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Bienvenue à tout le monde. Nous allons commencer la cinquième réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Conformément à l'ordre de renvoi du 27 octobre 2020, le Sous-comité entame l'étude des répercussions de la COVID-19 sur les personnes déplacées du Venezuela et du Myanmar.
Pour que la réunion se déroule bien, j'invite tous les participants à garder leur micro fermé lorsqu'ils n'ont pas la parole et d'adresser tous leurs commentaires au président. Lorsqu'il vous restera 30 secondes sur votre temps de parole, je vous ferai signe avec cette carte.
Pour ce qui est des services d'interprétation, vous avez, au bas de l'écran, une icône avec un globe. Il vous suffit de cliquer sur « Anglais » ou « Français » et, si vous êtes bilingue, de laisser l'icône telle quelle.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins du premier groupe.
Amnistie internationale est représentée par Saad Hammadi, qui est militant régional pour l'Asie du Sud; Islamic Relief Canada est représenté par Zaid Al-Rawni, qui en est le président-directeur général.
Saad Hammadi, vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire.
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Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de parler de la situation des droits de la personne dans le contexte des réfugiés rohingyas au Bangladesh, pendant la pandémie de COVID-19.
Je dirai pour commencer que le Bangladesh a fait preuve d'une grande générosité en accueillant près d'un million de réfugiés rohingyas depuis 2017.
En janvier de cette année, le gouvernement de ce pays a annoncé qu'il allait autoriser les enfants rohingyas, qui constituent près de la moitié de la population réfugiée, à reprendre l'enseignement scolaire qu'ils suivaient au Myanmar. Malheureusement, à cause de la COVID-19, la mise en œuvre du projet pilote, avec ce nouveau programme, a été retardée. Nous espérons que le gouvernement bangladais va rouvrir progressivement les écoles, afin que ces enfants ne deviennent pas une génération perdue.
Il faut savoir que, malgré des capacités de dépistage et d'isolement limitées, les Bangladais ont réussi à contenir l'éclosion du virus dans les camps de réfugiés de Cox's Bazar, grâce à l'aide humanitaire internationale.
Pendant la pandémie, le Bangladesh a autorisé près de 700 Rohingyas à débarquer sur son territoire. Ces hommes, femmes et enfants avaient dérivé en pleine mer pendant plusieurs mois, parce que les autres gouvernements de la région refoulaient les bateaux qui les transportaient.
Je ne dirai jamais assez que les Rohingyas réfugiés au Bangladesh comptent parmi les populations les plus démunies au monde. Nombre d'entre eux nous ont dit et répété qu'ils voulaient retourner chez eux dès qu'il n'y aurait plus de danger pour eux, et dès qu'ils pourraient se prévaloir de leurs droits au même titre que les autres habitants du Myanmar.
Leur retour sécuritaire, volontaire et digne au Myanmar dépend aussi du rôle que vont jouer le Canada et d'autres membres de la communauté internationale. Tant que la situation reste inchangée au Myanmar, les réfugiés sont confinés dans des camps bangladais.
Ce qu'il faut, c'est qu'ils puissent avoir leur mot à dire dans les décisions qui les concernent. En septembre 2020, Amnistie internationale a publié un document intitulé Let us speak for our rights, qui décrit les sentiments des réfugiés en ce qui concerne leur accès aux services de santé, à l'éducation, à la justice, à l'information, et à la liberté d'expression, de réunion pacifique et de mouvement. Le titre, qui a été emprunté à un jeune réfugié rohingya, traduit bien le message que la communauté adresse au monde entier: nous voulons avoir notre mot à dire sur les affaires qui nous concernent.
En l'absence d'un processus de consultation clair, nous avons constaté que les problèmes des réfugiés ne sont pas toujours reconnus par les autorités. Par exemple, en ce qui concerne les soins de santé, qui sont cruciaux pendant une pandémie, les réfugiés se sont heurtés à des barrières linguistiques, à des comportements irrespectueux de la part de certains soignants, et à un manque d'information au sujet des services de santé disponibles dans les camps.
Marginalisés depuis des décennies, chez eux aussi bien que dans les pays où ils se sont réfugiés, les Rohingyas n'osent pas se faire entendre ou émettre des réserves sur les décisions prises par les autorités, par crainte de représailles.
En mai 2020, les autorités bangladaises ont emmené plus de 300 réfugiés rohingyas à Bhashan Char, une île isolée du golfe du Bengale qui a été aménagée par la marine du pays. Un grand nombre de réfugiés ont confié à Amnistie internationale qu'ils s'attendaient à être emmenés dans l'île à tout moment, qu'ils avaient peur d'aller s'installer dans un endroit qu'ils ne connaissaient pas, mais qu'ils avaient accepté à défaut d'avoir le choix.
Une femme rohingya, par exemple, nous a dit qu'elle avait accepté d'aller s'installer dans l'île parce que son mari s'y trouvait déjà. Deux autres nous ont dit que les autorités du camp avaient refusé de réparer leur abri en leur conseillant d'aller plutôt s'installer dans l'île.
Il faudrait mettre en place un processus de consultation des représentants des réfugiés et demander aux Nations unies de faire une évaluation technique, afin de s'assurer que la réinstallation des réfugiés se fait en toute sécurité, qu'elle est volontaire et qu'elle fait l'objet d'un processus de consentement éclairé.
Il est par conséquent important que le gouvernement bangladais adopte une politique transparente et respectueuse des droits, afin de permettre aux réfugiés de participer aux décisions qui les concernent.
L'aide humanitaire internationale est essentielle pour les réfugiés rohingyas, mais le Canada et les autres membres de la communauté internationale doivent encourager le gouvernement bangladais et collaborer avec lui, en lui offrant une aide technique pour élaborer cette politique.
Pour trouver une solution durable à la situation des réfugiés rohingyas au Bangladesh, il est indispensable que toute la communauté rohingya, locale et internationale, se mobilise.
Merci.
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Merci. Je suis ravi de revoir des visages connus, avec cet appel Zoom. Cela fait du bien.
