SCYR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 24 avril 2002
¹ | 1525 |
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)) |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
La greffière |
Le président |
Mme Monique Guay |
Le président |
¹ | 1530 |
Mme Elaine Johnston |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
Le président |
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Larry Spencer |
Mme Elaine Johnston |
M. Larry Spencer |
Mme Elaine Johnston |
M. Larry Spencer |
¹ | 1545 |
Mme Elaine Johnston |
Le président |
M. Larry Spencer |
Mme Elaine Johnston |
¹ | 1550 |
Le président |
Mme Elaine Johnston |
Le président |
Mme Monique Guay |
Mme Elaine Johnston |
Le président |
Mme Elaine Johnston |
¹ | 1555 |
Mme Monique Guay |
Mme Elaine Johnston |
Mme Monique Guay |
º | 1600 |
Mme Elaine Johnston |
Mme Monique Guay |
Mme Elaine Johnston |
Mme Marilyn Carpentier |
º | 1605 |
Le président |
Mme Marilyn Carpentier |
Le président |
Mme Elaine Johnston |
º | 1610 |
Le président |
Mme Monique Guay |
Le président |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
Mme Elaine Johnston |
º | 1615 |
M. Tony Tirabassi |
Le président |
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.) |
Mme Elaine Johnston |
M. Alan Tonks |
Mme Elaine Johnston |
M. Alan Tonks |
Mme Elaine Johnston |
º | 1620 |
M. Alan Tonks |
Mme Elaine Johnston |
M. Alan Tonks |
Le président |
º | 1625 |
Mme Elaine Johnston |
Le président |
Mme Elaine Johnston |
º | 1630 |
Le président |
Mme Elaine Johnston |
Le président |
Mme Monique Guay |
Mme Elaine Johnston |
º | 1635 |
Mme Monique Guay |
Le président |
CANADA
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 24 avril 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1525)
[Traduction]
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bienvenue. Welcome.
Si vous le permettez, nous avons une petite question à régler. Nous sommes enchantés d'accueillir des témoins aujourd'hui, notamment ces témoins-ci. Mais comme le mentionne la liste, nous attendions aussi l'Association des femmes autochtones du Québec. Pour résumer, il semble que les personnes que nous avions contactées initialement pensaient qu'une autre personne serait mieux placée pour venir témoigner, et nous ont proposé son nom. Mais cette autre personne n'a pas pu se présenter ici aujourd'hui. Nous allons devoir nous organiser pour rencontrer ce témoin car nous tenons beaucoup à entendre la voix des Québécois. Je ne sais pas où nous en sommes dans ces contacts.
[Français]
Où en étiez-vous dans la conversation?
La greffière du sous-comité: On était dans l'autre comité.
Le président: Ah, vous étiez dans l'autre comité. Je ne sais pas si on peut régler la situation tout de suite.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Je crois que oui, monsieur le président. De mon côté, j'ai fait des démarches auprès du ministère de la Santé, du Secrétariat aux affaires autochtones et du ministère de la Famille et de l'Enfance du Québec. J'ai envoyé un appel, mais vous voyez que les échéanciers sont très courts présentement et que l'Assemblée nationale siège intensivement jusqu'au mois de juin. On ne m'a pas répondu. Donc, j'attends encore des nouvelles. Il ne semblait pas y avoir un intérêt marqué pour une rencontre possible avec notre comité, parce qu'il y a des situations urgentes et d'autres dossiers auxquels ils doivent travailler.
On avait aussi parlé de l'Association des femmes autochtones du Québec. Donc, je n'ai pas fait d'autres démarches. Je croyais que ces femmes seraient là aujourd'hui et je viens d'apprendre qu'elles n'y seront pas. Je ne sais pas si Mme Belisle peut nous dire si elles vont venir ou non.
La greffière: On m'a dit qu'elles étaient prêtes à revenir et qu'on pouvait les réintégrer dans un autre faisceau. Je me demande si ce n'est pas celui du 8 mai, par exemple.
Le président: De toute manière, si j'ai bien compris, jusqu'à maintenant, nous avons un vide pour la semaine prochaine. C'est ça?
La greffière: Oui.
[Traduction]
Nous sommes enchantés des témoins qui sont ici, et nous sommes ravis que vous soyez là. Vous vous imaginez ce qui se passerait si vous n'étiez pas là.
Puisque que nous avons deux témoins au lieu de quatre, je vous propose de prendre un petit moment à la fin pour aider Lyne à préparer ce que nous ferons la semaine prochaine. Nous avons des quantités d'idées, mais nous devons agir si nous ne voulons pas avoir un trou dans le programme de la semaine prochaine et être obligés de déplacer certaines choses.
[Français]
Mme Monique Guay: Monsieur le président, je dois quitter à 16 h 45. J'ai une réunion sur Israël, car je dois partir pour Israël vendredi. On a une rencontre prévue par le gouvernement à 16 h 45.
Le président: On comprend et on fera le maximum pour faire venir le témoin prévu ou un autre témoin. De toute manière, on a besoin de votre aide.
[Traduction]
Ceci nous amène à nos délibérations d'aujourd'hui. Nous avons le quorum.
Nous sommes très heureux d'accueillir pour repésenter l'Assemblée des Premières nations, une amie--je ne dirais pas une vieille amie, Elaine, je ne peux pas dire ça -- une amie de renom, Elaine Johnston, qui est directrice du Secrétariat à la santé. Nous sommes aussi enchantés d'accueillir Marilyn Carpentier, la coordonnatrice du Programme canadien de nutrition prénatale, programme pour lequel nous avons la plus grande estime. Bienvenue au comité.
Vous savez que nous nous concentrons actuellement sur les enfants dans les réserves, de la période prénatale à l'âge de six ans. Nous sommes très heureux que vous soyez ici car une partie essentielle de notre travail consiste à consulter abondamment les Premières nations sur ce qui semble fonctionner et à collaborer avec elles pour élaborer un meilleur système de développement de la petite enfance en nous appuyant sur leurs conseils et leur expérience. C'est donc dans le contexte de ces consultations que nous vous souhaitons la bienvenue.
Je ne sais pas si vous préférez prendre la parole dans un ordre particulier. Je sais que vous avez des choses à nous dire. Qui veut commencer? Il n'y a pas d'ordre particulier. C'est comme vous voulez.
Elaine, vous commencez? Allez-y.
¹ (1530)
Mme Elaine Johnston (directrice, Secrétariat à la santé, Assemblée des Premières nations): Merci beaucoup de nous avoir invités à venir vous donner le point de vue de l'Assemblée des Premières nations.
Comme vous l'avez dit, je m'appelle Elaine Johnston et je suis directrice de la santé à l'Assemblée des Premières nations. Je suis une Objibway Potawatomi de l'Ontario. J'ai 25 années d'expérience dans le domaine de la santé et un baccalauréat en sciences infirmières. J'ai travaillé dans divers contexte, en réserve et hors réserve.
Nous souhaitons avoir un échange avec vous sur certains problèmes. Je vous remercie d'avoir précisé que vous vous concentrez sur les enfants de la période prénatale à l'âge de six ans, car nous venons de l'apprendre. Notre exposé porte sur les enfants, les enfants des Premières nations, mais s'il y a d'autres exposés, nous pourrons nous concentrer plus particulièrement sur les enfants de la période prénatale à l'âge de six ans.
Ce que nous voulons vous dire, c'est que pour avoir des Premières nations en bonne santé, il nous faut des enfants en bonne santé. On dit que les Premières nations sont le secteur de la population canadienne le plus jeune et qui progresse le plus vite. Le taux de croissance y est presque le double du taux pour l'ensemble de la population canadienne. D'après les récentes statistiques du Registre des Indiens du ministère des Affaires indiennes et du Nord, la population des Premières nations s'élevait à 660 000 personnes au 31 décembre 1999.
