Je souhaite la bienvenue à tous nos témoins, évidemment, ainsi qu'à mes collègues. Il s'agit de la 25e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous nous réunissons aujourd'hui pour une séance d'information sur la persécution des minorités religieuses et ethniques en Afghanistan.
Pour assurer le bon déroulement de la réunion, j'encourage tous les participants à désactiver leur micro entre leurs prises de parole et à adresser toutes leurs observations à la présidence. Quand il restera 30 secondes à votre temps de parole, je vous ferai signe en levant un carton pour que vous soyez au courant. L'interprétation est accessible à tous au moyen de l'icône du globe au bas de votre écran. Vous avez le choix entre l'anglais et le français. Si vous êtes bilingue, vous n'avez rien à faire. Si vous ne l'êtes pas, sélectionnez la langue qui vous convient le mieux.
Voici nos témoins pour les deux prochaines heures.
Nous recevons Balpreet Singh, conseiller juridique de la World Sikh Organization of Canada. Nous accueillons également deux représentants de United Sikhs: Sukhwinder Singh, directeur national, et Gurvinder Singh, directeur de l'aide humanitaire internationale. Ensuite, nous avons parmi nous deux témoins de la Manmeet Singh Bhullar Foundation: Tarjinder Kaur Bhullar, directrice, et Jasjeet S. Ajimal, vice-président du projet Save Afghan Minorities. Il y a aussi des représentants de l'organisme Canadian Hazara Humanitarian Services: Ali Mirzad, conseiller principal; Niamatullah Ibrahimi, conférencier en relations internationales à La Trobe University, en Australie; Melissa Kerr Chiovenda, professeure adjointe d'anthropologie à la Zayed University, à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis; et, enfin, William Maley, professeur émérite à l'Australian National University, à Canberra, en Australie.
Chers témoins, chacun de vos groupes aura jusqu'à six minutes pour faire une déclaration préliminaire.
Nous allons commencer par la World Sikh Organization of Canada.
Je vous cède la parole pour les six prochaines minutes. Merci.
Je suis conseiller juridique auprès de la World Sikh Organization of Canada, un organisme sans but lucratif de défense des droits de la personne qui a vu le jour en 1984 et dont le mandat consiste à promouvoir et à protéger les intérêts des sikhs canadiens ainsi que les droits de la personne pour tous.
Il y a presque exactement cinq ans, j'ai témoigné devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration sur un sujet semblable, et j'ai alors signalé que les sikhs et les hindous sont des communautés en état de siège en Afghanistan et que leur vie est menacée dans l'immédiat. Ils étaient environ 2 000 à l'époque, sur une population initiale qui était estimée à quelques dizaines de milliers de personnes avant 1992.
Aujourd'hui, en raison d'une persécution continue et de plusieurs attaques meurtrières, leur nombre est tombé à environ 200. Ceux qui restent en Afghanistan sont en constant danger, et ceux qui ont fui le pays vivent en Inde dans des conditions précaires et inquiétantes, sans réelle perspective d'installation permanente.
À titre de contexte, je dirais que mes premiers contacts avec les sikhs afghans ont commencé en novembre 2014, lorsque j'ai reçu une série de messages désespérés en provenance d'une communauté sikhe afghane isolée, dans la province de Helmand, qui faisait face à un danger imminent. Leurs maisons avaient été la cible de jets de pierres, et leurs commerces avaient été publiquement boycottés. À l'époque, Manmeet Singh Bhullar était un de mes amis, et je lui ai parlé de la situation. Il s'est employé à sauver cette communauté, et il en a fait l'œuvre de sa vie jusqu'à sa mort tragique en novembre 2015.
La situation actuelle des sikhs et des hindous en Afghanistan est marquée par la peur, la persécution et une menace imminente. Ils ne peuvent pas quitter librement leur domicile, trouver un emploi ou aller à l'école. Les femmes ne peuvent pas sortir seules de leur maison et elles craignent constamment d'être enlevées. Les sikhs et les hindous qui restent en Afghanistan vivent regroupés dans des gurdwaras, car la plupart de leurs biens ont été confisqués par d'autres. Ces conditions existaient également en 2016. Ce qui a changé, c'est que la situation s'est considérablement aggravée, la communauté étant activement visée par les attaques lancées par Daech, qui a juré de les chasser d'Afghanistan.
Le 1er juillet 2018, tous les dirigeants de la communauté sikhe et hindoue ont été tués dans un attentat suicide. Quinze sikhs et quatre hindous, qui se rendaient à une réunion avec le président afghan Ashraf Ghani, ont perdu la vie. Daech a revendiqué la responsabilité de cette attaque.
Le 25 mars 2020, il y a un peu plus d'un an, lors d'un autre attentat suicide perpétré par Daech, le gurdwara Har Rai Sahib a été attaqué à Kaboul. Vingt-cinq sikhs ont perdu la vie, dont la petite Tanya Kaur, âgée de quatre ans. Le lendemain, les funérailles des victimes ont également été visées par un attentat à la bombe.
En juin 2020, Nidan Singh a été enlevé dans un gurdwara et retenu pendant près d'un mois jusqu'à ce qu'il soit secouru. Le 18 juillet 2020, Salmeet Kaur, une fille de 13 ans, qui avait perdu son père lors de l'attaque de mars, a été enlevée dans un autre gurdwara de Kaboul. Le 2 février 2021, une série d'attentats à la bombe a tué un sikh et en a blessé deux autres dans un quartier où se trouvent plusieurs magasins appartenant à des sikhs. La victime, Sunny Singh, n'a jamais pu voir son fils nouveau-né en Inde, et sa femme a assisté à ses funérailles par appel vidéo.
