[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 17e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Nous reprenons notre étude sur les programmes de gestion des risques de l'entreprise.
Je vais vous donner quelques règles à suivre.
L'interprétation offerte pendant la vidéoconférence sera essentiellement la même que lors d'une réunion normale. Au bas de l'écran, vous avez le choix du canal anglais, français ou sans interprétation.
Lorsque vous souhaitez intervenir, veuillez vous assurer de choisir le canal qui correspond à la langue dans laquelle vous vous exprimerez, et non pas le canal sans interprétation. C'est très important. Cela réduira le nombre de fois que nous devrons arrêter parce que l'interprétation est inaudible pour nos participants. Nous aurons ainsi un maximum de temps pour nos délibérations.
Du côté de nos témoins, y a-t-il des problèmes? Comprenez-vous comment tout cela fonctionne? Est-ce que cela convient à tout le monde? Monsieur Haerle et monsieur Brock, ça va?
:
Je vous prie d'attendre que je vous nomme avant d'intervenir. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro.
[Français]
Enfin, assurez-vous que votre micro est éteint lorsque vous ne parlez pas.
Nous sommes maintenant prêts à commencer.
Je veux souhaiter la bienvenue aux témoins qui participent à la séance d'aujourd'hui.
[Traduction]
Nous accueillons M. Markus Haerle, président de Grain Farmers of Ontario. Monsieur Haerle, bienvenue à notre réunion. Du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, nous accueillons M. Mark Brock, coprésident du Comité national consultatif sur les programmes. Monsieur Brock, bienvenue à notre comité.
Nous commencerons par les déclarations préliminaires de sept minutes chacune.
Monsieur Haerle, de Grain Farmers, vous pouvez commencer.
:
Je vous remercie de me permettre de faire quelques remarques aujourd'hui. Je suis très heureux d'accepter l'invitation à m'adresser à vous aujourd'hui. J'ai un message important de Grain Farmers of Ontario et des agriculteurs membres que nous représentons.
Je m'appelle Markus Haerle. Je suis le président de Grain Farmers of Ontario et j'exploite une ferme à seulement 45 minutes à l'est d'Ottawa, à Saint-Isidore.
Grain Farmers of Ontario est la plus grande organisation de producteurs de denrées de l'Ontario. Elle représente 28 000 céréaliculteurs qui produisent des céréales et des oléagineux. Le secteur des céréales représente environ 18 milliards de dollars de production économique en Ontario et on lui doit 75 000 emplois.
Je suis ici aujourd'hui pour vous parler des répercussions de la COVID sur les fermes céréalières de l'Ontario et sur nos agriculteurs membres et de la nécessité de corriger immédiatement les programmes de gestion des risques de l'entreprise.
Les agriculteurs sont fiers de leur travail, de produire des aliments pour le consommateur canadien. Nous produisons des cultures qui servent à l'alimentation animale. Nous produisons aussi des cultures qui sont directement consommées lorsqu'elles sont transformées en pains, en tofu et en éthanol sur lesquels des gens à la grandeur du pays et du monde entier comptent.
Les entreprises agricoles sont la pierre angulaire des collectivités rurales dans lesquelles nous les exploitons et nous vivons. Les habitants et les entreprises des collectivités rurales dépendent de l'économie créée par les exploitations agricoles.
J'ai réuni pour vous quelques données dans le document d'information qui décrit en chiffres la situation à laquelle nos membres sont confrontés. Je ne vais pas passer les chiffres en revue, mais le document est une référence utile.
Cette époque de COVID engendre des risques plus importants et plus incertains que je n'ai jamais connus dans toute ma carrière d'agriculteur. Les problèmes aigus tiennent au fait que la demande est en baisse pour les récoltes de l'an dernier et que les prix sont à un point tel que nous n'atteignons même pas le seuil de rentabilité. J'ai récemment entendu certains de mes membres demander que nous agissions. J'ai également entendu des consommateurs et de membres du grand public que le commun des mortels continue de manger, ce qui signifie que l'on compte toujours sur nous, les agriculteurs, pour produire les aliments dont ils ont besoin chaque jour, mais en réalité, la demande est en baisse. Ce constat ne s'applique pas qu'aux aliments, mais aussi à l'éthanol.
Je vais vous citer quelques exemples. Les restaurants, les cafétérias universitaires et d'autres distributeurs commerciaux d'aliments sont fermés. Il a donc fallu réduire la capacité de production de bœuf, de poulet, de porc et de produits qui dépendent des céréales que nous cultivons. En réalité, la production d'éthanol aux États-Unis est tombée au point mort parce que les gens n'utilisent pas leurs voitures. Ici, en Ontario, notre secteur de l'éthanol ne produit qu'à 50 % de sa capacité.
Nous ne semblons pas parvenir à convaincre le gouvernement d'écouter ces préoccupations et de prendre les mesures.
Le fait est que le gouvernement des États-Unis apporte un soutien à ses agriculteurs en ce moment même. Le président Trump a immédiatement lancé un programme d'aide, de secours et de sécurité économique pour le coronavirus et les agriculteurs sont indemnisés pour ce qu'ils subissent en raison de la chute des prix. Nous ne pouvons pas rivaliser sur la scène mondiale et tout le monde s'attend à un autre paiement avant les élections de l'automne aux États-Unis.
Les producteurs de céréales ne peuvent rivaliser avec les agriculteurs qui réussissent à survivre à ces prix bas avec l'aide de leur gouvernement. L'agriculteur américain est notre concurrent direct.
C'est le gouvernement du premier ministre Harper qui avait aboli les programmes. Nous parlons du programme Agri-stabilité, l'un des programmes qui avait été réduit à l'époque. Les prix que les agriculteurs obtenaient alors pour leurs produits étaient bons, mais nous savions que cette période serait très courte et ces programmes ne paient que lorsque les temps sont durs. Ces programmes procurent aux agriculteurs la sécurité nécessaire pour investir dans leur entreprise.
Nous sommes maintenant en crise. Les prix de toutes nos denrées sont inférieurs à ce que nous avons dépensé pour les cultiver. La situation est particulièrement mauvaise pour le maïs. Selon les experts, la reprise sera lente. Peu importe que l'économie rouvre et que la situation revienne à la normale, il faut du temps pour que les marchés des denrées se relèvent. L'histoire nous apprend que les prix chutent rapidement et ne se redressent que lentement. Dans son programme électoral, le gouvernement avait promis de se pencher sur le programme Agri-stabilité. Agri-stabilité y était explicitement cité et pourtant, nous attendons encore la première intervention à cet égard.
