Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de nous avoir invités à venir vous parler ici aujourd'hui. J'ai le plaisir de faire le point sur la situation au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo et en Somalie. Mes collègues, Susan Greene, directrice de la Direction du développement au Soudan du Sud, l'ambassadeur du Canada en République démocratique du Congo, Nicolas Simard, et Jean-Bernard Parenteau, directeur de la Direction de l'Afrique centrale et occidentale, m'accompagnent.
Je voudrais tout d'abord exposer le contexte plus large et certains faits nouveaux importants en Afrique subsaharienne. Selon la Banque mondiale, l'Afrique comptera 6 des 10 économies qui connaîtront la croissance la plus rapide au monde en 2018. Un certain nombre de pays ont fait des progrès significatifs dans des domaines tels que la santé, l'éducation et la réduction de la pauvreté. L'Afrique subsaharienne compte également la population la plus jeune du monde. Avec les bonnes politiques, le Fonds monétaire international estime que le continent pourrait réaliser un dividende démographique qui augmenterait de jusqu'à 50 % le PIB par habitant d'ici 2050. Bref, le potentiel est immense.
La stabilité et la sécurité sont nécessaires pour exploiter pleinement cet immense potentiel. Dans le cas du Soudan du Sud, de la République démocratique du Congo et de la Somalie, les défis actuels comprennent: des conflits prolongés qui créent des besoins humanitaires, des niveaux élevés d'inégalité entre les sexes, des lacunes en matière de gouvernance, des violations des droits de la personne, la corruption, les effets du changement climatique, les déplacements forcés et l'insécurité alimentaire.
Le Soudan du Sud est le pays le plus fragile et l'un des plus pauvres du monde. En 2013, une guerre civile a éclaté au Soudan du Sud, deux ans seulement après avoir obtenu son indépendance du Soudan. Plus récemment, en décembre 2017, les parties au conflit au Soudan du Sud ont signé un cessez-le-feu dans le cadre d'un processus de revitalisation d'un accord de paix qui était au point mort. Cependant, les violations du cessez-le-feu sont beaucoup trop fréquentes.
En raison du conflit prolongé, le Soudan du Sud est aujourd'hui la deuxième source de personnes déplacées en Afrique, après la République démocratique du Congo. Plus de 4,3 millions de personnes, soit un tiers de la population du pays, ont été forcées de quitter leur foyer, et plus de la moitié d'entre elles ont trouvé refuge dans les pays voisins. Plus de 7 millions de personnes souffrent encore d'une grave insécurité alimentaire. Malgré la réponse humanitaire extraordinaire qui a suivi la découverte de poches de famine en 2017, des conditions similaires ou pires sont attendues en 2018.
Des violations généralisées des droits de la personne et des abus ont été commis en toute impunité par toutes les parties. Les femmes et les filles continuent d'être les premières victimes du conflit, comme en témoignent les niveaux extrêmes de violence sexuelle et fondée sur le sexe, et l'utilisation systématique du viol comme arme de guerre.
[Français]
La situation générale en République démocratique du Congo est malheureusement similaire. L'Est du pays, soit le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, est aux prises avec un cycle de violence qui perdure depuis plus de 20 ans. Trois autres régions sont maintenant également touchées. Comme pour le Soudan du Sud, cette situation touche grandement les femmes et les filles, qui sont particulièrement vulnérables.
La crise humanitaire en RDC continue d'être l'une des plus longues et des plus complexes au monde, plus de 13 millions de personnes ayant besoin d'aide humanitaire en 2018. La RDC a récemment surpassé le Soudan du Sud et est devenue le pays où il y a le plus de personnes déplacées en Afrique: approximativement 4,4 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays et plus de 700 000 réfugiés et demandeurs d'asile le sont dans des pays voisins.
Le pays traverse également une crise politique. Les principales causes sont le report des élections générales, la méfiance envers le président, Joseph Kabila, qui pourrait tenter de se maintenir au pouvoir, et une situation économique désastreuse. Malgré certaines avancées positives, telles que l'annonce des élections pour décembre 2018, la tension reste très élevée.
Les principaux partis de l'opposition, les groupes de la société civile et la majorité de la population ont perdu confiance envers les institutions du pays. Ils demandent notamment l'accroissement de l'espace démocratique, qui passe par le respect des droits de la personne comme les libertés d'expression, d'association et de réunion pacifique. Les forces de sécurité du pays sont d'ailleurs responsables de plus de la moitié des violations des droits de la personne.