Devant le retrait imminent des États-Unis, la situation en Afghanistan promet d'empirer pour les minorités. Un membre de la communauté minoritaire hazara a très bien résumé les choses lorsqu'il a dit: « Être membre d'une minorité en Afghanistan, c'est l'enfer, mais être sikh, c'est être dans le cercle le plus profond de l'enfer. »
En juillet 2020, 429 sikhs et hindous ont fui l'Afghanistan pour se rendre en l'Inde grâce à un visa spécial valable pour 6 mois. Ceux qui se sont enfuis ne craignent peut-être plus pour leur vie, mais ils souffrent quand même. Il n'y a pas de véritables perspectives d'établissement permanent pour ces réfugiés en Inde, malgré ce que prétend le gouvernement indien. Le parti au pouvoir en Inde, soit le Parti Bharatiya Janata, forme un gouvernement nationaliste hindou qui se livre à des jeux politiques: il tente de se faire passer pour un sauveur des minorités fuyant les pays musulmans, mais, en réalité, il ne leur offre aucune aide ni aucune possibilité d'établissement.
Les familles qui se sont enfuies en juillet dernier continuent d'être soutenues par des organisations sikhes et des donateurs privés. Elles n'ont pas accès aux services de base comme les soins de santé et l'éducation, ni même aux vaccins contre la COVID. Très peu d'entre elles ont trouvé un emploi. Huit familles sikhes d'origine afghane sont récemment retournées en Afghanistan par désespoir, un geste qui a été célébré par le gouvernement afghan. La plupart d'entre elles sont maintenant de retour en Inde. Une famille a expliqué qu'elle n'avait pas trouvé d'hôpital pour soigner sa fille à New Delhi et qu'une fois que celle‑ci avait reçu un traitement à Kaboul, la famille était retournée en Inde parce qu'elle ne se sentait pas en sécurité en Afghanistan.
Depuis 2015, nous avons demandé à plusieurs reprises au gouvernement canadien de créer un programme spécial pour les sikhs et hindous afghans afin qu'ils puissent trouver refuge au Canada. En juillet 2020, 25 députés canadiens du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique et du Parti vert ont écrit au pour proposer ce programme spécial, mais à ma connaissance, il n'y a pas eu de réponse à cette lettre, et encore moins de progrès à cet égard.
Après l'attaque de mars, nous avions pris les dispositions nécessaires pour avoir un appel téléphonique par semaine avec un représentant de Citoyenneté et Immigration Canada, puis ces appels n'ont eu lieu qu'une fois toutes les deux semaines pour enfin être complètement annulés et, depuis août 2020, nos courriels sont restés sans réponse.
La question n'est pas de savoir si une autre attaque aura lieu, mais bien quand elle aura lieu. Il s'agit de personnes extrêmement vulnérables qui n'ont pas d'avenir ni en Afghanistan ni en Inde. Ils comptent désespérément sur l'aide du Canada pour qu'on puisse leur sauver la vie.
Il est frustrant de plaider leur cause depuis si longtemps sans obtenir de résultats concrets. La communauté sikhe est prête à payer tous les frais de réinstallation, comme elle l'a fait pour le petit nombre de familles de réfugiés sikhs en provenance de Helmand. Tout ce qu'il faut, c'est que le gouvernement nous donne la permission de les faire venir ici.
Voilà ce que j'avais à dire pour l'instant.
:
Bonjour, distingués membres du Comité. Je vous remercie de permettre à United Sikhs de témoigner au nom des minorités afghanes.
Nous sommes une ONG, c'est‑à‑dire une organisation non gouvernementale internationale à but non lucratif, qui est affiliée aux Nations unies et qui vise à soutenir les personnes dans le besoin, en particulier les communautés défavorisées et minoritaires du monde entier, grâce à des programmes d'aide humanitaire, de défense des droits et d'éducation. Nous avons 10 sections réparties en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. Nous avons aussi un bureau à Peshawar, en Afghanistan.
Ghazni, Jalalabad et Kaboul sont les trois principales villes d'Afghanistan où les familles minoritaires sont concentrées en grand nombre. United Sikhs fournit des services juridiques et de l'aide humanitaire dans ces villes depuis de nombreuses années. Notre premier cas en Afghanistan remonte à 2010, lorsque nous avons aidé Harender Kaur et sa fille à obtenir l'asile au Canada grâce à l'aide du gouvernement canadien, parce que son mari avait été enlevé, puis décapité.
Par la suite, les minorités ont été brutalement attaquées à maintes reprises. Elles étaient obligées de payer la Jizya. Elles recevaient des menaces verbales et écrites, y compris des ultimatums pour quitter le pays, et des boycottages sociaux, certaines personnes allant même jusqu'à refuser de boire l'eau des fontaines devant leurs boutiques et leurs maisons. On les traitait de kafirs. Les enfants ne pouvaient pas aller à l'école. Les femmes et les jeunes filles ne pouvaient pas sortir à cause des menaces d'enlèvement. Telle était la vie qu'ils menaient en Afghanistan.
Puis, il y a eu l'attaque du gurdwara en 2020. C'est à ce moment-là que toutes les ONG et les sikhs et hindous d'origine afghane ont décidé de s'installer temporairement en Inde afin de pouvoir éventuellement trouver refuge dans des endroits sûrs comme le Canada et les États-Unis. Comme l'a dit Balpreet, 95 familles au total se sont rendues à New Delhi, en Inde, à partir de différentes régions d'Afghanistan. United Sikhs et d'autres ONG constituent leur seule aide. Ces gens ne reçoivent aucune aide du gouvernement indien, et ils n'ont même pas leurs papiers d'identité.
L'année dernière, United Sikhs a mis en place un centre d'aide à New Delhi pour ces familles. On leur fournit des traitements médicaux, notamment des tests spéciaux, au besoin; une aide en cas d'urgence pour les mères enceintes dans les hôpitaux publics; de l'assistance pour les besoins vitaux des nouveau-nés, y compris la vaccination; des procédures médicales d'urgence; des services d'aide concernant les questions liées au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, comme la délivrance de cartes de réfugiés et le renouvellement des cartes pour les ressortissants afghans à New Delhi; la distribution de rations aux familles afghanes dans le besoin; des tests de dépistage rapide de la COVID‑19; et de l'aide pour l'installation temporaire des familles afghanes en Inde.
