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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 10 avril 2002




¹ 1520
V         Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.))

¹ 1525
V         
V         M. Peter Dudding (directeur général, Ligue pour le bien-être des enfants du Canada et codirecteur du Centre d'excellence pour le bien-être et la protection des enfants)
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross (membre du conseil et secrétaire, Conseil d'adoption du Canada)
V         Le président
V         M. Peter Dudding
V         Le président
V         M. Peter Dudding
V         Le président
V         M. Peter Dudding

¹ 1530

¹ 1535

¹ 1540
V         Le président
V         M. Peter Dudding

¹ 1545
V         Le président
V         M. Matthew Geigen-Miller (directeur de l'éducation et des communications, National Youth in Care Network)

¹ 1550

¹ 1555

º 1600

º 1605
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross
V         

º 1610

º 1615
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross

º 1620
V         Le président
V         M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne)
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         M. Larry Spencer
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         M. Larry Spencer
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         M. Larry Spencer
V         M. Matthew Geigen-Miller

º 1625

º 1630
V         Le président
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         Le président
V         Mme Monique Guay (Laurentides, BQ)
V         

º 1635
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         Mme Monique Guay
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         Mme Monique Guay

º 1640
V         Le président
V         M. Peter Dudding
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président
V         M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.)
V         M. Peter Dudding

º 1645
V         M.Tonks
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         Le président

º 1650
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président

º 1655
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         M. Peter Dudding
V         Le président
V         M. Peter Dudding
V         M. Matthew Geigen-Miller
V         Le président
V         M. Matthew Geigen-Miller

» 1700
V         Le président
V         Mme Elspeth Ross
V         Le président










CANADA

Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 021 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 10 avril 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1520)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bonjour tout le monde.

    Je vois qu'il y a trois membres du sous-comité dont un membre de l'opposition, ce qui fait que nous pouvons commencer nos travaux. D'autres se joindront sans doute à nous selon leur disponibilité.

    Je dois vous avertir qu'il y a un faible risque de vote qui pourrait survenir à n'importe quel moment entre 15 h 30 et 17 h 30. C'est du moins ce que j'ai cru entendre. La sonnerie d'appel durerait une demi-heure, de sorte que nous ne devrions pas avoir à nous précipiter. Nous aurons sans doute la possibilité de terminer le tour de questions. Il sera probablement difficile de faire revenir tout le monde après le vote, mais nous ferons de notre mieux. Je voulais simplement vous en avertir pour faire ressortir qu'ici, il n'est jamais possible de prévoir avec certitude ce qui va se passer. Mais avec un peu de chance, nous allons nous en tirer.

    Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à nos invités qui représentent le Conseil d'adoption du Canada, l'organisme National Youth in Care Network ainsi que la Ligue pour le bien-être des enfants du Canada.

    Juste pour vous situer ce que nous cherchons et pour mettre les choses en contexte à l'intention de nos invités, notre sous-comité travaille sur un plan horizontal. Il examine ce qui se passe dans les ministères fédéraux qui interviennent dans le domaine de l'enfance. Nous avons plutôt tendance collectivement à nous intéresser au développement dans la petite enfance, et c'est ce que nous avons fait jusqu'à présent pour la population en général. Nous avons assez bien réussi, toujours collectivement, à faire inscrire certains éléments dans le discours du Trône et dans le budget.

    Il y a environ un an de cela, le sous-comité a décidé d'axer cette fois-ci ses travaux sur la condition des enfants autochtones. Après y avoir plus mûrement réfléchi, nous avons donc décidé de diviser nos travaux en quatre tranches, et ceci est en fait la première. Cette première tranche regroupe les enfants jusqu'à l'âge de six ans qui vivent dans les réserves, la tranche suivante concernera les enfants jusqu'à l'âge de six ans qui vivent à l'extérieur des réserves, la troisième tranche portera sur les enfants de 6 à 12 ans vivant dans les réserves et la quatrième sur les enfants de 6 à 12 ans vivant à l'extérieur des réserves.

    Nous savons qu'il s'agit dans un certain sens de lignes de démarcation artificielles. Les enfants grandissent et font leur chemin, et il y a des choses qui se passent à un moment donné de l'enfance qui ont des répercussions sur la vie de ces enfants plus tard. Les enfants ne restent pas toujours non plus à la même place, et parfois ils sortent des réserves.

    Étant donné que notre première étude est axée sur les enfants de 0 à 6 ans vivant dans les réserves, nous voulons tout particulièrement demander à nos témoins en quoi la situation des jeunes enfants autochtones vivant dans les réserves intéresse les organismes dont ils font partie. Un événement qui se passe ici a des conséquences ailleurs. J'espère donc que c'est là le contexte dont on vous a plus ou moins fait part pour ce qui est de ce que nous voulons apprendre de vous.

¹  +-(1525)  

+-

     J'ai ici la liste des intervenants qui est dressée selon l'ordre alphabétique des organismes que vous représentez. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous concerter à ce sujet, et nous pourrions toujours suivre l'ordre indiqué.

+-

    M. Peter Dudding (directeur général, Ligue pour le bien-être des enfants du Canada et codirecteur du Centre d'excellence pour le bien-être et la protection des enfants): Suivez simplement l'ordre qui figure sur la liste, John, car nous ne nous sommes pas concertés.

+-

    Le président: Fort bien. Nous allons donc commencer par entendre Elspeth Ross du Conseil d'adoption du Canada, passer ensuite à Matthew Geigen-Miller du National Youth in Care Network et, enfin, Peter Dudding de la Ligue pour le bien-être des enfants du Canada.

    Commençons donc par vous, Elspeth.

+-

    Mme Elspeth Ross (membre du conseil et secrétaire, Conseil d'adoption du Canada): J'allais vous proposer d'intervenir en dernier lieu parce que l'adoption est peut-être un élément de solution à certains des problèmes concernant les enfants placés. Si nous voulions commencer par étudier la situation à cet égard, je serais prête à intervenir plus tard.

+-

    Le président: Procédons donc ainsi.

    Je ne sais pas par lequel de vous deux il serait plus logique de commencer.

+-

    M. Peter Dudding: Matt vient de me glisser à l'oreille qu'il espérait parler après moi, je vais donc commencer.

+-

    Le président: Pour un président de séance, les meilleurs plans finissent toujours par...

+-

    M. Peter Dudding: Nous avons un ordre.

+-

    Le président: Nous avons effectivement un ordre, et c'est exactement le contraire de ce qui avait été proposé.

    L'une des choses que d'autres témoins nous ont apprises, au très grand étonnement d'ailleurs de ceux d'entre nous qui n'y avaient pas pensé, c'est que le placement est devenu, non pas nécessairement une bonne solution, mais plutôt une solution qui permet à certains enfants autochtones et à leurs familles d'avoir accès à des programmes qui leur auraient été sinon inaccessibles s'il n'y avait pas eu placement. C'est l'un des énormes paradoxes qui nous a frappés par sa tristesse.

    Cela étant dit, Peter, commençons donc par vous.

+-

    M. Peter Dudding: Merci beaucoup, John, et merci aussi au comité qui nous a invités à comparaître aujourd'hui. Je voudrais commencer, si vous voulez bien, par un petit historique. Je vous ai fait parvenir des notes, et vous y trouverez plus de détails sur ce dont je vais vous parler.

    La Ligue pour le bien-être des enfants du Canada est une organisation nationale de bénévoles. Nous nous soucions particulièrement des enfants, des jeunes gens et de leurs familles qui sont en état de vulnérabilité, en particulier des enfants qui ont eu affaire avec le système d'aide à l'enfance, le système d'aide à la santé mentale des enfants et le système de justice pour les jeunes. Ce sont là les trois domaines qui nous intéressent surtout. Nous représentons 104 membres répartis un peu partout au Canada, y compris, je le dis en passant, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les associations provinciales et les universités qui interviennent dans les programmes d'aide à l'enfance et aux familles.

    Notre ligue compte également des représentants des services familiaux et des services d'aide à l'enfance des Premières nations, et nous en avons également à notre conseil d'administration. Aujourd'hui, je représente également ici le Centre d'excellence pour le bien-être et la protection des enfants, une initiative nationale de recherche à vocation pratique conduite par la Ligue pour le bien-être des enfants avec nos partenaires de recherche à l'Université de Toronto et à l'Université de Montréal. Nous avons également institué l'an dernier en partenariat avec la First Nations Child and Family Caring Society du Canada un site de recherche propre aux Premières nations. Ce site est situé à l'Université du Manitoba où les Premières nations y conduisent un programme de recherche axé de façon extrêmement précise, vous l'aurez compris, sur le bien-être de l'enfance dans les Premières nations.

    Quoique notre ligue s'intéresse énormément à tout ce qui concerne le bien-être des enfants autochtones, nous ne prétendons pas être les porte-parole des organismes d'aide à l'enfance autochtone. Je voudrais que cela soit bien compris. Ce n'est pas là notre but. Nous exhortons plutôt le comité à s'adresser directement aux Autochtones et à leurs organisations afin de leur demander leur sentiment.

    Il est vrai, chaque fois que je parle au Canada, peu importe où, du dossier du bien-être de l'enfance autochtone—et j'ai souvent l'occasion de le faire—que l'impact du système des pensionnats et du système d'aide à l'enfance en général a été extrêmement négatif sur les Autochtones des Premières nations. Les problèmes comme la perte d'identité et la déperdition de la culture, l'éclatement des familles, le racisme et l'assimilation ont tous pu être nettement associés aux très nombreux cas de maltraitance, de négligence, de violence, d'éclatement des familles, d'alcoolisme et de toxicomanie. Il est clair qu'il doit y avoir des façons plus efficaces de traiter ce genre de problèmes pourtant très réels.

    Depuis une dizaine d'années, les organismes d'aide à l'enfance partout au Canada constatent une augmentation importante du nombre d'enfants et de familles auprès desquels ils interviennent dans la communauté, et plus particulièrement du nombre d'enfants placés. Voilà précisément, John, ce dont vous venez de nous parler à propos des résultats du système de placement.

    De fait, on estime que le nombre d'enfants placés est passé d'environ 40 000 en 1996 à environ 65 000 en 2001, même s'il n'existe aucune statistique nationale digne de foi. Et c'est d'ailleurs une question à laquelle je reviendrai un peu plus tard. Pour plus de précision, ce chiffre—de 40 000 à 65 000—comprend tous les enfants pris en charge par le système public, et pas uniquement des enfants autochtones, que cela soit bien compris. Par contre, nous savons que les enfants issus de familles pauvres et les enfants autochtones sont très nettement majoritaires dans cette population. D'ailleurs, dans le cas de l'Ouest, il est fréquent d'avoir, dans des provinces comme le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique, 70 à 80 p. 100 des enfants pris en charge par le système provincial avoir des ascendances autochtones. Ce sont des chiffres qui laissent vraiment pensifs.

    J'en ai discuté avec les gens du ministère des Affaires indiennes, et ils constatent également que le nombre d'enfants autochtones—ceux qui vivent dans les réserves—a augmenté en moyenne de 13 p. 100 par an. Il s'agit donc là d'un taux de croissance considérable.

    Ce que nous constatons, je crois, c'est que le système public d'aide à l'enfance, c'est-à-dire le placement familial, le placement en foyer collectif et le placement en établissement de soins, a bien du mal à s'occuper des besoins de 40 000 enfants. Je ne pense pas que nous puissions un seul instant croire qu'avec 65 000 enfants, nous nous en tirons beaucoup mieux, même si à l'heure actuelle, il n'existe aucune statistique significative qui nous éclaire sur la trajectoire et la vie de cette couche de la population. Ici encore, c'est une question à laquelle je reviendrai plus tard.

¹  +-(1530)  

    Une des choses sur lesquelles je veux vraiment insister, c'est que, depuis la réduction en 1995-1996 des transferts fédéraux aux provinces et la mise en oeuvre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, nous avons été témoins d'une baisse marquée du niveau des dépenses au titre des services aux personnes—des fonds pour d'importants programmes destinés aux familles vulnérables, comme le soutien du revenu, le logement, le soutien à la famille et les programmes de counseling. Tous ces programmes, à cause de l'effet de cascade, ont perdu de leur ampleur, si bien que le nombre d'enfants signalés à l'attention du système d'aide à l'enfance a augmenté.

