FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 26 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Il s'agit de la réunion numéro 29, pour ceux qui veulent le savoir, du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. J'aimerais que nous poursuivions, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 14 avril 2016 et à l'article 20 de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, l'examen prévu par la loi.
Aujourd'hui nous entendrons trois témoins, dont deux qui témoignent par vidéoconférence. Nous pouvons voir nos deux témoins par vidéoconférence, et je crois savoir qu'ils nous entendent bien depuis Genève et Toronto.
L'un de nos témoins aujourd'hui est M. John Boscariol. Il est associé et chef du Groupe du droit du commerce et de l'investissement internationaux chez McCarthy Tétrault. John est à Toronto, comme je l'ai dit.
Nous avons devant nous Mme Meredith Lilly, professeure agrégée de la Norman Paterson School of International Affairs, à l'Université Carleton. Soyez la bienvenue, Meredith.
Enfin, nous avons M. Thomas Biersteker, qui est professeur et directeur de la recherche sur les politiques à l'Institut de hautes études internationales et du développement, qui témoigne depuis Genève.
Nous souhaitons la bienvenue aux trois témoins. Comme vous le savez, nous menons actuellement un examen législatif très important. Ce que nous proposons de faire cet après-midi, c'est d'écouter les déclarations préliminaires des trois témoins, puis de passer une bonne heure à leur poser des questions.
Il semble que nous allons commencer par John maintenant, qui est le premier sur notre liste de témoins. Nous passerons ensuite à Meredith, puis à Thomas, si cela convient à tout le monde.
Je cède donc la parole à John Boscariol.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres et à la greffière du Comité de m'avoir invité à parler aujourd'hui des sanctions économiques du Canada.
Les opinions que j'exprime aujourd'hui sont les miennes. Je ne témoigne au nom de personne d'autre ni au nom de clients de notre cabinet. Je pratique le droit dans le domaine du commerce international et de l'investissement depuis mon admission au barreau en 1995. Ma pratique est centrée sur les sanctions économiques et sur le contrôle des exportations et des transferts de technologies et, en particulier, sur l'interaction de ces règles canadiennes avec leurs équivalents aux États-Unis et dans d'autres pays.
Je veux certainement répondre à toutes les questions et réagir à tous les commentaires que vous pourriez m'adresser, mais je vais utiliser les huit minutes réservées à ma déclaration préliminaire pour mettre en relief certains des obstacles importants auxquels font face les entreprises canadiennes sous le régime de sanctions économiques du Canada, y compris la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou LMES, et la Loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus, ou LBBDEC.
Je crois qu'il importe de comprendre l'histoire et le contexte de ces mesures. Je suis certain que d'autres personnes qui comparaissent devant le Comité abordent la question selon une perspective gouvernementale ou universitaire ou l'envisagent sous l'angle des politiques. J'aimerais vous donner le point de vue d'un praticien à l'égard de ce passé récent, à la lumière du contexte actuel.
Les États-Unis sont depuis toujours les chefs de file pour ce qui est de l'imposition large de mesures de sanction économique autonomes ou unilatérales. Ces mesures sont souvent extraterritoriales, comme on le voit dans le cas de Cuba et de l'Iran. Ce n'est vraiment qu'au cours des 10 dernières années, je crois, que le Canada s'est montré plus dynamique à ce chapitre, instaurant de vastes mesures unilatérales sous le régime de la LMES et, certainement, en marge des Nations unies.
J'aime à croire que tout a commencé — du moins dans le passé récent — autour de 2006, lorsque le Canada a ajouté le Bélarus à la Liste des pays visés en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, interdisant essentiellement tout transfert de technologie et toute exportation au Bélarus. C'était une mesure extrêmement vigoureuse.
En 2007, le Canada a pris des mesures de sanction contre la Birmanie en vertu de la LMES. À l'époque, le gouvernement avait décrit ces mesures comme étant les sanctions les plus énergiques prises contre la Birmanie par un pays.
En 2010, le Canada a pris des mesures de sanction autonomes contre l'Iran, d'abord dans le secteur pétrolier et gazier; au cours des années qui ont suivi, il a imposé une interdiction à l'égard des services financiers et a ciblé d'autres secteurs jusqu'en mai 2013, moment où nous avons décrété un embargo commercial complet contre l'Iran, lequel a été levé dans certains secteurs depuis.
En plus de ces pays, la Russie et l'Ukraine ainsi que la Corée du Nord et la Syrie font l'objet de mesures de plus en plus sévères. Dans nombre de cas, ces mesures sont plus lourdes que celles imposées par les États-Unis ou par nos partenaires commerciaux.
Je ne suis pas ici aujourd'hui pour remettre en question ni débattre les considérations stratégiques liées au fait de cibler certains pays ou certaines entités ou personnes. Ma principale préoccupation est l'administration de ces mesures. Malheureusement, le système actuel est, selon moi, défectueux.
À mesure que le Canada a intensifié le recours à ces mesures de sanction, le gouvernement a négligé de consacrer ne serait-ce qu'un minimum de ressources au fait d'aider le milieu des affaires à se conformer. Pourtant, le ministère des Finances avait promis dans deux récents budgets du Canada au cours des dernières années, d'affecter davantage de ressources et de financement à l'administration de ces mesures de sanction. Nous n'avons vu aucun changement à cet égard. Aucun représentant d'Affaires mondiales Canada ni d'autres organisations du gouvernement ne va fournir de l'orientation ou de l'aide à l'égard des sanctions économiques.
La section du droit économique d'Affaires mondiales Canada, dont l'effectif compte une poignée d'avocats, est chargée de s'occuper du processus de délivrance de licences dans le cadre de quelque 20 règlements relatifs aux sanctions. Toutefois, on précise très clairement que les avocats de la section sont responsables de prodiguer des conseils juridiques au gouvernement relativement à ce processus et à l'égard des sanctions économiques en général, mais pas de fournir une orientation ou une aide officielle ou informelle aux exportateurs qui cherchent à se conformer à ces mesures. Lorsque les gens d'affaires s'adressent à eux pour leur poser des questions, même les plus simples en apparence, Affaires mondiales leur dit de retenir les services d'un avocat.
C'est fantastique pour moi et pour l'ensemble du milieu juridique, et je ne devrais peut-être pas me plaindre, mais il demeure que le système ne devrait pas fonctionner de cette façon. Les entreprises canadiennes qui exercent des activités à l'étranger veulent se plier à ces mesures, je peux vous l'affirmer, mais il ne devrait pas être aussi difficile et coûteux de le faire.
À mon avis, les avocats du gouvernement qui travaillent au sein d'Affaires mondiales travaillent dur, sont très compétents et connaissent bien leur domaine, mais la section du droit économique continue d'accuser des lacunes au chapitre de l'effectif et des ressources. Même si le gouvernement a continué de prendre de plus en plus de mesures de sanction économique au fil des ans, il a négligé d'accroître à l'avenant les ressources consacrées à l'administration de ces mesures.
Même dans l'administration du processus de délivrance des licences, nous voyons de longs délais. Dans certains cas, on peut attendre plus de 12 mois avant de recevoir une réponse à une demande de licence. Les entreprises, exportateurs et investisseurs du Canada — comme on s'y attendrait — ont besoin de pouvoir réagir rapidement aux débouchés internationaux émergents, et notre système de sanctions canadien, à l'heure actuelle, est mal équipé pour composer avec cette réalité.
Je souligne que cette difficulté vise toutes les entreprises, les petites comme les grandes. Cela dit, c'est aux PME que cela fait le plus mal, car celles-ci ne peuvent se permettre des délais aussi longs et de lourds honoraires d'avocats pour obtenir les conseils bien souvent complexes qui s'imposent lorsque le gouvernement ne fournit ni consignes ni orientation. Je travaille avec des associations et des groupes industriels — y compris l'Association canadienne des importateurs et exportateurs, entre autres — et je présente des observations à Affaires mondiales relativement à ces enjeux, mais, malheureusement, rien n'a été fait.
Je crois en outre que cette question est maintenant devenue un obstacle à la compétitivité d'entreprises canadiennes. D'autres administrations — dont l'Australie, les États-Unis et l'Union européenne — offrent beaucoup d'orientation et d'outils à leurs exportateurs pour permettre à ceux-ci de faire concurrence efficacement tout en se conformant à ces mesures. Les entreprises canadiennes ne bénéficient pas de directives ou d'une orientation de la part de leur gouvernement, ce qui les place en situation de désavantage concurrentiel sur la scène internationale.
Juste pour vous donner un exemple, quelque chose d'aussi simple qu'une liste globale des personnes et entités faisant l'objet d'un gel des avoirs n'est pas mis à notre disposition par le gouvernement canadien actuellement. Les entreprises canadiennes doivent confirmer l'absence de leurs contreparties sur la liste propre à chaque règlement des sanctions ou charger un tiers fournisseur de services de contrôle de le faire pour elles. Cela fait monter les coûts, ce qui est difficile, surtout pour les petites et moyennes entreprises.
En plus d'imposer ce fardeau inutile aux entreprises canadiennes, le gouvernement, à mon avis, mine sévèrement la réalisation de ses objectifs stratégiques en n'offrant pas ce soutien administratif. Nous avons vu cela se produire dans au moins deux cas.
Laissez-moi vous donner un exemple concernant l'Iran. À compter du 5 février 2016, nombre des sanctions canadiennes ont été levées. L'Iran est un marché émergent comptant 80 millions de jeunes consommateurs instruits. C'est une occasion énorme pour notre secteur pétrolier et gazier, ici au Canada. Les sanctions qui restent, en ce qui concerne la LMES, sont des interdictions de transiger avec des personnes et des entités listées ainsi que des interdictions visant la fourniture d'éléments listés et de technologies connexes.
Parmi ces éléments se trouvent des choses comme l'aluminium et l'argent. Ces substances entrent dans la fabrication de panneaux solaires, par exemple. Cela nous amène donc à nous demander s'il est maintenant interdit d'expédier des panneaux solaires en Iran. Cette question que de nombreuses entreprises canadiennes nous ont posée — au sujet de panneaux solaires ou d'autres produits —, et nous n'avons réussi à obtenir aucune orientation de la part du gouvernement canadien à ce sujet. On empêche les entreprises canadiennes d'obtenir cette orientation. Elles trouvent que le processus leur coûte beaucoup d'argent et de temps, ce qui les amène bien souvent à décider de ne pas faire affaire avec ce pays.
Ce n'était pas l'intention des décideurs lorsqu'ils ont assoupli les sanctions visant l'Iran. Ils n'avaient pas l'intention de dissuader les entreprises canadiennes de s'aventurer sur ce marché. Je crois qu'ils voulaient voir les entreprises aller sur ce marché, mais tout en se pliant aux sanctions limitées en place.
Et il y a un autre impact sur les politiques. L'absence d'orientation fournie par le gouvernement canadien crée un vide. Dans ces circonstances, les entreprises tenteront de voir comment d'autres pays interprètent les mesures de sanction, et elles se mettront peut-être à suivre ces interprétations utilisées par d'autres pays.
J'ai ajouté des exemples dans mon mémoire, et je vais les faire traduire afin de les présenter officiellement au Comité plus tard.
Nous voyons cela se produire déjà dans le cas des sanctions prises contre la Russie et l'Ukraine. Encore une fois, je doute fort que ce soit l'intention des décideurs. Les sanctions prises en vertu de la LMES sont proprement canadiennes et devraient être administrées, suivies, interprétées et appliquées comme telles.
Je le répète: je ne veux pas laisser entendre que nous devrions nous garder d'imposer des sanctions économiques. Je crois qu'il s'agit d'un mécanisme d'intervention important qui devrait être mis à la disposition du gouvernement canadien au moment de réagir à des situations d'urgence et à des crises internationales. Cependant, comme le Comité étudie les sanctions et songe à peut-être élargir la portée de la LMES, de la LBBDEC ou d'autres mesures, je vous demanderais tout d'abord de songer à rajuster le tir en ce qui concerne l'administration de ces mesures.
Les entreprises canadiennes qui font affaire à l'étranger respectent nos sanctions économiques et veulent s'y conformer. Veuillez leur fournir les outils de base et le soutien dont elles ont besoin pour le faire.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Boscariol. C'était très utile.
Mme Meredith Lilly va maintenant nous présenter sa déclaration préliminaire.
[Français]
Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant votre comité. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
L'exposé que je présente aujourd'hui est fondé sur mon expérience de travail à l'égard des instruments de politique et des lois du Canada régissant les sanctions dans le cadre de mes fonctions antérieures en tant que conseillère aux affaires étrangères au Cabinet du premier ministre du Canada ainsi que de mon travail actuel à titre de professeure à la Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton.
Je m'appuie également sur le mémoire que j'ai présenté au Comité, lequel s'assortit de quatre recommandations de modification de la LMES, la Loi sur les mesures économiques spéciales. Puisque le Comité étudie la question de savoir si la loi canadienne devrait englober les violations flagrantes des droits de la personne, je me permets de souligner que les Nations unies considèrent depuis longtemps que les violations flagrantes des droits de la personne internationalement reconnus constituent un motif acceptable pour imposer des sanctions économiques, comme l'ont fait les États-Unis et l'Union européenne.
Au moment d'étudier des modifications possibles de la LMES pour réagir à ces violations, le Comité pourrait se pencher sur plusieurs aspects que j'exposerai ici. Premièrement, comme les membres du Comité le savent déjà, le paragraphe 4(1) de la LMES permet au Canada d'imposer unilatéralement des sanctions en l'absence d'une action du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette disposition lui permet d'imposer des sanctions économiques de deux manières: en tant que membre d'une organisation internationale d'États — comme le Commonwealth — appelant à la prise de mesures économiques contre un État étranger; ou unilatéralement si le gouverneur en conseil juge qu'« une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales est susceptible d'entraîner une grave crise internationale ».
