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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CHILDREN AND YOUTH AT RISK OF THE STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

SOUS-COMITÉ DES ENFANTS ET JEUNES À RISQUE DU COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 30 mai 2001

• 1528

[Traduction]

Le coprésident (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bienvenue à cette séance conjointe quasi-annuelle des deux sous-comités du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées—le Sous-comité des enfants et jeunes à risque, que je préside, et le Sous-comité de la condition des personnes handicapées, qui est présidé par ma collègue, Mme Carolyn Bennett.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais donner aux membres du comité une explication relative à quelques points d'ordre administratif, si les témoins veulent bien nous le permettre.

Vous vous rappelez que le président du comité principal, M. Adams, a demandé aux deux sous-comités de présenter des rapports au comité principal au sujet de leurs activités en cours et passées, ainsi que de leur orientation future. Après réflexion, nous avons décidé que les deux sous-comités avaient tellement de points communs que nous aimerions présenter un rapport conjoint. Il faut souligner qu'aucun délai n'est fixé pour le dépôt de ce rapport, même s'il serait bon, idéalement, de le déposer à la Chambre pour que cette dernière puisse l'adopter avant les vacances de l'été.

Il y a eu pas mal de discussions préliminaires dans mon sous-comité sans aucun doute, ainsi que dans l'autre. Nous proposons qu'aujourd'hui, entre 17 heures et 17 h 30, une fois cette table ronde terminée, que l'on demande aux attachés de recherche de passer en revue les éléments du rapport avec nous.

Vous avez sans doute reçu une convocation pour une éventuelle séance, demain. Nous avons dû prévoir les choses. Cette réunion aura lieu seulement au cas où, à 17 h 30 aujourd'hui, nous déciderions si nous devons ou si nous pouvons nous rencontrer demain.

Madame Guay.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le président, comme je vous le disais tout à l'heure, je m'oppose à ce qu'il y ait une réunion entre 13 heures et 15 heures parce qu'on a des responsabilités à la Chambre. On doit être à la période des questions. Je ne voudrais pas qu'on crée le précédent d'un comité qui siégerait pendant la période des questions. Nous avons des obligations envers chacun de nos partis. Je crois donc que vous devrez trouver un autre moment pour tenir une réunion si c'est nécessaire.

• 1530

Le coprésident (M. John Godfrey): Merci de la précision, madame. Je dois noter qu'il y a une erreur dans l'avis. En principe, ce doit être entre 13 heures et 14 heures, et non pas 15 heures. Évidemment, un comité ne peut pas siéger pendant la période des questions. On a été obligés de réserver quand même la salle et de donner l'avis au cas où se trouverait dans une situation... On ne connaissait pas du tout les obligations des membres du comité. Il se peut bien qu'à la fin de la journée d'aujourd'hui, on soit en mesure de de décider que ce n'est pas possible demain. Mais il fallait donner l'avis à l'avance.

[Traduction]

Nous serons donc mieux placés à 17 h 30 pour savoir que décider. Je demande aux membres du comité de bien vouloir nous excuser pour toute confusion ou inquiétude que cela a pu causer, ainsi que pour le fait que la traduction a été retardée en raison de diverses erreurs. Nous n'avions pas donné aux gens suffisamment de préavis—nous en avons conscience. Nous allons donc profiter du temps disponible, soit entre 17 heures et 17 h 30, pour voir où nous en sommes.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)): À titre d'explication, je dirais que c'est parce que notre sous-comité se réunit demain de 11 heures à 13 heures avec la ministre Stewart. Le comité principal se réunit de 11 heures à 13 heures. Par conséquent, s'il semble qu'une demi-heure permet de faire le nécessaire, nous pourrions tous aller dans une salle pour prendre une décision. Il fallait simplement être assuré d'un lieu de réunion au cas où nous aurions décidé de nous réunir aujourd'hui.

[Français]

Le coprésident (M. John Godfrey): Madame Guay.

Mme Monique Guay: Monsieur le président, madame la présidente, il faut quand même prendre connaissance du rapport et avoir le temps d'y apporter des modifications et de négocier. Il faut que tout le monde se retrouve dans ce rapport. Je pense que vous nous bousculez. Je n'aime pas être bousculée. J'aime bien prendre connaissance des choses et m'assurer que tout ce qu'on veut y retrouver y soit et que tout le monde soit d'accord. Et si nous devons soumettre un rapport dissident, il faut que nous ayons le temps de le faire.

Je ne veux pas me sentir bousculée. Si ce n'est pas possible de le faire avant la fin de la session, on le fera à l'automne, mais j'aimerais bien qu'on ait le temps d'en prendre connaissance. Entre 17 heures et 17 h 30, on n'a pas le temps d'étudier un rapport. Et même une heure ne suffit pas. Il faut qu'on ait vraiment le temps d'y travailler, d'en prendre connaissance et d'y apporter les changements nécessaires.

[Traduction]

Le coprésident (M. John Godfrey): Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Avez-vous dit que la ministre rencontre demain l'autre groupe?

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Oui, le Sous-comité de la condition des personnes handicapées.

M. Roy Bailey: D'accord. Deux ministres?

Le coprésident (M. John Godfrey): Juste celle-ci.

M. Roy Bailey: D'accord.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Et Mme Blondin-Andrew.

Le coprésident (M. John Godfrey): Désolé, apparemment Ethel Blondin-Andrew vient aussi.

M. Roy Bailey: Oui.

Le coprésident (M. John Godfrey): Il y a donc la ministre Stewart et la ministre Blondin-Andrew.

M. Roy Bailey: C'est bien ce qui m'a été indiqué.

Le coprésident (M. John Godfrey): Maintenant que ce point d'ordre administratif est réglé, j'espère que nous pouvons passer à l'ordre du jour de cet après-midi.

Au nom du Sous-comité des enfants et jeunes à risque, je vous souhaite la bienvenue. Je vais céder la parole à Mme Bennett, lui confiant ainsi tout le travail.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Ne comptez pas trop là dessus.

Je crois que vous avez décidé de l'ordre de comparution entre vous, ce qui est fantastique. Comme vous le savez, cette séance annuelle vise à s'assurer que tout programme relatif aux enfants englobe également les enfants handicapés et que tout programme relatif aux personnes handicapées englobe les enfants. Nous sommes donc ravis que vous soyez là pour nous aider à le garantir.

Nous allons commencer par Diane Richler, de l'Association canadienne pour l'intégration communautaire.

Mme Diane Richler (vice-présidente exécutive, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Bonjour à tous les membres du comité et merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui.

Comme bon nombre d'entre vous le savez, l'Association canadienne pour l'intégration communautaire a eu beaucoup d'occasions de prendre la parole devant chacun de vos comités, si bien que je ne vais pas prendre trop de votre temps aujourd'hui. Nous avons décidé de mettre notre exposé par écrit et nous vous l'avons distribué. Je veux simplement attirer votre attention sur ce que nous avons inclus dans votre documentation.

Tout d'abord, il y a le document intitulé Notre vie, notre voix: Des familles parlent de vies qui valent la peine d'être vécues. Lorsque j'ai comparu devant le Sous-comité de la condition des personnes handicapées la dernière fois, j'ai parlé un peu du sentiment que des familles de l'ensemble du pays nous ont exprimé; en effet, elles ont l'impression que leurs fils et leurs filles sont sous-valorisés dans leurs collectivités. Nous avons donc réuni quelques histoires pour que les familles expriment dans leurs propres termes la joie qu'elles retirent de la vie avec des membres de leurs familles qui sont handicapés.

• 1535

Par ailleurs, nous sommes à Ottawa, car l'Association ontarienne pour l'intégration communautaire, ainsi que l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, vont tenir des réunions. Nous avons décidé de manifester notre solidarité et de participer demain à un défilé qui doit se rendre sur la colline parlementaire afin de faire comprendre que la vie des personnes handicapées vaut la peine d'être vécue; c'est ce que nous pensons. Nous invitons tous ceux qui parmi vous aimeraient se joindre à nous. Nous partirons du Crowne Plaza à 17 h 00 et marcherons en direction de la colline parlementaire. Nous espérons que le public canadien sera ouvert à notre message.

Le dernier document sur lequel j'aimerais attirer votre attention, c'est le mémoire que nous présentons aux deux comités conjoints à propos de la création d'un système national d'entraide familiale ou de responsabilité partagée. Je ne vais pas en parler aujourd'hui, car nous voulons vous donner le temps de le lire. Nous nous ferons un plaisir d'en discuter avec vous par la suite.

Nous avons été très chanceux ces trois dernières années de recevoir l'appui de DRHC pour une série de projets qui nous ont permis de consulter les familles à l'échelle du pays au sujet de questions touchant les familles ayant des enfants handicapés. Les messages que nous avons reçus de ces familles ont eu un impact transformationnel sur notre association, car ils nous ont permis de prendre conscience de la vulnérabilité des familles et ensuite, parce que les familles ont clairement expliqué leurs besoins en matière d'entraide ainsi que le rôle qu'elles envisagent pour le gouvernement fédéral à cet égard; enfin, parce que les familles se sont aperçues de la nécessité d'établir davantage de liens entre les petits réseaux de familles qui se constituent dans le pays. La séance d'aujourd'hui permet donc à beaucoup de ces groupes que nous avons consultés à l'échelle du pays, de se réunir et de vous faire part de leurs points de vue.

Je vais brièvement présenter les personnes qui m'accompagnent. Il y a d'abord Michael Burke-Gaffney, de Hamilton, qui représente le Hamilton Family Network; Gloria Mahussier, de la Saskatchewan; Barb Horner, de la Nouvelle-Écosse; Lucie Charron, du Québec, et Jo Dickey, de la Colombie-Britannique. Sans plus attendre, je rends la parole à la présidence.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): D'accord, je vais maintenant demander à Michael Burke-Gaffney de prendre la parole.

M. Michael Burke-Gaffney (membre du conseil, Hamilton Family Network): Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs, je m'appelle Mike Burke-Gaffney et je suis de Dundas, en Ontario, près de Hamilton. Mon épouse, Jan, et moi-même, avons quatre enfants, dont deux ont des déficiences intellectuelles. Notre dernier fils, Jesse, est né en 1983. À ce moment-là, nous habitions dans une petite ville située dans une région rurale, au nord de Toronto. Je faisais 150 kilomètres aller-retour chaque jour pour travailler en ville et Jan restait à la maison avec nos fils aînés qui avaient alors cinq et quatre ans. Notre vie correspondait d'assez près à ce dont nous avions toujours rêvé. Jesse est né deux mois à l'avance et pesait moins de quatre livres. Il est resté un mois à l'hôpital avant de venir à la maison et c'est seulement à ce moment-là que les médecins nous ont dit que notre petit garçon souffrait du syndrome de Down.

