:
Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de comparaître devant vous pour vous parler de l'état des programmes canadiens de gestion des risques de l'entreprise.
Il est essentiel pour nos membres de disposer de programmes efficaces de ce genre, et nous nous réjouissons de participer à cette discussion très opportune sur un problème de plus en plus urgent pour les agriculteurs de tout le Canada.
Comme on l'a mentionné, je m'appelle Chris van den Heuvel. Je suis un éleveur de bovins et producteur laitier du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, et je suis le deuxième vice-président de la Fédération canadienne de l'agriculture. Je suis accompagné aujourd'hui du directeur exécutif adjoint de la FCA, Scott Ross.
La FCA est la plus grande organisation œuvrant dans le domaine général de l'agriculture au Canada, qui représente 200 000 familles d'agriculteurs de toutes les régions au pays. En unissant nos voix à l'échelle nationale, nous travaillons à assurer le développement continu d'une industrie agricole viable et dynamique au Canada. Comme vous le savez tous, le secteur agricole du Canada est prêt pour une croissance immense, comme l'a déterminé le Conseil consultatif en matière de croissance économique en 2017 et comme l'a confirmé le rapport de 2018 de la Table de stratégie économique sur le secteur agroalimentaire, qui a fixé des objectifs de croissance ambitieux pour notre secteur.
L'industrie agroalimentaire canadienne contribue déjà à hauteur de 143 milliards de dollars au PIB du Canada. Toutefois, cette activité économique, la viabilité de nombreuses entreprises agricoles familiales canadiennes et le potentiel de croissance global du secteur sont menacés par un certain nombre de risques immédiats auxquels sont confrontées nos entreprises agricoles familiales partout au Canada.
Pour mettre les choses en contexte et souligner l'urgence de cette question pour les agriculteurs canadiens, je crois qu'il convient de souligner que ceux-ci ont vu leur revenu net réalisé diminuer de 45,1 % en 2018. Parallèlement, le soutien gouvernemental aux agriculteurs canadiens a chuté de près de 50 % entre 2008 et 2018, et il ne représente plus que 3,6 % du revenu agricole. En même temps, on s'attend à ce que près de 40 % du revenu agricole total aux États-Unis proviennent de l'aide gouvernementale, les dernières estimations ayant révélé que les agriculteurs de l'UE reçoivent également 38 % de leur revenu total de l'État.
Cela a une incidence directe sur la capacité des agriculteurs canadiens de soutenir la concurrence sur les marchés internationaux, ce qui nous place dans une position nettement désavantageuse à ce chapitre. Ce qui aggrave ce défi — après des années financières difficiles pour les agriculteurs canadiens et les obstacles auxquels ils font face lorsqu'ils sont en concurrence sur les marchés mondiaux —, c'est que ces mêmes agriculteurs sont maintenant confrontés à un large éventail de risques sur lesquels ils n'ont aucun contrôle, risques qui continuent d'augmenter. Les agriculteurs doivent faire face aux risques croissants du marché et du commerce en raison des perturbations dans les échanges et des obstacles non tarifaires quant à l'accès à des marchés clés. À titre d'exemple, mentionnons les perturbations du commerce du canola et du soya avec la Chine, des légumineuses avec l'Inde et du blé dur avec l'Italie. La grève des chemins de fer de novembre dernier et les récents barrages sur les voies ferrées ont entraîné des pertes au chapitre des ventes et une augmentation des coûts pour les agriculteurs.
Le nombre d'événements climatiques extrêmes ne cesse d'augmenter, et l'année dernière, les récoltes ont été affectées partout au Canada pour toutes sortes de raisons, allant des inondations aux ouragans, en passant par les pluies abondantes et les chutes de neige hâtives. Enfin, les coûts ont augmenté rapidement, alors que les recettes agricoles stagnent. Cette situation a été exacerbée par les coûts supplémentaires liés au climat en raison de l'utilisation de combustibles pour le chauffage des granges et le séchage des céréales, y compris les dépenses additionnelles découlant directement et indirectement du régime canadien de tarification du carbone.
La série actuelle de programmes de gestion des risques de l'entreprise, qui a été créée pour aider les agriculteurs à gérer les risques qui échappent à leur contrôle, ne répond plus à leurs besoins à mesure que ces risques augmentent, la couverture du programme ne suivant pas le rythme. Les défis financiers auxquels font face les producteurs, qui découlent pour une large part d'enjeux indépendants de leur volonté, sont de plus en plus urgents. Pourtant, on tarde à donner suite aux demandes répétées d'améliorations urgentes à ces programmes.
Le programme Agri-stabilité du Canada est un pilier fondamental de la série de programmes de gestion des risques de l'entreprise au Canada et constitue le seul outil dont disposent actuellement tous les agriculteurs pour gérer les risques liés à la production et au marché. Toutefois, la participation a diminué de façon précipitée, depuis que le programme a fait l'objet de compressions en 2013, ce qui a réduit le niveau de soutien offert aux agriculteurs qui subissent des pertes. Les statistiques les plus récentes de 2017 indiquent que seulement 31 % des producteurs admissibles participent au programme Agri-stabilité, et même si ces chiffres faisaient suite à un certain nombre d'années de revenus agricoles relativement élevés, les discussions continues avec nos membres ne permettent pas de supposer que les défis importants récents ont donné lieu à une augmentation significative de la participation.
Les agriculteurs de partout au Canada continuent de nous dire qu'Agri-stabilité n'offre plus un soutien suffisant pour que les agriculteurs puissent relever les nombreux défis qui les touchent, et cela est confirmé par l'analyse de l'industrie effectuée par l'Agricultural Producers Association de la Saskatchewan. Nous avons des données à cet égard que nous serions heureux de communiquer au groupe. Cette analyse a révélé que, même si les prix du canola chutaient brusquement, la grande majorité des céréaliculteurs ne recevraient que peu ou pas de soutien, ce qui les laisserait à eux-mêmes, sans soutien significatif ou prévisible, pour gérer ces risques qui échappent à leur contrôle.