Je dois vous dire, pour commencer, que j'ai fait partie du premier déploiement à Cox's Bazar, quand les réfugiés ont commencé à quitter l'État de Rakhine, au Myanmar, pour aller s'installer dans ce camp. Depuis, les conditions du camp n'ont fait qu'empirer.
Il faut bien comprendre que, même dans les meilleures conditions comme celles que nous connaissons ici, où nous pouvons nous laver régulièrement les mains, pratiquer la distanciation physique et recevoir une aide du gouvernement, la pandémie de COVID-19 pose d'énormes problèmes. Les économies des pays industrialisés sont sur le flanc, et les personnes les plus vulnérables ont été frappées de plein fouet par cette pandémie.
S'agissant des réfugiés rohingyas de Cox's Bazar en particulier, vous avez 890 000 et peut-être même un million de personnes qui sont confinées sur 26 kilomètres carrés, réparties dans 32 ou 38 camps différents, ce qui représente un très grand nombre de personnes. Les latrines sont installées un peu n'importe où, et il n'y a pas d'installations d'égouts dignes de ce nom, en tout cas par rapport aux normes canadiennes.
C'est une situation très difficile pour un grand nombre de ces réfugiés. Avant la pandémie, les autorités bangladaises avaient déjà, pour essayer de contenir… Elles ont déjà leurs propres problèmes à régler, et je reconnais — je suis d'accord avec M. Hammadi — qu'elles ont été très généreuses d'accueillir autant de gens. Il faut leur en faire crédit, ainsi qu'au Canada, qui a été généreux lui aussi.
Le Canada a joué un rôle déterminant vis-à-vis… Le rapport de Bob Rae et toute son action dans le dossier des Rohingyas sont très impressionnants. Mais malgré cela, la communauté rohingya a d'énormes défis à relever.
Lorsque la COVID-19 s'est transformée en véritable pandémie, et que les gouvernements se sont demandé quoi faire, quelles mesures prendre, comment réduire les risques, comment freiner la contamination, etc., le nombre de réfugiés admis dans les camps a été réduit, ainsi que le nombre de véhicules qui y étaient autorisés.
Certains collègues ont quand même trouvé des moyens de distribuer l'aide, mais d'autres ont dit que certaines familles étaient laissées pour compte et qu'elles ne recevaient pas toute l'aide dont elles avaient besoin.
Sans parler des services de santé délabrés — et le mot « délabrés » est un euphémisme — qui étaient offerts aux réfugiés avant la COVID-19. Depuis la pandémie, ces services de santé sont encore moins accessibles, voire totalement inaccessibles, simplement parce que les déplacements sont limités, à l'intérieur et à l'extérieur du camp, et que cela concerne aussi les médecins et les soignants d'ONG comme la nôtre ou comme Médecins sans frontières.
C'est vraiment difficile pour beaucoup de ces familles, si bien que c'est un problème qui s'ajoute à une situation déjà très complexe.
Vous avez aussi la question — et je tiens principalement ces informations de notre équipe sur le terrain — des rumeurs qui circulent dans Cox's Bazar, ce que les gens entendent, comment ils l'entendent et comment cela circule, au sujet de la COVID-19 et des moyens de prévenir cette maladie.
Quand on pense à ce qui se passe ici au sud de la frontière, avec tous ces gens anti-masques qui manifestent — des gens qui sont réfractaires aux preuves scientifiques, selon la façon qu'elles sont présentées, alors qu'il s'agit du pays le plus progressiste et le plus développé au monde sur le plan scientifique —, la situation à Cox's Bazar est hallucinante. Les gens ne savent plus qui ils doivent croire, ce qu'ils doivent croire, etc. Ils se méfient de tout. Cela entrave l'action des personnels soignants.
Dans la minute qui me reste, je voudrais dire ceci. Les répercussions réelles de la COVID-19 sur les réfugiés rohingyas du Myanmar sont encore inconnues. C'est la vérité, parce que nous n'avons pas assez de données réelles, de faits et de sondages pour pouvoir dire où nous en sommes exactement et que telle ou telle chose est la conséquence de la pandémie.
Cela dit, je vous rends le micro.
Merci, monsieur Fonseca.
Nous y travaillons toujours. Bien sûr, les projets ont été réajustés en conséquence. Par exemple, nous avions un projet sur le problème de la violence contre les femmes et les filles dans les camps, un projet sexospécifique. La première phase consistait à recueillir des données, mais nous avons dû l'interrompre parce que nos analystes ne pouvaient plus avoir accès aux camps.
Nous savons, par des recherches que nous avons faites et par des témoignages que nous avons entendus, que la violence contre les femmes et les filles a augmenté pour toutes sortes de raisons, notamment les pressions du confinement dans lequel se retrouvent les réfugiés rohingyas et l'incapacité des gens de travailler. C'est totalement une question de survie… Tout le monde dépend de l'aide alimentaire et de l'aide humanitaire dispensées par des organisations comme le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Islamic Relief, World Vision, etc. Personne ne peut aller travailler. Vous avez quelques bénévoles qui se font payer en liquide pour du travail bénévole, mais avoir un vrai travail, cela n'existe pas. Nous avons donc repoussé ce projet.
Nous avons également reporté plusieurs missions médicales que nous avions planifiées pour soigner des gens souffrant de maladies chroniques. Nous avons dû suspendre temporairement ces missions. J'ai déjà dit que la dernière fois que nous avons envoyé là-bas des médecins du Canada, ils sont revenus avec des histoires inquiétantes. Je suppose que les choses n'ont pu que se détériorer, étant donné que les médecins ne peuvent plus depuis longtemps aller soigner les gens pour des affections autres que la COVID-19. C'est quelque chose qu'il va falloir examiner de près.
Comme je le disais, le gouvernement bangladais a proposé de réinstaller 100 000 réfugiés rohingyas à Bhashan Char, une île éloignée dans le golfe du Bengale. Comme nous le suggérons, à l'instar des réfugiés eux-mêmes et de la communauté internationale, il faut absolument s'assurer que cette réinstallation se fasse volontairement et en toute sécurité, et que toutes les autres conditions sont réunies pour que les réfugiés puissent vraiment s'installer dans l'île et que l'aide humanitaire et les missions puissent se poursuivre à la fois dans les camps de Cox's Bazar et dans ceux de Bhashan Char.