Les jeunes de 15 ans représentent environ 30,6 p. 100 de la population des Premières nations. Le groupe des enfants de cinq à neuf ans représente le segment le plus important, soit 76 000 individus, et le groupe des jeunes de 10 à 14 ans vient en deuxième position avec 69 000 individus. Toutefois, nous n'avons pas la ventilation totale pour le groupe dont vous parlez, celui des enfants de la naissance à l'âge de six ans.
Quels sont les problèmes? La pauvreté et les déterminants de la santé. La santé des Canadiens s'est radicalement améliorée depuis 200 ans grâce à la croissance économique, à une meilleure alimentation, à de meilleurs logements, à un approvisionnement en eau salubre, à une bonne gestion des déchets et au planning des naissances. En revanche, on trouve chez les Premières nations des taux élevés de pauvreté, des conditions de logement déplorables, de l'eau insalubre et des déchets qui ne sont pas correctement évacués. Cinquante pour cent des enfants de toutes les Premières nations, en réserve comme hors réserve, vivent dans la pauvreté. Les données du recensement du Canada montrent que neuf personnes sur 10 vivant en réserve avec un handicap vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Les maisons des Premières nations dans les réserves ont 10 fois plus de chance d'être surpeuplées que celles de la population générale. Le surpeuplement se traduit par une réduction de la durée de vie et un accroissement des problèmes sociaux et de santé, notamment des tensions et de la violence familiale. Jusqu'à 32 p. 100 des enfants autochtones vivent en milieu monoparental et 39 p. 100 des adultes autochtones soulignent que la violence familiale est un problème dans leur collectivité.
Le logement, où les enfants passent le plus clair de leur temps, est un important déterminant de la santé. Les enfants canadiens passent 90 p. 100 de leur temps à l'intérieur, généralement à l'intérieur de leur maison. L'étude intitulée Healthy Homes, Healthy Families, réalisée à Kanesatake, au Québec, a conclu que 37 p. 100 des maisons canadiennes étaient humides ou contaminées par des moisissures. Or, à Kanesatake, on a constaté que 83,5 p. 100 des maisons étaient humides ou contaminées par des moisissures. Les maladies respiratoires sont la première cause de consultations hospitalières pour les jeunes enfants des Premières nations. En 1997, 15 p. 100 des enfants de moins de six ans, 11 p. 100 des enfants de six à 11 ans et 9 p. 100 des enfants de 12 ans et plus avaient de l'asthme. La bronchite touchait près d'un enfant de moins de six ans sur 10. Les maladies respiratoires sont la principale cause d'hospitalisation des jeunes enfants autochtones aussi bien que non autochtones.
La mauvaise nutrition expose les Premières nations à des maladies infectieuses et ralentit le processus de guérison. Le taux de mortalité chez les enfants d'âge préscolaire est cinq fois plus élevé que la moyenne canadienne, et le taux de décès par blessure des adolescents des Premières nations est trois fois plus élevé que la moyenne canadienne.
Les enfants des Premières nations au Canada sont à risque. La pauvreté et la médiocrité des conditions de vie contribuent à l'alcoolisme, à l'abus de drogues, à la violence familiale et à la violence sexuelle. Le taux de suicide chez les adolescents des Premières nations est jusqu'à sept fois plus élevé que le taux moyen au Canada. Les jeunes de 10 à 19 ans risquent cinq fois plus de se suicider que les autres Canadiens de leur âge. Soixante-deux pour cent des personnes interrogées dans le cadre de l'Enquête régionale sur la santé des Premières nations inuites ont déclaré qu'ils fumaient la cigarette. Certains enfants fument déjà à six ans, et le nombre de fumeurs augmente très vite chez les jeunes de 11 à 12 ans.
¹ (1535)
D'après une étude de cas réalisée au Manitoba, le pourcentage d'enfants des Premières nations affectés par le syndrome d'alcoolisme foetal était de 28 à 72 p. 1 000, comparativement à une incidence mondiale de 1,9 pour 1 000 naissances vivantes.
Le coût de l'absence de soutien préventif--mis en évidence par le taux d'incarcération et de récidive--est actuellement de l'ordre de 306 millions de dollars par an. L'alternative demeure soit d'intervenir rapidement, soit de payer ultérieurement par de multiples tentatives de réforme. Les jeunes filles autochtones courent des risques importants de tomber enceintes jeunes, et risquent encore plus de contracter une maladie transmissible sexuellement.
La question est donc de savoir de quoi ont besoin les enfants. De nouvelles données montrent ce que les parents savent depuis toujours, à savoir que l'expérience et l'environnement de l'enfant durant sa petite enfance, notamment la présence active des parents, sont essentiels pour le développement du cerveau de l'enfant durant les premières années. Les bébés, les jeunes enfants et les adolescents ont besoin d'être valorisés, respectés, entourés de soins et aimés. Tous les enfants ont besoin des apports fondamentaux que constituent l'alimentation, le foyer, la sécurité, les vêtements, les soins de santé, l'éducation et les loisirs, grâce auxquels ils pourront développer leur plein potentiel dans un environnement stable et stimulant.
Il faut absolument donner la priorité aux besoins des enfants autochtones pour assurer la solidité à long terme des communautés des Premières nations. On estime que les jeunes représentent 57 p. 100 de la population vivant dans les réserves.
La pauvreté est un important déterminant de la santé et du développement de l'enfant. Dans un rapport britannique intitulé Inequalities of Health, les chercheurs britanniques déclarent:
Bien que des facteurs de risque auxquels on peut remédier soit présents tout au long de la vie, l'enfance est un stade critique durant lequel de mauvaises conditions socioéconomiques ont des résultats à long terme sur des individus vulnérables. |
Si l'on peut améliorer la situation économique et communautaire, on contribue à améliorer la santé et le développement des enfants.
Il faut établir un cadre stratégique complet sur la santé des enfants des Premières nations. Pour donner aux enfants une chance de mener une vie saine et productive, il faut intervenir de façon précoce. Les interventions doivent notamment porter sur les domaines suivants: la promotion de la santé nutritionnelle et la prévention des maladies, les initiatives de sécurité et de bien-être axées sur les enfants de sept à 12 ans; les initiatives en matière de santé mentale et le soutien aux enfants handicapés.
Les Premières nations ont besoin de ressources stables et équitablement réparties pour que les initiatives soient durables à long terme. Il faut débloquer des ressources pour la mise en place d'installations satisfaisantes, des ressources qui incluent les frais de fonctionnement et d'entretien à long terme. Il y a une grave pénurie d'installations.
Les Premières nations ont besoin de ressources pour mener des programmes de prévention du tabagisme et pour aider les gens à cesser de fumer et les traiter au niveau des collectivités des Premières nations. Nous avons aussi besoin de fonds pour le traitement, la prévention et la promotion dans le cadre de la santé mentale et des programmes sociaux et de santé.
Les besoins en ressources humaines des Premières nations pour administrer les services au niveau communautaire sont considérables et urgents. Il faut proposer une stratégie pour répondre à ce déficit de ressources humaines. Ce domaine prioritaire est directement lié à la question de la mise en place et du maintien du contrôle de la santé et des systèmes de soins de santé par les Premières nations. Il faut élaborer et administrer une formation spécifique aux Premières nations pour leur permettre d'avoir les ressources humaines nécessaires pour répondre aux besoins des enfants et des parents. Il faut aussi élaborer des programmes spécifiques à leur culture.
Les participants à une récente conférence de la jeunesse sur l'habilitation et la guérison, parrainée par l'APN, ont formulé les recommandations suivantes: élaborer des cours traditionnels sur le rôle parental à enseigner dans les écoles; fournir des services de garderie aux parents qui souhaitent poursuivre leurs études; proposer des ateliers sur le mieux-être personnel aux parents, car si les parents sont épanouis, ils ont des enfants épanouis; donner aux enfants une formation à la gestion de la colère; enseigner aux parents l'importance d'apprendre le respect aux enfants; informer les nouveaux parents des étapes du développement de l'enfant; et enseigner à toute la collectivité en quoi consiste le fait d'être un bon parent.