Cela dit, nous ne préconisons pas que les agriculteurs se retirent d'Agri-stabilité sur la base de cette analyse, étant donné que nous croyons qu'ils doivent collaborer avec leurs conseillers financiers pour prendre des décisions éclairées en matière de gestion des risques et tirer parti de tout soutien qui leur est offert. Toutefois, il y a près de trois ans que l'on a annoncé l'examen des programmes de gestion des risques de l'entreprise, et nous avons constaté peu de progrès vers des réformes significatives qui répondent aux préoccupations fondamentales des agriculteurs au sujet du programme Agri-stabilité.
Les changements annoncés en décembre sont modestes et ne répondent pas aux principales préoccupations exprimées par les agriculteurs canadiens. En fait, il est important de souligner que les avantages de tout traitement amélioré de l'assurance du secteur privé se font en grande partie sentir à long terme, les offres actuelles n'étant pas largement disponibles et ne convenant pas à de nombreux producteurs au Canada, en raison du coût et de la nature des produits disponibles à ce moment-ci.
Malgré l'optimisme continu à l'égard des perspectives de l'assurance privée dans ce domaine, nous n'avons pas encore vu ce secteur élaborer des programmes rentables pouvant combler adéquatement les lacunes persistantes des programmes de gestion des risques de l'entreprise au Canada. La rapidité, la simplicité et la prévisibilité sont toutes importantes, mais sans un niveau de soutien adéquat, aucune amélioration dans ces domaines ne permettra de répondre aux besoins ou d'accroître la participation.
C'est pourquoi la FCA et les associations de l'industrie de tout le Canada, par l'entremise de l'AGgrowth Coalition, continuent de souligner que le mandat de neutralité des coûts du processus d'examen de la gestion des risques de l'entreprise réduit son efficacité potentielle pour répondre aux besoins des agriculteurs. Si des décisions concernant des changements sont prises en juillet, nous avons entendu dire qu'elles seraient mises en œuvre en 2021, et les difficultés persistantes liées au respect des échéances d'Agri-stabilité donnent à penser que les producteurs ne verraient aucune amélioration avant au moins 2022, voire 2023. Cet échéancier ne permet pas de répondre aux problèmes financiers urgents auxquels font face les agriculteurs, et les examens et ajustements continus menacent de retarder encore davantage la prestation d'un soutien significatif aux agriculteurs.
Nous croyons qu'il y a une solution simple à ce problème, qui pourrait être mise en œuvre immédiatement, si les administrations fédérale-provinciales-territoriales l'appuyaient, et qui comprend quatre mesures clés. Premièrement, la couverture d'Agri-stabilité devrait être immédiatement rajustée pour couvrir les pertes à partir de 85 % des marges de référence historiques, sans limite de marge de référence. Deuxièmement, il faudrait prioriser les discussions sur l'assurance-production pour le bétail et les cultures horticoles qui ne sont pas actuellement couvertes par le programme Agri-protection. Troisièmement, les discussions sur les options de programmes de gestion des risques de l'entreprise devraient être significatives et axées sur l'efficacité plutôt que sur les niveaux de financement. Quatrièmement, on devrait créer un groupe de travail technique industrie-gouvernement, qui permettrait aux groupes d'agriculteurs de participer activement à la production des données sur la gestion des risques de l'entreprise et à l'analyse des répercussions. Jusqu'à maintenant, la participation a été en grande partie ponctuelle et ne permet pas aux associations de producteurs d'avoir accès aux données nécessaires pour évaluer adéquatement les changements proposés au programme ou y participer.
Sans intervention urgente, les agriculteurs de tout le Canada font face à une grande incertitude et à des pressions financières, à l'approche d'une nouvelle saison de récolte, qui menacent de compromettre la viabilité de leurs entreprises et le succès continu de la production agricole canadienne.
Ces améliorations nécessitent un financement supplémentaire des administrations fédérale-provinciales-territoriales, et il est essentiel que l'on s'engage à envisager un tel soutien pour que cet examen passe de la discussion et des modifications mineures à des réformes significatives. Même si ces améliorations sont adoptées de toute urgence, il faudra encore au moins deux ans pour que le soutien par l'entremise du programme Agri-stabilité soit disponible, et dans le cas des produits touchés par les différends commerciaux actuels entre les États-Unis et la Chine, nous croyons qu'un fonds d'atténuation est également nécessaire immédiatement pour combler ce besoin. Des travaux ont été réalisés à cet égard en Saskatchewan et, comme je l'ai mentionné, nous serions heureux de vous en faire part également.
Nous appuyons aussi l'examen continu des programmes de gestion des risques de l'entreprise pour tenir compte d'autres éléments de la série, comme l'augmentation des limites de contribution de contrepartie du programme Agri-investissement, l'élimination des obstacles fiscaux qui continuent de limiter le retrait des fonds du programme Agri-investissement pour des investissements proactifs et des programmes visant à répondre aux crises phytosanitaires. Toutefois, si les changements les plus importants que j'ai mentionnés ci-dessus ne sont pas mis en œuvre de façon urgente, nous continuerons de voir les producteurs frustrés et de plus en plus privés de leurs droits dans le cadre de la série de programmes de gestion des risques de l'entreprise et d'Agri-stabilité en particulier.
En tant que pays particulièrement bien placé pour tirer profit de la demande croissante de produits agricoles durables, tant ici qu'à l'étranger, le coût de l'inaction nuit non seulement aux familles d'agriculteurs du Canada, mais aussi à la prospérité de tous les Canadiens.
Merci.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie d'avoir invité Gestion agricole du Canada à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Mathieu Lipari et je suis gestionnaire de programme à Gestion agricole du Canada. Je dirige nos initiatives de gestion des risques. Notre directrice générale, Heather Watson, regrette de ne pouvoir être ici aujourd'hui. Elle est l'hôte de la première cohorte de notre nouveau programme national de leadership dans le domaine agricole.