Quelles sont les difficultés que rencontrent ces gens à l'heure actuelle? Ils n'ont aucune pièce d'identité. S'ils en font la demande, ils ne peuvent pas obtenir leur carte de réfugié ni le statut de réfugié. Ils se trouvent dans une impasse. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés affirme qu'ils sont venus en Inde avec un visa, ce qui les empêche d'obtenir le statut de réfugié. Voilà leurs difficultés. Leurs enfants ne peuvent pas recevoir d'éducation. Ces gens n'ont pas d'emploi. Ils n'obtiennent pas les soins médicaux nécessaires.
Leur seul espoir, c'est nous — le gouvernement canadien —, d'où la demande que je lui adresse: de grâce, faites que le génocide culturel cesse.
J'invite maintenant Gurvinder Singh à ajouter quelques points supplémentaires avant de conclure.
Merci.
Je remercie aussi les témoins qui ont pris la parole avant moi.
L'invitation à comparaître devant votre comité est importante pour nous. Je vous suis reconnaissante des efforts déployés pour que nous puissions y prendre part.
C'est peut-être la première fois que certains d'entre vous entendent parler de la Manmeet Singh Bhullar Foundation. Notre existence est remplie à la fois de fierté et de douleur. Cette fondation a été créée en l'honneur d'un homme dont la présence manque à sa communauté et, surtout, à sa famille. Il ne se passe pas une seule journée sans que nous ne souhaitions qu'il soit encore là avec nous, qu'il vous parle. Ce que nous portons en nous, ce sont ses valeurs et son œuvre. Voilà ce qui nous guide.
À la fin de 2014 , Manmeet a lancé le projet Save Afghan Minorities, comme l'a mentionné Balpreet. Étant la sœur de Manmeet, j'étais habituée à ses idées audacieuses, à ses gribouillages sur un bloc-notes qui n'avaient aucun sens pour personne d'autre, mais qui lui procuraient la clarté nécessaire pour faire avancer les choses. J'étais au courant de sa persévérance et de sa capacité de faire embarquer les autres dans ses projets. Chaque obstacle était pour lui un rappel qu'il devait se battre plus fort et penser plus grand. Mais surtout, j'étais habituée à le voir se consacrer au service des autres. C'était son mantra, sa conviction, son but.
Il a organisé des réunions dans diverses villes du Canada. Il s'est rendu en Inde. Il est allé dans plusieurs pays d'Europe, travaillant sans relâche à trouver une solution viable pour les sikhs et les hindous d'Afghanistan qui vivent au quotidien sans liberté religieuse, sans accès à l'éducation, sans sécurité et, surtout, sans paix. La seule constante pour eux était le danger. À maintes reprises, peu importe la solution recherchée et peu importe l'endroit où il allait, Manmeet savait que le pays le mieux placé pour aider ces enfants, ces hommes, ces femmes et ces aînés était son propre pays. Le Canada était l'endroit qui pouvait et devait être une lueur d'espoir pour ces familles, comme cela avait été le cas pour ma propre famille, pour sa famille à lui et pour d'innombrables autres personnes qui ont montré qu'au fil du temps, le Canada est l'endroit où l'on peut faire sa vie et s'épanouir.
C'était, pour Manmeet, le travail le plus important de sa vie et sa priorité absolue à chaque instant. Il a ainsi tracé un chemin pour ces familles. Tout d'abord, l'objectif était de les faire sortir d'Afghanistan et du danger imminent, puis de leur trouver un moyen d'obtenir le statut de réfugié et, enfin, de les aider à s'établir au Canada et à s'y faire une nouvelle vie.
La première poignée de familles a pu quitter l'Afghanistan grâce aux efforts de Manmeet, qui a coordonné tous les détails logistiques, petits et grands, qui devaient être réglés. Malheureusement, Manmeet a perdu la vie dans son ultime acte de bonté à l'égard d'autrui.
À tous ceux qui ont vécu la perte soudaine et traumatisante d'un être cher, sachez que je partage votre douleur et votre chagrin de tout mon cœur. En perdant Manmeet, nous nous sommes rendu compte que même si nos vies ne seraient plus jamais les mêmes, le danger subsistait pour d'autres gens, de parfaits inconnus qui comptaient sur lui pour survivre. La responsabilité profonde que Manmeet ressentait était maintenant celle que nous devions assumer pour lui et grâce à lui.
Depuis le décès de Manmeet, ce travail a pris de l'ampleur. Nous avons des conversations téléphoniques quotidiennes avec des familles en Inde et en Afghanistan, des personnes qui parlent d'une existence que beaucoup d'entre nous ignorent ou n'ont pas la possibilité de connaître en raison de leur vie douillette. En Afghanistan, une personne qui se rend au marché risque de se faire asperger d'huile bouillante. La mort d'un membre de la famille signifie que les rites funéraires dictés par sa foi ne pourront pas être observés. Une femme qui se promène avec son enfant doit cacher sa propre identité et se conformer à l'identité religieuse des autres. Les familles ont un besoin criant de soins médicaux de base pour leurs parents âgés.
Après le décès de Manmeet en 2015, nous avons travaillé avec le gouvernement canadien pour aider 74 personnes à s'établir au Canada, et 111 demandes sont en attente. Ces personnes sont originaires de la province de Helmand. À l'époque, ce sont elles qui étaient les plus menacées et qui avaient le plus besoin d'aide. Ce n'est pas une tâche que nous avons accomplie seuls. C'est grâce aux membres de la communauté, aux organisations, aux donateurs et aux bénévoles que nous avons pu y arriver. Nous nous sommes concentrés sur une approche en deux temps: d'abord, veiller à ce que ces personnes survivent et, ensuite, leur permettre de s'épanouir.
