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Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue à la 24
e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne.
J'informe les membres du Comité qu'il y aura trois ou quatre séries de questions à l'intention des témoins, après quoi nous prendrons une courte pause afin de poursuivre la séance à huis clos pour discuter des travaux du Comité et de nos prochaines réunions.
Nous nous réunissons aujourd'hui pour une séance d'information sur la situation en Iran.
Pour assurer le bon déroulement de la séance, j'invite tous les participants à mettre leur micro en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole et à adresser tous leurs commentaires à la présidence. Quand il restera environ 30 secondes à votre temps de parole, je vous ferai signe en levant ce carton, pour que les témoins et les députés le sachent.
Nous avons accès aux services d'interprétation. Vous verrez une icône en forme de globe au bas de votre écran. Vous pouvez sélectionner l'anglais ou le français, ou encore laisser le tout tel quel si vous êtes bilingue. Veuillez noter qu'il est interdit de faire des captures d'écran ou de prendre des photos pendant la séance.
Nos témoins des deux prochaines heures seront les suivants: Kamran Saghah — je m'excuse si je prononce mal votre nom — représente l'Association of Iranian Ex Political Prisoners in Canada. Nous accueillons également deux représentants de l'Iran Democratic Association, soit Shahram Golestaneh, président, et Simin Boorchi, ancienne prisonnière politique.
J'informe les témoins qu'ils ont un maximum de six minutes pour nous présenter leur déclaration préliminaire.
Nous commencerons par M. Saghah. Je partirai le chronomètre pour environ six minutes, donc je vous prie de commencer, monsieur Saghah, après quoi les autres témoins pourront enchaîner.
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Bonsoir à tous. C'est pour moi un plaisir de participer à cette réunion aujourd'hui. Je m'appelle Kamran Saghah, je suis un résident de Vancouver, en Colombie‑Britannique, et un fier citoyen canadien.
La violation des droits de la personne en Iran est un livre d'histoires inédites à donner mal au cœur à tout être humain. Le bilan honteux de l'Iran en matière de droits de la personne fait du régime iranien le plus grand exécuteur mondial de capital humain. L'impitoyable système judiciaire des mollahs est responsable de l'exécution de plus de 120 000 personnes, y compris des mineurs, des personnes âgées, des personnes ayant la double nationalité et des femmes enceintes.
J'ai moi-même passé une partie de ma jeunesse dans ses prisons iraniennes, où j'ai été témoin de mes propres yeux de brutalités inimaginables. J'ai été inculpé pour avoir lu le journal du MEK, le groupe qui s'opposait au régime. Nous étions un groupe de cinq personnes effectuant leur service militaire obligatoire de deux ans à l'été 1981. Mon soi-disant procès a duré environ trois minutes, sans avocat, sans aucune chance de me défendre. Le visage du soi-disant « juge » Fallahi et sa sentence ont marqué ma mémoire à tout jamais.
La détention, la torture et l'exécution sont un moyen de survie pour ce régime. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Plus de 30 000 prisonniers politiques ont été massacrés à l'été 1988. À l'époque, Ebrahim Raïssi, le principal candidat à la présidence en Iran, faisait partie du comité de la mort responsable du massacre dans lequel mon meilleur ami, Amir Anjadani, ainsi que certains de mes proches comme Ahmad et Agha Mohammad Tasharrofi ont perdu la vie.
Ali Younesi et Amirhosein Moradi, deux étudiants internationaux primés, ont été arrêtés en avril 2020 et accusés d'une série d'actes violents. Selon Amnistie internationale, pendant leur détention dans des cellules séparées, Ali Younesi et Amirhosein Moradi dormaient à même le sol et étaient parfois détenus aux côtés de personnes accusées de crimes violents. Les gens d'Amnistie internationale croient qu'ils sont demeurés détenus dans la section 209 parce qu'on souhaitait les forcer à passer aux aveux.
Plus de 150 manifestants innocents ont été tués en plein jour par les gardes du régime en novembre 2019. Plus de 4 500 d'entre eux ont été arrêtés et beaucoup sont toujours emprisonnés. Les manifestants protestaient alors contre une forte hausse des prix du carburant.
Navid Afkari, un champion de lutte médaillé d'or de 27 ans, a été exécuté en septembre 2020, après avoir été accusé d'avoir participé à des manifestations antigouvernementales. L'affaire a déclenché toute une campagne des groupes sportifs internationaux afin de réclamer la clémence pour les athlètes. Ses frères ont également été arrêtés et sont toujours en prison.
Il y a ensuite eu l'abattage de l'avion de ligne ukrainien par des missiles du CGRI, qui a causé la mort de 176 personnes, dont de nombreux citoyens canadiens. Il vaut la peine de souligner que la Cour supérieure de l'Ontario a jugé qu'il s'agissait d'un acte de terrorisme.
Plus de 4 300 personnes ont été exécutées en Iran depuis le début du règne de Rohani, dont 118 femmes à ce jour. Cependant, le nombre réel d'exécutions, et particulièrement celui d'exécutions de femmes, est bien plus élevé encore, puisque le régime des mollahs procède à la plupart des exécutions en secret, à l'abri du regard du public.
J'aimerais avoir plus de temps pour vous brosser un portrait plus détaillé des souffrances et de la misère du peuple d'Iran depuis 42 ans.
Je vous implore de ne pas oublier les prisonniers politiques en Iran.
M. Arzhang Davoodi, un ingénieur mécanique du Texas, croupit depuis 18 ans dans diverses prisons iraniennes sans un seul jour de répit. C'est la même chose pour le Dr Saeed Masoori, M. Saeed Sangar et beaucoup d'autres.
