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Bonjour à tous. Bienvenue à la 11
e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Aujourd'hui, conformément à la motion adoptée le 27 octobre 2020, nous commençons notre étude sur le rôle de l'ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises.
Monsieur Reid, je suis heureux que vous ayez trouvé le lien. Ce sont certaines des difficultés qui accompagnent la transition.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre nouveau greffier, M. Naaman Sugrue, qui connaît bien notre comité. M. Sugrue fut le greffier de notre comité de 2017 à 2019. Certains des membres présents — notamment des membres de longue date comme M. Reid, Mme Khalid et Mme Vandenbeld, ainsi que Mme O'Connell, qui a agi à titre de substitut à quelques reprises, et d'autres — connaissent probablement M. Sugrue depuis ce temps.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, j'encourage tous les participants à laisser leur microphone en sourdine s'ils ne parlent pas. De plus, je ferai ma remarque habituelle lorsqu'il restera 30 secondes au temps de parole. Je vais le faire pour les membres du Comité et aussi pour les témoins.
Pour les personnes qui n'ont jamais utilisé cette plateforme, vous verrez qu'il y a un globe au bas de votre écran. Si vous avez besoin de services d'interprétation en français ou en anglais, veuillez sélectionner la langue de votre choix sur ce globe. Veuillez également noter qu'il est interdit de prendre des saisies d'écran ou des photos.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à la première personne de notre premier groupe de témoins. Nous accueillons Mme Sheri Meyerhoffer, l'ombudsman du Bureau de l'Ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises, ou l'OCRE.
Vous aurez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire, et nous passerons ensuite aux questions des membres.
Madame Meyerhoffer, vous pouvez commencer.
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Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Sous-comité de m'avoir invitée. Je suis heureuse de constater l'intérêt que vous portez à notre travail et j'ai très hâte de répondre à vos questions.
[Français]
Notre bureau est le premier du genre au monde. Je crois que les Canadiens devraient être fiers de cela, de même que de notre engagement à protéger les droits de la personne à l'étranger. En bref, l'OCRE, ou Ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises, est le nom sous lequel nous sommes connus. Notre mandat consiste à enquêter sur les atteintes possibles aux droits de la personne dans le cadre des activités des entreprises canadiennes à l'étranger, et ce, dans les secteurs du vêtement, des mines, du pétrole et du gaz.
Nous sommes indépendants, impartiaux et transparents dans notre travail. Nous sommes tenus de faire des rapports publics. De plus, nous disposons d'outils pour lancer des examens, mener des enquêtes, faire des méditations et, le cas échéant, faire des recommandations proactives à la ministre du Commerce international.
[Traduction]
La décision de créer un Bureau de l'ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises a été annoncée en 2018 par le gouvernement. J'ai été nommée à mon poste plus d'un an plus tard. Notre équipe est en train de terminer ce que nous considérons être notre phase de démarrage. Nous sommes partis de zéro. Puisque nous sommes le premier organisme du genre au monde, cela signifiait qu'il fallait mener de vastes consultations.
Nous avons consulté plus de 200 intervenants. Nous avons élaboré et peaufiné nos procédures d'exploitation. Nous avons publié des notes d'orientation et des énoncés de politique. Nous avons écouté afin d'établir un bureau qui aura une incidence positive dans le monde.
Nous lancerons au cours des prochaines semaines un portail de plaintes en ligne qui permettra aux gens et aux collectivités de communiquer avec nous. N'importe qui, n'importe où dans le monde et n'importe quand, pourra déposer une plainte par ordinateur, par téléphone, par un formulaire en ligne, par courriel et même par lettre. Le portail en ligne est facile à utiliser. Les plaintes peuvent être déposées de façon anonyme. Si des personnes ou des collectivités ont un problème, elles peuvent se manifester et nous réagirons.
Comme dans le cas de tout nouvel organisme ou agence, la mise sur pied de l'OCRE a suscité beaucoup d'enthousiasme, mais aussi de nombreuses questions.
