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La séance est ouverte. Je vous souhaite à tous la bienvenue à la septième réunion du sous-comité des droits internationaux de la personne. Conformément à l'ordre de renvoi du 27 octobre 2020, le Sous-comité entreprend son étude sur les répercussions de la COVID-19 sur les personnes déplacées du Venezuela et du Myanmar.
Afin d'assurer une réunion ordonnée, j'encourage tous les participants à éteindre leur microphone lorsqu'ils n'ont pas la parole et à adresser tous leurs commentaires à la présidence. Lorsqu'il vous restera environ 30 secondes, je lèverai ce carton pour vous en aviser. Ceux qui ont besoin des services d'interprétation peuvent cliquer sur l'icône d'un globe au bas de leur écran. Vous pouvez passer de l'anglais au français à votre guise.
Aujourd'hui, mesdames et messieurs les membres du Sous-comité et les témoins, nous sommes le 10 décembre, qui est la Journée des droits de la personne. C'est en cette journée, en 1948, que l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration des droits de l'homme des Nations unies. C'est un honneur pour nous de recevoir notre ambassadeur auprès des Nations unies, l'honorable Bob Rae en cette journée spéciale.
Nous souhaitons donc la bienvenue à M. Rae qui se joint à nous également en tant qu'ancien envoyé spécial au Myanmar.
Avant d'entendre l'ambassadeur, j'aimerais vous présenter les deux autres témoins de la réunion. Nous recevons David Mueller, qui est représentant de pays, Myanmar et Laos, pour la Fédération luthérienne mondiale. Nous recevons également la représentante de Human Rights Watch, Manny Maung, qui est chercheuse pour le Myanmar.
Nous allons entendre M. Rae, qui dispose de cinq minutes.
Monsieur l'ambassadeur, vous avez la parole.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir revenir en territoire connu, et de vous voir tous.
Mon discours préliminaire se centrera sur le Myanmar et le Bangladesh, pour vous donner une idée de la situation des réfugiés rohingyas et d'autres réfugiés au Myanmar.
Environ 600 000 Rohingyas se trouvent toujours au Myanmar, et un Rohingya sur cinq vit dans ce qu'on appelle les camps pour personnes déplacées. Ces camps ont été comparés à des camps de concentration par Christopher Sidoti, un ancien membre de la mission d'enquête des Nations unies au Myanmar. J'ai visité l'un de ces camps — le plus gros, à Sittwe — et on se croirait dans une prison à ciel ouvert. C'est ce qu'ils sont, en fait.
Bien que la COVID-19 ait donné lieu à de nouvelles restrictions en matière de déplacements et d'accès aux services pour ces personnes et ait souligné le caractère vulnérable de leurs conditions de vie très encombrées, il nous faut reconnaître la réalité: ces difficultés ne font que perdurer. La COVID a empiré la situation, mais il faut comprendre qu'elle était déjà très mauvaise au départ.
La détérioration de l'État de Rakhine, qui se situe au nord-ouest du Myanmar et à la frontière avec le Bangladesh, est attribuable aux combats entre la Tatmadaw, qui est l'armée du Myanmar, et ce qu'on appelle l’armée d’Arakan, qui n'est pas composée de Rohingyas, mais dont les membres représentent la population bouddhiste locale dans ce qu'on appelle l'Arakan, ou l'État de Rakhine.
Il y a encore de nombreux problèmes de discrimination qui affectent les Rohingyas. Les discours haineux sont toujours très présents. Les Rohingyas se trouvent dans une situation d'extrême vulnérabilité.
Je crois que nous avons l'occasion, après les élections au Myanmar, d'accroître notre niveau d'engagement et d'insister pour que l'on prenne des mesures afin de régler la crise politique au Myanmar. Ce sera très difficile.
Comme vous le savez, nous sommes aussi un chef de file en matière d'efforts internationaux pour accroître la responsabilité associée aux violations graves, tant à la Cour pénale internationale qu'à la Cour internationale de justice.
Au Bangladesh, environ 860 000 réfugiés rohingyas se trouvent encore dans des camps de fortune surpeuplés, à Cox's Bazar. J'ai eu l'occasion de m'y rendre à de nombreuses reprises. À l'heure actuelle, les possibilités pour eux de retourner au Myanmar à court terme sont faibles. Je serai heureux de répondre à vos questions sur ce sujet si vous en avez, mais il y a de nouveaux problèmes, qui se sont accentués en raison de la COVID.