La crise financière agricole des années 1980 a amené les gouvernements et les groupes d'intervenants de l'industrie à trouver la meilleure façon de préparer l'industrie agricole à mieux gérer les risques et l'incertitude. Ils se sont tournés vers les investissements dans la gestion des entreprises agricoles. Gestion agricole du Canada a été créé en 1992 pour coordonner les programmes de gestion des entreprises agricoles et la formation dans ce domaine à l'échelle du Canada, afin de fournir aux agriculteurs les ressources, les outils et l'information nécessaires pour éviter que la crise des années 1980 se répète et pour les positionner en vue d'une croissance et d'une compétitivité durables. Nous continuons de remplir ce mandat aujourd'hui.
Nous sommes très heureux de constater que le comité permanent ouvre la discussion sur les programmes de gestion des risques de l'entreprise.
L'expression « gestion des risques de l'entreprise » a été privilégiée par le gouvernement pour représenter les programmes de soutien. Bien que cela rehausse le profil de la gestion des risques dans le domaine de l'agriculture, cela a eu involontairement pour effet de limiter notre compréhension de la gestion des risques et des outils disponibles à cet égard. L'OCDE a averti le Canada que les politiques gouvernementales devaient adopter une approche holistique de la gestion des risques et éviter de se concentrer sur une source de risque unique, notant que dans de nombreux cas, les programmes publics de soutien agricole ont écarté d'autres façons de gérer les risques.
Malheureusement, c'est exactement ce qui se passe et ce que nous essayons de corriger grâce à nos programmes.
Lorsqu'il a été annoncé pour la première fois, le cadre du Partenariat canadien pour l'agriculture a cerné six domaines prioritaires, soit les marchés et le commerce, la science, la recherche et l'innovation, la gestion des risques, la durabilité de l'environnement et les changements climatiques, l'agriculture à valeur ajoutée et la transformation agroalimentaire, ainsi que la confiance du public.
Nous avons exprimé nos préoccupations au sujet du manque flagrant d'attention envers la gestion des entreprises agricoles et le renforcement des capacités comme priorités. La gestion des entreprises agricoles et le développement des compétences relèvent des marchés et du commerce, et la gestion des risques se limite aux programmes de gestion des risques de l'entreprise, ce qui perpétue l'idée que ceux-ci constituent la seule option de gestion à ce chapitre.
Lorsque le partenariat est entré en vigueur, nous avons observé une diminution du soutien à la gestion des entreprises agricoles — et, par extension, à la gestion des risques — dans de nombreuses provinces et de nombreux territoires, qui devrait se poursuivre.
En 2013, nous avons commencé à nous rendre compte que nous avions une compréhension différente de la gestion des risques, lorsque nous avons assisté à une conférence à ce sujet à Ottawa et que la seule stratégie proposée était l'assurance. Cela nous a amenés à étudier attentivement les différents types de risques auxquels font face les agriculteurs et les stratégies possibles de gestion de ces risques.
En 2014, nous avons produit une publication intitulée « Guide complet sur la gestion du risque en agriculture ». Notre objectif était simple: nous voulions montrer à l'industrie agricole canadienne les risques auxquels nous faisions face et comment nous pouvions commencer à les gérer grâce à une approche globale.
Pour les exploitants agricoles, la gestion des risques consiste à adopter une approche proactive, afin de renforcer leur capacité sous-jacente de résister à toute tempête et de saisir les occasions, ce qui leur permettra de continuer à assurer leur succès. C'est en ce sens que la gestion des entreprises agricoles représente une composante essentielle de la gestion des risques. Les programmes de gestion des risques de l'entreprise ne sont qu'une façon pour les agriculteurs de gérer certains risques. Les agriculteurs devraient optimiser leur utilisation de ces programmes, tout en ayant recours le plus possible aux autres outils de gestion des risques qui sont à leur disposition, comme la planification, la collaboration avec des conseillers, la mise en place de procédures opérationnelles normalisées, etc.
Des agriculteurs de premier plan concentrent leurs efforts sur la mise en place de mesures pour gérer les risques sur lesquels ils ont une prise directe, des mesures comme avoir une stratégie d'affaires solide, savoir comment travailler avec la famille, trouver des moyens de recruter et de maintenir une main-d'œuvre dynamique, assurer un bon flux de trésorerie et de liquidités, et ainsi de suite.
En 2016, avec le soutien du programme Agri-risques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, le guide détaillé a été transformé en un outil en ligne de détermination, d'évaluation et de planification des risques appelé AgriBouclier, qui fournit plus de 500 pratiques de gestion exemplaires pour aider les agriculteurs à atténuer les risques.
Dans le cadre du Partenariat canadien pour l'agriculture, nous avons pu obtenir des fonds supplémentaires pour lancer le projet Les racines du succès. Il est important de souligner qu'il n'a pas été facile d'obtenir des fonds dans le cadre du programme de financement de la gestion des risques, dont l'objectif semble demeurer l'élaboration de programmes d'assurance.
Lors de la réunion des ministres fédéral-provinciaux-territoriaux en juillet 2018, on a recommandé d'accroître la formation en gestion des risques. Nous avons travaillé avec Agriculture et Agroalimentaire Canada pour ouvrir la discussion en matière de gestion des risques en général, grâce à un groupe de discussion national comprenant des intervenants clés. Les principaux messages de cette réunion comprenaient le renforcement de la confiance et le soutien de la santé mentale, grâce à la planification stratégique, à la formation continue, à une plus grande collaboration avec les autres, à la participation à des associations de l'industrie et au recours à la technologie, comme étapes clés pour améliorer la capacité des producteurs à gérer leurs risques, au-delà des programmes de gestion des risques de l'entreprise.
Notre projet Les racines du succès vise à améliorer la gestion des risques grâce à l'éducation et à la formation, en vue de promouvoir une approche globale dans le domaine, dans le cadre de la plateforme AgriBouclier. Une table ronde nationale a été mise sur pied pour orienter le projet et adopter une approche plus globale de la gestion des risques pour le secteur agricole canadien.
Le travail d'examen de la gestion des risques de l'entreprise du comité permanent, ainsi que le Cadre stratégique de l'agriculture du Canada, offrent une occasion incroyable de promouvoir la gestion des entreprises agricoles comme meilleure stratégie de gestion des risques au Canada. Nous espérons que le gouvernement et l'industrie nous inviteront à participer à cet examen, afin que nous puissions encourager les agriculteurs à adopter une approche globale de la gestion des risques.