L'arrivée de chaque famille renouvelle notre engagement envers la vision de Manmeet, qui consiste à donner une chance à ces familles et à ces enfants. Nous les voyons aller à l'école, obtenir un permis de conduire, suivre des cours d'anglais et faire du bénévolat. Cela nous donne la ferme conviction que nous devons poursuivre ce travail et aider les familles qui restent.
À chaque étape, j'ai collaboré avec les ministres du gouvernement actuel. Je plaide notre cause auprès d'eux, ils se portent à notre défense, et nous avons accompli des progrès. Mes parents m'ont appris qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César. C'est pourquoi je tiens à souligner la contribution des ministres , et , ainsi que celle de nombreux députés de l'opposition et du caucus libéral.
Bientôt, les autres familles qui s'étaient d'abord rendues en Inde pourront s'installer ici au Canada. La dernière pandémie [Difficultés techniques] a apporté son lot de difficultés, dont beaucoup échappent à notre contrôle. Tout au long de cette épreuve, nous avons été en communication constante et régulière avec le gouvernement pour trouver une issue viable à cette situation, et nous allons nous assurer que ce travail sera effectué.
Nous le devons à l'humanité, et je le dois à mon frère.
Merci.
:
Dois-je continuer? D'accord.
[Français]
Le peuple hazara a subi plus d'un siècle de persécutions perpétuelles en raison de ses croyances religieuses, de son ethnicité et de ses caractéristiques physiques et faciales.
À la fin du XIXe siècle, des milliers, sinon des millions, de Hazaras ont été massacrés, déplacés de force et vendus à l'esclavage par l'émir de l'Afghanistan Abdur Rahman Khan.
[Traduction]
Au moyen de décrets royaux, il a ouvertement qualifié les Hazaras d'« étrangers hérétiques ». Cela a ouvert la voie à une persécution qui se poursuit encore aujourd'hui.
En 1998, les talibans ont rendu un décret similaire qui a perpétué cette campagne en tuant des milliers de Hazaras dans les villes de Mazar‑e‑Sharif et de Bamiyan seulement.
Dans la foulée des événements du 11 septembre, les Hazaras en Afghanistan continuent de faire l'objet d'attaques quotidiennes, que ce soit dans le sanctuaire des lieux religieux, dans les gymnases, dans la rue ou dans les autobus publics. Comme en témoignent, entre autres, l'attaque de mai 2020 contre la maternité de Médecins sans frontières dans le quartier de Dasht‑e‑Barchi à Kaboul, où des nourrissons encore en couveuse ont été pris pour cible, ou celle de mai 2021 contre l'école pour filles Sayed Al‑Shuhada, où pas moins de 94 jeunes filles sont mortes, les Hazaras sont une cible, peu importe leur âge et leur sexe.
Pour dire les choses simplement, la vie d'un Hazara en Afghanistan est celle d'un condamné à mort qui vit en sursis, dans l'attente d'une exécution imminente.
Pendant des années, partout dans le monde et même dans ce pays, d'un océan à l'autre, les Hazaras ont réclamé de l'aide. Nous demandons humblement au Comité et, par son entremise, au Parlement canadien, de prendre trois mesures: premièrement, reconnaître officiellement en tant que génocide le nettoyage ethnique perpétré contre les Hazaras de 1891 à 1993; deuxièmement, désigner le 25 septembre comme jour de commémoration du génocide hazara; et, troisièmement, appuyer le projet de loi , qui vise à garantir que toute l'aide au développement que le Canada envoie à l'Afghanistan contribue à la paix et à la sécurité de la région pour tous les peuples.
[Français]
Sur ce, monsieur le président, je tiens à remercier encore une fois le Comité de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant lui aujourd'hui.
Je remercie aussi les trois individus extrêmement accomplis qui représentent notre organisation. Nous avons parmi nous la Dre Melissa Kerr Chiovenda, professeure adjointe d'anthropologie de l'Université Zayed aux Émirats arabes unis et le Dr William Maley, professeur émérite en diplomatie de l'Université nationale d'Australie.
[Traduction]
Nous sommes également accompagnés de M. Niamatullah Ibrahimi, conférencier en relations internationales à La Trobe University, à Melbourne, en Australie.
Merci, monsieur le président.
Je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion pour dire que Manmeet serait incroyablement ravi de vous voir en votre qualité de député. Je pense qu'il aurait voulu répondre lui-même à cette question.
Les familles s'en sortent très bien. C'est l'objectif ultime qui nous guide dans le cadre de ce travail.
Ce n'est pas une tâche facile, mais nous ne pouvons pas nous y dérober.
Bon nombre de ces personnes ont un emploi à temps plein et à long terme. Ces familles ont maintenant des enfants qui vont à l'école pour la première fois. Ils suivent des cours d'anglais. Ces gens ont noué des liens solides avec le gurdwara du nord-est de Calgary, ainsi qu'avec les gurdwaras de Surrey, où ils résident. Ils restent constamment en contact et ils parlent de leurs projets et de leur avenir. Cela nous semble simple, mais c'est remarquable quand on songe à leur parcours.
Le plus important, selon moi, c'est qu'on peut voir la valeur de ce projet et de ses répercussions permanentes sur la vie des jeunes enfants. Au début, certains d'entre eux étaient complètement timides, à tel point qu'ils n'osaient même dire bonjour. Aujourd'hui, ils lisent et parlent l'anglais et, sincèrement, quand vous les voyez, ils viennent vers vous pour vous dire bonjour et vous parler de leur vie ici. Aussi cliché que cela puisse paraître, ils mènent une vie canadienne normale. C'est absolument incroyable quand on pense à leur situation d'il y a à peine quelques années.
:
Oui, il ne fait aucun doute que la COVID a eu des répercussions sur toutes les facettes de notre vie. Il en va de même pour ce projet.