Nous pensions être les seuls à vivre cette expérience et nous nous sentions complètement isolés. Nous nous demandions, pourquoi nous? Qu'avons-nous fait de mal? Est-ce à cause de l'alimentation en eau de la ville? Est-ce à cause des produits chimiques dans les champs autour de nous? En fait, la réponse était que nous n'avions aucune expérience personnelle en matière de déficiences. Cela peut arriver à n'importe qui et c'est effectivement ce qui se passe, mais nous ne le savions pas à ce moment-là.

J'ai grandi à Winnipeg et j'avais une cousine plus âgée, Mary, qui avait des déficiences intellectuelles—elle était retardée, comme on le disait à cette époque. Elle vivait avec sa famille nombreuse, catholique et irlandaise et j'imagine qu'elle allait dans une école spécialisée quelque part dans la ville, car je savais qu'elle n'allait pas à l'école avec nous; en fait, il n'y avait pas d'enfants handicapés dans mon école. Ma femme Jan n'avait aucune expérience non plus dans ce domaine, vu qu'elle a grandi dans des bases des forces armées au Canada et à l'étranger.

Nous nous sommes donc retrouvés tous les deux, ne sachant pratiquement rien et ne connaissant personne autour de nous qui ait de l'expérience dans ce domaine. La naissance de Jesse, c'était comme si la foudre était tombée sur notre famille.

• 1540

Petit à petit, la collectivité est venue à notre aide. Nous avons découvert qu'un couple plus âgé qui habitait dans la même rue avait un fils adulte, déficient intellectuel, qui vivait avec eux dans leur vieille maison. Nous avons rencontré un couple qui habitait à l'extérieur de la ville et dont la fille d'âge scolaire avait aussi le syndrome de Down. Ils ont compris l'épreuve que nous traversions et grâce à eux, nous nous sommes sentis un peu moins seuls.

Une infirmière de la santé publique nous a contactés et a commencé à venir nous enseigner des exercices de stimulation de nourrisson pour Jesse. Par son entremise, nous avons rencontré d'autres parents à l'échelle du comté et nous avons participé à la création du premier groupe d'entraide de parents.

Peu de temps après, nous avons adopté un beau bébé atteint du syndrome de Down—une petite fille, pour compléter notre famille de trois garçons. Cela a apporté un genre d'équilibre dans notre famille. Nous avons adopté notre fils aîné, lorsque nous avions pensé ne pas pouvoir avoir d'enfants. Notre deuxième fils est né moins d'une année plus tard, ce qui a été pour nous une surprise. Nous avions donc deux enfants adoptés, deux enfants biologiques et deux enfants handicapés. Jan et moi-même étions maintenant prêts à affronter n'importe quelle situation.

Nous avons dû déménager deux fois pour trouver un système scolaire permettant à Jesse et à Emily d'aller à l'école avec tous leurs camarades. Nous avons adhéré à des groupes comme l'Association pour l'intégration communautaire, au niveau local et provincial. Jan est l'un des membres fondateurs du Hamilton Family Network créé en 1998 et qui permet d'amener un groupe d'entraide composé de parents à un niveau plus élevé d'expertise et d'action sociale.

Demain, Jesse fête son 18e anniversaire. Il va également cette année obtenir son diplôme de 12e année de la St. Mary's High School de Hamilton, avec beaucoup d'amis qu'il fréquente depuis le jardin d'enfants. Emily est en 9e année et suit les traces de son frère.

Jesse va bientôt commencer à recevoir 700 $ par mois dans le cadre de l'Ontario Disability Support Program. Nous continuons de recevoir le crédit d'impôt pour handicapés pour les deux enfants. Enfin, nous bénéficions chaque semaine de cinq heures de services spéciaux à la maison dans le cadre de services de relève pour Jesse ainsi que pour Emily; ils peuvent ainsi sortir avec un intervenant le samedi après-midi pendant que Jan et moi-même faisons quelques courses.

Maintenant que Jesse va quitter l'école, nous devons redoubler nos efforts pour l'aider à trouver un travail intéressant au sein de la collectivité. À certains égards, c'est comme s'il fallait tout recommencer. Pour beaucoup de parents au Canada, et beaucoup que nous connaissons personnellement dans notre propre collectivité et dont les enfants ne peuvent même pas aller à l'école, chaque jour est un nouveau point de départ. Bien des gains que nous avons obtenus pour Jesse jusqu'à présent, dans le domaine des études comme en milieu de travail, vont devoir être reconquis.

En 1983, Jan et moi-même pensions que nous étions les seuls à vivre cette expérience. Aujourd'hui, nous savons qu'il y a des milliers de familles comme la nôtre à l'échelle du pays qui font bien plus que surmonter les incapacités; elles sont déterminées à vivre une vie qui vaut la peine d'être vécue.

Pour que cela se produise, nous avons besoin de l'appui de nos collectivités, non pas de l'apathie, voire de l'antagonisme auquel nous faisons souvent face. Nous avons besoin de leadership qui commence au sommet, ici même à Ottawa.

Investissez dans les familles, je vous prie. Faites de l'intégration la norme dans les écoles et dans la vie collective. Les personnes handicapées, leurs familles et la société canadienne dans son ensemble ont profiteront. Je vous remercie.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Michael, je vous remercie beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Gloria.

Mme Gloria Mahussier (membre du conseil, Saskatchewan Family Network): Tout allait bien jusqu'à ce qu'il se mette à parler.

Voici mon fils, Travis. Ma famille habite à Prince Albert, en Saskatchewan. Bien que ce que je vais vous raconter aujourd'hui est mon histoire personnelle, il est importe que vous sachiez que je ne suis pas la seule à vivre cette situation en Saskatchewan.

Mon fils de 13 ans, Travis, a été diagnostiqué comme ayant le syndrome de Williams. En tant que protecteurs de notre fils, nous en sommes venus à voir le système d'éducation et de santé d'une tout autre manière que pour notre fille, qui est une enfant typique.

Nous en sommes venus à prendre conscience qu'il existe très peu de soutien pour les enfants qui ont une déficience intellectuelle. Travis a été autorisé à fréquenter l'école l'an dernier, le 27 septembre. Quand j'ai réuni ces données, les élèves ordinaires avaient eu jusque-là 582 heures d'école. Travis n'en a eu que 164. Pourquoi? Parce qu'il faut beaucoup de patience, de tolérance et de dur travail pour accompagner un enfant qui a un handicap physique ou une déficience intellectuelle. Il est beaucoup plus facile d'envoyer ces enfants à la maison, de les enfermer dans une petite pièce ou tout simplement de les séparer de la population ordinaire de l'école que ça ne l'est d'accepter quelqu'un comme Travis pour le petit bonhomme qu'il est.

• 1545

En tant que parents, tout ce que nous souhaitons, c'est que Travis soit inclus dans le groupe de ses pairs et qu'il reçoive une instruction utile, de manière à pouvoir grandir et contribuer en tant qu'adulte à notre société et à la collectivité de Prince Albert. Tout au long de ce périple, nous avons découvert que nos attitudes et nos croyances sont vraiment différentes de celles du système d'éducation. Notre définition d'un milieu inclusif ne cadre pas du tout avec celle des décideurs de notre province.

Si Travis était intégré à l'école, pour nous, en tant que parents, cela signifierait qu'il s'assoirait à un pupitre dans une classe ordinaire, qu'il aurait les mêmes manuels que ses camarades de classe et que l'enseignant et la TSA modifieraient son travail de manière à l'adapter à son niveau d'apprentissage. En réalité, Travis a un pupitre dans la salle, mais celui-ci se trouve à l'arrière et même, parfois, derrière une cloison. Tout le travail qu'il fait est complètement différent de celui de ses camarades de classe. Donc, quand il est en classe, il a l'impression qu'il ne fait pas partie du groupe. Il adopte alors un comportement quelconque qui lui permet de s'extirper de la situation. Je reçois un appel, et il est envoyé à la maison. C'est une question de moralité, parce qu'un enfant exclu peut rapidement devenir un enfant déprécié.

La présence de Travis à l'école est sporadique. Nous avons donc accès à des soins de répit pour notre fils 24 heures sur 24. Tous nos proches habitent dans une autre province. Nous devons donc compter sur nos amis pour nous donner ce service à Prince Albert. Toutefois, nous ne le leur demandons pas souvent, car nous ne voulons pas perdre ces amitiés.

Mike et moi sommes brûlés, complètement épuisés. Dieu merci, nous avons découvert le Saskatchewan Family Network! Je ne saurais vous dire à quel point le réseau a contribué à la santé de notre famille. Certains jours, c'est lui qui me donne la force de continuer. Les services qu'il offre sont si formidables!

Une voix: Prenez votre temps.

Mme Gloria Mahussier: Je vous remercie. Je n'ai pas l'habitude.

Je ne suis plus capable de travailler à l'extérieur de la maison. Je suis enseignante ou, du moins, je l'étais—ma classe ne m'a jamais vue comme cela, croyez-moi. Toutefois, avec les exigences qu'impose à ma famille le système scolaire, qui m'engagerait? Je ne peux pas compter que Travis sera toute la journée à l'école. Même si l'école le gardait toute la journée, à Prince Albert, il n'y a pas de service de garde pour un enfant de 13 ans. La situation est encore plus désespérée dans le Saskatchewan rural.

Travis a besoin d'orthophonie et d'ergothérapie. Comme les systèmes de santé et d'éducation refusent de payer ces services, nous avons engagé nous-mêmes et à nos frais un phoniatre qui vient chez nous deux fois par semaine, à raison de 70 $ l'heure. Nous avons mis fin à l'ergothérapie parce que nous n'en avons pas les moyens—notre famille n'a qu'un seul revenu.

Notre situation est difficile, mais elle ne l'est pas autant que pour les familles monoparentales et les familles d'accueil que je connais à Prince Albert et dans le Saskatchewan rural. Ces parents n'ont même pas le choix d'engager eux-mêmes un spécialiste, car les professionnels ne sont tout simplement pas disponibles. Il existe de longues listes d'attente pour ces services, et les familles doivent se rendre dans les grands centres urbains pour les obtenir. Beaucoup de mes amis ne peuvent pas se payer cela.

Dans notre famille, il est bien compris que je ne retournerai jamais au travail, et toutes nos économies vont à l'acquisition de ces services pour notre fils. Quand nous avons commencé ce périple, il y a 13 ans, je n'imaginais pas que notre fils n'aurait pas droit à ces services. Nous étions convaincus de vivre dans une société juste, au Canada.

Je suppose que si je pouvais souhaiter un résultat positif des présentes audiences, je demanderais que vous soyez à l'écoute des voix désespérées et inentendues de la Saskatchewan que je représente aujourd'hui.

• 1550

Je vous remercie beaucoup—et je suis aussi contente que ce soit terminé.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): C'est nous qui vous remercions.