En conclusion, le Canada doit trouver des ressources pour lancer une campagne concertée en vue d'établir un cadre stratégique sur la santé des enfants, et pour réduire radicalement toutes les formes de comportement risqué chez les jeunes des Premières nations. Les programmes doivent être conçus et administrés avec l'apport des Premières nations. Les programmes de santé les plus efficaces sont ceux qui sont conçus et administrés par des praticiens des Premières nations pour des populations des Premières nations.
Les problèmes de domaine de compétence demeurent un facteur pour les enfants des Premières nations et il faut les examiner dans le cadre d'une politique de la santé des enfants des Premières nations pour éviter qu'ils soient oubliés tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial.
¹ (1540)
Nous avons parlé de ceci dans d'autres contextes. Quand nous élaborons la politique des enfants, nous devons placer l'enfant au centre, là où la collectivité, l'individu, la famille et la nation en sont tous responsables. En fin de compte, quand nous parlons de nos enfants et de l'avenir, il est clair que nous devons mettre l'accent sur ces enfants si nous voulons que nos familles et nos collectivités soient épanouies à l'avenir.
Voilà mes commentaires. Je vous remercie encore une fois de nous avoir invités à témoigner.
Le président: Merci beaucoup, Elaine Johnston.
Marilyn, vous voulez ajouter quelque chose? Vous souhaitez être simplement la personne-ressource lorsque nous aurons des questions sur la nutrition prénatale ou vous voulez faire un exposé?
Mme Marilyn Carpentier (coordonnatrice, Programme canadien de nutrition prénatale, Secrétariat à la santé, Assemblée des Premières nations): Non, nous avons préparé cet exposé ensemble.
Le président: Parfait.
Nous vous remercions de cette introduction très utile. Je ne vais pas y revenir en détail, mais je dirai simplement que vous avez abordé une bonne partie des thèmes que nous avons déjà entendu développer. Cela nous conforte dans l'idée que nous progressons dans la bonne direction, et nous sommes heureux de constater que nous ne sommes pas en désaccord avec ce que vous dites.
Je vais maintenant passer aux questions. Monsieur Spencer, vous avez des réflexions?
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): En fait, aujourd'hui, oui. J'ai une ou deux réflexions. Ce sera nouveau pour le comité.
Une voix: Il en a toujours.
Le président: J'ai remarqué que vous aviez un nombre impressionnant de réflexions hier.
M. Larry Spencer: C'était une autre question.
Merci encore une fois d'être venues nous faire partager vos pensées. Je regarde votre fiche de renseignements. Nous savons parfaitement qu'il y a un énorme problème chez les jeunes Autochtones. S'il y a un message qu'on nous a transmis, c'est bien celui-là.
J'aimerais vous poser quelques questions, et je vais parler de quelque chose qui concerne le gouvernement. Je n'essaie nullement de minimiser ceci. Nous l'avons déjà entendu de la part d'autres témoins, mais j'aime bien qu'on nous le répète. À force, je finis par apprendre.
Vous avez dit qu'une des choses dont vous avez besoin pour éduquer vos enfants, c'est évidemment des documents spécifiques à votre culture. J'aimerais que vous m'expliquiez cela et que vous nous disiez ce que cela peut apporter à vos enfants, d'après vous.
Mme Elaine Johnston: Certainement. Je peux vous parler à titre d'infirmière autorisée qui travaille depuis longtemps dans ces collectivités. Quand je parle de documents spécifiques à cette culture ou même de formation pédagogique… Par exemple, nous avons eu un programme prénatal axé sur les enfants de la naissance à l'âge de six ans et même durant la période prénatale. Il faut que ce genre de programme soit pertinent, mais aussi qu'il soit présenté de manière à ce que les personnes ou les familles comprennent bien leur rôle.
Dans notre pratique d'infirmière communautaire, nous avons utilisé les cercles d'influence pour nos enseignements prénataux. C'était très important parce que ces cercles d'influence parlent de placer l'enfant au centre pour que tous les services, tous les rôles et toutes les responsabilités soient clairement identifiés. Il ne s'agissait donc pas simplement du gouvernement; c'était aussi notre responsabilité de Premières nations, de parents et de proches.
Il était important de ce point de vue de parler de nos rôles et responsabilités et de préciser en quoi chacun d'entre nous contribue à élever un enfant sain. C'est ce que j'entends par matériel spécifique à la culture. On peut se servir de ce genre d'instruments pour faire passer le message, pour que les personnes puissent se dire que c'est logique et que cela s'applique bien à leur famille.
M. Larry Spencer: Ma question suivante est en deux parties. Où trouvez-vous ces documents, où peut-on se les procurer? Est-ce que cela fait partie des programmes parrainés par le gouvernement comme le programme Bon départ ou l'éducation des jeunes enfants?
Mme Elaine Johnston: Oui, cela fait partie de divers programmes à financement provincial ou fédéral. Ce qui se passe, c'est que les Premières nations peuvent élaborer ces instruments en partenariat avec le gouvernement, qu'elles peuvent les élaborer elles-mêmes ou qu'elles peuvent le faire en partenariat avec d'autres organisations. Nous avons utilisé l'outil dont je vous parlais chez des communautés non autochtones qui ont bien aimé ce modèle. Les gens se sont dit que cela pouvait être efficace aussi dans leur propre communauté.
Donc ces outils existent, et je pense qu'il y a des pratiques exemplaires à partager aussi bien au sein des Premières nations qu'avec des communautés non autochtones.
M. Larry Spencer: J'ai une dernière question. Quels sont les éventuels programmes de lutte contre la malnutrition que vous menez avec l'aide du gouvernement?
¹ (1545)
Mme Elaine Johnston: C'est dans ce domaine que nous travaillons avec le Programme canadien de nutrition prénatale. Je vais peut-être laisser Marilyn vous donner plus de précisions.
Mme Marilyn Carpentier : Je suis une Algonquine de Kitigan Zibi, et j'ai moi aussi une expérience d'infirmière. J'ai débuté l'an dernier au Secrétariat à la santé, où je m'occupais du programme d'évaluation du PCNP. Avant cela, j'étais dans le secteur du logement. Et j'aimerais effectivement vous parler du PCNP.
C'est un programme d'enseignement qui s'adresse aux femmes enceintes. Le volet nutrition consiste à leur expliquer comment se nourrir correctement--quels sont les bons aliments et ce qu'il faut éviter de faire pour pouvoir bien répondre aux besoins nutritionnels du foetus et lui permettre de se développer.
Le PCNP a été lancé en 1994. C'est le gouvernement canadien qui l'a lancé. Nous avons constaté qu'il n'atteignait pas toutes les femmes des Premières nations. Les chefs et le comité des chefs ont décidé de l'évaluer pour voir pourquoi il n'atteignait pas toutes les femmes et demander à celles qui en bénéficiaient ce qui leur plaisait et ce qui ne leur plaisait pas dans ce programme. Nous procédons donc à cette évaluation. Elle a commencé. Nous en sommes à la dernière des quatre années de cette évaluation. Nous avons un échantillon de 100 collectivités avec lesquelles nous travaillons. Cet échantillon inclut des zones reculées et devrait nous donner un aperçu assez représentatif de l'ensemble du Canada.
Jusqu'ici, tout va très bien. Non seulement nous allons recueillir des données, mais nous transmettons aussi des informations sur la nutrition, sur les dangers du syndrome d'alcoolisme foetal, en même temps que nous nous informons auprès de ces femmes. C'est très complet. Nous visons non seulement les jeunes mères, mais les jeunes en général, nous parlons aux fournisseurs de services, nous nous informons auprès d'eux et nous leur donnons des informations sur la nutrition et tout le reste.
