Bonjour à tous. Comme cela a été dit, je formulerai des observations fondées sur mon expérience de cinq années en tant que Médiatrice auprès du Comité des sanctions contre Al-Qaïda du Conseil de sécurité. Je fais remarquer que, même s'il s'agissait d'un rôle international, je crois qu'il a permis de tirer beaucoup de leçons applicables à un contexte national.
Mes observations porteront sur les deux textes législatifs portés à mon attention. Je ferai quelques brefs commentaires visant directement la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus avant de formuler des observations plus générales concernant la Loi sur les mesures économiques spéciales et, plus globalement, la question des sanctions. Outre mon expérience en matière de sanctions, j'ai dirigé le Groupe d'entraide internationale au ministère de la Justice du Canada pendant 10 ans, m'occupant de questions d'entraide juridique et d'extradition, y compris d'entraide pour le blocage des avoirs.
Voilà plusieurs années que je suis à l'extérieur du Canada, et je dois dire que j'ai été, que je demeure, quelque peu perplexe devant la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. Je suppose que ma perplexité tient au fait que je ne vois pas la nécessité pour le Canada d'avoir une loi de cette nature quand il est déjà doté d'un solide système de contrôle et de confiscation d'actifs et des produits de la criminalité, ainsi qu'un d'un régime d'entraide juridique et d'un ensemble de traités d'assistance mutuelle.
Je comprends, pour avoir pratiqué dans ce domaine pendant de nombreuses années, qu'il soit très difficile et parfois très décevant de réaliser la saisie des produits de crimes commis à l'extérieur du pays et le blocage d'actifs découlant de la corruption de dirigeants étrangers, mais cela s'explique par le fait que le régime législatif qui est en place comporte des freins et contrepoids qui mettent en équilibre, d'une part, le pouvoir de contrôle et de confiscation d'actifs et, d'autre part, les droits individuels. Pour résoudre cette situation, il me semble qu'il serait plus sensé de travailler à modifier les régimes existants, qui comportent toutes ces protections, que d'adopter un texte législatif qui, à mes yeux, ne comporte que des éléments d'une loi sur le contrôle et la confiscation et des éléments assistance mutuelle, mais qui ne contient d'aucune façon un ensemble de protections.
Je signalerais trois choses qui m'ont particulièrement frappée dans le texte législatif: d'abord, l'absence très étonnante d'exigences imposées à un État étranger de fournir, dans sa demande, des renseignements, encore moins des preuves, étayant l'affirmation selon laquelle les fonds ont été détournés ou obtenus indûment; ensuite, l'absence de tout détail quant aux agissements allégués de la personne visée pour détourner ou obtenir indûment les actifs en question; enfin, l'absence de la capacité de contester la demande sur le fond, plutôt que sur son statut.
Ces commentaires ne portent que sur le texte législatif. Je traiterai maintenant de façon plus générale de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de l'approche en matière de sanctions.
Je fais deux mises en garde. Tout d'abord, mes commentaires portent spécifiquement sur le recours à la LMES et aux sanctions pour cibler des individus, parce que c'est alors que se pose la question des droits. Ce n'est pas dans un contexte de sanctions contre un État ou un secteur, qui soulèvent, bien entendu, des enjeux politiques, mais non la même question des droits.
En deuxième lieu, j'insisterais qu'il est en principe très utile et tout à fait approprié — en particulier aujourd'hui avec la fragmentation et la division qui caractérisent le Conseil de sécurité qui siège à New York — qu'un pays comme le Canada dispose d'un pouvoir lui permettant d'agir avec souplesse, en tant que membre d'une organisation internationale, collectivement par accord ou même seul, afin d'exercer des sanctions pour contrer une menace à la paix et à la sécurité internationales.
Il y a cependant des leçons très précises que j'ai retenues de mon rôle de médiatrice, à savoir que ce pouvoir est très susceptible d'être remis en question quant à sa crédibilité et à son étendue. Il y a trois points sur lesquels le Conseil de sécurité a été critiqué relativement à ses régimes de sanctions. Je pense que certains d'entre eux ont une certaine résonance relativement à ce texte législatif et à l'approche actuelle.
Le premier point que je ferai valoir est qu'il existe des objectifs et des raisons de principe très précis qui sous-tendent le recours aux sanctions, en particulier dans le contexte de la paix et de la sécurité internationales. J'ai pris connaissance de certains des témoignages précédant le mien et je sais donc que vous avez entendu certains des grands spécialistes dans le domaine. Je suis certaine que vous avez entendu répéter que les trois buts fondamentaux des sanctions sont, bien sûr, d'empêcher les menaces de se concrétiser, de stigmatiser les personnes en cause et, peut-être le plus important, de modifier le comportement visé par les sanctions. C'est en fonction de ces raisons que les lois établissant des sanctions doivent être formulées et pour lesquelles elles doivent être mises en application.
Malheureusement, il arrive que les sanctions servent plutôt comme substitut aux enquêtes ou aux poursuites criminelles ou à des fins de contrôle et de confiscation d'actifs, du fait que le contrôle dure si longtemps. Les régimes de sanctions, tout simplement, ne sont pas assortis des normes, des exigences de preuve ou des protections procédurales qui sont au cœur des processus d'enquête criminelle et de contrôle d'actifs et qui assurent une protection des droits.