Tous nos groupes agricoles à travers le pays ont parlé au gouvernement, communiqué des données et illustré les problèmes découlant de la COVID, et nous n'avons vu aucune action. Pour nos agriculteurs membres et l'organisation, la sécurité alimentaire et la politique intérieure qui accordent une aide aux agriculteurs pour qu'ils survivent aux ralentissements qui échappent à notre contrôle ne sont pas des questions partisanes.
Je suis Mark Brock, coprésident du Comité national consultatif sur les programmes. Avec ma femme Sandi, j'exploite une ferme tout juste en périphérie de Hensall, en Ontario. Nous avons une exploitation de céréales et d'oléagineux et nous élevons aussi des moutons. J'ai été très engagé dans le secteur, mais pour le moment, je ne suis qu'un agriculteur qui fait des choses et qui travaille un peu sur la gestion des risques de l'entreprise au sein du Comité national consultatif sur les programmes.
Je ne sais pas à quel point vous le connaissez, mais le Comité est composé de deux personnes de chaque province et territoire qui se réunissent deux fois par an pour discuter d'enjeux relatifs aux programmes de gestion des risques de l'entreprise. Nous parlons beaucoup d'Agri-stabilité. Nous parlons beaucoup d'Agri-investissement, d'Agri-protection et d'Agri-relance, mais récemment, nous avons consacré une grande partie du temps à Agri-stabilité pour mettre en lumière certains des enjeux que M. Haerle a soulignés dans son exposé.
Je m'excuse auprès des interprètes, car nous sommes tellement occupés à la ferme en ce moment que je n'ai pas pu rédiger une déclaration qu'ils auraient pu consulter, ils devront donc me suivre. Je m'en excuse, mais je ne voulais pas manquer l'occasion de comparaître devant le Comité, car je crois que le programme de gestion des risques de l'entreprise est un élément très important d'un dossier plus vaste dont je veux parler, et j'y viendrai.
Mon engagement dans les programmes de gestion des risques de l'entreprise a commencé en 2018, lors d'une réunion FPT des ministres de l'Agriculture où ils ont décidé, sous la pression de différents groupes de producteurs, de créer un groupe consultatif externe pour trouver des idées visionnaires à propos des programmes de gestion des risques de l'entreprise. À l'époque, était ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. J'ai participé à cet exercice. J'étais l'un des producteurs engagés dans ce projet. Il y avait aussi d'autres membres du secteur.
Pendant environ 18 mois, nous avons débattu d'idées et analysé certains enjeux touchant la gestion des risques de l'entreprise et Agri-stabilité ainsi que certains des enjeux liés à la perte de confiance des producteurs à l'égard de ces programmes et les raisons pour lesquelles l'adhésion était si faible, entre autres questions du même ordre. J'ai transmis à votre greffier les recommandations issues de ce groupe consultatif externe. J'espère que vous pourrez prendre connaissance de quelques-unes d'entre elles.
Je tiens à souligner sept choses. Au cours des travaux de ce groupe consultatif externe, tandis que ces idées étaient formulées, trois autres membres du groupe et moi-même avons présenté un exposé à l'occasion d'une réunion des ministres FPT à Vancouver. Je ne me souviens pas de l'année, mais nous leur avons transmis ces recommandations et nous avons répondu à toutes leurs questions.
Je pense que c'est à l'issue de cette réunion FTP qu'il a été décidé que la poursuite des travaux de ce groupe externe chargé d'examiner ces programmes de gestion des risques de l'entreprise devrait en fait être confiée au CCNP, à titre de mécanisme officiel créé par l'entremise du Partenariat canadien pour l'agriculture et de tribune officielle dans laquelle les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral avaient décidé d'examiner les programmes de gestion des risques de l'entreprise. Ces sept recommandations ont été transmises au CCNP. Je vais vous lire les sept recommandations issues du groupe consultatif externe.
La première est de créer et d'évaluer les outils de gestion des risques qui comblent les lacunes de l'actuelle série de programmes de gestion des risques de l'entreprise. Cela allait même jusqu'à examiner comment le gouvernement aide ou facilite les options payées par le producteur ou même les programmes complémentaires payés par le producteur. Comme M. Haerle l'a souligné, je pense, pour certains des risques qui existent dans le contexte dans lequel nous fonctionnons comme producteurs agricoles, nous sommes prêts à participer à certains de ces outils, mais les outils doivent être créés et, à mon avis, il faut une aide du gouvernement pour faciliter certaines de ces créations.
La deuxième consiste à examiner des approches pour remédier au manque de confiance à l'égard du programme de gestion des risques de l'entreprise de base, c'est-à-dire Agri-stabilité, notamment sa complexité, son opportunité et sa prévisibilité. Je pense que c'est de là que vient une grande partie de l'incertitude que nous observons actuellement dans le milieu agricole, maintenant que nous vivons dans ce monde de la COVID-19. Cela tient simplement à l'imprévisibilité de la situation et du fait d'essayer d'évaluer comment nous gérons nos risques. Il est difficile de calculer certaines de ces options de protection contre les risques dans les exploitations agricoles en raison de certains défis liés à la conception du programme Agri-stabilité.
La troisième consiste à examiner des approches permettant d'améliorer l'égalité des programmes.
La quatrième est qu'Agri-investissement devrait être maintenu en attendant de meilleures options.
La cinquième consiste à moderniser l'établissement des primes pour Agri-protection. S'il existe des possibilités d'améliorer la fixation des prix, nous devrions les examiner.
La sixième consiste à jouer un rôle pour essayer d'éduquer davantage les producteurs en matière de gestion des risques.
La septième est que ce travail devrait se poursuivre.
Cela m'amène à mon engagement auprès du CCNP. Le CCNP est un excellent groupe de producteurs. Comme je l'ai dit, deux représentants de chaque province et territoire examinent certains de nos défis. Nous nous rencontrons deux fois par an. Cette année, notre réunion de mars a été perturbée par la COVID-19, à juste titre. Nous voguons sur le travail que nous avions fait en décembre.
Nous avons envoyé une lettre aux ministres à leur réunion FPT, le 13 décembre 2019 si je ne m'abuse, au nom des producteurs membres du Comité national consultatif sur les programmes. Nous y expliquions à quel point la situation actuelle est difficile pour les agriculteurs et les répercussions que nous observons dans tous les secteurs, qu'il s'agisse des céréales, des oléagineux ou de l'élevage. À l'époque, nous étions concentrés sur le problème de la peste porcine africaine et nous révélions certains des défis posés par la Chine et l'accès au marché et leurs effets sur la santé mentale des agriculteurs. Je crois que tous les membres de ce comité convenaient que la série de programmes ne comblait pas les besoins des agriculteurs. Elle n'est pas sensible à certaines difficultés que nous observons. À mon avis, ces difficultés sont encore plus évidentes dans le contexte actuel de la COVID-19.