Pour cela, il faut que les représentants des réfugiés puissent participer aux décisions qui les concernent. Même quand on parle de rapatriement, ce que voudrait le Bangladesh pour alléger la pression, il faut que ce soient les réfugiés eux-mêmes qui le demandent. Or, comme ils ont été marginalisés depuis des décennies, il faut qu'on leur donne les moyens de se faire entendre.
Ces gens-là n'ont jamais eu accès à une éducation adéquate et ils n'ont jamais, depuis des années, participé aux décisions qui les concernent. Il est important qu'ils soient préparés à prendre des décisions en toute connaissance de cause, qu'il s'agisse des services qui leur sont offerts dans les camps, de leur réinstallation ou de leur rapatriement.
Dans tous ces cas, ce qui est important, c'est qu'on s'entende sur une politique qui permette clairement une participation des réfugiés ainsi que des consultations avec la communauté d'accueil, qui a été très touchée, avec les autres communautés et avec les agences humanitaires.
Pour le moment, je crains qu'il n'y ait aucune politique précise à cet égard.
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Les restrictions qui ont été imposées se sont avérées plutôt positives pour les réfugiés, car au Bangladesh, la propagation du virus est considérable et elle est difficile à contrôler, à cause de la densité démographique. Je pense qu'il était indispensable de créer cet espace afin de limiter l'accès au camp et, partant, la propagation du virus; pour le moment, ça a donné de bons résultats.
Cela dit, ces restrictions ont posé d'autres problèmes. Par exemple, pendant un certain temps, l'aide humanitaire et les services de protection n'ont pu faire que de la gestion de cas à distance, et, lorsqu'il fallait régler au téléphone des cas de violence sexospécifique, ce n'était pas toujours facile. Beaucoup de réfugiés n'osaient pas parler de ce qu'ils avaient vécu pendant cette période.
Cela a aussi eu un impact sur le quotidien de certains réfugiés qui s'étaient portés volontaires pour participer aux projets de recherche et autres, ce qu'ils n'ont pas pu faire pendant toute cette période. Ces projets concernent plus particulièrement les cas de violence et de discrimination sexospécifiques, car dans certains endroits, les femmes nous ont dit qu'on les avait empêchées de sortir et de parler à quiconque.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux d'abord remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je les remercie aussi pour le travail essentiel et nécessaire qu'ils font et pour le dévouement dont ils font preuve.
Je vous remercie beaucoup d'être avec nous ce soir, messieurs.
Même avant la crise de la COVID-19, les réfugiés, les migrants et les personnes déplacées faisaient déjà partie des populations les plus vulnérables. On est déjà au courant de cela. Vous avez parlé tous les deux des femmes et des filles, et du problème des violences basées sur le genre. J'aimerais que vous alliez plus en détail, si c'est possible. Je m'adresse à vous deux, et vous déciderez qui prendra la parole en premier.
Comment la crise de la COVID-19 a-t-elle affecté les femmes et les filles rohingyas dans les camps de réfugiés?
Malheureusement, nous avons affaire aux communautés les plus vulnérables, et de toutes les communautés les plus vulnérables de la planète, les femmes et les filles constituent le segment le plus vulnérable. Elles sont malheureusement particulièrement exposées à la violence conjugale et à la violence sexospécifique. Cela est dû à de nombreux facteurs, notamment l'oisiveté, car les gens qui les entourent n'ont rien à faire. Il y a aussi le stress et la tension. Pour toutes sortes de raisons, elles sont donc plus vulnérables.
Pour ce qui est de leurs droits sexuels et sanitaires, c'est encore pire. Dans une société normale comme la nôtre au Canada, les femmes et les filles ont accès à tous les services de santé et d'hygiène dont elles ont besoin. Ils sont accessibles. Elles ont accès au planning familial, elles peuvent décider si elles veulent avoir des enfants, et quand. Elles ont le choix. Mais pour les femmes et les filles de ces camps, ce choix n'existe tout simplement pas. Tout cela fait qu'elles constituent le segment le plus vulnérable de la population de ces camps. Et en tant qu'acteurs humanitaires, nous devons être particulièrement conscients de ces vulnérabilités extrêmes lorsque nous venons en aide à ces personnes, afin de leur offrir le meilleur service possible.
Pour y parvenir, nous faisons une évaluation des besoins. C'est pour cela que nous avions prévu de faire ce projet de recherche cette année. Nous voulions évaluer la gravité de la situation et voir ce qu'une organisation humanitaire comme la nôtre pouvait faire, d'autant plus que, puisque nous partageons la même foi et les mêmes valeurs, nous sommes mieux placés pour faire comprendre aux hommes pourquoi il ne faut pas violenter sa femme ou ses filles et pour aider les femmes et les filles à se prévaloir de leurs droits sexuels et génésiques.
Bref, la situation est désastreuse. C'est très difficile, mais les organisations comme la nôtre sont parfaitement conscientes que c'est là le groupe le plus vulnérable, et elles consacrent une grande partie de leurs efforts à ces personnes-là ainsi qu'aux enfants.
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J’ajouterai que cette question est d’autant plus délicate dans les camps de réfugiés que les femmes et les enfants y représentent plus de la moitié de la population. Dans plusieurs cas, y compris lorsque des centaines de réfugiés sont restés abandonnés en pleine mer, nous avons constaté qu’à leur arrivée au Bangladesh, une fois qu’ils avaient été autorisés à débarquer, il s’agissait principalement de femmes et d’enfants, et que les bateaux avaient essayé de les débarquer dans d’autres pays asiatiques mais qu’ils n’avaient pas réussi et avaient donc dû revenir.
Comme l’a dit M. Al-Rawni, il y a des tensions dans les camps, notamment chez les femmes à cause de la discrimination dont elles sont victimes et parce qu’elles ne peuvent pas parler à qui elles veulent. Certes, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a mis en place des mécanismes de protection, mais ils ne sont pas toujours adéquats, d’après ce que nous ont dit certaines réfugiées.