    Du point de vue de l'aide à l'enfance, la mise sur pied du Programme d'action national pour les enfants, bien qu'il semble très prometteur, ne s'est pas traduit jusqu'à maintenant par beaucoup de résultats concrets sous forme de services aux familles et aux enfants, même s'il convient de signaler que l'initiative pour la petite enfance n'a en fait été mise sur pied que récemment. Il convient de souligner également que le gouvernement fédéral continue à apporter une aide précieuse grâce à des programmes comme le PACE.

    Je tiens, par ailleurs, à faire remarquer que la prestation fiscale pour enfants, malgré ses objectifs louables, crée des problèmes du fait que beaucoup de provinces et de territoires ont décidé de récupérer cet argent des familles qui touchent déjà des prestations d'aide sociale. Cette façon de faire est inacceptable à notre avis, et le gouvernement fédéral devrait intervenir pour y mettre un terme.

    Je veux vous parler de la question des données et de l'évaluation des résultats à l'échelle nationale à laquelle j'ai fait allusion dans mon introduction. En fait, quand on parle du système d'aide à l'enfance au Canada, on parle finalement de 13 systèmes d'aide à l'enfance. Chaque province et chaque territoire a son propre système et recueille à sa façon des données sur ses services. Il n'existe donc pas vraiment de données nationales comme telles. Il n'est pas vraiment possible de recueillir, d'analyser ou d'utiliser de véritables données nationales qui puissent alimenter une discussion réfléchie.

    Contrairement à ce qui se fait au Canada, le gouvernement fédéral américain finance les systèmes mis en place par les divers États au titre de l'aide à l'enfance de même que les services d'aide aux enfants autochtones, et c'est lui qui établit les lois, les politiques, les normes et les orientations pour ces systèmes. Aux États-Unis, on peut facilement avoir accès à des données nationales sur les services d'aide à l'enfance et sur les cas de violence ou de négligence dont les enfants sont victimes, tant pour l'enfance en général que pour l'enfance autochtone. Au Canada, nous sommes vraiment un peu handicapés à cet égard, il me semble.

    Cela dit, je dirais qu'il y a tout de même eu certaines améliorations récentes. Il y a tout d'abord l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfantsou EIC, qui a pour la première fois en 1998 recueilli des données à partir d'un échantillon d'environ 7 600 cas du Canada tout entier, y compris des données sur l'aide à l'enfance autochtone. Comme il s'agit de la première étude de ce genre au Canada, nous n'avons pas accès à d'autres données qui nous permettraient de faire des comparaisons. Même si Santé Canada envisage de mettre sur pied un mécanisme de contrôle et de suivi, le ministère n'a encore posé aucun geste concret en ce sens.

    Deuxièmement, il y a l'initiative interprovinciale, à savoir l'étude appelée Child Welfare Outcomes, qui a été réalisée grâce à la collaboration entre les directeurs provinciaux et territoriaux de l'aide à l'enfance. Il est important de comprendre que les données qui y sont consignées ne sont finalement que d'une utilité très restreinte puisqu'elles ne représentent en fait que la mise en commun des données des 13 provinces et territoires, d'où l'optique très circonscrite.

    Ainsi, les provinces et territoires s'interrogent sur la capacité de ces systèmes à recueillir des informations sur les enfants autochtones vivant dans des familles d'accueil non autochtones. Nous n'avons pas pour l'instant de données à ce sujet. Nous espérons que l'étude appelée Child Welfare Outcomespermettra de commencer à remédier à cette lacune. L'initiative mérite en tout cas d'être élargie et soutenue afin d'en accroître l'utilité.

    Troisièmement, je veux vous parler du projet appelé Looking after Children in Canada: Assessing Outcomes for Children in the Care of the State, qui serait une première étape dans l'évaluation et le contrôle de la qualité des soins et des résultats obtenus pour les 65 000 enfants pris en charge par le système public. Le point de départ est un projet de recherche qui a débuté en Angleterre et qui s'est depuis étendu à 14 pays.

¹  +-(1535)  

    La Ligue pour le bien-être des enfants du Canada est au premier plan des efforts pour appuyer la mise en oeuvre de Looking After Children in Canada, de concert avec les directeurs provinciaux et territoriaux de l'aide à l'enfance et la First Nations Child and Family Caring Society. L'initiative est financée par Développement des ressources humaines Canada, par l'entremise de sa direction du développement social, et elle vient tout juste d'être lancée. Il y a toutefois eu du travail de développement qui a déjà été fait en Ontario, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest, et nous espérons que les autres provinces emboîteront le pas en 2002-2003.

    Looking After Children in Canada promet en fait d'être une occasion d'évaluer le système de protection de l'enfance et de faire constamment et systématiquement le point, à l'aide d'outils fiables et valides, sur ce qui se fait de bien en matière de développement de l'enfance et de la jeunesse afin d'en faire la promotion. Le plus important, outre qu'il faut s'assurer d'avoir de bons outils cliniques, c'est de faire en sorte que, en tant que société parent, nous nous acquittions le mieux possible de notre responsabilité à l'égard de ces enfants. Les outils en question permettront aussi de recueillir des informations sur les groupes d'enfants au niveau local, provincial, national et même international afin d'établir des comparaisons.

    L'utilité de cette initiative tient aussi au fait que nous allons pouvoir comparer l'ensemble des enfants canadiens avec cette population à besoins très spéciaux à partir des données recueillies dans l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes. Nous pourrons, par exemple, examiner cette population d'enfants pris en charge par l'État et établir des comparaisons avec l'ensemble des enfants.

    Ainsi, il est très intéressant de se pencher sur un aspect particulier comme les besoins en matière d'éducation spécialisée. Cela ne surprendra sans doute personne ici au comité de savoir que les enfants pris en charge par l'État, comme le laisse entrevoir le peu d'information que nous avons, sont généralement beaucoup plus susceptibles d'avoir été évalués comme ayant des besoins en matière d'éducation spécialisée. Ce qu'il est intéressant de constater—et, encore là, c'est une conclusion qui ressort du peu d'information que nous avons pu recueillir—ensuite, c'est que leur taux de participation aux programmes d'éducation spécialisée est plus faible que celui de l'ensemble des enfants. Comme nous savons que l'éducation est un des plus importants déterminants de la trajectoire de développement que suivra l'enfant toute sa vie durant, il est absolument capital que nous ayons des informations à ce sujet pour nos enfants autochtones et je dirais même pour tous nos enfants aussi.

    La Ligue pour le bien-être des enfants du Canada travaille en très étroite collaboration avec les organismes des Premières nations afin de s'assurer que le modèle de Looking After Childrenqui sera élaboré tiendra compte des particularités culturelles des enfants autochtones. Il s'agit d'un projet à long terme auquel participent les provinces, les territoires et les organismes autochtones et auquel participera aussi, nous l'espérons, Développement des ressources humaines Canada.

    L'autre grand thème que je veux aborder avec vous est l'émergence de services d'aide à l'enfance autochtone. Je pense bien qu'il s'agit là d'une excellente nouvelle, car l'élaboration de services d'aide à l'enfance autochtone régis et mis en oeuvre par les Autochtones eux-mêmes a l'entier appui de la Ligue pour le bien-être des enfants du Canada. Le système de services doit toutefois être conçu et appuyé de manière à répondre aux besoins particuliers des enfants et des familles autochtones dans les réserves et hors réserve. L'objectif ici n'est pas simplement d'avoir un système qui reflète en tout point le système d'aide à l'enfance qui vise l'ensemble de la population. Personne ne gagnerait à ce qu'il en soit ainsi. L'objectif doit plutôt être de bien mettre l'accent sur des programmes de développement communautaire et de soutien à la famille dans les collectivités des Premières nations.

    Il y a eu d'importants progrès dans la croissance et l'émergence de ces organismes d'aide à l'enfance autochtone. Pour vous donner une idée de l'ampleur de ce mouvement, je peux vous dire qu'il y a maintenant 17 organismes de services aux enfants et aux familles autochtones dans la seule province de la Saskatchewan. La tendance s'étend aussi à d'autres provinces. Ainsi, des organismes d'aide à l'enfance autochtone exemplaires ont vu le jour, notamment Mi'kmaq Family and Children's Services en Nouvelle-Écosse, West Region Child and Family Services au Manitoba, qui soi dit en passant a remporté le prix Peter Drucker pour l'innovation en 1998, et Siksika Child and Family Servicesde l'Alberta.

    Ces organismes doivent toutefois affronter de nombreux défis et obstacles, comme la capacité de financement et l'élaboration de normes et de ressources qui répondent aux besoins particuliers des Autochtones, et ce, dans les 13 différents territoires législatifs dont ils se veulent le reflet. Permettez-moi de vous donner un exemple pour illustrer les problèmes qui se posent. Dans le cas de ces 17 organismes de la Saskatchewan dont je vous ai parlé, le problème tient à l'absence d'un noyau d'organisation central. Oui, les organismes reçoivent des fonds du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, mais ils doivent se débrouiller tout seuls pour obtenir les appuis dont ils ont besoin pour s'organiser et planifier, élaborer et coordonner leurs services. Or, ce n'est pas le cas des autres organismes de services de la Saskatchewan qui, par exemple, ont un ministère provincial qui s'occupe de coordonner et d'organiser les activités.

¹  +-(1540)  

    En 1999 et 2000, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et les organisations autochtones ont procédé à un examen de la politique nationale d'aide à l'enfance autochtone. Cet examen a permis de définir comme suit les éléments d'intervention clés: la correspondance entre les niveaux de financement et l'augmentation du volume des services et le sous-financement chronique des services d'aide à l'enfance autochtone.

    Voilà un élément intéressant. On ne s'y attendait pas, mais dans de nombreuses collectivités, les besoins ont toujours été supérieurs aux services offerts, mais à mesure que les moyens des agences autochtones augmentent, la demande de services augmente également, tout particulièrement lorsqu'on passe d'un fournisseur de services à caractère général à un fournisseur de services culturellement adaptés. C'est un peu comme si l'organe avait créé la fonction.

    Le second problème qui a été évoqué était le fait que, sous réserve de ce qu'on appelle la directive 20-1, le ministère des Affaires indiennes exige que le système d'aide à l'enfance autochtone soit le reflet des lois et des politiques en la matière au niveau des provinces et des territoires. En fait, ce concept limite les pouvoirs publics autochtones lorsqu'ils doivent mettre au point leur propre système culturellement adapté. En effet, ils sont censés respecter la loi ou la politique de la province, de sorte qu'en réalité, ils se retrouvent aux prises avec les mêmes problèmes que ceux qui affligent le système provincial d'aide à l'enfance en général.

    L'autre problématique concerne toute la question de la limitation des services offerts aux Autochtones vivant dans les réserves ou à l'extérieur de celles-ci. Ici, il est vraiment impératif de préciser ce qu'il en est dans l'intérêt même des enfants autochtones.

    Il existe également un très grand nombre d'excellents exemples de services offerts aux enfants et aux jeunes autochtones dans le cadre du système général d'aide à l'enfance. Nous devons reconnaître tout ce qui a déjà été fait et, de la même façon, reconnaître aussi que la législation comporte déjà des mesures spéciales destinées aux enfants autochtones. Par contre, il n'en demeure pas moins que le système général est obligé de faire sans cesse du rattrapage dans le cas des services qu'il offre aux enfants autochtones.

    Je voudrais attirer l'attention du comité sur un de ces exemples qui est la refonte complète des services qui est actuellement en cours au Manitoba. Je ne sais pas si on vous a déjà fait un exposé à ce sujet.

+-

    Le président: Je peux confirmer à l'intention des membres du comité que nous allons entendre le ministre des Services à la famille et du Logement du Manitoba, Tim Sale, le mois prochain.

+-

    M. Peter Dudding: Excellent. Vous aurez ainsi beaucoup plus de détails à ce sujet. Je me contenterai donc de vous dire que la province va créer deux organismes autochtones de même qu'un organisme métis et que les trois auront la responsabilité de la prestation des services à l'échelle de la province. C'est donc là à mon avis une façon d'assurer les services qui est à la fois novatrice et prometteuse.