[Français]
En particulier, on me demande souvent si nous avons les outils nécessaires pour faire notre travail. J'aimerais que ma réponse soit très claire.
[Traduction]
Je crois que notre bureau peut maintenant apporter des changements réels et positifs. Nous pouvons répondre aux plaintes et entreprendre des examens. Nous pouvons faire de la médiation et publier nos conclusions. Nous pouvons recommander des mesures à prendre et publier des rapports de suivi sur leur mise en œuvre. Autrement dit, nous pouvons aider le Canada à promouvoir et à protéger les droits de la personne, point final.
Je suis extrêmement fière du travail fait par l'OCRE, et je crois fermement en nos capacités. Nous avons hâte de commencer notre travail d'enquête. Les Canadiens s'attendent à ce que leurs entreprises respectent les droits de la personne, peu importe où elles exercent leurs activités. La création de notre bureau est un autre exemple du leadership du Canada sur la scène internationale.
Merci. Je serai ravie de discuter avec vous.
Pour ce qui est de l'un des processus, essentiellement, l'un des mécanismes est de nommer et de dénoncer — pour utiliser ces termes — si vous faites ces constatations. Existe-t-il un processus en vertu duquel il n'est pas toujours nécessaire de nommer et de dénoncer? J'ai déjà siégé au comité des finances, et nous avons parlé de certains mécanismes financiers qui existent dans le monde dans lesquels la décision est parfois de ne pas nommer et dénoncer et de la justification.
Un protocole est-il en place, ou devez-vous toujours présenter ce type de rapport? Devez-vous déposer un rapport annuel sur les enquêtes ou les procédures que vous avez menées, disons au cours d'une année, ou quelque chose du genre?
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais saluer Mme Meyerhoffer et je la remercie, ce soir, de son témoignage.
C'est bien sûr un sujet important pour les Québécois et les Canadiens. Il y a une grande fierté d'avoir des entreprises qui font des affaires à l'étranger, mais malheureusement, dans certains cas, certains événements ont pour effet d'assombrir cette fierté. Nous avons beaucoup de témoignages et de rapports qui font état des pratiques discutables de certaines entreprises, et je me posais une question à cet effet. Étant donné que le Bureau est en fonction depuis 2019, avez-vous des exemples de dossiers que vous traitez?
Vous faites de la médiation, mais, j'ose imaginer, toujours avec la volonté de protéger, de défendre et de promouvoir, comme vous l'avez dit, les droits de la personne. Je ne sais pas si vous avez des exemples de cas qui vous viennent à l'esprit, sans donner de noms, bien entendu.
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Cela fait trois ans que le gouvernement a annoncé l'idée de créer un bureau d'ombudsman, mais j'occupe ma fonction depuis beaucoup moins longtemps.
C'est le premier organisme du genre au monde. Aucun autre pays n'a essayé de le faire, c'est donc très excitant. Nous travaillons à partir de zéro, et comme la réputation du Canada dans le monde est si solide et si importante pour les Canadiens, nous savions que nous devions prendre le temps de bien faire les choses. Outre les aspects logistiques associés à la création d'une nouvelle entité au sein du gouvernement, nous savions qu'il était essentiel de tenir de vastes consultations ici au Canada et ailleurs dans le monde. Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons mobilisé 200 intervenants, et nous avons élaboré et peaufiné nos procédures d'exploitation.
Jusqu'à maintenant, nous n'avons reçu aucune plainte. Nous n'étions pas prêts. Nous étions à l'étape de la création. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, notre portail en ligne sera bientôt fonctionnel. À ce moment-là, nous recevrons des plaintes et nous ferons de la médiation ou des examens. Pour le moment, il n'y a pas eu de plainte.
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Merci, monsieur le président.
Lorsque je dis que nous avons les outils dont nous avons besoin dans le cadre de notre décret, c'est que nous avons la capacité de répondre aux plaintes, d'entreprendre des examens, de mener des enquêtes — en collaboration ou de façon indépendante —, d'avoir recours à la médiation, de recommander des mesures correctives et de produire des rapports. Ce sont les outils dont nous disposons.