Mme Barb Horner (facilitatrice du soutien familial, Programme de soutien familial, Halifax Association for Community Living): Je suis ici pour vous parler de ma fille, Mallory. J'ai deux enfants, mon fils Josh qui a 13 ans et ma fille Mallory qui en a 16. Je deviens très passionnée quand je parle de Mallory. Elle a tant d'esprit, de détermination et de courage et, en plus, elle est drôle, tenace et une véritable joie.

Mallory nous donne des leçons depuis qu'elle est née. Elle nous a appris la patience, l'acceptation, la persévérance, l'amour inconditionnel, la capacité, le respect, la dignité et le besoin essentiel de respecter la vie humaine. Mon fils Josh m'a appris, très tôt, que Mallory avait besoin tout autant que lui de chances égales dans la vie. Je le regarde filer dans la vie, et je sais à quel point c'est difficile pour Mallory.

Au cours des 16 dernières années, nous avons dû affronter de nombreux défis. Notre rôle, en tant que parents de Mallory, a parfois été extrêmement déconcertant. Il ne m'est pas arrivé souvent, au cours des 16 dernières années, de me sentir en confiance parce que chaque aspect de la vie de Mallory a été dévalorisé.

Par conséquent, en tant que parents, il nous a fallu apprendre à devenir des protecteurs très efficaces. Nous jouons des rôles multiples dans la vie de notre fille. Nous sommes à la fois médecins, infirmiers, physiothérapeutes et ergothérapeutes. Il y a aussi dans notre vie une longue liste de professionnels de la médecine.

Nous avons également eu à prendre des décisions incroyables tout au long de la vie de Mallory au sujet d'interventions médicales comme l'insertion d'une sonde gastrique pour qu'elle puisse mieux s'alimenter, des chirurgies orthopédiques pour améliorer ses jambes et, enfin, l'insertion de tiges dans la colonne pour aider à corriger sa scoliose. Toutes ces décisions ont été extrêmement pénibles à prendre et elles sont un fardeau épouvantable pour tout parent. Les parents ne devraient pas avoir à prendre de pareilles décisions seuls ou par eux-mêmes.

Pour une famille comme la nôtre, dont un enfant a des besoins comme Mallory, le soutien familial est essentiel à sa santé et à son bien-être à long terme. Je tiens à vous décrire le soutien dont a besoin notre famille. Tant mon conjoint que moi travaillons à temps plein, et il aura fallu beaucoup de temps et d'efforts pour en arriver là. Nous avons tous deux besoin de travailler à temps plein, parce qu'il y a deux ans, nous avons emménagé dans une nouvelle maison qui correspond mieux aux besoins physiques de Mallory.

Par conséquent, j'ai besoin d'aide quand l'école ferme pour la journée. Comme l'a mentionné Gloria, quand des enfants aux besoins spéciaux atteignent l'adolescence, les services de garde typiques ne conviennent plus et, en fait, n'existent pas. J'ai donc besoin d'aide à la maison, mais ce n'est pas d'une gardienne dont j'ai besoin. J'ai besoin de quelqu'un qui peut aider Mallory de nombreuses façons, par exemple lui faire vivre des expériences stimulantes, répondre à ses besoins médicaux et lui offrir des occasions d'avoir une vie sociale. L'enfant typique de 16 ans n'a pas l'habitude de passer chaque instant de sa vie avec sa famille.

J'ai aussi besoin de répit, c'est à dire de temps où je ne suis pas en train de prodiguer des soins. J'ai besoin de temps avec mon fils et avec mon époux et j'ai besoin de temps pour mon couple. Mallory va passer un week-end par mois dans un appartement réservé aux soins de relève. C'est le seul moment, pour deux nuits, où nous pouvons nous détendre un petit peu.

Toutefois, il me faut absolument les deux genres d'appui, pas seulement de l'un ou de l'autre. Mallory commence à être lourde—elle pèse 100 livres. Notre province n'a pas de programme d'aide financière pour rénover la maison et, en raison de notre revenu combiné, nous ne serions pas de toute façon admissibles aux programmes qui existent. Toutefois, nous avons des milliers de dollars de rénovations à faire dans notre maison pour l'adapter à Mallory.

Ces coûts s'ajoutent aux autres frais quotidiens, par exemple les médicaments contre les crises, les fauteuils roulants, les couches et ainsi de suite. La Nouvelle-Écosse a un programme de soutien des enfants à domicile, financé par le ministère des Services communautaires, mais il est très fonction du revenu. Donc, même si vous avez un enfant aux besoins importants comme Mallory, si votre revenu est trop élevé, vous n'y avez pas droit.

Nous nous sommes toujours efforcés de demeurer optimistes quant à l'avenir de Mallory. En tant que famille, nous avons travaillé très fort en vue de construire autour de nous un merveilleux réseau de soutien composé de gens qui aiment Mallory et qui nous aident à en prendre soin.

• 1555

Je ne souhaite pas vraiment continuer d'assumer le rôle de fournisseur de soins auprès de Mallory; j'aimerais simplement être sa mère. Cependant, récemment, la Nouvelle-Écosse a réduit le programme de financement pour adultes. Quand Mallory aura 19 ans, ses besoins seront évalués. Nous risquons de perdre l'incroyable réseau de soutien qui entoure notre famille, et Mallory pourrait être jugée apte à aller dans une maison de soins infirmiers. Cette solution est inacceptable pour notre famille; nous souhaitons que Mallory vive à la maison le plus longtemps possible.

En Nouvelle-Écosse actuellement, les familles qui ont des enfants adultes sont écartées. Elles n'ont pas le droit de planifier l'avenir de leur enfant, et on leur dit qu'il n'est plus possible de faire de pareils plans ou d'avoir des services de répit.

Cela me terrifie. Cela signifie que mon rôle de fournisseur de soins et l'engagement que nous avons pris en tant que famille continuent d'être dévalués, minimisés et méprisés. On n'a jamais vraiment la chance de se détendre et de jouir un peu de la vie, parce qu'il y a toujours une décision à prendre, un combat à livrer.

Nous aurons toujours besoin de soutien pour Mallory—toujours. Elle fait partie des 3 p. 100 de notre population d'enfants qui auront toujours besoin de soutien important. En tant que famille, nous pouvons l'accepter; cela ne nous pose pas de problème. Toutefois, nous avons besoin de soutien pour qu'elle puisse continuer de vivre avec nous. Notre rôle en tant que membres de la famille, le rôle que nous jouons, devrait être légitimé et respecté. Nous devrions avoir le droit de planifier l'avenir de notre enfant dans l'espoir et l'enthousiasme, plutôt que de vivre dans la crainte du futur.

Au cours des trois dernières années, j'ai été active au sein d'un réseau communautaire de familles. Je travaille à un programme de soutien familial et, chaque jour, j'aide des familles qui font face constamment à des obstacles, qui luttent et qui font l'objet de discrimination de la part du système d'éducation, des services communautaires et j'en passe. Il faut que cela change. Ce n'est plus acceptable. On ne peut pas continuer de pénaliser les parents et de maintenir ainsi les familles au bord de l'éclatement.

En guise de conclusion, j'aimerais terminer sur une note positive. Mallory est une véritable joie. C'est pour nous un trésor. Ce sont toutes les choses qu'elle est incapable de faire qui en font une personne aussi extraordinaire. Il y a beaucoup de joie dans sa vie. Même si elle ne peut s'exprimer par des paroles, elle n'a pas de difficulté à nous communiquer ses besoins. Durant ses nombreuses chirurgies, elle aurait pu simplement renoncer, mais elle a choisi de vivre et de lutter pour sa vie chaque fois. En dépit des perceptions sociales, Mallory vit une vie remplie d'amour, de soutien et d'amitié, entourée des siens. En dépit de ses nombreuses épreuves, chaque matin, elle s'éveille, le sourire aux lèvres.

Des familles comme la mienne ont besoin et sont dignes de votre appui. Nous comptons sur votre aide.

Merci.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.

Lucie Charron.

[Français]

Mme Lucie Charron (présidente, Association pour l'intégration communautaire de l'Outaouais): Mesdames et messieurs, c'est avec plaisir et empressement que j'ai accepté de me joindre à mes collègues et parents des autres associations des provinces pour vous faire part de nos préoccupations.

Comme la majorité d'entre vous, j'ai la chance d'être parent. Je suis parent de quatre enfants, dont un fils de 13 ans, Alexandre, qui est né avec une déficience intellectuelle.

Alexandre est né avec des besoins spéciaux. Devenir parent relève du défi, mais Alexandre est né avec des besoins spéciaux, et nous n'étions vraiment pas prêts à l'accueillir. Ce jour-là, on a décidé de ne pas baisser les bras et que la course folle aux services débuterait.

Je me remémore, entre autres, les nuits blanches passées à essayer de le faire boire, les semaines d'hospitalisation, sans jamais que je réussisse à apaiser sa douleur et son mal de vivre. Comme plusieurs femmes et familles, j'ai dû réussir à concilier vie de famille et besoins de mon enfant. Donc, j'ai dû quitter mon emploi pour devenir à la fois mère, médecin, psychologue par moments, ergothérapeute et orthophoniste.

• 1600

Ma carrière était florissante, mais les besoins de notre enfant ont primé, étant donné que nous ignorions quoi faire et où nous diriger dans ce vaste réseau de la santé et des services sociaux. Pourtant, on était sûrs qu'Alexandre avait sa place, qu'il méritait sa place au sein de la communauté, comme n'importe qui d'autre.

Certes, le fait d'être parent n'est pas toujours facile, mais ce qui est encore plus difficile, c'est de ne pas avoir de ressources adaptées à nos familles et aux besoins de nos enfants. Mais on ne baisse jamais les bras et on réussit à se débrouiller puisqu'on est convaincus que nos demandes sont vraiment légitimes et que notre enfant, comme n'importe quel citoyen, a le droit aux mêmes services et nous aussi, en tant que famille.

Mais que dire des besoins des autres membres de la famille? Lorsque l'on consacre autant de temps à un enfant, c'est sûr qu'il y a trois autres enfants qui sont un peu laissés derrière, même avec beaucoup de bonne volonté.

Malheureusement, après toutes ces années d'implication, je me rends compte que nous vivons les mêmes luttes et les mêmes préoccupations qu'il y a 40 ans. Les revendications des gens qui m'ont précédée ne représentent qu'une goutte dans une mare d'eau. Pourtant, nous sommes en 2001, et je me dis qu'en ce nouveau millénaire, il serait grand temps qu'il y ait des changements positifs pour nous.

En plus d'être parent, je suis la présidente de l'Association pour l'intégration communautaire de l'Outaouais, un organisme de défense et de promotion des droits des personnes qui offre des services directs aux familles et des services concrets à nos enfants. À l'association, nous croyons qu'il est important que chaque personne puisse vivre pleinement et librement avec cette différence qui fait la richesse de notre société.

