ajouter que chaque fois que j'aborde ou qu'un autre député aborde le sujet—et ça n'arrive pas assez souvent, malheureusement—à la Chambre, pendant la période des questions, on revient toujours à la prestation pour enfants. C'est la seule réponse que nous donne le gouvernement. C'est un non-sens. D'une part, on nous dit que la prestation n'a pas vraiment pour objectif de réduire la pauvreté. Or, quand on pose une question à ce sujet, on nous sert toujours la même réponse.

Je trouve très frustrant de constater, quand on jette un coup d'oeil sur les statistiques...et j'ai écouté de près ce que vous avez dit aujourd'hui. Je sais, parce que je discute avec les gens de ma circonscription de Vancouver-Est, que ce sont les plus pauvres parmi les pauvres qui se font avoir dans cette affaire. La situation m'enrage au point haut point.

Monsieur Battle, vous avez dit que la récupération va prendre fin quand le gouvernement fédéral va cesser ses contributions. Je ne sais pas si c'est vrai, mais j'aimerais savoir ce qu'en pensent les témoins. Je ne sais pas quels renseignements vous avez...

M. Ken Battle: C'était là l'essentiel de mon exposé. Vous avez raison, Libby, de dire que le débat va s'éterniser. Il s'enlise. Allons de l'avant avec le débat et prenons...

Mme Libby Davies: D'accord, mais que va-t-il se passer quand la contribution, tout comme la récupération, va prendre fin?

M. Ken Battle: Je vais vous dire ce qui va se passer: absolument rien. Le ministère des Finances ne veut pas augmenter le montant de la prestation fiscale pour enfants au-delà des niveaux fixés jusqu'en 2004. Ce que je dis, c'est que les groupes d'intérêt ne devraient pas s'arrêter à la question de la récupération, ce qu'ils n'accepteront jamais de faire. Si je pouvais convaincre un seul groupe à s'intéresser aux questions que je soulève, ce serait formidable. Mais personne ne le fait.

Ce débat est donc inutile. Nous devons renforcer le programme de prestation fiscale pour enfants pour que toutes les familles à faible revenu puissent en bénéficier. C'est ce que nous devons faire, non pas toujours revenir sur la question de la récupération.

Mme Libby Davies: D'accord. Toutefois, les familles qui ne reçoivent pas cet argent ont beaucoup de difficulté à survivre au jour le jour. De là à dire que le débat est inutile... Je rencontre tous les jours des familles qui ont beaucoup de mal à joindre les deux bouts parce qu'elles n'ont pas droit à je ne sais que diable vous voulez l'appeler. Elles s'appauvrissent de plus en plus, et nous en avons eu la preuve aujourd'hui. Oui, unissons nos efforts, car le fait est que la pauvreté prend de l'ampleur, tout comme l'inégalité des revenus, et ce, malgré ce programme.

• 1645

Ma question est la suivante: comment le comité, dans un effort concerté, je l'espère, peut-il arriver à convaincre le gouvernement que ce programme devrait servir à réduire la pauvreté? C'est ce qu'il faut faire, car la pauvreté augmente. Les témoins pourraient peut-être nous donner leur point de vue là-dessus.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Madame Roulston et, ensuite, monsieur Jackson.

[Traduction]

Mme Joanne Roulston: Pour nous, ce programme vise à aider les familles à revenu moyen à avoir accès au marché du travail et à améliorer ses revenus. Or, le problème, c'est qu'il est très difficile pour quelqu'un, surtout un parent unique, d'avoir même accès à ce marché. C'est là qu'interviennent les services directs. Ce programme peut aider les gens qui ont déjà accès au marché du travail à améliorer leur situation, ce qui serait une bonne chose.

Toutefois, ce qui nous inquiète vraiment, ce sont toutes ces personnes qui n'ont absolument pas la possibilité d'avoir accès au marché du travail. Sans prestations pour enfants, les parents uniques ne peuvent y arriver. Donc, notre autre préoccupation majeure est la suivante: qu'est-ce que cela signifie pour les femmes, et qu'en est-il des autres engagements qu'a pris le Canada envers l'égalité hommes-femmes? Voilà pourquoi nous disons qu'il est important de consulter les personnes concernées, celles qui vivent dans votre circonscription et qui disent que le programme ne fonctionne pas. Nous avons besoin de leur avis et nous devons analyser la question du point de vue des enjeux hommes-femmes, de la participation au marché du travail. Les femmes sont confrontées à de sérieux problèmes à ce chapitre. Si nous ne venons pas en aide aux travailleuses à faible revenu, nous ne ferons qu'aggraver leur situation.

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson: Je voudrais tout simplement soulever quelques points.

D'abord, c'est peut-être simpliste de ma part, mais il me semble que, pour ce qui est de l'adéquation des prestations versées aux assistés sociaux, ceux qui devraient rendre des comptes à ce sujet sont les gouvernements provinciaux. Il n'y a rien dans la prestation nationale pour enfants qui empêche les provinces d'augmenter le niveau des prestations d'aide sociale.