Malgré ces années atroces, l'avenir de l'Iran est aussi brillant que celui d'une étoile filante. Le désarroi, le mécontentement et l'insatisfaction du peuple d'Iran ont atteint un niveau explosif. La quête de liberté, de paix, d'un Iran dénucléarisé, d'élections libres, d'égalité des sexes est bien inscrite dans le plan en 10 points de Mme Rajavi, la présidente élue du Conseil national de la résistance iranienne pour un Iran prospère.
Au nom des milliers de Canadiens d'origine iranienne, je somme le gouvernement canadien et chacun d'entre vous de nous appuyer de toutes les façons possibles dans notre quête pour un Iran libre.
Je vous remercie de m'offrir cette tribune; j'ai hâte de répondre à vos questions.
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Bonsoir, mesdames et messieurs, honorables députés et monsieur le président.
Je souhaite vous remercier tous de me fournir l'occasion de discuter d'une question d'importance capitale, qui touche et touchera encore de nombreuses personnes dans le monde et au Canada.
Je tiens à remercier le Sous-comité, ses membres actuels comme ses anciens membres, pour avoir uni leurs voix pour défendre les droits de la personne dans le monde, et particulièrement en Iran.
M. Saghah a déjà parlé de certains des problèmes. Ma collègue, Mme Boorchi, vous parlera aussi des enjeux en cause dans la situation déchirante des prisonniers politiques et des prisons iraniennes.
J'aimerais pour ma part concentrer mes remarques sur deux questions, principalement. Je ne peux vous dire à quel point cette séance tombe à point pour aborder ces questions. La première est l'abattage de l'avion du vol PS752 d'Ukraine International Airlines par deux missiles du CGRI, alors que 176 passagers, dont 58 Canadiens, prenaient place à bord et y ont perdu la vie. La deuxième question que j'aborderai est la prétendue élection présidentielle iranienne.
Les événements liés à l'abattage du vol ukrainien ont déjà été décrits en détail pendant plusieurs réunions, et je suis certain que vous avez entendu les témoignages des membres des familles touchées devant le comité des transports et ailleurs, donc je ne répéterai pas ce qu'ils ont dit. Les familles des victimes sont dévastées. Tout ce qu'elles veulent, c'est la justice — la justice avant l'indemnisation —, elles veulent que les dirigeants iraniens soient tenus responsables de ce que la Cour supérieure de l'Ontario a qualifié d'acte délibéré de terrorisme. Je suppose que ce n'est pas trop demander.
Le ministre des Affaires étrangères, , a qualifié d'inadmissible le comportement de l'Iran concernant le vol PS752. Nous croyons qu'il y a suffisamment de preuves pour poursuivre l'Iran devant les tribunaux internationaux. C'est ce que nous demandons au Canada de faire, en plus d'inscrire le CGRI à la liste des entités terroristes.
Mon prochain thème — et je serai très bref, afin de laisser du temps pour les questions et les réponses — est celui de l'élection présidentielle factice du 18 juin, dans trois jours à peine. L'appel massif au boycottage de cette élection a atteint un niveau sans précédent ces dernières années. De larges pans de la société, de tous les horizons, qualifient de plus en plus l'élection sous ce régime de simulacre illégitime. Les mères des martyrs du soulèvement de novembre 2019 et les familles des prisonniers politiques exécutés ou emprisonnés — y compris les membres de la famille du champion de lutte iranien Navid Afkari, qui a été exécuté en 2020 — ont non seulement réclamé le boycottage de l'élection, mais se sont engagées publiquement à voter pour renverser le régime.
Les slogans comme « Nous ne voterons plus, car nous avons entendu trop de mensonges », « Le peuple n'a pas oublié que Raïssi est le meurtrier en série de 1988 » et « Réformateurs, partisans de la ligne dure, la partie est maintenant terminée », sont tellement répandus que les médias sociaux sont inondés de messages du genre.
Dans un message publié hier, un jeune homme a déclaré publiquement à Raïssi, le soi-disant favori à l'élection présidentielle iranienne, trié sur le volet par Khamenei, que les Iraniens savent désormais qu'il est le meurtrier en série de 1988 et qu'il savait qu'il mettait sa propre vie en péril en le disant. Il s'est dit prêt à en subir les conséquences et n'avoir qu'un seul souhait, qu'ils utilisent une corde de soie pour le pendre. Un autre homme a déchiré des affiches de Khamenei et supplié les gens de prendre soin de ses deux enfants s'il se faisait arrêter et exécuter.
L'élection dans ce régime est une farce, non seulement selon nous, mais même pour ceux qui sont tombés en disgrâce auprès du régime, y compris d'anciens présidents ou dirigeants de ce même régime qui ont participé aux atrocités de masse.
Raïssi, de même que beaucoup d'autres dirigeants du régime, serait le candidat parfait, selon nous, pour des sanctions Magnitski. M. Cotler, professeur au Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, a publié un rapport dans lequel il nomme les auteurs des pires violations des droits de la personne, parmi lesquels figure Raïssi, et recommande de les inclure à notre liste de sanctions.
Malheureusement, à ce jour, le Canada n'a pas inscrit un seul individu à sa liste de sanctions, ce qui n'est pas une politique responsable. Le minimum que le Canada puisse faire est d'inscrire les fautifs à cette liste et de désigner le CGRI entité terroriste.
Le peuple iranien décidera bientôt de son propre sort, mais le Canada peut et doit jouer un rôle, comme celui que nous avons joué à l'égard du régime de l'apartheid en Afrique du Sud. Le Canada doit appuyer le peuple iranien dans sa quête d'une république démocratique basée sur la séparation de la religion et de l'État, l'égalité entre les sexes, l'abolition de la peine de mort et un système judiciaire moderne respectant le droit international.