:
Merci. Je vais changer de sujet et m'adresser à M. Haerle.
Monsieur Haerle, j'ai reçu des commentaires de la part d'agriculteurs de ma propre circonscription, Lambton-Kent-Middlesex. Les céréaliculteurs sont nombreux dans ma région et beaucoup d'agriculteurs sèment du maïs. Nous cultivons beaucoup de maïs dans ma région, en particulier pour les usines d'éthanol des environs.
Vous avez fait allusion à la sécurité alimentaire qui poserait un problème et à la baisse de la demande pour le maïs fourrager. Je sais que la quantité d'éthanol produite se répercute sur l'alimentation animale.
Je me demande ce que les agriculteurs vous ont dit récemment à propos de leurs plantations. Ont-ils réduit leur production de maïs? Ont-ils investi davantage dans le soja? C'est ce que j'ai entendu sur le terrain.
Où en sommes-nous en ce qui concerne les niveaux de production?
:
Indirectement, oui, car c'est un coût qui nous est répercuté comme agriculteurs. Nous n'avons aucun moyen de le compenser de quelque façon que ce soit sur le marché.
Tout d'abord, cette somme de 170 $ est due au fait qu'il n'existe aucun marché qui couvrira notre coût de production. En outre, les possibilités de vendre sur les marchés que nous avons créés non seulement à l'échelle nationale, mais aussi à l'exportation, se sont dégradées. Dans le monde entier, la consommation de ces céréales pour l'alimentation animale et humaine et d'autres usages a diminué. C'est vrai non seulement pour le maïs, mais aussi pour le soja.
M. Brock y a fait allusion. Nous avons perdu une part de marché importante pour nos fèves de soja sur le marché chinois. Cette situation découle de certains contextes géopolitiques créés par le gouvernement canadien.
Ce sont les enjeux pas très vendeurs auxquels les agriculteurs sont confrontés et nous n'avons aucune autre avenue, même pour obtenir autre chose. Il y a encore de pleins silos de fèves que les agriculteurs ne savent même pas comment vendre parce qu'ils perdent de l'argent. Chaque fois qu'ils expédient un chargement de camion, ils savent qu'ils ne font pas leurs frais.
C'est un gros problème qui crée un problème de trésorerie. Pour la deuxième année consécutive, les agriculteurs sont confrontés à ce problème à un niveau élevé. Cela explique la demande de programmes qui couvrent le problème actuel, non seulement par rapport à la COVID, mais dans une perspective plus large.
:
Merci de ces commentaires.
Monsieur Brock, la COVID-19 semble avoir mis en évidence les failles de notre chaîne d'approvisionnement alimentaire et dans le fonctionnement de nos programmes de soutien. L'impression générale semble être que les programmes de gestion des risques de l'entreprise n'ont pas été suffisants en temps de pandémie.
Selon vous, dans quelle mesure les programmes de GRE ont-ils été efficaces durant la pandémie? Il y a tout d'abord Agri-relance, auquel une somme de 125 millions de dollars a été affectée pour venir en aide à certains secteurs. Dans l'éventualité d'une autre pandémie aussi grave, pensez-vous que les programmes de GRE seront bien adaptés. Sinon, est-ce qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada doit, de concert avec les provinces, envisager une réforme complète du modèle pour faire face à des situations aussi graves?
:
J'espère que nous ne revivrons pas une pandémie aussi grave parce que la pression sur les programmes de gestion des risques de l'entreprise est énorme. À cause de cette pression et de cette incertitude, les producteurs ressentent une grande inquiétude à l'égard de ces programmes, comme je l'ai déjà évoqué et comme vous l'avez soulevé dans vos commentaires.
On pourrait presque parler de décalage entre ce que le gouvernement a proposé, la conception de ses politiques et la direction prise concernant l'agriculture et les producteurs. Apparemment, le dialogue est moins facile entre les producteurs et le gouvernement, et il en découle un climat d'incertitude et un décalage, et peut-être une perte de confiance envers ces programmes.
Nous suivons les mesures prises par le gouvernement pour venir en aide à différents secteurs et à différentes industries comme l'agriculture. Il y a toujours des gens qui s'intéressent aux mesures d'aide offertes à d'autres. Je pense qu'il faut vraiment améliorer la communication. Nous avons besoin d'une vision et d'une stratégie à long terme pour l'agriculture, qui seront élaborées conjointement par les producteurs et le gouvernement, qui ne seront pas à la merci des cycles électoraux et qui inspireront confiance aux consommateurs. Si les producteurs font confiance au système, les consommateurs pourront aussi y faire confiance. C'est la direction à prendre si nous voulons être prêts à affronter une autre pandémie de la même ampleur. Si nous revivons une telle crise, les producteurs et les consommateurs se sentiront en confiance, et le gouvernement aussi.
:
Je vais commencer par parler des perspectives pour la réunion FPT.
Tout d'abord, c'est dommage qu'elle ait été reportée de juillet à octobre, je crois. Le problème selon moi est qu'il faudra obtenir l'unanimité entre les provinces autour de l'idée d'une réforme qui touche les programmes. La machine est lancée, mais le gouvernement fédéral semble hésiter à faire le premier pas. Il est primordial que le gouvernement canadien fasse preuve de leadership durant la crise que nous traversons, qu'il précise ce qu'il est prêt à offrir. S'il le fait, je suis à peu près certain que les gouvernements provinciaux seront d'accord avec les programmes proposés.
C'est le plus urgent. Les agriculteurs implorent les gouvernements d'agir. Le premier ministre ontarien défend nos intérêts. Je pense qu'il y a certaines interactions, mais toutes les parties doivent unir leurs efforts pour que les choses avancent.
Messieurs Brock et Haerle, je vous remercie de prendre le temps de participer à notre réunion. Vos témoignages ont été très intéressants. Nous savons que nous devrions tous être aux champs en ce moment, alors je vous remercie.
Pour bien comprendre comment les choses ont évolué, j'aimerais revenir en arrière pour comparer la situation actuelle, et même celle qui prévalait avec la pandémie de COVID, à celle de 2015.
Monsieur Haerle, je commencerai par vous. Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblaient les prix en 2015, comparativement à ceux d'aujourd'hui?
[Traduction]
Nous allons reprendre.
[Français]
Nous recevons M. Benoit Legault, directeur général des Producteurs de grains du Québec.
[Traduction]
Nous recevons maintenant M. Todd Lewis, président de l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan. Bienvenue, monsieur Lewis.