[Traduction]
La Somalie se trouve à une phase critique de l'édification de l'État. Après des décennies de guerre civile et d'instabilité, ce pays, classé au deuxième rang comme État le plus fragile du monde, a tenu des élections législatives et présidentielles en décembre 2016 et février 2017, respectivement. Le gouvernement somalien a pour objectif de relever une myriade de défis. Il s'agit notamment de la corruption généralisée, de la prestation de services essentiels aux citoyens, des injustices régionales de longue date, de la dynamique clanique, et de la menace persistante d'Al-Chabaab.
Malgré les progrès réalisés par la Mission de l'Union africaine en Somalie et par les forces somaliennes, Al-Chabaab a toujours l'intention et la capacité de frapper des cibles gouvernementales, civiles et de sécurité, comme l'illustre l'horrible attentat d'octobre dernier à Mogadiscio, qui a fait plus de 500 morts, l'attentat le plus meurtrier de l'histoire récente de la Somalie.
Ces difficultés aggravent une situation humanitaire catastrophique. En outre, la persistance des conditions de sécheresse crée une menace permanente de famine généralisée. Les conflits, l'instabilité et quatre saisons consécutives de faible pluviométrie ont laissé 6,2 millions de personnes, soit environ la moitié de la population, dans le besoin d'aide humanitaire et ont entraîné des déplacements internes à grande échelle. En outre, quelque 875 000 Somaliens continuent de vivre en tant que réfugiés dans les pays voisins.
Dans ce contexte, les conditions de vie des femmes et des filles somaliennes sont parmi les plus difficiles au monde, résultat d'une combinaison de pauvreté aiguë, de conflits, et d'une culture clanique qui favorise la hiérarchie et l'autorité masculines. Les femmes et les filles souffrent d'un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde. Et une écrasante majorité des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales féminines.
La situation dans ces trois pays a donné lieu à l'engagement du Canada sur de multiples fronts, en utilisant une gamme d'outils diplomatiques et humanitaires, ainsi que d'outils de développement et de sécurité. Au coeur de notre engagement, nous trouvons le bien-être et la promotion des femmes et des filles, une priorité du gouvernement du Canada.
Le Canada reconnaît qu'il peut aider à réaliser le potentiel de ces États extrêmement fragiles et de leurs populations, en collaboration avec ses partenaires. Notre engagement comprend une diplomatie fondée sur des principes à l'échelle nationale, régionale et internationale, complétée par notre aide internationale, conçue pour réduire la pauvreté: en faisant la promotion de la paix et de la stabilité; en favorisant une gouvernance inclusive; en sauvant des vies humaines et en protégeant la dignité humaine.
Le Soudan du Sud et la RDC sont les 8e et 13e bénéficiaires de l'aide internationale du Canada (115 millions de dollars et 91 millions de dollars en 2016-2017, respectivement). Dans le cas du Soudan du Sud, nous figurons parmi les cinq premiers pays donateurs. En Somalie, nous avons fourni 31 millions de dollars en 2016-2017, principalement sous forme d'aide humanitaire. Notre aide à ces trois pays comprend le soutien institutionnel du Canada aux organismes multilatéraux comme l'UNICEF, ainsi qu'aux institutions régionales comme l'Union africaine.
Monsieur le président, distingués membres du Comité, je vais maintenant m'attarder sur ce que fait le Canada dans ces trois pays.
En matière de paix et de sécurité, le Canada appuie depuis longtemps la paix et la sécurité sur le continent et accompagne les processus de paix dans la région. Cela comprend nos contributions au budget des Nations unies pour le maintien de la paix, auquel le Canada est le neuvième contributeur en importance au chapitre des contributions obligatoires. Notre engagement actuel comprend un soutien renouvelé au maintien de la paix ainsi qu'un effort particulier pour respecter les engagements énoncés dans le Plan national d'action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité.
En mars, la a annoncé 1,8 million de dollars pour appuyer le programme consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité par la prévention de la violence sexuelle liée au conflit en Somalie, au Soudan du Sud, et au Kenya. Il s'agit notamment de travailler avec les réfugiés somaliens dans le camp de réfugiés de Dadaab.
Le Canada croit fermement que les enfants ne devraient pas être des armes de guerre. À cette fin, nous appuyons des partenaires comme l'UNICEF et l'Initiative des enfants-soldats de Roméo Dallaire dans les trois pays afin de prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants-soldats.