Quand nous regardons ce qui se passe en Inde et quand nous voyons que les gens se battent même pour des choses aussi élémentaires que l'accès à l'oxygène, nous comprenons que les bureaux ne peuvent plus fonctionner comme avant, mais ne vous y trompez pas: la fondation et le gouvernement du Canada ont travaillé en coulisse pour faire en sorte que les autres familles de la cohorte de Helmand qui se trouvent en Inde puissent venir en grand nombre au Canada lorsque les restrictions de voyage seront levées et que l'Inde sera mieux placée pour traiter ces demandes en toute sécurité.
À cet égard, nous sommes restés en contact et nous nous sommes assurés de disposer d'un processus qui nous permet de faire tout ce qui est possible, à part le fait de mettre ces personnes dans un avion en toute sécurité. Il faut également garder à l'esprit qu'une grande partie des défis auxquels nous faisons face sont attribuables à un gouvernement ou à un pays qui est... L'Inde est aux prises avec ses propres difficultés en ce moment. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte.
Nous n'avons absolument pas ralenti la cadence ou mis le dossier en veilleuse. En fait, nous avons clairement indiqué comment nous pouvons travailler ensemble pour nous assurer que tout est mis en place. Ainsi, la seule chose qui restera à faire, une fois la pandémie maîtrisée, c'est d'être à l'aéroport pour accueillir ces personnes à leur arrivée.
:
Volontiers. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous sommes constamment en communication avec ces familles. Elles ont accès à de nombreuses ressources au sein de la communauté, et la fondation en fait certainement partie. Nous nous considérons comme une famille, et nous les appuyons lorsqu'ils sont en Inde. Il y a environ un mois et demi, nous craignions qu'ils n'aient pas suffisamment de nourriture à cause de la pandémie. Bien entendu, nous devons nous entraider; c'est la responsabilité de tous.
Du point de vue du parrainage, nous travaillons vraiment en étroite collaboration avec les parrains et les donateurs qui se sont ralliés à nous. Nous avons la responsabilité première de nous assurer de répondre à tous les besoins fondamentaux de ces familles, dès leur arrivée au Canada, et de leur donner tous les moyens de réussir. Ainsi, nous leur fournissons un logement, nous leur procurons tout ce dont elles ont besoin pour leur foyer et nous les mettons en contact avec des organismes d'aide à l'établissement pour qu'elles reçoivent leur carte d'assurance-maladie, pour qu'elles obtiennent les soins médicaux nécessaires — comme vous pouvez l'imaginer, beaucoup d'entre elles n'ont jamais vu un médecin depuis si longtemps — et pour qu'elles inscrivent leurs enfants à l'école.
Une fois que les enfants sont à l'école, il s'agit parfois tout simplement de... Lorsque la pandémie a frappé, nous voulions nous assurer qu'ils avaient accès à des tablettes et à des ordinateurs portables afin qu'ils puissent poursuivre leurs études. C'est une responsabilité qui nous incombe en vertu des principes énoncés dans l'entente de parrainage privé.
Mon père dit souvent que ces gens font maintenant partie de la famille élargie. Nous prenons part aux étapes importantes de leur vie, qu'il s'agisse de la naissance d'un enfant ou de la remise d'un diplôme.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Mes questions s'adressent aux représentants des deux communautés, sikhe et hazara. J'ai des questions pour chacune d'elles, alors je vais commencer par la communauté sikhe.
Les deux communautés vivent, malheureusement, des situations similaires, c'est-à-dire qu'elles sont toutes les deux persécutées et rejetées par la population afghane locale. Elles font donc face à des persécutions et courent un danger imminent d'être décimées.
Ma première question est la suivante: pouvez-vous nous parler de l'action du pays d'origine?
Je vous ai entendu dire, par exemple, que l'Inde est soi-disant prête à accueillir des réfugiés de l'Afghanistan, mais qu'en est‑il de l'Iran? Aide-t‑il la communauté hazara? Dans le cas de l'Inde, qu'est‑ce que les empêche de s'installer dans la province du Pendjab?
Ma deuxième question porte sur le soutien offert par le Canada post-pandémie. J'en parlerai plus tard pour gagner du temps.
Au sujet de la première question, j'aimerais avoir votre avis sur le pays d'origine, sur ce que j'appelle l'action du pays d'origine en leur nom. Allons‑y avec la province du Pendjab et aussi la communauté sikhe.
:
Je vais essayer de ralentir et d'être bref.
La constitution afghane de 2004 prévoit un ensemble élargi de droits pour les citoyens en Afghanistan, notamment celui de pratiquer leur religion, y compris pour les non‑musulmans, mais dans les faits, les gens de divers groupes religieux, dont de nombreux musulmans, font face à divers niveaux de discrimination et de persécution au quotidien. J'aimerais faire écho à ce que les membres de la communauté sikhe ont mentionné aujourd'hui, parce qu'en tant que travailleur des droits de la personne afghan, j'ai aussi fait des recherches sur la situation de la communauté sikhe afghane en Afghanistan.
J'aimerais aussi vous rappeler que l'on voit derrière moi le portrait des jeunes filles qui sont mortes le 8 mai à l'école secondaire Sayed Al-Shuhada dans le quartier Dasht-e-Barchi à Kaboul. C'est un quartier où habitent des musulmans chiites hazaras. Elles ont été 85 à perdre la vie, et nombre d'entre elles étaient des d'élèves de 7e et de 11e années. C'était des adolescentes comme on en trouve partout dans le monde, et elles auraient rêvé de vivre une vie normale.
Comme nous pouvons le voir, les talibans accentuent leurs attaques en Afghanistan. On assiste de bien des façons à un renversement de certains droits qui avaient été accordés à différents groupes dans ce pays. Les Hazaras sont la principale cible dans l'escalade de la violence et des attaques partout en Afghanistan et à Kaboul, mais d'autres groupes sont aussi la cible de plus d'attaques et de restrictions. Il est difficile pour un Afghan, disons libéral, de vivre en Afghanistan. Nous avons vu beaucoup de journalistes, de membres de groupes de la société civile et de gens aux vues incompatibles avec celles des talibans être la cible d'assassinats.