Nous formons aussi un chercheur communautaire, une personne choisie dans les Premières nations que nous formons. On recueille donc des données, mais on acquiert aussi des connaissances permettant de planifier à partir de la réalité. C'est le genre de choses que nous faisons actuellement.
Le président: Merci beaucoup.
Vous aviez une question?
M. Larry Spencer: Oui. Elle a très bien parlé de la période prénatale. Mais une fois que l'enfant est né, de la naissance à six ans, dans quelle mesure les programmes gouvernementaux apportent-ils quelque chose à la nutrition des enfants?
Mme Elaine Johnston: Je peux répondre à cela. Le gouvernement a mis sur pied le programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Il commencé par les groupes vivant à l'extérieur des réserves. Ensuite, cela a été le tour des Premières nations. Ce programme a eu un succès remarquable, mais il n'a pas atteint toutes les communautés des Premières nations. Il a aussi tenu compte des types culturels. Certaines Premières nations ont eu accès à des services de garderie, mais pas toutes. Il y a plusieurs programmes de formation au rôle de parent. Certains sont financés par le gouvernement fédéral. D'autres sont financés par la province, mais ils sont sporadiques, et je ne peux même pas vous dire le pourcentage des collectivités desPremières nations qui en bénéficient.
¹ (1550)
Le président: Pour le compte rendu, pour autant que je le sache, le Programme de nutrition prénatale ne prend pas fin à la naissance de l'enfant, en dépit de son nom. Je crois qu'il se poursuit au cours des premiers mois.
C'est bien cela?
Mme Elaine Johnston: C'est exact, c'est un programme prénatal. Mais on travaille avec les mères durant la grossesse et aussi après qu'elles ont eu leur bébé, donc après la naissance.
Le président: Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay: Mesdames, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. C'est très apprécié, et vos commentaires et recommandations nous permettront de faire un rapport beaucoup plus détaillé.
Ça fait plusieurs mois qu'on reçoit des témoins et qu'on discute de la situation des enfants du pays. J'aimerais beaucoup vous entendre sur les programmes. On a des programmes pancanadiens, mais il y a des réserves où ces programmes fonctionnent mieux que dans d'autres réserves. Est-ce parce qu'il y a des centres communautaires qui sont plus structurés et qui sont capables d'appliquer les programmes de façon plus stratégique? Selon vous, est-ce que les réserves devraient avoir plus de centres communautaires pour permettre l'application des programmes? Je sais qu'il y a plusieurs programmes, mais j'aimerais que vous m'en nommiez un qui, pour vous, fonctionne très bien et devrait absolument être conservé. On pourrait faire cette recommandation dans notre rapport.
[Traduction]
Mme Elaine Johnston: Je peux vous parler de mon expérience du travail dans des communautés reculées du Nord et dans des communautés du Sud, car c'est très différent.
La première localité où je suis allée était Pikangikum. On en a souvent parlé dans la presse à cause des suicides et…
Le président: Quand vous mentionnez ces localités, auriez-vous la gentillesse de nous dire où elles se situent exactement?
Mme Elaine Johnston: Pikangikum est une localité du nord-ouest de l'Ontario, au nord de Red Lake, c'est une grosse agglomération de près de 3 000 personnes. Quand j'y suis allée, nous n'étions que deux infirmières, mais ils peuvent maintenant en accueillir 11 là-bas. Il y a eu une épidémie de suicides. J'ai eu l'occasion de travailler dans cette communauté et d'y vivre, et aussi d'y retourner l'année dernière, pour voir si la situation avait évolué.
¹ (1555)
Mais je peux vous dire, en tant que membre d'une Première nation moi-même, qu'ayant vécu et grandi dans une réserve… Comme je vous l'ai dit, j'ai grandi dans la Première nation de Serpent River ici en Ontario.
Le président: Où cela en Ontario?
Mme Elaine Johnston: On considère que c'est la région nord-centre. Tout ce qui est au nord de Barrie est considéré comme le nord de l'Ontario.
Quand j'étais enfant, nous n'avions pas d'eau courante ni d'égout. Toutefois, les conditions de logement se sont progressivement améliorées, nous avons eu l'eau courante et l'égout, mais nous avons commencé à avoir plus d'ouvertures dans le domaine de l'enseignement. Grâce à ma scolarisation, j'ai pu suivre des études d'infirmières.
Quand je suis allée à Pikangikum, cela a été une révélation pour moi aussi bien en tant qu'infirmière qu'en tant que membre d'une Première nation de voir dans quelles conditions vivaient ces personnes. Quand vous parlez de besoins humains fondamentaux comme le besoin d'avoir un toit ou un réchaud correct pour pouvoir cuisiner… Quand j'étais infirmière dans cette collectivité et que nous allions voir des gens chez eux, je constatais parfois qu'ils n'avaient même pas un poêle correct pour faire la cuisine. Ils avaient un simple baril au milieu de leur maison où ils mettaient du bois, et c'est avec cela qu'ils chauffaient leur maison et qu'ils faisaient la cuisine quelquefois.
Alors quand on parle de ces programmes, le problème c'est qu'on est confronté à des besoins humains fondamentaux. Le problème de ces programmes, c'est qu'on peut se demander s'ils ont la capacité voulue. Quand je parle de capacité, je veux dire qu'on peut se demander s'il y a des gens formés au sein de cette collectivité qui peuvent les mettre en oeuvre. Maintenant que j'ai eu l'occasion de retourner à Pikangikum--à peu près 10 ans plus tard--je dirais qu'on commence à avoir cette capacité, mais c'est lent.
Par exemple, le programme d'aide préscolaire aux Autochtones est à mon avis un excellent programme. Il faut le financer et toutes les collectivités devraient pouvoir en profiter. Le problème, c'est que quand on a lancé ce programme, le financement était insuffisant. On l'a landé dans les diverses régions du Canada en le fondant sur le besoin mais aussi sur des propositions, sur la présence de centres de garderie ou divers types de liens… Mais si la communauté en question n'a pas la capacité d'élaborer et de concrétiser ces propositions, c'est problématique. D'après ce que nous avons pu constater, ce programme est très important et doit être développé. Quand on parle d'action appropriée sur le plan culturel, ce programme est essentiel.
[Français]
Mme Monique Guay: J'appelle cela une réponse claire, monsieur le président. Merci beaucoup.
Au Québec, le Programme canadien de nutrition prénatale de Santé Canada est mis en oeuvre par le biais des CLSC. Les représentants de Santé Canada qui ont comparu devant nous nous ont dit qu'il s'agissait d'un modèle de prestation de services très efficace.
Qu'est-ce que vous en pensez?
[Traduction]
Mme Elaine Johnston: Excusez-moi, comment s'appelle-t-il?
[Français]
Mme Monique Guay: C'est le Programme canadien de nutrition prénatale. C'est un programme qui, au Québec, est livré par l'entremise des CLSC. Vous savez ce qu'est un CLSC. Les CLSC travaillent très bien avec les autochtones, parce qu'ils dispensent directement aux autochtones des services des programmes fédéraux. L'entente est très bonne. Ce n'est pas pareil partout, mais au Québec, ça fonctionne bien.
Entre autres, on a aussi le programme des garderies à 5 $, qui dessert aussi les autochtones. Ce sont des services essentiels pour permettre à certaines femmes de sortir de la pauvreté. Donc, le Programme canadien de nutrition prénatale fonctionne bien par l'entremise des CLSC.
Est-ce que cela se fait par l'entremise des centres communautaires sur les réserves? Est-ce qu'il serait souhaitable de retrouver ça ailleurs, dans d'autres régions du Canada? C'est ma question. On nous a dit que ça fonctionnait très bien au Québec, mais que ça ne se faisait pas nécessairement ailleurs.
º (1600)
[Traduction]
Mme Elaine Johnston: En effet, le Programme canadien de nutrition prénatale a été élaboré dans les communautés des Premières nations, par le biais des centres sanitaires. Encore une fois, le problème, c'est le manque d'argent.