Quand je dis qu’ils ne sont pas adéquats, ce n’est pas à cause de la violence. Ce n’est pas toujours non plus à cause du harcèlement sexuel. Ce sont des choses plus mineures, comme lorsqu’elles veulent avoir accès à des services de santé et qu’elles ne savent pas à qui s’adresser. Les obstacles à l’information, par exemple, imposent parfois de graves contraintes quand le chef de la famille est une femme.
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Oui. Merci, madame McPherson.
La réponse est très simple, malheureusement: la cause directe en est l’islamophobie. Quand on parle de la haine dont sont victimes des populations minoritaires, on en a actuellement un exemple particulièrement violent dans l’État de Rakhine, contre la communauté rohingya.
Avant d’aller au Myanmar, je croyais que c’était une question de race et d’origine ethnique. Et dans l’État de Rakhine, je croyais que c’était la couleur de la peau qui était le facteur principal, car j’entendais les termes péjoratifs que les responsables utilisaient à propos de ces communautés — « regardez leur peau, ce sont des gens méprisables » —, ce sont des termes qui sont abominables pour nous.
Je pensais que c’était un problème racial sous couvert d’islamophobie, mais quand je suis arrivé dans l’État de Rakhine, je me suis rendu compte que la communauté rohingya ressemblait beaucoup aux autres, je parle de l’aspect physique. Quand je suis allé dans d’autres régions de l’État de Rakhine, j’ai constaté que le seul caractère distinctif de cette communauté était sa religion, ce qui m’a beaucoup déçu.
Même encore aujourd’hui, les Rohingyas de l’État de Rakhine sont parqués dans des camps. Leurs fermes, leurs bateaux de pêche et leurs maisons ont été confisqués, et leurs mosquées ont été fermées. Ils vivent dans des camps entourés de barbelés et à trois entrées. Pour les rencontrer, il faut passer par un premier portail avec des gardiens, ensuite un deuxième puis un troisième. Je me suis vraiment demandé où j’étais. J’ai déjà visité des camps de concentration dans des pays européens quand j’étais plus jeune, et j’ai vraiment ressenti la même chose. C’était horrible, avec ces fils de fer barbelés et ces gardiens partout.
Mais nous savons que ce n’est pas nouveau. Cette situation n’est pas due à la pandémie, elle a simplement été exacerbée par elle.
Mais, comme vous l’avez dit tous les deux, cela va avoir des répercussions à long terme, tout comme la COVID-19 aura des effets pendant encore plusieurs mois, voire des années.
Ce qui me préoccupe, entre autres, c’est de savoir comment on va pouvoir vacciner ces populations. À l’heure actuelle, le Canada contribue au programme Covax, mais pas assez. À mon avis, il faudrait donner beaucoup plus d’argent pour assurer la vaccination de ces populations. On nous a dit qu’il y aurait une morbidité accrue d’environ 30 % si nous ne réussissons pas à distribuer le vaccin de façon équitable. Pouvez-vous, l’un ou l’autre, nous dire comment il serait possible de vacciner des populations aussi peu accessibles que celle de Cox’s Bazar, par exemple?
Monsieur Hammadi, vous pouvez commencer, si vous voulez.
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Nous avons la chance d’avoir une équipe très réactive, et il nous a été très facile d’adapter rapidement à la fois nos programmes et nos engagements auprès des Canadiens.
S’agissant d’Affaires mondiales Canada, je dirai, en toute honnêteté, que leur réponse a été forte. Ils nous ont écoutés et ont échangé avec la section, avec l’espace. Le s'est montré rigoureux, et a également été très présente, en se mettant à la disposition des ONG, des acteurs du développement international.
Pour autant, je pense que le Canada devrait augmenter sa contribution au développement international de façon générale. Ça reste encore insuffisant. On nous dit souvent que c’est à nous de faire de la sensibilisation afin que la population canadienne et les partis politiques y soient plus favorables. C’est vrai, mais il est important quand même que le gouvernement s’acquitte des engagements qu’il a pris à l’OCDE.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Al-Rawni et monsieur Hammadi, du travail formidable que vous faites depuis des années.
J’aimerais revenir sur un certain nombre de choses que vous avez abordées.
Monsieur Hammadi, vous avez parlé du manque de données. J’aimerais savoir, et M. Al-Rawni pourra répondre tout à l’heure, quel est le rôle du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et d’Amnistie internationale dans la cueillette des données visant à mieux comprendre comment la COVID-19 se propage dans les camps de réfugiés du monde entier, comme celui de Cox’s Bazar. Pensez-vous qu’avec davantage de données, il sera plus facile de freiner la propagation du virus et, aussi, de vacciner les populations?
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Je pense que le Haut Commissariat joue un rôle central dans la gestion des réfugiés des camps du Bangladesh. Ils ont leur propre base de données pour l’identification de ces réfugiés. Chaque famille de réfugiés a son propre numéro d’identité, lequel sert à déterminer les catégories d’informations qui sont nécessaires au niveau de la protection, de la vaccination ou de la santé. Ces données sont recueillies en collaboration avec d’autres agences onusiennes, comme l’Organisation mondiale de la santé.
Tout dépend du service dont on parle. S’il s’agit des enfants, c’est l’Unicef qui s’en occupe, mais toutes les autres agences travaillent ensemble.
Différents secteurs de services ont été créés dans les camps, par exemple, la santé, l’éducation, le genre, etc. Ces secteurs regroupent un grand nombre d’organisations humanitaires qui travaillent ensemble pour détecter les problèmes et évaluer les besoins. Donc, c’est déjà assez bien organisé.
Amnistie internationale s’occupe des droits de la personne, à commencer par les plus importants. Par exemple, au début de 2018, notre campagne était axée sur l’éducation pour les enfants rohingyas, mais avec l’émergence de la COVID-19, les priorités ont changé et on met aujourd’hui l’accent sur la participation des réfugiés qui ne peuvent pas se faire entendre. Nous avons constaté que c’était un élément très important pour connaître leurs préoccupations.
Je vais m’arrêter là pour laisser la parole à M. Al-Rawni.
Monsieur le président, j'aimerais vous parler une fois que les témoins auront quitté la réunion.