C'est ce que le peuple veut. Ce sont les principes mêmes qui figurent dans le plan en 10 points et la plateforme de la présidente élue du CNRI, Mme Rajavi, pour l'avenir de l'Iran.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'être parmi nous ce soir.
L'élection présidentielle en Iran doit se tenir cette semaine, plus précisément le 18 juin, et depuis la dernière élection, en 2017, beaucoup de choses ont changé dans le paysage politique iranien.
M. Golestaneh l'a mentionné dans sa déclaration préliminaire, mais j'aimerais entendre davantage M. Saghah et Mme Boorchi, pour connaître leur perception de l'élection présidentielle et tout ce qu'elle implique.
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Je vous remercie de cette question, monsieur Sidhu.
En réalité, ce qui se passe, c'est que le régime dictatorial iranien ne se compare pas aux dictatures classiques. C'est un gouvernement fasciste religieux. Il utilise tous les moyens, toutes les tactiques possibles pour rester au pouvoir. Je pense qu'il joue toutes ses cartes.
Je crois que le peuple est conscient maintenant que rien ne pourra se régler avec ce genre de régime. Les gens en sont de plus en plus conscients. Je peux vous dire que plus de 98 % de la population détestent qu'une élection soit déclenchée, mais malheureusement, les gens sont sous l'emprise des différents services secrets, qui rassemblent environ 53 organisations différentes chargées d'opprimer et de contrôler les gens.
Ma mère m'a appelé ce matin même. Elle est très âgée, elle a dans les 80, et elle a remarqué une chose, parce que notre maison se situe très près d'un aéroport presque plus utilisé de nos jours, parce qu'un autre grand aéroport a été construit dans le Sud de Téhéran. Elle me disait: « Tu n'as pas idée du nombre de passagers qui arrivent par avion. » Il y a tellement de gens qui boycottent l'élection sous ce régime qu'il fait venir des gens de l'extérieur, d'Irak, du Hezbollah et de ses réseaux partout dans le monde. Ces gens sont là, prêts, et le régime affirme que la population votera pour lui. C'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant.
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Premièrement, le peuple d'Iran ne croit pas qu'il s'agit d'une élection. C'est une sélection.
Dans toute élection, il devrait y avoir un certain nombre de partis différents. Les candidats vont à la rencontre des autres, ils parlent, on voit de nouveaux visages, mais ce n'est pas ainsi en Iran. Certaines personnes se porteront candidates. La plupart d'entre elles choisiront de se dévouer à 100 % au guide suprême. Le guide suprême choisira quatre, cinq ou six personnes parmi les candidats, puis demandera au peuple de choisir entre eux.
Bref, tous les candidats qui sont présentés actuellement viennent du gouvernement, tout le monde sait à quel point ils sont corrompus et ils participent à l'oppression du peuple, donc pour moi comme pour des millions d'Iraniens, ce n'est pas une élection. C'est une sélection, et tout le monde boycotte le processus. Beaucoup de personnes, des citoyens ordinaires, enregistrent des messages vidéo qu'ils publient sur Internet afin de demander aux gens de ne pas participer aux élections.
Nous devons tous unir nos esprits, nous prendre la main pour renverser ce gouvernement, parce que nous avons vu tellement de corruption depuis plus de 40 ans. Assez, c'est assez.
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Vous avez parlé des perspectives. En fait, c'est en grande partie ce qui est en jeu. Comme vous venez d'y faire allusion, d'importantes manifestations ont été tenues en Iran depuis 2018. Celle qui a été la plus violente, en tout cas du côté du gouvernement, a coûté la vie à 1 500 personnes en novembre 2019. Les manifestations ont tout de même continué à se multiplier, comme ce fut le cas après que l'avion ukrainien a été abattu. On peut recenser chaque jour en Iran entre 200 et 300 rassemblements pour manifester à l'égard de difficultés économiques, de problèmes sociaux et d'enjeux liés à la liberté d'expression ou à n'importe quel aspect de la vie. Il y a donc assurément à l'horizon des perspectives de changement et de soulèvement national.
Bien évidemment, ce régime d'oppression, comme l'indiquait M. Saghah, n'est pas un régime dictatorial traditionnel; c'est une forme de fascisme religieux qui a recours à toutes les méthodes et tactiques possibles pour opprimer la population. Je ne m'attendrais pas personnellement à ce que des millions de personnes sortent dans la rue, parce que c'est impossible, mais je serais porté à croire qu'une résistance structurée par des unités organisées fera très bientôt plier le régime.
Lorsque des gens défient ouvertement le régime — comme c'est le cas chaque jour — et j'ai mentionné quelques noms dans mes observations préliminaires... J'aimerais bien pouvoir...; je crois que les membres du Comité devraient avoir la possibilité... Je ne savais pas si vous acceptiez les documents vidéo comme éléments de preuve, mais je pense que nous pourrions tout de même en fournir une série aux membres du Comité pour qu'ils sachent comment les choses se déroulent dans les rues iraniennes.
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Merci, monsieur le président.
Je veux rendre hommage aux témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. Merci d'être là. Il faut espérer que votre courage et votre opiniâtreté porteront fruit et que l'Iran deviendra un de ces jours un pays plus libre et plus équitable où la justice et les droits de la personne sont respectés.
Nous avons reçu la déclaration écrite d'un autre témoin qui n'a pas pu se joindre à nous aujourd'hui. Parmi ses recommandations, il indique que nous devrions concentrer notre attention sur l'intimidation à l'endroit des Canadiens d'origine iranienne et sur le sort réservé à ces dissidents iraniens au Canada.
Puis‑je vous demander à tous les trois de nous parler de votre expérience personnelle à cet égard? Est‑ce qu'on exagère les choses, ou est‑il vrai que des dissidents iraniens sont victimes d'intimidation dans des pays étrangers comme le Canada?
