:
Bonjour tout le monde. J'espère que vous avez tous eu la chance de vous reposer un peu. Nous sommes de retour. Bienvenue à la 21
e séance du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes.
Nous allons consacrer la première heure de la réunion à notre étude sur les programmes de gestion des risques de l'entreprise, et nous siégerons ensuite à huis clos pendant la deuxième partie de la séance afin de donner aux analystes des instructions pour la rédaction d'un projet de rapport.
Pour que la séance se déroule bien, j'aimerais expliquer quelques règles à suivre.
L'interprétation de la vidéoconférence sera très semblable à ce qui se fait pendant une réunion normale. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais et le français. Lorsque vous intervenez, veuillez vous assurer que le canal est celui de la langue dans laquelle vous avez l'intention de vous exprimer, et pas le canal du parquet. C'est très important. Nous allons ainsi réduire le nombre de fois que nous devrons nous arrêter parce que nos participants n'entendent pas l'interprétation, ce qui nous permettra d'avoir plus de temps pour discuter.
Je vais demander à nos témoins de hocher la tête s'ils comprennent ces consignes et peuvent trouver la fonctionnalité sur leur écran. Je vois qu'on hoche de la tête. Monsieur Daigle, tout est bon. Bien, poursuivons.
Avant de prendre la parole, veuillez attendre d'être nommés. Lorsque vous êtes prêts à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône de microphone pour activer votre micro.
[Français]
Assurez-vous que votre micro est éteint lorsque vous ne parlez pas.
Nous sommes maintenant prêts à commencer.
Je voudrais souhaiter la bienvenue aux témoins qui participent à la séance d'aujourd'hui.
[Traduction]
Pour la première heure de la séance, nous accueillons M. Rob Lipsett, président, et M. Richard Horne, directeur exécutif, des Beef Farmers of Ontario. De la Table pancanadienne de la relève agricole, nous avons parmi nous M. Paul Glenn, l'ancien président, et Mme Julie Bissonnette, représentante régionale, Ontario-Québec. Enfin, de l'Association nationale des engraisseurs de bovins, nous accueillons Mme Janice Tranberg, présidente-directrice générale, et M. Michel Daigle, président du conseil d'administration.
Nous allons commencer les déclarations liminaires. Vous avez chacun sept minutes à vous partager.
Les représentants de Beef Farmers of Ontario ont la parole.
:
Bonjour. Je m'appelle Rob Lipsett. Je suis un producteur de bœuf du comté de Grey, en Ontario, et président des Beef Farmers of Ontario, les BFO. Je siège également à titre de coprésident du comité national de la réglementation et de la politique agricole de la Canadian Cattlemen's Association. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Richard Horne, directeur exécutif des BFO.
Tout d'abord, nous croyons que l'objectif commun de l'industrie et du gouvernement est de moderniser en profondeur les programmes de gestion des risques de l'entreprise et de créer une série optimale de programmes qui soutiennent notre objectif commun qui consiste à faire du pays une puissance agricole mondiale. Pour y parvenir, les programmes de gestion des risques de l'entreprise doivent être conçus de manière à être ponctuels, adaptés, abordables et équitables.
Le secteur du bœuf au Canada pourrait être l'un des principaux moteurs de la reprise économique de notre pays dans la foulée de la pandémie de COVID-19. La COVID a toutefois exposé les graves lacunes de nos programmes de gestion des risques de l'entreprise et leur capacité à réagir aux risques et aux perturbations du marché au-delà de la volonté individuelle d'un agriculteur.
Les programmes actuels sont non seulement sous-financés, ce qui est inopportun, mais ils sont aussi, surtout, inéquitables. La structure de notre série actuelle de programmes de gestion des risques de l'entreprise contribue grandement à notre système agricole actuel dans lequel il y a les bien nantis et les démunis. Contrairement aux provinces qui ont un régime efficace de péréquation pour les secteurs agricoles, notre système fédéral de gouvernement n'en a pas.
Le contexte de déséquilibre est devenu évident en Ontario, où nous avons assujetti les exploitations à la gestion de l'offre et où nous avons des cultivateurs prospères qui font une rotation du maïs, du blé et du soya. La taille du cheptel bovin de l'Ontario a diminué de 32,5 % au cours des 10 dernières années. Parallèlement, la production de maïs et de soya a augmenté de plus de 30 %, et la superficie consacrée au pâturage et au foin a également diminué de plus de 30 %.