    Le moment est maintenant venu, il me semble, pour que le gouvernement national envisage sérieusement, lui aussi, la possibilité de créer un cadre national d'aide à l'enfance autochtone qui engloberait une aide financière ainsi qu'un soutien au titre de l'information stratégique. Ce qu'il nous faut absolument comprendre, c'est que le système doit être nettement régi et géré par les Autochtones.

    Le cadre d'action devrait idéalement favoriser l'émergence d'une version autochtone de l'avenir des enfants et des familles autochtones. Il convient de signaler, à ce propos, que l'expérience américaine entourant la mise en oeuvre de la Loi de l'aide à l'enfance indienne a eu des conséquences très favorables en ce qu'elle leur a permis de prendre graduellement la responsabilité de l'avenir de leurs enfants au cours des 10 années qui ont suivi l'adoption de cette loi.

    Je voudrais maintenant vous parler rapidement de normes et d'accréditation. Encore là, la bonne nouvelle, c'est que cette tendance croissante à transférer la responsabilité de l'aide à l'enfance autochtone des services destinés à l'ensemble de la population aux organismes communautaires se poursuit, et nous y sommes entièrement acquis. Le nouveau modèle de services crée toutefois un besoin assez urgent, à notre avis, pour ce qui est d'assurer la qualité des services, le respect des normes et la reddition de comptes.

    Le fait est qu'il n'y a pas de normes canadiennes reconnues qui régissent les services à l'enfance et à la famille, les services d'aide à l'enfance. Dans certaines provinces, il y a des normes minimales pour l'obtention d'un permis, tandis que, dans d'autres, on a cherché à établir des programmes volontaires d'auto-accréditation. Dans certains cas, on s'inspire des programmes d'accréditation américains, comme celui du Council on Accreditation. Mais il n'existe pas à l'heure actuelle de normes ni de programmes d'accréditation pour les services destinés à l'ensemble de la population ni pour ceux qui visent à répondre aux besoins particuliers des enfants autochtones.

    Un consortium d'organisations nationales et provinciales ainsi que d'universités examine en ce moment la possibilité de créer des normes nationales pour les services à l'enfance et à la famille, notamment pour les services d'aide à l'enfance et les services d'aide à l'enfance autochtone. L'appui du gouvernement national et des gouvernements provinciaux sera essentiel à l'établissement de normes convenables et de critères objectifs d'accréditation afin d'assurer la qualité et la responsabilité de ces services d'une importance vitale. Nous pouvons bien sûr nous tourner vers la collectivité et lui demander de jouer un rôle accru dans ce domaine d'une importance cruciale, mais il nous incombe à tous, selon moi, de veiller à ce qu'elle ait les outils nécessaires pour s'acquitter de la tâche que nous voulons ainsi lui confier.

    Voilà qui m'amène finalement aux recommandations que je voudrais vous soumettre. La première est que le gouvernement fédéral travaille de concert avec les provinces et les territoires, les organisations autochtones ainsi que le secteur bénévole pour créer un système national de collecte de données et d'évaluation des résultats relativement aux programmes d'aide à l'enfance, qui aurait un volet plus particulièrement axé sur les Autochtones.

    Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait appuyer le travail du secteur bénévole, des universités et des organisations autochtones ainsi que celui des provinces pour ce qui est d'élaborer et de mettre en place un programme indépendant d'accréditation des services d'aide à l'enfance. Les critères d'accréditation devraient bien sûr tenir compte des particularités des services d'aide à l'enfance autochtone.

    Enfin, le gouvernement fédéral, en collaboration avec les organisations autochtones, devrait examiner la possibilité de créer un programme global d'aide à l'enfance autochtone, en consultation avec les provinces et les territoires et en tenant compte, bien entendu, des accords d'autonomie gouvernementale.

    J'invite le comité dans l'intervalle à étudier les recommandations issues de l'examen de la politique nationale dont j'ai parlé tout à l'heure et à s'entretenir avec nos collègues des Affaires indiennes et du Nord canadien sur la suite à y donner.

    Merci beaucoup de votre temps et de votre attention.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Peter.

    Le témoin suivant est quelqu'un que je me souviens d'avoir rencontré il y a deux ans environ à une rencontre de la Sparrow Lake Alliance, dans cette région de l'Ontario où les chalets abondent. Je suis heureux de vous revoir.

    Parlez-nous de votre organisation et de vos vues sur les questions auxquelles nous nous intéressons ici, Matthew.

+-

    M. Matthew Geigen-Miller (directeur de l'éducation et des communications, National Youth in Care Network): Merci beaucoup.

    Je tiens à remercier le sous-comité d'avoir invité le National Youth in Care Network à lui présenter un exposé.

    Je vais d'abord établir les paramètres de l'exposé que je vous présente aujourd'hui. Premièrement, l'exposé sera bref, car c'et généralement ce que les gens préfèrent. Deuxièmement, le National Youth in Care Network est une organisation unique en son genre dans le secteur de l'aide à l'enfance, car notre mandat et nos activités nous sont dictés uniquement par des jeunes qui ont été à un moment donné des pupilles de l'État. En règle générale, cela signifie qu'ils ont été pris en charge par le système d'aide à l'enfance.

    Nos administrateurs, nos bénévoles et tous les membres de notre personnel, sauf pour une personne qui s'occupe d'administration, sont des jeunes de moins de 25 ans qui ont été des pupilles de l'État, la plupart d'entre eux étant passés par le système d'aide à l'enfance.

    Nous avons à notre conseil d'administration une jeune femme qui a la responsabilité des questions autochtones. Je ne suis pas en mesure de vous présenter de mémoire aujourd'hui parce que je ne pourrais pas le faire sans la consulter. Or, elle est actuellement en période d'examens, et c'est une période difficile pour elle.

    Le président: Elle a un bon sens des priorités.

    M. Matthew Geigen-Miller: Je suis aussi de cet avis.

    Nous vous ferons parvenir un mémoire très bientôt, mais je ne suis pas bien placé pour vous présenter quelque chose par écrit maintenant. Je ne suis certainement pas en mesure non plus de parler au nom des jeunes autochtones en milieu d'accueil. Je suis toutefois en mesure de vous parler au nom de mon organisation et de vous rapporter ce que nous avons pu observer et ce que nos membres nous ont dit.

    Depuis sa création, le National Youth in Care Network a toujours compté beaucoup de jeunes autochtones qui étaient en milieu d'accueil ou qui l'avaient déjà été, parmi ses agents de projets, parmi ses membres et parmi ses hautes instances, c'est-à-dire au conseil d'administration. Il ne faut pas conclure pour autant que nos membres ont des liens étroits avec la communauté autochtone. La plupart d'entre eux sont des jeunes qui ont été séparés de leurs collectivités, qu'on a retirés bien souvent de leurs réserves à un très jeune âge et qui n'ont eu aucun contact avec leur famille biologique, avec leurs collectivités ou avec leur culture pendant des années. Ces jeunes sont la règle plutôt que l'exception.

    Il convient de vous faire remarquer que l'âge de nos membres va de 14 à 24 ans. Ceux qui font maintenant partie du National Youth in Care Network ont donc eu affaire au système d'aide à l'enfance avant l'arrivée des services à l'enfance et à la famille autochtone. Ces services n'existaient pas quand ils ont dû être pris en charge, et ces services n'ont pas la moindre obligation à leur endroit.

    Permettez-moi donc de vous parler de l'expérience de beaucoup de nos membres qui sont au stade de l'adolescence et qui font ainsi la transition vers l'âge adulte. Bien souvent, quand ils arrivent chez nous, ils en sont au tout début du processus qui leur permettra de renouer avec leur communauté et leur culture et parfois aussi avec leur famille biologique, et de négocier les rapports qu'ils auront avec cette communauté et cette culture. Ils sont donc aux prises avec des contradictions énormes. Bien souvent, ces jeunes ont été séparés de leur culture, mais ils ont aussi, bien sûr, été arrachés à leur milieu géographique. Même si, à l'origine, ils étaient d'une région rurale isolée, ils ont ensuite vécu bien des années en milieu urbain et ils ont grandi dans une culture urbaine.

    Nos membres autochtones qui ont été pris en charge par le système d'aide à l'enfance sont aux prises avec d'énormes contradictions. C'est de cette expérience que nous pouvons vous parler.

    Le projet le plus important que nous avons lancé au National Youth in Care Network à l'intention des jeunes autochtones en milieu d'accueil, vise à créer un réseau de jeunes en milieu d'accueil pour les jeunes Autochtones qui exercerait son activité en tandem, mais aussi en collaboration avec l'actuel National Youth in Care Network de même qu'avec les groupes communautaires et régionaux existants de jeunes en milieu d'accueil dans les différentes régions du pays. Les discussions à ce sujet sont déjà bien amorcées avec les dirigeants des organisations autochtones ainsi qu'avec les jeunes eux-mêmes, sur le plan individuel et communautaire, et elles semblent très prometteuses.

    Pour ce qui est du fond de mon exposé, voici deux questions clés que j'aimerais porter à votre attention. Il y a tout d'abord l'importance de la voix des jeunes. Je n'aime pas me présenter à des rencontres comme celle-ci et dire: «Pourquoi les jeunes ne sont-ils pas représentés ici?», puisque de toute évidence, je suis là. On a de bonnes intentions, c'est sûr. J'estime toutefois qu'il est important de bien faire comprendre à quel point il est important de faire venir des jeunes Autochtones en milieu d'accueil et d'autres jeunes Autochtones pour s'entretenir directement avec le comité. Je ne sais pas si vous avez prévu de rencontrer de ces jeunes. Comme je vous l'ai expliqué, les jeunes Autochtones en milieu d'accueil ont bien souvent été séparés de leur communauté et de leur culture. Ils n'ont donc pas de lien avec les groupes qui représentent traditionnellement les Autochtones, les conseils de bande, les organisations de jeunes Autochtones qui représentent les enfants et les jeunes des réserves.

¹  +-(1550)  

    J'ai lu les exposés que vous ont présentés certains des témoins que vous avez entendus. Je crois savoir que vous allez consulter les collectivités autochtones. Ces témoins que vous avez entendus, les chefs et les autres qui font partie des structures traditionnelles, ne sont toutefois pas très bien placés pour vous parler de l'expérience des jeunes autochtones qui ont grandi dans des structures d'accueil parce qu'il n'y a aucun lien entre eux. Il y a en fait un écart énorme entre eux du fait de l'intervention des services de protection de l'enfance qui ont retiré ces enfants de leurs collectivités pour les placer, bien souvent, dans une famille ou une maison d'accueil non autochtone en milieu urbain. Il est donc important de souligner l'existence de ce fossé.

    Je tiens à vous faire une proposition de la part du National Youth in Care Network: si vous nous le demandiez, nous serions très heureux de prendre les dispositions voulues pour réunir un groupe de jeunes autochtones qui ont été élevés dans des structures d'accueil et qui pourraient venir vous rencontrer. L'échange serait utile. Nous pourrions amener devant vous des jeunes des réserves. Nous pourrions également vous faire rencontrer des personnes qui ont été séparées de leurs collectivités et placées dans un milieu urbain.

    Il serait très utile que le comité entende ces jeunes, premièrement parce que la question de l'aide à l'enfance et des enfants autochtones est très importante et, deuxièmement, parce qu'une fois qu'ils seront devant vous, vous aurez sûrement beaucoup d'autres questions à leur poser au sujet de l'aide à l'enfance. L'invitation est donc lancée.

    J'ai également obtenu l'aide du Conseil canadien des protecteurs provinciaux des enfants et des jeunes pour réunir un groupe de témoins que vous pourriez entendre. Il s'agit du conseil qui regroupe tous les bureaux des protecteurs provinciaux des enfants. J'en ai parlé cet après-midi avec la présidente du conseil, Mme Deborah Parker-Loewen, qui s'est dit tout à fait prête à collaborer avec nous pour réunir un groupe de témoins que vous pourriez entendre, si vous le souhaitez. Je vous implore d'accepter l'offre.