En 2014-2015, cette disposition a permis au Canada d'intervenir au sein d'une coalition officieuse d'États volontaires, soit les États-Unis et l'Union européenne, en vue d'infliger des sanctions à la Russie et aux forces pro-russes pendant la crise en Ukraine. Comme les Nations unies ne pouvaient réagir à cette crise internationale à cause du veto de la Russie au Conseil de sécurité, et comme le Canada n'était pas membre d'une organisation d'États désireux d'intervenir, il n'aurait pas eu l'autorité législative pour le faire n'eût été des dispositions de la LMES. Cet exemple montre bien de quelle façon les dispositions de la LMES habilitant le Canada à agir de manière unilatérale ont été appliquées à toutes fins utiles, bien que le Canada ait agi de concert avec d'autres États.
Au moment de déterminer s'il convient d'ajouter les « violations flagrantes du droit international des droits de l'homme » aux motifs permettant d'invoquer la LMES, j'espère sincèrement qu'un raisonnement semblable serait appliqué. Certes, le Canada aurait le pouvoir d'agir unilatéralement, mais j'ose espérer qu'il chercherait à se joindre à une coalition d'États volontaires pour imposer des sanctions, et ce, uniquement en l'absence d'une tribune multilatérale reconnue, comme l'ONU, l'OTAN ou le Commonwealth.
Le Canada n'a jamais agi de façon vraiment unilatérale pour invoquer la LMES. À mon avis, il n'est pas souhaitable d'ajouter les violations des droits de la personne au nombre des motifs permettant d'invoquer la loi.
Ma deuxième recommandation porte sur l'incidence qu'aura l'ajout de dispositions relatives aux droits de la personne à cette loi au moment de déterminer si le Canada doit agir unilatéralement contre un autre État. Ce que j'entends par cela, c'est que la LMES existante permet au Canada d'agir unilatéralement advenant une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales pouvant entraîner une grave crise internationale. Par conséquent l'ajout des violations flagrantes des droits de la personne au nombre des motifs permettant d'invoquer la loi doit avoir pour but de permettre au Canada d'intervenir dans les cas où il n'y a pas de rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales et où une crise internationale n'aura probablement pas lieu, étant donné que les violations flagrantes des droits de la personne qui pourraient donner lieu à une grave crise internationale, comme un génocide, sont déjà prévues dans les dispositions législatives existantes. L'ajout de dispositions précises dans la loi abaisserait nécessairement le seuil d'intervention canadienne contre des États étrangers.
Par conséquent, si on décide d'inclure les violations flagrantes des droits de la personne au nombre des motifs permettant d'imposer des sanctions, la loi doit également définir le nouveau seuil justifiant l'intervention du Canada. Il pourrait s'agir, par exemple, d'un seuil général où ces violations ont choqué la communauté internationale, ou alors quelque chose de beaucoup plus prescriptif. Par exemple, la loi pourrait intégrer des éléments du projet de loi C-267, projet de loi d'initiative parlementaire déposé par le député de Selkirk—Interlake—Eastman. Ce projet de loi permettrait de prendre des sanctions en vertu de la LMES contre ceux qui commettent de graves violations des droits de la personne contre des personnes qui tentent de dénoncer des activités légales commises par des dirigeants de leur gouvernement ou qui cherchent à promouvoir les droits de la personne, les droits démocratiques et d'autres droits, bref des gens qu'on considérerait généralement comme des militants pour les droits de la personne et la démocratie.
Que le Comité appuie ce raisonnement ou autre chose, il sera nécessaire de préciser un élément déclencheur pour l'intervention canadienne si le Parlement décide d'ajouter les violations flagrantes des droits de la personne aux motifs permettant d'invoquer la LMES.
Un troisième point que j'aimerais soulever est directement lié à mon expérience de travail avec la LMES à l'égard des interdictions de voyager. Je sais que des gens vous ont parlé de cela l'autre jour. Des changements apportés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ou LIPR, il y a plusieurs années, permettent au ministre de l'Immigration de s'appuyer sur l'intérêt public pour empêcher des ressortissants faisant l'objet de sanctions économiques imposées par le Canada d'entrer au pays. Le ministre peut également interdire de séjour les personnes visées par la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, ou LBBDEC, laquelle, je le sais, est également visée par l'étude du Comité.
De manière distincte, sans lien avec les sanctions économiques, le ministre de l'Immigration peut aussi invoquer l'intérêt public pour interdire de séjour des personnes qui font la promotion du terrorisme, de la violence et d'activités criminelles — par exemple, par un discours haineux — ou qui présentent une menace pour la santé publique au Canada. C'est probablement en raison de ces autres considérations que le pouvoir d'interdiction de voyager du ministre demeure discrétionnaire.
Ce que cela signifie dans la pratique, c'est que le ministre de l'Immigration doit approuver chacune des interdictions de voyager imposées en vertu de ces dispositions, quelle qu'en soit la justification. En ce qui a trait aux sanctions économiques, le pouvoir discrétionnaire peut donner lieu à l'application incohérente de la politique canadienne si le ministre des Affaires étrangères prévoit des sanctions économiques à l'encontre d'un ressortissant étranger et que le ministre de l'Immigration renonce à lui imposer une interdiction de voyager ou tarde à le faire.
Malgré cette incohérence possible, les deux ministres et leurs ministères respectifs peuvent coordonner leurs activités pour s'assurer que les interdictions de voyager et les sanctions aillent de pair. Néanmoins, comme il n'y a pas de motif convaincant selon lequel le gouvernement canadien voudrait imposer des sanctions économiques à l'endroit d'une personne et autoriser du même coup cette personne à venir au Canada, le gouvernement voudra peut-être énoncer explicitement dans la LIPR que le pouvoir discrétionnaire est retiré au ministre dans ce domaine. Je recommande que le gouvernement fasse en sorte qu'une interdiction de voyager soit automatiquement imposée aux personnes visées par la LMES.
Enfin, pour revenir à la question des violations des droits de la personne, je veux signaler au Comité que l'interdiction de voyager à elle seule est déjà un instrument de politique étrangère permettant au Canada de réagir et d'exprimer son mécontentement à l'égard des violations des droits de la personne, même si le Comité ne recommande pas au gouvernement de prendre des mesures supplémentaires touchant les droits de la personne sous le régime de la LMES.
Aux termes de l'article 35 de la LIPR, des personnes peuvent déjà être interdites de territoire au Canada si elles ont commis des violations flagrantes des droits de la personne. Certes, le ministre de l'Immigration pourrait appliquer cette disposition de façon plus libérale. Même si je reconnais que l'interdiction de voyager constitue une mesure diplomatique moins énergique que les sanctions économiques, le Canada souhaitera peut-être y recourir quand même dans le cadre d'une vaste stratégie diplomatique visant à intensifier progressivement les pressions exercées sur un autre État.
En outre, il serait très simple pour le Canada d'émettre des interdictions de voyager seules, alors qu'il vaut mieux, selon moi, imposer des sanctions économiques de concert avec d'autres États volontaires.
Cela conclut mon exposé. Je répondrai avec plaisir à toute question que vous poserez.
Merci beaucoup de m'avoir invité à commenter ces enjeux.
J'ai sélectionné quelques questions générales où je m'y connais davantage.
Tout d'abord, un peu de contexte. Je me consacre principalement aux sanctions ciblées des Nations unies depuis 15 ou 16 ans, et un groupe de collègues — des universitaires et des praticiens du domaine des politiques, y compris des gens du ministère canadien des Affaires étrangères — a participé à ce que nous appelons le Consortium pour les sanctions ciblées. Ce groupe d'environ 50 personnes de partout dans le monde s'est penché sur l'incidence et l'efficacité des sanctions ciblées de l'ONU de 1990 jusqu'à aujourd'hui. D'ailleurs, nous venons tout juste de publier cette année, aux presses de l'Université Cambridge, un ouvrage intitulé Targeted Sanctions: The Impacts and Effectiveness of UN Action.
Je vais vous faire part de mes réflexions sur ce travail, principalement axé sur l'ONU, mais j'ai aussi travaillé, plus récemment, au sein d'un groupe de travail de l'Union européenne sur les sanctions de l'Union européenne contre l'Iran, la Russie et la Syrie.
Je veux m'attacher à deux points. Le premier concerne la question énoncée dans les notes d'information au sujet de l'utilisation de sanctions et son évolution au fil des années. J'exposerai brièvement quatre choses sur cette question.
Premièrement, il y a eu une augmentation importante de la fréquence de l'application de sanctions. Il y a davantage de sanctions de l'ONU en place aujourd'hui — du moins, dans la dernière année — qu'à tout autre moment dans l'histoire de l'ONU. Même si certains ont décrit les années 1990 comme la décennie des sanctions, il y avait deux fois plus de régimes de sanctions de l'ONU en place en 2016 qu'à tout moment durant les années 1990.
On observe également des nombres record de sanctions de l'Union européenne et des États-Unis. Après la levée des sanctions contre le Liberia et la Côte d'Ivoire, les Nations unies ont 14 régimes de sanctions en place. L'Union européenne en compte 38. Les États-Unis ont 28 régimes de sanctions différents en place. Les sanctions semblent être devenues l'instrument de politique privilégié.
Deuxièmement, pour ce qui est des tendances et de l'évolution, soulignons que tous les régimes de sanctions aujourd'hui sont ciblés d'une façon ou d'une autre. Même les États-Unis n'ont pas appliqué de nouvelles sanctions globales depuis 2000, bien qu'ils maintiennent peut-être des mesures globales préexistantes.
Il y a différents types de ciblage. On vous a déjà parlé du ciblage de personnes. En effet, on peut cibler des personnes et des sociétés. On peut cibler un secteur d'activité économique, diplomatique ou militaire. Certaines sanctions visent en fait un territoire dans un pays donné plutôt que le pays au complet, ou une zone sous l'emprise d'un groupe de rebelles dans un pays donné.
J'ignore si quelqu'un la connaît, mais je crois savoir que le gouvernement fédéral a utilisé SanctionsApp, application pour les appareils mobiles — également disponible en ligne — pour évaluer l'impact et l'efficacité des sanctions de l'ONU. Nous avons maintenant un menu composé de 76 variations différentes des restrictions appliquées par l'ONU au cours des 25 dernières années. Il s'agit de différentes mesures.
Il a été question, dans le premier exposé, de la difficulté de veiller à ce que les sanctions ciblées demeurent ciblées; j'ai souvent entendu parler de cela. Ce n'est pas juste un problème canadien, soit dit en passant. C'est un problème dans de nombreux pays où des entreprises du secteur privé ont du mal à se plier aux mesures et à respecter le ciblage.
Dans le cadre de nos travaux de recherche, nous avons établi une échelle de combinaisons de mesures ciblées, car il est difficile de distinguer les effets d'une interdiction de voyager de ceux d'un blocage des biens ou d'une mesure sectorielle. Nous examinons la combinaison de mesures mises en place par tout centre donné, et nous avons établi une classification en cinq catégories, un peu comme on l'a fait pour la classification des ouragans. La catégorie 1 correspond aux mesures visant une personne. La catégorie 2 correspond aux embargos diplomatiques ou aux embargos sur les armes. Dans la catégorie 3, il est question de mesures sectorielles, en particulier les mesures de sanction visant les produits de base. La catégorie 4 englobe les mesures sectorielles relativement globales, comme les sanctions visant le pétrole, le secteur financier ou l'expédition. La catégorie 5, enfin, correspondrait aux embargos commerciaux globaux.
Nous voulions analyser et essayer de comprendre la difficulté de veiller à ce qu'une mesure ciblée — qu'elle soit conçue à New York, Bruxelles ou Ottawa — demeure ciblée et reste conforme aux buts et objectifs politiques relatifs à la façon dont les entreprises devraient logiquement réagir, entre autres.
Le troisième point au sujet de l'évolution des sanctions concerne le fait que nous avons observé — et c'est une bonne chose, selon moi — un accroissement du raffinement des régimes de sanctions au fil du temps. La spécificité des termes utilisés s'est grandement améliorée. C'est particulièrement vrai dans le cas des sanctions maintenant prises par les Nations Unies. Durant les années 1990, les désignations avaient des surnoms. Aujourd'hui, l'ONU tente d'aligner ses désignations sur une norme qui s'inspire du modèle du Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain et qui utilise des attributs biométriques, l'alphabet arabe — plutôt que des translittérations — et d'autres aspects dans les critères de désignation.
On a également tiré des leçons à l'égard des politiques. Je dirais que l'application préalable de mesures de blocage des biens — qui revient essentiellement à avertir la cible deux semaines avant qu'elle devrait changer sa politique, sans quoi nous allons lui infliger des sanctions financières ou bloquer des biens — donne forcément à la cible suffisamment de temps pour déplacer ses biens ailleurs. On a tiré des leçons. L'ONU ne brandit plus la menace d'un blocage des biens avant de passer à l'acte.
On a également normalisé le langage, les pratiques courantes, on a normalisé le langage relatif aux exemptions dans l'ensemble des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Il convient de souligner, d'ailleurs, que le Canada, entre autres, s'est montré en faveur de cette position particulière. Il y a eu, selon moi, des améliorations importantes de la protection juridique des personnes et des entreprises désignées grâce à la création du Bureau de l'Ombudsman des Nations Unies. Nous avons observé la prise de mesures similaires au sein de l'Union européenne, en particulier dans les décisions de la Cour européenne de justice et de la Cour européenne des droits de l'homme.
La quatrième tendance ou évolution que nous avons observée au fil des années est un accroissement de la complexité des régimes de sanctions. J'ai mentionné plus tôt que, juste en étudiant les régimes de sanctions appliqués depuis 1990, nous avons recensé 76 variétés de mesures restrictives. Lorsque nous avons mis à jour notre application pour 2016, qui vient de paraître cette semaine et qui contient des mises à jour pour la République populaire démocratique de Corée et l'Iran en particulier, puisque les sanctions visant ces deux pays sont maintenant différentes... La dernière résolution relative à la Corée du Nord est si complexe que nous avons dû établir une typologie complètement nouvelle pour la comprendre. Alors qu'autrefois on imposait carrément des sanctions, des restrictions ou des interdictions à l'égard de certaines activités, on prend maintenant des mesures conditionnelles selon lesquelles un pays ayant des raisons de soupçonner qu'il y a eu violation d'une sanction est légalement tenu de réagir. Cela pourrait alors s'appliquer à ses sociétés. C'est ce que nous appelons des mesures conditionnelles. La résolution comprend des mesures supplémentaires que les États sont encouragés à envisager. À mon avis, cela crée une complexité additionnelle, en plus de ce dont a parlé le premier témoin cet après-midi.
