Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je souhaite la bienvenue aux députés, au greffier, aux analystes, aux membres du personnel, aux interprètes et à tous ceux qui rendent notre séance possible. Merci à tous. J'espère que la relâche vous a permis de recharger vos batteries.
Il s'agit de la 15e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous nous réunissons aujourd'hui pour entendre Mme Penelope Simons dans le cadre de notre étude sur le rôle de l'ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'invite tous les participants à mettre leur micro en sourdine lorsqu'ils n'ont pas la parole et à adresser tous leurs commentaires à la présidence. Quand il restera environ 30 secondes à votre temps de parole, je vous ferai signe en levant un carton. Je pense que tout le monde y est habitué. Voilà, je crois que c'est tout.
Madame Simons, vous avez accès aux services d'interprétation en anglais ou en français, au besoin; il suffit de cliquer sur l'icône du globe au bas de votre écran.
Chers collègues, Mme Simons sera avec nous durant la première partie de la séance, jusqu'à 19 h 20. Je tâcherai de répartir équitablement le temps prévu pour la période des questions afin que ce soit juste pour tout le monde.
Sur ce, j'aimerais accueillir notre témoin d'aujourd'hui: Penelope Simons, professeure agrégée à l'Université d'Ottawa, qui comparaît à titre personnel.
Madame Simons, je vous invite maintenant à faire une déclaration préliminaire d'une durée maximale de cinq minutes. Vous avez la parole.
Je vous remercie infiniment de m'avoir invitée à témoigner devant le Comité sur ce sujet très important.
Je me penche sur les questions liées à la responsabilité des entreprises dans le domaine de l'extraction des ressources depuis plus de deux décennies. J'ai été membre de la mission d'évaluation canadienne au Soudan, également connue sous le nom de mission Harker, envoyée par Lloyd Axworthy pour enquêter sur des allégations de graves violations des droits de la personne, violations qui avaient été perpétrées dans le but de protéger les actifs commerciaux du consortium dont faisait partie la société pétrolière canadienne Talisman Energy.
J'aimerais parler aujourd'hui du droit à un recours efficace. Le Canada a l'obligation d'offrir des recours efficaces aux victimes de violations des droits de la personne, ce qui comprend les violations commises par des acteurs privés comme les entreprises commerciales.
Le droit à un recours efficace est largement reconnu comme un droit fondamental de la personne. Il a été inscrit dans une série de traités essentiels sur les droits de la personne, traités que le Canada a ratifiés. Il s'agit non seulement d'une règle du droit international coutumier, mais aussi d'une obligation erga omnes. Qu'est-ce que cela veut dire? C'est une obligation que chaque État se doit de respecter à l'égard de la communauté internationale dans son ensemble.
L'obligation de fournir un recours efficace est un aspect essentiel de l'obligation de chaque État de protéger les droits de la personne. Les États doivent donc non seulement respecter et mettre en œuvre les droits de la personne, mais aussi les protéger. Cela signifie qu'ils doivent prendre des mesures pour empêcher des acteurs privés, notamment des entreprises, de contrevenir aux droits de la personne ou se rendre complices de telles violations.
Lorsque ces violations ont lieu ou sont présumées avoir eu lieu, l'État a le devoir d'enquêter. Il s'agit, entre autres, de faire ce qui s'impose, par l'entremise de mesures judiciaires, administratives ou législatives, pour offrir un recours efficace, y compris lorsque des entreprises sont situées sur le territoire d'un État ou relèvent de sa compétence et qu'elles mènent des activités ayant des répercussions directes et raisonnablement prévisibles sur les droits de la personne de particuliers ou de groupes dans d'autres États.
Cette obligation a récemment été reconnue, comme vous le savez sans doute, par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Nevsun.
Les recours non judiciaires jouent un rôle fondamental dans la garantie du droit à un recours efficace. Ainsi, les États doivent, dans le cadre d'un système national complet de recours liés aux obligations des entreprises et aux obligations en matière de droits de la personne, disposer non seulement de recours judiciaires, mais aussi de recours non judiciaires. Ces derniers permettent de combler une lacune cruciale lorsqu'un recours judiciaire n'est pas nécessaire ou n'est pas retenu, ou lorsqu'il n'existe peut-être pas de cause d'action liée à l'objet d'une plainte ou encore, lorsque le plaignant n'a pas les ressources ou les capacités nécessaires pour porter plainte.
Les recours non judiciaires doivent être efficaces pour qu'un État puisse remplir ses obligations en vertu du droit international. On ne peut pas se contenter de créer un mécanisme de recours. Il faut aussi être en mesure d'offrir un recours efficace.
Dans le cas de l'OCRE, l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, la capacité de mener une enquête crédible et indépendante sur une plainte portée contre une entreprise canadienne du secteur de l'extraction ou du vêtement — c'est-à-dire la capacité de disposer de toutes les preuves avant de formuler une conclusion — est cruciale pour assurer son efficacité et pour répondre à la norme d'un recours efficace.
Compte tenu du statut actuel de l'OCRE, le Canada ne respecte pas ses obligations internationales en matière de droits de la personne à cet égard. L'existence d'un recours efficace est un aspect qui a également été confirmé par Barbara McIsaac dans son avis juridique au gouvernement. Elle y déclare que, dans l'état actuel des choses, l'efficacité dépendra de la collaboration entre le plaignant et l'entité faisant l'objet de l'enquête. Cela signifie que l'efficacité de l'OCRE pourrait être compromise.
Ce n'est pas seulement son efficacité qui sera compromise. Une conclusion de fait qui n'est pas fondée sur tous les faits peut s'avérer préjudiciable parce qu'elle ne tiendra pas compte des circonstances complètes de l'allégation. Voilà qui est également préjudiciable non seulement pour les plaignants, mais aussi pour les entreprises.