    Il est bien connu et documenté que les enfants et les jeunes autochtones sont surreprésentés dans les systèmes provinciaux et territoriaux de protection de l'enfance. Cela vaut tout particulièrement pour les provinces de l'Ouest, comme Peter l'a indiqué. On entend toutes sortes de chiffres à ce sujet. Il est toutefois important de se rappeler, comme l'a dit Peter, qu'il y a très peu de données à l'échelle nationale; il n'en existe à peu près pas.

    On peut certainement obtenir différents ensembles de données statistiques, mais il s'agit généralement d'informations provenant des différentes provinces et des différents territoires qui ne sont pas nécessairement très comparables ou qui ne sont pas parfaitement comparables et qui sont compilées afin de se faire une idée de la situation à l'échelle nationale. La tâche est toutefois très difficile. Quiconque s'intéresse aux enjeux de l'aide à l'enfance à l'échelle nationale en est conscient.

    Voici quelques chiffres, que vous connaissez peut-être, pour illustrer mon propos. En mars 1999, les enfants autochtones, c'est-à-dire ceux qui avaient le statut d'Indien inscrit, ceux qui ne l'avaient pas, ceux qui pourraient l'avoir, ceux dont le statut est inconnu, de même que les Inuits et les Métis, représentaient 37 p. 100 de tous les enfants ayant besoin de protection aux termes de la Loi de l'aide à l'enfance en Alberta; les enfants autochtones dans des structures d'accueil représentaient environ 30 p. 100 de tous les enfants ayant besoin de protection en Colombie-Britannique; et, d'après les chiffres estimatifs que j'ai obtenus du Conseil canadien des protecteurs des enfants et des jeunes, la proportion serait plus près de 70 ou 80 p. 100 en Saskatchewan et au Manitoba, et elle atteindrait même de 70 à 90  p. 100 dans les territoires, c'est-à-dire dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut.

    Les chiffres que je viens d'énumérer sont importants car, quand on parle de services d'aide à l'enfance, notamment dans l'ouest du pays, on peut dire qu'il s'agit essentiellement de services aux enfants et aux jeunes autochtones. La très grande majorité, ou en tout cas la majorité, des enfants et des jeunes qui bénéficient de ces services proviennent de collectivités autochtones.

    Les enfants et les jeunes autochtones sont partie intégrante de toute discussion sur l'aide à l'enfance et toute discussion valable sur l'aide à l'enfance doit prendre en considération les enfants et les jeunes autochtones, parce que le système d'aide à l'enfance a depuis toujours de profondes répercussions pour les jeunes autochtones eux-mêmes ainsi que pour leurs collectivités.

¹  +-(1555)  

    Si nous acceptons comme principe qu'on ne peut pas discuter des enfants et des jeunes Autochtones sans parler des services d'aide à l'enfance—ce qui est bien; c'est d'ailleurs ce que nous sommes en train de faire aujourd'hui—, il faut aussi reconnaître à ce moment-là qu'on ne peut pas parler des services d'aide à l'enfance de façon isolée. Ce que nous constatons, quand nous discutons avec nos membres et qu'ils nous font part de leurs expériences, c'est que le fait qu'on est en contact avec le système d'aide à l'enfance—et cela vaut, non pas seulement pour les enfants autochtones, mais pour tous les jeunes en milieu d'accueil—entraîne souvent l'intervention d'autres systèmes de services ainsi que d'autres systèmes de désavantages. Par systèmes de services, j'entends, disons, les services provinciaux de santé mentale ou les services aux jeunes délinquants ou encore les tribunaux pour jeunes. Quand je parle de systèmes de désavantages, je songe à des scénarios dans lesquels les jeunes se retrouvent comme l'exploitation sexuelle commerciale, l'itinérance, l'incarcération, etc.—la pauvreté en tout cas et bien d'autres situations où ils sont à risque.

    Toutes les constatations au sujet des enfants et des jeunes de la population en général qui sont en milieu d'accueil s'appliquent tout particulièrement aux enfants et aux jeunes Autochtones en milieu d'accueil. Ainsi, quand on vous dit que dans une province comme la Saskatchewan 80 p. 100 des enfants en milieu d'accueil sont des Autochtones et qu'on vous dit ensuite que près de 80 p. 100 des jeunes en détention sont des Autochtones, il vous faut savoir que, quand vous allez dans les centres de détention pour jeunes délinquants, les jeunes à qui vous avez affaire ne sont pas simplement des jeunes Autochtones incarcérés. Ce sont des jeunes Autochtones qui ont déjà été ou qui sont encore la responsabilité des services d'aide à l'enfance, le plus souvent, car les enfants visés par la protection de l'aide à l'enfance sont surreprésentés chez les jeunes délinquants. Bien souvent, il s'agit de jeunes qui ont vécu dans l'itinérance et qui ont été mêlés au commerce du sexe.

    Ce sont là autant de situations et d'enjeux qui se chevauchent. J'estime qu'il faut en tenir compte quand on examine les problèmes auxquels se heurtent les enfants et les jeunes Autochtones en milieu d'accueil. Il faut comprendre à quel point ces problèmes sont complexes et au nombre effarant de systèmes de services et de désavantages auxquels ces enfants et ces jeunes ont affaire.

    Pour ce qui est de ce qu'il faudrait faire, nous souscrivons aux recommandations que vous a présentées Peter. Il est très frustrant de ne pas avoir accès à des informations claires et pertinentes au niveau national. Il est difficile d'élaborer des politiques en l'absence de ces informations; il est difficile de préconiser des améliorations au système; il est difficile de dénoncer l'inacceptable quand on n'a pas une idée claire de la situation.

    Il y a encore beaucoup de travail au niveau fédéral. Un des arguments que j'entends souvent de la part du gouvernement fédéral, c'est que l'aide à l'enfance ne relève pas de la compétence fédérale. Je pense que tout le monde comprend que les enfants et les jeunes Autochtones, y compris les enfants et les jeunes en milieu d'accueil, relèvent de la compétence fédérale. Je crois que, de manière générale, l'aide à l'enfance est une responsabilité fédérale. Étant donné qu'il contribue de façon importante au système d'aide à l'enfance—sa contribution diminue avec les années, mais elle reste importante—, je suis scandalisé de constater que le gouvernement fédéral ne cherche pas à savoir où vont les fonds qu'il verse.

    L'année qui vient de se terminer a été horrible pour les services d'aide à l'enfance. Ces services sont aux abois dans beaucoup de provinces. Nous avons connu des compressions budgétaires énormes en Alberta. On a sabré dans les programmes d'insertion dans la collectivité en Colombie-Britannique. On a éliminé le Bureau du protecteur de l'enfance; on a éliminé ce poste de chien de garde qui devait veiller à assurer le respect des enfants en milieu d'accueil en Colombie-Britannique. C'est horrible. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu de levée de boucliers?

    Quand on demande une subvention de 25 000 $ au gouvernement fédéral, la paperasserie est vraiment incroyable pour ce qui est de remplir la demande et d'évaluer les résultats. Mais personne ne se soucie pas de savoir comment sont dépensés les millions de dollars qui sont remis chaque année aux provinces dans le cadre du TCSPS. Je trouve cela terrible. Je sais que les provinces et les territoires n'apprécient guère qu'on dise qu'il devrait y avoir davantage de conditions rattachées à l'argent qui leur est versé, mais le fait est que nous savons tous que ces conditions sont nécessaires. Cette idée n'a sûrement rien de nouveau pour votre sous-comité.

    Voilà, je me suis défoulé.

    Le président: Avec éloquence.

    M. Matthew Geigen-Miller: Ma recommandation la plus sentie serait que le comité comprenne que l'étude porte sur le groupe d'âge de zéro à six ans, puis sur le groupe de six à douze ans. Les études comme celles-là inquiètent beaucoup les organisations comme celle que je représente, car il en découle peut-être que l'on ne se préoccupe pas des adolescents.

    Nous savons que, partout au Canada, la situation des jeunes—les jeunes défavorisés, les jeunes en milieu d'accueil, les jeunes Autochtones, les jeunes détenus ou encore ceux qui tombent dans trois de ces catégories ou plus—n'est pas bonne et qu'elle s'aggrave. Nous en avons un certain nombre d'indicateurs. Il suffit de voir quels sont les taux d'incarcération, de voir ce qu'il advient des jeunes en milieu d'accueil qui quittent le milieu d'accueil, de voir combien il y a d'itinérants dans les villes, pour se rendre compte que la situation n'est pas bonne et qu'elle s'aggrave.

º  +-(1600)  

    La situation des jeunes, et plus particulièrement des jeunes Autochtones, doit à mon avis être explorée à fond. J'espère que votre comité pourra se pencher sur certaines de ces questions, si ce n'est dans le cadre de l'étude en cours, peut-être alors dans le cadre d'une autre étude. Encore une fois, je vous invite à appeler le National Youth in Care Network et d'autres organisations pour que nous vous aidions à réunir un groupe de jeunes témoins autochtones. Nous serions très heureux de vous aider dans vos démarches en ce sens.

º  +-(1605)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Matthew, pour cet excellent exposé. Nous voudrons sans doute revenir, peut-être plus tard dans la discussion, à la façon dont nous pourrions travailler ensemble.

    Je peux déjà vous faire part d'une chose dont nous sommes au courant, puisqu'il est question d'enfants et de jeunes Autochtones. Nous savons qu'au Sénat, la sénatrice Thelma Chalifoux a entrepris une autre étude qui vise les enfants un peu plus âgés. Nous voulons à tout prix éviter d'être en concurrence avec elle; nous voulons plutôt coordonner nos activités et travailler en étroite collaboration avec son groupe, sans pour autant lui piquer de ses idées.

    Je pense que nous allons revenir à cette question et que nous pourrons discuter un peu plus tard de la façon dont nous pourrions travailler ensemble. Votre offre est vraiment novatrice et très généreuse, et nous vous en remercions.

    Elspeth Ross.

+-

    Mme Elspeth Ross: Merci beaucoup de m'avoir invitée à vous adresser la parole ici aujourd'hui.

    Je suis venue vous parler au nom du Conseil d'adoption du Canada, organisation pour laquelle je travaille depuis bien des années. J'y ai dirigé les services d'administration de 1991, date de la création du conseil, jusqu'en 1997, et je continue à siéger comme membre du conseil d'administration et comme secrétaire du conseil. Je suis donc toujours au service de l'organisation.

+-

     Je dois vous dire que je suis essentiellement une bénévole. Le Conseil d'adoption du Canada n'est financé par aucun organisme gouvernemental, et pourtant, c'est la seule ONG nationale qui milite en faveur de l'adoption au Canada.

    Le financement du programme du Conseil d'adoption du Canada provient en grande partie des Enfants en attente du Canada, programme qui vise à sensibiliser les Canadiens aux enfants susceptibles d'être adoptés ici même au Canada. Le programme est financé par les restaurants Wendy's du Canada et par la Dave Thomas Foundation, organisme américain. Dave Thomas était un enfant adopté, c'est pourquoi il a investi dans la cause de l'adoption.

    Aujourd'hui, je vous parle à titre de parent adoptif d'enfants autochtones. Les enfants ont été adoptés à l'âge de 19 mois, trois ans et demi et 11 ans respectivement, et sont aujourd'hui âgés de 19, 22 et 24 ans. C'était des enfants aux besoins spéciaux et un peu plus vieux que la moyenne lorsque je les ai adoptés. Deux de mes enfants souffrent des effets de l'alcoolisme foetal.

    J'ai fait énormément de travail dans le domaine du syndrome de l'alcoolisme foetal, et je dirige un groupe de soutien ici à Ottawa, au Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario. Voilà un autre sujet que nous n'avons pas abordé encore aujourd'hui, mais qui nous intéresse vivement lorsqu'il est question d'enfants autochtones. Le syndrome ne touche pas seulement les enfants autochtones, bien sûr. Beaucoup d'enfants sont affectés par ce syndrome invisible.

    J'aimerais vous faire comprendre aussi que, bien souvent, on ne parle pas du tout d'adoption lorsqu'il est question d'aide sociale à l'enfance. Le Conseil d'adoption du Canada se retrouve considérablement marginalisé. Malheureusement, je suis passablement habitué à me retrouver à l'écart.