Ce genre d'approche globale offre aux agriculteurs une méthode leur permettant de gérer de façon systématique ce qu'ils contrôlent, d'utiliser les outils appropriés pour gérer ce qui échappe à leur contrôle et d'investir dans ce qui fonctionne. Notre processus de prise de décisions d'affaires éclairées joue un rôle plus essentiel que jamais. Le temps est venu d'adopter une approche globale de la gestion des risques en agriculture.
Nous avons hâte de lire le rapport du Comité à ce sujet. Nous serons heureux de vous tenir au courant de nos progrès et de faire rapport au Comité aussi souvent que vous le souhaiterez.
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs membres du Comité et invités.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et les invités, je m'appelle Candace Roberts. Je suis comptable professionnelle agréée chez Catalyst, à Calgary. Je travaille avec de nombreux producteurs agricoles de premier plan.
De plus, je suis moi-même une agricultrice de quatrième génération dans le Centre-Est de l'Alberta. Je participe également au programme AdvancingAg Future Leaders de 2019-2020 de l'Alberta Wheat Commission et d'Alberta Barley.
Les agriculteurs font face à de nombreux défis, dont un grand nombre échappent à leur contrôle au niveau de l'exploitation agricole, y compris les conditions météorologiques, le commerce, l'acheminement des produits vers les marchés, particulièrement au cours des derniers mois avec la grève des chemins de fer, puis les barrages, et les prix mondiaux des produits de base qui sont affectés par l'offre et la demande. La perception des consommateurs a elle aussi une incidence sur nos agriculteurs.
Parmi les autres facteurs qui peuvent être contrôlés et qui ont des répercussions sur les agriculteurs figurent le transfert à la prochaine génération, la gestion de la dette, la hausse du coût des intrants et de la valeur des terres, ainsi que la santé mentale de nos agriculteurs.
Il est important que nous mettions en place des outils de gestion des risques de l'entreprise pour soutenir les agriculteurs qui nourrissent notre pays. Les agriculteurs ont besoin de plus de soutien. Les agriculteurs doivent pouvoir profiter des avantages de ces programmes, maintenant ou dans l'avenir, au chapitre de leurs opérations, ou avoir l'impression qu'ils pourraient en profiter. Il faut améliorer les programmes pour qu'ils soient fiables et prévisibles. Les calculs doivent être transparents et faciles à comprendre pour nos producteurs.
Les mesures de soutien doivent venir au bon moment. Nous devons réduire le délai entre les catastrophes qui se produisent et le soutien financier. Nous devons répondre aux besoins des producteurs et réduire leur fardeau administratif. Y a-t-il une façon meilleure et plus simple d'administrer les programmes et de soutenir nos agriculteurs?
Les programmes de gestion des risques de l'entreprise devraient tenir compte des divers types d'exploitations agricoles, par exemple, la production de céréales et de bétail, ou un mélange des deux. Il faut aussi tenir compte de l'étape où se situe la carrière de l'agriculteur lorsqu'on envisage ces programmes de gestion des risques de l'entreprise.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous nos témoins d'être là aujourd'hui et de nous avoir expliqué pourquoi, selon eux, certains de ces programmes fonctionnent ou ne fonctionnent pas.
Je commence par M. van den Heuvel. Je sais que vous vous êtes un peu étendu là-dessus. Nous avons ramené le pourcentage de 85 % à 70 % dans le programme Agri-relance. Je pense que le paysage agricole était alors très différent. Nous avons apporté ce changement parce que le programme était devenu presque une source de profit pour certains producteurs, plutôt que la source de stabilité qu'il était destiné à être. À l'époque, nous n'avions pas les perturbations commerciales d'aujourd'hui. Nous n'avions pas de taxe sur le carbone. Nous avions des moyens de transport fiables pour acheminer nos produits vers les marchés, pour la plupart.
Monsieur van den Heuvel, sans vouloir parler d'« exigence », le désir de revenir à 85 % a-t-il été précipité pour une bonne part par la transformation du paysage à laquelle l'agriculture fait face aujourd'hui? C'est certainement ce que nous avons vu au cours des six derniers mois, avec une récolte très difficile, la grève du CN, les barricades illégales et une taxe sur le carbone. Si l'on ajoute tout cela dans l'agriculture, on peut facilement comprendre pourquoi il est impératif de revoir le programme Agri-stabilité.
Le changement de paysage est-il une grande raison pour laquelle la FCA, la Fédération canadienne de l'agriculture, en a fait une si grande priorité?
Je m’appelle Patty Rosher. Je suis la directrice générale de Keystone Ag Producers.
KAP est le porte-parole des agriculteurs du Manitoba sur les questions de politique publique. Nous travaillons avec les gouvernements, l’industrie et les intervenants pour veiller à ce que l’agriculture primaire au Manitoba demeure rentable, durable et concurrentielle à l’échelle mondiale.
J’aimerais commencer par remercier le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes d’avoir entrepris une étude sur la gestion des risques de l’entreprise et de nous avoir invités à y participer. Nous apprécions l’attention que le Comité porte à ce sujet, qui est important pour nos membres, et nous apprécions que vous reconnaissiez la nécessité d’une vaste consultation.
Selon sa lettre de mandat de décembre, la ministre, Mme Bibeau, devait tirer des leçons de la recherche fondée sur des données probantes. KAP accorde une grande importance à la défense des intérêts fondée sur des données probantes et augmente ses investissements dans la recherche pour la soutenir. Nous avons récemment lancé une demande d'expression d’intérêt sur quatre sujets de recherche. L’un d’eux était la gestion des risques de l’entreprise. En particulier, nous avons demandé ce qu’il était possible d’ajouter à Agri-protection et Agri-investissement pour assurer le genre de gestion des risques liés au revenu agricole que vise Agri-stabilité. La réponse à ces questions nous intéresse beaucoup parce qu’il est peut-être temps de jeter un regard neuf sur la gestion des risques de l’entreprise, d’autant plus que nos membres n’ont pas eu l’occasion de se pencher sur ces sujets. Nous encourageons le Comité à commander des recherches et à communiquer leurs résultats aux agriculteurs et aux groupes de défense des intérêts des agriculteurs.