Je suis convaincue que nous avons tout ce qu'il nous faut pour lancer notre portail des plaintes. Bien sûr, plus tard, après avoir fait des enquêtes, nous constaterons peut-être que des changements sont nécessaires. Nous devrons peut-être réévaluer la situation à ce moment-là. Alors, oui, c'est exact, mais notre décret prévoit les outils dont nous avons besoin pour commencer le travail, et nous apprendrons en cours de route.
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Merci, monsieur le président.
Merci, madame Meyerhoffer, d'être venue aujourd'hui. Je crois savoir que vous avez travaillé en Alberta, et je vous souhaite la bienvenue en Alberta et dans mon salon.
J'ai quelques questions à vous poser sur ce que vous avez été en mesure d'accomplir depuis l'annonce de la création de l'OCRE en 2018. Vous avez été nommée en 2019.
En 2019, je pensais que vous auriez la possibilité d'élargir votre mandat dans l'année suivante. Que s'est-il passé? Pourquoi n'avez-vous pas pu le faire?
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Le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises ou RSE faisait partie du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada. Il comprenait un conseiller, et si je me rappelle bien, un autre employé. Nous avons un effectif beaucoup plus important. Nous sommes un bureau de l'ombudsman, et un bureau de l'ombudsman possède un certain nombre d'attributs reconnus à l'échelle internationale, notamment celui d'être autonome et libre de tout lien de dépendance avec le ministère. C'est ce que nous avons.
Le Point de contact national ou PCN fait de la médiation. Quant à nous, non seulement pouvons-nous faire de la médiation, mais encore nous pouvons entreprendre la recherche collaborative des faits et la recherche indépendante des faits. Nous devons produire des rapports publics. Notre mandat prévoit la présentation de rapports.
Nous avons aussi le pouvoir de formuler des recommandations au ministre concernant d'éventuelles réparations. Le décret décrivant notre mandat prévoit les réparations suivant les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de la personne. C'est ce qui nous guide. Le PCN relève des lignes directrices de l'OCDE pour les entreprises multinationales. Nous avons quelque chose en plus... avec les réparations.
La portée de nos interventions est beaucoup plus large que celle du conseiller en RSE ou du PCN.
Je tiens à vous remercier, madame Meyerhoffer, de votre présence parmi nous.
Il y a 10 ans, je travaillais en République démocratique du Congo. J'œuvrais auprès de groupes de femmes qui travaillaient elles-mêmes à une déclaration sur la violence sexuelle en RDC. Toutes les femmes désignaient le secteur minier comme étant la cause fondamentale de la violence — que ce soit directement ou indirectement — en raison des conflits armés pour s'approprier des terres riches en ressources.
Lorsque vous commencerez à accueillir des demandes sur votre portail en ligne et à formuler des conseils aux entreprises, dans quelle mesure pensez-vous que ce que vous accomplirez sera différent de ce qui était offert en 2011? Je veux parler des violations commises directement par des entreprises canadiennes, et aussi, de l'aide fournie aux entreprises canadiennes pour repérer les signes avant-coureurs et pour faire de la prévention afin d'éviter que leurs activités n'entraînent des violations directes des droits de la personne.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Meyerhoffer, j'ai écouté attentivement tout ce que vous avez dit.
Votre mandat est très large: conseiller les compagnies, offrir la médiation et recevoir les plaintes. Vous avez justement parlé du portail où il sera possible de déposer des plaintes.
Je me souviens que, en 2019, le ministre Carr avait commandé un examen juridique externe afin de déterminer la meilleure façon de doter l'ombudsman d'outils suffisants pour tenir des enquêtes crédibles et efficaces sur les violations présumées des droits de la personne. Le rapport a conclu que, sans pouvoirs de contraite, l'OCRE ne serait pas aussi efficace qu'il devrait l'être.
Que pensez-vous des conclusions de ce rapport?
Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée et de l'intérêt que vous portez à cet enjeu essentiel.