Je vois que les témoins ne sont plus en ligne.
Je me trompe peut-être, mais j'avais compris que tout le monde à ce comité avait le même temps de parole pour poser des questions. D'après ce que j'ai vu, les conservateurs et les libéraux ont eu plus de temps. Je ne jette la pierre à personne et je ne veux pas que ce soit vu comme un affront. Je me pose la question.
Cela n'aurait-il pas dû être une question par parti au deuxième tour?
Je sais que nous avons des règles à suivre et que c'est cinq minutes. Je suis nouveau à la Chambre des communes et je suis peut-être naïf, mais je croyais que tous les partis avaient le même temps de parole à ce comité. C'est ce qu'on m'avait dit.
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Bienvenue au deuxième groupe de témoins. Nous aurions aimé que vous soyez des nôtres en personne, mais nous sommes tous en mode virtuel.
Bienvenue à vous tous. Je crois que nous avons tous été présentés au moment de la vérification du son, mais je vais tous vous nommer.
De CARE Colombia, à Bogota, nous avons M. Marten Mylius, directeur de pays. De Médecins Sans Frontières, nous avons M. Joe Belliveau, directeur général, ainsi que M. Jason Nickerson, conseiller aux affaires humanitaires. D'OBAT Canada, nous avons M. Shujaat Wasty, fondateur et président-directeur général.
Messieurs, si vous avez besoin d'un interprète, en bas de votre écran, vous verrez un globe et vous pourrez choisir entre anglais et français ou, si vous êtes bilingue, vous n'avez rien à changer.
Assurez-vous que vous coupez votre micro quand vous ne vous exprimez pas.
Je vous préviendrai 30 secondes à l'avance que le temps de parole du membre du Comité qui pose des questions se termine.
Cela dit, nous allons commencer par M. Mylius.
Monsieur Mylius, vous avez la parole pour cinq minutes pour vos observations préliminaires, et les autres témoins auront également cinq minutes.
Monsieur Mylius, vous avez la parole.
Il y a un afflux constant de réfugiés et de migrants en provenance du Venezuela. En cinq ans environ, plus de cinq millions de Vénézuéliens ont dû quitter leur pays à cause d'un effondrement politique, économique et social sans précédent. L'immense majorité de ces personnes déracinées vivent maintenant dans des pays d'accueil sud-américains. Cependant, elles doivent se battre tous les jours pour faire respecter leur dignité humaine fondamentale, pour se loger, pour nourrir leurs enfants ou pour trouver des services de santé pour les malades.Il s'agit du plus grand exode qu'ait connu l'Amérique du Sud ces dernières années et il n'est pas terminé.
La Colombie, qui partage avec le Venezuela une frontière poreuse de 2 000 kilomètres de long, supporte la majeure partie du fardeau. Aujourd'hui, elle a sur son sol 1,8 million de Vénézuéliens. Comme d'autres pays de la région, la Colombie fait preuve d'une incroyable générosité, qui commence toutefois à s'émousser. La pandémie frappe durement la Colombie qui compte parmi les 10 pays les plus touchés du monde. Les mesures énergiques qu'elle a prises pour enrayer la propagation du virus sont lourdes de conséquences économiques. Des millions de Colombiens ont perdu leur emploi et 15 % de la population ne peut plus se permettre qu'un repas par jour. Des chiffons rouges étaient accrochés aux fenêtres dans tout le pays comme autant d'appels à l'aide désespérés.
La pandémie a non seulement accru les besoins humanitaires, elle a créé une toute nouvelle dynamique. Partout dans la région, les Vénézuéliens travaillaient surtout dans des secteurs informels et non réglementés. Les mesures de quarantaine stricte imposées à la fin du mois de mars ont supprimé des centaines de milliers de leurs sources de revenus. Les répercussions se sont ressenties dans toute la région. Tout à coup, des milliers de personnes se sont retrouvées sans toit, car elles n'avaient plus de quoi payer leur loyer. À Bogota, des camps de fortune sont apparus. Des quatre coins de la région, des milliers de Vénézuéliens ont repris à pied le chemin de leur pays. Certains ont marché depuis le Chili. En septembre, plus de 100 000 Vénézuéliens étaient rentrés au Venezuela.
Quand de nombreuses restrictions ont été levées en Colombie en septembre, la tendance s'est de nouveau inversée. Chaque jour, des milliers de personnes ont de nouveau franchi la frontière. À présent, toutefois, elles n'ont plus que les trochos pour passer de l'autre côté, ce qui les expose aux narcotrafiquants, aux guérilleros, aux paramilitaires et aux bandes criminelles. La tragédie des disparitions dans la région frontalière est un symptôme d'une crise ignorée causée par le déplacement, le confinement et une vague montante de menaces et d'assassinats de dirigeants de la société civile. Nous parlons d'un conflit armé qui ressurgit et fait rage partout où des économies illégales prospèrent en Colombie.
CARE travaille le long des itinéraires suivis par les caminantes. Le long des principaux axes de Colombie, des Vénézuéliens cherchent à gagner les centres urbains ou les pays voisins. À cause de la pandémie, ils trouvent maintenant une infrastructure de soutien réduite, car beaucoup d'organismes ont eu du mal à respecter les normes sanitaires. Nous constatons qu'en comparaison d'une population moyenne, les caminantes comptent dans leurs rangs un pourcentage nettement plus élevé de femmes enceintes ou qui allaitent. CARE et ses partenaires locaux, les médecins et les infirmières considèrent qu'elles présentent un risque élevé de complications.
Comme le système de santé vénézuélien est paralysé, ces femmes ou ces adolescentes n'ont jamais reçu de soins prénatals et postnatals. Le taux de mortalité maternelle est nettement plus élevé dans la région frontalière que dans le reste de la Colombie. Cela tient au fardeau supplémentaire de réfugiées et de migrantes, mais aussi au manque d'accès aux soins. En fait, être sans-papiers est le principal obstacle qui influe sur la vulnérabilité. Plus de la moitié de ces femmes sont clandestines et donc exclues du marché du travail ou des services de santé. Cette situation fait grimper les taux d'exploitation sexuelle et de prostitution de survie dans la région frontalière. Il arrive souvent que nos équipes s'occupent de victimes de violence sexuelle et de violence.