La situation des agriculteurs est instable, et je sais que vous allez l'entendre dire à maintes reprises, mais ils font face à un environnement commercial international de plus en plus protectionniste. Le revenu net a commencé à diminuer alors que les dépenses agricoles continuent d’augmenter. Les attentes vis-à-vis des producteurs primaires en matière de changements climatiques et d’environnement continuent de croître, et le secteur agricole doit gérer une importante passation des actifs et des exploitations à la prochaine génération.
Au cours de la dernière année, les agriculteurs, surtout au Manitoba, ont fait face à presque tous les types de risques, qu’il s’agisse des risques liés à la production attribuables aux intempéries et aux maladies, ou des risques de marché dus aux perturbations du commerce. Même si cela entraîne des fluctuations importantes et parfois ingérables des revenus des producteurs, les coûts continuent d’augmenter. Les lignes directrices du ministère de l’Agriculture du Manitoba sur les coûts de production des cultures montrent que, ce printemps, les coûts d’exploitation, les coûts fixes et les coûts de main-d’œuvre seront de 418 $ l’acre pour planter du canola. Sur ce montant, 143 $ seront consacrés aux semences, au traitement des semences et aux engrais qui sont répandus au début du printemps, avant que quiconque ne sache à quoi ressemblera la saison de croissance. Le blé nécessitera un investissement de 380 $ l’acre, le soya, 368 $ et le maïs, 533 $. Seulement pour ces cultures, qui représentent 70 % de la superficie ensemencée, les agriculteurs du Manitoba investiront 3,4 milliards de dollars cette année. Cet investissement signifie des revenus pour les fournisseurs d’intrants agricoles, les concessionnaires d’équipement et les municipalités, et permet vraiment de garder à flot le secteur agricole provincial et notre économie. L’expérience de cette année met en évidence les types de risques auxquels les agriculteurs sont confrontés, et ces risques ont augmenté à mesure que les coûts de production ont augmenté. Lorsque nous parlons de gestion des risques de l’entreprise, telle est l'ampleur des risques que prennent les producteurs primaires.
On pensait autrefois que le programme Agri-stabilité fonctionnait très bien, mais de plus en plus d’agriculteurs disent qu’il est pratiquement inutile pour eux et le taux de participation a baissé, si bien que de plus en plus d’agriculteurs risquent de voir leur marge diminuer. KAP, par l’entremise de l’AGgrowth Coalition, milite depuis longtemps en faveur d’une réforme du programme Agri-stabilité, en raison des problèmes qui se posent sur le plan de sa complexité, de sa rapidité d’exécution, de sa prévisibilité et de son efficacité globale. Nous avons parlé des réformes à long terme qui s’imposent, notamment le retour à un niveau de couverture de 85 %; l’élimination de la marge de référence, qui faisait partie de l’annonce la plus récente; l’ajout d’une assurance-production pour les produits qui n’ont pas accès à ces programmes; et un engagement envers un groupe de travail technique qui permettrait à des groupes de producteurs comme le nôtre de participer plus directement à l’analyse et à l’élaboration de solutions possibles de GRE.
Pour ce qui est d'Agri-investissement, en août 2015, avec la FCA, nous avons mené un sondage portant précisément sur ce programme pour savoir comment les agriculteurs l’utilisaient et s’ils trouvaient qu’il s’agissait d’un outil financier utile. La majorité des agriculteurs qui utilisaient Agri-investissement s'en servaient pour compenser de petites variations de revenu, mais ils ont déclaré que la contribution de contrepartie n’était pas suffisante pour combler adéquatement l’écart laissé par Agri-stabilité. Les fonds alloués étaient déconnectés des besoins financiers actuels des exploitations agricoles.
En 2017, nos membres ont adopté une résolution nous demandant de faire pression sur le gouvernement du Manitoba et le gouvernement du Canada pour faire passer à 3 % les dépôts donnant droit à la contrepartie d’Agri-investissement et permettre jusqu’à 2 % de contributions supplémentaires qui n’étaient pas admissibles et déductibles d’impôt.
KAP a travaillé très fort cette année pour s’assurer que les priorités des jeunes agriculteurs se reflètent dans notre politique. Les jeunes agriculteurs font face à des défis uniques sur le plan de l'accès aux terres et aux capitaux. Nous le savons. Nous en parlons beaucoup. L’accès aux programmes de gestion des risques de l’entreprise peut également présenter des défis particuliers.
Nous aimerions partager avec vous les commentaires de l’un de nos jeunes agriculteurs, car je pense qu’il l’a dit mieux que moi:
Lorsqu’un jeune producteur présente sa première demande d’assurance-récolte, il peut avoir de la difficulté à obtenir son propre contrat parce qu’il ne possède pas de biens matériels. Dans notre cas, mon frère a demandé l'assurance-récolte à deux reprises avant d’obtenir un contrat. Nous avons fini par jongler avec ses acres, les miennes et l’exploitation de mon père. Si je n’avais pas de canola et qu’il en avait, je l’assurais, ou si mon père n’en avait pas, il assurait les cultures de mon frère. Comme il n’avait pas de numéro d’assurance-récolte, il ne pouvait pas s’inscrire à Agri-investissement et Agri-stabilité, et j’ai dû inscrire ses acres dans mon propre programme et m'arranger pour les retirer plus tard. C’était un sérieux inconvénient.
J’aimerais éviter cela à l’avenir parce que beaucoup de jeunes agriculteurs se lancent dans l’agriculture sans avoir d’actifs, ce qui leur complique les choses pour avoir accès à l’assurance-récolte. Notre représentant a été formidable et a aidé mon frère à obtenir son numéro d’assurance-récolte, mais à cause de cette situation, mon frère a été très dépendant de mon père et de moi-même pendant deux ans.
Je répète que nous apprécions l’attention que le Comité porte à ce sujet, qui est important pour nos membres. Nous vous remercions d’avoir reconnu la nécessité d’une vaste consultation.