Le deuxième point, lié de très près au premier, est que, lorsqu'il s'agit d'exercer le pouvoir de sanction, ce pouvoir doit être défini avec grand soin, notamment quand ce sont des individus qui sont visés. Il faut cibler une menace définie précise en appliquant des critères objectifs prédéfinis. Il ne suffit pas qu'il y ait une menace; il doit y avoir des critères permettant de déterminer à quel moment un individu y participe ou en est responsable, en tout ou en partie. Il faut donc pouvoir évaluer le comportement de l'individu en cause au moyen de ces critères en fonction d'une norme établie. C'était là l'objet essentiel du rôle du médiateur. C'est ce que je devais mettre en pratique, et cette fonction était d'importance cruciale.
Le troisième point, bien entendu, réside dans le fait que, comme la norme est beaucoup moins contraignante que dans les poursuites criminelles, il faut qu'il y ait des procédures très claires qui assurent un processus équitable aux individus et entités ciblés, ceux qui figurent dans la liste. Cela comprend les éléments fondamentaux du processus équitable: signification d'un avis, même postérieure au blocage ou à l'amorce de l'action ou de la mesure économique, communication des motifs précis pour lesquels l'individu a été inscrit sur la liste, possibilité de contester ces motifs et d'être entendu par un décideur et, le plus important, révision indépendante par un organe habilité à apporter un redressement réel.
C'est tout un défi de tenter d'obtenir l'application de ces principes sur le plan international, mais cela ne devrait pas l'être au Canada, où il existe un système juridique et judiciaire qui fonctionne bien.
Quant à l'application de ces principes, je ferai quelques brèves observations sur certaines des préoccupations que soulève, il me semble, la LMES et sur ce que cela reflète pour ce qui est de… Cela s'applique aussi, à bien des égards, à la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus.
La première de ces préoccupations a trait au critère en vertu duquel des sanctions pourraient être imposées, critère qui est extrêmement large et vague, qui fait état de « rupture sérieuse » et de « grave crise internationale » et, dans l'autre contexte, de concepts de détournement.
Si vous voulez un champ d'application aussi large, il faut, à tout le moins, que les décrets et règlements pris en vertu de cette loi, ainsi que les décrets spéciaux, expliquent en quoi la situation particulière constitue ou présente une menace générale à la paix et à la sécurité internationales. Je ne vois aucune exigence de cette nature dans le texte de loi, pas plus que je ne vois que les décrets établissent ou expliquent ce lien.
Beaucoup plus grave est l'absence de critères régissant l'inscription d'individus sur la liste. Quels sont les critères d'après lesquels leur comportement est évalué et, plus important, quels faits précis sont énoncés dans l'un ou l'autre des deux textes législatifs qui feraient qu'une personne puisse y être inscrite?
La deuxième préoccupation, très voisine, c'est que, s'il s'agit réellement d'une loi autorisant des sanctions, définissant les sanctions, buts et objets, il faut que cela soit formulé dans le texte de la loi, ce qui n'est pas le cas, il me semble. Je dirai — et je l'ai souvent dit quand je m'occupais de dossiers d'Al-Qaïda — qu'il est très difficile de recourir aux sanctions pour inciter les gens à changer leur comportement si on ne leur dit pas quel est le comportement qui leur est reproché. Je constate que le problème est patent dans ce cas-ci.
La troisième préoccupation, celle que je mets en exergue, concerne les exigences de processus équitable. Ici, je dois faire une mise en garde. Je suis absente du Canada depuis bien des années et je n'ai pas passé en revue mon droit administratif. Je soupçonne qu'il existe une voie de révision judiciaire des décisions ministérielles, parce qu'une révision ministérielle est prévue. Si ce n'est pas le cas, ce texte de loi serait pire encore que ce que j'ai trouvé quand, à mon arrivée à New York en 2010, j'ai examiné le système d'Al-Qaïda, parce qu'il n'y aurait alors aucune révision objective, ni redressement réel.
Même si le processus équitable est assuré, ce qui étonne c'est qu'aucun de ses éléments — avis, motifs et choses de ce genre — n'est précisé dans le texte de loi. De plus, puisqu'il est question d'agir ou de prendre des mesures économiques à l'encontre d'individus qui se trouvent à l'étranger, il serait approprié d'établir très clairement dans le texte quelles sont les protections assurées par le processus équitable et quelle piste d'action un individu peut suivre. J'insiste sur le fait que la révision ministérielle ne satisfera pas au critère de révision objective et indépendante voulu par le processus équitable.
Je termine là-dessus parce que je pense que, pour compléter mes remarques, il vaut beaucoup mieux de simplement répondre à vos questions. Je sais que vous vous penchez sur cette question depuis longtemps et que vous avez entendu beaucoup de gens. Ayant lutté pendant cinq ans pour faire respecter ces principes dans une ambiance qui n'y était pas du tout propice et sans être outillée pour assurer l'équité, je me contenterai d'exhorter le comité et le gouvernement, mon gouvernement, à établir, dans ces deux textes de loi, un régime de sanctions efficaces et une politique en matière de sanctions qui permettront d'atteindre les importants objectifs de principe qui ont été fixés tout en sauvegardant les droits individuels.
Merci de votre attention.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, madame Prost, de votre témoignage.
