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Bien. Nous allons commencer.
Bienvenue, chers collègues, à la 19e réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
Aujourd'hui, nous nous réunissons pour entendre des témoins dans le cadre de séances d'information sur la situation en Turquie et dans le nord de la Syrie, puis en Colombie.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'encourage tous les participants à mettre leur micro en sourdine lorsqu'ils ne parlent pas et à adresser toutes leurs remarques par l'entremise du président. Lorsqu'il vous restera 30 secondes de votre temps de parole, je vous ferai signe avec cette feuille.
Pour nos témoins, vous pouvez utiliser le service d'interprétation dans les deux langues officielles est cliquant sur l'icône du globe au bas de votre écran. Veuillez noter que les copies d'écran ou les photos ne sont pas autorisées.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe sur la Turquie et le nord de la Syrie.
Nous avons avec nous Fionnuala Ní Aoláin, rapporteuse spéciale, Procédures spéciales, Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme; Lindsay Gladding, directrice des Programmes de soutien aux États fragiles et d'aide humanitaire chez Vision mondiale Canada; Farida Deif, directrice au Canada chez Human Rights Watch; Taryn Russell, chef des politiques et la défense des droits et Amilcar Kraudie, conseiller humanitaire, chez Aide à l'enfance Canada; et Justin Mohammed, responsable des campagnes, Lois et politiques sur les droits de la personne chez Amnistie internationale Canada.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires.
J'invite Mme Ní Aoláin à faire sa déclaration liminaire, pour un maximum de cinq minutes.
Je vais simplement prononcer l'avertissement habituel que les fonctionnaires des Nations unies présentent au début de ce genre de témoignages, à savoir que je me présente devant le comité permanent en ma qualité de rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme.
Je suis ici pour fournir un exposé oral informel, non assermenté, au Comité des affaires étrangères dans le cadre de la discussion sur la Syrie et l'Irak. Rien dans mes remarques ne doit être interprété comme une renonciation, expresse ou implicite, aux privilèges ou immunités des fonctionnaires ou experts des Nations unies, conformément à la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations unies. Je vous remercie.
Permettez-moi de faire quelques remarques générales.
Comme vous le savez, le mandat qui m'a été confié est intimement lié à la situation des civils, en particulier des femmes et des enfants, qui se trouvent dans le nord-est de la Syrie, et notamment d'un nombre important de ressortissants canadiens. Dans le cadre de mon mandat, de concert avec 15 autres mécanismes de procédures spéciales des Nations unies, j'ai envoyé une lettre à 57 États, dont le Canada, dont des ressortissants sont actuellement détenus — des femmes et des enfants — dans des camps et des sites de détention dans le nord-est de la Syrie.
À mon avis, aucun État ne souhaite figurer sur une telle liste, car elle définit un ensemble d'obligations envers les personnes sur ce territoire et représente l'incapacité des États de respecter leurs obligations internationales.
Nous avons clairement expliqué dans cette lettre que de multiples et graves violations des droits de la personne sont commises à l'égard de vos ressortissants, des Canadiens, dans la situation du nord-est de la Syrie. Ces violations incluent la torture et les traitements inhumains et dégradants, y compris sur les enfants canadiens. Elles incluent le danger et la réalité de sévices sexuels et reproductifs pour les femmes et les mineurs. Elles incluent la détention arbitraire, les risques pour le droit à la vie, la restriction de la liberté de mouvement, le déni du droit à la non-discrimination et l'abrogation des droits à l'éducation, à la santé et à une eau propre et sûre.
J'ai toujours affirmé l'obligation des États, et notamment du Canada, de rapatrier de toute urgence leurs ressortissants qui se trouvent dans des pays tiers.
Je tiens à préciser que d'autres États le font. Dans le cadre de mon mandat, je travaille en étroite collaboration avec un grand nombre d'États qui, même durant la pandémie de COVID, se sont efforcés d'assurer le retour en toute sécurité de leurs ressortissants. À l'exception d'un enfant mineur, un orphelin, le Canada ne fait pas partie de ces États qui procèdent aux rapatriements à grande échelle.
Je tiens à souligner que vos ressortissants sont détenus par des acteurs non étatiques qui n'ont aucune justification légitime de les détenir.
La situation s'aggrave dans les camps. Dans le cadre de notre mandat, nous avons, par exemple, été informés au cours des deux dernières semaines d'une incursion militaire importante dans les camps, d'un nettoyage et d'un autre exercice de collecte de données et de données biométriques sur les personnes détenues dans ces camps. Nous restons profondément préoccupés par la collecte de données sur les ressortissants de pays tiers et par la question de savoir avec qui ces données seront partagées.
Permettez-moi de faire quelques brèves remarques sur un groupe qui n'a pas fait l'objet d'une grande attention dans les camps: les adolescents, les jeunes garçons de moins de 18 ans.
Je suis particulièrement préoccupée par le fait qu'alors que notre attention s'est portée sur les femmes — les filles et les mères — un nombre considérable d'adolescents sont détenus dans des établissements pénitentiaires pour ce qui me semble être de multiples motifs fallacieux. Certains de ces établissements, y compris ceux où se trouvent des ressortissants canadiens, ont été décrits comme des camps de réhabilitation. Je tiens à exprimer sans réserve mon inquiétude quant à l'utilisation de cette terminologie. Il n'existe pas de fondement juridique justifiant la détention d'un seul des enfants enfermés dans ces soi-disant lieux de réhabilitation. Aucun d'entre eux n'a été représenté légalement, aucun test d'intérêt supérieur n'a été appliqué pour les garder là, et aucun enfant ne peut réellement quitter le camp à moins que le Canada ne soit prêt à le reprendre.
Vous avez l'obligation de rapatrier vos femmes et vos enfants, non seulement pour des raisons de droits de la personne et de morale, mais aussi pour des raisons de sécurité.
La sécurité à long terme de cette région et de tous les États ne sera assurée que lorsque toutes les personnes présentes dans les camps seront rapatriées ou qu'un processus sûr aura été institué pour celles qui ne peuvent être rapatriées au titre du non-refoulement. La sécurité et les droits de la personne constituent le fondement du retour, et les deux sont des impératifs.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président et membres du Comité, de nous avoir invités à contribuer à la séance d'information d'aujourd'hui sur la situation en Turquie et dans le nord de la Syrie.
Vision mondiale est une organisation chrétienne de secours, de développement et de défense des droits qui s'efforce de créer un changement durable dans la vie des enfants, des familles et des collectivités, afin de vaincre la pauvreté et l'injustice. Nous travaillons dans le monde entier, dans près de 100 pays, en fonction des besoins, sans aucune condition. Ici, au Canada, nous sommes soutenus par un réseau de 650 000 personnes et partenaires, dont des églises et des clubs universitaires.
Les conséquences humanitaires d'une décennie de combats et de déplacements sont manifestes: les besoins humanitaires en Syrie ont augmenté de 20 % depuis l'année dernière, et on estime que 13,4 millions de personnes auront besoin d'une aide humanitaire en 2021.
Les droits des filles et des garçons syriens à la santé, à l'éducation, à la protection et à l'autonomisation sont gravement compromis. L'assistance humanitaire transfrontalière est une bouée de sauvetage vitale pour aider à garantir qu'au minimum, le droit à l'assistance des enfants et des familles syriennes soit respecté.