S'il reste du temps, j'aimerais dire brièvement quelque chose au sujet de la question de savoir si les sanctions sont efficaces, car c'est la question qu'on nous pose le plus souvent à ce sujet. Nous nous attachons principalement aux sanctions des Nations Unies. J'aimerais dire une ou deux choses au sujet de l'efficacité des sanctions.
Les sanctions fonctionnent parfois, certes, mais nous devons comprendre et garder à l'esprit que les sanctions ne sont jamais appliquées seules. Les sanctions de l'ONU sont toujours appliquées en combinaison avec d'autres instruments de politique, le plus souvent avec la négociation ou la médiation. On entend souvent dire, dans le discours public, que nous devrions maintenir les sanctions, mais aussi négocier. Le plus souvent, ou presque toujours, les sanctions s'inscrivent dans un cadre de négociation.
Dans notre propre analyse de l'efficacité des mesures, nous avançons que l'efficacité varie en fonction du but des sanctions. En effet, nous distinguons trois buts généraux des sanctions.
Le premier est de contraindre quelqu'un à changer son comportement. C'est habituellement le but de nombreux régimes de sanctions. C'est bien souvent l'un des principaux objectifs. Notre recherche sur la question révèle que la prise de sanctions pour changer un comportement est rarement efficace, même lorsqu'elles sont combinées à d'autres mesures. Il est très difficile de forcer une cible à changer son comportement, mais si vous tentez d'empêcher une cible de s'adonner à une sorte d'activité proscrite, nous constatons que l'efficacité des sanctions est presque triplée.
Nous sommes aussi d'avis que les sanctions sont un instrument important pour envoyer un message clair. Elles vont plus loin que les mots, car il s'agit de mots appuyés par des coûts que s'impose la cible et des coûts imposés à la partie à l'origine des sanctions. Nous avons observé que, de façon générale, les sanctions ne sont pas très efficaces pour ce qui est de forcer des changements de comportement, mais elles peuvent souvent jouer un rôle important en changeant la nature des forces sur le terrain ou empêcher un acteur de commettre un geste proscrit par la communauté internationale en général.
J'aimerais dire une dernière chose, au sujet des sanctions unilatérales par rapport aux sanctions multilatérales. La plupart des études sur la question donnent à penser que les sanctions multilatérales sont plus efficaces que les sanctions unilatérales, particulièrement s'il s'agit de sanctions de l'ONU appuyées par une volonté politique. Ce sont les sanctions les plus efficaces, les plus légitimes et — selon certaines normes — les seules sanctions légales — mais je crois que d'autres sanctions sont légales —, et l'Union européenne ainsi que, dans une moindre mesure, les États-Unis assoient la légitimité de leurs sanctions unilatérales sur des décisions antérieures des Nations Unies.
Nous avons aussi observé, récemment, qu'une action concertée par des pays aux vues similaires peut accroître considérablement l'impact et l'efficacité des sanctions. Il suffit de songer, par exemple, aux mesures concertées qui ont été entreprises au-delà des sanctions de l'ONU, en particulier à l'égard de l'Iran. Je vous donnerais avec plaisir des précisions au sujet de notre analyse du plan d'action global commun ou d'un rapport similaire que nous venons d'achever pour le compte de Rasmussen Global sur l'analyse des sanctions coordonnées prises contre la Russie au sujet de l'Ukraine.
Je serai heureux de fournir au Comité des renseignements supplémentaires et de répondre à toute question. J'aimerais également avoir la possibilité de commenter les exposés très intéressants présentés par mes prédécesseurs.
Merci.
Merci, monsieur Biersteker. C'était très bon. Je vous remercie de vous en être tenu à des commentaires précis.
Nous avons amplement de temps pour poser des questions. Je crois que nous pourrons avoir un très bon dialogue avec nos témoins.
Je vais commencer par M. Allison.
À nos témoins, je dis merci beaucoup.
À mon avis, monsieur le président, nous aurions dû les accueillir au départ, car l'information qu'ils nous ont donnée a été des plus éclairante. Ce n'est pas que les fonctionnaires ne font pas du bon travail, mais il leur arrive de brouiller les choses davantage qu'ils ne les clarifient.
Merci beaucoup de toutes vos recommandations. Je crois qu'il y a de fantastiques recommandations que nous devrions étudier.
Au sujet de la loi Magnitsky — je sais que cette loi américaine est bien connue de certains d'entre vous —, nous parlions de la prise de mesures unilatérales par rapport à une intervention plus large. Meredith, comme je sais que vous connaissez probablement cette loi, à la lumière de nos projets de loi d'initiative parlementaire proposés d'abord par Irwin Cotler, puis par M. Bezan, j'aimerais entendre vos observations sur l'efficacité de la loi Magnitsky et de la jurisprudence qui en découle?
Je comprends ce que nous disons, que cette loi ne vise pas les gouvernements; je comprends bien qu'on vise des personnes.
Je comprends ce que vous dites, John, au sujet du fait que, si nous décidons de faire cela, nous allons devoir y affecter des ressources, et vous avez aussi parlé de certaines de nos sociétés qui exercent des activités à ces endroits.
Lorsque vous regardez ce qui s'est passé aux États-Unis, croyez-vous que c'est efficace? Nous venons tout juste d'entendre Thomas dire que nous envoyons un message clair lorsque nous parlons de sanctions.
Peut-être pourriez-vous seulement nous faire part de votre point de vue en ce qui concerne l'effet de la loi Magnitsky aux États-Unis à l'égard de la question des sanctions et des dirigeants corrompus.
Certainement. Merci de poser la question.
Des études universitaires ont été produites au sujet de la loi Magnitsky américaine. Je les acheminerai avec plaisir à la greffière du Comité, si cela peut vous être utile. Un article particulièrement accessible a été publié sur cette question aux États-Unis.
Je crois qu'on peut affirmer sans se tromper que la loi Magnitsky américaine a certainement réussi à capter l'attention de la Russie et à lui signifier le mécontentement des États-Unis. Concernant les déclarations du témoin précédent au sujet des diverses raisons pour lesquelles on impose des sanctions, je dirais que, lorsqu'il s'est agi de transmettre un message, celui-ci était très clair. Il semble que certains biens aient effectivement été bloqués et saisis, mais je crois qu'il vous faudrait demander aux Américains exactement quels genres d'actifs financiers ils en ont retiré.
Au-delà de cela, par contre, puisque la Russie a intenté un procès posthume à M. Magnitsky et l'a déclaré coupable d'évasion fiscale, je ne crois pas du tout que la loi a réussi à mener les responsables de la mort de M. Magnitsky à répondre de leurs actes.
En outre, la Russie a répliqué avec une série de mesures contre les États-Unis, y compris le fait d'empêcher des citoyens américains d'adopter des orphelins russes. Elle a aussi dressé sa propre liste d'Américains qui feraient l'objet de sanctions relativement à ce que la Russie qualifie de violation des droits de la personne, y compris des hauts gradés de l'armée américaine qui dirigeaient la base à Guantanamo Bay.
Je crois que, dans l'ensemble, la loi Magnitsky a été efficace pour ce qui est d'envoyer un message, mais je ne crois pas qu'elle a eu un effet dissuasif sur la Russie ni qu'elle a permis de punir les personnes responsables de la mort de M. Magnitsky.
Je ne suis pas certain qu'elle visait à les punir autant qu'à...
John, le but des sanctions était de viser des personnes qui tenteraient alors de déplacer leur argent à l'étranger et de profiter de leur propre pays afin qu'un jour leurs enfants puissent étudier dans d'autres pays et qu'ils puissent eux-mêmes accéder à leurs richesses dans d'autres pays. Je comprends très bien, John, ce que vous dites au sujet du fait qu'il est insensé de faire cela si nous n'avons pas des listes globales, d'abord et avant tout, et si nous n'avons pas de ressources.
Pourriez-vous nous parler un peu plus de cet aspect? Si nous devions songer à créer un mécanisme relatif à l'inscription de personnes sur ces listes... Je vous ai entendu dire clairement qu'il serait insensé de faire cela et que nous aurions du mal à faire respecter de telles sanctions si nous n'affections pas les ressources voulues.
C'est un excellent argument. Lorsque nous ajoutons des noms à ces listes... Encore une fois, j'espère que le Comité comprend que ces listes sont des listes distinctes tenues pour chaque règlement. Lorsqu'une entreprise, en particulier une PME, se penche sur une telle situation, si nous avons 20 règlements de sanctions différents, chacun ayant sa propre liste, alors en principe l'entreprise devra vérifier la liste établie pour chacun de ces règlements.
Les listes sont mises à jour constamment. C'est peut-être le gouvernement canadien qui les met à jour. S'il s'agit de listes de l'ONU, c'est l'ONU qui les met à jour. Cette vérification doit avoir lieu lorsque vous avez affaire à un nouveau client ou à de nouvelles contreparties, mais il faut tout de même vérifier ces listes à l'égard de ses relations continues, et de nombreuses institutions financières recourant à des techniques très avancées ne font que cela.
Le problème, c'est que les institutions financières recourant à des techniques très avancées ont les moyens de faire appel à des tiers fournisseurs de services de contrôle qui font tout le travail. Ils regroupent toutes ces listes. Ils les versent dans d'énormes bases de données, et les institutions financières utiliseront celles-ci au moment de procéder à ces blocages des biens.
Les PME doivent confier cette tâche à un tiers fournisseur de services, et c'est coûteux. On nous demande constamment de recommander des tiers fournisseurs de services à cette fin. On parle de milliers de dollars. Si une PME veut commercer avec un pays — disons au Moyen-Orient ou dans le nord de l'Afrique — qui ne fait même pas l'objet de sanctions, parce qu'il s'agit de régions à risque élevé où se trouvent des pays visés par des sanctions, elles ont tout intérêt à vérifier sur cette liste, faute de quoi elles risquent de faire affaire avec des personnes visées. Les listes n'indiquent pas où se trouve la personne; une fois qu'une personne figure sur une liste, on ne peut faire affaire avec elle, où qu'elle soit dans le monde.
Je veux seulement que le Comité comprenne que lorsque nous établissons des listes additionnelles, lorsque nous ajoutons des noms à ces listes, il est difficile pour les gens d'affaires de composer avec ces choses si le gouvernement ne prend pas de mesures pour les aider. Or, une des façons de les aider serait de publier une liste globale sur le site Web du gouvernement. Les États-Unis le font. L'Australie le fait. L'Australie envoie un courriel à ses exportateurs chaque fois qu'elle met ses listes à jour. Je crois que le Canada devrait sérieusement songer à rendre ce mécanisme plus efficace.
L'autre problème de la liste tient à la description des noms qui y figurent. Il faut davantage d'informations que le seul nom.
Je vais m'arrêter là.
D'accord.
J'ai une brève question pour Thomas.
Vous avez formulé deux ou trois commentaires sur les témoignages précédents. Y a-t-il deux points que vous aimeriez soulever ou sur lesquels vous aimeriez revenir par rapport à ce qui a été dit?
Oui, j'aimerais revenir sur la question des listes globales, car je crois que c'est une très bonne idée. Particulièrement si le Canada commence à appliquer ses propres mesures unilatérales, il importera qu'elles regroupent les diverses listes de personnes.
D'ailleurs, les Nations unies ont produit une liste globale à partir des travaux des 14 comités de sanctions différents qu'elle a maintenant. Il y a maintenant un seul endroit où trouver cela à l'échelle de l'ONU.
Comme je l'ai dit, l'ONU tente également d'aligner la quantité d'informations sur la norme du Bureau du contrôle des avoirs étrangers des États-Unis. C'est une autre mesure prise à l'égard des listes de l'ONU.
Cela dit, même si je pense que c'est une bonne idée, ce ne sera pas suffisant pour les petites entreprises, car si elles évoluent à plusieurs endroits dans le monde, elles devront tout de même interpréter de multiples listes. Autrement dit, elles devront se tenir à jour à tous les endroits où elles exercent des activités, ce qui suppose non seulement de suivre la liste de l'ONU et celle du Canada, mais aussi — si elles ont des actifs importants aux États-Unis — la liste des États-Unis, etc.
Merci aux trois témoins. C'est bon d'entendre vos paroles de sagesse.
Monsieur Boscariol, vous avez déclaré que le gouvernement canadien ne fournit pas suffisamment d'orientation, alors la question qui s'impose à l'esprit est la suivante: quel rôle les sanctions devraient-elles jouer dans le cadre de la politique étrangère du Canada?
Si quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose, ne vous gênez pas.
Merci de poser la question.
Comme je l'ai laissé entendre dans ma déclaration préliminaire, je ne conteste pas le fait que les sanctions peuvent s'avérer un mécanisme d'intervention efficace, surtout lorsqu'il s'agit d'envoyer un message. Je ne suis pas ici pour dire que nous ne devrions jamais recourir à des sanctions. Elles peuvent être utiles. Mais ce que je trouve toujours intéressant, c'est que l'application de sanctions s'appuie lourdement sur les entreprises privées, qui doivent se plier à ces lois.
Un des témoins précédents a parlé de l'immigration et de l'interdiction d'entrer au Canada. C'est un aspect qu'Immigration Canada et l'ASFC peuvent prendre en charge en première ligne. Lorsqu'on impose des sanctions comme le blocage des biens et des interdictions relatives au commerce et aux investissements, on fait retomber ce fardeau sur les entreprises canadiennes, en particulier les institutions financières. Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose. C'est une chose nécessaire, cela fait partie de la nature des sanctions. Toutefois, il faut le reconnaître, et si nous allons prendre des sanctions, assurons-nous de mettre en place des ressources convenables pour aider les entreprises à se plier aux mesures.