Je vous ai écouté avec attention. Ce que nous cherchons à faire, c'est de réprimer l'action de personnes qui portent gravement atteinte aux droits humains. Évidemment, il n'y aura probablement pas eu d'enquête pour le prouver. Le contexte était celui d'une loi Magnitsky mondiale, comme celle adoptée aux États-Unis et envisagée par d'autres pays. Cela fait partie du problème, non? Tout d'abord, parce qu'on peut être plus ou moins sûr que le pays concerné ne fera pas enquête.
Je suppose que ma question est la suivante: comment composons-nous avec une telle situation? Vous dites que les sanctions ne sont pas un substitut à une enquête s'il y a camouflage ou d'autres manigances du genre. Ce qui nous préoccupe, ce sont les individus qui s'enrichissent indûment dans leur propre pays, puis placent leurs avoirs dans les démocraties occidentales où, à quelque moment futur, des membres de leur famille ou eux-mêmes pourront y avoir accès. On nous sert l'argument que ces choses ne se font pas vraiment, mais elles se font effectivement, peut-être moins au Canada qu'aux États-Unis, au Royaume-Uni ou dans certains pays européens.
J'aimerais connaître vos vues sur cette situation. Nous tâchons de trouver des moyens pour résoudre ce problème, et je vous entends dire qu'il y aurait peut-être lieu d'apporter des modifications, de formuler de nouvelles définitions, de faire des choses de ce genre. Ce que nous cherchons à faire, là où l'application régulière de la loi fait défaut… Je comprends bien que si cela vient d'un pays avec des institutions démocratiques bien établies et qu'il existe déjà des situations problématiques qui mènent à inscrire arbitrairement les gens sur une liste ou à leur imposer des sanctions, sans application régulière de la loi, cela ne serait pas forcément sensé. Dans certains de ces pays, ces procédures ne sont pas toujours en place. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Vous avez exprimé des pensées qui méritent réflexion. Y a-t-il, à votre sens, moyen de renforcer le système et de le rendre équitable et raisonnable?
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Oui. Ce sont de très bonnes questions, parce qu'elles touchent au dilemme dans lequel nous sommes. Nous voulons être en mesure d'agir, en particulier dans les affaires de corruption. La corruption est un défi majeur dans un grand nombre de pays et elle a un effet des plus paralysants. Certes, nous voulons les aider et être capables de leur retourner les actifs qui ont été détournés.
Sur ce même point, je ferai quelques observations concernant les sanctions, parce que ce sont, dans mon esprit, deux choses très distinctes.
S'il s'agit d'une situation dans laquelle on soupçonne ou croit que des individus ont détourné ou obtenu indûment de l'argent de leur pays et où vous voulez saisir ces actifs, il existe déjà un certain nombre de moyens pour s'y prendre. L'approche par la voie de poursuites criminelles pour saisir les produits de la criminalité est très difficile lorsqu'il s'agit d'actifs étrangers, mais dans quelques provinces — il y en avait trois, je pense à mon départ, mais il y en a probablement plus maintenant —, il existe des mécanismes pour les saisir.
Par conséquent, il faut plutôt intenter une action qui vise directement les actifs. Vous n'avez pas à vous occuper de l'individu en cause, ni de poursuites criminelles; mais lorsque vous visez les actifs, vous pouvez recourir à l'assistance mutuelle pour tâcher au moins d'obtenir de l'information du pays concerné sur les agissements supposés de l'individu ou les moyens par lesquels il aurait sorti l'argent du pays. Ce n'est pas facile, mais il y a au moins un meilleur équilibre, et vous pouvez tenter de saisir les actifs tout en assurant un certain niveau de protection des droits.
L'autre problème qui surgit dans ces cas, que nous avons pu constater en de nombreuses occasions, c'est qu'un régime politique est renversé et remplacé par un autre; cela peut s'expliquer par le climat de corruption qui y règne, mais il peut s'agir simplement d'une lutte politique, si je puis m'exprimer ainsi.
Je vous exhorte à examiner de près les lois et les pratiques existantes au Canada. C'est également conforme à l'approche internationale. La Convention des Nations unies contre la corruption a tout un chapitre là-dessus. Voilà ce que j'ai à dire sur cet aspect de la question.
Par ailleurs, s'il est question d'infliger des sanctions à des gens dont le comportement est inquiétant ou d'éviter de nouvelles violations du droit humanitaire international, la norme est beaucoup moins contraignante. Ce n'est plus du tout la norme qui s'applique aux poursuites criminelles. Vous pouvez imposer des sanctions aux…
J'appliquais le critère de la suffisance de l'information pour admettre un motif raisonnable et crédible d'inscription de tel individu sur la liste. Il n'est pas nécessaire d'obtenir beaucoup d'information et il y a souvent le renseignement qui peut servir, mais cela permet alors à l'individu, au bout du compte, de contester son inscription s'il le désire. Ainsi est créé un mécanisme qui demeure inutilisé dans la plupart des cas, mais qui assure au moins une protection à la personne qui souhaite faire radier son nom de la liste.
Voilà quelques-unes de mes idées à ce sujet. J'espère qu'elles vous seront utiles.
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie beaucoup, madame Prost, d'avoir accepté de témoigner devant nous aujourd'hui. J'ai été vivement intéressé par votre exposé.