Les enfants peuvent être étonnamment résilients, mais en Syrie, ils ont été confrontés à plus de 10 ans de blessures, de mort et de destruction incessantes. En raison d'une décennie de guerre, ils ont perdu leur éducation, leur sécurité et les revenus de leur famille, ainsi que leur espoir d'un avenir pacifique. Les enfants et leurs familles vivent dans une peur constante de la violence mortelle ou d'agression sexuelle, en particulier contre les femmes et les filles. Selon l'évaluation la plus récente de Vision mondiale dans le nord-ouest de la Syrie, chaque fille à laquelle nous avons parlé vit dans la crainte d'être agressée sexuellement et violée.
Au moins 1 435 écoles et hôpitaux ont été attaqués — des violations graves —, empêchant les enfants de jouir des droits fondamentaux aux soins de santé et à l'éducation. Les enfants qui survivent aux frappes aériennes, aux bombes à barils, aux attaques au sol et aux stratégies de siège sont toujours confrontés à une réalité dangereuse et à un avenir incertain.
Bien sûr, il est essentiel de situer notre réponse, ainsi que l'environnement opérationnel général, dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Les répercussions financières et sanitaires de la COVID-19 sur les collectivités déjà touchées par le conflit qui dure depuis des décennies sont dévastatrices, en particulier pour les personnes vivant dans des camps de personnes déplacées et de réfugiés et dans des abris collectifs dans des zones où les soins de santé sont limités.
On estime que 2,45 millions de filles et de garçons — soit un sur trois — n'étaient déjà plus scolarisés à la fin de 2019. La crise de la COVID-19 a poussé un autre 50 % à quitter l'éducation, si bien que deux tiers des enfants ne sont pas scolarisés dans le nord de la Syrie. Hélas, nous savons, bien sûr, que les filles sont les moins susceptibles d'aller à l'école ou d'y retourner.
Le gouvernement du Canada est un partenaire important pour notre travail en Syrie, et nous saluons les engagements financiers pris pour la crise syrienne dans le récent budget. Nos subventions canadiennes dans le nord-ouest de la Syrie se sont concentrées sur la fourniture d'une protection vitale, la santé, l'eau et l'assainissement, mais je veux vraiment souligner l'importance de consacrer des fonds suffisants pour répondre aux besoins humanitaires ahurissants et assurer la protection des droits des enfants.
J'aimerais porter notre attention sur l'importante question des opérations humanitaires transfrontalières entre la Turquie et la Syrie.
La possibilité de fournir une aide transfrontalière en Syrie, initialement par le truchement de la résolution 2165 du Conseil de sécurité des Nations unies en 2014, puis de ses reconductions ultérieures, a été une bouée de sauvetage cruciale pour des millions de personnes en Syrie. Elle a permis à des organismes comme le nôtre d'atteindre les gens en dépit de la poursuite des combats, de l'insécurité et de graves contraintes d'accès, et elle a permis aux acteurs humanitaires de veiller à ce que les personnes qui en ont le plus besoin bénéficient d'une aide directe, sûre, soutenue et rapide.
L'ampleur de ces opérations est considérable. Rien que l'an dernier, la réponse transfrontalière a permis aux acteurs humanitaires d'atteindre plus de 2,4 millions de personnes par mois avec une nourriture salvatrice, une assistance nutritionnelle, une éducation et des fournitures médicales indispensables. L'autorisation prolongée de ces opérations par le Conseil de sécurité des Nations unies est essentiellement pour soutenir la réponse à une pandémie, y compris la vaccination dans le nord-ouest de la Syrie, où le premier envoi de vaccins a été reçu le 22 avril. Il est très inquiétant de constater qu'au cours des dernières années, le nombre de passages frontaliers accessibles aux organisations humanitaires n'a cessé de diminuer, imposant des contraintes supplémentaires aux opérations humanitaires.
Permettez-moi de conclure par deux recommandations rapides.
Nous demandons instamment au gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de ses missions permanentes à New York et à Genève ainsi que de l'échelon ministériel, de continuer à plaider vigoureusement pour un renouvellement rapide et sans restriction de l'autorisation de traverser la frontière.
Nous encourageons Affaires mondiales Canada à faire du financement pluriannuel la norme plutôt que l'exception, en offrant la plus grande souplesse possible aux organismes comme le nôtre pour qu'ils puissent établir des partenariats fructueux avec des organismes locaux.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les députés de m'avoir invitée à comparaître devant le sous-comité.
Je concentrerai mes remarques aujourd'hui sur la crise humanitaire dans le nord-est de la Syrie, étant donné la gravité des violations des droits de la personne sur le terrain et le besoin urgent pour ce gouvernement de s'occuper de la situation cruciale des Canadiens bloqués là-bas.
Comme vous le savez, 10 années de conflit ont décimé l'infrastructure et les services sociaux de la Syrie, entraînant des besoins humanitaires massifs et rendant des millions de personnes tributaires de l'aide, y compris un grand nombre des quelque deux millions de personnes vivant dans le nord-est de la Syrie dans des zones sous le contrôle de l'administration autonome dirigée par les Kurdes, le gouvernement de facto de la région.
Alors qu'une grande partie de la population n'a pas un accès suffisant aux services — y compris les soins de santé, l'eau, l'assainissement et les abris —, le Conseil de sécurité des Nations unies n'a malheureusement pas réussi à maintenir les systèmes d'aide transfrontalière essentiels dans le nord-est de la Syrie, aggravant ainsi une situation désespérée. Il ne s'agit pas de penser que c'est un problème qui est à des milliers de kilomètres de nous et qui ne touche pas gravement les Canadiens. Le sous-comité doit reconnaître que des dizaines de Canadiens, pour la plupart des enfants, sont toujours détenus dans ces conditions qui mettent leur vie en danger, dans un contexte d'insécurité croissante, de pénurie d'aide vitale et de pandémie mondiale mortelle. Ces Canadiens ont été détenus par les autorités kurdes il y a deux ans, après la chute du soi-disant califat de Daech. Au nombre des détenus figurent environ 45 Canadiens: 8 hommes, 13 femmes et 24 enfants, dont la plupart ont moins de six ans.
La détention indéfinie de ces Canadiens sans qu'un juge examine la légalité et la nécessité de leur détention est à la fois arbitraire et illégale. La détention de femmes et d'enfants canadiens uniquement en raison de leurs liens avec des hommes soupçonnés d'appartenir à Daech équivaut à une culpabilité par association et à une punition collective, ce que le droit international interdit .
Les conditions dans les camps et les prisons du nord-est de la Syrie où sont détenus ces Canadiens mettent leur vie en danger. Selon les groupes humanitaires, plus de 700 détenus dans les camps d'al-Hawl et d'al-Roj — dont au moins la moitié sont des enfants — sont morts au cours des deux dernières années. Les maladies, la saleté et la surpopulation dans ces prisons et ces camps ont créé un environnement propice à la propagation de la COVID-19, qui accroît le désespoir des détenus et de leurs familles.
Soyons clairs, ces Canadiens n'ont aucun espoir de quitter les camps de détention et les prisons du nord-est de la Syrie sans l'intervention de ce gouvernement. Le Canada détient les clés de leur libération, mais jusqu'à présent, le gouvernement a constamment fermé les yeux, recyclant les mêmes excuses encore et encore pour justifier son refus de dépenser du capital politique pour rapatrier les Canadiens soupçonnés d'avoir des liens avec Daech. Il n'existe aucun plan de rapatriement pour ce groupe précis de Canadiens. Les agents consulaires n'ont eu que peu ou pas de contacts directs avec les détenus, et encore moins levé le petit doigt pour améliorer leurs conditions de détention. Le Canada n'a pas non plus aidé à confirmer la citoyenneté des enfants détenus nés en Syrie de parents canadiens, ce qui les rend apatrides.