Un important facteur qui contribue à ce déséquilibre est la façon dont notre série de programmes traite différemment les exploitations et les secteurs agricoles. Les producteurs de bœuf doivent, pour obtenir des terres, de la main-d'œuvre et du financement, livrer concurrence à d'autres secteurs qui bénéficient d'un soutien nettement supérieur. Nous ne reprochons pas à nos voisins la sécurité à laquelle ils ont accès, mais les gouvernements doivent donner suite à leurs engagements pris pour rendre plus équitables nos programmes de gestion des risques de l'entreprise, afin que l'ensemble des secteurs agricoles aient les outils nécessaires pour demeurer viables et prendre de l'expansion.
Nous croyons qu'on ignore depuis beaucoup trop longtemps le manque persistant d'équité dans les programmes et qu'il s'est traduit dans le secteur du bœuf par le contexte actuel d'incertitude, de risque et de marginalisation continue. Nous désirons collaborer avec les gouvernements pour résoudre rapidement ces problèmes en mettant en œuvre des recommandations expressément conçues pour les programmes.
Les BFO et nos homologues partout au pays ont recommandé un certain nombre de modifications au programme Agri-stabilité afin de le rendre plus équitable et efficace pour les producteurs de bovins. Ces modifications comprennent l'élimination de la limite de la marge de référence, la modification du plafond de paiements et le retour à un seuil de déclenchement de 85 % de la marge de référence.
J'aimerais mettre davantage l'accent sur la limite de la marge de référence. Les exploitations auxquelles elle s'applique doivent subir une diminution importante, voire dévastatrice, de leurs revenus annuels provenant des programmes pour pouvoir obtenir des prestations, ce qui diminue considérablement la valeur d'Agri-stabilité pour beaucoup de producteurs, surtout ceux qui ont des structures à faible coût, comme les éleveurs-naisseurs, qui produisent habituellement leur propre fourrage et qui ont peu des dépenses de main-d'œuvre autorisées. L'élimination de la limite de la marge de référence rendra le programme prévisible, fiable et finalement plus équitable pour les producteurs de bovins du Canada, notamment dans le secteur des éleveurs-naisseurs.
J'aimerais souligner que le gouvernement de l'Ontario s'est engagé à mettre en œuvre ces importants changements au programme Agri-stabilité. Compte tenu du contexte actuel d'incertitude et de risque que la crise de la COVID-19 a amplifié, le retard dans la mise en œuvre de ces améliorations, qui sont largement appuyées dans l'ensemble du secteur agricole, est sans aucun doute décevant. L'Ontario défend ses agriculteurs, et nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral en fasse autant.
En ce qui a trait à l'assurance-production, les produits d'assurance offerts aux éleveurs de bétail pour le foin et les pâturages offrent une protection minime par rapport à celle de l'assurance pour les cultures annuelles. Les faibles taux de participation à l'assurance des cultures fourragères, comparativement au taux élevé de participation à l'assurance-récolte, aident à illustrer des situations très différentes relativement aux produits offerts.
Les producteurs de foin et de plantes fourragères méritent d'avoir accès à des programmes axés sur le rendement qui sont conçus pour offrir une protection individuelle, semblable à celle actuellement offerte aux producteurs de céréales et d'oléagineux à l'aide des différents programmes d'assurance-récolte administrés par l'entremise d'Agri-protection. Les programmes d'assurance des fourrages et des pâturages devraient aussi être dotés d'un mécanisme qui aide les producteurs à composer avec l'augmentation des prix de la nourriture pour les animaux en période de pénurie.
Ces améliorations à la conception des programmes pourraient atténuer le recours au programme Agri-relance pendant les sécheresses ou les inondations. L'iniquité entre l'assurance-récolte traditionnelle et l'assurance des cultures fourragères et des pâturages est marquée.
Enfin, un certain nombre de provinces offrent des programmes d'assurance pour aider à combler certaines des lacunes de la série de programmes fédéraux. Le programme ontarien de gestion des risques est un exemple de programme exclusivement provincial qui pourrait bénéficier d'une participation fédérale. Il serait opportun que le gouvernement fédéral se penche davantage sur la possibilité de contribuer à ce genre de programmes.
Compte tenu de la volatilité considérable des marchés mondiaux en raison de la COVID-19, ainsi que des risques habituels liés aux conditions météorologiques, au commerce et à la production, l'accès à des outils de gestion des risques de l'entreprise bien conçus et financés adéquatement n'a jamais été aussi important pour les producteurs de bovins. Grâce à ces outils, l'industrie du bœuf est bien placée pour continuer de faire croître l'économie et pour soutenir des collectivités rurales fortes et des mesures de conservation dans le secteur agricole.
Voilà qui met fin à nos observations officielles. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de nous avoir invités à nous joindre à vous aujourd'hui.