Sans les pouvoirs nécessaires pour enquêter — autrement dit, sans la capacité de contraindre des personnes à témoigner et d'exiger la production de documents —, le poste d'OCRE n'est qu'une réplique de celui du conseiller en responsabilité sociale des entreprises, qui avait été créé sous le gouvernement Harper et qui n'a jamais abouti au règlement d'un différend. La seule différence ici, c'est qu'il a un nouveau nom et un mandat plus long.
Il s'agit également d'une question de réputation pour le Canada. Le Canada ne peut pas prétendre être un grand défenseur des droits de la personne s'il ne respecte pas ses propres obligations en la matière, s'il permet à ses entreprises d'agir en toute impunité et s'il n'offre pas de recours efficace à ceux qui sont lésés par les activités de ces dernières.
Je vais m'arrêter là. Je serai ravie de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, madame Simons. En tant que députée d'Ottawa, je suis très heureuse de voir parmi nous une professeure de l'Université d'Ottawa. Je tiens à vous remercier de votre travail dans ce dossier.
Je vais revenir sur quelque chose que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire. En fait, cela m'a surprise, car d'après la plupart des témoignages que j'ai entendus au sujet de l'OCRE, il s'agit d'un premier pas dans la bonne direction. Étant un nouvel organisme, l'OCRE commence à peine d'effectuer le travail qu'il est censé faire. C'est un bon départ, mais il faut l'améliorer. Vous avez employé le mot « préjudiciable ». Vous avez dit que c'est préjudiciable non seulement [Difficultés techniques] aux victimes de violations des droits de la personne. D'après vous, c'est également préjudiciable aux entreprises.
Ce n'est pas une observation que nous avons entendue jusqu'ici. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Absolument. Si un organisme est appelé à enquêter sur une plainte et qu'il ne peut pas accéder à l'information, il obtiendra alors une conclusion qui n'est pas fondée sur l'ensemble des faits. Selon moi, cela peut également être préjudiciable aux entreprises, parce que l'entité chargée de l'enquête peut arriver à la conclusion qu'une entreprise a manqué à sa responsabilité de respecter les droits de la personne ou a agi de façon préjudiciable alors qu'en réalité, ce n'est peut-être pas le cas. Par conséquent, cette situation nuit également à l'entreprise.
Je pense qu'à l'origine, l'OCRE était censé agir de manière indépendante et mener des enquêtes crédibles. L'organisme était censé avoir le pouvoir de contraindre des personnes à témoigner et d'exiger la production de documents. Voici comment on pourrait l'améliorer: il faut lui permettre de mener des enquêtes de façon crédible et de formuler des conclusions sur une situation en s'appuyant sur toutes les preuves mises à sa disposition.
Vous avez également parlé des mesures judiciaires, administratives et législatives qui relèvent des obligations internationales du Canada. Pourriez-vous nous dire s'il y a des lacunes dans l'un ou l'autre de ces domaines?
Oui. Je vous remercie de poser la question. Je crois que vous avez dit, dans votre première question, que l'OCRE avait été présenté comme une première étape. C'est un premier pas dans la bonne direction, pour ce qui est d'offrir un recours, si l'on examine la question sous cet angle, mais il n'y a aucune mesure législative en place qui exige que les entreprises fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, par exemple, pour les empêcher de participer à des violations des droits de la personne dès le début. Nous n'avons pas de mécanismes incitatifs efficaces, en plus des obligations de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, qui encourageraient les entreprises à prendre de telles mesures préventives, entre autres.
Ce dont nous avons vraiment besoin au Canada, c'est d'un cadre législatif général qui englobe ces diverses questions — c'est-à-dire un ensemble de mesures tant préventives que correctives, et non pas seulement des mesures correctives.
L'OCRE est un premier pas dans la bonne direction. On doit lui conférer plus de pouvoirs. Ce n'est qu'une partie d'un ensemble beaucoup plus vaste de politiques et de mécanismes qui sont nécessaires et qui, d'après vous, devraient également être améliorés et complétés.
Je veux aussi poser une question concernant les répercussions sur les femmes. Ayant travaillé en République démocratique du Congo, j'ai déjà vu le lien direct. Les femmes elles-mêmes ont établi un lien direct entre, d'une part, les activités minières et les entreprises et, d'autre part, les violations des droits de la personne et les violences sexuelles que subissent les femmes.
Pouvez-vous nous dire s'il existe des moyens — certainement en ce qui concerne l'OCRE, mais aussi d'autres mécanismes que le Canada peut utiliser — pour s'assurer qu'il n'y a pas de lien indirect? Nous parlions de liens directs, lorsque les entreprises font réellement quelque chose, mais il y a un lien indirect entre les milices et les autres groupes qui se battent pour les ressources et, ensuite, la violence sexuelle qui en résulte. Je me demande si vous pouvez nous faire part de vos observations à ce sujet.
Tout d'abord, permettez-moi de dire qu'il est important de comprendre également que la violence sexuelle ne se produit pas seulement dans les zones de conflit. C'est en fait un risque inhérent à l'extraction des ressources à grande échelle, partout dans le monde. Peu importe si c'est au Canada ou ailleurs, le risque de violence sexuelle est élevé. Cela signifie que, pour tout type de mesures réglementaires en vigueur, si vous mettez en place une mesure de diligence raisonnable en matière de droits de la personne, vous devez vous assurer qu'elle tient compte des effets sexospécifiques de l'extraction des ressources et du risque de violence sexuelle dans ce contexte. Si on entreprend une évaluation des répercussions sur les droits de la personne, il faudra y intégrer une évaluation des effets sexospécifiques.