Malgré les appels lancés par les autorités kurdes aux États pour qu'ils rapatrient leurs ressortissants, le Canada n'a ramené que deux enfants canadiens, un orphelin de cinq ans et une autre enfant en mars, dont la mère canadienne est toujours détenue. Bien que le Canada ait pu obtenir le consentement de la mère pour rapatrier l'enfant seule, Human Rights Watch se demande si le consentement peut être éclairé et volontaire pour des femmes détenues indéfiniment sans recours ni accès à un conseil.
Depuis plus de deux ans, le Canada fait fi de son obligation juridique internationale d'intervenir lorsque des citoyens à l'étranger sont confrontés à de graves abus, notamment des menaces à la vie, la torture et des traitements inhumains et dégradants. La crise humanitaire croissante et la détention indéfinie de ces Canadiens dans des conditions épouvantables rendent les rapatriements sporadiques intenables. Tous ces Canadiens ont droit à une alimentation adéquate, à de l'eau, à des vêtements, à un abri, à la santé mentale et physique, et à un procès équitable. Les enfants ont droit à l'éducation.
Le rapatriement est également logique du point de vue de la sécurité. Les retours ordonnés permettent au Canada de procéder à des évaluations individuelles de chaque personne rapatriée, de les surveiller au besoin et de poursuivre ceux qui ont pu commettre des crimes, une étape cruciale dans la réparation pour les milliers de victimes de Daech.
En conclusion, je demande aux membres du sous-comité d'encourager le gouvernement à rapatrier de toute urgence tous les Canadiens détenus dans le nord-est de la Syrie. Les tuteurs adultes devraient être ramenés chez eux avec leurs enfants, en l'absence de preuves convaincantes que la séparation est dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
En attendant les rapatriements, le Canada devrait toute de suite augmenter l'aide consulaire à...
Je m'appelle Amilcar Kraudie et je suis conseiller humanitaire chez Aide à l'enfance Canada. Je suis accompagné de ma collègue Taryn Russell, chef des politiques et de la défense des droits.
Mes commentaires aujourd'hui s'inscrivent dans le cadre de l'expérience d'Aide à l'enfance, qui travaille depuis plus de 100 ans à répondre aux besoins et aux droits des enfants dans des contextes d'aide humanitaire.
Chaque année, Aide à l'enfance répond à près de 80 urgences dans 120 pays. Nous travaillons pour atteindre les enfants touchés par la guerre en Syrie depuis 2012. Nous fournissons un soutien d'urgence et de sauvetage, combiné à des activités d'intervention rapide qui aident à rétablir les services de base pour les enfants et leurs familles. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous informer de nos principales préoccupations concernant les enfants du nord de la Syrie et de la Turquie, d'après notre travail dans cette région.
Pour nous, la crise syrienne est fondamentalement et avant tout une crise de protection. Plus de 10 ans de conflit continuent à avoir des répercussions dévastatrices sur les enfants en Syrie, ainsi que sur ceux qui ont été déplacés vers les pays voisins. Chaque enfant en Syrie a été touché par la violence et les déplacements continus. Les violations des droits de l'enfant par toutes les parties au conflit se poursuivent, à des degrés divers.
La convergence du conflit, de la COVID-19 et des mesures de contrôle s'y rapportant, ainsi que de l'effondrement apparent de la monnaie syrienne a des effets profonds sur la sécurité alimentaire, l'éducation et d'autres marqueurs de bien-être. Le bien-être mental des enfants est de plus en plus préoccupant, car nous voyons maintenant des enfants qui en viennent à s'enlever la vie. Près d'un cinquième des tentatives de suicide et des décès enregistrés dans le nord-ouest de la Syrie sont des enfants. Au cours des trois derniers mois de 2020, le taux de suicide a fait un bond de 86 % par rapport au début de l'année. Ces chiffres s'inscrivent dans le cadre d'une détérioration constante des conditions de vie des habitants du nord-ouest de la Syrie, notamment une augmentation substantielle de l'impact de la COVID-19, de la pauvreté, du manque d'éducation et d'emploi, de la violence familiale, des mariages d'enfants, des relations brisées et de l'intimidation, le tout dans des collectivités qui ont été ébranlées par une décennie de conflit.
Le soutien en matière de santé mentale n'est que l'un des besoins croissants que nous constatons dans le nord de la Syrie. On estime que 3,4 millions de personnes, rien que dans le nord-ouest de la Syrie, se trouvent dans des zones échappant au contrôle du gouvernement et ont besoin d'une aide humanitaire qu'elles ne peuvent atteindre que grâce à une aide transfrontalière cruciale. Cette aide transfrontalière qui passe par Bab al-Hawa dans le nord d'Idlib ne fera que gagner en importance, car elle est indispensable au soutien des efforts de vaccination contre la COVID-19. Les premiers envois de vaccins ont été reçus il y a quelques semaines. Sans accès transfrontalier, les efforts de vaccination dans le nord-ouest de la Syrie seront pratiquement impossibles.
Nous sommes particulièrement inquiets des conséquences que cette dernière augmentation et le confinement qui l'accompagne auront sur les enfants, notamment les milliers d'enfants qui sont détenus dans le nord-est de la Syrie dans des camps et d'autres lieux de détention en raison de leurs liens avec Daech. Dans le plus grand camp, al-Hawl, 43 000 des 65 000 personnes qui s'y trouvent sont des enfants. En raison du confinement et des couvre-feux imposés pour la COVID-19, ils ont moins de possibilités d'accès aux services médicaux et aux installations médicales, ce qui nuit à leur santé, leur éducation et leur bien-être mental. Cette crise est aggravée par la fermeture du passage frontalier d'Al Yarubiyah l'année dernière, privant les personnes les plus vulnérables, y compris les enfants, de tout approvisionnement indispensable, notamment en médicaments et en nourriture. Rien ne justifie que l'on empêche des fournitures indispensables d'atteindre les personnes dans le besoin, en particulier pendant une pandémie mondiale.
En plus de tout cela, nous tenons à souligner que la pénurie d'eau et ses conséquences sur les multiples besoins sont de plus en plus préoccupantes.
Compte tenu de la détérioration de la situation dans le nord de la Syrie et de l'escalade des besoins humanitaires, nous formulons les recommandations suivantes à l'intention du gouvernement du Canada.
Premièrement, il est impératif que l'aide indispensable continue de parvenir aux millions de personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie, et le Conseil de sécurité des Nations unies devrait, au moins, rétablir l'accès transfrontalier par Bab al-Hawa pour au moins 12 mois. Le gouvernement du Canada devrait user de toute son influence diplomatique pour que cela se produise.
Deuxièmement, la communauté internationale devrait également reconnaître l'escalade des besoins humanitaires dans le pays et augmenter le financement humanitaire en conséquence. Il est honteux que la conférence des donateurs pour la Syrie n'ait pas atteint son objectif. Cette lacune doit être comblée de toute urgence. Nous sommes reconnaissants au Canada d'être intervenu et de ne pas avoir réduit son financement comme d'autres donateurs; cependant, des fonds supplémentaires pourraient permettre de répondre à certains des besoins urgents en matière de santé mentale dont j'ai parlé plus tôt.
La situation dans les camps du nord-est de la Syrie est difficile, et les camps ne sont pas un endroit où les enfants peuvent grandir. Même en mettant de côté la COVID-19, nous voyons régulièrement des enfants mourir ou être blessés par des accidents. On estime que 9 000 enfants étrangers se trouvent dans la région, dont environ 25 enfants canadiens. Pour notre troisième recommandation, nous exhortons le gouvernement du Canada à accroître ses efforts pour trouver les voies de rapatriement les plus appropriées selon l'intérêt supérieur de l'enfant.
Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président et membres du Comité, de m'avoir invité à participer à cette séance d'information. Je me joins à vous ce soir depuis le territoire non cédé des Algonquins Anishinabe à Ottawa.
Avant de commencer mon témoignage, j'aimerais prendre un moment pour saluer les analystes de la Bibliothèque du Parlement qui servent ce comité, un rôle que j'ai déjà occupé et dont j'ai un bon souvenir.
Monsieur le président, mon témoignage de ce soir se veut une mise à jour de celui qu'Amnistie internationale a présenté au comité des affaires étrangères, il y a exactement deux mois aujourd'hui, concernant les camps de détention dans le nord-est de la Syrie. Il s'agit d'une importante question internationale de droits de la personne qui, comme vous le savez, touche directement des citoyens canadiens.
Permettez-moi de commencer par les aspects positifs. À la mi-mars, une enfant canadienne a été autorisée à rentrer au Canada depuis un camp situé dans le nord-est de la Syrie. Après avoir quitté ce pays, elle aurait reçu une aide consulaire pour faciliter son voyage de l'Irak au Canada, y compris la fourniture de documents de voyage.
La semaine dernière, le a déclaré qu'il allait enquêter sur la manière dont les pays du G7 ont abordé la question du rapatriement de leurs ressortissants des camps de prisonniers du nord-est. Il s'agit là d'une évolution très positive, et le Canada peut compter sur le leadership des États-Unis à cet égard. Non seulement les États-Unis ont rapatrié leurs citoyens, mais ils ont également encouragé d'autres pays à faire de même et ont même offert de les aider dans cette tâche.
Hélas, c'est là que les bonnes nouvelles s'arrêtent. La situation des personnes détenues arbitrairement et indéfiniment dans les camps d'al-Hawl et d'al-Roj ne s'est pas améliorée. Quarante-cinq citoyens canadiens, dont environ deux douzaines d'enfants, demeurent dans des camps sordides que le droit international qualifierait, selon les experts des Nations unies, de lieux de torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants.
Ces violations des droits de la personne figurent parmi les plus graves, ces interdictions contredisant les normes impératives du droit international. Dans le cas des enfants, ces actes sont carrément inadmissibles.
Des Canadiens continuent de dépérir dans ce pays, mais ce n'est pas faute d'un cadre politique adapté. Le manuel consulaire proclame hardiment que « la torture ou les mauvais traitements infligés aux détenus canadiens ne sont pas tolérés ». Les agents consulaires doivent « informer promptement le ministre [...] par écrit, s'il existe des renseignements crédibles indiquant qu'il y a eu torture, et le sous-ministre s'il y a eu de mauvais traitements ». Bien que le terme « promptement » ne soit pas défini, la vérificatrice générale a jugé qu'une période de trois mois était inacceptable. Ce groupe de Canadiens est en détention depuis plus de deux ans.
Les politiques prévoient en outre qu'en cas d'inquiétude concernant de tels mauvais traitements, un groupe de travail consulaire spécial sur la torture et les mauvais traitements doit évaluer si les allégations sont valables et donner des conseils sur la gestion de ces cas. Amnistie internationale a appris que le ministre a été informé des allégations de torture et de mauvais traitements en Syrie et que le groupe de travail spécial a été convoqué. Malheureusement, nous ne savons pas quels conseils le groupe de travail spécial a fournis. Une demande visant à savoir quand le ministre a été informé des allégations de torture et du résultat de ces évaluations a été refusée. Une demande d'accès à l'information concernant la prestation de services consulaires aux Canadiens détenus est restée sans réponse un an après sa présentation.
Il faut répondre aux questions concernant l'application de ces politiques à ce groupe de citoyens canadiens, qui continue d'être soumis à des violations quotidiennes des droits de la personne, sans que la fin soit en vue.
La mère d'une détenue canadienne a partagé un message récent de sa fille: « Salaam, maman. Comment vas-tu? Ils ont libéré un tas de soeurs des prisons pendant tout le ramadan, certaines la nuit sans tente où aller, celle qui a été enfermée dans des toilettes pendant trois mois, celles qui n'ont mangé que du thé et du pain, celles qui n'ont eu que cinq minutes de soleil avec leurs enfants, celles qui n'avaient pas de vêtements de rechange, celles qui ont été battues. »
En outre, l'incapacité du Canada de résoudre cette situation présente un risque important de crédibilité pour de nombreux aspects du programme international du Canada en matière de droits de la personne. Prenons, par exemple, la récente initiative du Canada sur la détention arbitraire d'État à État ou ses efforts pour poursuivre le régime Assad pour les crimes de torture commis depuis 2011. De tels efforts manquent de principe lorsque le Canada permet à ses propres citoyens d'être détenus arbitrairement et indéfiniment dans des conditions qui peuvent constituer de la torture.
De même, le ministre Garneau a déclaré que la politique étrangère féministe du Canada sera annoncée ce printemps. Comment le Canada peut-il promouvoir une politique étrangère fondée sur l'égalité des sexes alors qu'il tourne le dos aux Canadiennes vulnérables en Syrie, dont beaucoup déclarent avoir été victimes de violence sexiste ou en avoir été menacées?
Monsieur le président, dans notre précédent témoignage, Amnistie internationale a formulé quatre recommandations. Je ne les répéterai pas pour ne pas perdre de temps, mais je conclurai en offrant une recommandation à ce Comité, qui a admirablement dénoncé les graves violations internationales des droits de la personne dans tant de contextes: ne laissez pas les violations dans le nord-est de la Syrie échapper à votre condamnation. Il est rare que le mandat de ce Comité recoupe des cas de violation des droits de la personne subie directement par un groupe de citoyens canadiens.
Amnistie internationale encourage votre comité à saisir l'occasion de plaider en leur faveur.
Je vous remercie de votre temps. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Permettez-moi peut-être, pour revenir à cette question, de m'étendre sur la façon dont nous reconnaissons, à Aide à l'enfance, que le fait que la Syrie soit en conflit depuis 10 ans rejaillit sur l'ensemble de la communauté internationale.
Comme vous pouvez l'imaginer, cela a un impact à long terme et prolongé sur le bien-être des enfants eux-mêmes. C'est le premier point, qui est qu'il n'y a pas eu de fin à la situation dramatique, et vous pouvez imaginer comment ce qui se passe jour après jour aggrave leur traumatisme.
Le deuxième point est une question importante que nous avons soulevée. Il s'agit du fait que les enfants syriens, même à l'étranger dans différents endroits, disent également qu'ils ne veulent tout simplement pas retourner en Syrie, car cela évoque pour eux des images d'horreur et les traumatise davantage.
Le syndrome de stress post-traumatique auquel ces enfants devront faire face dans les générations à venir est assez important et, à Aide à l'enfance, nous voulons le mettre au premier plan des solutions durables dont ce groupe précis a besoin. En particulier, lorsque nous parlons de solutions durables pour la population syrienne, cet angle ou cet élément de santé mentale et de soutien psychosocial est absolument crucial.
Merci à tous nos témoins d'avoir partagé leurs idées et d'avoir pris le temps, malgré leur horaire chargé, d'être ici avec nous ce soir.
Madame Gladding, comme vous le savez, le gouvernement est déterminé à aider à faire une réelle différence en Syrie, en Irak, en Jordanie et au Liban, en ayant engagé plus de 4 milliards de dollars depuis 2016. Comme vous l'avez souligné, dans le budget 2021, nous avons prévu environ 527 millions de dollars en 2021-2022 pour étendre la stratégie du Canada au Moyen-Orient.