Nous accueillons également M. Alan Ker, qui témoignera à titre personnel. Il est titulaire de la chaire de recherche sur les risques et les politiques agricoles du Collège d'agriculture de l'Ontario, professeur au département d'alimentation, d'agriculture et de ressources économiques, ainsi que rédacteur en chef du Canadian Journal of Agricultural Economics.
Bienvenue à tous nos témoins pour cette deuxième heure. Nous allons débuter avec M. Legault, qui dispose de sept minutes pour présenter son exposé.
[Français]
Monsieur Legault, vous avez la parole.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Les Producteurs de grains du Québec souhaitent manifester et rappeler leur appui au Partenariat canadien pour l'agriculture, dont les objectifs sont d'élargir les marchés internationaux et nationaux; de renforcer notre compétitivité et nos avantages concurrentiels; de mieux prévoir et d'atténuer les risques; d'appuyer une résilience et une durabilité environnementale; de favoriser la confiance du public et de stimuler la croissance de l'agroalimentaire à valeur ajoutée. Nous trouvions ces idées fort intéressantes. Nous avions mentionné à l'époque que, pour y arriver, ce serait important que les entreprises puissent s'adapter aux changements, innover convenablement et être compétitives. Pour y arriver aujourd'hui, cela nous prend un horizon de stabilité et, conséquemment, des programmes de gestion du risque qui sont efficaces et fiables.
Je tiens à vous rappeler que les risques liés à la production de grains sont nombreux. On peut parler notamment des conflits commerciaux, des conflits géopolitiques, du retour du protectionnisme et des politiques de soutien de l'Union européenne et des États-Unis. Nos compétiteurs reçoivent beaucoup de soutien financier. On peut aussi parler de la volatilité des marchés, qui devient de plus en plus excessive, des aléas climatiques, du réchauffement climatique et des excès climatiques — car il ne s'agit pas seulement de réchauffement — et, bien entendu, des exigences sociétales locales. Ici, plusieurs exigences sociales existent, alors qu'elles n'existent pas nécessairement chez nos compétiteurs. Ce sont différents risques, auxquels s'ajoute aujourd'hui la COVID-19, cette crise qu'on n'avait pas prévue. Personne n'aurait pu penser qu'une crise sanitaire aurait pris une telle ampleur et touché aussi vite l'agriculture et la dynamique de l'alimentation ici et partout dans le monde.
Nous nous rendons compte que les outils de gestion du risque deviennent encore plus incontournables aujourd'hui. Nous voulons quand même signifier au gouvernement que ces outils sont aussi des investissements stratégiques pour l'économie canadienne. Ils le sont pour l'économie agricole, mais aussi pour l'économie canadienne. Nous avons, à nos yeux, frappé un mur en 2013, lorsqu'on a passablement modifié et diminué ces outils. Cela s'est fait pendant une période de forte hausse des prix. Donc, les producteurs n'en ont pas ressenti les effets rapidement.
Aujourd'hui, nous constatons que les programmes de gestion du risque ne répondent plus aux besoins et placent le secteur dans une position désavantageuse sur le plan international. Le soutien accordé aujourd'hui est inférieur à celui offert chez nos principaux compétiteurs, et nous observons des coupes importantes en matière d'interventions. Dans le cadre du programme Agri-stabilité, on intervient beaucoup moins: on accorde en moyenne 4 millions de dollars de moins par année depuis 2013. Dans le cas d'Agri-investissement, on parle de 130 millions de dollars par année. Pendant ce temps, aux États-Unis, les programmes découlant du Farm Bill, qui étaient déjà assez généreux, ont été bonifiés. De nouveaux programmes se sont aussi ajoutés récemment chez nos voisins, dont le Market Facilitation Program et le Coronavirus Food Assistance Program, qui ont versé 16 milliards de dollars supplémentaires.
Tout cela confirme nos craintes relativement à la capacité de nos programmes à répondre aux besoins, programmes qui ont connu une forte baisse depuis 2007. Entre 2007 et 2019, on observe une baisse assez spectaculaire du soutien à la production agricole canadienne. On parle d'une baisse de 81 %, alors qu'aux États-Unis, on observe une croissance de l'ordre de 98 % pour la même période. La pandémie de la COVID-19 vient renforcer le constat que nous n'avons pas la capacité ni les outils pour répondre aux défis qui se présenteront au cours des prochaines années. D'ailleurs, ils n'ont pas été suffisants pour relever les défis des deux dernières années, auxquels s'est ajoutée récemment la crise liée à la COVID-19.
Nous sommes très inquiets parce que nos entreprises sont déjà vulnérables. Selon les données du Centre d'études sur les coûts de production en agriculture, un organisme indépendant du Québec, 40 % des fermes spécialisées dans la production de grains auraient de la difficulté à rémunérer le travail des exploitants compte tenu des prix actuels. Ces prix pourraient fort probablement changer au cours des prochains mois.
Aujourd'hui, en tant que représentant des producteurs de grains, je suis ici avec vous pour réitérer le besoin de bonifier ces programmes. Étant donné qu'il faut commencer quelque part et y aller par étapes, le premier objectif est de ramener le programme Agri-stabilité à ce qu'il était en 2009, c'est-à-dire un programme qui couvrait les marges de référence à hauteur de 85 %.
Au milieu des années 2000, on s'est livré à un important travail de réflexion sur ce que devaient être les programmes. Les acteurs de l'industrie, les producteurs et le gouvernement avaient bien cerné les risques à venir et désigné des programmes forts comme Agri-stabilité, dont le seuil était de 85 %, et Agri-investissement, dont la contrepartie était de 1,5 % pour ce qui est des ventes nettes admissibles. Ce programme a tout de même aussi subi des réductions, et le pourcentage a été ramené à 1 %. Il s'agit ici d'une baisse de 30 %.
À l'époque, on disait des programmes qu'ils devaient être proactifs, prévisibles, acceptables et souples. Cependant, le terme important, ici, est « stabilité ». En 2009, l'idée sur laquelle étaient fondés les programmes était la stabilisation des revenus. En 2013, c'est ce que nous avons perdu. Il est devenu évident, dans les discours, les discussions et les réflexions, qu'on voulait dorénavant mettre de côté la stabilisation des revenus et mettre l'accent sur la protection dans les cas de catastrophe. Aujourd'hui, c'est le rôle de ces programmes. On y a recours dans les cas de catastrophe. Ils ne sont plus suffisants pour répondre aux nouveaux risques et aux besoins actuels.
Les Producteurs de grains du Québec souhaiteraient que l'on cesse dorénavant de tergiverser au sujet de nuances et de détails techniques des programmes actuels pour se concentrer sérieusement sur leur redressement. Il s'agirait dans un premier temps de ramener la couverture du programme Agri-stabilité à 85 %.