Le personnel des Forces armées canadiennes est déployé à la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (MINUSS). De plus, en 2017-2018, le Canada a fourni 2,7 millions de dollars en soutien à la sécurité et à la stabilisation au Soudan du Sud. Notre appui aide à constituer des circonscriptions politiques en vue d'une résolution pacifique de la crise.
[Français]
Le Canada contribue également à la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo, la MONUSCO, et ce, depuis l'établissement de la mission, en 1999.
[Traduction]
En Somalie, le Canada fournit un soutien au Bureau d'appui des Nations unies en Somalie par l'entremise de nos contributions obligatoires au budget de maintien de la paix des Nations unies. Grâce à son Programme d'aide au renforcement des capacités antiterroristes, le Canada aide à fournir aux policiers et aux responsables de la sécurité somaliens une formation pertinente pour faire face aux menaces terroristes. Nous avons également établi des partenariats avec des organisations non gouvernementales locales pour cibler les efforts de recrutement de terroristes parmi les populations vulnérables.
[Français]
Je vais maintenant traiter de la gouvernance et des doits de la personne.
Le Canada est également un chef de file en matière de promotion de la gouvernance inclusive et des droits de la personne, particulièrement des droits des femmes et des filles.
[Traduction]
Le Canada, y compris par la voix de notre , a publiquement exprimé à de nombreuses occasions sa profonde préoccupation concernant les violations flagrantes continues des droits de la personne au Soudan du Sud. De plus, le Canada a mis en place des sanctions ciblées contre plusieurs personnes du Soudan du Sud qui ont été impliquées dans des violations flagrantes des droits de la personne. À cela s'ajoutent les sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU que nous appliquons contre ceux qui menacent la paix au Soudan du Sud.
[Français]
Le Canada suit de très près les situations politique et sécuritaire ainsi que celle des droits de la personne en RDC et saisit les occasions de soulever ses préoccupations. Certaines interventions qui visent à encourager l'alternance démocratique et pacifique, le respect des droits de la personne et l'amélioration de la situation sécuritaire ont été faites par l'entremise de communiqués de presse ainsi que dans le cadre de notre participation aux organisations internationales.
Le Canada finance également un projet d'appui à l'éducation civique et électorale à hauteur de 10 millions de dollars pour la période de 2016-2020. Le projet vise à accroître la participation au processus électoral et à la vie démocratique.
[Traduction]
La Somalie est dans une étape importante de construction et de renforcement de ses institutions. Dans cette optique, le Canada appuie les efforts déployés par les autorités somaliennes pour renforcer les principales institutions économiques et mettre en œuvre des politiques macroéconomiques saines. Cela comprend notamment notre contribution de 2,5 millions de dollars américains au Fonds d'affectation spéciale pour la Somalie du Fonds monétaire international.
Sur le plan de la dignité humaine, il ne peut y avoir de paix et de stabilité durables sans un développement durable et inclusif à long terme. L'aide internationale du Canada au Soudan du Sud, à la RDC et à la Somalie, qui vise à aider les populations les plus pauvres et les plus vulnérables, a pour objectif à long terme de bâtir un avenir plus sûr et plus durable dans la région.
L'aide du Canada au Soudan du Sud est axée sur la satisfaction des besoins fondamentaux des plus pauvres et des plus vulnérables, en particulier les femmes et les filles, tout en créant les conditions d'une paix durable et d'un développement équitable. Il s'agit notamment d'améliorer l'accès à des services de santé qui tiennent compte des sexospécificités, l'accent étant mis sur la promotion des droits sexuels et reproductifs, et sur la lutte contre la faim par l'acquisition de connaissances et de compétences agricoles en complément de l'aide humanitaire d'urgence. De plus, jusqu'à présent, le Canada a alloué 35 millions de dollars en 2018 en aide humanitaire pour adresser les besoins dans le pays.
[Français]
En RDC, notre aide met l'accent sur l'égalité des genres, les droits des femmes et des filles, la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre, la santé, la protection des enfants et la promotion de la démocratie. Le Canada a également alloué 39,5 millions de dollars en aide humanitaire destinés à la RDC pour l'année 2018. Cela inclut une aide humanitaire d'urgence de 2,5 millions de dollars pour appuyer les organismes qui luttent présentement contre la flambée d'Ebola.