Commençons par M. Saghah.
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Certainement. Il y a eu en fait de nombreux cas semblables.
Comme l'indiquait M. Saghah, et je vais le répéter, les victimes sont doublement victimisées. Je parle ici des personnes qui ont souffert lorsque le vol PS752 a été abattu. Bon nombre de ces personnes ont effectivement porté plainte auprès de la police et des services de sécurité. Certaines d'entre elles ont aussi rendu publics les appels de menaces qu'elles ont reçus, certains en provenance de l'Iran et d'autres d'ici même au Canada, pour leur demander de n'intenter aucune poursuite. Lorsqu'une victime d'un tel attentat, qui a perdu son épouse, sa fille ou un jeune enfant, est menacée de la sorte... On peut s'imaginer à quel point de telles menaces sont répandues.
Il est bien certain que j'ai été témoin au fil des ans de nombreux cas qui ont été signalés aux autorités. Certaines de ces menaces venaient du Canada, mais d'autres, et je dirais la majorité, émanaient de l'étranger, mais ciblaient des personnes vivant au Canada. Elles provenaient notamment d'individus liés au régime iranien qui ont acquis leur citoyenneté sous des prétextes bidon et qui vont dans d'autres pays pour menacer les gens de différentes manières.
Comme le soulignait Mme Boorchi, ils vont vous dire: « Nous savons qui vous êtes. Nous connaissons vos coordonnées. Nous savons quoi faire avec vous. » C'est très grave.
Je vous dirais à titre d'exemple que je suis au Canada depuis près de 32 ans. Pouvez-vous vous imaginer qu'ils ont appelé ma soeur, qui vit dans une autre ville, et l'ont amenée pour être interrogée par les services secrets. Ils lui ont demandé mes coordonnées, c'est‑à‑dire mon numéro de téléphone, mon adresse et tout le reste.
La dernière fois, elle leur a donné un dernier chiffre différent dans mon numéro de téléphone. Ils lui ont dit qu'elle se trompait et que mon numéro se terminait plutôt par tel ou tel chiffre. Vous pouvez voir comment ils s'emploient à alimenter cette crainte de l'Iran, même à l'étranger.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous ce soir.
Je veux souligner votre courage, votre résilience et la force dont vous faites preuve en étant avec nous aujourd'hui. L'étude que nous faisons est extrêmement importante.
Ma première question s'adressera à M. Golestaneh.
Vous êtes au courant de ce qui se passe en Iran présentement. Quelle est la situation des minorités ethniques et religieuses? De façon plus précise, pourquoi les Kurdes et les Baloutches souffrent-ils davantage? Quelle est la situation des baha'is et des autres minorités religieuses?
Pourriez-vous nous présenter un survol de ce sujet, s'il vous plaît?
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En fait, les minorités ethniques en Iran, et surtout dans les provinces frontalières, comme les Kurdes, les Baloutchis et les Arabes, je dirais, dans la province du Khouzistan, sont toutes victimes d'une double discrimination. Ce n'est donc pas pour rien que ces provinces figurent parmi les plus pauvres au pays et que leur situation ne s'est pas améliorée au cours des 42 dernières années.
Pour arriver à joindre les deux bouts et subvenir à leurs besoins essentiels, certains membres de ces minorités n'ont d'autres choix que d'accepter des emplois extrêmement difficiles comme le transport de carburant de part et d'autre de la frontière. On les appelle les kolbars ou les soukhtbars, selon qu'ils transportent des marchandises ou du carburant. C'est ce que font les Baloutchis et les Kurdes. Dans la plupart des cas, ils sont ciblés. Ils sont tués par le CGRI ou les gardes-frontières qui savent très bien que ce sont des gens démunis qui n'ont aucun moyen de se défendre. C'est ce qui a suscité des soulèvements importants au Baloutchistan et dans les villes kurdes, et c'est la raison pour laquelle le régime a si peur.
Vous avez cité le cas des Bahaïs. Au moment où on se parle... Pas plus tard qu'hier, je lisais un article nous apprenant qu'un autre champion de motocyclette bahaï s'était vu imposer une peine d'incarcération de huit ans. C'est vraiment chose courante. Ils n'ont pas le droit de faire des études supérieures, et on a fait état de leur triste sort à maintes reprises devant ce sous-comité et sur bien d'autres tribunes. Tous les membres des minorités religieuses et des minorités ethniques sont malheureusement lésés sur deux tableaux, d'abord parce qu'ils vivent en Iran et que la souffrance est le lot de tous les citoyens iraniens, et aussi parce qu'ils font partie d'un groupe minoritaire.
Dans le cas de M. Navid Afkari, un champion de lutte, le monde entier s'est mobilisé pour le sauver, mais ces protestations en provenance du Canada et de bien d'autres endroits sont malheureusement tombées dans l'oreille de sourds au sein du régime iranien du fait qu'il était devenu un symbole de la résistance et qu'il avait participé au soulèvement de 2018. Il faut également constater avec grand regret que ses deux frères ont été incarcérés et sont toujours derrière les barreaux, comme je l'indiquais précédemment.
Voilà maintenant que le reste de sa famille, y compris sa très courageuse soeur, Mme Elham Afkari, choisit de s'exprimer publiquement. Même si elle a été intimidée, arrêtée, harcelée et victime de toutes sortes de préjudices physiques et moraux, elle a décidé de dénoncer publiquement la situation. Elle a notamment déclaré il y a quelques jours à peine: « Je vais voter pour que ce régime soit renversé parce que ces gens‑là ont tué mon frère et infligé des souffrances à mes deux autres frères ».