Je m'appelle Todd Lewis. J'exploite une ferme familiale située à Gray, en Saskatchewan, avec mon père, mon frère et mon neveu. Nous cultivons des lentilles, du blé dur et du canola. Je suis également président de l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan, une organisation agricole générale qui compte plus de 16 000 membres des secteurs de l'agriculture et de l'élevage, ainsi que 32 membres associés qui représentent d'autres organisations agricoles.
Nous faisons aussi partie de la Fédération canadienne de l'agriculture. Aujourd'hui, je vous présenterai des points de vue partagés à l'échelle nationale au sujet de la gestion des risques de l'entreprise.
Nos membres nous ont fait part de leurs préoccupations devant les niveaux de protection trop faibles des programmes de gestion des risques de l'entreprise depuis la réforme de 2013. Dans le cas du programme Agri-stabilité, le problème est majeur. Nous unissons notre voix à celles de nos collègues de partout au Canada pour réclamer une augmentation des niveaux de protection et l'élimination de la limite de la marge de référence.
Beaucoup moins de la moitié des producteurs de la Saskatchewan sont inscrits au programme Agri-stabilité. Ils ne voient pas en quoi le programme actuel peut les aider. Le risque associé aux droits d'adhésion est trop grand par rapport à la probabilité d'obtenir un dédommagement.
En mai 2020, Statistique Canada a publié des données sur le revenu agricole en 2018 qui indiquaient qu'il avait reculé de 28 % en Saskatchewan. Les paiements de soutien à la gestion des risques de l'entreprise ont diminué de 31 %, atteignant leur plus bas niveau depuis 2009. Un bon programme de soutien à la GRE devrait prévoir une garantie en cas de recul aussi important. Les paiements auraient dû augmenter pour compenser les pertes de revenu, mais ce n'est pas ce qui est arrivé en 2018.
Ensuite, en 2019, les producteurs de céréales et d'oléagineux ont subi les contrecoups des chutes des prix des produits de base causées par les conflits commerciaux, les sécheresses, les retards dans le transport et une saison de récolte tardive et humide.
En 2020, la chaîne d'approvisionnement a de nouveau été perturbée par la COVID-19, ce qui a entraîné de graves problèmes de revenus pour les éleveurs. Selon les estimations publiées cette semaine, les éleveurs de bovins perdent 452 $ par tête, et les coûts de production dépassent les prix actuels dans le secteur porcin. De toute évidence, les paiements versés par le programme Agri-stabilité seront insuffisants dans ces secteurs. La situation est aussi difficile pour beaucoup d'autres secteurs de notre industrie.
Au problème de la réduction de 85 à 70 % des niveaux de protection dans le cadre du programme Agri-stabilité s'ajoute celui de la limite de la marge de référence.
En 2019, l'Agricultural Producers Association of Saskatchewan s'est inquiétée des répercussions des perturbations des échanges commerciaux sur les prix du canola. Nous avons fait une analyse pour savoir si cette forte diminution des prix déclencherait des paiements du programme Agri-stabilité. Nous avons constaté que la baisse de 35 % de la moyenne historique du prix du boisseau, qui passait de 11 $ à 7,19 $, ne déclencherait pas de paiements du programme Agri-stabilité.
Nous avons révisé nos données cette semaine pour constater que des paiements seraient versés si le prix baissait à 6,35 $ le boisseau.
:
Nous avons de nouveau vérifié nos données cette semaine et Agri-stabilité n'intervient pas tant que le prix n'est pas descendu à 6,35 $ le boisseau et que le producteur n'a pas perdu plus de 200 000 $ de revenus. Le paiement à 6,35 $ le boisseau donnerait 2 800 $ et la vente aux enchères après faillite sera depuis longtemps passée avant que le chèque arrive.
Pour mettre les choses en contexte, le canola est notre principale culture commerciale et une chute de prix de cette ampleur, 40 %, réduirait de plus de 2 milliards de dollars les revenus agricoles rien qu'en Saskatchewan et elle acculerait beaucoup de producteurs à la faillite. Heureusement, ce calcul reste théorique. Les cours du canola ont baissé, mais pas de 40 %.
Malgré la baisse actuelle des cours du canola, les producteurs ne s'attendent pas à des paiements d'Agri-stabilité cette année. Ce que nous voyons en 2020, ce sont encore des baisses et des réductions importantes du revenu réel, surtout dans le secteur du bétail, sans qu'il y ait de programme qui offre une protection suffisante. Les producteurs sont mis à rude épreuve en Saskatchewan et dans tout le Canada. Je suis inquiet pour les jeunes producteurs qui n'ont pas accumulé assez de fonds propres pour tenir le coup. Ils devront quitter le secteur. Les producteurs de porcs et de bovins n'ont pas de programmes adaptés pour atténuer leurs pertes.
Le programme Agri-stabilité actuel pénalise aussi les exploitants agricoles mixtes parce qu'ils gèrent les risques en diversifiant leurs activités. Un programme bien conçu ne pousserait pas les producteurs vers la monoculture, c'est-à-dire uniquement la culture de céréales ou uniquement l'élevage de bétail. Les producteurs qui dépendent de la main-d’œuvre familiale sont également pénalisés dans le programme actuel.
La dernière fois que l'industrie bovine a fait face à un problème de cette ampleur, c'est pendant la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. Nous avons alors perdu beaucoup de producteurs en Saskatchewan, et la production bovine a diminué.
Nos recommandations d'augmenter les niveaux de protection d'Agri-stabilité et de relever la limite de marge de référence sont simples. Les appliquer aurait une incidence importante sur les producteurs canadiens et contribuerait grandement à rétablir la confiance dans les programmes actuels. Je demande au Comité de vraiment soutenir des mesures qui aideraient les producteurs agricoles en partageant les risques financiers qu'ils prennent chaque année pour produire notre alimentation.
Je rappelle aux membres que ce n'est pas seulement notre moyen de subsistance qui est en jeu, mais aussi celui d'un Canadien sur huit dont l'emploi dépend de l'agriculture. L'agriculture est un des principaux moteurs de l'économie canadienne. Le secteur agricole est bien placé pour jouer un rôle important dans le redressement de l'économie canadienne après la COVID-19. Si les changements voulus sont apportés aux programmes de gestion des risques de l'entreprise, plus de producteurs saskatchewanais et canadiens seront en activité pour faire ce qu'ils ont toujours fait: assurer un approvisionnement alimentaire sain, sûr et durable, non seulement aux Canadiens, mais aussi à leurs clients dans le monde entier.
Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter mes observations aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions.