[Traduction]
Grâce à l'appui de la communauté internationale, la Somalie a mis en place un Plan national de développement (2017-2019) pour la première fois en 30 ans. Se fondant sur ce plan, les participants à la Conférence de Londres sur la Somalie, y compris le Canada, ont approuvé un Nouveau partenariat pour la Somalie en mai dernier. En avril, le , ministre Hussen, a annoncé un montant supplémentaire de 18 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires liés à la sécheresse et au conflit en Somalie, ce qui porte la contribution du Canada à 25 millions de dollars jusqu'à maintenant. Le Canada est également un ardent défenseur des organismes multilatéraux, qui réalisent d'importants programmes en Somalie, particulièrement dans les domaines de la santé et de l'éducation.
[Français]
En terminant, je peux vous affirmer que nous sommes conscients des nombreux défis que ces pays ont à surmonter et que nous travaillons afin d'aider leurs populations à améliorer leur situation. Pour ce faire, nous utilisons une approche multisectorielle de façon à maximiser notre impact.
Merci.
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Votre analyse est très juste. Toutefois, franchement, les choses ont tendance à se compliquer encore davantage. Nous avons assisté à une succession d'ententes et de signatures d'accords de paix. Mais il n'y a jamais eu d'accord exhaustif et global, approuvé par les parties, et mis en oeuvre complètement.
Si l'on revient en arrière, jusqu'en décembre dernier, le dernier cycle de négociation fut plus prometteur, en ce sens qu'il mettait l'accent sur une approche plus graduelle. Par exemple, commençons par un cessez-le-feu réalisable et bien surveillé. Malgré les horreurs qui sont exposées tous les jours au Soudan du Sud, et si l'on tient compte du parcours suivi depuis quelques années, cette situation prévaut de façon épisodique, mais aussi — et c'est la seule manière dont je peux la qualifier, franchement — moins pire qu'au cours des années précédentes. Quant au cessez-le-feu, la communauté internationale continue d'y accorder beaucoup d'attention. Le Canada a participé très activement au processus. J'espère que vous comprenez qu'une très petite partie de ces activités sont publiques, ou peuvent être révélées publiquement, parce que le meilleur endroit où se trouver dans ces cas-là, c'est en coulisses.
Mais l'une des choses que je peux vous dire, par respect pour la fonction que vous occupez, c'est que nous participons très activement aux négociations, surtout dans certains domaines. Lors du plus récent cycle de négociations, qui s'est déroulé à Addis-Abeba, le Conseil des Églises du Soudan du Sud s'est impliqué pour la première fois d'une manière très proactive, en vue d'exercer une forme de médiation. Le Soudan du Sud est un pays très religieux, en dépit des agissements de certains envers les autres. C'est justement le point que nous avions encouragé et facilité — pas directement, bien entendu, mais facilité tout de même. Aussi, nous sommes de loin... Vous pouvez vous enquérir auprès de quiconque — si vous cherchez des l'optimisme à Djouba — sur le rôle joué par le Canada pour veiller à ce que les femmes fassent partie du processus de paix en tant que tel. Nous avons été les premiers à prendre l'initiative, avec une aide considérable de la part d'autres partenaires internationaux majeurs, d'un processus visant à ce que les femmes participent même aux discussions entourant l'élaboration d'un accord de paix exhaustif et global.
C'est ce qui devrait porter fruit, mais franchement, ce processus sera graduel. Il sera laborieux. Nous sommes également très présents, comme vous venez de l'entendre, sur la question des enfants-soldats. Dans ce cas aussi, même sous un ciel assombri par les nuages, quelques percées de soleil apparaissent. Ces derniers mois, si vous avez suivi les nouvelles à ce sujet, vous aurez entendu qu'un certain nombre d'enfants-soldats ont été relâchés, très récemment encore — il y a deux ou trois semaines.
Il s'agit d'un processus long et ardu, mais on enregistre de modestes progrès, et le Canada joue un rôle actif en coulisses. Notre ambassadeur à Djouba, qui ne nous accompagne pas aujourd'hui, voyage aussi régulièrement dans toute la région. Il était présent, en fait, dans l'ombre, à Addis-Abeba, en marge de ce processus, afin de faciliter et d'accompagner les démarches, sans être directement partie au processus.