J'ai une question qui fait suite à celle de M. Allison sur les sanctions dans la perspective des droits humains.
De toute évidence, la législation actuelle, en particulier la LMES, vise les crises internationales et les atteintes à la paix et à la sécurité internationales. Vous avez parlé avec insistance du fait que, même dans sa version actuelle, le libellé des lois est relativement vague. Il existe un courant de pensée émergent, notamment aux États-Unis, qui préconise l'inclusion des droits humains en dans les lois établissant des sanctions.
Je me demande cependant, si nous décidions d'emprunter cette voie, comment il faudrait libeller la loi pour en supprimer le caractère vague et la rendre assez précise. Je me demande si nous ne sommes pas, dès le départ, dans une situation sans issue du fait que le langage des droits humains est forcément vague, sauf quand il s'agit de caractériser des violations plutôt systémiques, les crimes les plus graves, tels que le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité. Cependant, si cette précision était donnée, ces crimes seraient déjà tenus — par la plupart des gens, au moins — pour des atteintes à la paix et à la sécurité internationales. Je me demande donc s'il est sage d'emprunter cette voie. J'espère que vous comprenez ce que je veux dire.
Je vous demande de parler du danger de libeller vaguement les lois pour peu que nous comptions concentrer nos efforts sur les droits humains, et aussi de l'utilité d'adopter des lois prévoyant des sanctions qui accorderaient priorité aux droits humains. Ces deux questions m'intéressent grandement.
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Il s'agit d'une question qui prend de plus en plus d'importance sur la scène internationale.
Traditionnellement, le Conseil a généralement exercé ses pouvoirs — exception faite de l'apartheid en Afrique du Sud, où il visait très directement cette politique — dans les cas de conflits et de réactions aux conflits et pour tenter de mettre fin aux conflits, ainsi que dans le cadre de la lutte au terrorisme. De plus en plus cependant, c'est dans le contexte de violations du droit humanitaire international et de graves violations des droits humains qu'il les exerce. Il y a certainement place pour des lois établissant des sanctions qui auraient assez de souplesse pour s'appliquer aux situations touchant les droits humains et aux cas de violations graves des droits humains ou même des violations du droit humanitaire international.
Le difficile cependant… Il n'y a rien de mal à avoir ces termes généraux dans la loi, y compris ceux portant précisément sur les droits humains dans la définition large des graves violations et ainsi de suite. Puis, si un système de décrets spéciaux comme le vôtre — qui est bon, je pense —, est en place, vous pouvez le définir très précisément en fonction de la situation que vous ciblez, qu'il s'agisse d'une violation de catégories particulières de droits humains ou d'un scénario particulier où vous voulez être plus encore plus précis.
À mes yeux, la difficulté réside dans le fait qu'il n'y a rien entre cette déclaration générale au sujet des menaces à la paix et à la sécurité internationales — qui pourraient, je pense, inclure les droits humains parce que le Conseil les a certainement interprétées en ce sens — et un décret visant un pays. Entre les deux, il n'y a rien qui explique en quoi il y a atteinte à la sécurité, même dans le préambule du décret, pour dire que des violations de tel ou tel genre ont été rapportées et que la situation a été confirmée. Il faut pousser les choses plus loin lorsqu'il s'agit de cibler des individus; il est alors nécessaire de dire ce qu'ils ont fait: un tel était à la tête de l'armée ou d'un groupe rebelle ou quelque autre groupe, quel rôle il a joué, ces genres de choses.
Je crois fermement que la loi devrait permettre cette souplesse, mais ensuite il faut décider du moment et de la manière de l'appliquer, et c'est probablement là le plus difficile.
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Je pense qu'il y a deux questions et je veux être très claire à ce sujet. Le Canada dispose d'une très bonne loi en matière d'assistance mutuelle, de même qu'en ce qui concerne les produits de la criminalité et le blocage des actifs. Elle s'améliore, mais il n'est jamais trop tard pour la rendre étanche. Elle ne pourra jamais s'appliquer à toutes les situations, notamment celles auxquelles sont mêlés des dirigeants corrompus protégés par leur gouvernement.
À mes yeux, plutôt que de chercher à avoir des lois précises qui corrigeraient toutes les lacunes qui se présentent — et il continuera de s'en présenter —, nous devrions concentrer nos efforts sur l'amélioration du régime dans son ensemble. Pouvons-nous en faire plus quant aux dispositions d'assistance mutuelle afin de montrer clairement comment nous pourrions bloquer les actifs plus rapidement dans les situations où il n'y a pas d'ordonnance judiciaire? Peut-être que cela pourrait se faire.
Y a-t-il quelque chose à faire relativement aux définitions des « produits de la criminalité »? Pouvons-nous en faire davantage pour ce qui est des actifs et de leur saisie au moyen de procédures civiles?
Voilà seulement pour l'aspect de la saisie des actifs, et, je pense, lorsqu'il est question de s'en prendre aux actifs et aux dirigeants corrompus, que nous disposons de très bons outils. À mes yeux, la meilleure approche est de renforcer ces outils, parce qu'ils comportent déjà intrinsèquement des régimes et des protections.