Quand on divise l'argent entre toutes les communautés des Premières nations du Canada, on a des fonds limités pour mener ce programme. Nous avons constaté que pour administrer correctement un programme, les communautés des Premières nations sont obligées de combiner l'argent qu'elles reçoivent pour d'autres programmes avec celui du Programme de nutrition prénatale. Sinon, elles peuvent simplement avoir des activités limitées à un projet.
J'ai travaillé pour un conseil tribal de l'Ontario où étaient représentées huit communautés des Premières nations. Nous avons regroupé l'argent du Programme canadien de nutrition prénatale avec des fonds que nous avions reçus pour d'autres programmes . Nous organisions des rencontres du type «déjeuner pour apprendre» avec les mères pour leur enseigner une bonne nutrition. Certaines communautés le font, mais les choses varient d'un endroit à l'autre.
[Français]
Mme Monique Guay: Nous avons aussi le Club des petits déjeuners dans les écoles. Très souvent, dans la population en général, les enfants de certains quartiers viennent de familles défavorisées et ne déjeunent pas le matin. On a donc créé, au Québec, le Club des petits déjeuners. Tout le monde déjeune ensemble. Donc, il n'y a pas de discrimination envers certains enfants et ça fonctionne bien. On souhaite qu'un jour, on n'ait pas à utiliser ces services et que tous les enfants puissent prendre leur petit déjeuner à la maison.
Je vais vous poser une question sur le logement. Vous avez beaucoup parlé du logement. Il y a un problème criant de logement dans les communautés autochtones. Est-ce qu'il y a pour cela des programmes spécifiques du gouvernement fédéral ou des provinces, ou encore des programmes conjoints? Peut-être pourriez-vous élaborer sur cette question. Le logement est quand même essentiel à la survie. Cela devrait faire partie de nos recommandations à nous.
[Traduction]
Mme Elaine Johnston: Je vais vous donner mon avis à ce sujet et ensuite je laisserai la parole à Marilyn parce qu'elle s'occupait du portefeuille du logement pour l'APN.
Le logement est un gros problème pour les Premières nations partout au Canada. Il y a d'importantes listes d'attente dans nos communautés. Nous constatons aussi que, même si nous avons une importante population qui vit en dehors des réserves, beaucoup de nos membres reviennent vivre dans leur communauté. Il s'agit alors de leur trouver un logement. Pour ceux qui vont à l'école, que ce soit au collège ou à l'université, il y a aussi le défi de trouver des perspectives de développement économique lorsqu'ils reviennent chez eux après avoir terminé leurs études. C'est un autre problème.
Les problèmes de logement sont multiples. L'argent qui arrive vient des Affaires indiennes, et la SCHL en fournit une partie. Il y a des problèmes d'acheminement des matériaux, particulièrement dans le Nord. C'est très coûteux. Il y a de nombreux, nombreux problèmes et nous ne réussissons pas à satisfaire aux besoins en matière de logement.
Je vais demander à Marilyn d'ajouter un mot, puisque c'est elle qui avait ce portefeuille.
Mme Marilyn Carpentier: Merci, Elaine.
Pour ce qui est du logement, le ministère a naturellement un programme. Dans le cadre de la nouvelle politique du logement, une réserve moyenne qui recevait normalement cinq maisons, disons, présenterait cette proposition, qui est un plan quinquennal, et obtiendrait cinq maisons supplémentaires pendant ce plan quinquennal.
Les subventions fournies par le ministère ne couvrent pas le coût total d'une maison. Une réserve située dans le sud du Canada, à proximité d'une grande ville, toucherait peut-être 25 000 $. Eh bien, ce n'est pas suffisant, de sorte qu'il faut compléter avec un apport de compétences, ou parfois des prêts renouvelables. Mais dans le Nord, les frais de transport sont tellement élevés que si une réserve avait droit à, mettons, cinq maisons, elle en perdrait une, rien qu'en frais de transport.
Nous parlions de nutrition. Lorsqu'une pinte de lait coûte 6 $ et que les besoins alimentaires de base reviennent si cher, il n'y a pratiquement pas d'argent à consacrer à l'amélioration de l'habitat.
Il y a des programmes de la SCHL; ce sont des prêts. C'est en partie une subvention ou un subside, mais en majeure partie, c'est un prêt. La période d'amortissement est de 25 ans.
Non seulement cela, mais le programme de l'article 95 ne permet pas d'effectuer une planification à long terme. Selon la nouvelle politique du logement, le plan court sur cinq ans, de sorte qu'il est possible de planifier à long terme. Mais pour ce qui est de l'allocation de la SCHL, c'est annuel. Je crois qu'on est finalement passé à deux ans, mais il est impossible de planifier à long terme, et il faut rembourser. On fait payer un loyer aux clients et les clients doivent rembourser. C'est la même chose dans les localités éloignées là où la pauvreté est très grande; il est difficile de payer le loyer. La bande doit donc essayer de trouver de l'argent, parce qu'il y a des dépenses de fonctionnement.
Il y a un autre problème pour ce qui est du logement, la moisissure. C'est un problème grave dans la région atlantique, au Manitoba et en Colombie-Britannique, et le nettoyage ou les mesures correctrices coûtent très cher. Nous n'avons pas de programme pour cela.
Je sais que des fonds ont été envoyés l'année passée, mais à peine assez pour effleurer la surface. C'est toujours un gros problème, et la moisissure provoque des problèmes de santé pour les personnes qui occupent ces maisons.
º (1605)
Le président: Merci.
Je voudrais avoir un suivi avant de passer à M. Tirabassi et M. Tonks. Il s'agit du Québec et la question s'adresse en réalité à Mme Carpentier.
Je veux simplement être sûr de bien comprendre. D'après ce que j'ai compris, au Québec, le PNPC, le Programme de nutrition prénatale du Canada, s'exécute par le biais des centres locaux de santé communautaire, les CLSC, et d'après ce que nous ont dit les représentants de Santé Canada, cela fonctionne bien. Nous voulions donc que vous nous disiez, madame Carpentier, et vous aussi, madame Johnston, tout d'abord, si c'est vrai, et deuxièmement, si ce modèle, qui est essentiellement axé sur un centre de santé communautaire et regroupe différents éléments comme la garde d'enfants, pourrait être une source d'inspiration pour nous?
Mme Marilyn Carpentier: Oui, les programmes sont dispensés par les centres de santé dans la réserve, comme le CLSC. C'est un programme qui est très bien accueilli. Ce que je disais tout à l'heure, c'est qu'il ne touche pas toutes les personnes qu'il faudrait réussir à rejoindre. Surtout, comme Elaine le disait tout à l'heure, l'argent disponible pour assurer le programme n'est pas suffisant dans de nombreux cas. Parfois, il faut aussi mettre d'autres programmes à contribution.
À Akwesasne, par exemple, où il y a 7 000 habitants, ils touchent 2 700 $. Ce n'est vraiment pas assez. Alors ils sont obligés de puiser dans d'autres programmes.
Le président: Merci beaucoup.
Vouliez-vous ajouter quelque chose à cela, Elaine?
Mme Elaine Johnston: Oui. Je pense que vous voulez savoir si le modèle fonctionne. Je crois que c'est là votre question.
Le modèle fonctionne tant qu'il y a suffisamment d'argent et aussi de capacité. Par capacité, j'entends qu'il faut avoir suffisamment de personnes pour faire fonctionner le programme. Je crois que le groupe au Québec peut le faire. Ils ont la capacité voulue pour le faire. La question est maintenant de savoir s'il y a suffisamment d'argent. C'est une autre question que l'on soulève. Mais je pense que l'on pourrait prendre ce modèle comme base.
º (1610)
Le président: Cette réponse nous est très utile.
[Français]
Mme Monique Guay: C'est ce qu'on voulait entendre.
[Traduction]
Le président: Oui, vous avez bien répondu. Nous reviendrons là-dessus.