À ce sujet, dans la réponse que j'ai reçue personnellement du ministre des Affaires étrangères à la suite de l'exécution de M. Afkari, on m'a indiqué que le Canada s'occupe du cas des deux frères incarcérés.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui sont des nôtres aujourd'hui. Je suis horrifiée par certaines des situations que vous nous signalez, et je regrette beaucoup que vous ayez à témoigner de choses aussi épouvantables.
Je veux d'abord parler du vol 752 qui a été abattu. Il va de soi que j'ai déjà discuté de la situation avec certains d'entre vous et que vous êtes sans doute nombreux à savoir que la circonscription d'Edmonton Strathcona et la ville d'Edmonton elle-même ont été disproportionnellement touchées par cette terrible tragédie. Nous avons vu la réponse du gouvernement du Canada et dû constater que le gouvernement iranien n'a pas vraiment fait le nécessaire dans les circonstances.
L'une de mes questions porte sur le soutien apporté aux familles. Quelles sont les demandes des familles touchées? Que pouvons-nous faire maintenant pour venir en aide à ces familles? Je pense en particulier à ces gens avec lesquels j'ai pu discuter qui s'inquiètent beaucoup de la sécurité et de la santé de leurs proches qui sont encore en Iran.
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
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Oui. Bon nombre de ces enregistrements audio ont été rendus publics. Il y a en a un qui a été diffusé sur les ondes de CBC. Je crois qu'il s'agissait d'un enregistrement exclusif, si bien qu'il ne m'est pas possible de l'utiliser, mais vous pouvez le trouver sur le site Web de CBC. Il s'agit d'un proche qui a reçu un appel en provenance de l'Iran où on le menaçait de représailles s'il prenait quelque mesure que ce soit.
Il y a également un enregistrement audio du ministre des Affaires étrangères de l'Iran, M. Zarif, qui a été diffusé. En Occident, plusieurs croient que M. Zarif est un réformiste. Il a pourtant déclaré en l'espèce que l'affaire n'irait nulle part parce qu'on était au courant, on savait ce qu'on voulait faire et qu'il n'y aurait assurément pas de suites. Il a essayé de blanchir l'ensemble du régime.
Ce n'est malheureusement pas un cas isolé. Son ministère a aussi été impliqué dans des actes terroristes commis dans d'autres pays, et notamment en Belgique. Pour la toute première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale, un diplomate iranien a été condamné et reconnu coupable d'actes terroristes. Il a été déclaré coupable d'avoir placé une bombe lors d'un événement regroupant des centaines de milliers d'Iraniens à Paris. On lui a infligé la peine maximale de 20 ans d'incarcération sans possibilité d'interjeter appel ou d'obtenir une libération conditionnelle.
Je sais qu'il y a dans ma ville, ici même à Ottawa, une animatrice de radio qui a fait la même chose. On l'a menacée en pointant une arme sur la tempe de son frère en Iran. On réclamait qu'elle abandonne son emploi ou qu'elle rentre en Iran, sans quoi son frère serait en danger.
Cela fait partie des choses que l'on peut observer couramment.
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Je crois que la question s'adresse à moi. Je vais y répondre rapidement.
Monsieur McKay, je ne sais pas si vous avez vu le rapport d'enquête d'un enquêteur canadien, Andre Milne, concernant cette tragédie, et les problèmes techniques qui l'ont amené à croire... Il a enquêté sur cette tragédie dès le premier jour.
En ce qui concerne votre question, il a soutenu, en fait... Je dirais qu'il ne s'agit pas de preuves concrètes. C'est une analyse, en soi. Ils ont essayé d'utiliser un bouclier humain afin d'éviter une intensification du conflit avec les États-Unis. À la suite de l'assassinat du général iranien Qasem Soleimani par un drone américain, au lieu de fermer l'espace aérien iranien et de le déclarer dangereux pour les vols de passagers, ils ont permis qu'une telle chose se produise.
C'est un rapport public qui a été publié à Vancouver, dans un hebdomadaire. Je peux envoyer le rapport au Sous-comité. M. Milne l'a également fourni aux autorités ukrainiennes et canadiennes. Il a estimé que l'Iran avait agi délibérément. C'est pourquoi les Iraniens ont demandé à tous les passagers s'ils avaient la citoyenneté américaine. Quelques passagers avaient la citoyenneté américaine, mais ils n'étaient pas à bord. Ils ont été refusés. Les Iraniens voulaient utiliser ce transporteur aérien de passagers comme bouclier humain afin de prouver... Au début, ils n'ont pas admis qu'ils l'avaient fait. Ils ont dit qu'il s'agissait d'un accident et que c'était en raison des hostilités avec les États-Unis, et ils voulaient donc l'utiliser comme bouclier pour se protéger.
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Oui, il y a différentes fractures, différentes ethnies en Iran, mais tous se disent Iraniens. Si c'est quelque chose pour l'Iran, tout le monde dit qu'il donnerait sa vie pour l'Iran. Les Baloutches le disent. Les chrétiens le disent. Les musulmans le disent. Les Kurdes le disent. Les Turcs le disent. Oui, nous avons différentes langues et religions, mais nous nous rassemblons tous autour d'un pôle, qui est l'Iran.
Oui, par ailleurs, il y a aussi différentes fractures. Je viens peut-être du Nord, M. Golestaneh vient peut-être de l'Ouest, et il y a d'autres personnes, mais nous nous considérons tous comme des Iraniens. Nous savons que notre patrie a besoin d'aide. Nous voulons être la voix de notre patrie. Ils ont détruit notre pays. C'était une terre fertile. Elle est maintenant déserte. Les gens vivent dans la misère et sont incarcérés. Des dizaines de milliers de personnes sont en prison pour avoir remis en question leur gouvernement. C'est inacceptable.