L'ensemble du cadre législatif devrait en tenir compte. Si l'OCRE devait enquêter sur des allégations au sujet d'un incident survenu dans un autre pays, il devrait également tenir compte des répercussions différenciées sur les femmes et, en particulier, du risque de violence sexuelle.
J'aimerais commencer par votre livre, The Governance Gap, dans lequel vous tirez la conclusion suivante:
... les mécanismes juridiques et les autres mécanismes de gouvernance non contraignants... ne parviennent pas à empêcher systématiquement les sociétés transnationales d'adopter des comportements qui briment les droits de la personne ou à assurer la responsabilisation de ces acteurs ou le dédommagement des victimes de ces violations.
Vous ajoutez que « la réglementation de l'État d'origine... a un rôle crucial à jouer dans l'encadrement de tels comportements ».
Diriez-vous que cela s'applique bien dans le cas de l'OCRE et, si oui, de quelle façon?
Je vous remercie de votre question. Merci aussi d'avoir lu mon livre.
C'est une très bonne question, mais je pense que le premier passage ne porte pas sur les mécanismes « juridiques » proprement dits. L'argument que nous défendons dans ce livre, c'est qu'il faut aller au-delà de l'autoréglementation et que les initiatives d'autoréglementation ne permettent pas de garantir, de façon systématique, que les entreprises ne deviendront pas complices de violations des droits de la personne.
La deuxième citation que vous avez lue précise que l'État d'origine joue un rôle important. Nous soutenons dans ce livre — et, à mon avis, c'est un point très important — que, pour commencer à changer les répercussions des entreprises sur les droits de la personne, les États d'origine doivent se mettre à réglementer leurs entreprises lorsque celles-ci exercent des activités à l'étranger. À cet égard, comme je l'ai dit à Mme Vandenbeld, il faudrait se doter d'un cadre législatif complet qui assure la mise en place non seulement de mesures préventives, mais aussi de mécanismes de recours efficaces pour les acteurs privés.
Excusez-moi, monsieur le président, mais l'interprète vient de dire que la connexion était mauvaise et que cela l'empêchait de faire son travail. Je ne sais pas si c'est réglé maintenant. Est-ce que les interprètes pourraient nous dire si c'est réglé?
Monsieur le président, nous ne savons pas si c'est du côté de M. Chiu ou du nôtre. Je l'inviterai peut-être à rapprocher un peu son micro, et nous ferons un nouvel essai.
Monsieur le président, je vais poursuivre mes questions. Si vous ou les autres députés avez des problèmes de connexion ou d'audio, veuillez me le faire savoir.
Quel cadre réglementaire proposeriez-vous à la place de l'OCRE? Quels changements pourraient être apportés en vue d'en améliorer l'efficacité? Je suppose que la deuxième partie de cette question a été plus ou moins abordée tout à l'heure, mais je vous saurais gré d'en parler davantage.
Oui. Je ne pense pas que ce soit une situation où il faut choisir entre deux scénarios possibles.
L'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises pourrait jouer un rôle dans n'importe quel cadre législatif en fournissant, avec les pouvoirs appropriés, un recours non judiciaire efficace idoine. Toutefois, comme je pense l'avoir dit, il faut des mesures qui empêchent les entreprises de s'engager à l'égard de la diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Comme vous le savez sans doute — ou peut-être pas —, il se passe beaucoup de choses en Europe actuellement. Les États européens mettent en place ou envisagent de mettre en place des obligations de diligence raisonnable en matière de droits de la personne pour les entreprises actives à l'étranger.
Il ne fait aucun doute que c'est quelque chose que le Canada devrait mettre en place dans son cadre, mais il pourrait aussi y avoir une série de mécanismes pour inciter les entreprises à tenir compte de cela et pour permettre aux acteurs privés de demander des comptes aux entreprises. Cela permettrait d'améliorer l'accès aux tribunaux canadiens et de favoriser la déposition de plaintes auprès d'un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises qui disposerait des pouvoirs nécessaires pour sanctionner de manière appropriée les entreprises qui ont été impliquées dans certaines des pires violations des droits de la personne, comme, par exemple, celles [Difficultés techniques], au Soudan, il y a de nombreuses années.
Je suis heureux que vous évoquiez certains des exemples que vous avez mentionnés. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que vous avez appris lorsque vous vous êtes penchée sur Talisman Energy, au Soudan?
Nous avons été envoyés là-bas pour enquêter sur de graves allégations de violations des droits de la personne. Nous avons découvert que les forces de sécurité publique qui protégeaient les actifs du consortium, la Greater Nile Petroleum Operating Company, dont Talisman était actionnaire à 25 %, commettaient de terribles violations en matière de droits de la personne.
Ils étaient engagés dans une politique de terre brûlée. Ils déplaçaient les gens de force. Ils assassinaient des gens. Ils violaient des femmes. Ils enlevaient des femmes et des enfants. Ils brûlaient des villages et se livraient à des pillages. Ils commettaient également des violations du droit humanitaire et des crimes de droit international.
Oui. C'était les forces de sécurité publique soudanaises. Dans de nombreux cas de violation des droits de la personne, les auteurs sont les forces de sécurité, mais cela n'exonère pas l'entreprise de sa responsabilité de vérifier la probité de ceux qu'elle engage et de veiller à ce que ces entreprises aient reçu des instructions claires leur indiquant qu'elles ne doivent pas contrevenir aux droits de la personne.
Madame Simons, je vous remercie infiniment d'être présente ce soir. Votre témoignage va nous aider à faire la lumière sur les multiples violations des droits de la personne commises par des entreprises qui bafouent notre réputation et nos valeurs à l'étranger.