Au centre de tout cela, il y a le fait que ces attaques sont dirigées contre les Hazaras du quartier Dasht-e-Barchi à Kaboul. Pour ces Hazaras, ce quartier représente en grande partie ce que l'intervention internationale a permis d'accomplir en Afghanistan au cours des 20 dernières années. Tous ces gains sont maintenant menacés. On voit de jeunes filles qui vont à l'école...
:
Oui, monsieur. Je vous remercie tout d'abord de la question. Il y a deux choses. Il y a ce que dit la loi, et il y a ce qui se passe en pratique.
Dans la pratique, les choses sont complètement différentes. Les sikhs, les hindous et les autres minorités doivent payer la Jizya, une taxe que doivent payer tous les non-musulmans qui vivent en Afghanistan. C'est le premier élément.
Il y a ensuite le fait qu'on cherche à tel point à cibler et décimer les minorités qu'après l'attentat à la bombe à Kaboul, les sikhs n'ont même pas pu avoir une procession funéraire en paix. La procession a été prise pour cible. Des bombes ont été placées le long de la route. Des bombes ont été placées devant les maisons des sikhs et les gurdwaras. Puis, une fois la procession rendue au bûcher funéraire pour les funérailles, une autre bombe a explosé. Les assassinats et le ciblage sont sans fin.
Bref, on procède à un génocide total des minorités qui ne sont pas de la même foi qu'eux. Encore une fois, on ne vit pas, on s'efforce de survivre. C'est difficile parce que [Difficultés techniques] de simplement exister. Il faut vivre dans une situation d'infériorité et il faut vivre dans la peur.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier toutes les personnes qui témoignent devant nous aujourd'hui. Ce sont des témoignages incroyablement convaincants et des informations très importantes que nous recueillons auprès de vous. La question que j'aimerais vraiment comprendre et sur laquelle je pourrais peut-être obtenir un peu de précision, c'est le contexte actuel dans lequel nous nous trouvons.
Bien sûr, nous savons qu'en ce moment, nous sommes au beau milieu d'une pandémie de COVID-19. Les habitants de différents endroits dans le monde entier réagissent différemment et sont à différents stades de rétablissement par rapport à cette maladie, mais nous savons aussi que les États-Unis et le Canada se retirent de l'Afghanistan après avoir investi beaucoup d'argent dans ce pays et après avoir passé beaucoup de temps à parler de l'importance de s'assurer que les droits des femmes et des filles sont protégés, par exemple.
Je me demande juste ce qui se passe. Est-ce que cette violence contre les populations hazara et sikhes...? À quoi ressemble-t-elle? A-t-elle augmenté de manière significative? L'augmentation de la violence a-t-elle été importante? Dans quelle mesure cette violence est-elle liée à la COVID? Les difficultés liées à la COVID servent-elles de couverture aux agissements des talibans? Dans quelle mesure ces actions sont-elles attribuables au retrait des troupes? J'aimerais comprendre le contexte en ce qui concerne ce retrait et la pandémie mondiale de COVID-19.
Monsieur Maley, si je pouvais commencer par entendre votre réponse, ce serait formidable.
Il y a eu une escalade très importante de la violence contre les minorités depuis la signature de l'accord bilatéral entre les États-Unis et les talibans le 29 février 2020. Cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas d'actes de violence substantiels avant cela. En fait, il y en avait, mais il y a eu une escalade.
Je pense que c'est parce que l'accord entre les États-Unis et les talibans prévoyait, en quelque sorte, un moratoire sur les attaques des talibans contre les forces des États-Unis et de leurs alliés, mais dans la pratique, cela a eu pour effet de canaliser les attaques des talibans contre des cibles au sein de la communauté afghane. L'accord a malencontreusement encouragé ce type d'attaques. Si l'objectif des ennemis de l'État afghan est de montrer, de manière symbolique, l'incapacité de l'État à assurer la protection du grand public et, en un sens, à remplir une fonction clé de l'État, alors l'assassinat de minorités est un moyen très efficace d'annoncer l'impuissance du gouvernement, car, comme l'a déclaré Thomas Hobbes, dans ce genre de situation « la réputation du pouvoir constitue le pouvoir ».
En signant cet accord, les Américains ont renforcé la réputation des talibans et sapé celle du gouvernement afghan. Depuis, les attaques contre les minorités ont aggravé ce problème particulier. D'une certaine manière, il est probable que, dans toute situation de dimensions similaires, les minorités soient fortement attaquées et, pour cette raison, je ne vois pas comment nous pourrions assister à une diminution de ces attaques dans un avenir proche.
:
Je vous remercie beaucoup de votre réponse.
Ce que j'entends également de votre part, et que nous avons entendu de la part de tous les témoins qui sont intervenus aujourd'hui, c'est qu'il est très urgent que le Canada et d'autres organismes internationaux prennent des mesures parce que, bien sûr, la question n'est pas de savoir si les talibans attaqueront, mais plutôt quand ils attaqueront. Au point où nous en sommes, le Canada a-t-il un rôle à jouer dans le processus de paix, dans ce qui se passe sur le terrain et dans la protection des minorités afghanes dans le cadre de ce processus?
Nous avons entendu dire que le Canada doit faire davantage, en particulier une fois que la pandémie sera terminée, pour faire venir des gens au Canada et leur permettre de s'établir ici. Avons-nous un rôle à jouer en Afghanistan pendant ce processus de paix et, le cas échéant, quel est ce rôle?
Monsieur Ajimal, peut-être avez-vous quelque chose à présenter à ce sujet?