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Bonjour, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le Comité permanent de l'agriculture de la Chambre des communes au sujet des programmes de gestion des risques de l'entreprise.
J'ai un doctorat en économie et statistique. Je suis professeur à l'Université de Guelph depuis 2009. Avant Guelph, j'étais professeur et titulaire de chaire à l'Université de l'Arizona de 1996 à 2009, et j'ai travaillé en étroite collaboration avec l'organisme chargé de la gestion des risques au département de l'Agriculture des États-Unis sur différentes questions relatives à l'assurance-récolte.
Aujourd'hui, je soulignerai certaines remarques formulées dans mon mémoire intitulé Canadian BRM: A Study in Syntax and Mythical Changes. Dans ce mémoire, je soulève plusieurs questions sur la gestion des risques de l'entreprise et l'efficacité des producteurs, le financement général des programmes, l'équité des programmes, le lissage des risques, d'autres régimes d'assurance et la validité actuarielle. De plus, j'y examine les recommandations du groupe d'experts national le plus récent sur la gestion des risques de l'entreprise. Enfin, je me penche aussi sur la conditionnalité, la participation des assureurs privés, les sociétés d'État provinciales, le subventionnement et l'utilisation de l'intelligence artificielle dans la gestion des risques de l'entreprise.
Très peu de choses ont changé depuis 30 ans dans la structure des programmes canadiens de gestion des risques de l'entreprise. Ce n'est pas une mise en accusation du programme. Un rapide examen des chiffres du commerce agricole donne à penser que les agriculteurs canadiens sont compétitifs à l'échelle internationale dans presque tous les produits. En 2017, le Canada a produit pour 110 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires et en a exporté pour 56 milliards. Il serait difficile de prétendre que les programmes canadiens de gestion des risques de l'entreprise nuisent à la position concurrentielle des agriculteurs canadiens. Il est à noter, en outre, que le ménage agricole moyen dispose d'un revenu sensiblement supérieur à celui du ménage non agricole et possède quatre fois plus d'actifs.
Les programmes de gestion des risques de l'entreprise comprennent Agri-investissement, Agri-assurance, Agri-stabilité et Agri-relance. Depuis quelque temps, Agri-stabilité suscite beaucoup de mécontentement, comme en témoigne la baisse importante de la participation et les propos des intervenants précédents. Ce mécontentement tient, à mon sens, uniquement à la baisse notable et importante de la protection contre les pertes depuis Cultivons l'avenir. Je tiens à rappeler que si le changement aux paramètres du programme Agri-stabilité, qui sont passés de 85 à 70 %, peut sembler relativement mineur, il ne l'est pas. Faire passer le niveau de protection de 85 à 70 % revient, parfois, à réduire la protection contre les pertes de certains agriculteurs de plus de 100 %.
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Qui plus est, Agri-stabilité est relativement complexe. Bien qu'il existe d'autres solutions plus simples, à moins d'augmenter la protection et, par conséquent, l'enveloppe budgétaire, le mécontentement des producteurs ne faiblira pas, selon moi. Si les budgets de la gestion des risques de l'entreprise sont fixes, une baisse de la protection ou des subventions dans le programme Agri-assurance pourrait financer l'augmentation de la protection dans le programme Agri-stabilité.
Il a été question d'une couverture publique ou privée pour des pertes superficielles que ne couvrent pas les programmes actuels. Agri-investissement doit aider les agriculteurs à absorber ces types de pertes, mais les gouvernements pourraient songer à proposer des produits de couverture des pertes superficielles, individuels ou sectoriels, non subventionnés, en prenant toutefois à sa charge les frais administratifs et de fonctionnement. Cependant, je ne m'attendrais pas à une participation importante des agriculteurs, car beaucoup continueraient de choisir de s'assurer eux-mêmes contre ces pertes superficielles. La demande de solutions de rechange dans le secteur privé serait encore moindre de leur part, car la protection serait la même que celle offerte par le programme public, mais plus chère.
Ce sont les sociétés d'État provinciales qui offrent la plupart des programmes de gestion des risques de l'entreprise aux producteurs. Cependant, ces entités ont tendance à se comporter plus comme des assureurs privés que comme des agents de prestation de programmes publics. La méthode de tarification actuelle d'Agri-assurance est biaisée en faveur des sociétés d'État provinciales qui collectent des primes excessives, un peu comme un assureur privé. Les sociétés d'État ont des réserves de 7,5 milliards de dollars. À moins d'un changement dans la méthode de tarification, celles-ci devraient croître. Ce niveau de réserves pourrait couvrir plusieurs fois les pertes maximales. Il est à noter que sur ces fonds, 3 milliards de dollars appartiennent aux agriculteurs.
En outre, malgré ces réserves excessives, les sociétés d'État provinciales continuent de souscrire des contrats de réassurance privée. Ce sont les seules entités publiques, dans tous les organismes gouvernementaux des pays développés, qui souscrivent de tels contrats. Par exemple, la Société du crédit agricole n'en souscrit pas. L'an dernier, ces sociétés d'État provinciales ont payé plus de 100 millions de dollars de primes de réassurance, dont 40 % en fait payés par les agriculteurs et 36 % par le gouvernement fédéral. Fait intéressant, il existe une solution de réassurance fédérale qui ne coûte presque rien, mais qu'on oublie la plupart du temps.
Enfin, la question de la COVID-19 et des programmes de gestion des risques de l'entreprise mérite d'être examinée. On peut considérer la COVID-19 comme un « cygne noir ». Face à pareille inconnue, les gouvernements ont l'option d'agir en temps réel quand l'événement se produit. C'est presque toujours plus efficace, car les « cygnes noirs » sont des événements imprévisibles quant à la forme précise qu'ils prendront, au moment où ils surviendront et à la solution la plus appropriée à adopter. Je recommande la prudence pour ce qui est d'apporter maintenant des changements structurels en matière de gestion des risques de l'entreprise face à la COVID-19. Les tout derniers mois témoignent bien de la résilience et de l'adaptabilité du système agricole et alimentaire canadien actuel. Toutefois, la pandémie est l'occasion de comportements cupides et au service d'autres visées. Il me semble que la réponse du gouvernement est convenablement pondérée jusqu'ici.
J'aimerais, pour terminer mon intervention, attirer votre attention sur un numéro spécial de la Revue canadienne d'économie rurale consacré à la COVID-19 et aux secteurs agricole et alimentaire canadiens. Je conviens qu'on ne vous recommande généralement pas la lecture d'une revue spécialisée, mais ce numéro spécial a été écrit pour un public populaire et pas universitaire par 18 des plus grands experts dans leurs secteurs de concentration de recherche respectifs. De plus, bien que ces articles aient été écrits il y a deux mois environ, ils se révèlent judicieusement exacts jusqu'à présent. Ils portent sur la sécurité alimentaire, la main-d’œuvre agricole, le commerce, la chaîne d'approvisionnement, la gestion des risques de l'entreprise, les marchés porcins et bovins, la gestion de l'offre, les transformateurs et ainsi de suite.