Certainement.
Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il incombe au gouvernement fédéral du Canada de mettre en oeuvre les interdictions de voyager et d'absorber les coûts connexes. Je formulerai seulement un commentaire général quant au fait que les sanctions ont pris de la popularité en tant que solution de rechange à la guerre. Je crois que nous devrions garder à l'esprit que le recours à des sanctions est une mesure grave. Il s'agit d'un très gros bâton, pour tout dire, et on devrait l'utiliser avec parcimonie. C'est en partie pour cette raison que je suis d'avis que les sanctions économiques devraient être imposées de façon multilatérale et non unilatérale.
Si nous voulons envoyer un message, nous avons à notre disposition une diversité d'instruments autres que les sanctions qui ont une moins grande incidence sur les entreprises et qui sont très faciles à mettre en oeuvre, mais qui par contre n'ont pas nécessairement le même impact. Les interdictions de voyager exigent qu'on s'appuie sur la LIPR. Une foule de mesures diplomatiques peuvent être prises, y compris le fait de ne pas prendre part à des événements et à des manifestations sportives. Toutes ces mesures s'inscrivent dans l'ensemble d'instruments de politique étrangère à notre disposition.
Je crois qu'il importe de souligner que les sanctions économiques tiennent largement à la coopération des entreprises et des banques canadiennes. C'est un bon point.
Le Canada n'est pas le seul à faire face à cet enjeu et à ce problème. Il y a quelques années, nous avons organisé une réunion entre le groupe d'experts qui s'est adressé au comité des sanctions pour la Libye, ici à Genève, et des gens du secteur privé, car, comme le premier témoin l'a signalé, les institutions financières sont les principaux responsables de l'application de ces mesures.
Les commentaires que nous avons entendus du secteur privé — des institutions financières, des compagnies d'assurances, des sociétés de transport — concernaient l'information inadéquate reçue du gouvernement. En particulier, je dois dire — ce commentaire semblait venir surtout du Royaume-Uni — qu'il y avait des plaintes au sujet de Bruxelles. Je vais me garder ici de faire un commentaire sur le Brexit, mais les intervenants du secteur privé se plaignent souvent du fait qu'il est difficile d'obtenir en temps opportun l'information dont ils ont besoin. Ce n'est pas un proprement canadien. C'est un problème pour tous les intervenants du secteur privé dans le monde qui doivent appliquer des sanctions.
J'ai parlé, durant mon exposé, du fait qu'il est difficile de s'assurer que les sanctions ciblées demeurent ciblées, c'est-à-dire de s'assurer que ces mesures soigneusement mises au point donnent les résultats escomptés, lorsqu'elles ont en fait été rédigées à New York, à Bruxelles ou à Ottawa. Je crois que la difficulté à ce chapitre est liée à ce que nous appelons le problème de la double traduction. En effet, il y a deux traductions qui s'opèrent: premièrement, la traduction de la décision d'un conseil — dans le cas de l'Union européenne — ou d'une résolution du Conseil de sécurité — dans le cas de l'ONU — en loi nationale; deuxièmement, il y a la communication de cette loi nationale au secteur privé.
À ces deux points, la traduction — à savoir le passage de décision du conseil à loi gouvernementale, et l'interprétation de cette loi, la façon dont elle est communiquée aux entreprises et la façon dont celles-ci mettent en oeuvre les mesures pour s'y conformer — peut mener à des distorsions importantes. Cela peut mener à une application plus étroite, mais le plus souvent, on observe une application plus large des sanctions et — particulièrement dans le cas de l'Iran, au cours des dernières années — l'apparition du phénomène où les entreprises se comportent de façon à atténuer les risques, craignant de s'attirer les foudres de leur propre gouvernement ainsi que d'autres gouvernements, sous forme d'amendes et de pénalités, si elles ne cessent pas pratiquement toutes leurs activités à l'égard de l'Iran.
D'accord.
Sur le même sujet, j'aimerais entendre des comparaisons de la façon dont les politiques et les lois relatives aux sanctions ont été conçues et mises en oeuvre par les autres pays et organisations dans le monde. Comment nos politiques se comparent-elles aux autres?
Monsieur Boscariol, voudriez-vous commencer?
Oui.
J'aurais seulement deux ou trois choses à dire sur ce point. La première chose que je dirais, c'est que le Canada est doté d'une politique proprement canadienne dans nombre de ces cas, et lorsque vous comparez seulement les politiques de sanction touchant la Russie, l'Iran, Cuba, la Birmanie et ces autres pays, elles ne sont pas identiques. Une entreprise canadienne doit prêter attention à ces politiques élaborées au Canada tout comme elle doit prêter attention aux politiques de sanction d'autres pays.
Les entreprises canadiennes, par le passé, ont souvent tenu pour acquis que la politique américaine est le nec plus ultra à ce chapitre, alors elles se plient aux sanctions américaines: « Ce sont les mesures les plus musclées, alors il est probablement plus prudent de suivre celles-ci. » Franchement, nombre d'entreprises canadiennes se sont trouvées dans l'embarras lorsqu'elles se sont rendu compte que des éléments de ces sanctions sont plus sévères au Canada qu'aux États-Unis.
La deuxième chose que je dirais sur le sujet, c'est que, dans l'administration de ces sanctions, il y a des différences importantes, et je comprends le propos de notre témoin de Genève. Des entreprises de partout dans le monde se plaignent au sujet de ces mesures de sanction, et je comprends cela, mais je pense que notre situation au Canada est particulière. Je vais vous donner un exemple: je participe à des transactions commerciales qui supposent d'essayer de déterminer si des sanctions canadiennes s'appliquent. Je travaille avec des conseillers spécialistes des sanctions aux États-Unis, en Australie et en Europe, et il y a constamment des situations où les Américains et les Européens sont en mesure d'obtenir des directives sur ces enjeux, et ils n'en reviennent pas lorsqu'ils apprennent qu'ici au Canada, nous ne pouvons pas simplement téléphoner au ministère des Affaires mondiales et demander comment interpréter quelque chose. Cela ne se fait pas ici. Même si les intervenants sont capables de faire cela, dans une certaine mesure, aux États-Unis et dans l'Union européenne, le Bureau du contrôle des avoirs étrangers des États-Unis — bien qu'il fasse souvent l'objet de plaintes — publie des Foires aux questions sur ces enjeux. Il publie ses opinions sur ces enjeux. Il y a des numéros de téléphone où on peut s'informer au sujet de ces enjeux. Nous n'avons pas cela au Canada, à l'heure actuelle, malheureusement.
D'accord, merci, monsieur Sidhu.
Nous allons maintenant passer à Mme Laverdière. Allez-y, je vous prie.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins de nous avoir livré des présentations aussi intéressantes.
Monsieur Boscariol, notre étude est à peine entamée, mais nous avions déjà commencé à prendre conscience de la situation que vous décrivez, c'est-à-dire du peu de ressources allouées aux entreprises. On parle non seulement de la compilation d'une liste de noms, mais aussi du fait qu'un guide d'instructions produit par le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada n'a pas été mis à jour depuis plus de six ans. On se rend compte qu'il y a des failles dans le système et que cela peut même mener à une conformité supérieure aux normes établies, tout simplement pour éviter le risque.
Vous avez parlé notamment de ce que font les Américains.
Existe-t-il un modèle particulièrement utile et facilement applicable au système canadien que nous pourrions considérer?
[Traduction]
Votre commentaire au sujet de l'excès de zèle au chapitre de l'observation est excellent. Il s'agit effectivement, pour un grand nombre de sociétés, y compris des institutions financières, d'une question d'atténuation des risques. Même s'il y a des situations où il pourrait être défendable d'aller de l'avant avec une transaction sous le régime de la loi canadienne, s'il y a une zone grise et que ces entreprises et institutions canadiennes ne peuvent obtenir rapidement une orientation de la part du gouvernement canadien, alors, je peux vous le dire, elles vont souvent se garder d'effectuer la transaction. Encore une fois, comme je l'ai dit plus tôt, je crois que cela mine vraiment l'objectif de la politique sur cette question.
Maintenant, pour répondre à votre question au sujet d'un exemple que nous avons souvent porté à l'attention du gouvernement canadien, à savoir le modèle ou le système utilisé par le Bureau du contrôle des avoirs étrangers des États-Unis, la réponse qu'on nous sert le plus souvent est que les États-Unis ont 10 fois notre taille, que le Bureau du contrôle des avoirs étrangers est une organisation d'envergure dotée de ressources énormes, et que nous ne pouvons tout simplement pas reproduire ce modèle au Canada.
Cela dit, je pense que nous devrions regarder du côté de l'Australie. Certes, je ne suis pas un avocat australien, mais je me suis inscrit à la liste de courriel du gouvernement australien. On m'avise chaque fois que le gouvernement australien fait un ajout à sa liste d'entités faisant l'objet de sanctions. C'est très facile à faire, et cet aspect au moins est bien couvert sur le site Web de l'Australie. Je crois qu'il serait facile pour le Canada de reproduire une mesure aussi simple.
[Français]
J'aimerais faire un commentaire rapide sur cette façon d'éviter le risque. Lorsque des sanctions ont été appliquées contre l'Iran, des étudiants iraniens ici, au Canada, ont vu leur compte de banque être fermé parce que les banques ne savaient pas comment appliquer les sanctions.
Monsieur Biersteker, les sanctions peuvent avoir trois catégories ou trois objectifs: un changement de comportement, une contrainte ou l'envoi d'un signal.
Comment décririez-vous les sanctions contre l'Iran? Où se situent-elles dans ces trois catégories par rapport à leur efficacité?
[Traduction]
Merci beaucoup de poser cette question.
Dans notre évaluation, nous avons mis au point une approche pour essayer d'évaluer l'efficacité des sanctions. Nous avons établi une distinction en fonction du but. Nous tentions d'évaluer la question. Est-ce qu'on a contraint l'Iran de changer sa position sur l'utilisation de son programme nucléaire à des fins d'armement? A-t-il été contraint de le faire? Autrement dit, est-ce que les coûts connexes ont augmenté? A-t-il changé sa stratégie d'une façon ou d'une autre? Est-ce qu'un message a été envoyé efficacement à l'Iran? Le message était-il clair? Chose importante, y a-t-il eu un degré de stigmatisation de l'Iran? En effet, il s'agit non seulement d'envoyer un message clair, mais aussi d'occasionner une certaine stigmatisation à certains égards.
L'autre chose que nous faisons au moment d'évaluer l'efficacité des sanctions consiste à différencier les épisodes qui ponctuent le régime visant un pays donné. Dans le régime de sanctions visant l'Iran, nous définissons un épisode comme étant un changement touchant la nature de la sanction appliquée, la cible de la sanction ou le but de la sanction.
Au cours de la période qui s'est étendue de 2006 jusqu'à l'adoption du plan d'action global complet de l'an dernier, nous avons relevé cinq épisodes différents relativement aux sanctions en Iran. Toute cette information est disponible sur sanctionsapp.com ou dans notre application pour appareils mobiles. Soit dit en passant, je ne vends pas l'application: elle est gratuite et à la disposition de tous. Elle ne fonctionnera peut-être pas sur un BlackBerry, par contre. Cela poserait peut-être problème au Canada, je ne suis pas sûr.
À l'égard particulièrement de la plus récente phase, nous avons conclu et fait valoir que les sanctions étaient efficaces, mais de la façon suivante: elles n'étaient pas efficaces lorsqu'elles étaient utilisées seules. Les sanctions étaient efficaces pour ce qui est de forcer à changer un comportement, pas pour avoir amené l'Iran à la table de négociation; en effet, l'Iran était en négociation tout au long de cette période. Les changements sont multiples. J'ai dit plus tôt que les sanctions sont toujours appliquées parallèlement avec d'autres instruments de politique. Je crois qu'il y a deux autres faits nouveaux importants qui ont mené au plan d'action global complet, dont un changement dans la position de négociation de l'UE3 + 3, ou le P5 + 1, selon le côté de l'Atlantique d'où vous envisagez la question.
Avant 2015, il y avait interdiction totale de l'enrichissement, alors l'UE3 + 3 a changé sa position de négociation. La combinaison de sanctions intensifiées — et cela revient à ce que je disais au sujet de l'action multilatérale — a permis de rallier l'Europe ainsi que de nombreux autres pays, et on a même vu une baisse de l'activité commerciale de l'Inde, de la Chine — jusqu'à un certain point —, de la Corée et du Japon. C'était une stratégie complète. Alors les sanctions étaient très importantes, mais elles n'ont pas produit le changement à elles seules. C'est dû au changement dans la position de négociation et, selon moi, à une certaine dose de chance. L'élection du président Rohani en 2013, événement inattendu pour la plupart des spécialistes de la politique iranienne, a aussi créé un environnement favorable. Pour que les sanctions soient efficaces, il fallait une certaine dose de chance. Il fallait aussi assurer une coordination étroite des négociations. J'avancerais que cela, plus que les sanctions, a mené à un résultat efficace.
Je suis désolé pour ce long exposé sur la question, mais nous y avons beaucoup réfléchi.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je comprends que vous ayez certaines réticences ou que vous croyiez que, si on incluait certains dossiers de droits de la personne à notre régime de sanctions, il faudrait le faire avec une certaine prudence en établissant des seuils, et ainsi de suite.
De manière générale, faudrait-il apporter des améliorations importantes à notre régime de sanctions actuel?
[Traduction]
En fait, je n'ai pas grand-chose à dire au sujet de la LBBDEC, surtout parce qu'il s'agit d'une loi assez précise. Je pense que d'autres témoins ont évoqué le fait qu'il s'agissait d'un texte de loi très particulier.