    Nous avons travaillé très fort pour faire inclure l'adoption parmi les activités des centres d'excellence pour la protection et le bien-être des enfants, et cela, en fait, n'en fait pas partie du tout. Souvent, nous constatons, lors de colloques ou de conférences, que l'on parle des dangers de l'attente, du déplacement constant des enfants, et du besoin de liens permanents pour les enfants, sans toutefois mentionner l'adoption.

    En ce qui concerne les peuples autochtones, l'adoption est très souvent mal vue. Compte tenu de l'expérience vécue dans les pensionnats des années 60, alors que les travailleurs sociaux sont venus et ont retiré tous les enfants sans se demander si ceux-ci avaient une famille, l'adoption, aujourd'hui, a bien mauvaise réputation. C'est pourquoi nous y jetons un regard aujourd'hui et nous nous demandons pourquoi nous n'étudions pas cette possibilité sérieusement pour certains enfants. Souvent, toute la question est passée sous silence.

    J'ai rédigé un document à l'attention des membres du comité. Je crois qu'il a déjà été traduit. J'aimerais vous en présenter quelques extraits. L'un de nos grands problèmes, c'est que nous ne reconnaissons pas le besoin de liens permanents chez les enfants, et nous ne consacrons pas d'efforts tangibles à envisager la permanence. Je pourrais intituler mon exposé d'aujourd'hui: «L'adoption, l'option négligée: La démarche oubliée», parce que nous ne pensons même pas à la possibilité de l'adoption pour les enfants plus vieux. Nous associons souvent l'adoption aux enfants chinois, mais non aux enfants autochtones. Lorsqu'il en est question, nous n'envisageons que des familles autochtones pour les enfants autochtones, et pourtant, il y a tant d'enfants en foyers d'accueil.

    Peter vous a présenté des statistiques. Il est très difficile de déterminer combien d'enfants se retrouvent en foyers d'accueil, en raison de conflits terminologiques d'une province à l'autre, mais nous estimons qu'il y a quelque 40 000 enfants permanemment placés. Ces enfants ne peuvent être renvoyés à leur famille naturelle. Ils sont déplacés, de sorte que certains connaissent jusqu'à 35 foyers différents. C'est pourquoi nous devrions d'abord considérer le besoin de liens permanents chez ces enfants.

    Certaines communautés autochtones tentent actuellement de procéder à des adoptions. On parlait auparavant d'adoption selon les coutumes indiennes. Il était fréquent qu'une famille prenne en charge les enfants d'une autre famille. C'était la coutume. Dans les Territoires du Nord-Ouest, l'adoption selon les coutumes indiennes est désormais autorisée par la loi. Mais dans bien des cas, nous ne faisons pas vraiment d'efforts en ce sens, et les enfants s'en trouvent déplacés jusqu'à 35 fois. Ce n'est pas une façon idéale de grandir. Les foyers d'accueil sont conçus comme une mesure temporaire. Malheureusement, beaucoup d'enfants terminent leurs études et, comme Matthew le sait, deviennent autonomes sans avoir connu une famille.

º  +-(1610)  

    L'adoption pourrait être une solution, mais comment y arriver? Il nous faut recruter les familles, et les efforts de recrutement sont minimes dans les provinces, en particulier en ce qui a trait au recrutement des familles autochtones pour l'adoption d'enfants autochtones et le recrutement de familles disposées à maintenir des liens avec les origines culturelles de leurs enfants pour que ceux-ci puissent grandir en connaissant leur culture.

    Lorsque je discute avec les Autochtones, je constate qu'ils sont méfiants lorsque j'affirme que je crois en l'adoption ouverte et en l'importance de maintenir mes enfants en contact avec leur culture. Dans certains cas, la chose est tout simplement impensable parce que l'on perçoit l'adoption comme le moyen d'éloigner les enfants de leur famille naturelle et de leur culture. Heureusement, ce n'est pas toujours le cas. Nous sommes nombreux à travailler très fort pour aider les enfants à maintenir un lien avec leur culture. Je ne suis pas du tout unique à cet égard.

    Nous ne saurions vraiment discuter d'adoption sans discuter d'adoption ouverte, une solution qui est si logique à notre époque. Souvent, il est possible de maintenir un certain contact avec la famille. Il nous faut étudier les différentes solutions qui existent en matière d'adoption par des parents et différentes formes de tutelle, et les subventions dont les familles ont besoin pour qu'elles puissent adopter des enfants ayant des besoins spéciaux—pour que les familles d'accueil puissent adopter.

    Il nous faut aussi considérer l'importance de la formation, tant des professionnels qui encadrent les familles que des familles elles-mêmes, pour qu'elles soient en mesure de prendre soin de ces enfants, qui souffrent souvent du syndrome de l'alcoolisme foetal, d'une déficience de l'attention et de troubles d'apprentissage et qui, en raison des nombreux déplacements qui leur ont été imposés, souffrent peut-être aussi de troubles affectifs, en plus de leurs besoins spéciaux de sensibilisation culturelle. Il est normal que les familles aient besoin de services et de références; et pourtant, on constate que, très souvent, les provinces ne portent pas attention à l'adoption et négligent d'encadrer les familles ou d'octroyer les subventions nécessaires. Les foyers d'accueil de traitement peuvent obtenir une certaine aide, mais les familles adoptives sont laissées à elles-mêmes, ce qui n'est tout simplement pas logique puisque nous prenons soin des mêmes enfants que les foyers d'accueil.

    Il nous faut consacrer nos efforts au rapatriement et à la réunification pour permettre aux enfants de réintégrer les réserves. Il nous faut collaborer de façon plus efficace. Mes collègues ont cité différents projets en cours un peu partout au pays, mais nous constatons souvent que l'adoption ne cadre pas dans ces efforts. Nous souhaitons vivement que des mesures soient prises pour favoriser un meilleur dialogue entre ceux d'entre nous qui travaillent avec le grand public et nos collègues qui travaillent auprès de la communauté autochtone et qui souhaitent ardemment s'occuper des enfants. Si nous pouvions unir nos efforts, nous pourrions apprendre les uns des autres et accomplir de grandes choses.

    L'adoption est de ressort provincial, mais le gouvernement fédéral pourrait aider à bien des égards, et j'ai ici des recommandations à ce sujet.

    Je suis tout à fait d'accord avec ce que mes deux collègues ont dit à propos d'une grave lacune de données au Canada. Aucun manuel n'a été publié sur l'adoption depuis 1984. Nous n'avons aucun manuel à proposer à un étudiant qui souhaite se spécialiser dans l'adoption. Il n'y a aucune source. L'Institut Vanier de la famille publie un bulletin sur l'adoption à tous les 10 ans, mais nous ne pouvons attendre 10 ans avant d'obtenir une analyse.

    Je soutiens qu'il y a une grave lacune à ce niveau. Bien sûr, nous pouvons établir la comparaison entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, mais ce sont des situations très différentes de la nôtre. En Grande-Bretagne, il y a le ministère de la Santé qui effectue énormément de recherches, y compris des travaux sur l'adoption. Il y a toutes sortes de projets fédéraux aux États-Unis, mais nous semblons accumuler du retard parce que nous ne tenons pas sérieusement compte du besoin de lien permanent qui existe chez les enfants.

    Nous ne savons pas combien d'enfants sont adoptés, combien d'enfants pourraient être adoptés, ni combien d'enfants sont placés. Nous ne savons pas vraiment combien d'enfants sont placés de façon permanente dans tout le pays. C'est ce qui a déjà été noté. C'est un grave problème qui affecte tous nos efforts de planification.

º  +-(1615)  

    Il nous faut vraiment nous pencher sur la redéfinition de la réussite d'une adoption. C'est là le neuvième paragraphe du document que je vous ai distribué. Autrefois, l'adoption, cela signifiait que l'on s'éloignait béatement vers le crépuscule et que tout était merveilleux. Il suffisait d'aimer l'enfant et tout irait pour le mieux. Aujourd'hui, nous avons compris que cela ne correspond pas tout à fait à la réalité, et ceux d'entre nous qui élevent ces enfants...et je dois dire que, avec mes enfants, nous avons connu d'énormes succès à certains égards, mais notre définition du succès est différente. L'obtention d'un diplôme d'études secondaires est un succès retentissant dans ma famille. Pour l'instant, le fait de garder un emploi ne semble pas tout à fait réalisable; l'aide à l'emploi est peut-être utile, mais nous avons une autre définition du succès.

    Ce qu'il faut bien comprendre, je crois, c'est que les enfants ont besoin d'une famille. Les enfants ne peuvent se permettre d'attendre qu'une famille les accueille, ni que leur famille naturelle guérisse... Nous espérons que cela se produira, mais dans la communauté autochtone, on reconnaît que les enfants ont besoin d'une famille. Souvent, il faut collaborer pour bien comprendre le besoin d'accélérer le processus, parce que les enfants ont besoin d'une famille immédiatement. Dans ce comité, nous parlons principalement des enfants de 0 à 6 ans. Les enfants en bas âge ont besoin d'une présence familiale stable, d'une famille dévouée en toutes circonstances, qui défendra vigoureusement l'enfant et veillera à ce qu'il obtienne les services dont il a besoin.

    J'espère que j'aurai le temps de terminer la lecture de mes recommandations. Je vous ai remis un document à cet effet. J'aimerais proposer des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre.

+-

    Le président: Je ne suis pas sûr si vos recommandations apparaissent sur un document à part. Combien de recommandations formulez-vous?

+-

    Mme Elspeth Ross: Il y en a sept. Elles ont été prises...

[Français]

+-

    Le président: Avez-vous les recommandations en français, ou si vous avez simplement les points en français?

[Traduction]

+-

    Mme Elspeth Ross: Le document français que vous avez entre les mains traite des questions à examiner, mais il y a un autre document où il est question de ce que le gouvernement fédéral pourrait faire.

[Français]

+-

    Le président: Est-ce que cela existe dans les deux langues?

[Traduction]

+-

    Mme Elspeth Ross: Je parle d'un autre document que celui-là.

+-

    Le président: Parce que, voyez-vous, ce document-ci est arrivé aujourd'hui, hélas, dans une seule langue, et je ne crois pas que nous...peut-être pourriez-vous nous en exposer les points saillants.

+-

    Mme Elspeth Ross: C'est en réponse à la question sur ce que pourrait faire le gouvernement fédéral. Puisque l'adoption est une question de compétence provinciale, il nous faut réfléchir au rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral dans ce domaine. Vous constaterez que certains de ces points ont déjà été abordés.

    La collecte et la diffusion nationales de données sur les enfants en foyer d'accueil et les enfants adoptés. Je crois que nous en avons déjà parlé.

    Nous recommandons de normaliser la terminologie pour faire en sorte que tout le monde sache de quoi il est question d'une province à l'autre. Le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle à ce chapitre, et c'est là quelque chose que les directeurs de l'aide sociale à l'enfance souhaitaient déjà, si j'ai bien compris. Je ne sais pas si cela se réalisera.

    Le financement et l'appui de la recherche dans le domaine de l'adoption. Il n'y a eu aucun programme fédéral de financement et de soutien pour la recherche dans le domaine depuis 1993. Il y a là un besoin criant parce que nous n'avons aucune donnée d'étude sur l'adoption des Autochtones, sur l'évolution des choses. Nous n'avons que des légendes urbaines selon lesquelles, dans bien des cas, le processus ne fonctionne pas du tout.

    Il nous faut combler l'écart entre l'aide à l'enfance et l'adoption chez les Autochtones d'une part, et dans la population générale d'autre part; il nous faut promouvoir l'adoption ouverte, l'adoption par un membre de la famille de même que la sensibilisation culturelle et la divulgation et les réunions.

    Nous recommandons le financement de colloques régionaux et nationaux sur l'adoption, auxquels prendraient part des partenaires communautaires, tant autochtones que non autochtones, les directeurs des services d'aide à l'enfance et les défenseurs provinciaux des droits des enfants. Il en a été question, on commence à être conscient du besoin de lien permanent, mais il faut faire des colloques.