Je coordonne le Réseau canadien sur la reddition de comptes des entreprises, ou RCRCE. L'organisme a été créé en 2005. Il réunit 39 organisations de divers secteurs de partout au Canada qui collectivement représentent la voix de millions de Canadiens d'un océan à l'autre.
Nous exigeons du gouvernement du Canada qu'il prenne des mesures urgentes pour traiter les plaintes relatives aux violations des droits de la personne et à la dégradation de l'environnement par les compagnies canadiennes qui exercent leurs activités à l'étranger.
Notre réseau a joué un rôle essentiel dans la création par le gouvernement de l'ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises. En effet, en 2016, nous avons publié un modèle de mesure législative fondé sur des années de collaboration avec des collectivités touchées et sur des recherches poussées. Ce modèle a en outre été validé par des spécialistes en la matière.
Nous avons collaboré en toute bonne foi avec le gouvernement du Canada à la création d'un modèle exemplaire fondé sur des engagements précis essentiels à la crédibilité du futur bureau. Nous nous sommes tenus aux côtés du ministre Champagne lorsqu'il a annoncé la nomination de l'OCRE en 2018.
Il est révélateur qu'aujourd'hui la société civile, les organismes de défense des droits de la personne et les syndicats canadiens ne se prononcent pas en faveur de cette version de l'OCRE. Au contraire, nous avons dû publier une mise en garde à l'intention des collectivités touchées et les prévenir de n'aborder ce bureau qu'avec prudence, et encore. Nous devrions être en train de chanter les louanges de ce bureau, et il y a une bonne raison pour laquelle nous ne le faisons pas.
Pendant des années, des centaines de milliers de Canadiens, des organisations de divers secteurs et de nombreux organismes des Nations unies ont exhorté le Canada à mettre en place des mécanismes efficaces pour prévenir les violations des droits de la personne commises à l'étranger par des entreprises canadiennes, et pour y remédier. Le genre de violations dont il est question comprend notamment les menaces, les assassinats, les blessures, les viols collectifs, les conditions de travail dangereuses et abusives, le travail forcé, le non-respect des droits des Autochtones et des femmes, et de graves dommages à l'environnement.
Plutôt que de mettre en place un mécanisme efficace, le Canada a décidé de compter sur la bonne volonté des entreprises, et de leur fournir des conseils concernant les attentes à leur égard en matière de respect des droits de la personne. Il leur propose une médiation, et des approches comparables, comme la recherche conjointe des faits.
L'expérience déjà vécue avec les mécanismes inefficaces du Canada — comme le Bureau du conseiller en RSE, de 2009 et le Point de contact national du Canada ou PCN pour l'application des principes directeurs de l'OCDE, depuis 2000 — montrent que cette approche ne fonctionne pas. Lors de la fermeture du Bureau du conseiller en RSE en 2018, ce dernier n'avait résolu aucun dossier. Quant au PCN du Canada, qui exerce toujours ses activités aujourd'hui, il a échoué lui aussi à faire enquête, à prévenir les dommages ou à remédier aux dommages causés par les entreprises canadiennes qui exercent leurs activités à l'étranger.
Sur le plan de l'efficacité, la version de l'OCRE que nous voyons aujourd'hui n'est pas très différente de celle de ces bureaux qui ont échoué. En effet, en l'absence de pouvoirs d'enquête indépendants, l'OCRE sera tout aussi inadéquat. Les pouvoirs d'enquête sont à la base d'un bureau d'ombudsman efficace; toutes les autres fonctions du bureau en dépendent. Les renseignements importants qui sont essentiels aux enquêtes sont souvent la propriété exclusive des entreprises, et ils ne sont pas fournis volontairement.
J'aimerais dire clairement, pour le compte rendu, que ce que je suggère aujourd'hui n'a rien de nouveau. Il ne s'agit pas d'une requête visant à réformer l'OCRE avant même qu'il n'ouvre ses portes. Il s'agit plutôt d'une requête visant à ce que le gouvernement du Canada respecte ce à quoi il s'était engagé publiquement et explicitement en 2018.