Il est important de se rappeler que la COVID est un enjeu en matière de santé, mais est aussi un enjeu social et économique, comme c'est le cas pour nous au Canada. Les conséquences économiques de la pandémie exacerbent les problèmes internes au Bangladesh et créent des conditions extrêmement difficiles pour les Rohingyas.
En réponse au rapport que j'ai rédigé et à la situation décrite dans ce rapport, le Canada s'est engagé à mettre en oeuvre un programme sur trois ans. Je ne peux vous dire à quoi les trois prochaines années vont ressembler, mais je sais, d'après mes discussions avec le ministère, qu'un nouveau programme sera lancé en avril. Le Canada déploiera de nouveaux efforts pour aborder les répercussions humanitaires de la situation.
Il faut comprendre que la situation est très difficile depuis le début de la pandémie, puisque le camp est fermé aux étrangers. Le travail avec bon nombre de nos partenaires internationaux est très difficile à l'heure actuelle. Nous continuons d'aider les partenaires locaux à obtenir l'aide alimentaire et les interventions sanitaires dont ont besoin les Rohingyas et la population bangladaise locale.
Les restrictions relatives aux déplacements sont sévères et il y a de graves problèmes avec les communications et l'accès à Internet. En gros, le camp est confiné. Je n'y suis pas allé au cours des derniers mois, mais ceux qui s'y sont rendus disent qu'il y a des barbelés partout autour du camp et qu'il est très difficile d'y entrer ou d'en sortir. Les conditions à l'intérieur du camp se sont détériorées, de façon générale.
Selon les dernières données dont je dispose, il y a eu 5 098 cas de COVID-19 et 73 décès dans les communautés d'accueil de Cox's Bazar, et 335 cas de COVID-19 entraînant 10 décès dans les camps. Je ne sais pas à quel point ces données sont fiables, parce que la collecte de renseignements est très difficile.
En résumé, la solution aux problèmes politiques réside toujours dans le Myanmar. C'est là qu'il faut déployer les efforts essentiels. Nous faisons face à d'énormes défis associés aux conditions humanitaires au Bangladesh et au Myanmar.
En ce qui a trait à l'éducation, la prochaine génération vivra une vraie crise. Les enfants n'ont pas accès à l'éducation. Ce sera un grave problème plus tard, non seulement dans ces deux pays, mais aussi partout dans le monde, d'après les observations des Nations unies.
Merci beaucoup.
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Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, mesdames et messieurs les membres du sous-comité des droits internationaux de la personne, je vous remercie de m'avoir invité à faire une déclaration.
Il y a 700 000 réfugiés rohingyas au Bangladesh qui continuent d'attendre un retour sécuritaire, digne et volontaire chez eux. Il y a 600 000 Rohingyas qui sont toujours au Myanmar, et 130 000 d'entre eux sont confinés dans des camps au centre de l'État de Rakhine depuis 2012, où ils n'ont pas de liberté de mouvement et où ils n'ont pas un accès égal à la citoyenneté ni aux services essentiels.
Au Bangladesh et au Myanmar, les restrictions importantes qui ont été mises en place pour réduire la propagation de la COVID-19 ont limité l'accès des résidants des camps aux services, notamment à la protection, à l'éducation et à l'aide à la subsistance.
En partenariat avec la Canadian Lutheran World Relief et avec l'appui du gouvernement du Canada, la Fédération luthérienne mondiale met en œuvre un projet pour aider 85 000 personnes déplacées et marginalisées vulnérables dans huit camps et six villages d'accueil de Rakhine. Ce travail vise à répondre aux besoins urgents en ce qui a trait à l'eau potable, aux produits non alimentaires, aux installations sensibles au genre, aux trousses de dignité et aux moyens de prévention de la COVID-19.
Malgré l'éclosion de COVID-19 et les restrictions imposées par le gouvernement, la Fédération luthérienne mondiale est capable de mettre en œuvre des activités par l'entremise du personnel communautaire et du recours aux techniques de gestion à distance. Toutefois, la présence physique limitée a donné lieu à des défis accrus en matière de protection, notamment à des problèmes d'extorsion et de violence fondée sur le sexe.
Après des années d'efforts, les comités de gestion des camps ont accepté un mandat qui exige une représentation accrue des femmes. Chaque comité compte maintenant quatre femmes, sur un total de 15 membres. La Fédération luthérienne mondiale continue de travailler à l'atteinte de l'égalité entre les sexes dans la prise de décisions.