Ce n'est pas nécessairement que j'ai des hésitations à l'égard de la possibilité que le gouvernement ou le Parlement décide qu'il veut ajouter des violations des droits de la personne à la LMES. J'estime simplement qu'il importe d'expliquer clairement ce que cela veut nécessairement dire, si le gouvernement décide d'emprunter cette voie. Ce que cela doit vouloir dire, c'est qu'il n'y aura pas de lien entre la loi et l'idée qu'une crise internationale est imminente. Elle crée un nouveau critère pour déterminer quand le Canada devrait ou ne devrait pas intervenir relativement aux actes d'autres États souverains.
Je ne veux pas que le moment passe sans que le Comité ou d'autres intervenants s'arrêtent pour prendre note de la gravité de la prise de cette décision. Il y a beaucoup de moyens par lesquels, si le Comité décide que le Canada veut défendre les droits de la personne dans le monde et intervenir dans d'autres États — parce que, essentiellement, c'est ce que la LMES tente de faire — et prendre des mesures contre quiconque vile les droits de la personne... Il s'agit d'une décision que le Parlement peut tout à fait prendre. C'est simplement qu'en même temps, les législateurs doivent également décider dans quelles circonstances le Canada interviendrait.
Par contre, si le Canada devait emprunter cette voie, divers groupes pourraient exercer beaucoup de pression afin qu'il intervienne dans toute une série de causes liées aux droits de la personne partout dans le monde. Je pense qu'il importe de réfléchir aux situations dans lesquelles le Canada adopte une position, par l'adoption de dispositions législatives. De toute manière, il s'agit de quelque chose que le gouvernement veut faire.
J'espère que c'est utile.
Je vous remercie tous de votre présence aujourd'hui.
Monsieur Boscariol, j'ai une question qui s'adresse à vous précisément, car vous avez mentionné le Belarus dans votre déclaration préliminaire. Je veux poser une question précise parce qu'il me semble que l'intervention que nous avons effectuée était différente de celle des États-Unis ou de l'Europe, c'est-à-dire que nous n'avions aucune sanction économique. Nous avions inscrit le pays sur une liste des pays visés, et nous avons contrôlé ce qui pouvait y être exporté, mais les États-Unis et l'Union européenne l'ont soumis à un régime différent, ce qui a causé beaucoup de difficultés pour des entreprises du Canada ainsi que pour des filiales étrangères qui faisaient des affaires au Canada.
Que pouvons-nous faire en tant que comité, pour nous assurer que les entreprises de notre pays sont sur un même pied d'égalité et veiller à ce qu'il y ait une certaine harmonisation entre ce que nous faisons et ce que fait le reste du monde?
J'utilise le Belarus comme exemple précis, car cette situation a eu tendance à provoquer de la confusion chez certaines entreprises du Canada.
C'est une bonne question. Les mesures que nous prenons contre le Belarus sont des contrôles à l'exportation. Il ne s'agit pas de sanctions économiques. La mesure prise par les États-Unis contre le Belarus était en grande partie fondée sur une liste. Ils ont désigné certaines parties avec qui on ne pouvait pas faire affaire relativement au Belarus et au gouvernement de ce pays. Dans le cas du Canada, c'était un contrôle des exportations. Il ne limitait pas vraiment la capacité des Canadiens qui étaient à l'étranger de faire affaire avec le Belarus.
Toutefois, il s'agissait d'un contrôle très rigoureux des exportations. Le fait d'inscrire un pays sur la Liste des pays visés est une mesure draconienne, selon moi; nous l'avons fait à l'égard de la Birmanie. La Corée du Nord figure actuellement sur cette liste. Quand le Belarus y était, cela voulait dire qu'aucune exportation ne pouvait s'y rendre. Cela voulait également dire qu'aucun transfert de technologie ne pouvait avoir lieu, et cela a fait trébucher beaucoup d'entreprises canadiennes. Auparavant, le Belarus était un genre de Silicon Valley de l'ancienne Union soviétique. Il y a déjà beaucoup d'activités, là-bas, compte tenu des producteurs d'ordinateurs et des développeurs de logiciels. Un grand nombre d'entreprises de logiciels du Canada travaillaient avec les développeurs de logiciels du Belarus, et, sans le savoir, elles commettaient un écart lorsqu'elles transféraient de la technologie vers le Belarus dans le cadre du développement de ces logiciels.
Je ne qualifierais pas les mesures prises par les États-Unis ou l'Union européenne comme étant plus rigoureuses, nécessairement; elles sont différentes. Toutefois, je peux vous dire que l'inscription du Belarus sur la Liste des pays visés a rendu la situation très difficile pour des Canadiens et pour des filiales canadiennes d'entreprises américaines, car les États-Unis n'avaient pas mis en œuvre de mesures comme celles-là. Un grand nombre d'entreprises américaines ne savaient pas que le Canada avait mis cette mesure en place. Leurs activités canadiennes se sont peut-être poursuivies, et elles ont continué de faire affaire avec le Belarus pour cette raison.
Une grande partie de ma pratique, c'est simplement ce que vous avez mentionné, c'est-à-dire les situations dans lesquelles les États-Unis et le Canada ne sont pas complètement harmonisés relativement aux sanctions, et avec l'Union européenne ou l'Australie et d'autres pays. Ces situations occasionnent beaucoup de difficultés aux entreprises canadiennes.
Du point de vue des politiques, je pense qu'il s'agit d'un enjeu un peu différent. De ce point de vue, vous pouvez décider que vous voulez être harmonisé. C'est beaucoup plus facile pour les entreprises canadiennes, si nous sommes complètement harmonisés, mais il ne s'agit plus d'une politique faite au Canada. Cela exige que nous nous harmonisions avec les États-Unis — je ne pense pas qu'on puisse observer le cas inverse, où les États-Unis s'aligneraient nécessairement sur nos politiques —, mais il s'agit d'une perspective riche en difficultés, car je ne suis pas certain que le fait de simplement se contenter de faire ce que font les Américains constitue toujours la meilleure politique canadienne. Si c'était le cas, nous ne connaîtrions aucun succès à Cuba en ce moment.
Des questions que j'ai à vous poser concernent le contrôle judiciaire. Je sais que vous avez effectué certains travaux relativement au rapport Watson, avec les Nations Unies. Une partie des résolutions 1989 et 1904 — je crois — comprenait le fait que vous avez créé un ombudsman chargé de déterminer s'il faut maintenir certaines personnes et entités sur une liste ou les en retirer.
Pensez-vous qu'il s'agit d'une partie importante: que ces sanctions soient enchâssées dans la loi? Quel genre de consigne pouvez-vous nous donner quant à ce que nous pouvons faire ici, au Canada?
Merci beaucoup d'avoir posé cette question.
Oui, j'ai travaillé en très étroite collaboration avec un ancien collègue, à l'Institut Watson de l'Université Brown: Sue Eckert, qui était la secrétaire adjointe pour les contrôles d'exportation de l'administration Clinton.
Nous avons formulé un certain nombre de recommandations et de suggestions de façons de régler ce qui était fondamentalement un problème très grave: l'absence d'application régulière de la loi pour les personnes qui étaient désignées, les personnes qui étaient inscrites sur la liste.
Quand les autres pays ont commencé à appliquer leurs propres sanctions, j'ai posé la question suivante à une personne du secrétariat qui supervisait la politique: « Avez-vous réfléchi aux conséquences sur les droits de la personne liées au fait que le Conseil de sécurité dresse une liste de personnes? » À l'époque, la personne m'a répondu qu'on était tellement préoccupés par l'idée de changer et de modifier les sanctions globales prises contre l'Iran qu'on n'avait tout simplement pas posé la question; personne n'y avait même pensé. On pensait qu'on pourrait poursuivre des personnes exposées politiquement, mais personne n'avait réfléchi aux droits de ces personnes à l'application régulière de la loi.
Les gouvernements de la Suisse, de la Suède et de l'Allemagne nous avaient chargés d'étudier diverses façons de régler ce problème à l'échelon de l'ONU. Nous n'avons pas donné de conseil stratégique. Nous avons simplement organisé les diverses options qui étaient proposées et les avons évaluées du point de vue de la mesure dans laquelle ces diverses options institutionnelles règleraient le problème des infractions fondamentales touchant l'application régulière de la loi relativement à la notification, à l'accès, au droit à une audience et à des recours efficaces.
Au bout du compte, le Conseil de sécurité — quoiqu'il y ait eu beaucoup d'oppositions, en 2006... les choses ont changé, en 2008 ou en 2009, probablement en raison du changement d'administration aux États-Unis, en particulier. Il y a eu l'instauration du bureau de l'ombudsman. De fait, le premier ombudsman était une Canadienne, je pense: Kimberly Prost. Elle était une ancienne procureure au Tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie.
Ce qu'a fait Kim au bureau est intéressant. Je raconte cela à mes étudiants des institutions; c'est une histoire très intéressante. En fait, en 18 mois, elle s'est débrouillée pour conférer à un bureau qui faisait l'objet d'une forte opposition de la part des membres permanents du Conseil de sécurité un droit de veto inverse. Cela veut dire que les recommandations formulées par l'ombudsman sont contraignantes, sauf si les 15 membres du conseil annulent ces recommandations. J'ai parlé de l'amélioration des procédures judiciaires. Il s'agit en fait d'une évolution très spectaculaire et très importante.
Mes collègues juridiques ne sont pas d'accord pour dire que l'ombudsman a un pouvoir de recours effectif, car, au bout du compte, la décision reste à l'échelon du Conseil de sécurité. Toutefois, je soutiens que pas une seule des recommandations formulées par l'ombudsman n'a jamais été annulée par le conseil jusqu'à maintenant. Je pense qu'il s'agit en fait d'un mécanisme assez novateur et important.
La raison pour laquelle nous avons milité si fortement en sa faveur, c'est que la désignation des personnes par le Conseil de sécurité était de plus en plus délégitimisée par des poursuites judiciaires, plus particulièrement devant les tribunaux européens. Même si on tient compte du fait que l'Union européenne tentait de mettre en oeuvre des sanctions de l'ONU, elle constatait qu'elle perdait environ les deux tiers des causes liées à des désignations plaidées devant la Cour européenne de justice. Ce taux s'est maintenant stabilisé à environ 50 %.
Dans l'Union européenne, c'est traité différemment. Ici, en Suisse, nous ne faisons pas partie de l'Union européenne, mais, dans cette union, c'est traité par l'intermédiaire du système judiciaire.
Je pense qu'il importe que, au moment de désigner des personnes, ces questions soient réglées et prises au sérieux, sans quoi il y a des infractions fondamentales relativement à l'application régulière de la loi. Tout ce que je soutiendrais — c'est peut-être une [Note de la rédaction: inaudible] déclaration —, c'est que toutes les personnes ont des droits, même celles qui sont accusées d'avoir commis des crimes de guerre et mené d'autres activités criminelles de [Note de la rédaction: inaudible] cellule terroriste. Je pense qu'il importe d'instaurer ce genre de mesures et de prendre cette question au sérieux autant qu'elle le mérite.
Dans une certaine mesure, notre campagne actuelle vise à faire en sorte que l'ONU étende le mandat de l'ombudsman du comité de lutte contre le terrorisme établi au titre de la résolution 1267 à d'autres comités, car les enjeux sont fondamentalement les mêmes.
Merci, monsieur Saini.
Chers collègues, c'est la fin de la première série de questions. Il nous reste beaucoup de temps, alors nous allons pouvoir tenir facilement la deuxième série, et peut-être aller au-delà.
Nous allons passer à M. Miller.
Madame Lilly et messieurs, je vous remercie de comparaître et d'adopter une approche générale par rapport à ce groupe et à l'examen en cours. Ce qui est ressorti de façon évidente d'un certain nombre des témoignages présentés devant nous relativement à la loi et à son opérationnalisation, c'est que nous avons commencé par penser aux endroits où se situent les lacunes de cette loi et à celles que nous pouvons combler, ainsi qu'à la façon dont elle peut être établie de la façon la plus souhaitable dans le cadre d'une politique canadienne et d'une application de la loi efficace grâce à ces outils législatifs, et, rapidement, nous nous sommes mis à formuler quelques observations qui sont plutôt surprenantes. L'une, c'est l'incapacité d'imposer ces outils d'une manière efficace, et une autre, ce sont les effets pervers que pourrait avoir leur imposition sans l'adoption d'une approche multilatérale générale.
Je suis heureux que vous ayez soulevé cette question, puisque, au moment où nous envisageons la possibilité de mettre en place quelque chose qui règlerait le problème des violations flagrantes des droits de la personne, les enjeux que vous soulevez aujourd'hui revêtent une importance particulière pour ce qui est de s'assurer que cet outil législatif — si le Parlement le juge souhaitable — fonctionne vraiment.
La loi actuelle, qui est censée régler un problème tout aussi — si ce n'est plus — grave... vous avez dit qu'elle ne fonctionne pas, qu'elle est très difficile à faire appliquer ou qu'elle crée des facteurs dissuasifs ou des effets pervers pour les entreprises canadiennes, comme l'a mentionné M. Boscariol. C'est particulièrement intrigant — et cela ne fera pas partie de mon intervention, mais, puisque nous commençons à interagir davantage avec l'Iran — que vous ayez semblé laisser entendre que les entreprises canadiennes sont défavorisées par rapport aux partenaires qui peuvent réagir plus rapidement.
La question que je me pose concerne les violations flagrantes des droits de la personne et ce qui doit être fait; à quel chapitre le Canada a la possibilité d'agir, selon vous; et — n'importe lequel d'entre vous peut répondre à celle-ci — si on met l'accent sur les contre-mesures auxquelles pourrait faire face un pays qui est beaucoup plus puissant que nous, d'un point de vue économique et politique, et qui pourrait être un partenaire, qu'il agisse unilatéralement pour un pays comme le nôtre... Premièrement, une telle approche est-elle souhaitable, d'un point de vue juridique et politique? Deuxièmement, fonctionnerait-elle vraiment? Troisièmement, l'un de ces messieurs a soulevé la primauté du droit — essentiellement, la condamnation de personnes avant qu'elles aient été jugées —, mais aussi les effets pervers qu'elle peut avoir sur les citoyens canadiens en conséquence.