Quand nous offrira-t-on des services qui sont adaptés à nous? La province de Québec a toujours été perçue comme une province qui offrait des services en nombre suffisant. Je me demande donc pourquoi j'ai dû me diriger dans un service d'orthophonie privé lorsque j'ai eu besoin de services. Les listes d'attente étaient de plusieurs années et des priorités avaient été émises. Lorsque nous parlons de l'apprentissage et de la qualité de vie de nos enfants, doit-on émettre des priorités? Comment peut-on m'expliquer que, depuis que mon enfant va à l'école, je dois chaque année faire preuve de persuasion et de détermination pour que mon fils puisse suivre son groupe d'âge, pour qu'il puisse avoir un éducateur et pour qu'il soit intégré dans une classe régulière et non ségrégué en classe spéciale?

Peut-être me direz-vous que je suis un cas isolé, mais je n'en crois rien. La preuve, c'est que depuis maintenant près de deux ans, un groupe de travail axe ses énergies sur une politique en déficience intellectuelle pour la province de Québec, politique qui devrait voir le jour le 5 juin prochain. Certes, de telles orientations ont pour but la prévention de notre épuisement et la planification accrue des services. Quand il n'y a pas de problèmes imminents, nous ne voyons généralement pas une telle politique.

Si j'avais des souhaits à formuler, des souhaits qui ne soient pas des voeux, je dirais que je souhaite que notre organisation et les 150 familles qui en sont membres travaillent ensemble, parce qu'elles ont vraiment à coeur le bien-être des personnes, pour s'assurer d'avoir accès à des services qui soient diversifiés, adaptés et en nombre suffisant pour répondre aux besoins réels des familles et des enfants. Parmi ceux-ci, il y a l'orthophonie, l'ergothérapie, des éducateurs spécialisés qui connaissent bien nos enfants. Nous parlons aussi du répit pour les familles, car si nous nous essoufflons, en plus de faire face à l'épuisement, à la fatigue et à l'isolement, nous devrons remettre le destin de nos enfants entre les mains du gouvernement et des réseaux.

• 1605

En dernier lieu, nous voulons vraiment que la vie de nos enfants repose avant tout sur une notion de respect et de qualité de vie, et non sur une notion de priorités et de considérations financières.

Enfin, je souhaite vivement que ma voix, unie à celles des autres parents ici présents et à celles des membres de notre organisation, ait su vous donner une bonne idée de notre quotidien qui, lui aussi, relève généralement de l'impossible.

Je vous remercie.

[Traduction]

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Merci. C'est maintenant au tour de Jo Dickey de Family Link.

Mme Jo Dickey (membre du conseil, Family Link): Bonjour, et merci beaucoup de m'avoir invitée à venir vous rencontrer aujourd'hui.

J'ai un enfant qui a un handicap. J'ai deux fils et le plus jeune est déficient. Comme vous pouvez le constater en me regardant, il n'est plus jeune. Ce n'est pas un enfant, mais un adulte.

J'aimerais vous raconter quelque chose qui, je pense, est révélateur de ce qui s'est passé au cours des dernières années. Mon fils a fréquenté l'école, une école pour personnes handicapées, où il avait des amis. Il aurait été bien préférable qu'il soit intégré à une école normale, mais ça ne se faisait pas à l'époque. Nous ne pensions pas frapper aux portes des écoles pour leur demander d'accueillir nos enfants. Nous avons plutôt décidé d'ouvrir des écoles. Rétrospectivement, c'était une erreur, mais c'est ce que nous avons fait. Au moins, ces jeunes pouvaient fréquenter un autre milieu pendant quelques heures par jour.

Un jour, en juin, quelqu'un a décidé de faire subir un test d'intelligence à mon fils âgé de 13 ans, qui fréquentait l'école depuis l'âge de trois ans. C'est assez intéressant, parce que ce jeune homme ne parle pas—et il n'a jamais parlé. Il communique par des attitudes, des sourires et toutes sortes de gestes.

En septembre, il est retourné à l'école, ce qu'il adorait, et il s'est retrouvé dans une classe d'enfants parce qu'il n'avait pas un quotient intellectuel suffisant pour rester dans le groupe qu'il avait toujours fréquenté. Il a fini par rester à la maison avec moi 24 heures par jour pendant six mois.

Je suis allée demander de l'aide au ministère. Nous avons présenté un genre de budget et demandé simplement que Drew puisse sortir de la maison pour ne pas toujours être avec moi, parce qu'il était frustré. Il n'avait pas tellement envie de ma compagnie à l'âge de 13 ans. Nous voulions simplement que quelqu'un fasse des activités avec lui.

Je me rappelle très bien avoir demandé un montant de 7 800 $ pour l'année. J'étais malade à l'époque, mais la seule solution qu'on nous a proposée est l'établissement spécialisé. Nous avons gardé mon fils à la maison. Son état a commencé à se détériorer. À cause de sa frustration, il est devenu très violent. Il a finalement été admis à l'établissement psychiatrique Riverview de notre région, où il était le seul enfant. Il a fallu le faire admettre en pleine nuit, parce qu'autrement on l'aurait mis en prison. C'était notre seul choix.

Je me rappelle avoir dit au directeur de l'établissement que c'était le dernier endroit où je voulais que mon fils vive et que j'allais passer le reste de ma vie s'il le fallait à essayer de le faire sortir de là. Je représente l'organisme Family Link de la Colombie-Britannique, qui réunit un petit groupe de familles qui s'appelait autrefois le Woodlands Parent Group. C'est ce groupe qui a pris l'initiative de faire fermer les grands établissements psychiatriques en Colombie-Britannique. Ce n'est pas le gouvernement qui l'a fait, ni les gens de la rue. Ce sont six parents qui ont pris l'initiative, et ce sont eux qui se sont chargés de sortir les malades des établissements.

C'est ce que nous avons fait et, grâce à ce groupe, mon fils est sorti. Il se porte vraiment très bien, je vous assure, comme tous ceux qui sont sortis de l'établissement.

Nous avons commencé par faire sortir les malades des arrière-salles, pour que personne ne puisse faire de discrimination.

• 1610

Combien d'établissements de ce genre y a-t-il encore au Canada en 2001? Je ne veux pas les nommer parce qu'il y en a tout simplement trop.

Il y a des situations très bouleversantes. Il y a trois semaines, j'ai rencontré une femme qui a un très bon emploi à Vancouver. Elle a deux filles, de neuf et quatre ans, et est chef de famille monoparentale. Elle est venue me demander: «Jo, qu'est-ce que je fais? J'ai un emploi, mais je n'ai pas d'autre aide. J'en cherche, mais je n'en ai pas. Il n'y a pas d'endroit où ma fille peut aller après l'école, et je peux difficilement me permettre de l'envoyer à la garderie parce que c'est trop cher. Je me suis adressée au ministère qui, dans l'impossibilité de m'aider, m'a proposé la privatisation ou le placement familial.»

Vous devez savoir combien coûte le placement familial dans notre pays, ainsi que la privatisation. C'est insensé. Ce n'était pas plus logique de nous refuser un montant de 7 800 $ pour placer notre fils dans un établissement, ce qui coûtait à l'époque 70 000 $ par année. Cela ne tient pas debout, mesdames et messieurs.

Je pense que toute vérification ou étude de coûts—peu importe comment vous appelez cela—indiquerait que le maintien à domicile avec de l'aide est vraiment la solution la plus économique.

Bien entendu, c'est sans parler des progrès que l'enfant réalise quand la famille obtient une certaine aide. On n'en parle même pas.

Je pense que j'ai constaté ce jour-là que les choses n'avaient pas changé. En fait, on a reculé. Mon fils vit aujourd'hui dans la société. Par contre—et je suis désolée d'avoir l'air négative, mais je crois que vous cherchez à connaître les problèmes—le système contrôle sa vie. Des gens l'évaluent, des gens le soignent, des gens vérifient s'il n'est pas maltraité, s'il a accès à telle et telle sortie de secours. Toutes ces mesures, prises au nom de la protection, sont pratiquement aussi pires.

Ce que nous voulons pour nos enfants, qu'ils soient grands ou petits, c'est qu'ils aient le même genre de vie que vous et moi. La protection est sûrement nécessaire, mais la société dispose des moyens de nous mettre à l'abri des problèmes. Il y a toutes sortes de formes d'aide à notre disposition. Il y a des programmes de loisirs. Nous avons seulement besoin de quelqu'un qui va aider notre fils ou notre fille à avoir accès aux services généraux. Voilà ce dont nous avons besoin, et non de toute une série de nouveaux programmes qui nous cataloguent.

J'espère ne blesser personne. Mais je crois honnêtement que nous devons changer nos mentalités au sujet des personnes handicapées au Canada.

Une des conclusions à laquelle est arrivé le Groupe Woodlands dès le début de son entreprise de fermeture d'établissements, c'est qu'il voulait que l'argent consacré à une personne lui soit versé directement. Il faut laisser les familles déterminer l'aide dont elles ont besoin. Si elles doivent être surveillées, d'accord, elles pourraient l'être tous les mois, ou comme on le juge utile. Peu importe, parce que je n'ai pas rencontré beaucoup de familles cherchant à profiter de la situation. Je n'ai rencontré aucune personne handicapée, même physiquement, qui soit âpre au gain. Ce n'est tout simplement pas dans leur nature. Ce que nous voudrions, c'est un financement individualisé.

Ce qui est aussi très important, c'est que les familles du pays veulent à tout prix communiquer entre elles. La technologie existe. Le problème, c'est que nous n'avons pas l'argent pour y avoir accès parce que personne ne finance les familles pour ce genre de choses. C'est une mesure que nous apprécierions beaucoup.

• 1615

Nous savons tous ce qu'est l'inclusion. Je n'ai pas besoin de vous l'expliquer. De plus, l'aide du gouvernement fédéral et des députés nous manque—et je sais que ma déclaration peut avoir un caractère politique. En fait, auparavant, nous entretenions de bonnes relations avec eux, nous pouvions nous adresser à eux quand nous avions besoin de certaines choses. Ils pouvaient nous aider dans certains cas. Le gouvernement fédéral nous accordait des hypothèques garanties et des contributions qui étaient doublées. La question des personnes handicapées touche tout le pays. Je ne veux pas en faire une question différente, parce que ces personnes ne sont pas différentes, elles sont comme les autres, mais c'est une question sur laquelle il faut se pencher dans un esprit de collaboration. Je suis très heureuse d'apprendre qu'il y a des comités provinciaux et fédéraux qui examinent ce sujet particulier.

C'est à peu près tout ce que j'avais à dire, sauf que j'aimerais ajouter que ces personnes sont intéressantes. Elles le sont vraiment. Elles sont pour nous un cadeau que nous n'avons jamais reconnu. Elles sont un cadeau pour la société et pour moi aussi.

Merci.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Merci beaucoup.

Monsieur Bailey.