Conformément à nos politiques féministes, nous constatons de solides résultats, en particulier pour les femmes et les filles, et nous nous concentrons sur la poursuite du soutien aux populations vulnérables. Dans cette optique, madame Gladding, quels sont les principaux besoins de protection, en particulier chez les femmes et les filles, et comment y répond-on dans cette crise?
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Merci beaucoup pour cette question.
Ce que nous constatons assurément, c'est qu'il y a des menaces réelles et des incidents réels d'agressions sexuelles et de viols. Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, chaque fille à qui nous avons parlé dans le cadre de notre évaluation nous a dit qu'elle vivait dans la crainte d'une agression sexuelle ou d'un viol, alors s'assurer que nous disposons des ressources nécessaires pour pouvoir fournir des services et assurer la prévention et la protection des femmes et des filles est certainement une priorité pour nous dans le cadre de notre travail.
Encore une fois, de manière générale, l'accès aux services de base — l'eau potable, la nourriture — est une chose qui ne concerne pas uniquement les femmes et les filles, mais celles-ci sont certainement incroyablement vulnérables au manque de ressources et à l'impact qui en découle.
Je dirais encore une fois que, bien que nous soyons certainement encouragés par le soutien continu de nos opérations par le gouvernement canadien, l'allocation à Affaires mondiales Canada est assez faible si l'on considère le soutien global dans le cadre de notre stratégie au Moyen-Orient, donc plus nous investissons de ressources pour nous assurer que nous pouvons répondre aux besoins des femmes et des enfants... Comme vous l'avez dit, nous faisons de bons progrès, mais les besoins continuent de dépasser de loin les ressources disponibles.
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L'autorité dirigée par les Kurdes, l'acteur non étatique qui gère ces camps, a une ligne de communication avec le gouvernement canadien. On nous a dit à plusieurs reprises que le gouvernement canadien s'enquiert auprès des autorités kurdes du bien-être des Canadiens qui sont là-bas.
Les autorités kurdes veulent certainement que ces Canadiens soient rapatriés. Elles faciliteraient l'accès consulaire par vidéo, par téléphone et ainsi de suite, mais c'est vraiment une question de volonté politique de savoir si Affaires mondiales Canada veut fournir une aide directe à ces Canadiens, leur délivrer des documents de voyage et confirmer la citoyenneté des enfants qui sont maintenant apatrides.
Essentiellement, c'est une question de volonté politique. Il existe des moyens et des solutions créatives pour fournir une aide consulaire à ce groupe de Canadiens. Nous avons vu des dizaines de pays, qui n'avaient pas non plus de présence consulaire en Syrie, faire exactement cela: rapatrier leurs ressortissants et leur fournir une assistance consulaire.
Il y a un consulat canadien à Erbil qui pourrait certainement faciliter cela. Il y a un envoyé spécial pour la Syrie qui est établi dans notre ambassade à Beyrouth, donc il y a vraiment un certain nombre de mécanismes en place par lesquels fournir une aide consulaire sans être physiquement présent en Syrie, tant qu'il y a la volonté politique de le faire.
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Merci, monsieur le président.
D'abord, je veux remercier les témoins d'être parmi nous ce soir. Nous leur en sommes extrêmement reconnaissants. C'est un sujet qui nous préoccupe beaucoup.
Je vais poser ma question à Mme Gladding, mais, si les autres témoins veulent y répondre par la suite, je les invite à le faire.
On sait qu'une enquête canadienne a révélé que la Turquie avait utilisé de l'équipement canadien, en l'occurrence des drones, à des fins de surveillance et de ciblage en Syrie.
C'est peut-être une question un peu farfelue, mais le fait que le Canada a arrêté de vendre des armes à la Turquie le mois dernier a-t-il changé quelque chose, ou était-ce trop peu trop tard?
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Je veux faire deux remarques en réponse aux questions du député.
La première concerne l'utilisation de la technologie. Le secteur des Procédures spéciales des Nations unies reste profondément préoccupé par l'utilisation de la technologie de surveillance et des données dans le nord-est de la Syrie, y compris son application aux ressortissants canadiens et d'autres pays tiers. Une lettre officielle a été envoyée à votre gouvernement sur ce point particulier concernant la collecte des données biométriques des personnes détenues dans le nord-est de la Syrie, y compris les ressortissants canadiens. Cette question est d'actualité. Elle est prémonitoire. Nous sommes profondément préoccupés par la possibilité que ces données, notamment celles sur les enfants, soient partagées avec d'autres forces de sécurité et d'autres acteurs et États.
En ce qui concerne le droit humanitaire international, il est tout à fait clair que les droits de la personne et le droit humanitaire, qui se chevauchent, s'appliquent également à la Turquie en tant que partie engagée dans cette zone de conflit. Cela inclut notamment le droit en matière d'occupation dans les parties de la Syrie où la Turquie exerce un contrôle effectif, y compris les sites de détention. Cela inclut également la pleine application de la quatrième Convention de Genève à la détention des ressortissants de pays tiers, y compris les ressortissants canadiens.
Cette question est, pour le moins, extrêmement délicate. Le mandat que j'exerce est au courant de cette question, qui l'inquiète profondément, et plus particulièrement la détention de ressortissants de pays tiers par des États dans le nord-est de la Syrie, et pas seulement par des acteurs non étatiques.
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Je vous remercie de cette possibilité.
Je dirai brièvement que mon mandat a été en communication publique directe avec le gouvernement turc concernant sa loi sur le terrorisme, mais plus récemment, au cours des quatre derniers mois, au sujet de son adoption d'une loi sur la lutte contre le financement du terrorisme. Cette loi est utilisée pour cibler directement la société civile, les défenseurs des droits de la personne et ceux qui sont en désaccord avec le gouvernement.
Nous avons explicitement déclaré que l'utilisation de mesures antiterroristes contre la société civile constitue une violation du droit international. Il s'agit, en fait, d'une distorsion des raisons pour lesquelles nous avons des mesures antiterroristes en premier lieu.
Je suis profondément préoccupée par le fait qu'un certain nombre de gouvernements — et mon bureau l'a signifié explicitement à la Turquie — utilisent abusivement la loi antiterroriste pour saper des actions légitimement protégées — liberté d'expression, de parole, de réunion, de vie familiale, de participer aux affaires publiques — en invoquant la terminologie du terrorisme pour légitimer et justifier des actions qui contreviennent au droit international.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier profondément tous nos témoins de leur présence.Ce sont des témoignages déchirants à entendre. Ce n'est pas la première fois que nous les entendons ici, et je vous remercie de nous en faire part à nouveau. C'est très important.
Je tiens à me pencher d'abord une partie des témoignages que nous avons entendus. J'ai pensé que je pourrais commencer par vous, madame Ní Aoláin. Je suis sûre que j'ai charcuté votre nom, et je vous prie de m'en excuser.
Vous avez dit que des ressortissants canadiens sont détenus par des acteurs non étatiques et que leur détention est, en fait, contraire au droit international. C'est contraire à la loi. Je vais vous poser quelques questions pour m'assurer que cela figure au compte rendu et que c'est bien clair. Est-ce exact?
Je pense que les défis engendrés par ces violations du droit international des droits de la personne — celles que les intervenants précédents ont mentionnées — situent déjà le contexte de telles conséquences. Chaque fois que le Canada se prononcera sur ces obligations internationales en matière de droits de la personne au sein de la communauté internationale, qu'il exigera des mesures et demandera que d'autres pays prennent des mesures sur ces questions, il y aura un déficit de crédibilité.
La récente initiative concernant la détention arbitraire d'État à État est l'une des choses que j'ai évoquées dans ce contexte. Comment le Canada peut-il avoir une voix internationale puissante sur la question de la détention arbitraire, alors qu'il a la capacité de mettre fin à la détention arbitraire de citoyens canadiens dans le Nord-Est de la Syrie et que, malheureusement, il n'intervient pas?