Pour ce qui est de nos principales recommandations, premièrement, la communauté internationale doit reconnaître que la crise migratoire des réfugiés vénézuéliens bat son plein et que les pays d'accueil d'Amérique du Sud, dont la population souffre déjà de la pandémie, en font les frais. Ces populations ont peur et, de plus en plus, elles ne veulent pas ou ne peuvent pas accueillir une autre vague de migrants.
Deuxièmement, la communauté internationale doit reconnaître que les migrations changent la dynamique dans les régions touchées par des conflits internes le long de la frontière avec le Venezuela et l'Équateur, et elle doit réagir.
Enfin, les femmes et les filles ont besoin d'une attention humanitaire sexospécifique afin d'être soutenues et de pouvoir cerner les besoins en matière de protection découlant du déplacement, des conflits et de la pandémie, et de répondre a ces besoins.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie le sous-comité de me donner l'occasion de lui présenter mon témoignage ce soir.
La pandémie de COVID-19 frappe de façon disproportionnée les plus vulnérables dans le monde. Pour beaucoup d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent dans des camps officiels ou informels, dans des centres d'accueil ou dans des centres de détention, la COVID sert à justifier l'imposition de restrictions supplémentaires à leur capacité d'accéder aux services dont ils ont besoin.
En septembre, alors qu'un seul cas était signalé, les autorités grecques ont imposé une quarantaine aux réfugiés du camp de Moria, sur l'île de Lesbos, enfermant 13 000 personnes dans ce qui, bien avant la COVID, était déjà une structure surpeuplée aux conditions sanitaires catastrophiques et qui a entièrement brûlé quelques semaines après l'imposition de la quarantaine.
Dans le centre de la Méditerranée, les gouvernements européens se cachent derrière la COVID-19 pour ne pas aller secourir en mer dans leurs zones de recherche des pneumatiques surchargés en détresse et pour refuser aux navires de sauvetage des ONG le droit de débarquer leurs passagers.
La COVID a des conséquences médicales et sanitaires directes que nous connaissons tous et qui touchent de façon disproportionnée les plus vulnérables, mais notre principal message au sous-comité concerne les effets secondaires de cette pandémie sur les réfugiés migrants et sur d'autres personnes jetées sur les routes.
À Cox's Bazar, où plus de 850 000 réfugiés rohingyas s'entassent sur un terrain de 26 kilomètres carrés, ces effets secondaires se ressentent dans la présence réduite du personnel et des organismes humanitaires. Les activités médicales et humanitaires ne sont plus prioritaires, ce qui a des conséquences désastreuses pour les résidents du camp.
Malgré un nombre de cas de COVID-19 insignifiant, à Cox's Bazar, les [difficulté technique] humanitaires sont paralysés par un fonctionnement axé sur un confinement à tout prix et la présence humanitaire demeure aussi réduite que pendant la phase critique de la flambée épidémique.
Ces restrictions ont des conséquences bien réelles. On ne saurait sous-estimer l'impact sur la santé de près de huit mois de restrictions. MSF voit plus de malades en phase aiguë dans les centres de santé, ce qui indique qu'ils ont tardé à consulter. Par exemple, le pourcentage de grossesses compliquées dans un des centres de santé de Cox's Bazar est passé de 3,7 % en janvier à 19 % en octobre, et il s'agit manifestement d'une conséquence de l'activité de santé sexuelle et génésique réduite.
On constate par ailleurs une escalade dans la gravité des tableaux cliniques des problèmes de santé mentale, ce qui est, là aussi, probablement lié au fait que les soins psychosociaux préventifs ne sont de manière générale plus considérés comme prioritaires. Par exemple, entre avril et juillet, le nombre mensuel de tentatives de suicide a doublé au centre de MSF dans le camp de Kutupalong.
Nous avons aussi observé que les services de protection sur le terrain, comme les espaces sécuritaires, l'accès à la justice, les activités éducatives, etc., ne sont plus une priorité et sont absents de manière générale.
Un retour sécuritaire à des activités humanitaires régulières est nécessaire dans les camps, y compris des services de santé. Les besoins quotidiens sur le plan de la santé ne disparaissent pas parce qu'il y a une pandémie. Des femmes ont encore besoin de soins obstétriques d'urgence en cas d'accouchement compliqué. Des personnes ont besoin d'antipaludiques pour prévenir et traiter la malaria. Les enfants ont besoin de vaccins courants pour prévenir des cas de rougeole, de polio et d'autres maladies. Des personnes qui vivent avec le VIH ont toujours besoin d'antirétroviraux, et la liste ne s'arrête pas là.
Nous devons rétablir les services, mais nous devons aussi remédier aux lacunes créées. Par exemple, nous devons mener des campagnes de vaccination de rattrapage pour regagner tout le terrain perdu au cours des huit derniers mois dans ce domaine.
En Colombie, où MSF travaille depuis 1985, nous assistons à une dynamique similaire. Depuis mars dernier, la crise de la COVID a exacerbé les [difficulté technique] entre les communautés d'accueil et les migrants vénézuéliens dont elles estimaient qu'ils ne respectaient pas la quarantaine et qu'ils propageaient la maladie. Ces tensions n'étaient pas nouvelles, mais la COVID les a certainement exacerbées.
MSF a continué de prêter assistance aux Colombiens comme aux migrants vénézuéliens en Colombie pendant toute la crise de la COVID dans ses projets à Tibú, Norte de Santander et Arauca.
MSF a vu très peu de cas de COVID parmi les migrants en Colombie, mais ces migrants faisaient face à d'autres difficultés aussi. Ainsi, ils étaient encore plus exclus du système de santé. Dans l'ensemble, la pandémie a eu un effet dévastateur sur les moyens de subsistance des migrants dans le pays. La COVID a contraint à fermer des halles et des centres d'hébergement, ce qui a causé une immense détresse chez des personnes qui risquent d'être massivement expulsées de logements bon marché, puisqu'elles n'ont plus de revenus, et qui ont dû camper dans les rues la nuit ou se rabattre sur de la nourriture à bas prix pour survivre.