La deuxième question à considérer est l'envers de la première, c'est-à-dire les sanctions. Dans le cas d'un dirigeant corrompu, pour pouvoir saisir ses biens, le poursuivre en justice ou obtenir que le gouvernement de son pays le poursuive comme il se doit, nous pourrions déterminer s'il y a une politique ou une menace que le Canada veut contrer.
La troisième option est d'accepter simplement qu'il s'agit d'une situation devant laquelle le Canada est impuissant, faute de pouvoir soit bloquer les avoirs, soit d'imposer une sanction. Je pense que nous devons aussi accepter qu'il y a certaines choses qui nous répugnent, mais qui échappent tout simplement à la portée de notre capacité de légiférer.
Madame Prost, j’aimerais m’attarder un peu plus sur la norme que vous avez invoquée. Vous avez soulevé des préoccupations que nous partageons en ce qui concerne la primauté du droit, l’application normale de la loi, nommez-le comme vous le voulez. En tant que pays démocratique, nous n'avons pas le luxe de dresser des listes de personnes, comme le font certains autres pays, ou de les traiter d’une certaine façon, comme bon nous semble, parce que nous respectons la primauté du droit.
J’exagère peut-être, étant donné qu’il existe une tendance voulant qu’on invoque immédiatement la norme criminelle et le fardeau de la preuve, ce qui n’est peut-être pas nécessaire dans certains cas.
Pour revenir un peu en arrière, nous examinons les lacunes possibles dans la Loi sur les mesures économiques spéciales, ou dans la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, ou tout autre législation pénale concurrente, relativement aux violations flagrantes des droits de la personne, et de la possibilité de créer une liste de personnes qui auraient commis des actes grossiers et indécents et de bloquer leurs avoirs au Canada, qu'ils soient mal acquis ou non.
Certains des outils législatifs disponibles sont déjà en place au Canada, et ils sont assujettis à un processus d’examen normalisé. Cela ne s’applique peut-être pas dans le cas de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, et c’est à juste titre que vous l’avez souligné. Par ailleurs, la Loi sur les Nations unies s’applique ici. En revanche, la norme de contrôle administratif pourrait être trop faible.
J'aimerais avoir votre avis au sujet de cette tension. Selon vous, quel serait le meilleur moyen législatif concevable pour bloquer les biens d’une personne qui a, selon la prépondérance des probabilités, commis de tels actes et dont les avoirs se trouvent au Canada, et quel genre de mesures de sauvegarde serait souhaitable?
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C'est une question intéressante.
Mon défi était d’utiliser une norme qui ne provient pas de l’un ou l’autre système juridique. Mon grand défi était de ne pas utiliser une norme de droit commun ou de droit civil. J’ai fait des recherches sur les différentes normes; ensuite, j’ai tenté d’en extraire des concepts à partir desquelles je pourrais formuler une norme qui n'est pas propre à l'un ou l'autre système. C'est alors qu’il m’est venu l'idée des renseignements suffisants pour fournir une base raisonnable et crédible. Ces composantes sont parmi celles qui s’appliquent à toutes les normes.
Si j’agissais ainsi au Canada, en étant au courant des normes qui s'appliquent là, j'utiliserais probablement les critères relatifs aux mandats de perquisition et aux motifs raisonnables. Certes, la norme criminelle ne convient pas pour les sanctions, parce qu’on n'utilise pas les mêmes mesures qu’au criminel.
Je suis d'accord; je ne crois pas que la norme du caractère raisonnable qui s’applique aux contrôles judiciaires suffit à elle seule. Je crois que c'est quelque chose entre les deux. À mon avis, la norme qui s’applique aux mandats de perquisition suffirait probablement.
En outre, j'aime la norme que j’ai développée, mais comme je l'ai dit, il s’agissait de bien incorporer les deux systèmes juridiques. À mon avis, c'est très important.
Sur le plan des mesures de protection, il suffit de fournir ce remède et les éléments de base. On doit avertir ces personnes et leur faire part de la nature des accusations qui pèsent contre eux. Il s’agit d’un processus assez simple dans les situations que vous invoquez. Ensuite, ils doivent avoir accès à un mécanisme de révision quelconque, s'ils choisissent de l’utiliser — un ombudsman, un contrôle judiciaire, ou que sais-je encore. Cela devrait figurer au premier plan de la loi. Cela lui donne de la crédibilité.
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Chers collègues, cela met fin à la première heure dont nous disposons pour les témoins.
Au nom du Comité, je tiens à remercier madame Prost d'avoir pris le temps de nous faire profiter de sa sagesse, de son expérience, et de nous avoir fait part de quelques un des défis qu’elle a dû relever au Conseil de sécurité.
Madame Prost, si vous désirez faire part au Comité de toute autre chose, n'hésitez pas à communiquer avec nous par l'entremise de la greffière, et nous y jetterons certainement un coup d'œil.
L’un des enjeux que vous avez abordés porte notamment sur notre examen de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus; toutefois, nous n’avons pas eu l’occasion d’en discuter. Il s'agit de la révision d’une loi qui existe depuis environ cinq ans et qui doit, après ce laps de temps, faire l’objet d’une révision, conformément à l’une de ses dispositions.