Mme Libby Davies: Mais les transferts fédéraux au titre de l'aide sociale n'ont pas augmenté depuis 1985.

M. Andrew Jackson: Eh bien, je m'intéresse de près aux dépenses que consacre le fédéral aux programmes sociaux et à la façon dont il utilise les fonds. Mais ce que je voulais dire au sujet de la Saskatchewan, c'est que... La Saskatchewan s'est dite prête à augmenter de façon considérable les fonds qu'elle consacre aux programmes destinés aux enfants et au soutien du revenu, mais malheureusement, pas les dépenses relatives à l'aide sociale. Or, le niveau des dépenses varie grandement d'une province à l'autre.

En fait, les politiques provinciales jouent un rôle déterminant. Le Québec vient d'adopter des mesures positives. Donc, je trouve un peu ridicule de me lancer dans un débat où on jette tout le blâme sur un programme fédéral-provincial. Il me semble que ce sont les provinces qui sont responsables du niveau des revenus de bien-être social.

Je voudrais faire un dernier commentaire au sujet d'un point qu'a soulevé Libby, à savoir si le supplément de revenu devrait dorénavant servir de fondement aux mesures sociales. C'est une question très importante. Même si j'estime, à bien des égards, que c'est la voie à suivre, il faut également considérer ce que le marché du travail devrait offrir aux travailleurs en guise de revenu, et pas simplement dire que nous allons verser un supplément pour compléter celui-ci.

Il faut partir du principe qu'un salaire minimum doit à tout le moins aider une personne à atteindre un seuil qui se rapproche d'un seuil de pauvreté raisonnable. On peut ensuite, à partir de cet élément de base, bâtir quelque chose. Mais encore une fois, il ne faut pas oublier que la prestation pour enfants a pour objet de soustraire les coûts additionnels liés à la garde des enfants de l'équation du marché du travail.

Nous devrions définir avec plus de précision nos attentes vis-à-vis le marché du travail. Nous devrions, pour faire avancer les choses, réfléchir au genre de modèle que nous voulons—ces qualités et ces défauts—et voir comment nous pourrions l'appliquer aux autres groupes vulnérables. Je songe, par exemple, aux personnes handicapées, pour qui le supplément de revenu est très utile. Si les handicapés ne peuvent espérer trouver mieux qu'un emploi rémunéré au salaire minimum, qui leur offre moins que ce qu'ils auraient s'ils vivaient de l'aide sociale, alors oui, nous devrions leur verser un supplément.

• 1650

[Français]

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Merci, monsieur Jackson.

J'ai une information pour les collègues de la Chambre des communes.

M. Roy Bailey: Il y a d'autres questions.

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Oui, tout de suite après.

Il y aura un vote à 17 h 10, sans sonnerie.

[Traduction]

Il n'y aura pas de sonnerie d'appel.

[Français]

Alors, il faudra ajourner à 17 heures pile pour se rendre à la Chambre des communes pour voter.

J'ai aussi quelques questions à poser et peut-être quelques commentaires à faire. Premièrement, merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Je suis une de celles qui croient que la prestation fiscale pour enfant est très utile mais n'est pas la seule solution à la pauvreté. On nous dit, on nous claironne depuis un certain temps qu'un enfant sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté au Canada. C'est absolument scandaleux de constater cela. On nous a aussi annoncé dernièrement qu'on réviserait toute la question du seuil de pauvreté. Donc, je souhaite, personnellement, qu'on ne décidera pas de baisser le seuil pour dire qu'il y a moins d'enfants pauvres. Ce n'est pas ça, la solution. Il faut trouver d'autres solutions. Mais c'est ce qu'on nous a laissé entendre dernièrement. Donc, c'est quelque chose qu'on suivra de très près, tous les députés, pour s'assurer qu'on ne baisse pas le seuil lui-même afin de dire que maintenant, seulement un enfant sur 10 vit sous le seuil de la pauvreté.

Cela étant dit, il y a aussi des politiques, au niveau des provinces, qui sont très efficaces. D'ailleurs, vous l'avez dit, au Québec, nous avons notre politique de garderies à 5 $. Nous avons un pourcentage de familles monoparentales très élevé. Donc, pour les femmes qui reçoivent de l'aide sociale, un nouveau programme vient d'être créé au Québec, qui aide les femmes à retourner sur le marché du travail en majorant leur revenu. Une femme qui décidera de retourner au travail recevra, pour la première année, 3 $ de l'heure de plus que le salaire minimum afin de l'aider à retourner sur le marché du travail. Cela va en diminuant; c'est normal. Après la deuxième année, elle recevra 2 $ de plus et à la troisième année, ce sera 1 $ de plus. C'est une politique qui, en tout cas d'après nous, fonctionne au Québec.