Je vous remercie de votre temps et de votre attention.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les invités de s'être joints à nous cet après-midi.
Ma première question s'adresse à M. Legault.
Monsieur Legault, vous avez parlé de la baisse de 81 % du soutien à l'agriculture canadienne, comparativement à ce qui se fait aux États-Unis. C'est complètement l'inverse du côté américain.
Selon vous, y aura-t-il des répercussions majeures sur l'ensemble de l'agriculture au Canada sur le plan du soutien compte tenu du fait qu'il s'agit d'un secteur d'activité névralgique au Canada?
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Je vous remercie, monsieur Legault; c'est exactement ce que je voulais entendre de votre part.
En fin de compte, le secteur agricole et agroalimentaire est beaucoup plus soutenu du côté américain qu'ici, au Canada. On parle du double.
Le programme Agri-stabilité suscite beaucoup de questions. Nous suggérons de revenir au seuil de 85 % le plus rapidement possible. Je conviens qu'il y a eu, à un moment donné, une diminution de ce pourcentage à 70 %, mais il faut comprendre quelle était la réalité au moment où cela a été fait. Le problème, c'est que nous sommes cinq, six, sept ou huit années plus tard et on devrait réaliser qu'il faut rétablir ce pourcentage rapidement à 85 %.
Est-ce bien le cas?
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Pas vraiment. La série de programmes est bonne. La satisfaction était grande et ils fonctionnaient très bien, mais ce sont les détails de ces paramètres qui posent des problèmes et ces changements changent beaucoup le fonctionnement des programmes.
Les programmes eux-mêmes sont, selon moi, très bons. Ce sont les améliorations qu'on y apporte qui font toute la différence pour les agriculteurs d'un bout à l'autre, comme vous l'expliquent ces messieurs, mais je ne vois personne proposer de créer un tout nouveau programme qui réglera tout. Je ne vois pas du tout cette solution magique se matérialiser.
Faire appel aux assureurs privés n'est pas une solution. En fait, il me semble qu'il est démontré que cela pose de gros problèmes aux États-Unis aussi. Je ne considère donc pas que ce soit une solution.
Il est question de programmes sectoriels et de choses de ce genre, mais là encore, je ne crois pas qu'ils régleront aucune des situations que nous connaissons aujourd'hui ou qu'ils répondront aux préoccupations que nous exprimons depuis cinq ou huit ans au sujet de la série de programmes de gestion des risques de l'entreprise.
D'un point de vue structurel, le programme est bon. Les détails se trouvent dans les paramètres et ces paramètres comptent beaucoup dans la façon dont il sert les agriculteurs.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les trois témoins de leurs présentations, qui étaient très claires. Plutôt que de leur poser la question chacun leur tour, je leur demanderais de réagir s'ils ne sont pas d'accord à propos de la prochaine affirmation.
Monsieur Legault, monsieur Lewis et monsieur Ker, je crois comprendre que les programmes de stabilisation des revenus doivent être refaits en profondeur, mais que la première étape serait de ramener le seuil d'Agri-stabilité à 85 % et de retirer la limite liée à la marge. Cela est chose facile et il est urgent de le faire.
Est-ce exact?
Comme personne ne répond, cela veut dire oui. Merveilleux!
J'aimerais ensuite m'adresser à M. Legault.
Monsieur Legault, j'ai beaucoup aimé votre présentation synthèse de l'historique des programmes, où vous expliquez qu'on est passé d'une logique de stabilisation de revenus à une logique de protection contre les catastrophes. Or, comme M. Lewis l'a très bien précisé, en matière de protection contre les catastrophes, les chèques arrivent parfois après la faillite. Je pose la question à M. Legault d'abord. M. Lewis pourra compléter la réponse de M. Legault par la suite.
Avez-vous déjà pensé à un système de soutien qui serait plus en amont et qui pourrait s'inspirer de ce qui se passe en Europe? Est-ce que les gens de votre secteur vous en ont déjà parlé?
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En fait, il faut le voir en deux volets: rapidité tant sur le plan de l'intervention que sur celui des versements aux entreprises. Je suis dans le domaine depuis longtemps, et j'ai pu constater que la réflexion axée sur les programmes a toujours été difficile pour ce qui est d'établir la rapidité d'intervention lorsqu'il y a un problème ou une perte. Cela a été le cas pour ce qui est du programme Agri-stabilité. Comme vous le savez, la gestion du programme Agri-stabilité se base sur des déclarations de revenus qui viennent après les paiements. Au Canada, la plupart des organismes qui gèrent les programmes se donnent des outils pour permettre des avances, mais le gros du montant vient souvent après le calcul réel des pertes observées.
J'aimerais quand même dire que le seuil de 85 % avait été établi en fonction de l'estimation des pertes que peut subir une ferme moderne et de l'évaluation de l'ensemble des risques auxquels elle est exposée. Les facteurs comprennent la relève dont on a parlé tantôt, l'endettement et la capacité des producteurs de survivre à une perte de marge et à une perte de revenu.
Encore là, les programmes ont une visée à court terme. Ils ont été créés pour gérer un problème qui se produit au cours d'une année donnée. Ils n'ont jamais été mis en place pour gérer des situations particulières, comme une série de mauvaises années. Une perte de 20 % de revenus sur un an, c'est une chose, mais une perte de 20 % de revenu deux, trois ans d'affilée, quelle que soit la raison, que ce soit à cause du marché, des conditions météorologiques ou de tout autre facteur, c'est autre chose.
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Très bien, je vous remercie de votre réponse.
Je vais passer à autre chose. La pandémie de COVID-19 a certainement provoqué un choc énorme, c'est le moins qu'on puisse dire. Je voulais connaître votre point de vue, monsieur Ker. Selon vous, les programmes de gestion des risques de l'entreprise ont-ils bien réagi pendant cette pandémie? Autrement dit, pensez-vous que ce soient les bons instruments pour soutenir les agriculteurs, étant donné l'ampleur de la crise?
Si une autre pandémie éclate dans 20 ou 30 ans et qu'elle a le même type de conséquences, diriez-vous que les programmes de gestion des risques de l'entreprise continuent d'être les bons instruments pour apporter un soutien ou que nous devrions examiner une tout autre solution?
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Puisque vous me posez la question, je vais vous dire que je suis une personne de nature optimiste.