Puisque je vis au Canada, je peux vous parler librement et m'exprimer. Pourquoi ne pourrais‑je pas le faire dans mon pays? Nous avons 3 000 ans d'histoire. Il y a des gens religieux qui ne sont pas religieux. Ce sont des fascistes. Ils n'ont pas fait d'études. Quand je parle aux prêtres ici, ils disent qu'ils étudient le droit, la philosophie, et ceci et cela, mais ces gens ne font pas cela. C'est pourquoi nous voulons un changement et les gens comme eux ne veulent pas de changement.
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Oui. Quelle que soit leur interprétation de l'islam, ce n'est pas de quoi il s'agit.
Voyez-vous cette photo? J'espère que tout le monde la voit. Cette fille de 13 ans a été arrêtée. Ils ont dit — et ils ont inventé cela — que si la fille était vierge au moment de son exécution, elle irait au paradis. Ils ne veulent pas que ces gens aillent au paradis, parce qu'ils s'opposent à eux, et ils ont donc violé cette fille pour qu'elle n'aille pas au paradis. Ils veulent se substituer à Dieu. En ce qui me concerne, ce ne sont pas les gens qui me jugent en tant que musulmane; c'est Dieu qui juge ce que je fais. Parce qu'ils veulent montrer aux autres personnes que ce sont eux qui mènent, ils font même cela — ils agissent comme des juges et exécutent leurs propres enfants.
Prenez tout ce qu'ils disent au sujet du hijab, par exemple. Le hijab est obligatoire. Tout le monde doit en porter un. Qu'on soit chrétien, musulman, juif, ou peu importe, si l'on sort de la maison, on doit en porter un. Au début, ils lançaient de l'acide au visage des gens. C'est arrivé à Ispahan. En regardant sur Internet, on peut voir qu'il y a eu sept ou huit cas. Aujourd'hui, l'imam le dit à la prière du vendredi, et le lendemain, sept personnes se voient jeter de l'acide au visage.
C'est pourquoi je dis qu'il s'agit de fascisme religieux. Ce ne sont pas des gens religieux.
En fait, le régime iranien mène beaucoup d'activités d'influence au Canada. Heureusement, il y a tellement de preuves de cela. En effet, nous avons produit une entrevue de l'époque où il y avait une ambassade iranienne ici. Le troisième conseiller, ou le conseiller culturel, de l'ambassade a donné une entrevue en Iran et a déclaré qu'ils devaient infiltrer les institutions canadiennes et les institutions politiques en passant par les prochaines générations d'Iraniens au Canada. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'ambassade a été fermée. Tout ce que je dis, c'est que cela a été publié et bien diffusé.
En outre, un article a été publié dans le Toronto Sun il y a quelques années. Le dirigeant d'un groupe de réflexion canadien s'est vu offrir 80 000 $ pour produire un rapport contre la principale opposition iranienne, la qualifiant de secte ou de terroriste, etc. Il a refusé. Nous ne savons pas combien de personnes n'ont pas refusé.
Pour en revenir au présent, il y a quelques semaines, j'ai lu des articles sur le site Web de Global News et dans le National Post au sujet des activités d'influence de l'Iran et du Hezbollah, qui se servent des casinos de Vancouver pour blanchir de l'argent. Il y a deux ou trois ans, la Police provinciale de l'Ontario a mené une autre opération qui a permis de capturer cinq Iraniens impliqués dans le blanchiment d'argent à des fins politiques.
Il y a de nombreux cas de ce genre. Nous souhaitons... C'est une autre raison pour laquelle je crois que ce comité doit se réunir à nouveau — si tout va bien, à l'automne — pour faire une analyse plus détaillée des nombreux aspects des activités du régime iranien au Canada. Nous serions plus qu'heureux de fournir tous ces éléments d'information, dont la plupart proviennent de chercheurs canadiens ou d'autorités chargées de l'application de la loi, en fait, y compris la GRC, la PPO, la police de Vancouver, etc., concernant certains des gangs chinois, en fonction des derniers rapports sur le blanchiment d'argent et l'influence sur les universités et les institutions politiques canadiennes. Cela peut également faire facilement l'objet d'un suivi.
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D'accord, je crois que le grand échec a été toute la notion qui, malheureusement, a pris le dessus sur notre système politique, d'une manière générale. Je pense que, au sein du régime iranien, nous pouvons compter sur certains éléments dits modérés. Malheureusement, cela s'est avéré contre-productif et futile.
Cela renvoie à de nombreux exemples. Cependant, encore une fois, dans le contexte canadien, cela remonte au cas de Zahra Kazemi, la photojournaliste montréalaise qui a été arrêtée, violée, torturée et tuée en Iran simplement pour avoir pris des photos de familles de prisonniers politiques devant la prison d'Evin. Malheureusement, à la suite de cet événement, la réponse du gouvernement canadien a été très faible et nous n'avons pas donné suite à nos propres promesses.
Je me rappelle avoir eu une conversation avec l'un des prisonniers politiques libérés à l'époque, qui m'a dit que, juste après la tragédie, les responsables de la prison ont essentiellement rassemblé tous les prisonniers politiques et je vais vous dire ce qu'ils leur ont dit. « Regardez, nous avons tué une citoyenne canadienne et maintenant, le Canada s'excuse. Pour qui vous prenez-vous? Nous pouvons tous vous tuer et personne ne s'en soucierait. »
Ce n'est pas le message que nous devons envoyer au peuple iranien. Nous devons lui dire que nous soutenons son droit légitime à l'autodétermination et son droit légitime de choisir son propre avenir, et que nous soutenons sa résistance.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais encore une fois remercier nos témoins.