Au cours de la dernière séance que nous avons tenue, Mme Meyerhoffer nous a dit qu'elle était convaincue d'avoir suffisamment de pouvoirs et de ressources pour remplir son mandat, mais elle a aussi admis avoir moins de 10 personnes à son service et n'a pas précisé son budget.
L'ampleur de la tâche est énorme. Au Mexique seulement, il y a 200 entreprises minières canadiennes. Est-ce que je suis à côté de la plaque quand je dis qu'il est difficile d'être rassuré? Partagez-vous l'optimisme de Mme Meyerhoffer concernant les ressources dont elle dispose présentement?
Il faudrait que je regarde le budget complet pour comprendre exactement quelles sont les ressources dont elle dispose, mais je suis d'accord pour dire que le Canada accueille une bonne partie des plus grandes sociétés minières du monde, dont beaucoup opèrent à l'étranger. Comme vous le soulignez, un nombre important d'entre elles sont actives au Mexique, mais aussi dans d'autres régions d'Amérique latine et en Afrique.
Il est important d'avoir un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises qui dispose d'un bureau et de suffisamment de ressources pour enquêter sur les plaintes qu'il reçoit. Si le bureau n'a pas le pouvoir d'enquêter, il peut avoir toutes les ressources qu'il veut. Or, il lui faut aussi les pouvoirs voulus pour contraindre des personnes à témoigner et exiger la production de documents.
Justement, puisque vous en parlez, le pouvoir d'enquête de l'ombudsman devrait-il être essentiel? Si c'est le cas, en quoi cela changerait-il l'issue des nombreuses situations de violation des droits de la personne en ce moment? Selon vous, qu'est-ce que cela changerait, concrètement?
Je pense que l'une des choses qui changeraient, c'est que nous recevrions — le public canadien et aussi le gouvernement — des rapports publics s'appuyant sur des enquêtes en bonne et due forme concernant les allégations proférées contre des sociétés minières canadiennes. Nous aurions l'heure juste au sujet de ces allégations.
La remise de ces rapports publics permettra d'informer non seulement les citoyens, mais aussi le gouvernement, sur les autres mesures que le gouvernement devrait prendre pour réglementer les sociétés. Dans ce sens, je pense que cela fournirait beaucoup d'informations très utiles au gouvernement.
Je vous remercie de cette réponse. Je suis d'accord avec vous sur ce point.
Je continue concernant les propos de Mme Meyerhoffer. Elle a déjà mentionné que le pouvoir de recommander le retrait du soutien gouvernemental était efficace. Personnellement, je n'ai pas été convaincu de l'efficacité de ce genre de recommandation. Croyez-vous que ce soit suffisant?
Je pense qu'elle pourrait aussi recommander d'autres types de mesures correctives. Elle pourrait recommander qu'une entreprise canadienne paie une certaine forme de réparation ou ce genre de choses.
C'est là que les pouvoirs seraient nécessaires. Il serait très fâcheux pour une entreprise de voir son soutien retiré sans que tous les faits n'aient été examinés, faute pour l'entité chargée de l'enquête d'avoir eu le pouvoir de convoquer des témoins ou d'exiger la production de documents. Je pense qu'il est également dans l'intérêt des entreprises que l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises soit doté de pouvoirs appropriés.
Ma prochaine question, je l'ai déjà posée à d'autres témoins, mais j'estime qu'il est important de vous la poser également.
Beaucoup de Canadiens pensent que le Canada est un chef de file en matière de droits de la personne. Nous ne sommes certainement pas les pires sur la planète, mais je ne suis pas convaincu que nous soyons aussi bons qu'on le pense. Selon vous, comment le Canada se compare-t-il aux autres pays sous l'aspect du respect des droits de la personne par ses entreprises actives à l'étranger?
Je pense qu'il est difficile de chercher constamment à comparer le Canada.
Le Canada a un problème de réputation en ce qui concerne ses sociétés du secteur de l'extraction qui opèrent à l'étranger. Différentes études ont été réalisées pour documenter les violations des droits de la personne attribuées aux entreprises canadiennes opérant à l'étranger. Il y a beaucoup d'entreprises canadiennes à l'étranger. Le fait qu'elles ne soient pas réglementées risque de faire mauvaise impression par rapport à d'autres pays qui ont moins d'entreprises à l'étranger.
Le Canada n'a pas une bonne réputation. En raison de leurs agissements dans beaucoup d'endroits en Amérique latine — vous avez mentionné le Mexique —, les sociétés minières canadiennes ne rendent pas les choses faciles pour les Canadiens qui souhaitent aller dans ces pays.
Je vais essayer de tirer le meilleur parti possible des 10 secondes de M. Brunelle-Duceppe.
Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. C'est très important pour nous, et votre expertise est la bienvenue.
Je viens du secteur du développement international et, avant de me lancer en politique, j'ai passé un certain nombre d'années à travailler sur cette question particulière. Vous venez de parler des répercussions que cela pourrait avoir sur les entreprises et du fait qu'un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises fort serait en fin de compte une bonne chose pour celles qui ont un comportement éthique.
J'ai parlé à un certain nombre de représentants du secteur minier. J'ai parlé à des représentants de l'Association minière du Canada, et ils disent qu'ils ont un cadre, qu'ils ont déjà des normes d'exploitation minière durable et qu'ils n'ont pas besoin de notre ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises pour être en mesure de contraindre des personnes à témoigner.
Pensez-vous que c'est suffisant? Pourquoi l'est-ce ou pourquoi ne l'est-ce pas?