    Nous recommandons des services fournis directement dans les réserves pour la mise sur pied de programmes d'adoption, par l'entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

    Il faut bonifier les subventions et améliorer les services offerts aux familles dont les enfants souffrent du syndrome d'alcoolisme foetal, dans les réserves et hors réserve, et aux individus atteints du SAF, et il faut prévoir un soutien pour pallier cette condition. C'est un problème qu'il faut aborder de front, et Santé Canada prend certaines mesures en ce sens.

    Il faut que l'adoption fasse partie de l'élaboration des politiques et des programmes liés au syndrome d'alcoolisme foetal.

    En outre, il faut réfléchir à l'adoption par rapport au problème des sans-abri et à une définition élargie du congé parental permettant de s'occuper des enfants et de l'assurance-emploi, au sein de Développement des ressources humaines Canada.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons passer directement aux questions. Nous avons eu une gamme très variée d'exposés intéressants, et je vois qu'ils concernent directement notre étude.

    Larry Spencer.

+-

    M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): J'ai beaucoup apprécié l'exposé d'Elspeth parce que je m'identifie totalement à elle, comme le président le sait. J'ai un fils autochtone adoptif et je suis d'accord avec votre suggestion que l'adoption pourrait être une solution permanente pour les enfants. En effet, les parents adoptifs procèdent selon des définitions différentes. Peut-être que nous nous satisfaisons de moins que d'autres, dans certains cas, et tout cela est tout à fait vrai.

    Vous avez été très claire dans votre exposé. Je vais donc poser quelques questions à Matthew, qui pourra m'aider à mieux comprendre ce que cela signifie de grandir dans le système d'aide sociale à l'enfance.

    Ai-je raison de présumer que vous faites partie de ce groupe, et que vous avez vous-même été en foyer d'accueil?

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: J'ai été à la charge du gouvernement dans le cadre de plus d'un système de services, mais je n'ai pas connu les foyers d'accueil et je ne crois pas que cela représente vraiment la réalité des enfants autochtones pris en charge. Comprenez-vous ce que je veux dire? Je ne saurais généraliser à partir de ma propre expérience, parce qu'elle n'est pas représentative. Je n'ai pas été en foyer d'accueil.

+-

    M. Larry Spencer: Vous définissez donc l'aide sociale à l'enfance comme étant le système des foyers d'accueil? Est-ce cela que vous voulez dire?

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: La grande majorité des enfants qui sont à la charge de l'État... Premièrement, je n'ai jamais été placé sous tutelle d'une province ou d'un territoire, et je n'ai jamais été placé dans un foyer d'accueil. J'ai été placé dans différents types de foyers résidentiels de l'État, y compris des centres de traitement, de santé mentale, des centres pour les jeunes délinquants et ainsi de suite, comme c'est le cas pour certains de notre peuple. En règle générale, je doute que ma propre expérience soit utile au comité.

+-

    M. Larry Spencer: Très bien. Je voudrais seulement savoir ce que vous entendez par «service d'aide à l'enfance». Qu'advient-il de l'enfant ou de l'adolescent qui bénéfice de ce genre de service? Qu'est-ce que le système lui apporte?

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: La façon dont les services d'aide à l'enfance sont organisés dans les provinces et les territoires...

+-

    M. Larry Spencer: Non, je ne veux pas savoir quelle est l'organisation pratique. Je veux savoir ce qui se passe réellement, dans le foyer, où vous êtes logés et où vous êtes nourris. Je voudrais connaître les détails de la vie de tous les jours.

    M. Matthew Geigen-Miller: Certainement.

    M. Larry Spencer: J'obtiens suffisamment de renseignements administratifs.

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: Les divers éléments sont interdépendants. Cela fait 15 ans que nos membres parlent des mêmes problèmes. Ils se sont inquiétés du manque de stabilité et de permanence. C'est une question dont Elspeth a parlé.

    Cela devient très compliqué car je n'ai entendu aucun de nos membres préconiser l'adoption. Bien entendu, dans notre cas, nous nous occupons des adolescents et des jeunes plus âgés. Ce sont des jeunes qui envisagent de vivre seuls et c'est dans cette voie qu'on les dirige. Le manque de permanence et de stabilité représente l'un des principaux problèmes. Vous avez un adolescent que les autorités viennent chercher dans des circonstances pénibles et qui est souvent placé dans un foyer nourricier d'urgence ou un foyer de groupe, selon son âge et les ressources disponibles. Ce placement est censé être temporaire. On s'aperçoit que certains de ces jeunes restent dans ces «foyers temporaires» pendant des mois et des mois parce qu'il n'y a pas d'autres endroits où les placer.

    L'organisme de protection de l'enfance de la province ou du territoire doit aller devant le tribunal pour faire valoir que l'enfant doit être pris en charge. Cela veut dire que le tribunal doit décider du sort d'un enfant qui est souvent très jeune étant donné que les services de protection de l'enfance ne retirent généralement pas les adolescents de leurs familles. Ils ont tendance à s'intéresser davantage aux très jeunes enfants. Cela se décide devant les tribunaux, parfois avec la participation de l'enfant, mais pas toujours. Toutes sortes de décisions sont prises sans même consulter ou informer l'intéressé, ce qui est très décourageant et très effrayant.

    Souvent, les enfants passent d'un foyer à l'autre. Elspeth en a parlé. J'espère que ce chiffre de 35 placements est l'exception. J'ai rencontré quelques personnes qui avaient fait l'objet de 35 placements, mais d'après les statistiques régionales, la moyenne est d'environ 11 placements d'ici l'âge de 16 ans. C'est quand même beaucoup, car lorsqu'un enfant pris en charge par les autorités de protection de l'enfance changent de foyer, cela veut dire parfois que son travailleur social vient le chercher chez lui sans avertissement, sans lui dire où il va en lui demandant de mettre toutes ses affaires dans des sacs de poubelle parce qu'une nouvelle maman, un nouveau papa ou un nouveau foyer de groupe l'attendent. Il va parfois changer de quartier ou de ville. Dans certains cas, c'est même dans une autre province.

    Il arrive que des adolescents soient transférés dans une autre province. Cela ne représente pas un nombre important, mais c'est une tendance intéressante—car les provinces des Maritimes disposent souvent de moins de ressources ou d'endroits pour placer des enfants, surtout s'ils ont de gros besoins. Elles les placent dans d'autres provinces comme la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario. Cela arrive dans certains cas. Des enfants sont ainsi transférés, parfois sans avertissement ou avec un préavis très bref, sans avoir leur mot à dire, sans être consulté.

    Il y a tout le problème de la stigmatisation, de la criminalisation et de la pathologisation. Tous ceux qui ont grandi dans le système de protection de l'enfance vous diront la même chose: lorsqu'on découvre qu'ils sont sous la garde des services d'aide à l'enfance et qu'ils vivent dans un foyer nourricier ou un foyer de groupe, on leur demande: «Vraiment? Qu'as-tu fait?» Ils sont stigmatisés. On leur demande ce qu'ils ont fait alors que cette question ne devrait évidemment pas être posée. Les enfants n'ont rien fait pour être pris en charge par les services de protection de l'enfance. C'est à cause de ce que leurs parents ont fait ou n'ont pas fait. Leur famille a-t-elle pu s'occuper d'eux? Était-ce un environnement sain? Ont-ils été négligés et peut-être même gravement maltraités?

    Mais c'est une situation très courante. Ces enfants sont stigmatisés, que ce soit dans la cour d'école, par leurs enseignants, leurs voisins ou d'autres gens et cela les perturbe beaucoup. Je crois qu'il serait très difficile de trouver un jeune qui a grandi sous la garde des services de protection de l'enfance qui n'a pas vécu cette expérience. Cela pose donc le problème de la stigmatisation.

    Ce qu'il y a d'inquiétant c'est que chaque fois que les services sociaux s'occupent d'un enfant, des effets négatifs pourront en résulter. Je crois que plus un être humain consulte les psychiatres, par exemple, plus on risque de lui trouver une maladie mentale quelconque. Lorsque vous êtes pris en charge...

    Le président: Ou ils risquent de devenir fous.

º  +-(1625)  

    M. Matthew Geigen-Miller: Il y a par exemple des psychiatres qui se spécialisent en schizophrénie et dont tous les patients sont schizophrènes. Cela vous donne une bonne idée de ce qui se passe, n'est-ce pas?

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Et si vous ne l'êtes pas maintenant, vous le deviendrez.

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: Absolument.

    Les enfants pris en charge font souvent l'objet d'erreur de diagnostic et se voient accoler toutes sortes d'étiquettes pathologiques qui leur font du tort. C'est un problème très alarmant, car lorsque l'enfant est placé dans un nouveau quartier, une nouvelle famille d'accueil, une nouvelle école, les travailleurs sociaux et autres intervenants s'empressent de dire aux enseignants et aux parents nourriciers: «Cet enfant est très perturbé. Il a tel et tel problème» ce qui représente un gros handicap. Ces renseignements ne sont d'ailleurs pas nécessairement exacts. Cela fait beaucoup de tort à l'enfant.

    Par conséquent, en plus de la stigmatisation qui vient de l'extérieur, il y a aussi les problèmes que pose la pathologisation et la façon dont le système aborde les choses. Le jeune se trouve donc coincé entre l'arbre et l'écorce, l'arbre étant la collectivité et l'écorce, le système de protection de l'enfance.

    Ce sont des expériences fréquentes.

+-

    Le président: Merci beaucoup. C'était une excellente question à laquelle on a donné une excellente réponse en une dizaine de minutes.

    Madame Guay.

[Français]

+-

    Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Je voulais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de vous être déplacés pour venir nous rencontrer. C'est toujours très intéressant et très important de prendre le pouls des gens qui travaillent dans la communauté. Il y a beaucoup de scientifiques qui viennent nous rencontrer, et il est intéressant et important d'avoir leur point de vue, mais il est aussi important d'avoir le point de vue des gens qui sont dans les communautés et qui travaillent auprès des jeunes autochtones.

    Vous parliez d'enfants sous tutelle. En français, au Québec, on parle d'enfants qui sont en foyer d'accueil. Si je comprends bien, c'est la même chose. D'accord.

+-

     Je peux vous parler de mon expérience. J'ai fait huit familles d'accueil de l'âge de 3 ans à l'âge de 17 ans. J'ai passé une bonne partie de ma vie dans ce milieu et je sais que ce n'est pas une vie facile pour un enfant. C'est très, très difficile. Chaque fois qu'on nous changeait de foyer, on se demandait toujours si c'était à cause de nous. Qu'est-ce qu'on avait fait? Qu'est-ce qu'on avait pu concocter? Pourquoi est-ce qu'on ne nous aimait pas? Donc, ce sont des vies très difficiles.

    Madame Ross, dans des cas d'adoption, c'est plus facile parce qu'on assure une certaine stabilité à l'enfant. Dans sa famille d'adoption, l'enfant est beaucoup plus important qu'il ne le serait dans une famille d'accueil, où les gens l'accueilleraient pour un an ou deux. Certaines personnes essaient de garder un enfant, mais se rendent finalement compte que cela ne leur convient pas, et l'enfant est amené dans une autre famille. J'ai vécu dans toutes sortes de quartiers et j'ai perdu des amis. Ce sont des vies qui ne sont pas faciles.

    Vous parliez tout à l'heure des juridictions provinciale et fédérale. Pour ma part, je relevais du système provincial du Québec. J'ai 43 ans aujourd'hui. À l'époque, il y a 30 ans, ce n'était pas du tout comme aujourd'hui. Au Québec, on a beaucoup modernisé les systèmes et on a essayé de trouver des systèmes de familles d'accueil qui pouvaient répondre aux besoins des enfants selon leurs âges et selon leurs besoins. Je m'explique.

    Pour les jeunes adolescents âgés de 12 à 17 ans, on peut avoir des foyers d'accueil de groupe. Ce sont des endroits où les jeunes vivent beaucoup plus de façon autonome. Ils se retrouvent entre jeunes. C'est beaucoup plus facile pour eux que d'essayer de les intégrer dans des familles qui sont déjà toutes formées et où il y a déjà un jeune. Ils se retrouvent seuls avec un jeune qui est avec ses parents et cela ne leur convient pas nécessairement. Je ne sais pas si cela se fait ailleurs. Peut-être pouvez-vous me donner une petite évaluation de cela, Matthew.