Ce qui s'avère de plus en plus difficile, toutefois, c'est que l'on assiste à une fragmentation parmi les différents intervenants. Vous avez parlé des deux leaders historiques, Kiir et Machar. Nous assistons aujourd'hui à une fragmentation encore plus poussée au sein des clans. Par exemple, je me trouvais à Djouba, récemment. On m'a alors confié que les forces militaires comptent 7 000 généraux dans un pays dont la population est d'environ 12 millions d'habitants. Je ne sais pas combien de généraux compte l'Armée canadienne, mais cela signifie essentiellement que l'on doit composer avec des troupes de miliciens errants qui s'autoproclament membres de l'armée et qui changent d'allégeance principalement en fonction d'intérêts économiques, parfois d'enjeux ethniques et d'autres questions axées sur les ressources.
Deuxièmement, vous avez posé la question au sujet des autres acteurs importants. L'Éthiopie compte parmi ces acteurs importants. Elle est l'âme dirigeante du processus d'IGAD, un organisme régional. Quant aux autres intervenants, il y a l'Ouganda qui a souvent, si ce n'est la plupart du temps, joué un rôle très utile. Ces pays ont mis en place une politique d'accueil très généreuse et servent de refuge à un nombre considérable de réfugiés sud-soudanais. D'autres pays voisins contribuent aussi à des degrés divers et selon diverses formes, notamment le Soudan, l'Égypte et le Kenya.
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Je vous remercie beaucoup de votre question, madame Vandenbeld.
Effectivement, la situation des élections en RDC est extrêmement compliquée et ce n'est pas nouveau. C'est un phénomène qu'on a vu en 2006 et en 2011, et qu'on voit à nouveau maintenant. Ces élections devaient se tenir en 2016 et elles ont été reportées à deux reprises.
La question n'est pas seulement de savoir si elles vont avoir lieu, mais, comme vous l'avez dit, si elles seront crédibles, transparentes et justes, et surtout, si les Congolais auront confiance dans les résultats pour l'apaisement du pays. Si les Congolais n'ont pas confiance, cela ne sert à rien de tenir des élections puisque cela va générer un conflit par la suite.
Sur la question de la machine à voter, que les Congolais appellent « la machine à tricher » — cela donne déjà une bonne indication de la manière dont c'est perçu par la population —, c'est un choix qui a été fait par le gouvernement. Moi-même, comme observateur, ainsi que les diplomates internationaux présents au pays avons l'impression qu'il sera très difficile, pour le gouvernement, de réaliser cette opération avec la machine à voter, parce qu'il y aura plus de 100 000 bureaux de vote. La RDC est un pays énorme qui fait la taille de l'Europe occidentale. Il faut vraiment imaginer la taille de cet État et le nombre de bureaux de vote qu'il y a. Pour pouvoir tenir des élections avec la machine à voter, il aurait fallu investir des centaines de millions de dollars, que le gouvernement ne semble pas avoir. Surtout, il aurait fallu passer la commande pour ces machines en février dernier, ce qui n'a pas été fait. Je suis donc un peu sceptique quant à la réalisation concrète de cet engagement du gouvernement congolais. J'ai plutôt l'impression qu'il y aura une utilisation mixte de machines à voter et de scrutin traditionnel en papier.
Sur la question de l'observation, on a un projet très intéressant de 10 millions de dollars avec la Conférence épiscopale nationale du Congo, la CENCO. Ce projet a pour but de faciliter la formation des citoyens en vue des élections, mais aussi l'observation. Dix mille observateurs congolais sont financés par ce projet et sont en train d'être formés par la CENCO. Beaucoup de femmes font partie de ce programme également. Je suis donc très encouragé par cela.
En ce qui concerne la vérification, comme vous le savez, l'Organisation internationale de la Francophonie, l'OIF, est en train d'en faire une, qui est menée par le général Sangaré, lequel a beaucoup d'expérience en Afrique francophone. Ce qui est très positif dans la vérification du fichier électoral qui a été menée, c'est que les partis de l'opposition, la société civile et les organisations internationales ont pu y prendre part directement. Des électeurs ont été enregistrés de manière incomplète et les empreintes de 8 millions d'électeurs ne sont pas disponibles, mais l'OIF encourage le gouvernement à faire en sorte que ce soit régularisé avant les élections.
Il y aura également une vérification citoyenne de la liste électorale, ce qui permettra aux citoyens de voir la liste et d'essayer d'en corriger les erreurs.