Je comprends la question, mais je présume que cela revient à permettre aux entreprises de s'autoréglementer. Bien sûr, il y a des entreprises qui ont de bonnes pratiques commerciales à cet égard, mais il y a toujours celles qui sont à la traîne. Nous avons examiné l'autoréglementation au cours de la dernière décennie, et nous avons constaté qu'elle n'était absolument pas en mesure d'empêcher avec quelque rigueur que ce soit les entreprises de contrevenir aux droits de la personne ou de se rendre complices de violations à cet égard.
Je ne pense pas que ce que l'Association minière du Canada a mis en place soit suffisant. La présence de ces pratiques commerciales est une bonne chose, mais ce n'est certainement pas suffisant.
En fait, si nous n'avons pas un ombudsman fort qui peut obliger à témoigner, les bons joueurs, c'est-à-dire les bonnes compagnies minières, seront mis dans le même sac que les compagnies qui se comportent mal. Est-ce bien ce que vous dites?
Oui, c'est exactement cela. Elles seront mises dans le même sac.
Les entreprises qui souscrivent [Difficultés techniques] à de bonnes pratiques commerciales et qui font preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne en s'assurant que toute allégation est examinée ou en veillant à ne pas contrevenir aux droits de la personne n'ont rien à craindre d'un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises qui serait investi du pouvoir de contraindre des personnes à témoigner et d'exiger la production de documents.
L'un des autres [Difficultés techniques] dont l'ombudsman a parlé à ce comité [Difficultés techniques] est le pouvoir de nommer et de dénoncer ou le pouvoir de ces mesures volontaires. Encore une fois, pourriez-vous nous dire si vous pensez que ces mesures sont suffisantes pour garantir qu'aucune entreprise canadienne ne viendra ruiner la réputation des Canadiens dans le monde?
Oui. Je ne pense absolument pas qu'elles sont suffisantes ou que le fait de nommer et de dénoncer soit suffisant. C'est ce qui est en place depuis de nombreuses années. Nous avons des politiques. Nous demandons aux entreprises de s'aligner sur certaines initiatives multipartites ou intergouvernementales comme les principes directeurs, mais ces initiatives ne sont pas suffisantes pour empêcher les entreprises de mal agir ou pour garantir la protection de la réputation du Canada au titre de protecteur et de promoteur des droits de la personne.
Vous avez parlé plus tôt aujourd'hui des répercussions sur la réputation du Canada et d'autres choses du genre. Vous avez également parlé du préjudice que cela causerait aux entreprises.
J'ai parlé à un certain nombre de représentants d'organisations non gouvernementales et d'organisations de la société civile, qui m'ont dit qu'ils recommandaient aux leurs de ne pas porter plainte auprès de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, de l'ombudsman, parce que cela pourrait les mettre en danger et que le processus actuel ne les protège pas.
Êtes-vous d'accord avec cela? Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?
Oui, je suis d'accord avec cela. Il n'est pas très facile de déposer une plainte auprès de l'ombudsman canadien, car cela coûte de l'argent. Du reste, si cela ne mène à rien, si l'enquête menée est incomplète, si elle ne regarde pas tous les faits, alors cela ne vaut pas la peine.
Vous avez parlé de personnes qui pourraient être en danger: les défenseurs des droits de la personne engagés dans le processus ou toute autre personne qui pourrait porter plainte. Les choses pourraient se retourner contre eux et ils n'auraient droit à aucune protection.
Oui. Nous savons que cela aura un impact disproportionné sur les Autochtones, les femmes et les personnes en situation de pauvreté. Je pense que c'est quelque chose que nous devons garder à l'esprit.
Très rapidement, pour terminer, j'aurais une question concernant la comparution de la ministre Ng devant notre comité. Lorsqu'elle était parmi nous, la ministre a affirmé avec véhémence que le Point de contact national était très différent de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, que ce sont deux choses distinctes et que cette situation est bien meilleure.
J'ai du mal à voir comment c'est le cas. Pourriez-vous prendre un moment pour nous dire comment ces deux choses se ressemblent, mais surtout, comment elles diffèrent l'une de l'autre?
Oui. Sans les pouvoirs de contraindre à témoigner, d'exiger la production de documents et de procéder à des enquêtes, l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises n'est pas tellement différent du Point de contact national. L'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises a un mandat qui lui permet de conseiller les entreprises. Je ne pense pas que le Point de contact national le fasse, mais il peut s'engager dans la médiation.
Un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises qui n'a pas le pouvoir de contraindre les gens à témoigner et d'exiger la production de documents ne peut régler les différends qu'avec l'accord des deux parties qui participent et fournissent des informations. Il n'est pas dans une position différente de celle du Point de contact national. Je pense qu'il y a beaucoup de chevauchement; sans les pouvoirs dont je viens de parler, l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises n'est pas tellement différent du PCN en fin de compte.
Je sais que je suis presque à la fin du temps qui m'était imparti, alors je vais laisser le reste au suivant.
Je tiens à vous remercier chaleureusement. Votre témoignage nous aidera à produire un rapport beaucoup plus solide que si nous ne vous avions pas entendue. Je vous en suis très reconnaissante.
Merci, madame Simons, de votre témoignage très convaincant. Permettez-moi toutefois de revenir un peu en arrière. Nous avons étudié cette question au cours des dernières réunions. Nous examinons ce que je pense être l'objectif ultime d'un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, qui est d'empêcher que des violations des droits de la personne soient perpétrées par des sociétés canadiennes actives à l'étranger.
Nous considérons l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises et le Point de contact national comme des outils à utiliser pour arriver à cette posture de prévention. Pourriez-vous nous donner un idée du contexte judiciaire et des litiges auxquels ces entreprises doivent faire face devant les tribunaux? Quel rôle ce scénario doit-il jouer dans ce modèle de prévention que nous tentons de mettre en place au Canada?