Je pense qu'à ce stade, plusieurs choses sont importantes. La première consiste à reconnaître qu'il n'y a pas de processus de paix fonctionnel en Afghanistan à l'heure actuelle. Bon nombre de gens font semblant d'y travailler, mais l'accord que les Américains ont signé avec les talibans était essentiellement une entente de sortie pour les États-Unis, plutôt qu'un accord de paix pour l'Afghanistan. Étant donné qu'à ce moment-là, les États-Unis ont donné aux talibans tout ce qu'ils voulaient vraiment, les talibans ont adopté depuis une stratégie visant à faire traîner les choses, mais ce n'est plus le principal enjeu.
En réalité, il vaudrait mieux que le gouvernement canadien et les gouvernements aux vues similaires adoptent une approche de gestion de crise, en reconnaissant que deux choses sont très importantes.
L'une d'elles consiste à continuer d'appuyer, non pas tant un gouvernement donné, mais un système républicain et pluraliste en Afghanistan, par opposition à l'ordre totalitaire que les talibans voudraient imposer. L'un des moyens d'y parvenir consiste à rechercher tous les canaux diplomatiques disponibles pour envoyer un message indiquant que ceux qui tentent d'imposer un ordre totalitaire peuvent s'attendre à être marginalisés et isolés à l'échelle internationale.
L'autre aspect concerne les personnes vulnérables. Il faut reconnaître qu'à un moment donné, des millions de réfugiés pourraient quitter l'Afghanistan en dépit de toutes les contraintes imposées par la COVID-19 que subit la circulation des personnes. Le nombre de réfugiés pourrait bien dépasser la capacité des gouvernements, comme ceux de l'Iran et de la Turquie, à empêcher ces réfugiés de poursuivre leurs déplacements vers l'Europe. On demandera à divers pays du monde entier de s'engager à permettre aux personnes qui n'auront vraiment aucune possibilité réaliste de retourner en Afghanistan en toute sécurité dans un avenir prévisible de s'établir sur leur territoire.
Le Canada, qui a une très longue histoire de contributions humanitaires à cet égard, a, là aussi, un rôle à jouer, selon moi.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier nos témoins.
En écoutant les exposés au début de la séance, je pensais à l'affaire du MS St. Louis, un navire transportant des réfugiés juifs de l'Holocauste qui a été refoulé par le Canada. J'ai été témoin à titre de parlementaire des excuses officielles présentées par le du Canada pour ce refus d'accueillir des réfugiés en fuite.
Par ailleurs, il était déjà question de la nécessité de mettre en place un programme spécial pour venir en aide aux minorités afghanes vulnérables lorsque je suis arrivé au Parlement en 2015. Nous avons donc ici un exemple flagrant d'inaction qui engendre beaucoup de frustration pour bien des gens, comme nous avons pu l'entendre ce soir.
C'est en décembre 2015 que j'ai fait ma première déclaration de député qui portait justement sur ce sujet. Je réclamais alors la création d'un programme spécial en vertu de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Balpreet Singh nous a parlé d'une lettre signée par des députés à l'appui d'un programme spécial en vertu de l'article 25, et je pense qu'il est important de souligner que cette lettre a également été signée par notre chef.
, notre porte-parole en matière d'immigration pour l'opposition, a lui-même parrainé une famille sikhe d'Afghanistan, et ce, avant même d'être député. Il y a longtemps que l'on réclame un programme semblable. Bien que certaines familles indiennes aient apporté leur aide, comme on nous l'a indiqué tout à l'heure, nous savons que le mécanisme souhaité — un programme spécial en vertu de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés — permettrait des parrainages directs en Afghanistan depuis le Canada. Rien n'a toutefois été fait. Nous continuons de le demander, parce que cela est vraiment essentiel. Je ne sais pas pour quelle raison on ne va pas de l'avant.
J'aurais d'abord une question pour M. Balpreet Singh.
Pourriez-vous nous préciser si le gouvernement a carrément dit « non » à la possibilité d'un programme en application de l'article 25 ou s'il n'a simplement pas répondu à la question?
Deuxièmement, pourriez-vous nous parler de précédents dont vous seriez au fait où le recours à de tels programmes spéciaux en vertu de l'article 25 aurait permis de venir efficacement en aide à d'autres communautés?
:
Voilà plusieurs années déjà que nous réclamons un tel programme.
Après le drame survenu en mars 2020, il y a eu bien sûr un dialogue avec le ministère. On nous a alors indiqué que ce n'était pas possible dans l'état actuel des choses. Ce n'était pas un « non » catégorique, mais plutôt un « pas pour l'instant ». Malheureusement, ce « pas pour l'instant » fait en sorte que ces gens demeurent en danger alors qu'ils le sont depuis trop longtemps déjà.
Lors de mon premier témoignage devant un comité, il en restait 2 006. Cinq années se sont écoulées depuis 2016, et nous nous retrouvons avec tous ces décès, toutes ces évacuations. Il n'y a plus d'avenir en Inde. Je vous ai déjà indiqué qu'il n'y avait pas là‑bas de mécanisme législatif qui permettrait aux réfugiés de s'installer. L'Inde n'est pas signataire de la Convention sur les réfugiés.
Il s'agit d'un programme spécial qui s'adapte au caractère particulier de chaque situation. Un programme semblable a été mis en place pour les réfugiés syriens. Il y en a eu un également pour les réfugiés tibétains qui se sont retrouvés en Inde, et un autre pour les réfugiés ismaéliens.
Nous parlons ici de personnes vulnérables qui peuvent facilement être identifiées en raison de leur apparence. Comme je le soulignais, Daech a déjà juré de les sortir d'Afghanistan ou de les éliminer, alors...
:
La société civile a un rôle important à jouer en Afghanistan, mais elle est également très vulnérable. Les moins de 30 ans comptent pour environ les trois quarts de la population afghane. Ces jeunes subissent très souvent l'influence de forces de mondialisation qui n'ont aucunement touché les générations qui les ont précédés. Il y a un effet positif qui en ressort. En parlant à des jeunes de toutes les sphères de la société, on constate qu'ils ne transportent pas tout le bagage de préjugés qui est le lot de générations plus âgées.