M. Roy Bailey: Merci, madame la présidente.

C'est un peu difficile pour moi d'entendre les récits que vous nous avez racontés parce qu'ils me sont tellement familiers. Nous accueillons des témoins de différentes provinces, mais leur expérience est la même, et ils la vivent depuis des années. Je pense que l'amour et la présence indéfectibles que vous offrez à vos enfants font de vous des héros inconnus, parce que j'ai rencontré beaucoup de gens comme vous dans ma carrière.

Beaucoup d'entre vous ont fait allusion à une de nos difficultés. Il y a des gens dont le champ d'action est national, puis on peut limiter la portée aux différentes provinces, et on peut la limiter encore davantage—comme Gloria qui vient de Prince Albert l'a mentionné. Il y a donc différents niveaux et différentes méthodes d'approche, et une chose... Je ne suis pas sûr de l'appui total, mais je peux vous dire que l'Association canadienne pour l'intégration communautaire est l'un des meilleurs organismes que je connaisse dans le domaine. Je n'ai pas vraiment eu affaire directement à cette association mais, depuis qu'elle existe, je dois dire qu'elle a pris de bonnes mesures.

Je suis cependant un peu déçu de ce qui se passe depuis que j'ai quitté le domaine comme tel. Ce qui se passe encore dans le secteur de l'enseignement, comme Gloria l'a souligné, me surprend un peu. Je ne veux pas critiquer ce qui est du ressort de quelqu'un d'autre parce que je ne veux pas qu'on critique ce qui est de mon ressort, mais je voulais dire que c'est pratiquement impossible, d'après mon expérience, qu'il y ait intégration complète. L'intégration est nécessaire, on l'a démontré, mais il y a des situations d'apprentissage où elle n'est pas possible. Mais les services ne doivent pas être accessibles seulement dans les villes. Dans ma circonscription, l'organisme Family Place offre des services remarquables aux parents comme vous qui le désirent. Vous pouvez vous présenter tous les jours avec votre enfant qui est confié à un bénévole, ce qui vous permet de passer du temps avec vos autres enfants.

• 1620

Je demande de l'aide pour ce groupe en particulier, parce qu'il fait ce dont vous avez parlé, Barb. Ces services peuvent être offerts dans une petite localité. Vous avez beaucoup à faire pour élever vos enfants, mais vous avez aussi beaucoup à faire pour sensibiliser la communauté à vos besoins. J'éclaterais en sanglots si je devais vous écouter tous les jours, parce que c'est très touchant pour moi.

Je me demande si l'Association canadienne pour l'intégration communautaire—et je vais terminer là-dessus—pense qu'il devrait y avoir un programme ou qu'un spécialiste devrait aller dans les localités pour apporter son soutien au programme de bénévolat. Ce qu'a dit Jo est vrai, on en a plus pour son argent si l'enfant reste à la maison. Il n'y a pas de doute là-dessus, et je suis tout à fait d'accord avec cela. Il me semble qu'il y a plus d'entraide parfois dans les communautés rurales, qui se tiennent, que même dans une petite localité comme Prince Albert. Je pense que c'est un objectif que nous devrions viser, madame la présidente.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Avez-vous des observations à formuler, Diane?

Mme Diane Richler: Merci de faire ressortir la septième des sept recommandations que nous formulons dans notre mémoire, celle dans laquelle nous demandons au gouvernement fédéral de financer l'aide entre familles et non des services. Beaucoup de familles ont critiqué le fait qu'elles devaient s'adresser à notre organisme pour obtenir de l'information alors qu'elles avaient surtout besoin d'établir des contacts avec d'autres familles. Nous sommes d'accord.

J'aimerais aussi revenir sur un aspect dont d'autres ont parlé, mais que je n'ai pas souligné. D'après une étude que l'Institut Roeher doit publier bientôt, 96 p. 100 des familles ayant des enfants qui ont un handicap et qui requièrent de l'aide pour les activités quotidiennes—c'est-à-dire pour manger ou se laver, par exemple—engagent des coûts qui ne sont pas remboursés. Aujourd'hui, 96 p. 100 de ces familles payent de leur poche des services d'orthophonie et d'ergothérapie, et des soins de répit.

Le coprésident (M. John Godfrey): Merci.

Madame Guay.

[Français]

Mme Monique Guay: Merci, monsieur le président.

Vos témoignages ont été très touchants, surtout pour moi qui suis une maman. J'ai été chanceuse. Mes enfants sont en bonne santé et n'ont pas de problèmes. Mais je sais combien il peut être difficile de vivre dans cette situation et de devoir face à tous les jours à des problèmes alors qu'on n'a pas nécessairement toutes les ressources pour nous aider.

Je sais qu'au Québec, un travail énorme se fait auprès des enfants handicapés, peut-être plus que dans d'autres provinces. Entre autres, dans mon propre comté, il y a une école adaptée aux enfants handicapés, même très gravement, et c'est une école où il n'y a pas de ségrégation. Ces enfants-là sont inclus avec des enfants normaux. Ils mangent ensemble. Ils vivent ensemble. Il n'y a pas de discrimination. C'est vraiment extraordinaire de voir l'intégration des enfants normaux et des enfants handicapés. Des amitiés se créent et des groupes se forment. C'est vraiment magnifique. J'ai passé une journée complète avec eux pour voir comment les choses fonctionnaient. Évidemment, pour les enfants handicapés lourdement, c'est plus difficile, mais il demeure qu'ils ont des activités conjointes, ensemble, dans la cour d'école. C'est extraordinaire de les voir ensemble. C'est une chose qu'il serait plaisant de voir un peu partout.

Il y a aussi des camps pour les jeunes handicapés. Je suis dans la région des Laurentides, où il y a plusieurs camps pour les enfants handicapés, afin qu'ils puissent eux aussi profiter de l'été, des activités parascolaires et ainsi de suite. Ça donne aussi aux parents la possibilité d'avoir du temps pour eux, du temps pour se retrouver en couple. Vous avez parlé des familles, mais il y a aussi les couples. Il y a des vies de couple quelque part. Je pense que tout cela est essentiel.

• 1625

J'imagine que chaque province a ses programmes, parce que la plupart du temps, c'est issu des services de santé, et les différents services fonctionnent ensemble. Il faudrait voir ce qui peut se faire à ce niveau. Je me demande s'il n'y a pas un crédit d'impôt fédéral possible pour vous, un crédit allant directement aux familles qui prennent soin des enfants handicapés à la maison.

[Traduction]

Le coprésident (M. John Godfrey): Quelqu'un veut-il répondre à cela? Pourquoi ne pas commencer par Mike, puis par Lucie.

M. Michael Burke-Gaffney: En réponse à vos remarques et à celles de M. Bailey, cela vient de différentes sources, de la base. Dans mon milieu, c'est un groupe comme le Hamilton Family Network qui s'occupe de l'aide entre familles.

Mais une importante partie du travail que le Hamilton Family Network accomplit, par exemple, consiste à aider les familles dans leurs rapports avec les conseils scolaires, le système d'enseignement public, parce que leurs enfants sont exclus des salles de classe ou reçoivent une heure d'enseignement par jour—des situations complètement intolérables. Et quand des questions d'argent sont soulevées, les premiers sacrifiés sont les éducateurs adjoints; c'est ainsi que les conseils scolaires réagissent aux problèmes de ce genre. L'importance qu'ils accordent à l'enseignement intégré n'est pas très grande.

Par contre, dans un autre conseil scolaire, de l'autre côté de la rue à Hamilton, le Conseil des écoles séparées, l'attitude est complètement différente. On valorise les enfants et les éducateurs adjoints qui s'occupent d'eux. Ils doivent recevoir une certaine formation, et ils sont respectés dans le milieu par leurs collègues.

Pour répondre à votre question, monsieur Bailey, il est possible d'avoir un milieu parfaitement intégré, parce que Jesse vit dans ce milieu depuis 12 ans. Cela veut-il dire que nous n'avons pas à aller rencontrer un enseignant ou un fonctionnaire? Bien sûr que non. Tous les parents sont d'accord pour dire que nous devons être vigilants en tout temps. Nous ne pouvons pas relâcher notre attention.

Il faut se battre à partir de la base. C'est ce qui fera évoluer les communautés. J'ai dit qu'on a tendance à perdre du terrain par rapport à la génération précédente et qu'il faut recommencer le travail, comme Jo l'a aussi constaté dans son cas. C'est ce qui commence à arriver.

Quand j'ai parlé d'une initiative fédérale, je m'adressais avant tout à vous, les élus, pour que vous fassiez quelque chose. Je sais que l'éducation n'est pas de votre ressort, même les compressions dans les paiements de transfert à l'éducation, pour lesquels vous avez été critiqués. En fait, en Ontario, dans ma province, on dépense plus qu'avant pour l'éducation. Tout dépend de ses priorités et de ce qu'on veut valoriser dans le système d'éducation. Mais ce n'est pas ce dont je parle; je parle d'un rôle de chef de file, par exemple, dans l'établissement d'une norme nationale. Le crédit d'impôt dont vous avez parlé, qui est accordé aux familles qui élèvent des enfants handicapés à la maison est une excellente initiative. J'ai trouvé que le crédit d'impôt que je reçois parce que j'ai un enfant avec un handicap, le crédit qu'on m'accorde dans ma déclaration d'impôt, est une mesure valable. Elle tient compte de la situation, et c'est bien évidemment de l'argent qui peut nous être utile.

J'entrevois un rôle de leadership qui va au-delà des crédits d'impôt ou de déclarations de soutien en principe à quelque chose de comparable à ce qu'ont fait les États-Unis avec leur loi sur les déficiences. Il s'agit d'une loi fédérale prescrite qui porte sur le respect des personnes handicapées et assure leur intégration dans la communauté, de haut en bas. Alors les deux forces sont à l'oeuvre, celle du haut et celle du bas.

Prenons l'exemple de l'Ontario. Une loi provinciale en matière d'invalidité est à l'examen «depuis l'arrivée des conservateurs de M. Harris au pouvoir, en 1995», mais le fait reste que rien n'est arrivé de ce côté-là. C'est un domaine où, je pense, il serait naturel que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et conclue un arrangement multipartite. C'est ce que j'ai à vous répondre.

• 1630

[Français]

Mme Lucie Charron: J'aimerais continuer dans la même veine que madame. Il n'y a pas seulement du négatif qui se fait dans la région. Dans la région, il y a de belles choses qui se font. Vous parliez de camps et de tout cela. Notre organisation, l'Association pour l'intégration communautaire de l'Outaouais, offre justement de tels services à des jeunes, des camps de week-end et des camps d'été. C'est très, très bien. On en a un petit peu. Il nous en faut plus parce que la demande est grande et que les parents sont épuisés.