Cela vaut aussi, bien sûr, pour l'autre exemple que j'ai soulevé, celui d'une politique étrangère féministe. Nous avons ici une situation où certains des actes que Mme Deif vient de mentionner auraient pu avoir lieu. Nous ne connaissons pas parfaitement le contexte, mais nous savons que les violations que ces personnes subissent en ce moment comportent de la violence sexiste.
Comment le Canada peut-il promouvoir une politique étrangère féministe sur la scène internationale alors que rien n'a été fait pour remédier à la violence sexiste dont sont victimes des citoyennes canadiennes dans ces camps? Le gouvernement du Canada a tout à fait les moyens d'y remédier. Il s'agit d'un risque bien réel pour la crédibilité de notre politique étrangère, et je pense que le sous-comité est parfaitement bien placé pour le soulever.
Afin d'assurer le bon déroulement de la séance, je vais inviter tous les participants à désactiver leur micro lorsqu'ils n'interviennent pas.
Veuillez faire tous vos commentaires par l'entremise de la présidence. Lorsqu'il vous restera 30 secondes de temps de parole, j'afficherai ce message pour vous le signaler. Pour ceux qui ont besoin d'interprétation, en français ou en anglais, elle est disponible en cliquant sur l'icône du globe au bas de votre écran. Veuillez tous noter que les captures d'écran et les photos sont interdites.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins, bien que nous ne soyons pas sûrs que le pluriel s'impose. Nous avons en tout cas un témoin. Nous avons avec nous ce soir Juan Pappier, chercheur principal pour les Amériques à Human Rights Watch.
Monsieur Pappier, vous disposez de six minutes pour votre déclaration préliminaire.
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Merci, monsieur le président.
C'est un honneur pour moi de comparaître devant vous au nom de Human Rights Watch pour discuter de la situation en Colombie.
Je dois dire que cette séance n'aurait pas pu avoir lieu à un moment plus opportun. La Colombie vit les plus hauts niveaux d'agitation sociale de ces dernières décennies. Depuis le 28 avril, des milliers de Colombiens descendent dans les rues des villes du pays pour protester contre un projet de réforme fiscale. Le gouvernement a retiré le projet quelques jours plus tard, mais les manifestations se poursuivent contre d'autres politiques officielles.
Certains manifestants se sont livrés à des actes de violence graves, mais la plupart sont restés pacifiques. [Difficultés techniques] Human Rights Watch a affecté une équipe de chercheurs pour suivre la situation. Nous avons reçu des rapports faisant état de 47 décès depuis le début des manifestations. Dans au moins 10 cas, les premiers témoignages donnent à penser que des policiers pourraient être responsables. Nous avons également documenté plusieurs cas de passages à tabac, de détention arbitraire et même d'agressions sexuelles contre de manifestantes.
La situation en Colombie n'est pas seulement préoccupante en raison de ces manifestations. La violence commise par des groupes armés, notamment les guérillas, les groupes mêlés au trafic de drogue, les groupes issus de la guérilla des FARC et d'autres, s'est intensifiée ces dernières années en Colombie. Le taux d'homicides national a diminué, mais certaines régions reculées du pays risquent fort de retrouver les niveaux de violence qui existaient avant l'accord de paix de 2016 avec la guérilla des FARC.
L'an 2020 a été le plus meurtrier en ce qui concerne le nombre de défenseurs des droits de la personne tués en Colombie, du moins depuis la signature de l'accord de paix. Selon le bureau de l'ombudsman de notre pays, 182 défenseurs des droits de la personne ont été tués l'an dernier. Ces chiffres montrent que la Colombie est l'un des pays les plus meurtriers au monde pour les défenseurs des droits de la personne. De plus, selon les chiffres de l'ONU, il y a eu 76 massacres en 2020, le chiffre le plus élevé depuis 2014.
Dans un rapport publié en février 2020, Human Rights Watch a constaté que la plupart des mécanismes visant à protéger les membres de ces communautés vulnérables présentent de graves lacunes ou sont à peine fonctionnels. La protection que les entités gouvernementales offrent aux personnes qui risquent d'être maltraitées par les groupes armés est très limitée. Nous avons présenté les conclusions de notre rapport au président de la Colombie, Ivan Duque, et nous lui avons fourni une liste de recommandations concrètes pour régler ce problème. Malheureusement, nous n'avons vu aucun signe que lui ou son gouvernement sont prêts à changer de cap.
Mesdames et messieurs, je me réjouis de cette importante séance à un moment critique pour la Colombie. La situation dans le pays, tant dans les villes où les gens manifestent que dans les régions rurales, est préoccupante et nécessite un examen international, y compris de la part des autorités canadiennes.
Je vais m'arrêter ici. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci. La question est très importante.
Je pense qu'il y a deux aspects importants. Premièrement, la diplomatie publique fonctionne en Colombie et elle est très importante. Lorsque nous avons publié notre rapport, nous avons rencontré le Président, mais nous avons aussi obtenu une réponse des autorités de haut niveau qui semblaient être intéressées par la question. En parallèle, nous avons reçu des appels de fonctionnaires de niveau intermédiaire, bien intentionnés, qui ont dit: « C'est très important parce que cela donne du pouvoir à ceux d'entre nous qui veulent bien faire les choses ».
Je pense que mon premier message est que la diplomatie publique et l'expression de préoccupations relatives à la situation des droits de la personne sont très importantes.
Deuxièmement, certaines institutions gouvernementales font un travail décent en Colombie et méritent d'être soutenues par l'aide du gouvernement canadien. Par exemple, une unité au sein du bureau du procureur général, l'unité des enquêtes spéciales, fait un bon travail. Il y a encore place à l'amélioration, mais elle fait du bon travail en enquêtant sur les meurtres et les assassinats de défenseurs des droits de la personne.
Enfin, bien sûr, de nombreux groupes importants de défense des droits des femmes en Colombie méritent d'être soutenus, reconnus et financés. Ils font un travail précieux et souvent très courageux, et ils méritent d'être soutenus par le gouvernement canadien.
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Je vais alors résumer l'allocution que j'avais préparée, qui était plus longue.
Je veux d'abord saluer les honorables membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne et les remercier grandement de m'avoir invité.
Je représente ici les Colombiens et les Colombiennes résidant au Canada ainsi que plusieurs organismes qui ont été solidaires à notre cause, soit la lutte contre les violations des droits de la personne en Colombie.
Depuis son élection, M. Duque s'oppose fortement à l'Accord de paix conclu avec les FARC. Dans le contexte de toutes ces oppositions, on a vu comment des milliers de leaders sociaux ont été assassinés sans que le gouvernement prenne vraiment de mesures pour corriger la situation.
Le peuple colombien manifestait depuis 2019, mais la pandémie a renvoyé les gens chez eux, les condamnant à rester enfermés, en quarantaine. Les Colombiens ont perdu leur qualité de vie. Selon le bureau de statistiques de la Colombie, environ 42 % des Colombiens sont pauvres, ce qui signifie qu'ils gagnent moins de 5 $ par jour. C'est l'une des conséquences de la mauvaise gestion de la pandémie. Personne n'a eu de revenu garanti pendant la pandémie; cela a duré six mois.
Le gouvernement a ensuite proposé une réforme fiscale, qui imposait une taxe de 19 % sur les produits de base, dont les produits alimentaires comme le café et les œufs, et même sur les services funéraires. De plus, elle prévoyait imposer les retraités en percevant jusqu'à 41 % des pensions. Les gens étaient en colère, parce que la pandémie les avait frappés très fort. Je tiens à préciser que 72 000 personnes sont décédées durant la pandémie. Le taux actuel de pauvreté de 42 % est insoutenable pour la population.