Je sais que c'est une longue déclaration, mais répondez-y comme bon vous semble.
Merci de poser la question.
La détermination du fait que les violations flagrantes des droits de la personne devraient ou non être ajoutés à la loi est une décision que vous allez devoir prendre, mais je suppose que je dirais qu'il importe de se rappeler qu'il y a déjà beaucoup de moyens grâce auxquels des mesures pourraient être prises en cas de violation flagrante des droits de la personne au titre de la LMES, pourvu qu'il y ait une perception de crise internationale imminente.
Dans l'exemple de...
D'accord. Sous ce seuil, je ne suis pas très favorable au fait que le Canada agisse unilatéralement de cette manière par l'utilisation de la LMES, même si je pense qu'il y a bien des choses que le Canada pourrait faire unilatéralement en dehors de la LMES, notamment des choses comme des interdictions de voyage, qui sont entièrement du ressort du Canada. La différence entre les interdictions de voyage et les mesures économiques, c'est que — selon moi — le Canada a tout à fait le droit de les imposer, et il devrait absolument prendre les décisions au sujet de qui entre dans notre pays et de qui en sort. Nous sommes un État souverain, et, si nous ne voulons pas que des personnes commettant des violations flagrantes des droits de la personne viennent ici, elles ne devraient pas venir. La LIPR le permet déjà.
En prenant des mesures contre un État étranger au sujet de violations des droits de la personne qui ont lieu à l'extérieur du Canada, je suis entièrement d'avis qu'il s'agit de quelque chose que... si le Canada veut emprunter cette voie, il devrait le faire de façon multilatérale, par le truchement de la LMES. Autrement, il y a toutes sortes d'autres outils de politique étrangère qui sont accessibles, y compris faire des choses comme appuyer des groupes de défense des droits de la personne sur le terrain, qui rendent publiques beaucoup de ces choses et les mettent au grand jour.
D'autres pourraient avoir un point de vue différent.
Ici John, et je répondrai très brièvement à cette question.
Vous vous souvenez peut-être de la situation d'un M. Abdelrazik, qui était un Canadien pris au Soudan et incapable de revenir au Canada parce qu'il figurait sur la liste de l'ONU. Les Nations unies peuvent parfois rater leur coup. Il arrive que des gens inscrits sur des listes ne devraient pas y figurer. Dans ce cas, vous vous rappellerez que notre Cour fédérale avait réprimandé le gouvernement canadien, à l'époque, parce qu'il n'avait pas permis à cet homme de revenir au Canada, quoique, au bout du compte, il a fini par revenir au pays.
D'après mon expérience de la représentation d'entreprises inscrites sur les listes du Canada, je peux vous dire que le processus à suivre pour les retirer quand on sait qu'il y a eu une erreur est très difficile. Il n'y a aucune réflexion, aucune transparence à cet égard. Il n'y a pas d'application régulière de la loi. Comprenez bien que, pour les entreprises comme pour les personnes, une fois que vous les inscrivez sur une liste, même si elles pourraient ne pas être en mesure de venir au Canada ou si les entreprises pourraient ne pas être en mesure de faire des affaires avec des Canadiens, les répercussions sont mondiales, dès qu'on inscrit une personne sur cette liste. Les banques de partout dans le monde consultent la liste canadienne; leurs bases de données comprennent les listes des États-Unis, du Canada, de l'Australie et de l'Union européenne. L'ajout d'une personne sur cette liste a des conséquences énormes. Alors, je pense que, si vous devez augmenter le nombre de personnes qui figurent sur ces listes au Canada, nous devons nous doter d'un meilleur mécanisme pour protéger les gens contre les désignations erronées.
Je suis bien d'accord avec les arguments formulés par M. Boscariol au sujet de l'importance d'avoir des procédures accessibles. Si des erreurs sont commises, des procédures doivent être accessibles pour la présentation de l'information. Dans le passé, le problème le plus important a été le fait que la plupart des désignations — simplement en chiffres — sont liées à la lutte contre le terrorisme. L'information qui sert de fondement à ces mémoires tend à provenir de sources classifiées, et c'est pourquoi il est très difficile de tenir une audience complète et juste par la suite.
Je pense qu'il est important que des procédures soient en place et qu'elles soient rigoureuses. Les Nations unies ont fait quelque chose au titre de la résolution 1822, en 2008; simplement, elles ont parcouru toutes ces listes pour s'assurer qu'elles disposaient des renseignements adéquats, qu'elles étaient encore d'accord avec le fait que les personnes visées devraient le rester. La longueur de la liste est moins importante que sa qualité.
Les listes des divers pays sont dressées de manières différentes. Aux États-Unis, la liste est dressée dans le cadre d'un processus interinstitutionnel assez compliqué, où des représentants d'un certain nombre de départements fédéraux différents déterminent le fondement de la désignation. Ce processus comprend le département de la Justice et d'autres, alors la liste n'est pas le produit d'une seule agence ou d'un seul département du gouvernement. Il s'agit d'une décision interinstitutionnelle.
En ce qui concerne l'ONU, c'est une décision politique, et, d'un point de vue technique, on soutient qu'il s'agit d'une mesure préventive. Des gens sont inscrits sur la liste à la lumière de renseignements raisonnables, dans l'optique de tenter de prévenir la perpétration de certains actes.
Concernant les éléments mentionnés par Mme Lilly, je ne connais pas très bien les détails de la loi canadienne, alors je ne suis pas bien placé pour dire si les moyens sont accessibles ou non. En ce qui a trait aux préoccupations au sujet des violations flagrantes des droits de la personne, je pense qu'il importe que tous les États souverains aient la capacité de faire une détermination et d'exercer leur pouvoir politique dans ce domaine. Toutefois, je souscris à son opinion selon laquelle c'est très difficile, et je pense que son commentaire précédent au sujet de l'établissement de points de repère et de procédures est une chose qu'il serait important d'instaurer.
Je suis légèrement en désaccord avec quelque chose qu'elle a dit dans sa déclaration préliminaire, quoiqu'il pourrait simplement s'agir d'une question d'interprétation. En ce qui concerne les sanctions de l'ONU, les Nations unies invoquent les droits de la personne dans toutes les résolutions, mais les violations des droits de la personne sont rarement le principal motif des mesures prises par l'ONU. Cette situation est principalement due — selon moi — à des questions d'ordre technique liées à la charte de l'ONU. Par exemple, les sanctions imposées au Soudan du Sud sont motivées par des préoccupations au sujet d'un génocide potentiel et à l'égard de la possibilité que le résultat s'inscrive non pas dans le cadre des droits de la personne, mais plutôt dans le cadre d'un conflit armé. On tenterait d'obtenir un cesser le feu, de négocier un règlement, d'obtenir la mise en oeuvre de ce règlement et, enfin, de régler le conflit.
Ainsi, même si, en théorie, l'ONU a utilisé la doctrine de la responsabilité de protéger, il est intéressant de constater qu'elle n'a été utilisée que dans un cas — lors de deux épisodes —, et c'était en Libye, en 2011.
Merci, monsieur Biersteker. Merci, monsieur Miller.
Pour la gouverne du Comité, les témoins sont-ils au courant de toute analyse ayant été effectuée, quand ces sanctions individuelles ou économiques sont confrontées aux effets économiques sur notre propre industrie et sur nos propres entreprises, au Canada? Bien entendu, la discussion tenue ici, cet après-midi, vise à étendre le champ des activités visant les violations flagrantes des droits de la personne, lesquelles comprendraient probablement un certain nombre de sanctions économiques possibles contre d'autres pays et auraient une plus grande incidence sur les petites et moyennes entreprises et, bien entendu, sur nos grandes sociétés.
Je souhaiterais vous entendre me dire si une telle analyse existe, si nous en effectuons actuellement, au Canada, et si des études sont accessibles concernant non seulement le message que nous envoyons, mais aussi les effets que nous avons sur nos propres sociétés.
Je vais simplement vous laisser réfléchir; je ne souhaite pas obtenir de réponse tout de suite, mais il s'agit selon moi d'une chose à laquelle nous devrons nous attaquer à un moment ou à un autre, au moment où nous nous pencherons sur le libellé de cette disposition législative. Bien entendu, on a présenté au Sénat et à la Chambre des communes des projets de loi d'initiative parlementaire qui reflètent un peu l'argument de l'expansion de notre portée, alors je souhaiterais vraiment connaître votre point de vue à ce sujet, à un certain moment.
Merci de ces commentaires, monsieur Miller.
Je vais céder la parole à M. Kent.
Je remercie tous les témoins d'avoir rappelé au Comité et — fait plus important — aux Canadiens qui suivent nos séances — à quel point les définitions des sanctions sont nombreuses et le but des divers types de sanction, que ce soit de pénaliser, d'humilier, de persuader, de limiter ou — comme cela a été mentionné ici — d'envoyer de puissants signaux. J'ai le regret d'être assez vieux pour me souvenir des premières sanctions de l'ONU imposées contre la Rhodésie, en 1966... Des sanctions à 90 % pour essayer de forcer le pays à respecter les directives de l'ONU, lesquelles ont été en grande partie infructueuses parce qu'elles ont été enfreintes de façon flagrante par l'Afrique du Sud.
Aujourd'hui, je voudrais revenir sur la loi Magnitsky, qui a été promulguée aux États-Unis et qui reconnaît qu'au Canada la LMES et la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus ont un peu donné suite aux enjeux de l'heure et été mises à jour à mesure que des situations et des défis surviennent, de diverses manières.
Selon mon interprétation, la loi Magnitsky est certes efficace pour ce qui est d'envoyer un signal et d'humilier le pays particulier en question, mais, d'après la façon dont elle a été conçue, son but ultime est d'ostraciser ou d'isoler les criminels corrompus et leur richesse et, essentiellement, les empêcher de se rendre, avec leur famille, leurs gains acquis malhonnêtement, aux États-Unis. Comme le Parlement canadien a adopté une motion l'an dernier, il fera la même chose au Canada.
Je me demande simplement — je m'intéresse d'abord à Mme Lilly, mais aussi à nos autres témoins... je pense que le parrain de la loi Magnitsky — M. Browder — espère que chaque loi unilatérale interdisant ou bloquant ces personnes et leur richesse aura l'effet multilatéral — à mesure qu'un nombre de plus en plus grand d'endroits plaisants dans le monde fermeront leurs portes — de cibler non pas les personnes visées par la LBBDEC, qui sont les hauts dirigeants des gouvernements ou de grands criminels, mais plutôt les gardiens de prison et les policiers: comme l'a dit M. Browder, l'homme qui a conduit le train jusqu'à Auschwitz. Nous voyons de plus en plus — plus particulièrement en Russie, mais aussi dans d'autres pays — de petits criminels accumuler une vaste richesse, puis chercher à la déplacer vers des endroits sûrs partout dans le monde.
Si je suis imposé par d'autres démocraties, la loi devient effectivement multilatérale, même si elle est conçue comme étant unilatérale.
Exact. Si le Canada devait agir au moyen de la LMES, en élargissant les dispositions de cette loi ou en adoptant une loi Magnitsky individuelle, le but serait que le Canada agisse de concert avec les États-Unis, et je crois que ce que souhaite M. Browder — souhait qu'il a formulé dans le passé —, c'est que cela comprenne l'Union européenne également. Je pense qu'il s'agit là de sa motivation et qu'il s'est déjà adressé au Comité dans le passé. L'une des très grandes différences entre les États-Unis, l'Union européenne et le Canada — comme cela a déjà été mentionné —, c'est notre taille relative. Ce n'est pas une mauvaise chose que le Canada ne soit pas une destination privilégiée pour l'argent corrompu dans le monde. C'est une bonne chose. La capacité des États-Unis et de l'Union européenne, en particulier — parce que le Royaume-Uni est un centre financier mondial — d'avoir, peut-être... et je ne sais pas dans quelle mesure les actifs et les fonds se trouvent dans ces pays, mais l'idée, c'est que ces pays pourraient avoir une plus grande incidence. Le fait de ne pas connaître l'état des finances russes au Canada, mais de présumer qu'il ne s'agit pas de la destination privilégiée pour l'argent corrompu — si le Canada devait adopter cette loi, alors, je pense qu'il s'agirait en grande partie d'une mesure symbolique.
Je pose cette question en raison de la preuve dans l'affaire Vitaly Malkin, où, par exemple, l'immigration l'avait bloqué de façon consécutive à la frontière et lui avait refusé d'entrer, ainsi que, effectivement, sa richesse, mais la décision avait fini par être annulée au motif de l'argument formulé devant un tribunal de l'immigration concernant la définition du terme « entrepreneur », malgré des preuves crédibles selon lesquelles il avait détourné des fonds de développement de l'ONU, malgré sa criminalité et les millions qu'il a apportés au pays. La citoyenneté lui a été refusée, mais il est tout de même entré en raison d'une dysfonction entre les divers ministères canadiens. Le SCRS a un dossier, et l'immigration en a un autre, mais les agents de la GRC ne semblent pas en avoir, car ils ont d'autres priorités, selon eux.
Je vous ai déjà entendu parler de cet homme, mais je ne sais rien au sujet de l'affaire en question, au-delà de ce qui a fait les manchettes.
J'ajouterais que ces mesures ciblées, lesquelles — je pense — ont été désignées comme étant des sanctions intelligentes — constituent un pas en avant. Elles ont été utilisées plus souvent, récemment. Dans la mesure où nous sommes en mesure d'éviter de prendre les mesures plus générales — qui sont des armes plus grossières —, lorsque nous imposons des interdictions relatives aux services financiers — ou des interdictions d'importation ou d'exportation — et que nous pouvons plutôt cibler précisément des personnes — pourvu que les mesures de protection appropriées soient en place —, je ne vois pas de problème à cela. Je vois un signal très fort qui est envoyé lorsque le Canada approuve ces mesures, même si elles sont en grande partie symboliques du côté canadien.