On a reçu des signaux contradictoires quant à l'intention de mettre en place une telle mesure. Présentement, on entend des propos selon lesquels le gouvernement fédéral serait prêt à mettre en œuvre une telle mesure, mais qu'il y a des difficultés en ce qui a trait au financement par les provinces, ce qui pourrait l'empêcher d'aller de l'avant.
Suis-je optimiste? Oui, parce que l'idée semble avoir fait du chemin. S'il est vrai que le problème est rendu à ce stade et qu'il reste à convaincre certaines provinces à aller de l'avant, alors, oui, je suis optimiste.
De nouveau, cela met fin à notre deuxième groupe.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur participation aujourd'hui. Vous pouvez partir.
Je demande aux députés de bien vouloir rester connectés. Nous allons passer aux affaires du Comité.
Aujourd'hui, nous devons approuver le rapport du sous-comité qui nous a été envoyé plus tôt aujourd'hui et qui résume succinctement les échanges que nous avons eus mercredi soir.
Vous avez tous eu la possibilité de parcourir le rapport. Nous avons juste besoin de votre approbation en tant que comité principal. Sommes-nous d'accord sur ce rapport du sous-comité? Est-ce qu'il pose des problèmes à quelqu'un?
On dirait que nous sommes tous d'accord sur ce point. La réunion vise aussi principalement à donner des indications aux analystes pour préparer un projet de lettre sur la gestion des risques de l'entreprise. Nous avons convenu de réserver une heure mercredi prochain...
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S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais avoir le consentement ou l'appui de tous pour ce qui est des recommandations qui ont été présentées dans le rapport du sous-comité.
Sommes-nous tous d'accord sur les recommandations du sous-comité?
[Traduction]
Il me semble que tout le monde est d'accord.
(La motion est adoptée.)
Le président: En ce qui concerne le calendrier, nous avons examiné les différentes dates. Je le répète, il y a beaucoup d'autres réunions qui n'auront peut-être pas lieu parce que nous devons examiner une autre ébauche. Si cela nous demande une ou deux réunions, les deux dernières ne seront peut-être pas nécessaires, mais nous avons inscrit suffisamment de réunions au calendrier pour avoir une version finale du rapport prête à déposer à l'ouverture de la législature, le 21 septembre. Si nous regardons le calendrier, c'est ce que nous avons prévu.
Encore une fois, si nous réussissons à l'approuver plus rapidement, nous aurons moins de réunions, mais c'est en gros ce que nous devons présenter aux whips pour qu'ils puissent s'occuper de la logistique.
Monsieur MacGregor, vous êtes le premier. Vous avez la parole.
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Premièrement, permettez-moi de donner un avis dissident, ou plutôt un commentaire constructif. Nous avons parfois des journées bien remplies et j'aurais souhaité obtenir le calendrier avant aujourd'hui.
Deuxièmement, j'avais formulé une proposition l'autre jour, qui semblait ne pas soulever d'opposition. Plutôt que de nous réunir une fois toutes les deux semaines — la réunion antérieure ayant été tenue il y a un certain temps, nous serions moins productifs —, j'avais proposé de reprendre les travaux normaux beaucoup plus tôt. De cette façon, nous serions beaucoup plus productifs. Notez que ce que je propose n'est pas nécessairement de tenir moins de séances. Au contraire, j'en proposerais davantage. J'aurais repris les travaux normaux à partir du début de septembre, le 2 ou le 9, ce qui ajouterait les dates du 9, 11, 16, 18, 23 et 25 septembre, avant la reprise des travaux normaux. Nous pourrions enlever la réunion en juillet ou celle prévue pour le début d'août.
J'aimerais que l'on prenne en considération cette option.
Merci.
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Il y a peut-être quelque chose qui ferait consensus, si nous prenons en considération les propositions de tous. À la rigueur, nous pourrions tenir un vote.
Mme Rood a fait un commentaire très pertinent, soit de traiter et de terminer le rapport rapidement. À mon avis, la plupart des intervenants vont être d'accord sur cela. Je n'ai pas d'objection à ce que nous siégions davantage au mois de juin, au contraire. Comme je le mentionnais à la dernière réunion, l'important, c'est que nous ne siégeons pas le 24 juin.
La réunion du 5 août pourrait donc être annulée. Quant aux autres réunions, il y a un imbroglio. S'agit-il de réunions qui vont être annulées si le rapport est terminé?
Au cours des discussions tenues en sous-comité, nous avions mentionné vouloir rester disponibles au cas où il y aurait des urgences pendant l'été. Je pense que c'est important d'être disponibles au cas où nous aurions besoin de nous réunir. M. Lehoux et moi-même avons mentionné que nous aimerions tenir d'autres réunions. Nous voulons être productifs, et nous ne voulons pas manquer de réunion.
J'opterais donc pour la solution de Mme Rood, puisqu'elle nous permettrait de tout faire en même temps. Nous tiendrions des réunions jusqu'à la fin du mois de juin et nous annulerions celle du 5 août. En septembre, nous pourrions nous rencontrer deux fois par semaine. Je crois que cela satisferait tout le monde.
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Oui, c'est essentiellement ce que nous avons. Donc, vous avez raison, le 23 juin, nous avons la réunion sur la GRE.
Le 8 juillet, nous avons les consignes rédactionnelles puis le 5 août, la version 1.
Le 19 août, nous avons la version 2, au besoin. Ensuite, nous nous réunirions au besoin, mais nous espérons avoir terminé à cette date, mais si nécessaire, nous pourrions nous réunir à nouveau les 2 et 16 septembre.
C'est essentiellement ainsi que cela fonctionnerait.
Cela vous va, madame Rood?
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C'est exact. Nous avons le 8 juillet, mais pas le 10 juillet, n'est-ce pas? Attendez un peu, laissez-moi contre-vérifier.
Madame Rood, nous avons fait sauter le 10 juillet parce que l'analyste manquerait de temps pour produire la première version.
Tout le monde a reçu le calendrier? Je vous transmettrai une version au propre. Je pense que cela fonctionnerait et que cela répondra à certaines préoccupations de différents députés.
Pouvons-nous vivre avec cette proposition?
Comme je ne vois personne lever la main, c'est la solution que nous allons retenir. Encore une fois, au besoin, nous apporterons les modifications. Au moins, nous retenons ainsi notre place auprès des whips pour garantir que nous disposons de la logistique nécessaire afin de tenir ces réunions.
C'est tout ce que j'ai, je ne sais pas si vous voulez parler d'autre chose, mais c'est vendredi soir et nous pouvons nous arrêter là.
Je tiens à remercier chacun d'entre vous. Nous vous verrons la semaine prochaine. Merci.
La séance est levée.