Je cite un énoncé publié sur le site Web du gouvernement du Canada au moment de l'annonce: « Le gouvernement [du Canada] est déterminé à voir à ce que l'ombudsman dispose de tous les outils nécessaires pour assurer le respect des demandes d'information — y compris la capacité de contraindre les témoins à comparaître et à fournir des documents. »
Il s'agit aussi d'une requête visant à ce que l'on accorde à l'OCRE les pouvoirs minimaux absolus nécessaires pour remplir son mandat: le pouvoir de contraindre à comparaître et à fournir des documents. Ce sont ces mêmes pouvoirs que le gouvernement du Canada, dans le cadre du rapport McIsaac, le résumé des conseils juridiques experts externes commandés par le ministre Carr au printemps de 2019 — et que j'espère pouvoir déposer pour le Comité — a jugés nécessaires. Il est d'ailleurs dans les prérogatives du gouvernement de les imposer. Ce rapport conclut que le gouvernement fédéral peut conférer ces pouvoirs à l'OCRE et il ajoute qu'en leur absence, l'efficacité de l'OCRE peut être compromise.
Il est urgent que les collectivités et les travailleurs touchés par les entreprises canadiennes qui exercent leurs activités à l'étranger aient accès à des mécanismes efficaces de règlement des griefs au Canada, d'autant plus qu'il n'existe souvent pour eux aucune autre voie de recours pour obtenir réparation.
Nous espérons et anticipons que la présente étude réalisée par le Sous-comité incitera le Canada à remplir entièrement ses engagements, à honorer ses obligations internationales en matière de droits de la personne et à habiliter l'OCRE à faire enquête de manière indépendante.
Je suis maintenant prête à répondre à vos questions et à vous fournir d'autres renseignements.
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Merci beaucoup, monsieur le président. J'apprécie.
Merci, madame Dwyer, de votre présence parmi nous.
Vous avez mentionné que vos attentes et celles de nombreuses autres personnes à l'égard de l'OCRE, et d'autres versions de l'ombudsman dans le passé, n'ont pas été remplies. De toute évidence, cet enjeu existe depuis longtemps en ce qui concerne les entreprises canadiennes qui exercent leurs activités à l'étranger.
Quels sont d'après vous les défis que le gouvernement doit relever pour créer le genre de cadre que vous avez préconisé dans le passé par l'intermédiaire de l'organisme consultatif?
Lorsque le Canada a annoncé la création de l'ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises, il a déclaré qu'il s'agirait d'un organisme exemplaire, et le premier du genre dans le monde. En réalité, ce n'est pas vrai. Si on regarde ce que nous avons maintenant, en raison de l'absence des pouvoirs d'enquête, c'est en réalité très différent du point de contact national, parce que le point de contact national dans les autres pays a le pouvoir d'enquêter. Par conséquent, l'OCRE, ou l'idée que l'on s'en faisait... Il n'existe pas ailleurs dans le monde un autre exemple d'organisme qui peut contraindre à comparaître et à fournir des documents.
Un point pour apporter rapidement des précisions, c'est que l'ombudsman est fondé sur le modèle d'autres bureaux canadiens où c'est la norme. Aussi, le pouvoir de contraindre à comparaître et à fournir des documents serait exercé vis-à-vis d'entreprises canadiennes ou de documents en leur possession, et ne s'appliquerait pas aux entreprises qui exercent leurs activités à l'étranger, et ainsi de suite.
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Désolée, je peux fournir des précisions.
Au Canada, les bureaux de l'ombudsman sont souvent... Il est courant de détenir le pouvoir de contraindre les témoignages et la production de documents. Ce que j'ai compris de la question de Mme Khalid, c'est s'il existe à l'échelle internationale un bureau de l'ombudsman responsable des questions de droits de la personne qui détient le pouvoir de contraindre la production de documents et les témoignages. Et ce genre de bureau n'existe pas.
J'essayais de préciser que le bureau de l'ombudsman que nous avons aujourd'hui, c'est-à-dire l'OCRE, ne détient pas ces pouvoirs. Il a le pouvoir d'offrir de la médiation et d'entreprendre des examens. Mais il ne possède pas les vastes pouvoirs d'enquête, comme ceux auxquels le gouvernement s'était engagé en 2018.