º  +-(1635)  

[Traduction]

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: Réagir dans quel sens?

[Français]

+-

    Mme Monique Guay: Est-ce que cela se fait ailleurs? Il y a des jeunes qui viennent vous voir. J'imagine que vous êtes une association pour les jeunes. Vous nous avez expliqué que vous aidiez les jeunes. Est-ce que vous avez des foyers de groupe pour les adolescents, où ils peuvent se retrouver entre eux? On appelle cela un foyer de groupe plutôt qu'un foyer d'accueil. Le système des adolescents est vraiment différent de celui des plus jeunes.

[Traduction]

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: C'est exact.

    C'est difficile à comprendre parfaitement, car il n'y a pas de système uniforme de collecte de données. Apparemment, on a tendance à faire davantage appel aux foyers de groupe qu'aux foyers d'accueil, surtout en milieu urbain.

    Quelles en sont les conséquences? Il y a certaines choses à ne pas perdre de vue. D'abord, quand vous parlez aux enfants, vous constatez que l'expérience vécue en foyers de groupe n'est pas du tout la même qu'en familles d'accueil et il faut bien comprendre que les conséquences sont très différentes.

    Deuxièmement, étant donné que les services aux enfants et familles autochtones n'existent que depuis très peu de temps, un grand nombre d'enfants autochtones ont été placés en milieu urbain et sous la tutelle permanente de leur province. L'organisme de protection de l'enfance préfère placer le jeune de six ou huit ans en famille d'accueil si bien qu'il envoie les enfants plus vieux en foyers de groupe. Des enfants très jeunes se retrouvent dans des foyers de groupe un peu partout au Canada. On recourt de plus en plus aux foyers de groupe pour les jeunes enfants qui n'ont pas plus de sept ans, par exemple. Il est vrai qu'en général, on y place les enfants plus âgés.

    Les problèmes que nous constatons dans les foyers de groupe sont très graves. La National Youth in Care Network a réuni une table ronde nationale à la fin novembre pour examiner l'usage abusif de moyens de contention violents dans les foyers de groupe où deux jeunes âgés de 13 ans ont trouvé la mort, en Ontario, ces dernières années. Victor Malarek, qui a grandi dans un grand établissement pour garçons de Montréal a parlé de la situation qui régnait à Montréal à l'époque et de certains problèmes actuels.

    Les enfants sont souvent placés dans des foyers de groupe parce qu'on considère qu'ils ont des problèmes de comportement. On explique souvent à l'enfant qu'il est puni parce qu'il est méchant et qu'on l'envoie donc dans un foyer de groupe. C'est assez fréquent.

    En réalité, les autorités envoient des jeunes dans des foyers de groupe parce qu'elles n'ont pas d'autre endroit où les placer. Les services de protection de l'enfance sont sous-financés. Un bon nombre de provinces et de territoires font de vaillants efforts, mais ils n'arrivent pas à réunir un nombre suffisant de bonnes familles d'accueil. Ils comptent donc de plus en plus sur les foyers de groupe.

[Français]

+-

    Mme Monique Guay: Est-ce qu'il n'y a pas une possibilité de garder les enfants et les jeunes dans les réserves et de leur offrir à cet endroit des services de familles d'accueil ou de foyers de groupe? On les sort carrément de leur culture et de leur réserve, et ces enfants se trouvent complètement isolés et perdus parce qu'ils perdent vraiment la base de leur culture. Si, en plus, ils ont le syndrome d'alcoolisation foetale et d'autres maladies, cela ne fait qu'accentuer leur problème. Donc, c'est une lose-lose situation, si je puis dire. Je ne comprends pas qu'on n'ait pas affecté de ressources à cela.

    Vous avez raison: au niveau des statistiques, c'est pourri. Les gens de Statistique Canada sont venus nous voir, et on leur a dit à maintes reprises que ça n'avait aucun sens et qu'il fallait absolument qu'on ait des chiffres. Un recensement a été fait et on devrait avoir finalement des chiffres bientôt, mais je ne sais pas si ces chiffres vont nous satisfaire.

    Il faut faire quelque chose dans les réserves. Il n'y a pas quelque chose qui se fait déjà?

º  +-(1640)  

[Traduction]

+-

    Le président: C'est la fin de ce tour.

+-

    M. Peter Dudding: Je voudrais répondre aux deux questions que vous avez soulevées. En ce qui concerne la possibilité de modifier le système, il faut d'abord et avant tout que le système soit centré sur l'enfant. Au lieu de discuter quant à savoir si les familles d'accueil sont préférables aux foyers de groupe, il faut reconnaître qu'un vaste éventail de services doivent être mis à la disposition des enfants. Le plus important, et c'est d'ailleurs une obligation internationale, est d'avoir un système vraiment centré sur l'enfant qui répondra au mieux aux intérêts de chaque enfant.

    Je suis certainement d'accord avec vous pour dire que cela doit tenir compte de la culture et du milieu. Sans être d'un optimisme délirant, l'émergence d'organismes d'aide à l'enfance dirigés et gérés par des Autochtones est une bonne nouvelle. Ce ne sera jamais assez. Le financement pose un problème. Il y a toutefois eu un progrès important et c'est une évolution très positive dans l'ensemble.

+-

    Mme Elspeth Ross: Je voudrais parler de la situation des foyers de groupes et des familles d'accueil et revenir sur ce que Peter a dit quant au fait qu'il nous faut des systèmes centrés sur les enfants.

    Nous constatons souvent que le système est sans issue. Si vous placez un enfant dans un foyer adoptif, c'est dans l'espoir qu'il s'en sortira. Mais nous constatons souvent que l'enfant se trouve enfermé dans le système. Les services et l'aide sont là. Il semble impossible que l'enfant se sorte de ce cercle où il se trouve, avec sa famille naturelle, pour être adopté par une autre famille. C'est une option à laquelle nous ne pensons pas.

    Mais pour ce qui est des foyers dans les réserves, nous parlons effectivement aux Autochtones comme je l'ai fait pour les victimes du syndrome de l'alcoolisme foetal. Les familles veulent garder les enfants dans les réserves, dans leurs communautés. S'il y avait davantage de soutien pour éduquer les familles...

    Certains organismes comme le Yellow Head Tribal Council, me disent qu'ils travaillent très fort pour recruter des familles d'accueil autochtones sur place et offrir les services sur place, mais bien souvent, la demande est trop forte. Ce serait la solution idéale que de garder les enfants sur place, mais ils sont tout simplement trop nombreux. Les services de soutien voulus n'existent pas. Le financement non plus.

+-

    Le président: Mes tours de six minutes durent systématiquement dix minutes. Que puis-je faire? Je m'en remets au comité

    Alan Tonks.

+-

    M. Alan Tonks (York-Sud--Weston, Lib.): Oui, merci pour votre témoignage.

    Quels ont été les résultats dans les provinces comme le Manitoba, le Yukon, je crois, et une autre, qui ont conclu des accords avec les Premières nations pour qu'elles se chargent d'assurer les services de protection de l'enfance dans les réserves? Avez-vous des résultats permettant de faire la comparaison entre les organismes autochtones et les organismes à caractère plus général?

+-

    M. Peter Dudding: Si vous me permettez, Alan, de répondre en toute honnêteté, je dirais que les résultats sont mixtes.

    Je précise que le Yukon n'a encore conclu aucune entente avec ses Premières nations. La Colombie-Britannique en a conclu une, de même que l'Alberta et la Saskatchewan. Pour ce qui est du Manitoba, nous en avons parlé.

    L'Ontario est un cas intéressant, car je crois que cinq organismes ont été mandatés, mais que ce chiffre est actuellement en suspens. C'est à cause des difficultés dont j'ai parlé en ce qui concerne la capacité de formation et les services de soutien qui permettent à ces organismes de jouer pleinement leur rôle. Elspeth a mentionné les besoins énormes qui existent dans les réserves et le fait est que la demande de services dépasse largement la capacité d'y répondre.

    Je me hâte d'ajouter que personne ici n'ira dire que la solution consiste peut-être à ne pas laisser les Premières nations ou les Autochtones avoir leur propre système. Mais il est important de comprendre qu'ils doivent faire face à des problèmes énormes dont nous sommes tous conscients et que l'émergence de services autochtones de protection de l'enfance est un phénomène relativement nouveau. Il y a donc eu quelques exemples de succès, mais il y a également des situations très problématiques.

º  +-(1645)  

+-

    M. Alan Tonks: Très bien. Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter?

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: C'est une question que nos membres ont porté à mon attention dans plusieurs provinces et territoires. On craint que cela n'ait un effet très direct sur les enfants autochtones pris en charge par les services de protection de l'enfance. Quand il y a un transfert aussi massif entre les services généraux et les services autochtones assurés dans les réserves, la transition n'est jamais simple ou facile.

    Nous constatons des difficultés pendant cette transition. Disons qu'un enfant réside en famille d'accueil depuis deux ou trois ans. Il a eu des difficultés au départ et a finalement été placé dans la famille d'accueil qui lui convient. L'enfant est stabilisé, mais voilà que la province conclut une entente avec une communauté autochtone pour lui déléguer ses responsabilités. La communauté autochtone qui obtient le pouvoir d'assurer les services de protection de l'enfance commence par dire: «Ces enfants qui sont déplacés et qui vivent en milieu urbain doivent revenir chez nous; ce sont nos enfants». C'est ce qui se passe d'un bout à l'autre du pays.

    On doit se demander ce qui vaut le mieux pour l'enfant. Les communautés autochtones disent, à juste titre, que ces enfants sont à elles. Ils leur ont été enlevés uniquement parce qu'elles n'avaient pas les services voulus pour s'en occuper elles-mêmes. Elles veulent qu'ils leur soient rendus. D'un autre côté, vous avez les gens qui entourent directement l'enfant, les travailleurs sociaux et autres intervenants qui disent que l'enfant bénéficie enfin d'une situation stable et qu'un nouveau changement ne sera pas nécessairement la meilleure chose pour lui. C'est une des difficultés que suscitent la transition.

    Encore une fois, je suis entièrement d'accord avec Peter pour dire qu'il ne s'agit pas, pour autant, de renoncer à des services autochtones de protection de l'enfance. Ces problèmes font partie du processus de transition et nous devons apprendre à les surmonter. Nous devons prendre les décisions concernant ces enfants en les consultant au maximum, selon leur âge, en tenant compte de leur intérêt et en procédant cas par cas.

    Nous en avons discuté hier Peter et moi. Nous sommes certainement d'accord pour dire qu'on ne peut pas décréter que tous les enfants doivent retourner dans les réserves ou que, s'ils sont stables, tous les enfants devraient rester là où ils sont. Nous ne servirons pas l'intérêt supérieur d'un enfant en appliquant des lignes directrices si générales alors qu'il faut tenir compte de chaque situation particulière.

    C'est là que le bureau du protecteur des enfants de la province a un rôle très important à jouer. Dans de nombreuses provinces, il jouera un rôle important en négociant entre la communauté autochtone et les services d'aide à l'enfance. Malheureusement, beaucoup de provinces n'ont pas ce service. Il n'y a en pas à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, dans l'Île-du-Prince-Édouard et dans tous les territoires. Bien entendu, nous n'avons pas encore de commissaire national à l'enfance au Canada. C'est une sérieuse lacune, car les enfants ont besoin de cette protection.

    La transition est difficile. Nous avons besoin de bons médiateurs, de bons défenseurs des intérêts des enfants. La transition va se faire, mais nous devons veiller à ce qu'elle se fasse en causant le moins de tort possible aux enfants.

+-

    Le président: Je dois dire qu'en vous écoutant, je ne peux pas m'empêcher de penser aux travaux qui attendent notre comité sur la question. En écoutant Matthew, j'ai l'impression d'entendre notre amie mutuelle, Landon Pearson. Je crois que c'est notre amie à tous. Mais ce n'est pas ce dont nous nous occupons pour le moment.