Monsieur Tirabassi.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier les témoins d'être venus cet après-midi. Il est vrai que nous avons passé beaucoup de temps sur cette question, nous avons écouté de nombreux témoins, aussi bien ceux qui représentent les communautés comme vous que ceux qui représentent les programmes.
J'ai été très intéressé par la comparaison que vous avez faite au sujet des programmes disponibles. Mais en réalité, que veut dire un programme pour les habitants de la réserve lorsqu'ils n'arrivent pas à satisfaire leurs besoins fondamentaux? Vous avez cité l'exemple du baril au milieu d'une pièce qui est utilisé pour le chauffage ou pour la cuisine.
Je regardais la télévision et je regrette de ne pas avoir été plus attentif--je zappais sans doute comme d'habitude avec ma télécommande--et de ne pas avoir noté le canal et l'émission. Mais il y avait une réserve, et je me souviens très bien que c'étaient les responsables de Développement des ressources humaines Canada qui avaient branché une ligne téléphonique d'aide aux suicidaires dans cette réserve. Il y avait une personne de l'extérieur de la réserve pour répondre, parce qu'il y avait tellement d'appels quand ils ont installé cette ligne d'écoute --j'imagine que c'était dans un centre urbain--que l'on a pensé qu'il pourrait y en avoir une juste pour cette réserve. Il y avait tellement d'appels que la personne en place ne pouvait littéralement pas partir, en sachant que le téléphone allait continuer à sonner si elle partait ou prenait une journée de congé. On a donc demandé à des bénévoles de la réserve de donner un coup de main à ce monsieur, et il a été impossible d'en trouver.
Pour moi, cela montre que dans un centre urbain, on peut avoir une ligne d'aide aux personnes suicidaires, mais on comprend aussi que ce n'est pas une solution. C'est seulement un réconfort, une épaule qui est là lorsqu'on en a besoin. Mais dans la réserve, en fait, il y avait de plus en plus d'appels. Il semble que l'on se soit passé le mot, au lieu d'essayer d'attaquer le problème à la racine et de voir pour quelles raisons les personnes étaient dans cet état.
La question est donc celle-ci. Les programmes offerts ici, qui sont censés être d'excellents programmes, fonctionnent probablement ailleurs. Mais les besoins sont là. Est-ce que cela explique certains des problèmes auxquels vous vous heurtez lorsque vous présentez ces programmes dans les réserves?
Mme Elaine Johnston: Certainement. Pour revenir à la communauté dont je parlais tout à l'heure, Pikangikum, comme je l'ai dit, j'ai eu la possibilité d'y retourner après 10 ans. Nous sommes allés là-haut, le chef national et moi, à la demande de la communauté en raison des taux élevés de suicide.
Ce que j'ai remarqué cette fois-ci…parce que la première fois, j'étais là en tant qu'infirmière à plein temps, c'était donc ma vie. Je faisais ça 24 heures sur 24, sept jours par semaine, et je dois admettre que lorsque j'en suis sortie, j'étais complètement brûlée. Cette fois, je n'allais pas faire ce travail à longueur de journée. Je venais en tant qu'observatrice examiner la situation dans la communauté.
Lorsqu'on est dans une communauté qui est aux prises avec ce genre de problèmes--les besoins fondamentaux dont vous parlez--il est impossible de penser autrement parce que l'on est en crise. Ainsi, il est impossible de convaincre des bénévoles de travailler là. J'ai eu l'occasion, et c'est intéressant, de parler à un ancien travailleur spécialisé en santé mentale qui est venu nous chercher à l'aéroport. Je lui ai demandé s'il travaillait toujours dans le domaine de la santé mentale et il m'a répondu que non, qu'il ne pouvait pas tout faire pour tout le monde. Il m'a dit qu'il devait s'occuper de sa fille qui parlait beaucoup de suicide et qu'il lui était impossible de s'occuper des autres enfants. Il devait se concentrer sur le sien.
Le problème, c'est qu'ils sont complètement plongés là dedans, et tant qu'ils n'arrivent pas à penser autrement et à prendre un peu de recul pour dire, assez c'est assez… Depuis que je suis allée à Pikangikum…parce que j'ai eu l'occasion de parler aux jeunes, et je leur ai dit que c'était à eux de faire des choix et de prendre des décisions difficiles, et ils commencent à le faire.
Donc les solutions viennent d'eux, peut-être avec quelqu'un de l'extérieur qui leur donne une petite tape sur l'épaule, si l'on peut dire. Mais je crois que c'est très difficile lorsqu'on regarde les programmes qui arrivent où on leur dit ce qu'ils doivent faire, alors que les besoins sont en fait ailleurs. Il y a une division là.
Je peux aussi parler à titre d'infirmière en santé communautaire parce que j'étais infirmière dans la communauté, j'ai fait la formation à Santé Canada. On nous a parlé des évaluations de besoins. Nous devions aller évaluer les besoins dans la communauté pour que celle-ci puisse ensuite décider des besoins essentiels à la lumière de l'évaluation. À la suite de cette évaluation des besoins, j'ai décidé qu'il fallait s'attaquer à ceci, ceci et cela. Lorsque je suis allée sur place, on m'a dit que c'était très bien de savoir quels étaient les besoins, mais que les programmes étaient établis d'une certaine façon. Et il fallait faire ceci, ceci et cela. Donc je devais trouver un équilibre et me demander ce que je pouvais vraiment réussir à faire, en étant réaliste.
º (1615)
M. Tony Tirabassi: Absolument, et c'est intéressant de voir comment tout ça s'est terminé. Je repense à cette ligne téléphonique particulière. Il y avait en fait une durée limitée car on considérait qu'après deux ans de cette ligne d'aide, les problèmes devaient commencer à disparaître, parce que les gens, grâce à cette ligne, allaient commencer à se sentir mieux. L'effet a été inverse, et là, naturellement, le responsable du programme a décidé que, puisque l'on n'atteignait pas l'objectif visé, il fallait supprimer le programme. C'était absolument incroyable.
Donc, je partage votre sentiment.
Le président: Merci beaucoup. C'est une logique absolument opposée à ce que l'on pourrait attendre.
M. Tony Tirabassi: Exactement.
Le président: Maintenant que l'on sait que les besoin augmentent, il vaut mieux mettre fin au programme, parce qu'il n'a pas mis fin aux besoins.
Monsieur Tonks.
M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): J'ai une question à poser à Mme Johnston. Lorsque vous étiez infirmière en santé communautaire, étiez-vous employée par Santé Canada?
Mme Elaine Johnston: Oui.
M. Alan Tonks: Y a-t-il des infirmières en santé communautaire employées par des organisations communautaires faisant partie des organisations présentes dans les réserves?
Mme Elaine Johnston: Oui.
À l'époque où je travaillais pour Santé Canada, la Direction de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada avait pour politique de transférer les programmes de santé aux Premières nations et de leur en donner le contrôle, et cette politique existe toujours mais on lui donnait beaucoup d'importance il y a 10 ans.
Les communautés effectuent l'évaluation des besoins. Ensuite, cela fait, il y a des négociations au sujet du transfert du programme vers les Premières nations. Si tout cela est fait et qu'il y a des négociations entre Santé Canada et la Première nation, le transfert peut se faire à une seule communauté ou à un groupe de communautés--par exemple, par le biais d'un conseil tribal ou d'autres groupes de communautés.
Certaines communautés ont fait le transfert, mais pas toutes, de sorte que l'on peut être employé dans une communauté où il n'y a pas eu de transfert et continuer à travailler pour Santé Canada, ou être employé par la communauté dans d'autres qui ont signé les ententes de transfert de responsabilité en matière de santé.
M. Alan Tonks: Avez-vous travaillé dans des communautés qui ont signé des ententes de transfert de responsabilité en matière de santé?
Mme Elaine Johnston: Oui.