Je suis heureuse que vous parliez de prévention, car je pense que c'est un élément clé. Comme je l'ai déjà mentionné, nous devons mettre en place des mesures comme la diligence raisonnable en matière de droits de la personne pour veiller à ce que les entreprises fassent de la prévention. Toutefois, les recours efficaces ont également un rôle à jouer dans la prévention. En effet, si les tribunaux rendent une décision qui tient une entreprise responsable de la violation des droits de la personne et l'oblige à verser une compensation, cette responsabilité et ce précédent auront un effet préventif. La responsabilisation des entreprises aurait un effet préventif.
Avec un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, la production d'un rapport d'enquête révélant qu'une entreprise a effectivement violé les droits de la personne ou s'est engagée dans quelque comportement préjudiciable, et le fait que cette information sera communiquée au public et au gouvernement auront également un effet préventif. Les entreprises ne voudront pas se retrouver devant l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises, pour ainsi dire, dans le cadre d'une plainte, tout comme aucune entreprise ne veut être poursuivie et contrainte à passer par les tribunaux.
Je pense que ces deux mécanismes ont le potentiel d'avoir un effet préventif, pour peu que l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises soit autorisé à contraindre des personnes à témoigner et à exiger la production de documents.
Pensez-vous que, dans l'état actuel des choses, le système judiciaire est une meilleure voie de recours que l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises tel qu'on le connaît?
Malheureusement, il est très difficile de porter des affaires devant les tribunaux. J'ai participé à un certain nombre d'entre elles en tant qu'intervenante. Seul un très petit nombre d'affaires sont portées devant les tribunaux. Il faut être capable d'intégrer le préjudice dans une cause d'action particulière. Il faut avoir des ressources. Il faut avoir un avocat et tout le reste. C'est cher, c'est complexe et cela prend beaucoup de temps.
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une alternative à un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises doté de pouvoirs appropriés, mais c'est un complément. Les recours judiciaires sont au centre du droit à un recours effectif, mais ils nécessitent également des recours non judiciaires, comme celui que procurerait un ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises doté des pouvoirs nécessaires lui permettant de procéder à des enquêtes appropriées et crédibles sur les violations des droits de la personne.
Je vous remercie beaucoup d'avoir apporté cet éclaircissement.
Des témoins nous ont indiqué ici que le bureau de l'OCRE est une entité vraiment sans précédent, en ceci qu'il crée un espace pour définir les recours à utiliser pour réclamer des comptes aux entreprises. Je me demande si vous pouvez peut-être nous parler d'autres pays qui ont instauré des bureaux semblables ou qui mènent la charge afin d'obliger les entreprises qui violent des droits de la personne dans le monde à rendre des comptes.
Nombre de pays occidentaux ou membres de l'OCDE ont des points de contact nationaux, ou PNC. Certains d'entre eux sont beaucoup plus efficaces que celui du Canada, car ils mènent des enquêtes sur les allégations. Le PCN canadien s'en est toujours abstenu, même si les PCN disposent d'une bonne marge de manœuvre pour décider comment ils souhaitent agir. Le PCN canadien a toujours refusé d'enquêter, privilégiant la médiation afin de résoudre les différends. Il n'enquête pas au sujet d'allégations afin de vérifier si une entreprise se conforme aux directives de l'OCDE.
Je suppose que j'hésiterais à dire que l'OCRE est réellement sans précédent. S'il disposait du pouvoir d'exiger la comparution de témoins et la production de documents, alors il constituerait une sorte de phare dans la nuit, car il pourrait obliger les entreprises à rendre des comptes. C'est le genre d'entité dont le Canada devrait se doter, car de nombreuses entreprises canadiennes sont actives aux quatre coins du monde et violent les droits de la personne.
Je voulais commencer avec l'obligation erga omnes à laquelle vous avez fait référence. Je n'en avais jamais entendu parler avant, mais grâce à Wikipédia, j'en connais maintenant trois paragraphes sur le sujet.
Je reste avec l'impression que même si erga omnes signifie qu'il s'agit d'une obligation envers et pour tous, je me demande si cette intention peut se concrétiser sous quelque forme que ce soit. Elle n'est pas particulièrement applicable pour le moment. Il faudrait créer des mécanismes d'application pour une obligation erga omnes, n'est-ce pas?
L'obligation erga omnes constitue en quelque sorte une sphère supérieure du droit international et incombe aux États de la communauté internationale. Elle permet aux États non concernés par une violation d'une norme erga omnes d'intenter un recours, peut-être devant la Cour internationale de justice. On n'aurait pas à créer de mécanisme particulier. Tout dépend de l'acteur qui viole la norme, de la nature de la violation et du fait qu'un autre État souhaite ou non intenter un recours contre le Canada, par exemple.
Si un recours est intenté, imaginez une situation dans le cadre de laquelle... Eh bien, utilisons un exemple réel, celui de la mine de Nevsun en Érythrée. Connaissez-vous cette entreprise?
Je présume que vous la connaissez. L'affaire est revenue à un certain nombre de reprises devant le Comité, et s'est rendue jusqu'en Cour suprême, bien entendu.
Présumons donc qu'il s'agit de l'Érythrée. Le gouvernement de ce pays n'interviendra pas, car l'accusation indique, bien entendu, qu'une entreprise étatique agissant à titre de contractant a recouru au travail forcé. C'est un autre État qui dénonce l'affaire.
En théorie, je suppose que si un État viole une obligation erga omnes, alors un autre État pourrait intenter un recours devant un tribunal international.
Je veux simplement faire la distinction entre une partie privée intentant un recours contre un acteur non étatique, comme une société, dans [Difficulté technique] pouvoir intenter un recours devant un tribunal international comme la Cour de justice internationale des Nations unies à La Haye...