Parmi les questions que je pose chaque fois que j’en ai l’occasion se trouve celle-ci: cette loi est-elle toujours nécessaire? Aucun de nos témoins ne semble en avoir une très bonne opinion. Vous semblez vous-même croire qu’elle n’est pas vraiment utile. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup, étant donné que l’une des recommandations que nous soumettrons au gouvernement, à la Chambre, portera sur son maintien, son renouvellement, l’ajout possible d’une autre clause de révision, ou sur son abrogation, si elle n’a plus de pertinence pour le gouvernement et l’application de sanctions.
Voilà les questions que nous devrons nous poser lorsque nous ferons rapport à la Chambre, et j’aimerais avoir votre avis à cet égard. Je sais que nous n’aurons pas assez de temps aujourd'hui, mais je suis convaincu que vous avez également une opinion tranchée sur cette question.
Au nom du Comité, je vous remercie beaucoup de votre témoignage cet après-midi.
Nous tenons à remercier le Comité d'avoir invité l'Association des banquiers canadiens à exprimer son avis dans le contexte de sa révision de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
L'ABC oeuvre au nom de 59 banques canadiennes, filiales de banques étrangères, succursales de banques étrangères au Canada, et de leurs 280 000 employés.
Je tiens tout d'abord à souligner que l'ABC et ses membres n'ont pas de position quant aux objectifs politiques ou à l'efficacité des sanctions économiques en tant qu'instrument politique. Ces décisions sont entièrement à la discrétion du gouvernement fédéral. Les banques jouent cependant un rôle important dans leur mise en œuvre. Les banques sont au premier plan du régime canadien de sanctions économiques, car nos institutions doivent limiter les transactions financières, ou geler les avoirs des particuliers ou des entreprises que le gouvernement a désignés.
Nous sommes d’avis que votre comité examine ces deux lois en temps opportun. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur la façon d'améliorer l'administration du régime de sanctions économiques au Canada, pour veiller à ce que le gouvernement et le secteur privé soient bien équipés pour répondre au renforcement des programmes de sanctions qui a eu lieu au cours des dernières années.
Les banques disposent de systèmes de contrôle vastes et sophistiqués pour assurer qu'elles soient conformes aux lois et règlements portant sur les sanctions économiques. À titre d’organisme de réglementation prudentielle du secteur bancaire, le Bureau du surintendant des institutions financières a pour mandat d'assurer que les banques et autres institutions financières soient en bonne santé financière et conformes à leurs lois et exigences de surveillance. Cela comprend une exigence législative imposée par les deux lois que votre comité étudie actuellement.
Sur le plan des sanctions économiques notamment, c’est en 2010 que le BSIF publiait pour la dernière fois des directives expliquant aux banques comment elles devraient respecter les exigences législatives et réglementaires. Les banques doivent prouver au BSIF que leurs mesures de contrôle peuvent faire une recherche en continu des dossiers pour trouver des particuliers et des entités passibles de sanctions financières, déterminer si elles gèrent ou détiennent les biens des personnes désignées, et prévenir les activités interdites relativement aux biens des personnes désignées. Les banques doivent aussi surveiller et prévenir les transactions interdites, fournir à la GRC et au SCRS des renseignements sur les biens des personnes désignées qu’elles gèrent ou détiennent, et faire une déclaration mensuelle auprès du BSIF au sujet de la valeur globale des biens des personnes désignées qu’elles gèrent ou détiennent.
Les exigences législatives et réglementaires qui s’appliquent au régime de sanctions économiques sont importantes et leur respect exige des ressources considérables. Cela peut être particulièrement difficile pour les petites institutions financières qui doivent répondre aux mêmes exigences que les plus grands établissements.
Nous aimerions partager nos recommandations avec le Comité, étant donné qu’elles pourraient servir à améliorer l'efficacité et l'efficience du régime de sanctions économiques au Canada.
Tout d'abord, nous sommes d’avis que le gouvernement pourrait aider les institutions financières à respecter les lois et règlements sur les aux sanctions économiques au moyen de directives d’orientation générale additionnelles. Le BSIF a publié des directives pour améliorer la compréhension des lois existantes, mais ce document d’orientation n'a pas été mis à jour depuis 2010.
En adoptant des directives d’orientation additionnelles pour aider le secteur privé, Affaires mondiales Canada agirait à l’instar d’autres instances politiques comme le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Union européenne. De nombreuses entreprises canadiennes se tournent maintenant vers ces autres instances pour mieux comprendre les mesures semblables qui ont été adoptées à l'échelle nationale. La complexité croissante du régime des sanctions, qui comprend non seulement l’analyse des listes, mais aussi des sanctions imposées en fonction des activités et des secteurs, renforce le besoin d'une orientation plus complète et d'une approche de collaboration entre le gouvernement et l'industrie.
Deuxièmement, à propos de l'idée que le gouvernement devrait fournir davantage de directives, je dirais que l'efficacité des sanctions économiques serait, d'après nous, renforcée si le gouvernement et le secteur privé collaboraient davantage. L'amélioration du dialogue permettrait au secteur privé de mieux comprendre la façon d'interpréter les lois et les règlements. De plus, le gouvernement serait plus sensible aux difficultés auxquelles font face les autres acteurs.
Parmi les options à envisager, on pourrait penser à la nomination d'un agent de liaison avec l'industrie des services financiers qui serait chargé des questions particulières aux institutions financières et offrirait une aide en ligne ou par téléphone pour répondre aux questions du public. Cela serait conforme à l'approche adoptée aux États-Unis et fournirait des moyens de communication entre les intéressés qui faciliteraient le respect des règlements.