Je suis très intéressée… Au sein du Comité, c'est moi qui pose les dernières questions, et je m'intéresse beaucoup à la série de questions que nous venons d'explorer, c'est‑à‑dire ce que le Canada peut faire à cet égard. Quelles sont les mesures pratiques, à court et à long terme, que vous aimeriez voir le Canada adopter pour aider le peuple iranien et soutenir un peuple iranien libre?
J'aimerais d'abord entendre M. Saghah, et ensuite chaque témoin prendra la parole pour formuler ses derniers conseils sur les mesures concrètes que le Canada devrait prendre à court et à long terme.
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En tant que femme iranienne, j'ai toujours admiré Mme Rajavi. Depuis près de 40 ans, elle est à l'avant-plan des efforts liés à la liberté des femmes et elle défend les droits des femmes en Iran. Vous pouvez étudier les politiques et parler avec elle. Vous pouvez parler aux autres groupes iraniens qui sont peut-être actifs.
Nous ne voulons rien qui sorte de l'ordinaire. Tout ce que les Canadiens acceptent pour eux-mêmes devrait être acceptable pour nous aussi, les femmes iraniennes. Dans le cadre des communications et des consultations économiques, on doit se rappeler de toujours faire passer les droits de la personne en premier.
D'énormes violations des droits de la personne sont commises en Iran, et ce, dans toutes les sphères de la société. Peu importe qu'il s'agisse de personnes instruites ou non, de femmes, d'hommes, de personnes âgées ou de jeunes, tout le monde en souffre. Nous voulons que cela soit…
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Certainement. Je vous remercie, madame McPherson.
En ce qui concerne les recommandations stratégiques sur ce que le Canada peut faire ou même sur ce que les députés — ou chaque personne ou chacun d'entre vous — peuvent faire, il faut adopter une position ferme à l'égard de l'Iran. La désignation du Corps des Gardiens de la révolution islamique représente une façon d'y arriver.
Deuxièmement, le Canada dispose d'un outil appelé les sanctions en vertu de la loi Magnitski. Il existe de nombreuses organisations de défense des droits de la personne. Je n'en ai cité qu'une, celle de M. Cotler, mais il y en a beaucoup d'autres.
Même l'Union européenne, qui entretient tant de relations avec l'Iran, a inscrit 89 personnes sur sa liste de sanctions en raison d'atteinte aux droits de la personne. Au Canada, nous n'avons toujours pas un seul fonctionnaire iranien sur la liste des sanctions en vertu de la loi Magnitski, et je me demande pourquoi. Nous avons des personnes de l'Arabie Saoudite, du Venezuela et de nombreux autres pays, mais pas d'Iran. C'est troublant pour le peuple iranien, qui conclut qu'il y a complicité.
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Je tiens à remercier tous les témoins de comparaître aujourd'hui et d'avoir le courage de nous parler.
Nous comprenons tous à quel point cette situation est difficile pour vous et vos familles. Nous soutenons et respectons pleinement ce que vous faites, et nous vous remercions.
Nous parlions plus tôt des sanctions. Pour le compte rendu, si je comprends bien, à l'heure actuelle, le Canada a pris des sanctions contre 41 personnes et 161 entités iraniennes en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Cela signifie que des sanctions visent 12 personnes et 10 entités. Je ne dis pas que c'est suffisant pour mettre fin aux violations des droits de la personne commises par l'Iran.
J'aimerais donner la parole à Mme Boorchi pendant un moment, s'il vous plaît.
Dans votre présentation, on indique que vous étiez une prisonnière politique. Si vous êtes à l'aise de nous en parler, j'aimerais vous donner l'occasion de le faire.
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Certainement. Je m'appelle Simin, comme vous le savez. Je suis une ancienne prisonnière politique. Je vis à Brantford, en Ontario, et je suis infirmière. J'aimerais vous parler des épreuves que m'ont fait subir le régime iranien et le Corps des Gardiens de la révolution islamique.
J'avais seulement 19 ans. Au milieu de la nuit, huit hommes ont escaladé le mur de ma maison, se sont frayé un chemin jusqu'à ma chambre, m'ont mis un fusil sur la tempe et m'ont dit de ne pas bouger. L'un d'eux m'a dit de m'habiller et de le suivre. Mon frère avait un an de moins que moi. Il a demandé à ces hommes où ils emmenaient sa soeur. Ils lui ont demandé en retour s'il voulait venir aussi. Il a dit oui. Puis ils nous ont bandé les yeux à tous les deux, nous ont jetés à l'arrière d'une voiture et nous ont emmenés sous les yeux de mes parents.
Cette nuit‑là, je suis entrée dans un monde inconnu, un monde auquel je ne pouvais pas croire à l'existence. Pendant un an et demi, j'ai été témoin de l'agonie et de la torture que les autorités carcérales infligent aux personnes qui leur sont confiées. C'était inimaginable et horrible. Il s'agissait de torture physique, émotionnelle et psychologique, et ce, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, comme des coups de fouet au point de perdre la plante des pieds ou parfois un doigt, la pendaison au plafond, les décharges électriques, la privation de sommeil, de nourriture et de toilettes et les humiliations.
Et puis, il y avait une mesure spéciale pour les femmes, c'est‑à‑dire pour les jeunes filles qui ne sont pas mariées; c'était la torture avant l'exécution. Nasrin Shojaee était l'une d'entre elles.
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Oui, certainement. C'était dévastateur, mais pas inhabituel. Je présume que les bonnes personnes trouvent les bonnes personnes et que les mauvaises personnes trouvent les mauvaises personnes. Je présume que c'est un thème commun, et cela se produit, bien entendu, avec l'Iran, qui a des relations avec la Chine, et même avant, lors d'une entente concernant la vente d'armes avec la Corée du Nord. De nombreux missiles iraniens du Corps des Gardiens de la révolution islamique sont construits à partir de missiles nord-coréens No Dong 2, avec beaucoup d'expertise [
Difficultés techniques].