    J'ai une ou deux questions à poser. D'abord, Elspeth, je sais que tout le monde est d'accord pour dire que les données sont pitoyables. Nous nous contentons de chiffres estimatifs en disant qu'il y a 65 000 enfants pris en charge. Dans votre exposé, Elspeth, vous avez dit que nous ne connaissions pas leur nombre exact. Je voudrais savoir si nous avons un chiffre estimatif en ce qui concerne le nombre d'adoptions qui ont lieu au Canada, qu'elles soient de nature internationale, nationale ou privée, au cours d'une année? Avez-vous également un chiffre estimatif quant au nombre de familles qui sont toujours en attente? Apparemment, certaines familles seraient prêtes à accepter des enfants handicapés tandis que d'autres veulent l'enfant parfait sur le plan génétique. Cela nous ramène aux travaux d'un autre comité sur les technologies de reproduction. Avez-vous des chiffres estimatifs quant au nombre annuel d'adoptions?

º  +-(1650)  

+-

    Mme Elspeth Ross: Non, je regrette, mais je ne peux même pas vous les fournir, car nous savons qu'il y a peut-être 40 000 enfants au Canada qui sont sous la tutelle des autorités et qui ne peuvent pas rentrer chez eux. Nous savons qu'il y a davantage d'enfants adoptés à l'étranger qu'au Canada et que les gens vont chercher des enfants à l'étranger parce qu'ils entendent dire qu'il n'y en a pas à adopter au Canada.

+-

    Le président: N'est-ce pas écrit quelque part?

+-

    Mme Elspeth Ross: C'est trop difficile. C'est écrit à quelques endroits, mais je vous ai dit que ces questions ne faisaient l'objet d'aucune publicité. Nous avons également très peu de données sur les adoptions. Nous savons que la demande est énorme.

+-

    Le président: Même sur la demande d'adoptions.

+-

    Mme Elspeth Ross: Pour faire suite à ce qu'a dit le membre du comité, c'est en partie un problème de compétence. Un groupe de l'Alberta dit qu'il a des enfants autochtones qui pourraient être adoptés par d'autres familles autochtones de la province qui en ont fait la demande, mais qu'il n'a pas la compétence voulue car seuls les enfants de sa propre communauté tombent sous sa responsabilité. Souvent, il est impossible de satisfaire ces demandes.

    Comme je suis inscrite sur des listes de courriel, ce sont des questions dont j'entends parler. Je reçois quotidiennement des courriels d'un grand nombre de familles qui espèrent pouvoir adopter. Un grand nombre d'entre elles ne s'attendent pas à obtenir des bébés. Elles se sont heurtées au refus des agences d'adoption locales et, comme elles veulent prendre elles-mêmes les choses en main, elles se tournent vers l'adoption internationale. Un grand nombre de gens se rendent dans les républiques russes pour y adopter des enfants plus âgés ayant des besoins particuliers alors que nous avons au Canada des enfants dans la même situation qui sont sans famille. Il y a des familles autochtones qui veulent adopter, mais qui ne peuvent pas le faire pour diverses raisons. Elles ne veulent pas toujours s'adresser aux services de protection de l'enfance à cause de divers problèmes.

    Il y a donc énormément d'obstacles. Nous n'examinons pourtant pas tous ces obstacles. Nous ne l'avons pas encore fait.

+-

    Le président: Il semble que vous nous ayez proposé un nouveau sujet d'étude. Alors que nous pensions progresser, nous voilà avec encore beaucoup de pain sur la planche.

    Je voudrais aborder une question qui mettra sans doute fin à cette discussion. Matthew a très généreusement offert de constituer un groupe de discussion. Voici comment je propose de faire le lien avec le principal sujet de notre étude qui est, disons, les enfants autochtones de la période prénatale à l'âge de six ans. L'idéal serait qu'il y ait moins d'enfants pris en charge par les services de protection de l'enfance. Je le dis en tant qu'heureux père d'un enfant adopté, mais cela signifie qu'il y aurait moins d'enfants à adopter dans leur propre intérêt.

    Voilà la question que je pose à Matthew. Nous essayons d'arrêter le phénomène. Nous essayons de régler le problème. Nous voulons prévenir le syndrome de l'alcoolisme foetal. Nous voulons éliminer la maladie la plus facile à prévenir au monde. Nous voulons que les familles s'unissent et surmontent les obstacles engendrés par le fait que six générations d'enfants autochtones ont été envoyés dans des pensionnats. Je ne sais pas si nous devrions examiner cette question maintenant ou plus tard, lorsque nous nous pencherons sur la situation des enfants de six à douze ans.

    Je demanderais aux membres de votre réseau, qu'ils soient Autochtones ou non, de nous dire comment ils se sont retrouvés dans cette situation. Ils n'en étaient pas responsables. Je devrais plutôt poser la question à leurs parents ou examiner l'historique des faits. Le problème est qu'il faut accepter les gens tels qu'ils sont étant donné qu'ils se trouvent sur cette planète, qu'ils ont des droits et que nous devons prendre soin d'eux. Mais, par ailleurs, et sans nier nos responsabilités envers ces 65 000 personnes dont un bon nombre sont Autochtones, si nous voulons donner un meilleur avenir aux enfants, dès la conception, j'en reviens à vous, Matthew, et je vous demande si le moment est venu d'en parler ou s'il ne serait pas plus logique d'attendre une de nos études ultérieures.

º  +-(1655)  

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: Au bout du compte, je devrai m'en remettre pour cela au comité, mais voici ce que je dirais. Je comprends que l'étude est orientée sur la prévention et l'intervention précoce ainsi que les possibilités et les conséquences que cela comporte, et c'est excellent. Je trouve cela admirable.

    Il y a quantité de renseignements qui pourraient vous être communiqués au sujet de l'étude sur le bien-être des enfants. Le problème, c'est que je comprends l'ampleur de l'étude et ce que vous voulez réaliser; il faut bien comprendre ce qui est réalisable, les résultats possibles et les objectifs raisonnables. Le fait est que vous pouvez régler entièrement le problème du syndrome d'alcoolisme foetal. Je ne dis pas «du jour au lendemain et voici la solution». Même si vous pouviez le faire, il y aura encore des enfants autochtones qui seraient pris en charge d'abord parce qu'il y a beaucoup d'enfants non-autochtones qui sont pris en charge pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le SAF ou l'alcoolisme et ses méfaits et il y aurait des enfants autochtones dans cette situation aussi. On ne va donc pas pouvoir régler entièrement le problème.

    Quand on comprendra bien les causes de... Le problème, quand on se concentre autant sur l'intervention précoce, de 0 à 6 ans, c'est que même si c'est magnifique, c'est très important, et c'est très nécessaire, le fait est que l'on peut très bien s'occuper d'eux à cet âge mais qu'il y aura quand même des problèmes. Il faut le comprendre, peut-être dans une autre étude, mais je pense qu'il y a un rôle dans celle-ci.

+-

    M. Peter Dudding: J'aimerais dire deux choses, si vous me le permettez.

    Dans les 30 ans que j'ai consacrés à la protection de l'enfance, ce qui m'a toujours frappé, c'est le cycle chronique, la chronicité de ces familles. Ce sont des familles que l'on voit et que l'on connaît depuis des générations. Une partie de la difficulté, c'est...

+-

    Le président: Briser le cercle vicieux.

+-

    M. Peter Dudding: Oui, parce que si l'on fait une projection exponentielle, nous savons que les 65 000 peuvent maintenir ce cercle vicieux. C'est la première chose.

    Deuxièmement, les chiffres des cinq dernières années ne sont pas statiques. Ce n'est pas 40 000 à 40 000, c'est 40 000 à 65 000. C'est aussi un peu un cri d'alarme à cause du vieillissement de la population.

    Cela met en évidence ce que vous avez dit à propos de l'aspect préventif de notre travail et montre aussi qu'il faut répondre aux besoins des 65 000 dont le nombre ne cesse de grandir.

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: Pourrais-je ajouter quelque chose?

+-

    Le président: Certainement. Elspeth brûle elle aussi de...

+-

    M. Matthew Geigen-Miller: Et je remercie Peter de m'avoir ramené sur le sujet.

    On sait que le taux de natalité au Canada est négatif sauf dans une population, celle des jeunes Autochtones, qui connaît actuellement une poussée démographique. Ils ont beaucoup d'enfants et les ont plus jeunes. Ils ne sont donc pas seulement les parents de demain, ils le sont déjà. C'est la tendance actuelle. C'est une particularité des collectivités autochtones. Oui, il y a des jeunes qui ont des enfants partout au pays, mais le phénomène est plus prononcé chez les Autochtones.

    Peter a donc raison. Vous ne pouvez pas fermer les yeux sur la situation des jeunes Autochtones parce qu'ils vont devenir parents demain, mais ils ont aussi des enfants aujourd'hui.

    Quand vous examinez des cas comme celui de la mort à Edmonton, le meurtre de Krystal Coombs, la jeune Autochtone née en Ontario, qui a été séparée de sa famille, a déménagé dans une autre province et a été prise en charge dans une autre province; cette prise en charge a souvent été interrompue, elle s'est retrouvée avec un conjoint violent et son enfant de deux ou quatre mois a été assassiné... Je ne devrais sans doute pas en parler beaucoup parce qu'il y a une interdiction de publier en vigueur actuellement, mais ces détails sont déjà connus.

    Voilà un exemple d'une situation très périlleuse où une jeune Autochtone a fui les services de protection et aujourd'hui son enfant est mort. Il y a beaucoup d'autres cas, peut-être moins dramatiques que celui-là, mais tout aussi inquiétants.

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    Le président: Elspeth.

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    Mme Elspeth Ross: Un bref commentaire à propos d'un panel de jeunes. Il est très important de faire connaître ces choses, mais il faut savoir que souvent ceux qui font des révélations ont des choses très tristes à dire. Beaucoup de récits concernant l'adoption des Autochtones, leur durabilité, montrent combien ils ont été maltraités dans le passé. Il ne faut pas oublier que la situation est peut-être un peu différente aujourd'hui. C'est donc dire que, même s'il est bon d'écouter les jeunes, il ne faut pas oublier le cas de ceux qui ont été adoptés plus vieux. J'ai entendu des groupes de jeunes qui se sont fait entendre aux États-Unis, mais à ma connaissance il n'y a pas de groupes itinérants au Canada de jeunes prêts à parler positivement de la stabilité de leur situation.

    Je vous rappelle également qu'au Canada, il y a une énorme différence entre les enfants inuits et les Indiens. J'ignore si vous vous occupez aussi des Inuits, je vous rappellerai que l'adoption est beaucoup mieux vue chez les Inuits que chez les Indiens. Le taux de natalité est très élevé dans les deux groupes, et celui des Inuits est plus élevé et l'adoption y est mieux vue.

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    Le président: Eh bien, je vous remercie tous. Cela a été extrêmement utile.

    Nous voudrons réfléchir à tout cela et je vous assure que nous allons accepter votre offre, Matthew. Il s'agit de voir quand et de bien coordonner le tout.

    De plus, lorsque l'on se concentre sur les zéros à six ans, on s'occupe en même temps des parents. Ces enfants ne sont pas sur une île déserte; ils ne sont pas conçus dans le vide: ils sont en gestation quelque part.

    Un élément de la stratégie est de faire de cela une expérience positive pour toutes les familles et de les aider sans les juger, de leur inculquer l'art d'être parents, de l'assurance et de leur montrer qu'il y a du plaisir et de la joie à être parent. De plus, comme l'atteste le programme d'aide préscolaire aux Autochtones ceux qui y participent—et ce sont souvent des femmes—gagnent en autonomie. C'est un autre groupe de bénéficiaires dans une situation où tout le monde gagne. Il y a donc une dimension intergénérationnelle, c'est certain.

    Vous avez aussi raison de dire que l'on aurait tort de ne pas s'occuper des gens qui sont déjà sur la planète. C'est essentiel.

    L'autre conclusion qui se dégage de tout ce que nous avons entendu c'est que ce n'est pas seulement une question de... Enfin, il faut être axé sur l'enfant et sur ses droits. Quant aux politiques qui ont pour effet non souhaité de déstabiliser les enfants et de les «barouetter», en leur manquant de respect, en ne leur disant pas ce qui se passe, en les ramassant avec leurs sacs-poubelles de leurs affaires, eh bien il faut faire quelque chose.

    La séance est levée.