Même si la troisième vague de COVID-19 était à son zénith, la population a décidé de manifester contre cette réforme fiscale injuste. Le 28 avril, une grève générale illimitée a été déclenchée relativement à la réforme fiscale. Même si le projet de réforme fiscale a finalement été retiré, les gens ont continué à manifester contre d'autres réformes, comme celle visant à privatiser complètement la santé. Ils se sont aussi opposés à l'épandage aérien de glyphosate.
Dès le début de la grève, les policiers ont démontré de la brutalité et commis des abus envers les manifestants, tirant même sur eux. Devant le refus de la population de mettre fin à la grève, le gouvernement a déployé des militaires dans les villes.
Selon les organismes de défense des droits de la personne Temblores et Indepaz, entre le 28 avril et le 8 mai, 12 femmes ont été victimes d'agressions sexuelles commises par des membres de la police, ce qui révèle qu'ils utilisent les femmes captives comme des butins de guerre. Par ailleurs, les forces de l'ordre sont responsables de 52 % des violences homicides, la plupart des victimes ayant été tuées par les balles de la police. Il y a eu 36 homicides à Cali, une ville bordée par le Pacifique. De plus, 548 personnes sont portées disparues, ce qui constitue une atteinte grave à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. En outre, 489 personnes ont été blessées, 33 personnes ont souffert de lésions oculaires, 48 personnes ont été blessées par des armes à feu et 69 défenseurs des droits de la personne ont été agressés par des agents de la police. De surcroît, des gens offrant des services médicaux aux manifestants ont été victimes d'agressions commises par des policiers, sans compter que les membres de la mission de vérification de l'ONU ont, eux aussi, été victimes d'intimidation par les forces de l'ordre à Cali.
Le 4 mai, le Défenseur du peuple de la Colombie a pour sa part fait un bilan de 19 morts, 89 disparus et 846 blessés. Depuis ce temps, le site Web du Défenseur du peuple n'est plus accessible.
Les vidéos que la population a partagées sur les réseaux sociaux, que vous avez possiblement déjà vues, démontrent la gravité de la répression des gens, même de ceux qui manifestent de façon pacifique, notamment lors de veillées aux chandelles, ou qui manifestent par l'entremise de performances artistiques. Ces vidéos démontrent aussi la manière dont les forces de l'ordre attendent la tombée du jour pour couper l'électricité et Internet, et faire disparaître des manifestants. C'est comme s'il s'agissait d'une dictature. La police et l'armée agissent envers les manifestants comme s'il s'agissait d'un groupe armé en guerre civile.
Dernièrement, on a aperçu des policiers vêtus en civils qui tiraient sur les manifestants, ainsi que des groupes paramilitaires qui se promenaient dans les villes en proférant des menaces aux manifestants. Le 9 mai, des Autochtones de Cauca, dont parlait un autre intervenant hier...
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Merci beaucoup, c'est très gentil.
Je voudrais seulement terminer la partie concernant le Canada.
Le Parlement européen a jugé important d'arrêter l'escalade de la violence. Les États-Unis se sont prononcés contre la grande violence envers les manifestants. Amnistie internationale a demandé que cessent la répression des manifestations et la militarisation des villes.
Le Canada a établi des liens commerciaux très forts avec la Colombie. Un accord bilatéral économique existe depuis 10 ans. Les conséquences de cet accord sur l'économie et sur les droits de la personne ont été assez difficiles pour la société colombienne. Le Canada a appuyé par des subventions et des interventions politiques les actions de plusieurs des entreprises canadiennes en Colombie.
Le , a prononcé hier une déclaration où il a condamné l'usage disproportionnel de la force par les forces de l'ordre et défendu le droit de manifester de manière pacifique. Dans cette déclaration, cependant, le ministre a mis l'accent sur le vandalisme, les attaques envers des fonctionnaires publics et le blocage des autoroutes, et exprimé son soutien au gouvernement colombien dans sa volonté d'enquêter sur les violations des droits de la personne. Cette déclaration démontre une mauvaise interprétation de la situation en Colombie, qui ne tient pas compte de la responsabilité de l'État et du gouvernement dans les graves violations des droits de la personne enregistrées, ni du fait que le vandalisme est en partie promu par les forces obscures liées à l'État, ni de la situation perpétuelle d'impunité pour des crimes perpétrés par l'État depuis des décennies.
Le gouvernement du Canada, dirigé par le , doit assumer sa part de responsabilité dans ce conflit et condamner sans hésitation la répression actuelle, tout en s'assurant que les forces armées seront retirées des villes afin que cesse la répression et que les droits des personnes participant aux manifestations soient respectés. Nous aimerions qu'une mission d'observation permette de protéger la vie de ceux qui restent dans la rue.
Merci.
Le gouvernement colombien va complètement à l'encontre des droits de la population. Il a lui-même appuyé les forces armées après avoir vu des vidéos qui démontraient sans l'ombre d'un doute que les forces armées et la police tiraient sur les manifestants. Cette attitude démontre son non-respect des droits internationaux de la personne.
Le gouvernement colombien fait preuve d'une totale hypocrisie sur le plan de ses relations internationales avec le Canada et les États-Unis. Tout le monde sait que le Canada est un pays qui promeut la démocratie. Même lors de sa dernière déclaration, le président a dit qu'il promouvait la protection des droits de la personne. Un représentant des États-Unis qui a regardé les vidéos a dit qu'on y voyait les policiers tirer sur les manifestants. Malgré cela, le président nie que la police ait tiré sur les manifestants et nie que les manifestants aient été pacifiques. Ils ont pourtant tiré sur les participants lors de veillées aux chandelles et lors d'actions culturelles organisées par les communautés.
Plus de 40 personnes sont décédées aux mains de la police. Ce n'est pas ainsi qu'on démontre une volonté politique de mettre fin à la violence. Si le gouvernement voulait mettre fin à la violence, il aurait déjà ordonné de retirer les militaires des villes et il aurait parlé avec les manifestants. Cependant, on ne tient pas compte d'eux. Pourtant, les manifestants ont dit que c'était grâce à la solidarité des gens qu'ils pouvaient maintenant se nourrir, ce qu'ils ne pouvaient pas faire avant.
Le gouvernement colombien n'écoute pas ses citoyens et impose des réformes. Il a même acheté des armes et des avions au lieu de dépenser cet argent pour les personnes qui ont souffert des effets de la pandémie.
Le gouvernement colombien dit être un défenseur des droits de la personne, mais ce n'est pas le cas. Cela est regrettable.
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Je voulais justement clarifier ce point.
En effet, nous avons été traités de vandales. Pourtant, on a pu voir des images montrant des policiers habillés en civils et munis de bâtons dans l'objectif d'aller se bagarrer et détruire des endroits publics. Tout le monde peut voir ces vidéos.
Même s'il y avait des vandales, il ne faut pas oublier que tout le monde mérite d'être traité équitablement devant la justice, comme le prévoit le droit international. Pourquoi les policiers tirent-ils sur la population? C'est une réponse disproportionnée. Pourquoi tirent-ils massivement sur les gens? S'ils savent qui sont les vandales, qu'ils les cherchent, qu'ils les trouvent et qu'ils les traduisent en justice. Pourquoi doivent-ils assassiner les gens?
Le vandalisme, c'est seulement une excuse qui ne tient pas la route.
D'ailleurs, le représentant des États-Unis qui a regardé les vidéos a dit que l'idée du vandalisme était un sophisme et que c'était une théorie conspirationniste qui permettait de justifier les assassinats qui ont cours en Colombie.