Cependant, les consultations de cette année ont parfois manqué d'authenticité. En fait, une bonne partie de notre travail de défense a consisté à dénoncer les cas où les consultations étaient inadéquates. Les discussions concernant les redevances sur les semences en sont un bon exemple. Les consultations à l’échelle de l’industrie sur la création de valeur dans le secteur des céréales ont démarré à l’automne 2018, mais elles ont commencé en mettant l’accent sur deux modèles possibles. KAP et ses partenaires n’étaient pas satisfaits de la participation des agriculteurs, alors nous avons publié notre propre enquête et nous sommes toujours à la recherche d’une analyse de rentabilisation qui définit le rendement du capital investi nécessaire.
L’incertitude entourant les consultations sur la Loi sur les grains du Canada rend les agriculteurs très nerveux, même si je crois savoir que certains renseignements ont été communiqués à la table ronde sur les grains. Lorsque j’ai commencé à jouer ce rôle il y a un an, c’était l’un des principaux problèmes. Il ne semble toujours pas y avoir de mouvement à cet égard.
Nous avons hâte que le Comité examine les programmes de gestion des risques de l’entreprise en raison de la transparence de ses processus. Nous avons également dit que les discussions sur les améliorations à apporter aux programmes actuels de gestion des risques de l’entreprise ont été entravées par les contraintes de l’enveloppe financière fédérale-provinciale actuelle. Ne commettons pas la même erreur et ne commençons pas la discussion sans rien faire. Nous demandons qu’on envisage de permettre de véritables améliorations qui tiennent compte des niveaux actuels de risque lié au revenu. En effet, les agriculteurs ne peuvent pas se permettre d’être neutres sur le plan des coûts année après année lorsqu’ils prennent leurs décisions.
Notre objectif n’est pas d’augmenter les paiements gouvernementaux au secteur agricole. C'est plutôt d'avoir l'aide gouvernementale qui convient le mieux lorsque les agriculteurs ne sont pas en mesure de couvrir adéquatement leurs risques pour faire les investissements nécessaires afin d’atteindre les objectifs de développement économique qui ont été fixés.
Merci.
:
Merci, monsieur le président, de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui au nom de l'Union nationale des fermiers.
L'Union nationale des fermiers est une association de membres directs composée de familles de fermiers canadiens qui cherchent à assurer la dignité et la sécurité du revenu de leurs familles tout en améliorant la qualité des terres et des collectivités rurales pour les générations futures.
Je vais commencer par dire ce qui est peut-être évident, à savoir que tous les agriculteurs veulent bien gagner leur vie en pratiquant l’agriculture. Nous ne demandons pas l’aumône au gouvernement. En fait, si vous cherchez « autosuffisance » dans le dictionnaire, vous trouverez probablement la photo d’un agriculteur canadien.
Les programmes de gestion des risques de l’entreprise sont nécessaires pour permettre aux agriculteurs de poursuivre leurs activités agricoles malgré les mauvaises récoltes inattendues, les bas prix ou d’autres événements imprévus. Nous remarquons que lorsque nous perdons des fermiers après une ou deux mauvaises saisons, nous perdons non seulement leur production, mais aussi leurs compétences et leurs connaissances.
Nous devons avoir un système alimentaire robuste qui peut assurer à la fois la production et des revenus équitables au Canada, compte tenu des énormes chocs qui secouent le système, comme la COVID-19 et les conditions météorologiques anormalement irrégulières. Un programme de GRE qui fonctionne bien peut contribuer à assurer un solide système alimentaire.
Au cours des dernières décennies, les agriculteurs canadiens ont perdu la majeure partie de leur sécurité et de leur revenu. Le tableau intitulé « Lutter contre la crise du revenu agricole » qui a été distribué montre les revenus, sans soutien gouvernemental, en haut du graphique. La ligne verte inférieure est le montant que les agriculteurs gardent après avoir payé leurs dépenses. La zone bleu foncé, représente la différence entre les revenus bruts des exploitants et leurs revenus nets, c'est-à-dire l’argent versé pour les intrants agricoles.
Bien que les revenus agricoles aient augmenté, les dépenses agricoles ont augmenté encore plus rapidement. Il en résulte que le revenu agricole net total réalisé au Canada oscille aux alentours de zéro. Cette divergence entre les revenus et les dépenses a de nombreuses causes, notamment la déréglementation, la diminution du pouvoir sur le marché des producteurs par rapport à nos fournisseurs et à nos acheteurs, les réductions de la gestion de l’offre, et le fait de s'en remettre aux grandes sociétés pour prendre des décisions importantes sans consulter adéquatement les agriculteurs.
C’est peut-être évident, mais je vais le dire clairement. Le manque de revenu net rend la grande majorité des agriculteurs canadiens de plus en plus vulnérables aux fluctuations du marché, aux réductions du rendement liées aux conditions météorologiques, à l’augmentation du coût des intrants. Nous avons besoin de programmes de gestion des risques de l’entreprise qui fonctionnent efficacement pour les fermes canadiennes.
J’ai quelques brèves demandes à vous soumettre.
Premièrement, les dépenses du programme de GRE ont été réduites pendant la transition de Cultivons l’avenir 1 à Cultivons l’avenir 2, lorsque les critères d’admissibilité ont été établis. Un point de départ important pour le gouvernement, pour soutenir les agriculteurs et renforcer l’unité nationale, serait de rétablir les programmes de GRE à des niveaux qui avaient déjà été appuyés, avant la mise en œuvre de Cultivons l’avenir 2, en 2013.
La baisse du financement des programmes de GRE après 2012 a surtout eu pour effet de plafonner la marge de référence ou les dépenses admissibles à Agri-stabilité au niveau le plus bas et de faire passer le seuil de chute de la marge de 15 % à 30 %. Par conséquent, pour faire une demande d’Agri-stabilité, il fallait à la fois avoir une chute précipitée du revenu agricole total et un coût élevé des intrants. En pratique, cela s'appliquait seulement aux exploitations hautement spécialisées, ayant des coûts de production élevés, et très exposées à des marchés d’exportation volatils, comme dans le secteur porcin. Il n'était pas logique de vous inscrire si vous étiez un producteur utilisant peu d’intrants, ayant une production diversifiée dans un marché stable, comme les fermes mixtes qui vendent leurs produits dans des marchés intérieurs. Ainsi, de 2011 à 2015, le taux de participation est passé de près de la moitié des agriculteurs canadiens à moins du tiers.