Rien n'est actuellement plus important pour la relève agricole d'un bout à l'autre du Canada que les programmes de gestion des risques de l'entreprise. Il est de plus en plus risqué de cultiver la terre et d'élever du bétail. Que ce soit à cause des conditions météorologiques, des marchés ou de la politique, la perspective de faire venir de jeunes esprits brillants dans le secteur agricole devient un rêve de plus en plus irréalisable pour beaucoup de monde.
La diminution de la participation aux programmes de gestion des risques de l'entreprise n'est pas difficile à comprendre lorsque les marges et la concurrence dans les marchés mondiaux s'intensifient. Les acheteurs mondiaux de produits canadiens peuvent changer d'idée lorsque les navires arrivent au port, ce qui exerce des pressions considérables sur le mouvement et le prix des produits. En tant qu'agriculteurs, nos projections portent sur de nombreuses années pour atténuer les risques que nous ne pouvons pas contrôler, mais les pratiques exemplaires en la matière ne suffisent pas.
Il faut des programmes de gestion des risques de l'entreprise solides si nous voulons réveiller le géant endormi que représente l'agriculture au Canada. La gestion des risques de l'entreprise est un investissement dans le Canada et ne devrait pas être perçue comme un cadeau donné aux nombreux agriculteurs en difficulté d'un bout à l'autre du Canada.
Je sais que le Comité a longuement parlé d'Agri-stabilité. Je ne prétends pas être un expert, mais d'après l'expérience d'un jeune agriculteur, le programme porte tout simplement à confusion. Il y a plus de dépenses non autorisées que l'inverse, ce qui pourrait en soi faire l'objet d'une longue discussion.
Je vais notamment souligner que le revenu familial n'est pas considéré comme une dépense autorisée. Pour encourager la relève en agriculture, ne pensez-vous pas que les salaires devraient être considérés comme une dépense? Je comprends le raisonnement qui sous-tend cette décision, mais je ne pense pas que la population devrait être punie par quelques privilégiés qui sont en mesure de le faire.
Hausser le seuil de déclenchement des paiements de la marge de référence permettrait d'adapter le programme aux nouvelles exploitations agricoles qui doivent composer avec des frais généraux plus élevés qui sont associés au service de la dette, soit une autre dépense non autorisée au titre du programme. Honnêtement, l'une des meilleures améliorations possibles consisterait à simplifier le calcul en éliminant la limite de la marge de référence afin que les agriculteurs ne se demandent plus s'ils obtiennent un paiement de 70 % qui correspond à 70 % de la marge de référence, ou un paiement de 70 % qui correspond à 70% de 70 % de leur marge de référence. Je suis certain que c'était déroutant pour vous, car c'est aussi déroutant pour les agriculteurs d'un bout à l'autre du Canada.
L'élimination de la limite de la marge de référence semble être la mesure la plus logique pour simplifier le programme. On améliorerait ainsi la prévisibilité tout en encourageant plus de personnes à participer au programme. Chose plus importante encore, cette mesure soutiendrait l'agriculture au Canada. Je pense que c'est un choix que nous devrons faire en tant que Canadiens dans un avenir assez rapproché. Voulons-nous manger des aliments qui ont poussé ou qui ont été élevés au Canada? Voulons-nous assurer la prospérité des collectivités rurales partout au pays?
Il faudrait également augmenter la limite et le pourcentage de contrepartie des ventes nettes autorisées d'Agri-investissement si on veut encourager les jeunes agriculteurs à participer au programme. À cette fin, on pourrait notamment recourir à un autre pourcentage des ventes nettes autorisées pour accorder un financement de contrepartie aux exploitations qui en sont à leurs cinq premières années, aux nouveaux venus.
Le programme Agri-protection varie d'une province à l'autre. C'est un outil important pour atténuer les risques, surtout pour les jeunes agriculteurs. Les conditions météorologiques changent, et nos programmes doivent changer en conséquence. Les primes sont élevées, et c'est la raison pour laquelle certains décident de s'assurer eux-mêmes. Dans bien des cas, les jeunes agriculteurs n'ont pas le choix de contracter une assurance, malgré le coût élevé, s'ils veulent survivre pendant leurs cinq premières années d'activités.
Il faudrait repenser le calcul de la moyenne quinquennale qui tient compte des années de perte de récoltes. Je vais vous donner un exemple. Il est catastrophique de ne récolter que huit boisseaux de soya. Lorsqu'on en tient compte dans la moyenne de 50 boisseaux sur cinq ans, la moyenne subit une diminution de l'ordre de 17 %. Lorsqu'on fait plusieurs réclamations sur cinq ans, la moyenne peut être faible au point où la personne ne participera plus au programme ou cessera ses activités agricoles.
Il n'est pas nécessaire de regarder loin pour voir comment d'autres pays soutiennent l'agriculture. Je ne dis pas que nous voulons les systèmes de ces pays, mais nous devons mettre nos programmes à jour. Le secteur agricole canadien est un des plus diversifiés au monde, et il est complexe. Je pense que nous pouvons tous en convenir.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Mme Bissonnette.