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En terminant mon point sur le risque de représailles, je disais que ce qui touchait les collectivités... L'évaluation qui devra être faite, avant de déposer une plainte devant n'importe quel bureau, est la suivante: compte tenu du risque de représailles, existe-t-il une possibilité de récompense? Existe-t-il une possibilité de réparation? Est-ce qu'il vaut la peine de déposer une plainte compte tenu des risques?
D'après l'expérience que nous avons acquise auprès de bureaux très comparables dans le passé — le bureau du conseiller en RSE, le point de contact national — qui n'avaient pas le pouvoir de faire enquête, et qui n'avaient pas le pouvoir de contraindre à fournir des documents ni de contraindre à comparaître, tout le processus reposait sur la bonne volonté des entreprises. Le résultat pour les collectivités touchées était qu'il n'y avait aucune réparation, c'était un gaspillage de temps et de ressources. Bien souvent, cela créait une situation où les risques étaient encore plus élevés après avoir déposé une plainte qu'avant.
Selon notre analyse, c'est exactement la même chose qui va se produire avec ce bureau, compte tenu de sa structure actuelle.
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Je pense au célèbre exemple d'Eleanor Roosevelt qui voyageait à travers la Russie; elle avait été abordée par un prisonnier là-bas qui aurait par la suite subi des représailles pour s'être adressé à elle. Malgré ses bonnes intentions, elle n'avait aucun moyen d'intervenir positivement dans cette situation.
Qu'en est-il de certaines voies de recours qui existent dans le cadre de la réglementation des valeurs mobilières? Pour une entreprise canadienne cotée en bourse — c'est-à-dire une entreprise qui transige sur le marché boursier canadien —, avant de pouvoir émettre de nouvelles actions ou placer une nouvelle émission, si l'entreprise exerce ses activités à l'étranger dans le secteur minier, elle doit remplir certaines exigences de rendement. Par exemple, elle doit respecter certaines normes du travail conformément aux règles de l'OIT. Elle doit se conformer à certaines normes environnementales, comme l'utilisation de bassins de résidus bien entretenus et elle doit consentir des efforts de reforestation appropriés à l'environnement de la région. Il existe un certain nombre d'autres normes semblables.
Le respect de ces normes est assuré par des professionnels canadiens qui doivent eux-mêmes se conformer à des normes professionnelles. Par exemple, s'ils ne rapportent pas avec exactitude certains faits, ils peuvent perdre leur accréditation professionnelle. Ils ont donc intérêt à le faire. Si ces rapports ne sont pas déposés auprès des autorités en valeurs mobilières, il leur devient impossible de refinancer l'entreprise. Il s'agit donc d'une incitation très forte à se conformer aux règles.
Selon vous, est-ce que ce modèle est valable? Serait-il possible de l'étendre à d'autres domaines que vous décrivez, comme les revendications territoriales autochtones?
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Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous et à toutes.
Madame Dwyer, je vous remercie grandement de votre présence parmi nous, ce soir.
Votre activisme et celui de vos collègues aident à faire la lumière sur les multiples violations des droits de la personne commises par des entreprises qui bafouent notre réputation et nos valeurs.
Mme Meyerhoffer nous a dit être certaine d'avoir suffisamment de pouvoirs et de ressources. Toutefois, il y a quelques minutes seulement, elle a admis avoir moins de 10 personnes à son service. De plus, elle n'a pas précisé son budget. Suis-je fou de ne pas être rassuré?
J'ai fait une petite recherche très rapidement avant de vous interroger. Il y a 200 entreprises minières [difficultés techniques].
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Un tel bureau à un besoin absolu du pouvoir d'enquêter. Que fait un ombudsman dans son rôle de défenseur du citoyen? Il n'impose pas d'amende, il n'envoie personne en prison et il ne déclare personne coupable. Son action se limite à mener des enquêtes indépendantes sur des faits, à en tirer des conclusions pour aider à déterminer ce qui s'est passé, qui a été impliqué, comment empêcher de nuire à nouveau et comment remédier aux préjudices causés.