Je pense qu'il est important de dire que de belles choses se font aussi au niveau de la sensibilisation dans les écoles. On a un beau programme. L'APICO se promène justement dans les écoles de l'Outaouais pour sensibiliser aux différences les jeunes de la maternelle à la sixième année. Avoir un enfant différent dans sa classe n'est pas si pénible. Mais le problème est le manque de soutien aux enseignants. Je pense qu'ils ont de la bonne volonté et qu'ils sont prêts à accueillir nos enfants, mais ils n'ont pas l'argent nécessaire pour accompagner nos enfants. Les enseignants ne peuvent pas faire cela sans soutien, sans aide.

Mme Monique Guay: Il faut de l'aide spécialisée. Dans une classe où il y a, par exemple, sept enfants lourdement handicapés, il faut au moins deux éducatrices. J'ai trouvé extraordinaire le travail qu'elles font. Elles peuvent travailler pendant une semaine pour montrer à un enfant à tenir un ballon. Ça demande une connaissance spécifique et donc une formation dans un domaine très spécialisé. Évidemment, ce n'est pas tout le monde qui est intéressé à aller dans ce domaine, mais il y a de plus en plus de personnes qui y vont et qui s'impliquent.

Il y a aussi tout le transport adapté qui est intéressant et qui se développe. On s'est battus chez moi, parce qu'en région, il n'y a pas de services de transport en commun. Il faut du transport adapté, et on a fait un grand bout de chemin à cet égard.

Mme Lucie Charron: Puis-je répondre?

Le coprésident (M. John Godfrey): Très brièvement, s'il vous plaît.

Mme Lucie Charron: Le transport adapté est pour nous un gros problème. On essaie de montrer aux personnes qui en sont capables à se servir des services de transport réguliers pour les intégrer dans la communauté.

Le coprésident (M. John Godfrey): Merci.

[Traduction]

Madame Lill.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je vous remercie.

Tout d'abord, je tiens à m'excuser de ne pas avoir été ici au début. Je ne vous ai pas entendue, Diane, ni vous non plus, Michael. J'ai cependant une bonne idée de certaines choses que vous avez dites.

J'ai été frappée par votre observation, Lucie. Vous avez terminé en disant que le quotidien est quasiment impossible à vivre. Je ne pense pas qu'on puisse entendre rien de plus poignant. On ne peut pas dire qu'il n'y pas toutes sortes de moments heureux, je sais qu'il y en a. La vie avec vos enfants est précieuse. C'est ce que vous voulez. Vous voulez avoir vos enfants dans votre vie. Vous ne voulez pas qu'ils vivent en institution.

Je l'ai entendu de la bouche de Jo Dickey, et aussi de Barb Horner. Je l'ai entendu auparavant de l'ACIC. Le problème, c'est qu'il y a de l'argent pour mettre vos enfants dans des familles d'accueil ou des institutions, mais il n'y en a pas pour vous permettre de les garder dans leur famille. Je trouve cela renversant. Nous connaissons les coûts. Nous savons que c'est revenir à un modèle d'institutionnalisation que nous voulions tous laisser derrière nous.

Jo, vous avez manifestement lutté longtemps et vigoureusement pour ouvrir les portes des institutions de la Colombie-Britannique.

Très franchement, j'ai un fils handicapé. Nous l'avons emmené au secondaire la semaine dernière. Il a été en classe «intégrée» toute sa vie. Nous sommes entrés dans cette école secondaire de Dartmouth, qui a deux classes réservées. Leur existence à elle seule a une incidence sur les chances d'intégration de mon fils. Il n'y a rien à faire, il n'ira pas dans ces classes. Le fait est qu'aussi longtemps qu'elles existeront, il sera très difficile d'affirmer que ce n'est pas la place de mon fils. Sa place, c'est avec les autres enfants avec lesquels il évoluera au rythme qu'il veut.

Il y a tellement de luttes en coulisse. Je le vois, vous le voyez tous aussi.

J'en viens à ce que j'ai à dire. Je vous demande de vous exprimer.

• 1635

Nous parlons du rôle du leadership fédéral. Il concerne les normes nationales. Nous pouvons dire que nous n'avons pas de rôle à jouer en matière d'éducation. Admettons-le, le gouvernement fédéral a un grand rôle à jouer sur le plan des droits de la personne. La Charte des droits est la responsabilité du gouvernement fédéral. Ce rôle existe et nous pouvons veiller à ce qu'il y ait des mesures de soutien pour nos enfants dans les écoles et le milieu de travail, pour une vie autonome et toutes ces choses—tous ces facteurs qui assureraient l'équité entre citoyens canadiens dont a parlé le groupe de travail en 1996.

Nous revenons tous au Groupe de travail d'Andy Scott. Malheureusement, il y a 54 recommandations. Je pense que six ou sept seulement d'entre elles ont été mises en oeuvre.

Nous voilà ici à nouveau. Vous êtes ici. Nous apprécions votre présence. J'aimerais vous entendre dire ce que vous attendez du gouvernement fédéral. Ce pourrait être seulement une bonne nuit de sommeil. Quoi que ce soit, j'aimerais que vous exprimiez très clairement quelles mesures courageuses et énergiques vous aimeriez voir prendre par ce comité mixte courageux et énergique.

Mme Gloria Mahussier: J'aimerais que mon fils puisse aller à l'école et recevoir une éducation valable. Ce serait mon premier objectif, puis ensuite ce serait de pouvoir dormir.

Mme Wendy Lill: Comment cela peut-il arriver?

Mme Gloria Mahussier: Comment cela peut arriver?

Mme Wendy Lill: Qu'est-ce que cela signifie?

Mme Gloria Mahussier: Nous sommes en lutte avec la question depuis six ans maintenant. Il y a même un procès relatif aux droits de la personne dans la province, au sujet d'une victime de discrimination. Qu'est-ce qu'il faudrait? Un changement d'attitude lorsqu'il le faut pour nos enfants, pour les respecter et les traiter comme des personnes.

Mme Jo Dickey: Je pense que c'est une très bonne question que vous posez. Je crois fermement que les normes sont incroyablement importantes. Elles découlent de la Charte. Certains d'entre vous, peut-être quelques-uns seulement, vous rappelez la bataille qu'il a fallu livrer pour que les handicapés soient inclus dans la Charte. Moi, en tout cas, je m'en rappelle.

Si la Charte existe—nous en parlons comme des droits de nos enfants—et qu'elle n'est pas appliquée, à quoi bon? Qu'est-ce qu'elle signifie? C'est une très grande question. Les normes, à mon avis, devraient en découler. Nous aurions notre mot à dire. C'est un citoyen. Ce sont des normes qui s'appliquent à une déclaration particulière de tous les Canadiens. C'est une chose.

L'autre chose c'est que je pense vraiment que vous ne donnez de l'argent aux provinces pour mon fils. Je connais toutes les restrictions, tous les facteurs positifs, et tout le reste. C'est une situation très particulière des personnes handicapées, la manière dont l'argent est donné. Me comprenez-vous?

Autrement dit, nous l'obtenons par le biais des services médicaux. Nous les payons, mais le gouvernement en paie une bonne partie. Nous pouvons consulter le médecin de notre choix. Nous pouvons aller où nous voulons. Nous avons ces choix-là. Mon fils ne les a pas. Il y a une porte par laquelle il peut passer. Et puis tout est géré pour lui. Ils appellent même ces gens-là des «gestionnaires de cas». Personne n'a envi d'être géré. Ils ne veulent pas l'être non plus. Ils veulent avoir une vie, et gérer leur propre vie.

Je pense que les normes sont très importantes. Si vous pouviez aider les familles à créer un réseau entre elles dans tout le pays, vous auriez beaucoup d'appuis. Il pourrait constituer une espèce de baromètre, pour vous indiquer ce que les familles veulent réellement et ce dont elles ont besoin. Il vous tiendrait en éveil, ce sont des membres libres de nos communautés. Ils n'ont aucun lien. Ils peuvent appartenir à tel ou tel autre organisme, mais en fait, tout d'abord, ils sont une famille. Vous en obtiendrez des commentaires très constructifs si vous pouvez nous aider à établir un réseau dans tout le pays. Ce serait merveilleux.

Le coprésident (M. John Godfrey): Merci.

[Français]

Madame Charron.

Mme Lucie Charron: Madame, nous aimerions avoir des services qui répondent vraiment aux besoins de notre enfant, comme des services d'orthophonie et d'ergothérapie, mais nous voulons surtout que ces services soient gratuits pour que nous n'ayons pas à payer 80 $ l'heure pour répondre aux besoins de notre enfant.

• 1640

Les familles s'épuisent. Pour que notre famille puisse rester ensemble et n'éclate pas, on a besoin de répit, de se reposer, de vivre avec les autres membres de la famille pour qu'il soit plus facile de retourner ensemble. On a vraiment besoin de cela. Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. John Godfrey): Monsieur Tonks.

M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci à vous, les coprésidents, et merci à l'ensemble des députés, aujourd'hui.

J'aimerais en savoir plus sur les trois domaines particuliers de l'examen de la recherche en politiques publiques dont devrait ressortir un programme global. Ce sont le revenu suffisant, le rôle de parent et les milieux communautaires favorables. J'aimerais parler du revenu suffisant.

Diane, peut-être pouvez-vous seulement m'aider à comprendre la chronologie des améliorations à la Loi de l'impôt sur le revenu? Je regarde les documents que vous nous avez donnés, et le 28 février, au sujet des 100 millions de dollars de soutien supplémentaire et de la hausse de l'aide fiscale, plusieurs domaines sont énumérés.

Au sujet des réductions d'impôt accordées aux handicapés—qui reconnaissent, en passant, que les avantages fiscaux sont utiles aux familles, mais les personnes handicapées en viennent à un moment où ils n'ont pas de revenu, et je comprends que nous ne devons pas nous arrêter là—j'aimerais comprendre le Fonds d'intégration, le sondage sur la santé et la limitation des activités, le bulletin, etc.

Ont-ils droit aux crédits d'impôt sur les frais médicaux, aux crédits d'impôt pour handicapés, et tout ce que vous avez indiqué ici? Est-ce que cela est entré en vigueur avec le budget de Paul Martin, ou y a-t-il des suggestions que vous voudriez voir réaliser?

Mme Diane Richler: Nous avons ici une combinaison d'éléments. Sur la feuille blanche que vous avez, «Voix des familles... fait entendu dans le budget de l'an 2000», il y a la liste de ce qui était prévu au budget. Nous avons certainement été heureux de voir, depuis quelques années, depuis 1993, qu'il y a certains investissements à chaque budget pour les personnes handicapées. Je pense qu'il y a quelques problèmes, que nous pourrions souligner.

Le premier est que les dispositions du budget ont en général été utiles pour les familles qui ont un revenu, mais celles qui n'ont pas les moyens de débourser les menus frais n'ont pas accès aux mesures d'allégement fiscal. C'est pourquoi l'une de nos propositions est que nous envisagions des crédits d'impôt remboursables pour les dépenses liées à l'incapacité, ce qui aiderait un nombre énorme de familles.