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Je vous remercie, monsieur Glenn.
Monsieur le président et membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Julie Bissonnette et je représente le Québec et l'Ontario à la Table pancanadienne de la relève agricole. Je suis aussi présidente de la Fédération de la relève agricole du Québec et administratrice à la Financière agricole du Québec. De plus, je suis productrice laitière à l'Avenir, près de Drummondville.
Pour ma part, je souhaite formuler d'autres pistes de solution que nous, les jeunes agriculteurs du Canada, avons envisagées. Tout d'abord, je voudrais parler du programme Agri-stabilité. M. Glenn en a parlé. Se lancer en agriculture en sachant que nous devons assumer 30 % de pertes avant d'obtenir du soutien du gouvernement, ce n'est pas très rassurant. Si le taux de couverture est ramené à 85 %, les jeunes agriculteurs assumeront un moins grand risque.
Ensuite, tous s'entendent pour dire que, pour toutes les entreprises en démarrage, les cinq premières années sont les plus exigeantes sur le plan financier. Selon nous, un rabais pour les différents programmes provenant du gouvernement fédéral apaiserait la pression sur les entreprises. Pour les cinq premières années, le gouvernement paierait une partie des frais ou des contributions des jeunes agriculteurs. De plus, cela inciterait les jeunes à participer au programme et ils apprendraient à mieux le connaître.
Troisièmement, il faut simplifier les programmes. Nous avons fait l'exercice de consulter certains jeunes au sujet des programmes de gestion des risques. En résumé, c'est complexe et la plupart ne les utilisent pas, car ils ne les comprennent pas. C'est dommage, car ils sont en place pour nous appuyer. Chaque programme a une bonne base qui répond à nos besoins, mais leur complexité limite leur utilisation.
Il ne faut pas oublier le système de la gestion de l'offre. Ce système répond très bien à la gestion des risques, dans la mesure où il est protégé et maintenu dans son intégralité.
Pour conclure, je dirai que le secteur de l'agriculture doit être soutenu. Les jeunes agriculteurs qui se lancent en agriculture, que ce soit en démarrant une entreprise ou bien en reprenant une entreprise existante, doivent se sentir appuyés et outillés. Tous les moyens visant à améliorer les liquidités de l'entreprise sont les bienvenus. Les jeunes agriculteurs du Canada ont tous un point en commun: ils adorent l'agriculture et ils exercent ce métier avec passion. Toutefois, avec de bons programmes de gestion des risques, notre passion deviendra encore plus agréable et notre stress diminuera.
Je m'appelle Michel Daigle et je suis président de l'Association nationale des engraisseurs de bovins, ou ANEB. Je réside à Sainte-Hélène-de-Bagot, au Québec, dans la région de Saint-Hyacinthe. Je vous remercie de me donner aujourd'hui la possibilité de me présenter devant vous.
L'ANEB est le porte-parole des éleveurs de bovins d'engraissement du Canada, qui mettent en marché environ 3 millions de bovins de boucherie par année. Nous allons vous présenter aujourd'hui un court bilan de la situation concernant la COVID-19, puis des recommandations qui visent à améliorer les programmes du Canada en matière de gestion des risques de l'entreprise.
La pandémie de la COVID-19 a eu une incidence sur l'industrie bovine canadienne à plusieurs égards, dont deux en particulier. D'abord, la réduction de la transformation du bœuf a entraîné la rétention dans les parcs d'engraissement de 130 000 bovins finis qui ne pouvaient pas être abattus, ce qui coûte aux éleveurs plus de 500 000 $ par jour en frais d'aliments supplémentaires. De plus, 30 000 têtes de bovins laitiers et de bovins de réforme sont aussi en rétention.
Deuxièmement, les prix des bovins finis ont chuté radicalement. En effet, le prix d'un bouvillon fini est de 20 $ à 30 $ par 100 livres inférieur au prix moyen sur cinq ans, selon les provinces. Cela se traduit par un manque à gagner de 300 $ à 450 $ la tête pour les éleveurs. De la mi-mars à la fin de juin, ce manque à gagner a représenté une perte de 275 millions de dollars pour les éleveurs de bovins d'engraissement.
Le gouvernement du Canada est intervenu en injectant 50 millions de dollars dans le fonds Agri-relance afin d'aider à compenser le coût des aliments pour les bovins qui ne pouvaient pas être abattus. Des programmes de retrait sont en place et ils fonctionnent actuellement en Alberta et en Saskatchewan, et l'Ontario est en voie de mettre un tel programme en place.