Ces temps-ci, on fait de plus en plus état d'allégations de richesse déplacée vers le Canada par des dirigeants corrompus, principalement en Extrême-Orient. Nous savons que le Canada lutte contre cette pratique, et il y a des allégations de blanchiment d'argent, là-bas. Je ne suis pas certain que le Canada soit aussi isolé de ce phénomène que d'autres pourraient le penser. Des sommes d'argent qui pourraient être illégitimes entrent au Canada, et ces mesures pourraient être appropriées pour les cibler. Cependant, je garderais à l'esprit le fait que, en raison de leur taille — comme l'a mentionné Meredith plus tôt —, les États-Unis sont le principal joueur à ce chapitre. Lorsqu'une personne est un citoyen désigné ou est inscrite sur une liste par les États-Unis, cela a des répercussions partout dans le monde. Je ne dis pas que les entreprises canadiennes respectent toujours nécessairement cette désignation et qu'elles refusent de faire des affaires avec ces personnes, mais cela a une énorme incidence sur leur réputation. Quand les États-Unis prennent une initiative comme celle-là, que le Canada fasse quoi que ce soit ou non, cela peut tout de même avoir une très grande incidence.
J'ai une observation qui est liée à l'argument que j'ai formulé plus tôt au sujet des buts différents des sanctions. À mon avis, toutes les sanctions envoient un signal normatif quelconque. Ce signal n'est pas toujours très clairement formulé; ainsi, il y a souvent des moments où nous trouvons que le message n'est pas communiqué adéquatement par la simple prise d'une mesure administrative, voire par l'adoption d'une nouvelle résolution. Il doit y avoir une combinaison, non seulement de l'envoi d'un signal, mais aussi d'une stratégie de communication qui s'y rattache. Si vous souhaitez envoyer efficacement un signal, vous devez faire plus que vous contenter d'ajouter le nom d'une personne à la liste ou de l'en retirer. Vous devez combiner cette mesure à une stratégie de communication qui explique clairement pourquoi la mesure est appliquée. Autrement, l'efficacité du signal est réduite. Les gens pourraient ne pas remarquer l'importance de la façon dont un autre pays a ajouté le nom de la personne en question sur sa liste. De fait, cela doit faire partie d'une stratégie globale de communications politiques.
Je peux vous assurer qu'il s'agit d'un grave problème au sein de l'Union européenne. Quand le groupe RELEX se réunit à Bruxelles, une fois par semaine, qu'il ajoute deux noms sur la liste ou qu'il en retire deux, sans aucune stratégie de communication, c'est très inefficace.
Sur le même thème, je suis récemment allé en Russie parler avec des gens au sujet des sanctions. Il s'agit d'une illustration parfaite de cet échec. Même si je pense que les sanctions appliquées contre la Russie — du moins, d'après notre analyse... je pense que le Canada a été le premier — même avant les États-Unis et l'Europe — à appliquer des mesures contraignantes contre des Russes relativement à l'Ukraine. Si le message n'est pas clairement communiqué, il n'aura pas d'effet. Un bon exemple de l'inefficacité du signal, en ce moment, c'est le fait qu'il semble que la majeure partie du public russe croit que les contre-mesures prises par la Russie contre l'Europe à l'égard des produits agricoles sont en fait des mesures européennes supplémentaires prises contre la Russie. Voilà une illustration des mesures prises sans contrôle des communications. Je ne dis pas qu'il est facile de contrôler les communications en Russie, aujourd'hui, mais il s'agit tout de même d'un exemple clair de l'absence de liens entre l'acte normatif et symbolique et la communication de cet acte. C'est quelque chose à quoi il faut réfléchir si on veut avoir recours à des sanctions.
Plus tard, je veux revenir sur la demande de renseignements du président au sujet des coûts pour Berne, car il pourrait y avoir certaines lignes directrices du côté européen.
Je vous remercie tous des exposés que vous avez présentés aujourd'hui.
Je veux poursuivre sur les sujets abordés par le débuté Kent et me concentrer un peu sur la loi Magnitsky, tout en élargissant la question. La loi Magnitsky mondiale est actuellement soumise à l'étude du Sénat. C'est quelque chose que le Parlement a déjà abordé, et il s'agit certes d'une source de préoccupations pour un certain nombre des membres du Comité. Il s'agit d'élargir la portée et d'être en mesure de tenir responsables les personnes qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne à l'extérieur des frontières canadiennes.
Madame Lilly, nous vous avons entendu dire que vous estimiez qu'il ne s'agit pas nécessairement de la bonne façon de procéder et que cela crée tout un ensemble d'autres problèmes pour le Canada. Si je vous demandais de concevoir pour nous un système qui pourrait être efficace... nous connaissons le but. C'est de nous faire entendre à un certain nombre de niveaux, d'envoyer des signaux et, en fait, de tenir responsables les personnes qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne. Si nous considérons cela comme une priorité, quelle serait votre recommandation au sujet de la meilleure façon d'y arriver, étant donné qu'il s'agit d'un enjeu complexe? Pourriez-vous nous dire comment procéder pour atteindre ce but?
Je vais m'exprimer clairement: je ne dis pas qu'il ne faut pas aller de l'avant; je dis que, si nous choisissons de le faire, nous devrions faire preuve de prudence, et je dis qu'il y a des façons de le faire. Quand je dis qu'il ne faut pas agir unilatéralement, je crois que le Canada ne devrait pas agir seul. Toutefois, si nous pensons à l'exemple de la Russie et de la crise en Ukraine, nous avons utilisé des lois qui permettaient au Canada d'agir unilatéralement, puis d'agir de concert avec les États-Unis et l'Union européenne. Ces trois groupes ne forment pas un groupe d'États reconnu. Voilà comment nous sommes en mesure d'utiliser la LMES et ses dispositions unilatérales pour agir de façon concertée. Si le Comité veut procéder ainsi, sous réserve que ce soit dans l'idée de travailler en collaboration avec d'autres États qui sont disposés à le faire, je pense que c'est une chose que le Canada devrait faire.
Laissez-moi intervenir. Encore une fois, nous voyons des pays aux vues similaires, qui considèrent les droits de la personne comme une très grande priorité — comme les États-Unis, actuellement, et le projet de loi qu'ils ont présenté au Sénat —, mettre en place ce genre de loi, alors, au bout du compte, pendant que nous nous affairons à concevoir les dispositions législatives que nous allons créer, nous voyons des États aux vues similaires avec lesquels nous pouvons agir en collaboration — surtout au moment où des pays se retirent de la Cour pénale internationale —, ce qui suscite de grandes préoccupations... Les pays qui doivent le plus être tenus responsables se retirent, ce qui provoque le besoin de prendre davantage de mesures unilatérales ou de mesures qui ne sont pas prises par les mécanismes habituels au sein de la communauté internationale.
Certes, il est reconnu qu'au sein des Nations Unies, par exemple, il est de plus en plus difficile d'obtenir une résolution du Conseil de sécurité afin que des États agissent multilatéralement sur cette tribune.
Toutefois, je recommanderais des façons de s'assurer que des mesures multilatérales sont prises, même si c'est par une coalition de pays disposés à le faire. Actuellement, la LMES confère au Canada le pouvoir d'agir de façon entièrement unilatérale. C'est simplement que, dans la pratique, le Canada ne l'a pas fait. Elle est assez générale en ce qu'elle permet au Canada d'agir de façon indépendante, s'il le souhaite. Voilà un élément.
Le deuxième élément, c'est qu'il serait important d'ancrer les dispositions dans un certain genre de seuil. Je pense que celles qui sont recommandées par M. Bezan relativement à... comme je n'ai pas discuté avec lui du projet de loi, je peux m'imaginer utiliser le texte, tel qu'il est présenté, dans le cas d'une personne connue pour militer en faveur des droits de la personne tuée au terme de processus extrajudiciaires dans un pays, et utiliser la loi pour tenir responsables ce pays ou les personnes concernées. L'établissement d'un lien avec les activités des personnes dont les droits de la personne ont été violés de façon flagrante serait une façon de procéder, ou bien l'établissement d'un autre type de seuil qui relie au moins la raison pour laquelle le Canada intervient et celle pour laquelle il voit la nécessité d'intervenir.
Voilà les deux arguments que je formulerais.
Merci.
Monsieur Boscariol, puis-je vous poser la même question? Vous pouvez poursuivre ou commencer votre propre réponse. Si nous savons ce que nous voulons créer, comment pouvons-nous le créer de manière à ce que ce soit efficace?
Comme je l'ai déjà dit, je préfère utiliser les sanctions intelligentes et ciblées. C'est tout à fait ce dont il est question, ici. Je sais que tout le monde a les meilleures intentions lorsqu'il s'agit de personnes qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne et que nous voulons nous assurer non seulement que nous envoyons le signal que vous évoquiez plus tôt, mais aussi que nous mettons en vigueur quelque chose qui a une signification réelle et qui est mis en application par nos exportateurs, nos banques et nos grandes institutions financières, afin qu'ils participent vraiment à cet effort et qu'ils soient efficaces. Comme je l'ai déjà dit, ils sont aux premières lignes de ce combat.
Je ne suis pas contre le fait d'élargir la portée pour qu'elle englobe les personnes qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne, mais, ma mise en garde — à mesure que nous progressons à cet égard — concerne le fait que nous devons corriger l'administration de cette loi. Je sonne peut-être comme un disque brisé, mais je vais vous donner un exemple rapide. Lorsque des noms sont inscrits sur la liste canadienne, souvent, ce n'est qu'un nom qui est ajouté à la liste, sans aucun détail. Nous avons connu des situations... c'est arrivé dans le cas des sanctions contre la Birmanie, au cours des derniers mois, où un nom figurait sur la liste. Nous agissons au nom d'une entreprise qui envisageait d'effectuer des transactions avec l'entreprise portant ce nom en Birmanie. Il y avait de légères différences. Nous soupçonnions qu'il pouvait d'agir de cette entité, alors nous avons téléphoné à Affaires mondiales, mais les responsables n'ont pas pu nous donner d'assurance quant au fait qu'il s'agissait ou non de l'entité nommée. C'est une situation délirante. Si nous ne pouvons pas obtenir ces consignes, si nous ne pouvons pas identifier adéquatement qui sont les parties figurant sur ces listes et permettre aux entreprises et aux banques de les identifier, les mesures n'auront aucun effet pratique.
Il s'agit selon moi de quelque chose que tous les membres du Comité... Certaines des lacunes dans les domaines dont vous parlez ont été soulevées très clairement dans le cadre de certains des témoignages que nous avons entendus plus tôt de la part de représentants ministériels et d'autres responsables. Je pense que nous en avons pris acte.
Monsieur Biersteker, voulez-vous formuler une courte réflexion sur la question que j'ai posée?
Certainement. Je pense que l'idée de tenir responsables les personnes qui commettent des violations flagrantes des droits de la personne est importante. Il importe que le Canada et d'autres pays qui sont fortement déterminés à appuyer les droits de la personne à l'échelle de la planète aient la capacité d'agir de cette manière.
En outre, je suis tout à fait d'accord avec Mme Lilly au sujet de l'importance d'agir multilatéralement, car la prise de mesures unilatérales — surtout compte tenu du fait que le nombre de pays est relativement petit — n'est pas susceptible d'être efficace. Je pense que la raison pour laquelle c'est important, à ce stade, c'est que — et c'est quelque peu déprimant — nous avons observé un affaiblissement des normes internationales au cours des cinq dernières années, et peut-être au cours d'une période se rapprochant davantage d'une décennie. À cet égard — et pas seulement parce que j'étudie les Nations Unies — je pense que, dans tous les cas, cette mesure devrait être prise d'abord et avant tout à l'intérieur du système de l'ONU, puisque les sanctions imposées dans ces contextes seront largement acceptées non seulement comme étant légales, mais aussi comme étant plus légitimes que d'autres mesures qui sont prises.
En même temps — et nous devons être honnêtes à ce sujet —, les Nations Unies sont actuellement bloquées relativement à ces enjeux. Depuis que nous avons vu des mises à jour annuelles de nos travaux sur les sanctions de l'ONU, c'est la première année qu'aucune nouvelle sanction n'a été mise en place. La Russie a bloqué pratiquement toutes les propositions de sanctions présentées au conseil au cours de la dernière année.
Cela veut dire que, dans certains cas — et la Syrie en est un parfait exemple —, des pays voudraient avoir la capacité de prendre un certain genre de mesures multilatérales, même si cette option est un second choix. La meilleure option serait d'en faire un autre sous l'égide de l'ONU. Si cela ne fonctionne pas, alors, je pense qu'il importe d'établir une tribune permettant de soulever les préoccupations au sujet de ce qui se passe en Syrie.
Merci.
Comme je l'ai déjà dit, je pense qu'il s'agit de la détérioration de certains des mécanismes servant à tenir responsables les personnes et les pays. Nous observons actuellement des difficultés en ce qui a trait aux Nations Unies et à la Cour pénale internationale. Nous pourrions considérer cela comme un nouveau domaine dans lequel un plus grand nombre de pays aux vues similaires peuvent coordonner leurs activités avec les nouvelles dispositions législatives dans ce domaine des violations flagrantes des droits de la personne.
Merci, monsieur Levitt.
Chers collègues, il nous reste 15 minutes, et 3 députés ont des questions à poser. Essayons de nous en tenir à cinq minutes. Nous allons passer à M. Kent, qui est le prochain intervenant.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur les sanctions appliquées à l'étranger, plus particulièrement — M. Boscariol — à l'exemple de l'Iran que vous avez évoqué plus tôt.
Vous avez affirmé que le système ne fonctionne pas. Vous nous avez rappelé qu'Affaires mondiales refuse de communiquer les avis, quels qu'ils soient. Très souvent, on vous suggère de retenir les services d'un avocat, puis l'avocat — et je présume que vous avez été dans cette situation — s'informe auprès d'Affaires mondiales et se fait dire que l'avis n'est pas accessible, et il incombe à l'avocat de vous conseiller d'après ce qu'il sait de la situation. Est-ce pas mal de cela qu'il s'agit?