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Tout d'abord, j'aimerais finir de répondre à la question précédente, et j'intégrerai ma réponse à celle-ci parce que l'une des principales choses que nous pouvons faire dans ces trois pays, et dans d'autres pays comparables, c'est de faire preuve d'une grande diligence dans la manière d'appliquer notre politique d'aide internationale féministe, mais aussi notre politique étrangère féministe.
Lorsque l'on travaille sur des cas complexes et fragiles, comme dans ces trois pays, c'est probablement les endroits où c'est le plus utile et le plus nécessaire, parce que, comme je l'ai mentionné déjà, au Soudan du Sud, on fait face à une combinaison de facteurs; par exemple, en s'assurant que les femmes participent au processus de paix. De même en Somalie, lorsque nous travaillons avec des organismes de la société civile ou d'aide humanitaire, nous disposons désormais d'opérations beaucoup plus ciblées qui sont destinées aux femmes et aux filles lesquelles sont inévitablement les plus vulnérables, les plus victimisées, dans les circonstances de ce genre.
Cela me permet donc de répondre à votre question, mais aussi à la vôtre.
Que pourrions-nous faire de plus dans un endroit comme la Somalie pour renforcer l'aide au développement en vue de compléter et, éventuellement, de remplacer l'aide humanitaire? Il faudra un certain nombre de choses qui semblent assez prometteuses, mais surtout du temps. Il s'agira d'un cheminement long et ardu.
Premièrement, il faut terminer la tâche entreprise au chapitre des institutions démocratiques et des processus politiques. Ce qui s'est produit au cours de la dernière année est très encourageant, et c'est la meilleure évolution que nous ayons vue depuis 30 ans, mais il reste encore un long chemin à parcourir. J'ai mentionné tout à l'heure que les dernières élections ne s'étaient pas déroulées selon le principe un électeur, un vote. C'est au programme. Cela fera toute une différence et nous aidera à créer un partenaire gouvernemental à part entière, qui se dote de plans validés par un processus démocratique complet, ce qui constitue l'une de nos exigences pour mener ce genre de programme d'aide au développement à long terme avec un partenaire.
Deuxièmement, il nous faut finir d'établir un minimum de stabilité. Il a coulé beaucoup d'encre au cours des six derniers mois au sujet d'al-Chabaab qui serait affaibli, et selon les données probantes dont nous disposons, il serait effectivement affaibli, mais il possède toujours une solide capacité de nuire. Avant qu'une partie de nos projets soient stabilisés, il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour renforcer, former et équiper la police et les militaires somaliens, etc., et pas seulement par le Canada. Bon nombre de pays européens participent, plus particulièrement le Royaume-Uni, ainsi que les Américains. Il faudra continuer dans cette veine pendant encore un certain temps avant de pouvoir équiper les hôpitaux ou les écoles, et certainement, plus longtemps encore avant de pouvoir envoyer des Canadiens, sous notre drapeau, travailler dans ces conditions risquées.
Ce qui me ramène au commentaire fait un peu plus tôt sur le profond respect que nous éprouvons à l'égard des citoyens à double nationalité qui s'engagent comme volontaires et qui réalisent des projets avec leur propre argent et à leurs propres risques. Mais en tant que gardiens de la sécurité de nos citoyens qui travaillent pour nous, soit directement ou indirectement dans le cadre de nos programmes d'aide, les conditions ne sont pas encore réunies pour « aller leur enseigner à pêcher », comme vous venez de le mentionner, selon le fameux adage.
Ceci dit, nous effectuons néanmoins un peu de ce genre de travail dans les domaines où il est possible de le faire, en dépit des contraintes liées à la sécurité et institutionnelles. J'ai mentionné le montant de 2,5 millions de dollars américains que nous avons injecté par l'entremise du FMI, par exemple. J'ai aussi mentionné plus tôt que l'un des citoyens à double nationalité, qui est ministre de la Planification, est d'ici. Nous travaillons là-bas en vue de créer... Par exemple, comment procéderiez-vous pour créer et faire fonctionner un ministère des Finances ou un ministère du Revenu?
J'ai rencontré leur premier ministre lorsque je me trouvais à Mogadiscio, et sa première priorité consiste à trouver un moyen de créer un système fiscal —imaginez, en cet endroit — afin de disposer de l'argent nécessaire pour mettre en place leur propre système de santé et d'éducation et d'autres programmes, auxquels nous pourrions contribuer grâce à une aide constructive à long terme.