De plus, 77,5 millions de dollars ont été débloqués pour les transformateurs afin de couvrir les investissements requis pour atténuer la propagation de la COVID-19 et protéger les travailleurs. Finalement, les paiements provisoires d'Agri-stabilité ont été augmentés de 50 % à 75 %, et des fonds supplémentaires pour des prêts totalisant 5 milliards de dollars ont été dégagés par Financement agricole Canada.
La COVID-19 a soulevé des difficultés sans précédent pour les éleveurs de l'industrie bovine, et nous saluons le soutien accordé par le gouvernement. Il est indispensable de gérer les répercussions de la pandémie. Cependant, la COVID-19 a aussi mis davantage en lumière certaines lacunes dans la série de programmes du Canada en matière de gestion des risques de l'entreprise. Je cède la parole à notre directrice générale, Mme Janice Tranberg, qui va vous entretenir de cette question.
[Traduction]
Allez-y, madame Tranberg.
:
Merci, monsieur Daigle.
Le soutien gouvernemental pour gérer les risques agricoles comprend quatre programmes: Agri-protection, Agri-investissement, Agri-relance et Agri-stabilité. Ensemble, ils versent chaque année environ 1,6 milliard de dollars aux producteurs, mais seule une petite partie de cette somme est destinée ou est accessible aux éleveurs et aux engraisseurs de bovins.
Premièrement, environ 1 milliard de dollars est versé par l'entremise d'Agri-protection pour les mauvaises récoltes, ce qui concerne peu les éleveurs.
Deuxièmement, la contribution équivalente du gouvernement pour les producteurs qui font des dépôts dans leur compte d'Agri-investissement se chiffre à environ 250 millions de dollars. L'argent peut être retiré en cas de besoin, et le montant moyen dans le compte d'un éleveur n'est que de 13 000 $, ce qui permettrait de couvrir une baisse de prix par tête de 450 $ d'un troupeau qui ne compte que 28 bêtes. Ce n'est pas beaucoup quand on sait que le troupeau d'élevage-naissage moyen compte environ 70 têtes, et que les parcs d'engraissement en ont des milliers.
Il reste environ 350 millions de dollars par année pour Agri-stabilité, qui est un des outils de gestion des risques de l'entreprise les plus importants pour l'ensemble du secteur agricole. Cependant, un certain nombre de difficultés nuisent à la participation des éleveurs et des engraisseurs de bovins.
Cela explique pourquoi l'industrie du bœuf a exhorté aussi vivement le gouvernement fédéral à offrir un soutien spécial pendant la pandémie de COVID-19 dans le cadre du quatrième programme de gestion des risques de l'entreprise, Agri-relance. C'était le seul outil qui nous aidait efficacement à gérer les ralentissements dans la transformation, l'excédent de bovins et la chute des prix. Nous en sommes reconnaissants, mais nous craignons que ce ne soit pas assez, et les producteurs compteront sur le programme Agri-stabilité.
Nous devons faire en sorte que les programmes comme Agri-stabilité fonctionnent, et qu'ils fonctionnent bien. À l'heure actuelle, seuls 31 % des producteurs agricoles participent au programme Agri-stabilité. En 2012, ce chiffre s'élevait à près de 45 %. Qu'est-ce qui a changé? Je pense qu'il y a deux raisons.
Premièrement, un certain nombre de changements ont été apportés en 2013. Par exemple, les paiements commençaient lorsque les revenus agricoles nets avaient diminué de 15 %. Aujourd'hui, les paiements ne commencent que lorsque les revenus nets ont diminué de 30 %. Ce changement a tout simplement rendu le programme moins attrayant comme outil de gestion des risques.
Deuxièmement, un certain nombre de problèmes structurels dans le programme nuisent à la participation, surtout celle des producteurs de bœuf. Dans le cas des engraisseurs de bovins, le plafond de paiements de 3 millions de dollars est très problématique. Pour les éleveurs-naisseurs et les éleveurs de bovins d'engrais, la pratique qui consiste à limiter la marge de référence qui sert à calculer une diminution des revenus nets réduit et limite leurs versements de la même façon.
Qu'est-ce que cela signifie exactement pour un engraisseur de bovins? Nous avons demandé au cabinet Meyers Norris Penny de faire une analyse pour nous. Le travail se poursuit, mais je peux vous faire part de conclusions préliminaires.
Selon les résultats de la modélisation, vu tout ce qui s'est produit cette année, et la menace potentielle d'une deuxième vague de COVID, nous pouvons nous attendre à ce qu'un parc d'engraissement de 25 000 têtes essuie une perte de revenus cumulés se chiffrant environ entre 6,5 et 28 millions de dollars. Même dans le meilleur des scénarios, moins de la moitié des pertes prévues sont couvertes par Agri-stabilité. On atteint très rapidement le plafond de paiements de 3 millions de dollars, ce qui expose un parc d'engraissement de cette taille à des pertes se chiffrant à des dizaines de millions de dollars.