Un autre problème fait ressortir un grand nombre des observations que vous avez entendues aujourd'hui, mais je voulais seulement profiter du fait que les deux sous-comités sont ensemble pour le souligner à nouveau. Dans ses observations préliminaires, Mme Bennett a mentionné le fait que le sous-comité sur les personnes handicapées veut s'assurer de penser aux enfants et le Sous-comité sur les enfants veut s'assurer de penser aux handicapés, ce que nous apprécions grandement.

Le problème des coûts pour la famille n'a pas eu une grande place dans le programme relatif aux personnes handicapées, et il a été quelque peu minimisé dans le programme relatif aux enfants. Je pense que ce que nous avons entendu des familles d'enfants handicapés est qu'il est impossible, du point de vue des politiques, de régler les problèmes que connaissent les handicapés sans penser au contexte familial. La famille a une grande importance, non seulement dans les premières années, mais tout au long de la vie d'une personne handicapée.

L'élément commun, aujourd'hui, est donc que nous vous demandons de penser au genre de mesures de soutien dont ont besoin les familles, non seulement les personnes handicapées, et pas seulement les enfants, mais aussi les familles, pour qu'elles puissent continuer à tenir leur rôle, parce que je ne pense pas qu'elles veuillent abandonner ce rôle important, mais de manière à ce qu'elles n'en assument pas seules les coûts.

• 1645

M. Alan Tonks: J'ai une deuxième question à poser, si vous permettez, parce que vous en avez parlé un peu dans la deuxième partie de votre réponse. Je regarde encore le régime fiscal, cependant, et je pense à l'équité fiscale. Les deux derniers éléments que vous soulevez, sur la possibilité pour les familles d'épargner pour l'avenir de leur enfant... et je reconnais encore qu'il y en a qui n'atteignent pas le niveau du revenu disponible déclarable, ce qui est tout autre chose. J'aimerais parler de possibilités accrues d'épargne pour la famille ou un membre de la famille au moyen de quelque chose du genre de ce que vous suggérez—la création d'une prestation canadienne d'invalidité. Y a-t-il eu des discussions avec le ministère des Finances au sujet de ce genre de mécanisme? C'est en quelque sorte quelque chose de tout à fait différent.

Mme Diane Richler: Oui.

M. Alan Tonks: Un crédit enregistré à l'éducation a été annoncé, mais c'est un sous-élément particulier.

Mme Diane Richler: Nous avons rassemblé une série assez exhaustive de propositions l'année dernière, dont celles-ci, et nous devons voir encore demain des responsables du ministère des Finances auprès de qui nous comptons soulever à nouveau la question. L'une des difficultés est cependant que, même pour les familles qui ont quelque ressource, le régime fiscal actuel ne leur permet pas d'épargner de toute façon. Ainsi, par exemple, elles n'ont pas de mesures d'allégement fiscal suffisantes pour pouvoir laisser une maison à un enfant handicapé, ou s'ils veulent épargner de l'argent pour acheter une maison pour une fille ou un fils handicapé. Ce sont des propositions que nous mettons de l'avant.

M. Alan Tonks: C'est bien, il ne me reste qu'une question, si vous permettez.

En ce qui concerne les six points dont a parlé Barb, au sujet de ce que vous souhaitez en matière de mesures de soutien, je pense que celles-ci s'insèrent dans un cadre—soutien après l'école, moments de répit à passer avec votre fils, non pas en tant que soignante, mais tout simplement comme mère. Je peux très bien le comprendre—simplement un cadre de soutien communautaire, je suppose.

La question que j'ai à poser est la suivante: Comment pourrions-nous avoir un programme de soutien national et intégré? Comment pouvons-nous le coordonner? Que pourrait faire le gouvernement fédéral? Êtes-vous au courant d'un mécanisme quelconque, qui existe dans tout le pays, selon lequel nous parvenons effectivement à cerner stratégiquement les lacunes des systèmes de soutien, puis à stratégiquement les combler ou faire des recommandations? J'envisage, en quelque sorte, quelque chose qui se ferait par le biais du cadre d'union sociale. C'est une initiative fédérale, en vertu de laquelle des principes ont été établis visant des suppléments directs au programme, etc.

Peut-être est-ce une question de pure forme. Peut-être est-ce que je vois dans le cadre de l'union sociale le modèle que nous devrions suivre, et qu'il n'est pas juste de vous en poser la question. Mais est-ce que c'est le genre de déclaration que vous attendez de nous? «Écoutez, nous savons ce qu'est le problème, et nous savons que cela arrive, et comment à votre avis pourriez-vous intervenir et participer à ce genre de stratégie globale pour que le pays puisse répondre à vos besoins?»—Est-ce que c'est le genre de chose que vous vous attendez de nous? Parce que c'est ce que j'entends.

Le coprésident (M. John Godfrey): Diane.

Mme Diane Richler: Au risque de répondre à plus de questions que je n'en ai l'intention, le groupe de travail fédéral, provincial et territorial sur les handicapés a offert beaucoup d'occasions d'intervenir aux organisations représentant les personnes handicapées et, bien entendu, certains de ces problèmes ont été soulevés. Je pense, cependant, que l'un des défis a été que, parce que les ministres qui collaborent à ces programmes sont des ministres responsables de services sociaux, cela couvre une partie des problèmes que les familles ont soulevés.

Les familles n'ont pas tendance à penser à leurs besoins comme des besoins de services sociaux, des besoins de santé et des besoins de services éducatifs. Elles formulent ainsi leurs préoccupations en ces termes: «Pourquoi ne puis-je pas dormir ce soir?». Tout est dans la réponse.

• 1650

Alors je pense que les mentions qui ont été faites de la Charte touchent aux problèmes que... Lorsque des enjeux sont à l'examen—que ce soit le programme d'action national pour les enfants, ou quoi que ce soit d'autre—les besoins particuliers des enfants handicapés et de leurs familles doivent être tenus en compte et intégrés aux priorités formulées. Nous avons l'impression que, souvent, une priorité est définie, puis quelqu'un se souvient des personnes handicapées, et on trouve le moyen d'appliquer une rustine quelque part pour englober les personnes handicapées plutôt que d'y penser dès le départ.

Je pense que si vous regardez la liste de ce que nous avons mentionné comme éléments du cadre de soutien des familles qui est nécessaire et les opportunités qu'offre actuellement la nouvelle politique publique du gouvernement fédéral, il pourrait y avoir plusieurs endroits différents. Nous ne pensons pas qu'il y ait une solution magique, un programme pour les handicapés qui parviendra à résoudre tout. Il s'agit plutôt d'intégrer des éléments à plusieurs endroits.

Le coprésident (M. John Godfrey): Puis-je poser une question? Nous laisserons ensuite la parole à M. Crête, puis à M. Bailey.

Tout d'abord, j'ai deux observations à faire. La première est que je pense que la notion de l'argument fondé sur les trois droits est très intéressante. Il me semble que c'est ainsi que fonctionne la loi américaine, d'après ce que j'en comprends—qu'en fait, c'est une question de droits de la personne, qui prime sur les questions de juridiction. Que nous parlions des droits de l'enfant ou des droits des personnes handicapées—on peut le dire des deux façons à ce sous-comité—je pense qu'une approche fondée sur les droits, selon laquelle les droits ont la priorité sur bien d'autres choses, vaut la peine d'être examinée.

Il est aussi intéressant d'observer ces tensions entre les services fournis par les provinces, d'un côté, et les crédits d'impôt et les allégements fiscaux offerts par le gouvernement fédéral de l'autre. Une nouvelle dimension qui est assez intéressante—et c'est M. Tonks qui en a parlé—est celle de l'entente cadre sur l'union sociale, avec la notion que s'il y a un niveau de service disponible dans une juridiction, il y aura certainement une course vers le sommet sur laquelle on peut se fonder pour... Il reste à savoir si un citoyen peut y parvenir, mais on ne peut qu'inexorablement progresser vers un meilleur niveau de service, et c'est pourquoi nous sommes toujours encouragés lorsque le Québec ou toute autre province prend la tête de file, parce qu'alors nous pouvons dire qu'il faut que ce soit aussi bien qu'au Québec.

La question que j'ai à poser, et je crains que ce soit encore à vous, Diane, c'est que lorsque je regarde vos sept points, deux d'entre eux—c'est-à-dire le numéro 5, les mesures de soutien à la planification et à la coordination, où vous parlez des mesures de soutien et des services de plusieurs ministères (dont beaucoup seront des ministères provinciaux), et le soutien entre familles, qui, d'après tout le monde ici, se fait déjà au niveau communautaire... C'est quelque chose qui ne donne rien si vous pouvez trouver... Ce peut être positif, mais en fait, c'est du soutien sur le terrain, régional, communautaire. Et pourtant nous sommes ici et le paradoxe, c'est que nous représentons le gouvernement fédéral, n'est-ce pas? Alors quels sont les liens qui n'offenseront pas les juridictions constitutionnelles, qui peuvent être pratiques? Je m'intéresse particulièrement à la façon dont nous, ici, pouvons aider les gens dans les communautés à entrer en rapport—les groupes de soutien familial, par exemple—ou comment nous, ici, pouvons vous aider dans la communauté à organiser les services provinciaux? C'est un peu à cela que ça revient.

Maintenant, ce qui est intéressant... là encore, une petite réponse est suggérée dans l'un des documents, et c'est l'intégration dans les premières années, parce qu'en vertu de l'accord sur le développement de la petite enfance, c'est un peu ce que fait le gouvernement fédéral. Nous créons des incitatifs au niveau communautaire pour que les gens se parlent entre eux et pour fournir une gamme de services intégrés axés sur les enfants de zéro à six ans, n'est-ce pas? Nous essayons aussi d'amener les gens à se parler au niveau communautaire. Là encore, nous offrons un appui financier par le biais des provinces. J'aimerais connaître votre avis, particulièrement le vôtre, Diane, sur ce que nous pouvons faire concrètement ici pour aider les gens de vos diverses communautés à mieux dialoguer. Est-ce que c'est de créer une ligne téléphonique d'information? Qu'est-ce que c'est?

• 1655

Mme Diane Richler: Deux choses me viennent à l'esprit. La première, c'est que le gouvernement fédéral a certainement pris très au sérieux, depuis quelques années, le rôle du secteur du bénévolat. Je pense que, dans une certaine mesure, le secteur du bénévolat est vu comme un tout structuré et formel plutôt que comme un ensemble hétéroclite d'éléments de la société civile ayant certains rapports. Il y a donc certainement une façon d'attribuer au gouvernement fédéral un rôle de soutien non seulement du secteur du bénévolat formel qui se présente sous la forme d'organisations cadres, mais aussi des groupes plus vaguement affiliés.