Avec l'application des mesures de confinement et des restrictions aux services médicaux pour se concentrer sur les soins aux patients infectés par le virus, l'accès aux soins de santé primaires était limité et les consultations en personne refusées.
Aujourd'hui, les répercussions de cette pandémie continuent de se faire sentir. Les équipes de MSF continuent de voir des milliers de cas soupçonnés ou confirmés de COVID dans nos projets tous les mois. Nous savons d'expérience que les migrants et les populations itinérantes n'ont souvent pas accès aux services de santé des systèmes de santé, ce qui a des conséquences désastreuses que nos équipes constatent sur le terrain.
On ne sait pas encore quand et comment les vaccins contre la COVID-19 seront administrés aux personnes qui sont en dehors des systèmes de santé officiels, qui n'ont pas accès à des services de santé courants et préventifs, et qui risquent très certainement d'être exclues de la vaccination contre le COVID. [Difficulté technique] nécessaire pour se préparer à la COVID et pour y faire face. Cependant, cette vigilance et ces interventions ne peuvent pas...
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Monsieur le président, membres du sous-comité et autres témoins, bonsoir.
Good evening.
Ayant été bénévole à l'international depuis 13 ans, je suis ici ce soir en ma qualité de fondateur et membre du conseil d'administration d'OBAT Canada, un organisme de bienfaisance basé sur le bénévolat. Depuis près de 50 ans maintenant, notre objectif principal est d'aider la population déplacée de langue ourdou au Bangladesh, une population largement négligée et vivant dans des camps sordides. Grâce à ce travail au Bangladesh, j'ai eu connaissance de la souffrance du peuple rohingya lorsque la crise s'est aggravée en 2017.
Je me suis personnellement rendu à plusieurs reprises dans les camps de réfugiés rohingyas. Dire que les Rohingyas sont un peuple persécuté est un euphémisme grossier. J'étais bien conscient des détails déchirants du génocide avant de me rendre dans les camps, mais rien ne m'aurait préparé à rencontrer les survivants en personne. Que puis-je dire à une femme qui a vu son mari et ses jeunes enfants être sauvagement tués et qui a ensuite été violée à répétition par de nombreux hommes armés?
Il y a des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants rohingyas, chacun avec sa propre histoire de cruauté insondable. De nombreux intervenants humanitaires travaillant auprès des réfugiés rohingyas ont admis avoir été ébranlés par ce qu'ils ont vu et entendu. Je ne peux que le décrire comme un tsunami de misère.
Pourtant, même dans les situations les plus sombres, la résilience du peuple rohingya est impressionnante. En particulier, le courage des femmes rohingyas est sans pareil. Ayant fait face au pire du pire et endurant maintenant la misère de leur nouvelle réalité, elles tentent de survivre en dépit de la plus extrême adversité.
Comme le veut notre tradition, de nombreux Canadiens ont répondu de manière désintéressée en donnant généreusement ou en faisant du bénévolat sur le terrain ou par des efforts de sensibilisation. Au début, notre équipe OBAT a travaillé sans relâche pour construire et réparer des abris, distribuer de la nourriture et d'autres articles de base et mettre en place et faire fonctionner nos initiatives sanitaires en plus d'offrir des lieux d'apprentissage sûrs pour les enfants.
Sur ce point, j'aimerais prendre un moment pour saluer le vote unanime de notre Parlement en 2018, qui a reconnu les crimes commis contre le peuple rohingya comme un génocide et a ainsi attiré davantage l'attention de la communauté internationale sur son sort.
Les camps de réfugiés au Bangladesh demeurent surpeuplés, le terrain est précaire, il y a de graves risques hygiéniques et des conditions météorologiques impitoyables et, bien sûr, les risques réels posés par la pandémie de COVID-19. Au 11 novembre, plus de 15 600 tests de dépistage de la COVID avaient été effectués dans les camps, avec 348 cas confirmés et 126 autres personnes en isolement ou en quarantaine. Il y a malheureusement 10 décès.
Ces chiffres semblent nettement meilleurs que ceux de la communauté d'accueil voisine de Cox's Bazar, mais il est important de prendre en compte le nombre de tests effectués par rapport à l'ensemble de la population des camps de réfugiés. De plus, les camps étaient déjà soumis à des restrictions d'entrée et de sortie avant même la pandémie. Depuis, l'accès a encore été restreint. Si ces mesures ont pu contribuer à la prévention d'importantes éclosions de la COVID-19, elles ont malheureusement eu d'autres effets négatifs.
Notre poste de santé OBAT à Kutupalong en est un exemple. Il comptait sur des bénévoles internationaux pour traiter 250 patients rohingyas par jour avant la pandémie. Cependant, nous avons dû depuis nous fier exclusivement au personnel local réduit. Notre capacité a fondu à aussi peu que 40 patients par jour au début de l'année. Plus récemment, elle est passée à plus de 100, mais l'impossibilité de voir autant de patients laisse des réfugiés vulnérables à des affections qui ne sont pas traitées et qui s'aggravent, ou même à la possibilité d'autres éclosions.
La menace de la pandémie a aussi entraîné la suspension de toutes les écoles depuis des mois au Bangladesh, y compris de nos centres d'apprentissage dans les camps. Ces centres offrent par ailleurs un lieu sûr aux enfants rohingyas. Nous avons essayé de recourir à des stratégies de rechange, comme la distribution de matériel pédagogique aux élèves pour qu'ils l'emportent chez eux et les rencontres individuelles avec nos éducateurs chez eux, mais cela n'a pas été facile et la qualité n'est évidemment pas la même.
Il peut être difficile de se faire une idée du grand nombre de réfugiés rohingyas au Bangladesh, mais je tiens à souligner que cette énorme population est composée d'individus. Chacun mérite la sécurité, la paix, d'aimer et d'être aimé, de rire et de vivre dans la dignité et le droit à un avenir meilleur.
Je vous remercie.