Le plafond actuel de 3 millions de dollars pour les paiements d'Agri-stabilité n'a pas changé depuis environ 20 ans. Il y a pourtant eu une hausse de 47 % de l'indice des prix à la consommation, une hausse de 50 % du prix annuel moyen des bovins gras, et une hausse de 70 % du coût des intrants des parcs d'engraissement.
:
Monsieur Daigle, je peux amorcer une réponse.
Comme nous l'avons dit, en ce moment, nous avons déjà un arriéré d'environ 130 000 bêtes, dans l'Ouest canadien. Comme je viens de le mentionner, la perte que cela va causer aux engraisseurs de bovins, dans le meilleur des cas, pour les 25 000 bêtes, se situe autour de 6,5 millions de dollars. Les programmes de retrait des bovins qui sont fonctionnels en ce moment viennent d'être mis en œuvre. Le mouvement des bêtes semble se faire relativement bien, mais je pense que le plus gros problème, pour les engraisseurs de bovins, c'est l'éventuelle instabilité des prix. Comme nous l'avons dit, des baisses de 300 $ à 450 $ par bête, c'est considérable.
Monsieur Daigle, je vais vous demander de compléter ma réponse.
:
Monsieur le président, est-ce que tout le monde m'entend? Excellent.
Je veux tout d'abord vous remercier de m'avoir permis de participer à cette réunion du Comité. Je vais poser mes questions aux Beef Farmers of Ontario.
Monsieur Lipsett, je suis toujours ravi de vous voir, M. Horne et vous.
Je vais commencer par dire que je suis complètement d'accord avec certains de vos propos. Les choses ont fondamentalement changé au cours de la dernière décennie, non seulement en ce qui concerne le marché, en particulier pour l'industrie bovine, mais aussi les inégalités entre les différents programmes de gestion des risques de l'entreprise. En somme, une mise à jour s'impose.
Pour ceux qui ne le savent pas, je suis un ancien officier militaire. La dernière étape de l'analyse d'une mission est de déterminer si la situation a changé. Si elle a changé, cela signifie que vous devez réévaluer le programme en entier. Au bout du compte, c'est ce qui ressort déjà des témoignages d'aujourd'hui, d'après moi. Il faut mettre à jour les programmes.
L'autre énoncé avec lequel je suis d'accord — j'y crois fermement —, c'est que notre secteur agricole est essentiel à la reprise de notre économie, quand nous sortirons de la pandémie de COVID-19. J'ai donc quelques questions rapides pour vous, messieurs Lipsett et Horne.
Pourquoi les agriculteurs rencontrent-ils autant de difficultés à recevoir des paiements dans le cadre du programme Agri-stabilité? Quels seraient les avantages de faire passer le pourcentage actuel de 70 % à 85 %? Quel serait l'avantage réel sur le plan de la croissance, du développement et des revenus pour nos éleveurs de bovins?
:
Je vous remercie de votre question, monsieur Ruff.
Je pense bien que la meilleure façon de décrire cela est de dire qu'avec le seuil de déclenchement de 70 %, sur la base des moyennes olympiques de nos revenus de référence, nos niveaux de revenus pour le bœuf, sur les quatre dernières années, sont si bas qu'il n'y a presque pas de différence entre nos revenus les plus élevés et nos revenus les plus bas. En ce moment, nos seuils de déclenchement ont diminué au point où, quand nous en arrivons à 70 % de notre marge de référence, nous sommes si près de la faillite que le programme n'est d'aucune utilité.
C'est en partie pour cela que le taux de participation n'est pas aussi élevé que le souhaiterait le gouvernement. Hausser le seuil pour le ramener à 85 % va inciter les gens à revenir à la production bovine, sachant que nous avons une forme de recouvrement des coûts et de protection.
M. Horne voudra peut-être ajouter quelque chose à cela.
:
Oui. Merci, monsieur Ruff.
Je crois que M. Glenn a parlé de cela, ainsi que Mme Tranberg.
Je ne prétends pas être un expert des subtilités du programme Agri-stabilité. Ce que Paul a dit à propos du « 70 % de 70 % », en parlant de la limite de la marge de référence, est l'une des raisons pour lesquelles le programme est si compliqué. Cependant, le travail réalisé par Meyers Norris Penny, que Mme Tranberg, de l'Association nationale des engraisseurs de bovins, a mentionné, montre clairement que les avantages pour les producteurs seraient nettement supérieurs si le seuil de déclenchement était ramené à 85 %. Si vous combinez cela à la limite de marge de référence, le déclenchement se ferait plus fréquemment et dans une plus grande mesure, dans le cadre du programme, et ce serait…
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs témoignages aujourd'hui.