Nous recommandons que le programme Agri-stabilité revienne au seuil de 15 % de la marge de référence et élimine le plafond des dépenses admissibles. Nous pourrions aussi continuer de demander, comme nous l’avons fait par le passé, que le montant total versé à une exploitation agricole soit plafonné, et nous suggérons un montant de 750 000 $; et que toutes les filiales d’une grande entreprise agricole soient comptées comme faisant partie de la grande entreprise aux fins du plafond de paiement.
Deuxièmement, l’assurance-récolte est calculée pour tenir compte des niveaux et des tendances historiques de risque. La crise climatique augmente les risques et les agriculteurs subissent les contrecoups des premières chutes de neige, des tempêtes de grêle, de l’augmentation de la vitesse des vents et de la sécheresse. Ils ne pourront pas tenir longtemps, compte tenu de la fragilité du revenu illustrée dans le tableau que j’ai déjà mentionné.
Étant donné que les agriculteurs sont la source de ce qui pourrait être l’actif national le plus important du XXIe siècle, l'alimentation, les programmes de GRE doivent tenir compte du risque croissant que posent les changements climatiques et doivent améliorer la capacité financière des agriculteurs à faire face à ces changements.
Le programme Agri-protection, ou l’assurance-récolte, connaît encore une forte participation, et on y consacre de plus en plus d’argent. En fait, nous nous opposons aux options qui permettraient de confier cet outil de gestion des risques à divers régimes d’assurance privés. Nous aimerions que l’assurance-récolte soit appliquée à un plus grand nombre de types et de tailles de fermes.
Il est difficile d’évaluer le risque pour les exploitations diversifiées parce qu’il y a plus de variables. Cependant, nous devons diversifier davantage les exploitations agricoles afin d'avoir la résilience nécessaire pour faire face aux changements climatiques.
Si l’assurance-récolte est privatisée, il sera encore plus difficile pour les petites exploitations agricoles diversifiées d’obtenir de l’assurance, parce qu’elles sont un client moins rentable pour les compagnies d’assurance. Notre système fédéral-provincial d’agriculteurs à frais partagés a un rôle légitime à jouer pour aider les agriculteurs à faire face aux risques liés à la production végétale.
Troisièmement, de nombreux jeunes agriculteurs nous disent qu’ils ne s’inscrivent pas aux programmes de GRE parce que la paperasse est trop compliquée et trop lourde, surtout pendant la phase de démarrage de leur entreprise, au moment où ils sont peut-être les plus vulnérables.
Veuillez faciliter autant que possible l’accès aux programmes de GRE afin que les agriculteurs de tous les niveaux d’expérience puissent en récolter les fruits en période de crise. Comme un bon nombre de nouveaux venus se concentrent sur les marchés intérieurs, nous croyons utile de vous recommander d’encourager le développement de ces marchés et la substitution des importations afin que nos agriculteurs soient moins exposés à la volatilité des prix à l’exportation, aux fluctuations du taux de change et à l’instabilité de l’accès aux marchés d’exportation. Des politiques qui appuieraient une économie agricole axée sur la stabilité et un revenu agricole adéquat aideraient à limiter le coût des programmes de GRE.
Enfin, je dois souligner l’importance de la Commission canadienne des grains pour la protection des intérêts des producteurs de grains. La CCG est le gardien vigilant qui assure l’équité et empêche les puissantes compagnies céréalières et ferroviaires de profiter des céréaliculteurs en payant moins pour leur grain grâce à la détermination du poids, du grade et du taux d'impuretés. Elle garantit également que nos produits d’exportation sont de grande qualité et qu’ils peuvent être achetés à un prix élevé par les clients des marchés d’exportation.
En maintenant le mandat de la CCG, qui est d'agir au mieux des intérêts des agriculteurs et en veillant à ce que la CCG dispose des fonds et de la capacité nécessaires pour appliquer la réglementation, on aidera à maintenir les revenus des agriculteurs à des niveaux où ils n’auront pas à faire appel aux programmes de GRE pour survivre.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
:
Bonjour. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d'avoir invité l'Union des producteurs agricoles, ou UPA, à vous faire part de ses commentaires sur les programmes de gestion des risques de l'entreprise dans le cadre des travaux que fait le Comité sur le sujet. Mon allocution sera structurée en deux volets.
Tout d'abord, je vais vous parler du constat que nous faisons de l'évolution, au fil du temps, des programmes de gestion des risques de l'entreprise, soit depuis l'entrée en vigueur du premier cadre stratégique pour l'agriculture, en 2003, particulièrement en ce qui a trait au programme Agri-stabilité.
Pour ce qui est du second volet, je vais vous faire part des recommandations de l'UPA quant à l'évolution future de ces programmes et aux interventions du gouvernement fédéral en matière de gestion des risques.
De façon générale, les montants investis par le Canada en gestion des risques ont connu une forte diminution depuis 2003. Durant la période où le premier cadre stratégique pour l'agriculture a été mis en œuvre, en 2003, et pendant la dernière année du programme Cultivons l'avenir 2, en 2017, les recettes monétaires agricoles ont augmenté de plus de 80 %, alors que les paiements directs versés aux entreprises agricoles canadiennes ont diminué de 50 %.
Plusieurs pourraient penser que les bénéfices des entreprises agricoles se sont grandement améliorés durant cette période. Toutefois, on constate qu'au cours des années 2007-2012 et 2012-2017, l'estimation du soutien aux producteurs de l'OCDE a connu au Canada une baisse deux fois plus importante par rapport à la moyenne des pays de l'OCDE, passant d'environ 14 % à 9 %.