L'autre chose, c'est que j'aimerais attirer votre attention sur certains des travaux qui ont été réalisés par la députée de ma circonscription, qui s'est penchée sur toute la question de la citoyenneté. Il se trouve que Mme Bennett est ma députée, et elle a beaucoup fait dans notre circonscription pour contribuer à explorer le sujet de la citoyenneté et son sens. Pour notre organisation, la présence des familles aujourd'hui au Parlement du Canada est une expression de citoyenneté, mais nous n'aurions pas pu les trouver si nous n'avions, en tant qu'organisation, eu l'appui du gouvernement du Canada pour sortir de notre coquille et aller recueillir le témoignage de gens de tout le pays.

C'est pour moi un processus et un dialogue très riches, et le gouvernement fédéral a entretenu la flamme à l'arrière plan en créant des environnements où les gens peuvent s'unir et comprendre leur propre situation, comprendre le contexte plus vaste, puis devenir capables de faire connaître leur histoire. Peut-être le ministère du Patrimoine a-t-il un rôle à jouer ici. À la façon dont je vois les choses, il faut surtout sensibiliser l'ensemble du gouvernement fédéral au rôle des familles qui ont des fils et des filles handicapés et, bien que nous souhaitions voir ces comités et autres ministères assumer un leadership dans leur domaine de compétence, nous aimerions aussi voir plus de reconnaissance et de sensibilité à ces problèmes dans toute une gamme de secteurs.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Vendredi, lorsque nous avons rencontré Stephen Coleman de Westminster, nous avons eu une vidéoconférence à la Société Hansard au sujet du rôle des députés et du cybercitoyen. Il donnait un excellent exemple de ce qu'a fait Westminster en présentant un texte de loi, ou un problème, à un groupe de femmes victimes de violence, qui a entretenu un dialogue en ligne avant de présenter des recommandations sur un problème ou un texte de loi particulier. Je pense que c'est un moyen intéressant que nous pourrions envisager puisque, comme nous le savons tous, le gouvernement ne compose pas très bien avec les problèmes; il compose avec les solutions. Et pour que les simples citoyens aient quelque part où aller et puissent concevoir des solutions à présenter au gouvernement, je pense que c'est un facteur de notre démocratie et un élément de la solution.

[Français]

M. Crête posera la dernière question.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci beaucoup.

La semaine dernière, je suis allé rencontrer une famille qui a jeune enfant handicapé. Je souhaiterais que tous les députés puissent faire une telle rencontre, parce que cela vaut tous les lobbys du monde.

Le problème qui a été identifié n'est pas le problème du parent avec l'enfant, mais bien le problème des relations avec la société autour de cette situation. Les parents que j'ai rencontrés étaient à bout de souffle. Ils devaient constamment redemander le crédit fiscal pour leur enfant qui avait été reconnu autistique, et constamment redemander qu'il soit considéré comme gravement malade.

• 1700

Selon votre expérience, est-ce que l'interprétation que fait actuellement Revenu Canada de ce crédit d'impôt est adéquate ou si elle encore trop fermée? Est-ce qu'il y aurait de la place pour de l'amélioration de ce côté-là? C'est ma première question.

Deuxièmement, si vous aviez eu à décider quoi faire des 15 milliards de dollars de surplus, est-ce que vous les auriez affectés entièrement à la dette ou si vous en auriez consacré un peu aux personnes handicapées?

[Traduction]

Le coprésident (M. John Godfrey): Qui aimerait répondre? Vous constaterez peut-être que ce comité pense plus comme vous que vous ne le croyiez.

Mme Gloria Mahussier: Vous parliez d'une famille dont l'enfant est autistique. L'une de mes amies très proche recevait ce crédit, puis il a été supprimé. La famille n'était plus admissible.

M. Michael Burke-Gaffney: Il semble effectivement que le jugement du ministère et le raisonnement sur lequel il fonde ce jugement soient devenus assez arbitraires.

Pour moi, lorsque mes enfants sont nés, le médecin a écrit syndrome de Down sur le certificat, qui a été mis dans le dossier et nous n'avons jamais eu à le remettre le diagnostic en question. Rien ne changera. Cela ne disparaîtra pas. Il n'y aura pas d'amélioration ou de changement quelconque.

Mais je connais des familles, généralement avec des enfants autistiques, qui subissent l'acceptation et le rejet de façon arbitraire. J'ignore sur quel critère se fonde ce jugement.

[Français]

M. Paul Crête: Je donnais cet exemple, mais j'aurais pu parler d'un autre handicap. Je voulais savoir si vous pensiez que l'interprétation qui est faite du crédit fiscal en général est adéquate ou trop sévère. Est-ce qu'il y aurait quelque chose à faire de ce côté-là au niveau de la loi?

Mme Lucie Charron: Mon fils souffre d'une déficience intellectuelle, mais aucun diagnostic vraiment ferme n'a été posé. Il a sa déficience depuis la naissance et elle va demeurer là. Chaque fois, nous devons répondre à des questions: est-ce qu'il est encore handicapé, etc.? De ce point de vue, il y aurait sûrement quelque chose à faire, parce qu'il est handicapé depuis sa naissance et qu'il va le demeurer. C'est un état.

[Traduction]

Mme Jo Dickey: J'aimerais faire un commentaire là-dessus, parce que je n'envisage pas de solution fiscale. Mais en même temps, je pense qu'il devrait être clair que nous ne tenons pas vraiment à coller des étiquettes. Il y a un outil de diagnostic médical, ou autre. Les gens s'en servent souvent pour exclure. C'est pourquoi nous ne tenons pas, en tant que famille, à faire coller une étiquette à notre parent. Voilà Untel dans la rue, avec son étiquette collée sur le dos.

Si la nécessité d'un diagnostic doit être un obstacle, et je ne sais pas si ça l'est, peut-être est-ce cela qu'il faudrait examiner.

[Français]

M. Paul Crête: Et les milliards de dollars?

[Traduction]

M. Michael Burke-Gaffney: Si l'expérience de l'Ontario peut être un indice, nous avons assisté à des compressions depuis 1995 dans la communauté et le ministère des services sociaux, jusqu'à récemment, lorsque du «nouvel argent» a été distribué. Nous avons vu la somme s'amenuiser au fil de son acheminement jusqu'à notre communauté d'Hamilton. Sur, disons, 50 millions de dollars, nous n'avons fini par recevoir qu'un peu plus d'un million de dollars. Après un examen plus poussé, nous avons constaté qu'une partie considérable de cette somme va à la bureaucratie. Les parents, encore une fois, se sentent déjoués et ne peuvent pas profiter de cette ressource.

Si vous offrez un financement franc de prélèvements divers, alors...

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Je pense que nous avons étudié la flexibilité ou la souplesse des définitions, et s'il y a certaines conditions récurrentes qui ne font tout simplement pas l'affaire actuellement. Des gens qui, même adultes, reçoivent des prestations d'invalidité du PPC mais ne sont pas admissibles au crédit d'impôt pour personnes handicapées... Je pense que notre comité aimerait traiter de certains des problèmes récurrents de santé mentale, ou de la fibrose kystique, alors qu'on trouve le moyen de ne pas intégrer la respiration dans notre définition actuelle d'une activité du quotidien. Nous avons beaucoup de travail à faire et, pour cela, il nous faut écouter des groupes qui ont déjà réfléchi à ce genre de questions. Nous espérons pouvoir être votre voix.

• 1705

Ce que j'ai entendu—et peut-être John peut-il en dire un peu plus—c'est que dans tout le pays, il y a des thèmes communs. C'est à nous d'examiner les détails sur le revenu et l'impôt, mais aussi sur les droits de la personne, ce sur quoi tous les Canadiens et les familles doivent pouvoir compter. De toute évidence, avec l'entente cadre À l'unisson conclue en 2000, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont mis d'accord sur certains points, et il y a eu le fonds de développement de la petite enfance. Je pense qu'il faut unir nos forces pour veiller à ce qu'il y ait un financement. Il est censé aussi y avoir reddition des comptes. Comment nous assurer que les questions qui vous préoccupent fassent partie de la reddition des comptes relativement au financement du développement de la petite enfance? Je pense que ce pourrait être un point de départ pour faire une différence en bout de ligne.

Toute la question de la reddition des comptes est un défi pour nous dans ce contexte de fédéralisme complexe, et je pense qu'il vous faut savoir qu'en matière de reddition des comptes, nous sommes intéressés à ce que les gens pensent. Ce sera probablement quelque chose à faire à l'automne, de voir quelle serait la meilleure façon de procéder. Nous avons une charte des droits de la personne, et pourtant il y a le cas Eldridge, où nous n'avons pas vraiment pu appliquer la décision de la Cour suprême.

Alors quelles devraient être les prochaines étapes? Vous le savez, on envisage de désigner un commissaire aux personnes handicapées. On a manifesté un certain intérêt pour l'élargissement de la capacité de vérification et pour que le Bureau du commissaire aux droits de la personne se secoue, soit plus proactif et se renseigne. Il y a un besoin réel, je pense, de mise en commun des pratiques exemplaires dans toute la province. Je crois que certaines des démarches entreprises dans le cadre de À l'unisson ont lancé le processus, mais nous voulons vraiment qu'il y ait une course vers le sommet, et il nous faut de toute évidence votre aide pour découvrir comment assurer la citoyenneté à part entière et les prestations intégrales et faire entendre les voix des familles comme les vôtres dans tout le pays.

Nous sommes arrivés à passer toute cette réunion sans mentionner M. Latimer, mais je suppose que nous en parlerons demain.

Mme Diane Richler: J'ai oublié l'une de mes plus importantes responsabilités. Je devais réitérer l'invitation, que j'espère vous avez tous reçue, à une réception qui a lieu ce soir dans la salle de bal de l'hôtel Crowne Plaza. Beaucoup de vos électeurs y assisteront et nous espérons vous y voir. C'est à 21 h 30.

Je vous remercie.

Le coprésident (M. John Godfrey): Je tiens à ajouter l'expression de mon appréciation, particulièrement pour nous avoir raconté vos vies, pour avoir donné visage humain à ces enfants ou ex-enfants, pour que nous sachions qui sont Drew, Alexandre, Mallory, Travis, Emily et Jesse. Cela donne une autre dimension à la discussion. Je pense que Mme Guay l'a très bien dit: quiconque est parent ne peut que se sentir touché.

Je pense que nous avons ouvert de très importantes voies de communication qui pourront orienter nos discussions au prochain volet de la réunion après votre départ. Vous avez dressé un programme très utile. Je pense à la façon dont il a été résumé dans la présentation de Diane. Je suis ravi que nous ayons pu rassembler les deux sous-comités, parce que les affaires de l'un sont les affaires de l'autre.

Je vous remercie beaucoup d'être venus. Le débat a été très instructif.

La coprésidente (Mme Carolyn Bennett): Nous ajournons la séance, pour nous réunir à huis clos.

[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]

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