Si vous ne pouvez pas prendre connaissance des faits à l'origine d'une situation, vous ne pouvez pas rendre publics des rapports sur les constatations que vous avez faites. Vous ne pouvez pas formuler de recommandations adaptées à la situation pour empêcher les conséquences néfastes de se reproduire, et vous ne pourrez pas non plus formuler de façon satisfaisante des recommandations de révision de la législation et des politiques dans le même but. Le Bureau, s'il ne dispose pas du pouvoir d'enquêter, est totalement soumis à la bonne volonté des entreprises, faisant l'objet d'enquêtes, à lui communiquer des renseignements qui pourraient s'avérer compromettants puisqu'il s'agit d'entreprises accusées de violations graves des droits de la personne.
Les communautés touchées avec lesquelles nos membres ont collaboré depuis plus d'une décennie veulent très certainement que des mesures de prévention et de réparation soient prises, mais elles veulent aussi la reconnaissance de ce qu'elles ont enduré et l'engagement que les choses changent à l'avenir.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je crois que nous pouvons probablement en venir à cette réponse, mais j'aimerais auparavant remercier très rapidement Mme Dwyer d'être ici aujourd'hui. Pour nous, madame, votre point de vue est de la plus haute importance.
Avec votre permission, j'aimerais revenir avec vous sur quelques annonces antérieures. En 2015, on nous a dit, pendant la campagne électorale, que ce poste serait créé. Cela faisait des décennies que nous demandions la création du poste d'ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises qui dispose de moyens d'action et ait le pouvoir de contraindre à témoigner et à produire des documents. En 2018, le a annoncé une prochaine nomination. Celle-ci est survenue en 2019, dans des conditions profondément décevantes parce que le Bureau n'a pas eu les moyens de remplir son mandat. Nous sommes maintenant en 2021. Presque trois ans ont passé, et aucune enquête n'a été faite.
L'ombudsman nous a expliqué plus tôt aujourd'hui combien il avait été nécessaire de mener des consultations. Cela vous paraît-il un calendrier raisonnable, étant donné l'urgence que posent certaines violations des droits de la personne, par des sociétés minières canadiennes travaillant à l'étranger, dont nous avons eu connaissance?
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Il faut, de toute urgence, que les communautés et les travailleurs touchés partout dans le monde aient accès à un mécanisme efficace pour les aider à corriger les torts qu'ils ont subis et pour y remédier. Comme je l'ai indiqué auparavant, il y a des violations des droits de la personne qui sont vraiment graves.
C'est une tache sur la réputation internationale du Canada. Divers organismes des Nations unies nous ont dit à de nombreuses occasions que nous ne respectons pas nos propres engagements internationaux en matière des droits de la personne parce que nous n'avons pas d'organisme indépendant pour mener des enquêtes.
Le Canada en a fait l'annonce en 2018 et a retenu l'attention sur la scène internationale. Il se traîne les pieds et ne respecte pas cet engagement, alors que nous voyons partout dans le monde une tendance marquée à imposer des législations exigeant des entreprises qu'elles empêchent les violations des droits de la personne dans toutes leurs activités à l'étranger et dans leurs chaînes d'approvisionnement et que, au besoin, ces législations donnent aux victimes accès à des recours. Cette tendance se concrétise dans toute l'Europe. La France vient d'adopter une législation et l'Allemagne a pris récemment des engagements en ce sens, sans oublier la Commission européenne qui a adopté des textes législatifs rendant obligatoire de faire preuve de toute la diligence voulue en matière de droits de la personne.