J'aimerais bien voir les autres provinces en bénéficier aussi et l'utiliser. Comment peut-on faire, tout en s'assurant qu'on ne vient pas s'ingérer dans des politiques qui sont déjà bonnes et qui sont existantes dans certaines provinces, pour, en même temps, maintenir une prestation fiscale? L'argent, on l'a. On a 18 milliards de dollars de surplus au fédéral dans la caisse d'assurance-emploi. Est-ce qu'on ne peut pas investir cela dans la prestation pour enfant? Comment pourra-t-on gérer cela dans les prochaines années? Ça va nous prendre des suggestions concrètes venant de vous, madame, messieurs, pour que nous puissions, à notre tour, faire des suggestions au gouvernement aussi.

La parole est à vous. Voilà, vous êtes bouche bée.

[Traduction]

M. Richard Shillington: S'il est une chose qui m'apparaît de plus en plus évidente depuis quelques années, c'est la nécessité de donner aux pauvres la possibilité de se faire entendre dans les tribunes comme celle-ci. Je l'ai constaté quand j'ai participé à la réforme de l'assurance-emploi en 1996 et à celle qui a eu lieu il y a à peine deux mois. Les critères ayant été modifiés, il est plus difficile pour les gens qui travaillent à temps partiel, notamment les femmes, de recevoir des prestations. On voit à quel point il est facile, dans les grands édifices et les belles salles de réunion d'Ottawa, d'oublier qu'il y a des gens qui travaillent à temps partiel, qu'il y a de nombreuses personnes qui ne travaillent pas à temps plein. Les gens travaillent à temps partiel parce qu'ils ont des enfants et qu'ils veulent trouver un équilibre entre leur emploi et leur vie familiale.

Vous avez parlé du surplus. Les modifications proposées dans le projet de loi C-2, qui ont été adoptées il y a un mois, ne changent rien à la situation. Les femmes qui réintègrent la population active seront protégées si elles touchent des prestations de maternité, mais non pas si elles viennent d'avoir un enfant. Donc, si vous avez un enfant et que vous ne touchez pas de prestations de maternité, vous ne serez pas protégée. Encore une fois, on voit l'étroitesse d'esprit qui règne dans cette ville. Cela montre plus souvent qu'autrement que personne n'est à l'écoute des pauvres.

Personne, parmi les quatre témoins ici présents, ne peut parler au nom des pauvres. Nous ne sommes pas pauvres—je ne devrais pas dire cela—ou nous n'avons jamais connu la pauvreté. En tout cas, pas moi. Nous ne comptons pas, parmi nos membres, des gens qui sont pauvres. Or, c'est vous qui allez trancher le débat. Nous devrions être à l'écoute des pauvres, mais nous ne le sommes pas.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Je crois que c'est très vrai. Nous sommes encore à l'écoute de ces gens-là parce qu'ils viennent nous voir dans nos bureaux de comté, surtout les femmes. Parce qu'on est des femmes, elles vont venir nous voir et nous expliquer leur situation. Très souvent, on reste «connecteés», si vous voulez.

• 1655

[Traduction]

Roy, avez-vous une autre question à poser?

M. Roy Bailey: Oui.

Qui fixe le seuil de pauvreté? Est-ce que le seuil est le même dans toutes les régions du Canada?

Je vais vous dire pourquoi je pose ces deux questions. Quand je m'arrête à tel endroit dans ma circonscription, je rencontre des parents—qui travaillent tous les deux—et qui ont deux enfants. Ils veulent me montrer leurs revenus, ainsi de suite. Je m'arrête ailleurs et je rencontre deux autres parents, qui ont deux enfants et qui travaillent aussi. Il y aura toujours des disparités. Mais pourquoi voudrait-on fixer un seuil de pauvreté et obliger les gens dont le revenu est inférieur au seuil en question à payer de l'impôt? C'est un non-sens. Je dois partir, mais je voulais soulever ce point.

M. Richard Shillington: Oui. Je vais répondre rapidement.

J'ai dit plus tôt, aujourd'hui, à un membre du comité que je trouve étrange que DRHC ait créé une nouvelle mesure de la pauvreté fondée sur un panier de consommation. Je ne sais pas quand le ministère compte l'appliquer. À ma connaissance, aucune personne à faible revenu n'a participé à cet exercice. Ce sont plutôt des universitaires ou des économistes qui y ont pris part. C'est vous qui définissez cette mesure, qui décidez si les enfants devraient participer à des excursions scolaires, avoir accès au câble, à des ordinateurs, à l'Internet...

M. Roy Bailey: La pizza.

M. Richard Shillington: Aussi.

M. Andrew Jackson: Tout cela dépend du revenu net.

M. Richard Shillington: Eh bien, je ne suis pas à l'aise avec l'idée de prendre une telle décision au nom des Canadiens à faible revenu.

M. Roy Bailey: Non.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Monique Guay): Merci beaucoup. J'aimerais vous remercier de votre présence. Malheureusement, on doit quitter, mais on espère qu'on aura d'autres développements dans l'avenir. Merci.

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