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Premièrement, les manifestants demandent au gouvernement de retirer l'armée de la ville.
Deuxièmement, ils demandent une réforme de la police. Actuellement, la police fait partie du ministère de la Défense, alors c'est une entité militaire. C'est pour cette raison que la police traite les manifestants comme s'ils étaient un groupe armé, notamment en les assiégeant. Les gens demandent que l'escouade antiémeute soit démantelée et qu'on crée une police qui soit plus au service de la population.
Troisièmement, ils demandent au gouvernement d'annuler la réforme du système de santé et de parler avec les manifestants qui sont dans la rue, car ce ne sont pas eux qui ont été invités au dialogue. Le gouvernement a plutôt engagé un dialogue avec son propre parti politique et l'appareil judiciaire. Or, tous ces intervenants ont dit que le gouvernement agissait bien et aucune critique n'a été formulée au sujet des disparitions et des morts. La dernière rencontre a eu lieu avec un comité de syndicalistes, le Comité national de grève, mais celui-ci ne représente pas les citoyens qui sont dans la rue, parce que les demandes de ces derniers vont au-delà de celles du Comité national de grève.
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Oui, si vous me le permettez.
Il est question de recherche et de données, mais j'aimerais dire que le système de justice en Colombie n'est pas de confiance. Le procureur général est très ami avec le président. On a démontré son incapacité à faire la lumière sur les fausses déclarations et sur les massacres. Jusqu'à maintenant, à cette période de l'année, il y a eu 27 massacres au pays. En Colombie, l'appareil de justice n'est pas compétent, parce qu'il est allié au gouvernement.
Comme je vous l'ai dit, ces gens ont déclaré que le gouvernement faisait des efforts pour améliorer la situation. Or, nous savons ce que le gouvernement a dit. L'ancien chef du parti, Álvaro Uribe, a écrit sur Twitter que la police et l'armée devaient tirer sur la population. Après qu'il a écrit cela, les policiers ont en effet tiré sur la population. Je ne fais pas confiance au gouvernement colombien en matière de justice, car il n'y a aucune preuve que la justice est appliquée.
Dans le rapport de l'Universidad de las Américas Puebla, on dit que la Colombie est le pays où l'on retrouve le taux d'impunité le plus élevé. Les situations impliquant les droits de la personne ne sont pas traitées sérieusement. Prenons comme exemple la situation des femmes. On a connu le cas d'une dame qui était professeure et qui s'est fait enlever par des policiers. Ces derniers l'ont violée, l'ont empalée et l'ont découpée en morceaux. Ce sont des membres de la police qui ont fait cela, simplement parce qu'elle s'opposait à la réforme et qu'elle avait manifesté avec d'autres professeurs.
Nous savons que la lumière ne sera pas faite sur des événements de ce genre. En Colombie, cela peut prendre 20 ans. C'est seulement une fois que la Cour pénale internationale ou la Cour interaméricaine des droits de l’homme a prononcé un verdict que le gouvernement reconnaît de tels crimes.
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Merci, madame McPherson. Votre temps de parole est écoulé.
En notre nom collectif, je remercie les témoins de leur courage, de la bravoure dont ils ont fait preuve en venant nous raconter leurs histoires et en répondant aux nombreuses questions. Nous vous en remercions infiniment.
Mesdames et messieurs, j'aimerais m'adresser à vous. Je sais que plusieurs se sont manifestés.
Comme vous venez de l'entendre de la bouche de nos témoins, des personnes très courageuses ont comparu devant nous aujourd'hui. Je voulais m'assurer que ces témoins aient le temps de raconter leur histoire et de répondre à nos questions pendant le temps que nous avions prévu dans notre avis de convocation pour la séance d'aujourd'hui.
Sur ce, je sais que plusieurs ont soulevé une question délicate dont nous devons discuter. Elle est très délicate. Elle concerne des gens, alors nous préférerions en discuter à huis clos. Nous voudrions aussi être en mesure de leur rendre justice.
Je sais que plusieurs d'entre vous aimeraient débattre de la question que quelques personnes ont portée à mon attention, mais à ce moment-ci également, plusieurs...
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Monsieur Duceppe, je vous prie, respectueusement, de couper votre micro.
En fait, parlant de respect, il s'agissait du respect pour les témoins que nous avons entendu aujourd'hui, de faire preuve de respect envers les membres en soulevant un point aussi délicat à la dernière minue.
Je recommande aux membres — et nous verrons ce qu'ils en diront, car nous travaillons par consensus — qu'à notre prochaine séance, nous réservions du temps à huis clos pour discuter de ces questions délicates. C'est ce que je vous propose.
Il ne nous reste que quelques minutes avant de lever la séance et je demande aux membres de lever la séance. Il est actuellement 20 h 33.
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Monsieur le président, en tout respect, j'avais signalé cette question au Comité plus tôt aujourd'hui. Nous avons eu le temps de nous organiser. Vous aviez le temps de trouver un substitut à tout membre qui n'était pas en mesure de rester.
La vie de quelqu'un est en jeu, et vous suggérez que nous en discutions dans deux semaines. Nous n'avons même pas de séance du Comité la semaine prochaine, mais dans deux semaines d'aujourd'hui. C'est absolument inacceptable.
Il s'agit d'une personne qui a comparu devant nous et du risque qu'elle court parce qu'elle l'a fait: voilà la responsabilité que nous devons assumer. Dire que les 10 minutes, les 30 minutes ou l'heure que cela prendrait, franchement, serait pour nous une perte de temps et, néanmoins, nous pouvons attendre deux semaines et demander à cette personne d'attendre deux semaines...
Soit nous devons faire quelque chose ce soir, soit nous devons organiser une séance d'urgence demain. Je pense qu'il est inconcevable que vous puissiez même suggérer que nous attendions deux semaines complètes pour traiter de cette importante question urgente.
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Merci, monsieur le président.
Mme McPherson a dit exactement ce que je voulais dire. Au besoin, je pense que nous devons envisager de convoquer une séance d'urgence pour gérer cette situation. En fait, à l'époque où nous parlions de témoins qui participaient aux études sur Hong Kong, j'ai demandé au Comité si nous pouvions prévoir des mesures spéciales pour protéger l'identité des témoins et régler aussi des préoccupations relatives à la sécurité, etc.
Ce n'est pas tout à fait nouveau. Je pense qu'il est clair qu'entre les conservateurs, les bloquistes et les néo-démocrates, nous sommes en voie d'établir un consensus rapide, et je crois que de nombreux députés libéraux penchent probablement de notre côté.
J'aimerais que vous reconsidériez ou que vous envisagiez une solution de rechange.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président. J'essayerai d'être très bref.
La première chose que je tenais à dire, c'est que je suis conscient du moment de l'Iftar. En fait, il est affiché sur mon autre écran d'ordinateur. On indique que l'Iftar est à 20 h 34 ce soir, et nous avons dépassé 20 h 34, donc je veux faire preuve de respect, et je pense que nous devrions tous le faire.
Cela dit, et compte tenu des difficultés que vous et les greffiers éprouvez pour trouver du temps, pourriez-vous demander d'essayer d'organiser une séance dès que possible, soit demain, et si ce n'est pas demain, jeudi? Pour ma part, je suis prêt à accepter une séance à n'importe quel moment, et s'il m'est impossible d'être présent, je veillerai à me faire remplacer. J'espère que les autres pourront s'engager à faire de même. La tenue de la séance est vraiment d'une importance capitale, mais j'ai confiance en vous pour trouver le moment le plus opportun, si nous en faisons la demande.