Je suis l'un des plus jeunes députés de la Chambre des communes, et je vais donc adresser mes questions aux gens de la Table pancanadienne de la relève agricole. Je vais commencer par M. Glenn.
Vous avez mentionné les moyennes olympiques, les seuils, quand vous parliez du programme Agri-stabilité. Pour les nouveaux venus en agriculture, les jeunes agriculteurs, particulièrement en ce qui concerne le programme Agri-stabilité, pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont la moyenne quinquennale est établie si vous participez à l'industrie depuis moins de cinq ans? Cela s'applique aussi aux programmes comme le Programme de paiement anticipé qui, si j'ai bien compris, se fonde sur des moyennes pour déterminer le montant disponible. Avez-vous des observations à faire sur la façon dont cela peut avoir des effets sur les jeunes agriculteurs, ainsi que sur la façon dont ces programmes fonctionnent pour vous?
:
Je peux commencer par parler du Programme de paiement anticipé. Initialement, quand nous discutions des façons de l'améliorer, même pour les nouveaux venus, peut-être pour les cinq premières années, augmenter la limite à 150 000 $, disons, plutôt que les 100 000 $ actuels… Un montant de 100 000 $ ne vous permet plus d'aller bien loin, malheureusement, en particulier si vous êtes un jeune agriculteur qui commence. C'est une des choses que nous avons mentionnées comme moyen d'améliorer le Programme de paiement anticipé.
Bien franchement, je fais de l'agriculture depuis plus de cinq ans, alors je ne connais pas l'effet direct de la moyenne olympique à partir des cinq premières années.
J'ai un peu parlé de l'assurance récolte. Quand vous incluez une année de perte dans votre moyenne olympique, et que vous avez de multiples événements météorologiques, comme la sécheresse ou les fortes pluies, c'est très mauvais pour votre moyenne sur cinq ans. Je crois que cela pourrait être amélioré. Si vous pouviez simplement retirer cela des cinq années et n'inclure que les quatre années dont on n'a pas fait la moyenne, je crois que ce serait très avantageux.
Je sais que je n'ai pas complètement répondu à votre question, mais…
:
Je vous remercie. C'est une bonne question.
Il est évident que ce sont les entreprises en démarrage, pendant la période initiale, soit de l'année zéro à la cinquième année, qui absorbent le choc le plus important. On a souvent parlé de l'endettement qui augmente. Or, ces agriculteurs sont vraiment dans cette situation dès le départ. L'idéal serait vraiment de se concentrer sur les agriculteurs qui sont dans cette phase initiale et qui commencent de zéro.
Pour ce qui est des transferts, plus la valeur augmente, plus il peut être compliqué de transférer ces entreprises. Ce serait donc une bonne chose d'offrir le rabais à ces agriculteurs également. Nous avons commencé par ces entreprises, mais, si l'on peut soutenir tous les jeunes à l'aide de bons outils, ce sera profitable à tous les égards. En effet, plus on va aider les jeunes, mieux le secteur de l'agriculture va se porter. Les deux situations sont de très bons exemples.
:
Très bien. Je vous remercie beaucoup. C'est un témoignage vraiment intéressant.
Je vais maintenant adresser mes questions à M. Lipsett.
Monsieur Lipsett, vous avez mentionné que la marge, l'assurabilité du programme, doit être fixée à 85 %, parce qu'à 70 %, on est très près de la faillite. Il y a aussi une question de délai lié à l'administration du programme, je crois.
N'y aurait-il pas moyen d'améliorer l'administration du programme et de réduire la paperasserie pour accélérer le processus d'indemnisation?
:
Merci infiniment, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je vous remercie de vos témoignages, et je vous remercie de nous aider à la préparation d'un rapport qui présentera des recommandations au gouvernement fédéral à la fin de l'année.
J'aimerais commencer par la Table pancanadienne de la relève agricole.
Monsieur Glenn, vous avez mentionné, dans votre déclaration liminaire, que rien n'est plus important pour les jeunes agriculteurs que d'avoir un ensemble stable de programmes visant la gestion des risques de l'entreprise. Quand nous regardons le profil démographique des personnes qui font de l'agriculture, nous constatons qu'elles ont tendance à être légèrement plus âgées. Il faudra vraiment que de nombreux agriculteurs s'ajoutent et viennent combler l'écart laissé par des départs massifs à la retraite.