Par ailleurs, on a pu entendre au cours des derniers mois de nombreux intervenants du monde occidental faire valoir que le dynamisme de la société civile en Afghanistan allait servir de rempart contre les politiques, si néfastes soient-elles, que les talibans voudront mettre en oeuvre s'ils reprennent le pouvoir.
À mon sens, cette mauvaise interprétation de la situation a pour effet de pousser vers les avant-postes les militants de la société civile qui sont maintenant assassinés par les talibans. Nous savons tous bien sûr que la société civile était extrêmement dynamique au temps de la République de Weimar à la fin des années 1920 et au début des années 1930, mais que cela ne l'a pas empêché d'être également vulnérable et de se retrouver la tête sur le billot.
À titre d'exemple, la société civile afghane s'épanouit à la faveur des médias sociaux qui permettent à différentes personnes d'entrer en connexion. Il serait relativement facile pour un État répressif de mettre un frein aux communications utilisant ces plateformes. Il faut certes appuyer le travail de la société civile en Afghanistan, mais on ne doit pas y voir une solution magique à tous les problèmes de répression émanant actuellement de groupes défendant d'autres idéaux.
Nous n'apprenons bien sûr rien de nouveau, mais j'arrive tout de même difficilement à comprendre — surtout lorsqu'on nous dit que le gouvernement canadien a pu mettre en place des politiques d'immigration en ce sens pour d'autres groupes — pourquoi on est aussi hésitant à le faire pour les minorités afghanes. Tout cela est extrêmement préoccupant, et nous allons devoir maintenir nos pressions pour que quelque chose soit fait.
À titre de représentante du NPD au sein de ce comité, ce sera sans doute ma dernière intervention. Je pense que je vais profiter de l'occasion pour laisser la parole à nos témoins.
Y a‑t‑il quoi que ce soit dont nous n'avons pas traité pendant la séance d'aujourd'hui et dont vous voudriez faire part au Comité pour vous assurer que cela est consigné officiellement, ou une question que nous n'avons pas posée et à laquelle vous auriez voulu répondre? Si tel est le cas, je serai ravie de vous céder la parole.
Nous vous écoutons, monsieur Maley.
Je pense qu'il est important de garder à l'esprit le fait qu'il y a un risque de génocide en Afghanistan. C'est une affirmation qui peut sembler insolite, mais j'estime qu'elle est malheureusement fondée sur les enseignements tirés de l'Histoire.
L'exode massif des Hazaras de l'Afghanistan a commencé en août 1998 à la suite d'un massacre perpétré à Mazar-e-Sharif, massacre que le journaliste pakistanais Ahmed Rashid a décrit comme ayant une férocité s'apparentant au génocide dans son ouvrage sur les talibans publié par les presses de l'Université Yale. Certaines des pratiques observées récemment en Afghanistan peuvent être assimilées aux actes prévus à l'article II de la Convention sur le génocide, ce qui permet de croire qu'il y a dans ce pays tout au moins certains groupes qui nourrissent des visées génocidaires.
Il va de soi que l'on a toujours accordé une attention particulière, et ce, à juste titre, à la situation vulnérable des femmes en Afghanistan, étant donné que les talibans forment le groupe le moins féministe au monde, mais les talibans ne vont pas tenter de tuer toutes les femmes afghanes. Ils sont toutefois capables d'essayer de tuer tous les sikhs, tous les hindous ou tous les Hazaras.
Étant donné cet état de fait, j'estime que l'idée maîtresse derrière la Convention sur le génocide, dont l'adoption a été le fruit des efforts intenses déployés par Raphael Lemkin, est de faire en sorte que l'on n'attente pas simplement qu'une telle éventualité se concrétise. Il faut demeurer à l'affût des situations où cela risque vraiment de se produire et être prêt à intervenir. À mes yeux, c'est sans doute le plus grand danger qui nous guette actuellement en Afghanistan.
:
Merci pour la question.
Comme je l'indiquais dans mes observations préliminaires, le gouvernement du Canada représente l'option la plus viable pour cette population, ce qui fait que nous n'avons jamais interrompu le dialogue avec les représentants du gouvernement et de ses ministères.
Il est important de rappeler — et je vous le dis sans aucune hésitation — que nous avons un travail à faire. Nous bénéficions du soutien des députés de toutes allégeances, y compris au sein du caucus libéral. J'ai toujours fait valoir qu'il ne s'agissait pas d'une question partisane, mais bien d'un enjeu humanitaire. Chacun de nous a un rôle à jouer.
Nous avons obtenu de bons résultats, et je veux que nous continuions à le faire.
Nous avons entrepris les démarches pour l'établissement des premières familles arrivées en Inde en provenance de la province de Helmand, et nous rappelons sans cesse au gouvernement que nous sommes en train de créer un modèle qu'il faudra appliquer aux familles arrivées depuis, aux victimes des attaques qui ont visé des gurdwaras. Nous voulons aussi nous assurer que les enseignements tirés de cette expérience sauront inspirer le travail humanitaire accompli dans d'autres situations de crise ailleurs dans le monde.
Nous devons donc apprendre de ces expériences pour pouvoir appliquer ces enseignements par la suite, et, comme d'autres témoins l'ont fait valoir, toujours miser sur une stratégie proactive, plutôt que sur une approche réactive. Dans un contexte comme celui-ci, on arrive trop tard si l'on se contente de réagir; il faut intervenir de façon proactive. Comment pouvons-nous aider ces communautés avant que l'inévitable se produise et que des vies soient perdues?
Je dirais donc que nous avons bénéficié du soutien du gouvernement et que nous continuerons d'exercer des pressions sur nos dirigeants pour que ce travail puisse être mené à bien.