Les types de violations dont les gens sont victimes sont graves, et nous avons déjà eu un tel bureau par le passé. Lorsque Mme Meyerhoffer nous a dit que ce bureau est une nouvelle entité et que cela explique la nécessité de prendre tout le temps nécessaire pour consulter, on peut vraiment se demander où est la nouveauté? S'il s'agit simplement de doter ce bureau d'un budget plus important, pourquoi le gouvernement ne s'est-il pas contenté d'accroître le budget du Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises de l'industrie extractive, ou le budget du point national de contact, si l'objectif était tout simplement de créer un autre mécanisme de résolution volontaire des différends qui expose les gens à davantage de risques sans faire progresser le respect par le Canada de ses obligations internationales en matière de droits de la personne?
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Je vous dirai que, lorsque vous avez demandé à Mme Meyerhoffer comment elle allait pouvoir mener des enquêtes, comment elle réagirait si des sociétés faisant l'objet d'enquêtes faisaient obstruction en ne lui fournissant pas de façon volontaire l'information essentielle à la tenue d'une enquête, elle a été incapable de vous répondre. En toute franchise, nous n'avons pas le moindre détail sur les modalités de fonctionnement du volet essentiel des activités d'un bureau de l'ombudsman.
Quant à ce qu'elle est en mesure de faire sans disposer du pouvoir de mener des enquêtes, il lui reste essentiellement le recours à des approches reposant sur la médiation et les moyens de réaliser des examens, éventuellement sans accéder à l'information nécessaire. Comment pourriez-vous publier un rapport contenant les conclusions d'une enquête si vous n'avez pas eu accès à l'information essentielle? Au bout du compte, vous pouvez dire « Voici les allégations que j'ai entendues, mais je n'ai pas pu les vérifier parce que je n'ai pas eu accès aux informations dont j'avais besoin. »
Il faut savoir que d'autres organismes similaires au Canada, d'autres bureaux d'ombudsman, ont le pouvoir de contraindre à produire des documents et à témoigner, et peuvent procéder à des fouilles et à des saisies.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Madame Dwyer, merci de votre présence parmi nous.
Comme je n'ai que deux minutes, je vais essayer d'aller droit au but.
Dans le prolongement de la question que vous a posée Mme Khalid… L'administration américaine semble avoir enregistré quelque réussite en la matière, mais en faisant appel à l'Alien Tort Claims Act datant du XVIIIe siècle. Cette loi a été contestée avec succès devant la Cour suprême des États-Unis, et il n'est maintenant plus possible de déposer des plaintes au titre des droits de la personne contre des sociétés américaines.
Étant donné les contestations juridiques, le fait que les États-Unis aient eu une loi en la matière, loi en vertu de laquelle des entreprises et des personnes avaient été reconnues coupables et condamnées à verser des amendes, et…
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Je vous remercie, monsieur le président.
En vérité, j'ai une question similaire à celle de Mme O'Connell.
Je suis curieux de savoir, étant donné ce que nous venons d'entendre et à la différence des autres bureaux d'ombudsman, quels devraient être les paramètres idéaux de fonctionnement de l'OCRE? Si celui-ci disposait de pleins pouvoirs d'enquête, nous pourrions nous retrouver dans un conflit de compétences avec les pays hôtes. Par exemple, il faudrait pouvoir obliger à produire des documents et à témoigner, etc.
Que répondez-vous à cela, madame Dwyer?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à nouveau à remercier le témoin dont les propos sont fort intéressants.
Avant de devenir députée, j'ai travaillé, entre autres, pendant longtemps sur les objectifs de développement durable. Nous savons que l'objectif 16.3 du Programme de développement durable à l'horizon 2030 est de « garantir à tous un accès égal à la justice » et que l'objectif 16.6 du même programme est de « mettre en place des institutions efficaces, responsables et transparentes à tous les niveaux » pour assurer ladite justice.
Pourriez-vous prendre un instant pour nous dire comment vous aimeriez que ce poste d'ombudsman soit configuré? Plus tôt aujourd'hui, nous nous sommes entretenus avec l'ombudsman sur la législation concernant la diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Nous avons alors parlé des pouvoirs dont nous aimerions que cette ombudsman dispose, des moyens de contraindre. Quels résultats serait-il possible d'obtenir si les pouvoirs de la titulaire de ce poste étaient élargis, si elle avait les moyens de nos ambitions?