M. Alan Tonks: Comment comparez-vous les deux modèles en ce qui concerne les ressources et la confiance que l'on a dans la communauté pour régler les problèmes?
Mme Elaine Johnston: Je peux comparer les modèles. Ç'a été une expérience très intéressante parce que comme je l'ai dit, j'ai travaillé dans des endroits comme Pikangikum qui étaient financés par Santé Canada et où les employés étaient des employés de Santé Canada. J'ai aussi travaillé pour des communautés des Premières nations et un conseil tribal et j'ai remarqué la différence, là encore la différence portant sur la capacité. J'ai remarqué que dans les communautés des Premières nations qui avaient conclu une entente, on semblait être ouvert et conscient des besoins. Si je sais quels sont les besoins dans la communauté, comment vais-je dépenser mes fonds pour les satisfaire, sachant combien les ressources des programmes sont comptées? Puis-je faire quelque chose avec cet argent pour répondre aux besoins de la communauté?
J'ai remarqué que les communautés qui avait signé un accord de transfert de responsabilité en matière de santé avait vraiment beaucoup appris au fur et à mesure. Au début, elles se sont dit qu'elles n'avaient jamais rien vu de tel avant puis il y a vraiment eu un apprentissage progressif au fur et à mesure que les gens se sont demandé ce qu'ils devaient faire en tant que Premières nations.
Dans les communautés avec lesquelles j'ai travaillé avant de venir à l'Assemblée des Premières nations, j'étais directrice exécutive de la Santé et aussi directrice générale du North Shore Tribal Council. Nous avons mis sur pied un partenariat avec le Centre d'amitié à Sault Sainte-Marie, en Ontario, pour établir un centre d'accès à la santé. Nous avons reçu des fonds de la province à cette fin.
En plus, nous avons examiné les autres programmes, parce que nous savions quels étaient les besoins dans notre communauté et nous avons essayé de voir comment nous pouvions y répondre. Que devons-nous faire? Nous avons vu que la question de la collecte des données allait aussi être essentielle et donc nous avons commencé à élaborer notre propre base de données. Nous avons fait ça nous-mêmes. Ce ne sont pas les groupes du gouvernement qui l'ont fait.
J'ai remarqué que la dynamique changeait dans la communauté. Le développement économique semble plus fort. Les services de santé--je parle du point de vue de la santé--semblent être la première source de développement économique puisqu'il faut fournir les ressources humaines pour assurer la dotation. Nous avons pu employer les membres de notre communauté. Vous connaissez l'effet boule de neige; c'est cela que j'ai remarqué.
º (1620)
M. Alan Tonks: En ce qui concerne ceux qui ont conclu des ententes de transfert de responsabilité en matière de santé--je crois que vous avez un peu abordé la question, mais je voudrais approfondir--l'évaluation est-elle faite de façon interne, est-elle faite par Santé Canada, à l'extérieur de l'organisation, ou des deux façons?
Pour ce qui est des programmes existants et des lacunes du point de vue des fonds disponibles, s'il s'agit d'aide concernant les effets ou le syndrome d'alcoolisme foetal, si c'est le programme prénatal qui exige les instruments requis d'après les conseils communautaires ayant conclu des ententes, l'évaluation est-elle faite à l'interne, à l'externe, ou les deux et, d'après ce que vous avez vu, est-ce une bonne base pour obtenir des ressources supplémentaires?
Mme Elaine Johnston: Je peux parler de l'évaluation. Elle est effectuée par les Premières nations mais Santé Canada les oblige à la faire après cinq ans. Les Premières nations doivent donner leur plan à Santé Canada et Santé Canada doit l'accepter. Je dirais que ce n'est pas une évaluation très approfondie, parce qu'il n'y a pas beaucoup de fonds pour la réaliser.
Les Premières nations se rendent compte en fait qu'elles ont fait apparaître les lacunes mais qu'elles ne peuvent pas les régler pour autant. Au cours de l'année passée, à la suite de cela, un groupe de communautés sont venues à l'Assemblée des Premières nations pour dire qu'elles aimaient le transfert de responsabilité en matière de santé mais qu'il n'y avait pas suffisamment d'argent.
Le problème est qu'il y a différentes questions. D'une part, on n'a pas prévu d'indexation dans ces ententes sur le transfert de responsabilité. Au fur et à mesure que la population augmente et que la situation de la communauté évolue, les fonds que Santé Canada est disposé à verser n'augmentent pas. L'argent octroyé ne varie pas avec l'augmentation des prix ou l'augmentation de la population. Donc c'est un problème.
Par ailleurs, tous les programmes ne sont pas transférables. Seuls ceux qui le sont sont transférés. Pour certains domaines où il n'y a pas de mandat de transfert, le transfert est impossible. C'est le cas par exemple de choses comme les soins communautaires et à domicile.
M. Alan Tonks: C'est très intéressant, monsieur le président. Il me semble que ces renseignements pourraient être très utiles pour le comité lorsque nous essaierons d'élaborer le modèle.
Merci beaucoup.
Le président: Ce sera très utile.
J'aimerais continuer dans cette veine, en fait. Je ne veux pas trop donner le ton, parce que ce n'est pas une bonne chose de guider les témoins.
Nous étudions cette question depuis un certain temps maintenant et nous avons l'impression que c'est à Ottawa, là où nous sommes, que le circuit commence. Il y a des programmes de DRHC qui prévoient des services de garde d'enfants mais seulement pour les personnes qui sont en formation ou qui ont un emploi, pas pour les autres. Il n'y a pas de lien avec les programmes de Santé Canada. On a donc tous ces programmes différents, la nutrition prénatale, Bon Départ, etc., etc., qui viennent de ministères différents, du ministère des Affaires indiennes jusqu'à Santé Canada, et j'en passe. À l'autre bout, si l'on peut dire, là où les circuits aboutissent dans les diverses communautés, il y a de nouveau des divisions. Je crois que vous avez dit qu'il fallait être un expert en matière de subventions, de programmes gouvernementaux, et de Dieu sait quoi encore. C'est presque impossible d'avoir quelque chose de cohérent et de coordonner.
Nous allons bientôt préparer un rapport sur cette question, et je voudrais mettre cette hypothèse à l'épreuve.
En outre, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit à propos des déterminants de la santé, c'est-à-dire que l'on ne peut pas se dire que l'arme magique des services à la petite enfance va compenser les problèmes de logement. Ça ne va pas faire disparaître les moisissures.
Nous ne proposons pas de solution globale portant sur tous les éléments, depuis le développement économique jusqu'au logement. Ce serait vraiment beaucoup pour ce comité. Nous devrions peut-être le faire, mais nous prenons les problèmes un par un.
Pour commencer par les services à l'enfance, disons que nous allons recommander au gouvernement canadien de reprendre la logique des accords sur le transfert de responsabilité en matière de santé pour l'appliquer à tous les fonds qui sont versés actuellement dans les différents circuits et essayer d'effectuer une expérience, avec la coopération de l'Assemblée des Premières nations et en consultation avec elle, les divers groupements régionaux de chefs, les communautés, etc. Disons donc que dans six communautés où les conditions culturelles sont très différentes mais où il existe une capacité et une volonté pour ce genre de choses, nous ayons un centre qui regroupe toutes les ressources concernant le modèle de transfert de responsabilité en matière de santé et que l'on essaye de couvrir tous les enfants parce que nous voulons absolument éliminer le syndrome d'alcoolisme foetal si c'est possible. Donc il ne s'agit pas uniquement de cibler les mères à risque. Tout le monde serait ciblé. Nous essaierions de rendre les programmes de lutte contre le tabagisme aussi universels que possible. Il y aurait un endroit pour la garde d'enfants et l'aide aux parents et tout ce dont on a parlé à la Conférence nationale des jeunes. Beaucoup des éléments sont là, la maîtrise de la colère et tout le reste.