Malheureusement, monsieur le président, l'interprète me signale qu'elle a des problèmes à faire son travail. Par respect pour l'interprète, je crois que nous devrions vérifier cela.
Le problème est déjà arrivé à d'autres comités dans d'autres pièces. On ne connaît pas de solution, en dehors du fait que les gens doivent parler lentement et intelligiblement, répétant si nécessaire leur déclaration ou leur question. C'est particulièrement le cas pour les personnes qui lisent un texte. Elles doivent parler particulièrement clairement et intelligiblement.
Je vais suivre l'affaire. Espérons que le problème cessera de survenir.
Je pense que je disais qu'il existe une distinction entre un particulier poursuivant une société pour violation devant des tribunaux canadiens au sujet de quelque chose qui s'est produit en Érythrée et, par exemple, le Canada intentant un recours contre l'Érythrée pour violation d'une obligation erga omnes.
Je ne m'interrogeais pas tellement au sujet du fait que la poursuite vise entièrement l'Érythrée, car pour nous qui, à titre de décideurs canadiens, tentent d'influencer les actions des entreprises canadiennes dont le siège social se trouve au Canada ou qui sont cotées à la bourse canadienne, ce qui se passe sur le plan de la responsabilité du pays où l'extraction s'effectue n'aura pas le même effet incitatif que si le Canada lui-même était le défendant. L'effet serait différent.
Je pense que vous pouvez voir où je veux en venir.
Voici où je veux en venir. Si nous voulons inciter le Canada à modifier les règles régissant les sociétés, il est logique que ce soit le Canada qui est poursuivi pour avoir laissé ses sociétés agir de manière inacceptable. Cela a-t-il du bon sens?
Non. Je dis que si on peut structurer la réglementation pour que le Canada lui-même...
Il y a deux pays concernés ici: le Canada, où se trouve le siège social des sociétés minières, et le pays où les activités prennent place. Si la responsabilité incombe exclusivement au pays où l'extraction a lieu, cela libère le Canada, ou tout autre pays où se trouve le siège social d'une entreprise, de tout recours pouvant être intenté. Or, notre pays est celui où le régime juridique qui fonctionne. Voilà où je veux en venir.
D'accord. Je pense alors que cette responsabilité nous incombe et qu'en vertu du droit international en matière de droits de la personne, nous avons l'obligation de réglementer nos sociétés et d'offrir des recours efficaces. Si je vous comprends bien, il n'est pas question ici d'intenter des recours contre le Canada. Cela pourrait arriver à l'échelle internationale, et je suis désolée si je comprends mal, mais je pense que si une société est en activité quelque part, alors elle peut être tenue responsable d'avoir violé les droits de la personne.
Je regarde le président pour voir si je peux continuer.
Merci, monsieur le président. J'aimerais bien avoir chaque fois un temps de parole de cinq minutes du même ordre que celui de M. Reid.
Tout à l'heure, madame Simons, vous nous avez parlé sommairement des obligations du Canada en matière de droits de la personne en ce qui concerne les entreprises canadiennes actives à l'étranger. Pourriez-vous nous préciser quelles sont ces obligations?
Cette obligation consiste à veiller à ce que les sociétés qui agissent depuis son territoire ne prennent pas de décisions ou de mesures qui peuvent violer les droits de la personne dans d'autres pays ou qui le font par l'entremise de leurs filiales.
Monsieur le président, remettons le chronomètre à zéro. Je vais poser ma question de nouveau.
Tout à l'heure, vous nous avez parlé sommairement des obligations du Canada en matière de droits de la personne en ce qui concerne les entreprises canadiennes actives à l'étranger. Pourriez-vous nous préciser de quelles obligations vous parliez, s'il vous plaît?
Je parlais des obligations qu'a le Canada de faire preuve de diligence raisonnable pour veiller à ce que les entreprises canadiennes actives dans d'autres pays ne violent pas les droits de la personne quand elles sont en activité à l'étranger. Les entreprises canadiennes prennent des décisions et font bien des choses. Leurs filiales ou leurs contractants peuvent violer les droits de la personne dans un autre pays.
Je pense que c'est ce dont nous parlons. Si le Canada instaurait un cadre législatif exigeant que ses entreprises fassent preuve de diligence raisonnable et s'assurait qu'il existe des recours efficaces, que soit par l'entremise des tribunaux ou d'un OCRE doté de pouvoirs suffisants, alors il serait bien plus près de respecter ou d'honorer ses obligations.
Plus tôt, un de mes collègues a posé une bonne question sur la prévention. Je ne me souviens plus qui c'était, car tous mes collègues posent de bonnes questions.
Qu'est-ce qui fait qu'une entreprise commet des violations et qu'une autre n'en commet pas? Est-ce une question de culture d'entreprise ou simplement d'avantages mercantiles? En bref, selon vous, en tant qu'experte en la matière, est-ce que les entreprises commettent des violations des droits de la personne parce que c'est payant ou est-ce que cela découle de la culture de l'entreprise? Je ne sais pas si vous saisissez bien ma question.
Ici encore, les entreprises ne cherchent probablement pas à commettre des violations des droits de la personne, et certaines d'entre elles sont fort troublées si leur personnel ou les entrepreneurs qu'elles engagent deviennent complices de violations des droits de la personne ou en commettent eux-mêmes.
Je pense que pour les entreprises — et il s'agit là d'une des exigences des principes directeurs des Nations unies sur le plan des entreprises et des droits de la personne —, il faut que la responsabilité des entreprises de respecter les droits de la personne exige qu'elles fassent preuve de diligence raisonnable au chapitre des droits de la personne; évaluent le risque pour les gens et non pour elles-mêmes; consultent de manière sérieuse les communautés locales; et préviennent — ou, à défaut, les atténuent — les violations des droits de la personne.