Avant que vous ne commenciez à répondre, quand nous avons demandé au ministre, plus tôt cette année, quelles entreprises avaient été retirées de notre liste des parties visées par des sanctions, les réponses n'ont pas été fournies par Affaires mondiales. Nombre de personnes comme vous-même ont dû comparer... ont dû consulter la liste américaine pour découvrir quelles entreprises figuraient sur la liste, presque entreprise par entreprise. Pourriez-vous décrire comment vous vous êtes débrouillé pour traverser cette période avec vos clients?
Oui.
Pour répondre à votre première question, c'est exact. Les entreprises s'adressent parfois à nous après avoir déjà tenté d'obtenir l'avis d'Affaires mondiales, quoiqu'elles le font souvent avant. Honnêtement, en tant que conseillers juridiques, nous avons tout de même un rôle à jouer, que nous recevions ou non des directives du gouvernement, pour ce qui est de conseiller nos clients de notre mieux quant à la façon de procéder à une transaction, par exemple, qui touche l'Iran. Souvent, cela signifie que nous ne pouvons pas leur donner un avis juridique clair selon lequel il n'y a aucun problème sous le régime du droit canadien. Nous devons recenser les risques liés au fait d'aller de l'avant.
Comme je le mentionnais plus tôt, cela veut souvent dire que, une fois que l'entreprise voit ces risques — et ils se concrétisent souvent parce qu'aucune consigne n'est donnée par le gouvernement canadien, elle a l'impression qu'il vaudrait mieux qu'elle ne procède tout simplement pas à la transaction. Cela n'en vaut pas le coup. Ou bien, si elle veut procéder à la transaction et qu'elle doit continuer à obtenir des conseils juridiques pour suivre les étapes et tout cela, cela coûte cher aux entreprises. Le fait de procéder à la transaction leur cause bien des maux de tête, et il est plus facile pour elles de se contenter de dire qu'elles ne mèneront pas d'activités commerciales avec cette région pour l'instant, jusqu'à ce que les choses soient plus claires.
Je connais moins bien la situation que vous avez mentionnée dans la deuxième partie de votre question, monsieur Kent, relativement à qui figure sur la liste et ce qui en est retiré. D'un point de vue canadien, je peux vous dire que cette liste n'est pas aussi facilement accessible — et elle ne l'était pas dans le passé — que celle d'autres pays comme les États-Unis. Nous avons connu des situations où des décrets ont été adoptés pour ajouter des parties, mais ces décrets n'étaient pas publiés pendant un jour ou deux, ce qui pose parfois problème, surtout pour les banques, qui doivent être au courant dès qu'un décret entre en vigueur. Ces situations nous ont causé des difficultés. Dans le passé, il nous est arrivé de voir le décret sur le site Web du Cabinet du premier ministre, et, parfois, il figure sur celui d'Affaires mondiales. Quelquefois, quand il figure sur le site Web d'Affaires mondiales, cette liste est appelée une liste non officielle. Il y a encore beaucoup d'incertitude relativement au processus d'établissement de cette liste et au recensement rapide des parties qui y figurent afin que les entreprises et les banques canadiennes puissent réagir rapidement.
Merci beaucoup.
Nous allons passer à M. Fragiskatos, puis à M. Wrzesnewskyj.
Essayez de ne pas dépasser le temps qui vous est alloué, et nous aurons entendu toutes les personnes ici présentes aujourd'hui.
Pas de problème.
Je veux poser à M. Biersteker une question très élémentaire, mais qui — selon moi — est très fondamentale.
Comment savons-nous que les sanctions fonctionnent? Quelles mesures sont en place pour surveiller cela? Je sais qu'il s'agit d'une question très simpliste, mais je cherche à savoir si le but des sanctions est fondamentalement d'encourager un changement de comportement, pour prendre un exemple; il y a de nombreux facteurs qui précipitent un changement de comportement, lesquels n'ont peut-être rien à voir avec les sanctions. Je pense aux changements apportés à la structure organisationnelle d'un régime particulier. Je pense à l'amélioration de l'accès à des ressources financières, par exemple, au sein de l'opposition, laquelle peut ensuite — une fois qu'elle dispose de ces ressources — exercer une pression sur les gouvernants et susciter un changement de cette manière.
Comment savons-nous que les sanctions fonctionnent vraiment, lorsqu'il y a un changement et qu'aucun autre facteur n'a suscité ce changement?
Merci infiniment de poser une question d'ordre méthodologique, si je puis m'exprimer ainsi.
Je vais vous dire comment nous le faisons. Nous tentons d'être le plus systématiques possible, en reconnaissant qu'il est très difficile de savoir exactement quand ces mesures sont efficaces. J'ai déjà mentionné le fait que nous faisons la distinction en fonction du but. Nous examinons la coercition, la limitation et les signaux séparément. Dans chaque domaine, ce que nous faisons, c'est commencer par regarder les déclarations, celles du Conseil européen, ou les documents du Conseil de sécurité de l'ONU. Dans le cas de la Russie, nous avons examiné des déclarations faites par des hauts dirigeants afin de découvrir le but premier des sanctions. Elles ne visent parfois pas à changer un comportement. Par exemple, les sanctions du régime de lutte contre le terrorisme visaient en grande partie à limiter Al-Qaïda et, aujourd'hui, l'État islamique, au lieu de les persuader de changer de comportement. Dans la plupart des cas, les sanctions tentent simultanément de forcer...
Je vais devoir vous interrompre. Je suis désolé, mais je ne dispose que de cinq minutes.
Même si elles visent à limiter et que ce but est atteint, l'isolement d'une entité particulière — disons, Al-Qaïda — pourrait être causé par une multitude d'autres facteurs. Songez aux conflits entre Ben Laden et Zarqawi au sujet de la structure d'Al-Qaïda, et il y a bien d'autres exemples. Il s'agit d'un conflit entre dirigeants et de l'une des raisons pour lesquelles Al-Qaïda a été isolé. Même dans ce cas, je me demande comment nous savons quelles mesures sont en place pour nous assurer que les sanctions sont efficaces. Je pense ici aux paramètres. Oui, la question est très méthodologique, mais je pense qu'elle est fondamentale et pertinente.
Je le reconnais, et je suis désolé si j'ai donné trop de détails sur les buts. Nous avons tenté — disons — de forcer X à faire Y, d'empêcher X de faire Y, d'envoyer à X des signaux au sujet d'un manquement à la norme. Ce n'est que la première étape. La deuxième étape consiste à demander ce qui est arrivé. Des données probantes pourraient indiquer qu'Al-Qaïda a été limité. Nous pouvons le déterminer sur une échelle de cinq points allant d'absolument aucun effet à des données probantes solides concernant la limitation, c'est-à-dire le numéro cinq.
Une tout autre question consiste à déterminer quels effets les sanctions ont sur ce résultat. Ce que nous faisons, c'est commencer par examiner tous les autres instruments de politique, simplement ceux que vous avez mentionnés. Une menace de recours à la force a-t-elle été proférée? Y a-t-il eu recours à la force? Des activités secrètes ont-elles été menées? D'autres sanctions étaient-elles en place? La question la plus importante: des actes de médiation ou de négociation étaient-ils en cours? Nous examinons tout ce qui se passait d'autre avant de tenter d'évaluer si les sanctions ont apporté une contribution modeste, majeure ou importante aux résultats. Voilà comment nous effectuons l'évaluation.
Nous nous posons également ce que nous appelons une question contre-factuelle qui est un simple « et si »: et si aucune sanction n'avait été imposée? Nous tentons de procéder systématiquement à un exercice. Nous le faisons pour chacun des épisodes — les trois buts —, et nous publions la justification. Nous ne faisons pas que donner un chiffre, nous disons vraiment pourquoi nous lui avons attribué ce chiffre. Ainsi, nous essayons d'être transparents. Voilà comment nous procédons.
M. Biersteker, je voudrais poursuivre là où M. Levitt s'est arrêté.
Il a été mentionné plus tôt, à un certain moment, que les sanctions de l'ONU semblaient être très efficaces. Malheureusement, elles sont actuellement bloquées par la Russie. Nous constatons également que la Russie utilise d'autres méthodes pour bloquer les sanctions et les nouveaux régimes de sanction à l'intérieur de l'Union européenne. À de nombreux égards, il y a eu corruption des élites politiques. Un ancien chancelier allemand est maintenant un employé de Gazprom. Alors, il ne serait peut-être pas réaliste d'entretenir l'espoir d'imposer des sanctions multilatérales avec nos alliés européens. Les droits de la personne nous tiennent à coeur, et nous nous soucions des violations de ces droits. Nous devrions peut-être nous adresser à nos alliés américains, à nos alliés australiens, afin de trouver un moyen multilatéral qui est peut-être une forme plus restreinte de multilatéralisme que celle qui a été utilisée dans le passé. Je voudrais connaître vos réflexions sur cet aspect particulier.
J'ai tout simplement raté le début. Je n'avais pas compris, désolé.
Je pense que nous allons voir. Comme vous le savez, les sanctions européennes actuelles doivent arriver à échéance à la fin du mois de janvier 2017. Le conseil s'est réuni la semaine dernière, et il y a certaines indications selon lesquelles les sanctions sont susceptibles d'être maintenues. Je serais heureux de vous envoyer, à vous et aux membres du Comité, un rapport que nous venons tout juste de rédiger pour Rasmussen Global, où nous avons étudié l'incidence économique des contre-mesures prises par la Russie à l'égard des 28 membres de l'Union européenne.
L'une des choses que nous avons découvertes, c'est que le fardeau imposé aux divers pays est très disproportionné. Les républiques baltes, la Pologne et l'Allemagne ont connu les plus grandes réductions commerciales, principalement en conséquence des mesures européennes et des contre-mesures russes. En même temps, les entreprises se sont adaptées très rapidement. Ce que nous avons découvert, c'est que, dans bien des cas, les entreprises n'attendent pas que l'Union européenne décide si elle va maintenir ses sanctions, car elles ont déjà diversifié leurs activités commerciales. De nombreuses entreprises et sociétés ont trouvé de nouveaux marchés. Elles ont agi très rapidement, dès que les marchés ont été fermés.
L'un des éléments intéressants que nous avons découverts, c'est que certains des pays qui s'opposent le plus fortement aux sanctions sont concrètement les moins touchés. Bien qu'ils formulent des déclarations d'opposition aux sanctions, la Grèce a constaté que ses échanges commerciaux avec la Russie avaient augmenté au cours de la dernière année et demie. Cette augmentation a également quelque chose à voir avec la situation en Grèce, mais il s'agit d'une dynamique intéressante. Nous avons rédigé ce rapport principalement dans le but d'éclairer le débat en Europe, et nous appliquions les méthodes que je viens tout juste de décrire à l'intervenant précédent.
J'ai été surpris. Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait beaucoup de données probantes concernant la limitation de la Russie — ou l'exercice de contraintes —, et nous avons trouvé un très grand nombre de situations où la Russie aurait pu en faire plus, mais ne l'a pas fait. Les sanctions n'étaient absolument pas le seul facteur, mais elles semblent bel et bien avoir eu de l'importance dans certains cas. Nous verrons. Je pense que nous le saurons dans environ un mois. Nous présentons actuellement ce rapport et le présenterons dans diverses capitales — Berlin, Paris, Londres — au cours des deux ou trois prochaines semaines, alors nous verrons quelles réactions nous obtiendrons.
Merci.
Merci beaucoup, monsieur Wrzesnewskyj.
Je remercie nos témoins de leur patience. Au nom du Comité, je veux vous adresser à tous les trois nos sincères remerciements. C'était un très bon départ pour nous, et un meilleur départ que certaines des discussions que nous avons tenues plus tôt.
L'une des questions que je voudrais que vous preniez en considération et dont je voudrais que vous nous donniez des nouvelles par écrit, si vous le pouvez, c'est l'idée que, si l'Union européenne a établi des délais relativement aux sanctions, puis qu'elle procède à un examen, serait-il logique que le Parlement dispose d'une structure où il aurait le droit d'effectuer un examen, à part le simple fait de permettre au gouvernement de prendre, au moyen de son processus de décret, des décisions quant au moment où il veut lever les sanctions? Ensuite, la décision serait plus solide et nous donnerait la capacité, en tant que Parlementaires, qu'il soit nécessaire ou non de procéder à huis clos... mais, la réalité, c'est qu'il incombe à d'autres de prendre la décision et qu'il n'y a aucun... Il se trouve qu'un examen quinquennal a eu lieu; autrement, nous ne tiendrions probablement pas cette discussion aujourd'hui. Je serais très intéressé par votre idée de la façon dont cela pourrait fonctionner, si nous devions étendre la structure de la LMES au-delà de sa portée actuelle, jusqu'aux violations des droits de la personne, par exemple. Comment traiterions-nous les personnes qui pourraient avoir été inscrites inutilement sur une liste, et lorsque cela a eu une énorme incidence sur leur entreprise ou leurs perspectives, puis nous a donné le résultat non souhaité, si je puis m'exprimer ainsi?
Au nom du Comité, nous avons hâte que vous nous donniez plus de renseignements sur certains rapports. Selon M. Biersteker, il existe des rapports que nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner et qui seraient très utiles pour nos discussions.
Au nom du Comité, monsieur Biersteker, monsieur Boscariol et madame Lilly, je vous remercie infiniment du temps que vous nous avez accordé. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je pense que le Comité a pu constater que je ne regardais pas l'heure lorsqu'il s'agissait des députés, mais je pense que cela a donné un meilleur effet quant à la fluidité de la discussion. Je n'avais pas l'intention d'interrompre les témoins pendant qu'ils nous fournissaient des renseignements très précieux. Encore une fois, merci beaucoup.
Chers collègues, je vous reverrai lundi.
La séance est levée.
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