En nous concentrant sur la période prénatale jusqu'à l'âge de six ans, nous pourrions montrer ce qu'il est possible de faire en ayant des ressources vraiment intégrées. Bien sûr, il faudrait beaucoup de coopération à Ottawa pour que tous les responsables renoncent à leurs différents programmes. Nous montrerions que si l'on fait bien les choses et si les ressources sont en place, il est possible de changer la situation même si l'on ne rectifie pas tout de suite les problèmes de logement, etc.
Est-ce une folie de croire que c'est une bonne idée?
º (1625)
Mme Elaine Johnston: Non, je ne crois pas que ce soit une mauvaise idée. Et je peux parler à titre d'infirmière, mais l'on m'a aussi posé cette question…
Les membres de ma communauté m'ont demandé d'être le chef, et j'ai reculé pendant plusieurs années. Un de ces jours, vous me verrez chef là-bas.
Le président: Vous êtes un chef pour nous actuellement.
Mme Elaine Johnston: Je suis infirmière, et je viens d'une longue lignée de guérisseurs. Ma grand-mère était une guérisseuse traditionnelle. Tous les membres de ma famille sont des guérisseurs et des dirigeants.
Je crois que les réponses viennent des Premières nations. Il nous faut simplement les ressources. Je pense qu'il existe d'excellents modèles, comme vous l'avez dit. Il y a des choses que les Premières nations font très bien.
Je reconnais qu'il y a quelques difficultés. Il y a des problèmes en ce qui concerne, comme je l'expliquais tout à l'heure, les clauses d'indexation pour tenir compte de l'augmentation de la population et examiner les services. Mais si nous voulons vraiment nous pencher sur les déterminants de la santé et savoir comment régler les problèmes, il nous faut avant tout des ressources. Si l'on pouvait envisager une formule comme celle-là, je l'appuierais. Cependant, il y a toute la question des responsabilités fiduciaires et des droits découlant des traités. Les dirigeants politiques vont présenter quelque chose en ce sens.
D'un point de vue purement administratif, pour ce qui est de régler les problèmes que vous décrivez et les difficultés en matière de santé, il faut remettre tout cela entre les mains des Premières nations de façon à avoir des modèles positifs. Une fois que nous aurons commencé, nous pourrons partager cela avec les communautés qui n'ont pas la capacité, et il y aura un effet boule de neige.
º (1630)
Le président: Je veux être sûr de bien comprendre votre point de vue. Nous nous concentrons beaucoup sur les enfants et les jeunes à risque; nous ne prétendons pas être le Comité des affaires autochtones, comité dont je fais également partie. Nous ne voulons certainement pas diminuer l'impact des autres conversations sur les droits des traités ou les retarder. Et nous ne voulons pas non plus qu'il y ait de retard dû aux autres conversations qui se déroulent d'ailleurs sur les questions de gouvernance.
Ce que j'espère, c'est que si notre rapport correspond à ce que nous venons de décrire, c'est une façon de commencer quelque chose qui peut avoir un effet d'exemple et démontrer qu'il faut déployer des ressources de façon intelligente d'une manière intégrée, respectueuse et sensible aux différences culturelles, de façon à ce qu'il soit possible de travailler avec des organisations comme l'Assemblée des Premières nations pour élaborer le modèle. Il ne faudrait pas attendre que les autres questions soient résolues mais nous agirions en parallèle tout en contribuant à identifier les communautés qui ont des différences dans les différentes régions du pays mais où nous avons les plus grandes chances de succès parce que nous nous basons sur de bons modèles.
Je ne veux pas que vous preniez d'engagement pour le chef national avant la lettre, mais j'espère que si les choses évoluent ainsi, il sera possible de trouver des façons de travailler ensemble, qu'il s'agisse de nous ou du gouvernement du Canada, si nous réussissions à le convaincre d'aller dans ce sens. Pensez-vous que nous ayons une chance de réussir?
Mme Elaine Johnston: Je pense que oui. Je peux dire que le responsable du portefeuille de la santé de notre côté est déterminé à envisager des partenariats possibles et à voir de quelle façon nous pouvons travailler ensemble. Il a dit à la Commission Romanow et à d'autres que nous étions tous déterminés à oeuvrer vers le même objectif. Il se peut que nous ayons quelques divergences en ce qui concerne la façon d'y arriver. Donc si nous sommes décidés à régler les problèmes des enfants, travaillons ensemble, parce que c'est important pour le résultat final.
Le président: Et peut-être que, comme vous le dites, aussi bien dans votre modèle que dans le nôtre, les enfants sont au centre de tout, dans tous les modèles traditionnels.
Y a-t-il d'autres questions ou commentaires de la part des autres membres du comité?
[Français]
Mme Monique Guay: J'aimerais poser une dernière question. Merci de vos interventions. On a beaucoup parlé de statistiques ici. On a fait venir Statistique Canada, entre autres. On n'a pas de statistiques récentes sur l'efficacité des programmes et sur ce qui se passe dans les réserves autochtones.
Avez-vous des données à ce sujet? Si vous en aviez, le comité apprécierait beaucoup les obtenir. Cela nous aiderait à planifier le prochain rapport. On n'arrive pas à avoir des statistiques récentes sur ce qui se passe dans les réserves et sur les programmes en général.
[Traduction]
Mme Elaine Johnston: Les statistiques de Statistique Canada ne sont pas très exactes lorsqu'il s'agit des Premières nations. Actuellement, nous sommes en train de travailler avec l'Organisation nationale de la santé autochtone. Le mois prochain, les communautés vont commencer à recueillir des données sur différents sujets comme le logement, le développement économique et les conditions de santé. On va commencer à recueillir ces données ce printemps. Nous avons effectué une enquête régionale et nationale sur la santé qui a été terminée il y a cinq ans. Nous nous engageons maintenant dans une autre voie; Santé Canada a versé des fonds et Statistique Canada a donné un peu d'argent. Mais nous avons l'intention de recueillir les données que vous demandez. Nous espérons qu'au cours de l'année prochaine, nous les aurons. Malheureusement, ce sera peut-être trop tard pour votre rapport.
Si l'Assemblée des Premières nations travaille sur l'évaluation du PCNP, c'est aussi pour recueillir les données que l'on n'a pas encore. Pendant les années que j'ai passées à travailler dans le domaine de la santé, j'ai remarqué que nous n'étions pas très forts pour les évaluations, et que le gouvernement n'a pas non plus réussi à faire de l'évaluation l'un de ses instruments fondamentaux pour recueillir des données. Je crois que l'on commence lentement à se rendre compte qu'il faut le faire.
º (1635)
[Français]
Mme Monique Guay: J'ai l'impression que Statistique Canada n'a pas réussi à faire sentir aux autochtones que c'était positif et que c'était pour leur bien qu'on recueillait cette information. Ce devrait être à vous, les autochtones, de le faire vous-mêmes au sein des réserves, mais de le faire de façon positive. Il faudrait leur expliquer, entre autres, que c'est pour leur mieux-être et pour les aider dans des programmes qu'on a besoin de cette information. Je pense que vous devriez le faire vous-mêmes et ensuite donner ces renseignements à Statistique Canada, où les professionnels feront la compilation et les calculs nécessaires. Sur le plan de chaque réserve, il faut vraiment que vous le fassiez vous-mêmes.
[Traduction]
Le président: Je tiens à vous remercier d'être venus. Nous sommes impatients de travailler avec vous à l'avenir. Nous sommes heureux de voir que nos instincts ne nous ont pas trompés et que nous avions raison de penser que nous avions choisi la bonne orientation. Nous voulons travailler en partenariat.
J'aimerais maintenant mettre fin à cette partie-ci de la réunion. Je sais que Mme Guay a un autre engagement.
Avant de lever la séance, je voudrais pouvoir rapidement discuter à huis clos avec les membres du comité de nos affaires futures. Ce n'est rien de passionnant, mais il serait plus facile de suspendre la séance.
[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos.]