En ce qui concerne la Chine, il s'agit d'un accord sur 25 ans, comme vous l'avez mentionné, qui implique beaucoup d'argent, mais plus que tout — et c'est mon analyse personnelle, même si les reportages des journalistes sont évidemment exacts —, l'Iran voulait tirer parti de cet accord dans ses discussions avec l'Occident et les États-Unis pour affirmer que si les sanctions n'étaient pas allégées, le pays avait d'autres soutiens, car il pouvait compter sur la Chine et sur d'autres pays. C'est la raison pour laquelle nous devons convaincre même ces pays qu'ils sont dictatoriaux… Comme je l'ai dit — si je peux avoir 30 secondes —, même au Canada, selon le rapport de l'agent de la GRC responsable de cette tâche, certaines opérations de blanchiment d'argent ont été menées avec l'aide de la Chine.
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Dans cette partie, l'Iran prétend évidemment que les sanctions font du tort aux gens. Les dirigeants du pays utilisent ce prétexte pour exercer des pressions sur les pays occidentaux, afin qu'ils lèvent les sanctions.
Tout d'abord, ces sanctions ne sont pas des sanctions générales, mais des sanctions ciblées. Même dans le pire des cas, elles sont toujours des sanctions ciblées. Je vais vous donner un exemple très concret.
Après la signature du Plan d'action global commun — c'est‑à‑dire l'accord sur le nucléaire — entre l'Iran et les pays occidentaux, 150 milliards de dollars ont été versés au régime iranien. Cela a‑t‑il changé quoi que ce soit à la valeur de la monnaie iranienne? Non. Tout cet argent a été dépensé pour améliorer l'arsenal du Hezbollah ou d'autres entités terroristes dans la région, ainsi que pour les guerres au Yémen et en Irak, etc. Malheureusement, pas un seul sou… Je n'exagère pas.
Pendant les années qui ont suivi la signature du Plan d'action global commun, il y a eu un tremblement de terre en Kermanshah, dans l'Ouest de l'Iran. Les gens là‑bas vivent encore dans des cabanes et dans des abris temporaires pendant que des convois d'armes passent à côté d'eux, en route vers les milices irakiennes. Les gens disent qu'ils vivent toujours dans ces conditions et demandent pourquoi le gouvernement ne les aide pas.
En ce qui concerne l'Iran, la solution n'est pas économique, mais politique. En effet, ne me citez même pas les paroles prononcées par les candidats actuels à la présidence dans leur débat — le soi-disant débat. Chacun d'eux a accusé un autre de détourner des milliards de dollars. Encore une fois, tout cela se déroule sous les yeux du public.
Dans le cas de l'Iran, la solution ne consiste pas à alléger les sanctions, car cela aide la situation financière des dirigeants du pays, et non celle des Iraniens les plus pauvres. C'est la raison pour laquelle les Baloutches et les Kurdes font les métiers les plus difficiles au monde juste pour subvenir à leurs besoins fondamentaux.
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C'est certainement le cas depuis la création du régime actuel en Iran. En effet, de nombreux militants politiques qui ont été exécutés en Iran dans les années 1980 ont été enterrés dans des drapeaux américains, ce qui revient essentiellement à les présenter comme étant des agents de l'impérialisme américain, etc.
Pendant ce temps, la population du pays savait bien que cela n'avait rien à voir avec une ingérence étrangère. Je présume que cette séance ne me le permet pas, et nous n'avons pas beaucoup de temps pour entrer dans les détails politiques de cette affaire, mais d'un point de vue purement interne à l'Iran, ce n'est qu'un prétexte que Khomeini, le fondateur de la République islamique, a utilisé pour rallier les gens de la région à sa cause, en disant que lui et ses gens étaient antiaméricains et que la population devait donc les aider dans leur lutte contre l'impérialisme.
En réalité, cela n'a rien à voir avec les opinions pluralistes du peuple iranien.
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Les enjeux les plus importants concernent les prisonniers politiques en Iran. M. Arzhang Davoodi, un septuagénaire, n'a pas connu un seul jour de répit au cours des 18 dernières années, comme l'a dit M. Saghah. Il est diplômé du Texas. Il y en a tant d'autres comme lui.
Atena Daemi, à qui Mme Boorchi a probablement fait référence, est en prison. Les autorités iraniennes lui ont dit de simplement demander un pardon pour être libérée. Elle a refusé. Elle a dit que si quelqu'un doit s'excuser, c'est à eux de le faire, et pas à elle.
C'est la bravoure du peuple iranien que nous devons soutenir, en particulier celle des femmes. Nous devons reconnaître que les femmes sont à l'avant-garde de la lutte contre le fondamentalisme et contre ce régime. C'est la raison pour laquelle tous mes collègues ont parlé de Mme Rajavi ou d'autres femmes militantes.
C'est la raison pour laquelle il est si important de reconnaître qu'en Iran, essayer d'être…
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Je vous remercie, monsieur Golestaneh.
Je vous remercie, monsieur Brunelle-Duceppe.
Au nom des membres du Comité, je tiens à remercier le personnel, le greffier, les analystes, les interprètes et tous les participants.
Je remercie nos témoins de leurs témoignages, de leur courage et de la bravoure dont ils ont fait preuve en nous racontant leurs histoires et en formulant bon nombre de recommandations.
Nous vous remercions beaucoup de votre présence ici aujourd'hui.
Mesdames et messieurs, nous mettons fin à cette séance, afin de nous réunir à huis clos et de nous occuper de certains travaux du Comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]