Voilà ce qu'une entreprise devrait faire. Elle devrait mettre en place ces processus internes. C'est quelque chose que les pays européens vont exiger des entreprises.
Ma prochaine question pourrait vous sembler un peu spéciale. Croyez-vous que les compagnies agiraient de la même façon, si l'ombudsman avait le pouvoir coercitif qu'on lui souhaite?
Non. Je pense que si l'OCRE était doté de pouvoirs d'enquête adéquats et pouvait exiger la comparution de témoins et la production de documents, il commencerait à avoir un effet préventif sur le comportement des sociétés. Cela contribuerait à faire en sorte que les sociétés améliorent leurs pratiques, probablement en faisant preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne et d'environnement.
La séance est vraiment passionnante. J'ai toujours le privilège de poser les dernières questions. Pardonnez-moi donc si je saute un peu du coq à l'âne.
[Difficultés techniques] si les recours judiciaires suffiraient ou non à résoudre le problème. Je pense que vous avez laissé entendre qu'ils ne sont pas suffisants, car il est très difficile pour les personnes qui ont souffert aux mains des sociétés minières d'y accéder.
Je pense aussi que c'est en fait la raison pour laquelle le gouvernement a créé le poste d'OCRE au départ. Je me demande aussi si vous avez autre chose à dire sur la raison d'être de l'OCRE et — je suppose — le fait que les recours judiciaires ne sont toujours pas considérés comme suffisants pour résoudre le problème.
Oui. Les recours judiciaires sont, bien entendu, essentiels au droit à un recours efficace, mais comme vous l'avez fait remarquer et comme je l'ai également souligné plus tôt, ils sont insuffisants, car ce n'est pas tout ensemble de faits qui peut servir de base à un recours pour responsabilité délictuelle. Le préjudice causé ne pourra pas nécessairement être corrigé par l'entremise des tribunaux.
À cela s'ajoutent tous les autres obstacles. Il est très difficile d'intenter un recours, car de nombreuses entreprises peuvent proposer une panoplie de motions pour tenter de faire rejeter le recours avant qu'on ait pu en prouver le bien-fondé.
Grâce à l'OCRE, on peut faire enquête sur des plaintes qui ne seraient pas portées devant les tribunaux. On obtient un document public comprenant une conclusion sur ce qui est arrivé, et s'il avait les pouvoirs nécessaires, l'OCRE offrirait un bon recours aux côtés des tribunaux, qui ne suffisent pas à la tâche dans la situation présente.
Toujours dans le même ordre d'idées, je demanderais simplement un peu plus d'éclaircissements au sujet d'une des questions qu'a posées mon collègue du Bloc québécois. Exportation et développement Canada, ou EDC, nous a indiqué ce que lui et l'OCRE pouvaient retirer aux entreprises qui n'agissent pas correctement. Vous avez affirmé que si nous avions un bon OCRE, ce dernier pourrait modifier le comportement des entreprises.
Considérez-vous que les sanctions ou la désapprobation — je suppose — d'EDC ou de l'OCRE soient suffisantes pour... Selon vous, les entreprises se soucient-elles de perdre ou non leur soutien?
Pour certaines entreprises, le retrait du soutien sera important, mais il faut se rappeler que l'OCRE ne peut que présenter des recommandations à EDC. C'est ce dernier qui décide de ne pas fournir de soutien à une entreprise. C'est un problème. En outre, cette mesure ne fera mal qu'à certains genres d'entreprises. D'autres entreprises de taille modeste, comme les petites compagnies minières, ne reçoivent pas nécessairement de fonds de développement des exportations quand elles œuvrent à l'étranger.
Ce n'est pas suffisant. C'est un début. C'est une mesure qu'il importe d'avoir en place, mais non, ce n'est pas suffisant. Je pense qu'il doit y avoir d'autres sanctions.
S'il est un phénomène qui me préoccupe beaucoup et que j'observe constamment, ce sont les entreprises qui changent de nom et qui utilisent des filiales, évitant ainsi d'être tenues responsables de leurs actes grâce à ces mécanismes.
Vous avez brièvement parlé de ce qui se fait en Europe et de la manière dont certains pays s'en sortent beaucoup mieux afin de tenir les entreprises responsables de leurs actes et de les obliger à en faire plus que le strict minimum pour assurer le respect des droits de la personne au sein de leurs chaînes d'approvisionnement ou dans le cadre de leurs activités. Il ne nous reste qu'une minute environ, mais pouvez-vous nous dire très brièvement à quels endroits vous avez observé d'excellents exemples et de quels pays le Sous-comité devrait s'inspirer?
Je pense que le premier pays serait la France, qui a adopté une loi sur le devoir de vigilance qui exige que les entreprises d'une certaine taille prennent des mesures pour s'assurer d'avoir un plan de vigilance en place et pour veiller à ce que leurs filiales, leurs contractants et d'autres entités composant la chaîne d'approvisionnement mondiale ne violent pas les droits de la personne. C'est important d'étudier cette solution.
L'Allemagne cherche aussi à imposer des lois sur la diligence obligatoire en matière de droits de la personne. Ce pays a essentiellement accordé aux entreprises un an ou peut-être un peu plus pour que la moitié d'entre elles fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits de la personne. Cet objectif n'a pas été atteint, ce qui n'est pas étonnant. Une loi sur la diligence raisonnable obligatoire en matière de droits de la personne est actuellement à l'étude au Parlement.
Des discussions sont également en cours à ce sujet au sein de l'Union européenne.
Avant que le témoin ne parte, pourrais-je lui demander de nous envoyer de l'information sur le modèle français? Je pense que cela nous serait fort utile.