Les budgets de transfert, un élément important pour le soutien ou l'estimation du soutien aux producteurs, ont quant à eux diminué de 50 % au Canada entre 2012 et 2017, passant de 6 % à 4 %. Pour le Canada, le ratio budget de transfert-valeur de la production est bien en deçà de ce que l'on observe dans plusieurs pays de l'OCDE. À titre d'exemple, les pays de l'OCDE ont en moyenne un ratio stable de 11 %, alors qu'aux États-Unis, ce ratio est passé de 7 % à 8 % entre 2012 et 2017.
Comme vous le savez, le gouvernement canadien a procédé en 2013 à des coupes importantes dans ses programmes, notamment en faisant passer de 85 % à 70 % la couverture de la marge de référence dans le cadre du programme Agri-stabilité. Cette mesure ainsi que le plafonnement des marges de référence font en sorte que le programme n'est plus accessible lorsque la situation le requiert. Cela démontre que le programme a cessé de faire ce pour quoi il a été créé. En fait, avec ces modifications, ce programme de stabilisation est devenu un programme catastrophe. Cette réalité a été confirmée, notamment par une baisse marquée du taux de participation des agriculteurs au programme Agri-stabilité, qui se situe autour de 30 %.
À l'époque — et encore aujourd'hui —, le gouvernement a justifié ces rajustements en invoquant le fait que la production précédente couvrait ce qui était considéré comme des risques commerciaux normaux, que le secteur agricole connaissait une période de hausse des prix des produits et que, par conséquent, les entreprises étaient plus rentables qu'auparavant. Ce qui était peut-être vrai en 2013 ne l'est plus du tout aujourd'hui. Cette époque est révolue. Les prix des produits agricoles sont revenus à des niveaux normaux depuis déjà plusieurs années, à preuve, le revenu net agricole total est passé de 12,2 milliards de dollars en 2013 à 3,6 milliards de dollars en 2018. En outre, l'endettement des entreprises agricoles est à la hausse.
Fragilisées et appuyées inadéquatement par les programmes de gestion des risques, les entreprises agricoles doivent désormais composer avec un niveau de risque accru, situation qu'elles ne peuvent maîtriser. Pensons aux risques liés aux changements climatiques, qui exacerbent les phénomènes météorologiques extrêmes, aux guerres commerciales, qui peuvent changer radicalement le prix des denrées, ou aux risques liés aux conflits de travail — pensons ici au transport ferroviaire. On pourrait même parler des répercussions possibles de la COVID-19 sur le secteur agricole canadien, qu'il s'agisse des exportations ou de la disponibilité des travailleurs étrangers.
On ne peut pas considérer ces risques commerciaux comme étant normaux. Certains pays, notamment les États-Unis, sont intervenus rapidement et massivement pour couvrir ces nouveaux risques, entre autres au moyen des 23 milliards de dollars versés dans le cadre du Market Facilitation Program, qui vise à soutenir les productrices et les producteurs de ce pays touchés par la guerre commerciale avec la Chine.
Contrairement à ces producteurs, les producteurs de grains canadiens n'ont reçu aucune aide particulière de la part de leur gouvernement, et le programme Agri-stabilité actuel n'est pas en mesure de couvrir efficacement ce type de risque, ce qui limite la compétitivité de nos entreprises sur le marché de l'exportation.
Le gouvernement a tenu plusieurs consultations afin de faire évoluer les programmes offerts aux entreprises agricoles canadiennes, mais seuls des rajustements mineurs ont été apportés aux programmes de gestion des risques de l'entreprise depuis 2013. Le statu quo s'explique principalement par la condition exprimée par le gouvernement fédéral selon laquelle tout rajustement apporté aux programmes de gestion des risques de l'entreprise doit se faire à coût neutre. Les éléments précédents forcent l'UPA à constater qu'une majoration des sommes allouées au secteur agricole est devenue incontournable et urgente. Cela permettrait notamment de bonifier le programme Agri-stabilité afin qu'il remplisse les objectifs pour lesquels il a été conçu. En fait, un retour à la couverture de 85 % et le retrait de la marge de référence limitée permettraient aux entreprises agricoles canadiennes de faire face de manière efficace aux nouveaux risques liés à la situation actuelle au chapitre des affaires.
Il est important de rappeler que ces bonifications proposées au programme Agri-Stabilité ont été appuyées par l'ensemble des intervenants du milieu, à la suite des consultations sur le dernier cadre stratégique pour l'agriculture et que, en ce sens, elles doivent rapidement trouver un écho dans les politiques du gouvernement fédéral.
Par ailleurs, pour maintenir la compétitivité des entreprises agricoles canadiennes, le gouvernement canadien doit se montrer proactif et intervenir rapidement, de manière ponctuelle, lorsqu'un événement exceptionnel survient et qu'il est indépendant de la volonté des producteurs. La guerre commerciale avec la Chine est le parfait exemple où le gouvernement pourrait intervenir, comme l'a fait le gouvernement américain pour soutenir les entreprises touchées dans ce conflit. D'autres situations se présenteront dans l'avenir. La COVID-19 est peut-être le prochain exemple où le gouvernement devra démontrer une volonté réelle de soutenir les productrices et les producteurs agricoles canadiens, afin d'assurer la croissance du secteur pour les années à venir.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
En premier lieu, je remercie les invités, nos témoins, qui viennent nous faire part de leurs préoccupations. Les commentaires formulés étaient vraiment très intéressants et enrichissants.
Ma première question s'adresse à M. Caron.
Monsieur Caron, dans votre conclusion, vous avez répété l'importance du programme Agri-stabilité et du retour à un pourcentage de 85 %, comparativement à 70 %, et aussi de l'élimination du cadre de référence.
Nous comprenons bien l'écart qui existe entre la situation qui remonte à 2013, année où ces mesures ont été mises en place et la réalité d'aujourd'hui, en 2020. Vous avez donné des chiffres très intéressants sur la régression des revenus nets des entreprises, qui ont passé de 12,5 milliards à 3,6 milliards de dollars.
Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet? Comment voyez-vous la situation si cette marge de référence était complètement éliminée, et s'il y avait une majoration de la couverture à 85 %?