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Le problème en ce moment, c'est que les frontières sont fermées depuis mars dernier. Il n'y a pratiquement aucun moyen d'entrer dans le pays de manière régulière, par exemple en passant par la migration. Dans la région où nous travaillons, Norte de Santander, et le long des parcours des
caminantes, il y avait d'importants postes frontaliers. Des milliers de personnes traversaient chaque jour de façon régulière. Ce n'est plus le cas. Les frontières sont fermées.
L'incertitude règne; nous nous attendions à ce que la frontière rouvre en novembre, mais hier, le président a annoncé que l'urgence sanitaire était maintenue jusqu'à la fin du mois de février prochain. Nous ne nous attendons pas vraiment à ce qu'une éventuelle frontière soit rouverte maintenant. Toutefois, la frontière est poreuse, comme je l'ai dit. Il y a les trochas, les passages illégaux: on estime qu'il y en aurait un peu plus d'une centaine, que les gens utilisent. Il y a une énorme présence d'acteurs armés non étatiques, ce qui augmente incroyablement les risques des passages. Les gens se font demander un paiement.
Il y a une autre pandémie de disparitions dans la région frontalière. Il y a du recrutement forcé au sein de ces groupes. Nous parlons de groupes de guérilla, mais il y a aussi les groupes de narcotrafiquants et des groupes paramilitaires. Il y a toutes sortes de groupes, parce que c'est aussi la deuxième région la plus importante pour les plantations de coca. La grande présence de ces plantations attirent bien sûr beaucoup de ces groupes. Les migrants, qui ne sont pas conscients de la situation, sont recrutés dans les groupes de traite de personnes.
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Je comprends. C'est très facile à croire.
Si nous examinons rapidement les chiffres, parce que nous comparons les Rohingyas au Bangladesh aux Vénézuéliens en Colombie et ailleurs, j'ai observé qu'en Colombie, le taux de la COVID, si nous pouvons en croire les chiffres officiels, est environ sept fois plus élevé en pourcentage de la population qu'au Bangladesh.
On dirait qu'ils ne croient pas avoir la maîtrise de la situation. Vivent-ils une deuxième vague comme nous la vivons ici au Canada où la situation semble empirer? Ici, il y a une réponse de politique publique que nous devrions essayer d'arrêter l'activité économique. Est-ce que des mesures du genre sont prises?
Je pose cette question en partie parce que je suppose que de nombreux Vénézuéliens doivent littéralement travailler pour se nourrir. Ils n'ont pas la possibilité de rentrer chez eux et de vivre de leurs économies ou d'une aide gouvernementale quelconque.
Monsieur Belliveau, j'ai l'impression que de tous nos témoins, vous êtes celui qui possède le plus d'expérience internationale directe. Par exemple, vous avez parlé de la situation à Lesbos, qui se trouve en dehors de la région que nous étudions. Pour déterminer les meilleures et les pires pratiques, il est pertinent de se pencher sur d'autres endroits.
Lorsque vous examinez les différentes situations dans le monde où, entre autres, des réfugiés et des migrants sont confrontés à des problèmes liés à la COVID et aux autres effets sur la santé dus à sa présence, où diriez-vous que la réponse est meilleure qu'ailleurs? Je m'intéresse à la réponse en matière de politique publique, la réponse des autorités.
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Je ne pense pas qu'il soit possible d'en exagérer l'importance. D'après notre expérience, par exemple, je vais juste établir une comparaison avec les camps des personnes déplacées parlant l'ourdou, qui sont au Bangladesh depuis 50 ans. J'ai bien dit 50 ans. Plusieurs générations ont vécu et languissent dans ces camps. Nous ne voulons pas que les Rohingyas se retrouvent dans pareilles situations.
Pour aider les Rohingyas à s'en sortir, à se prendre en charge et à défendre leurs propres intérêts, il est évident que la solution passe par la scolarisation des enfants rohingyas. Comme vous l'avez dit, il y a des défis à relever, c'est évident. Ces défis sont maintenant plus grands en raison de la COVID. Le gouvernement du Bangladesh a changé d'avis et nous a permis à nous, les ONG... de mettre sur pied des écoles et un programme d'études. Bien sûr, d'après ce que j'ai compris, cela prendra encore quelques mois. Maintenant, en raison de la situation de la COVID, nous sommes encore plus éloignés de cette réalité.
Nous avons actuellement des centres d'apprentissage temporaires. Nous ne parlons pas d'un programme d'études complet. Cependant, ces programmes offrent un lieu sûr aux enfants, un lieu où ils peuvent venir, trouver refuge dans des camps de réfugiés, se voir, chanter des chansons, acquérir des connaissances de base. Même cela leur est maintenant retiré, alors...
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C'est vraiment très urgent.
Je suis désolée de vous interrompre. Je veux simplement m'assurer de pouvoir poser ma prochaine question. J'entends l'urgence et je la comprends.
Ma dernière question s'adresse à M. Mylius, de CARE.
Je sais que CARE a accompli un travail phénoménal dans le monde entier en matière de réduction de la pauvreté. Je m'intéresse à cette dynamique où l'on voit l'intervention humanitaire immédiate, mais aussi la nécessité d'une aide au développement international à long terme. Nous savons que le Canada n'a pas joué un rôle assez important dans le développement international. Notre aide publique au développement est très faible. Je vous demanderais de nous dire à quel point l'aide humanitaire est importante en ce moment, mais aussi, comment faute de développement, nous n'allons pas vraiment aider à sortir de la COVID. Cela ne fonctionnera pas à long terme.
C'est une façon très inélégante de vous poser cette question. Je vous prie de m'en excuser.
Merci, madame McPherson. Merci, monsieur Mylius.
Je tiens à remercier tous nos témoins au nom de notre comité. Comme l'honorable Judy Sgro l'a dit au début, vous êtes nos héros méconnus. Nous le ressentons. Nous l'avons entendu dans vos réponses aux questions qui vous ont été posées. Merci pour le travail inlassable que vous accomplissez dans le monde entier pour les personnes dans le besoin.
Mesdames et messieurs, nous allons suspendre la séance et la reprendre à huis clos. Je pense que tout le monde devrait avoir en main ces détails. Si nous pouvions le faire le plus rapidement possible, nous pourrons conclure.
Je vous remercie.
[La séance se poursuit à huis clos.]