Par exemple, lorsque les institutions financières éprouvent de la difficulté à savoir si un particulier ou une entreprise est visé par le régime ainsi que la nature des mesures à prendre pour se conformer au programme de sanctions, il serait extrêmement utile qu'elles puissent bénéficier d'une aide directe et en temps réel de la part du gouvernement pour qu'elles puissent respecter le régime en vigueur. Sur un autre front, il serait souhaitable que le secteur privé comprenne mieux le processus de demande de permis, qui occasionne bien souvent de longs délais.
Troisièmement, nous sommes convaincus qu'il devrait exister une liste consolidée des personnes désignées sur laquelle les institutions financières pourraient se baser. Aujourd'hui, les banques doivent consulter 19 listes distinctes d'entités et de personnes visées. L'absence de méthode de communication systématique des mises à jour régulièrement apportées à ces listes impose un fardeau inutile au secteur privé et aggrave les risques de non-respect des règlements, ce qui compromet le régime mis en place.
Pour terminer, nous pensons que ces recommandations renforceraient le régime de sanctions économiques actuel adopté par le Canada, ce qui permettrait au gouvernement d'atteindre ses objectifs de politique étrangère, sans pour autant bloquer les opérations commerciales autorisées. Nos recommandations ne prévoient pas de modifications législatives particulières, mais elles auraient néanmoins pour effet de renforcer l'efficacité du cadre actuel, ainsi que le respect de ce cadre par le secteur privé, en introduisant davantage de clarté et de directives.
Les banques prennent très au sérieux leurs responsabilités en matière de sanctions économiques et elles cherchent à s'assurer qu'elles respectent toutes les règles. Les banques canadiennes reconnaissent que les sanctions économiques constituent un outil de politique étrangère important pour le gouvernement et aucune banque ne souhaiterait compromettre les objectifs du gouvernement ou sa réputation en ne respectant pas les diverses lois et règlements qui constituent le régime en vigueur.
Encore une fois, je vous remercie d'avoir invité l'ABC aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre vos questions.
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Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, parce que je représente une banque à charte. Je peux comprendre leur frustration. J'ai mentionné dans un témoignage précédent que le respect du régime entraînait des coûts importants. Il n'y a pas seulement les règlements canadiens. Nous devons également tenir compte des autres régimes internationaux lorsque nous exerçons nos activités commerciales. Cela vient s'ajouter aux obligations imposées par le Canada et le tout est très lourd.
Nous voulions néanmoins dire, très franchement, que ces dernières années, Affaires mondiales Canada n'a vraiment pas facilité les choses. Si l'on remonte à 2010 — non, je ne devrais pas remonter aussi loin. Je vais remonter à 2013, l'année où j'ai commencé à exercer ces fonctions. C'était une époque pendant dans laquelle Affaires mondiales, le MAECI à l'époque, collaborait avec nous beaucoup plus volontiers. Lorsqu'un nouveau régime de sanction était adopté, ou qu'un pays était ajouté, le ministère organisait un appel conférence auquel il invitait les représentants de l'industrie. Il faisait des appels distincts pour les banques, et je crois qu'il en faisait également pour les coopératives financières à l'époque. Les représentants du ministère répondaient aux questions assez facilement et ils fournissaient des conseils très utiles, parce que vous savez qu'on ne publie rien. Affaires mondiales ne publie pas les questions posées fréquemment comme le fait l'OFAC aux États-Unis.
Nous trouvons cela frustrant parce que depuis 2015, c'est pratiquement le silence radio. Auparavant, je pouvais prendre le téléphone et parler à un avocat de la section du droit économique et obtenir ne serait-ce qu'une indication et savoir s'il faudrait peut-être un permis ou si notre interprétation semblait bonne. Depuis 2015, il n'y a plus rien. Le ministère ne fournit même plus des conseils limités. Il nous demande de communiquer par courriel ou de présenter une demande de permis.
Eh bien, nous envoyons un courriel sans obtenir aucun conseil. La réponse type du ministère était la suivante « Vous devez obtenir des conseils juridiques indépendants ». Nous avons demandé l'avis d'avocats qui travaillent dans cette industrie; c'est un cercle vicieux. Ils ne possèdent pas les réponses. Ils doivent s'adresser à Affaires mondiales.
En fin de compte, cela se ramène au processus d'attribution de permis. Vous posez une question, vous demandez des conseils généraux et l'on vous répond: « Nous ne pouvons pas vous donner une réponse générale. Il faut décrire un cas précis. » Nous attendons une transaction, une transaction réelle. Nous avons des clients qui attendent. Ils veulent obtenir une lettre de crédit et il faut présenter une demande.
Cela fait 16 mois que nous attendons.
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C'est une excellente question.
Je dirais encore une fois qu'effectivement, à notre avis, le gouvernement canadien pourrait faire certaines choses. Il pourrait certainement agir dans les domaines que nous avons déjà mentionnés. Il s'agit d'administration. Il s'agit de directives. Nous ne pensons pas que les dispositions elles-mêmes contiennent des lacunes graves; c'est simplement ce qui entoure cette législation, que ce soit un regroupement des listes ou le fait de fournir des directives en matière d'interprétation. Cela permettrait de régler certains problèmes.