Quand de jeunes agriculteurs examinent la situation et tous les risques qui existent, est-ce qu'ils regardent vraiment l'ensemble des programmes de gestion des risques d'entreprise? Est-ce que c'est vraiment quelque chose qu'ils examinent au moment de déterminer s'ils peuvent faire de leurs activités agricoles une entreprise commerciale profitable? J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
:
Monsieur Daigle, encore une fois, si vous le voulez bien, je peux amorcer une réponse, puis vous pourrez prendre la relève.
Comme vous l'avez dit, le secteur de la transformation a mis en place de nombreuses mesures pour veiller à ce qu'il soit possible d'acheminer les bêtes le plus rapidement possible. Ils ont fait beaucoup de travail, et en ce moment, les choses se passent assez rondement. Ils ont mis en place des mesures comme l'ajout de quarts de travail afin de rattraper l'arriéré. Ils ne fonctionnent certainement pas à 100 %, mais ils se situent assurément autour de 85 % à 90 %. C'est positif.
Bien entendu, tout le monde craint qu'il y ait une deuxième vague de COVID et que nous ne soyons pas sortis de l'auberge encore. Il est toujours possible que des mesures supplémentaires soient requises, mais si tout continue de fonctionner rondement comme maintenant, nous espérons rattraper le retard, probablement d'ici la fin du mois d'octobre.
Je vais maintenant poser une question précise sur l'ensemble de programmes. Vous avez dit que le plafond du programme Agri-stabilité n'est pas suffisant, en particulier compte tenu des pertes que vous prévoyez.
Étant donné que le programme Agri-stabilité comporte une formule fédérale-provinciale précise concernant les modifications au programme — et que la ministre fédérale ne va pas rencontrer ses homologues provinciaux et territoriaux avant le mois d'octobre —, j'ai l'impression que le seul programme viable en ce moment qui peut continuer d'offrir de l'aide, c'est le programme Agri-relance.
Pouvez-vous nous faire des recommandations sur la façon d'améliorer ce programme? Je sais que le Conseil canadien du porc a fait des recommandations à ce sujet et a indiqué que le programme n'est pas à la hauteur de son nom. Étant donné qu'il s'agit d'un mécanisme de transfert d'argent aux producteurs, afin de les aider pendant la crise, est-ce qu'il y a des façons d'améliorer ce programme à court terme pendant que nous attendons que des modifications soient apportées au programme Agri-stabilité? Malheureusement, cela pourrait prendre du temps.
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En ce qui concerne le programme Agri-stabilité, les pertes de 6,5 millions de dollars sont déjà faites. Nous nous attendons par conséquent à d'autres augmentations, si cela se réalise. Vous avez raison, le programme Agri-relance est certainement la façon de gérer cela.
Le programme Agri-relance n'offre pas beaucoup de flexibilité, et nous avons dit que l'élément le plus important du problème est la chute de prix. Les prix ont diminué à cause de l'offre excédentaire. Les transformateurs ont de l'approvisionnement en masse et n'ont pas à payer le prix nécessaire. Ils peuvent donc payer un prix plus bas. Nous sommes déjà obligés de retarder la transformation de bêtes. Nous devons payer les coûts de l'alimentation, tous ces coûts extraordinaires, et en plus de cela, il y a cette chute de prix. Le programme Agri-relance ne peut pas couvrir cette chute de prix; il ne peut couvrir que les coûts de l'alimentation. Donc, oui, cela aide assurément, mais ce n'est pas là que les plus grosses pertes surviennent.
Avoir plus de flexibilité à cet égard serait certainement utile, dans le cadre du programme Agri-relance.
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C'est à peu près tout, en effet. Merci.
C'est à peu près tout le temps que nous avons pour cette période de questions.
Je tiens à remercier tous nos témoins qui nous ont consacré de leur temps aujourd'hui: des Beef Farmers of Ontario, M. Lipsett et M. Horne; de la Table pancanadienne de la relève agricole, M. Glenn et Mme Bissonnette; et de l'Association nationale des engraisseurs de bovins, Janice Tranberg et Michel Daigle.
Je suis sûr que vos témoignages vont nous aider dans la rédaction de notre rapport.
Nous allons devoir faire une pause de 15 minutes environ, mais nous allons poursuivre à huis clos, et je rappelle aux députés et à leur personnel qu'ils doivent se déconnecter de la présente réunion, puis utiliser le justificatif qui leur a été fourni dans le courriel envoyé plus tôt aujourd'hui pour se connecter de nouveau. Je vous rappelle qu'il pourrait falloir 15 minutes pour organiser le nouvel espace de rencontre virtuelle. Les députés doivent donc revenir dans 15 minutes au maximum. Vous pouvez revenir avant, mais il pourrait falloir jusqu'à 15 minutes pour que nous soyons prêts.
Je vais suspendre la séance, et nous nous verrons dans 15 minutes. Merci.