Je peux vous dire très franchement que, s'il y avait une voie d'accès, si nous pouvions approcher le gouvernement dans ce genre de cas, pour lui dire que nous ne savons pas très bien ce qu'il faut faire à l'égard de ces étudiants et qu'il y a de nouvelles sanctions qui sont entrées en vigueur à l'époque, si nous avions la possibilité de dialoguer avec un représentant du gouvernement de façon à faire disparaître ces craintes, etc., je suis certain que cela n'aurait pas eu les mêmes conséquences.
Il est exact que les sanctions internationales font problème. Très franchement, vous avez mentionné l'exemple de l'Iran. Le Canada a certes assoupli le régime des sanctions générales contre l'Iran, mais dans l'ensemble, les États-Unis ne l'ont pas fait de sorte que nous nous posons beaucoup de questions lorsqu'une opération doit se faire en dollars US. Il y a des banques qui ont imposé certaines restrictions à l'ouverture de comptes libellés en dollars US. Pourquoi? C'est parce que les opérations en dollars US doivent être autorisées par une banque correspondante américaine, et il y a aussi le fait que les répercussions des sanctions sont préoccupantes.
Nous pensons — et nous l'avons indiqué clairement dans notre mémoire — que le gouvernement pourrait faire davantage et accorder un soutien en matière d'administration et d'infrastructure. L'Australie est un bon exemple d'un pays qui s'occupe de faire de la sensibilisation. Le gouvernement organise deux fois par an des conférences itinérantes. Il rencontre les sociétés et l'industrie pour présenter des directives au sujet des sanctions. Il participe effectivement à des conférences.
J'ai assisté à quatre conférences internationales ces deux dernières années. Deux étaient tenues à Toronto, une à Washington et une à New York; elles étaient organisées par l'American Conference Institute. Je connais bien la situation parce que j'ai pris la parole à chacune de ces conférences. On m'a demandé « Quel est le ministère ou l'organe du gouvernement canadien que vous aimeriez voir participer à cette conférence, en qualité de représentant du Canada, en plus des avocats? » J'ai répondu à chaque fois: « Invitez Affaires mondiales Canada ». Ce ministère a été invité quatre fois. Il n'a jamais participé à ces conférences.
Il n'y a pas que les Canadiens qui participent, il y a la communauté internationale. Il y a des avocats. Il y a des banques. Elles veulent connaître quelle est sa position au sujet des sanctions canadiennes.
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Lorsque de nouvelles sanctions sont imposées, nous en sommes généralement informés au moment de leur publication. Nous sommes abonnés à divers services. Affaires mondiales envoie des mises à jour par courriel au moyen d’un fil RSS et nous pouvons scruter tous les sites, tous les jours.
C’est intéressant que vous souleviez la question, parce que certains noms, lorsqu’ils sont publiés pour la première fois, figurent dans diverses sources. Parfois — nous n’avions jamais vu cela auparavant —, l’information est transmise par un communiqué sur le site Web du premier ministre. C’était nouveau pour nous. Nous ne savions même pas qu’il fallait regarder sur ce site. Généralement, nous regardons sur le site d’Affaires mondiales tous les jours. Nous regardons également sur le site du ministère de la Justice tous les jours.
Parfois, nous recevons un avis, parfois non. Il me semble que, lorsque les sanctions contre la Russie ont été imposées, nous avions eu un préavis du BSFI, car eux savaient que les sanctions seraient prises. C’était bien. Je compte également sur mon équipe. Il y a cinq avocats dans mon équipe. Nous avons également un service juridique. Nous examinons chacune de près et nous analysons les répercussions.
Il suffit de l’ajouter à une liste et ensuite c’est relativement facile. Les noms sont ajoutés à la liste puis nous les traitons. Soit notre fournisseur de services s’en occupe, soit nous les traitons manuellement. Puis, les données sont entrées dans notre système, généralement le même jour ou le lendemain. Ensuite, si nous obtenons une correspondance ou si la transaction est bloquée, nous prenons les mesures nécessaires. Nous gelons la propriété ou les biens. Si nous obtenons un faux positif et que nous ne pouvons effectuer le rapprochement, nous retournons voir le client et lui demandons d’autres renseignements. Il est possible également que nous demandons des renseignements à la banque remettante ou à la banque d’origine s’il s’agit d’une transaction de transfert.
Pour ce qui est des sanctions sectorielles... Si l’on ouvre un tout nouveau secteur par exemple et que l’on souhaite ajouter la pêche quelque part. Comme nous n’avons jamais vu ce genre de situation auparavant, nous organisons généralement une réunion avec l’ABC. Nous rassemblons les membres pour discuter en tant qu’industrie et déterminer quoi faire. Il se pourrait que nous fissions appel à notre fournisseur de services juridiques et lui demandions son interprétation. Nous faisons de notre mieux.
Ce serait fantastique si nous pouvions nous tourner vers Affaires mondiales pour qu’ils organisent une téléconférence et nous expliquent les nouvelles sanctions. Ce serait l’idéal. Cette recommandation fait partie de nos demandes. C’est ce qui se passe dans d’autres pays. Les responsables peuvent ensuite publier des foires aux questions ou pourraient prévoir les questions. Ce serait formidable.