Dans l'intervalle, les groupes de femmes et de filles apprennent et pratiquent l'habilitation fondée sur les droits, les compétences nécessaires pour assurer leur subsistance, le leadership et la bonne gouvernance. Les groupes d'hommes et de garçons discutent de l'égalité entre les sexes de même que des droits des femmes et des filles. Des communautés entières centrent leurs efforts sur la prévention de l'exploitation sexuelle, de la violence et du harcèlement, et sur les normes humanitaires de base.
Pour conclure, j'aimerais réitérer que les besoins humanitaires dans l'État de Rakhine sont un ensemble complet de vulnérabilités émanant de catastrophes naturelles, de tensions ethniques, de conflits armés, d'apatridie, de discrimination institutionnalisée et de déplacements prolongés. La situation est aggravée par la pauvreté chronique, la violence contre les femmes et les filles, et la COVID-19.
Les solutions durables sont difficiles à établir, mais il faudrait adopter des approches intégrées qui abordent les questions des droits de la personne, de l'aide humanitaire, du développement et de la paix de façon holistique. La communauté internationale doit trouver l'équilibre entre responsabilisation et mobilisation, puisque sans une mobilisation continue à même les pays, les vrais changements seront impossibles.
Il faut déployer tous les efforts possibles pour rendre les pourparlers de paix plus inclusifs sur le plan des genres et des minorités visibles. Il faut en faire plus pour favoriser la confiance entre les gens affectés et toutes les parties au conflit au Myanmar. La communauté internationale doit continuer de demander des cessez-le-feu d'encourager un dialogue inclusif.
Les défis complexes auxquels fait face le Myanmar sont exacerbés par la COVID-19. La propagation possible de la maladie entre les Rohingyas déplacés et leurs communautés d'accueil les a isolés davantage et a rendu encore plus difficile l'accès à des soins de santé adéquats et aux ressources nécessaires.
La pandémie a aussi entraîné des restrictions relatives au travail humanitaire, aux travailleurs et aux chaînes d'approvisionnement en aide. Le confinement a eu des effets négatifs sur l'emploi et l'accès à l'éducation. Il a entraîné la détérioration des relations entre les communautés d'accueil et les résidants des camps, et a placé un fardeau supplémentaire sur les épaules des femmes et des filles rohingyas, les exposant ainsi à la violence fondée sur le sexe.
Le travail humanitaire, l'aide au développement et le travail pour la paix au Myanmar sont sous-financés. La générosité du Canada est grandement appréciée, mais les besoins sont énormes. Par exemple, l'annexe du plan d'intervention humanitaire de 2020 portant sur la COVID-19 n'a été financée qu'à 52 % jusqu'à maintenant.
Enfin, l'examen périodique universel des droits de la personne pour le Myanmar aura lieu en janvier 2021. La Fédération luthérienne mondiale appuie les rapports et les recommandations des ONG locales et internationales. Nous aimerions obtenir l'appui du Sous-comité en ce qui a trait aux préoccupations relatives à la réforme de la loi sur la citoyenneté, à la liberté de mouvement des Rohingyas et de toutes les minorités ethniques, à la réalisation des droits des femmes, au droit des enfants à l'éducation, aux droits des personnes handicapées et aux droits associés au logement, à la terre et à la propriété.
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Je remercie le président et les députés de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité afin de discuter des répercussions de la COVID-19 sur les personnes déplacées à l'intérieur des frontières du Myanmar.
Je m'appelle Manny Maung et je suis chercheuse sur le Myanmar au sein de l'organisation Human Rights Watch. Avant la COVID, j'étais basée à Yangon depuis plusieurs années, où je documentais les violations des droits à l'intérieur du pays, et je vous parlerai plus en détail de la situation là-bas.
Des décennies de conflit ont entraîné le déplacement de plus de 360 000 personnes à l'intérieur du pays. Elles sont principalement membres de communautés ethniques minoritaires, réparties dans le Nord du Myanmar, dans les États de Kachin et de Shan, dans l'État occidental de Rakhine, et dans le sud-est, près de la frontière entre le Myanmar et la Thaïlande. La reprise du conflit a provoqué de nouveaux déplacements en 2020 dans les États de Rakhine et de Shan.
Les agences humanitaires rapportent en très grande majorité que le gouvernement n'a pas pris de mesures pour s'assurer qu'il pourra fournir une aide d'urgence dans le cadre des restrictions de voyage qu'il a imposées pour éviter la propagation de la COVID-19. En octobre, Human Rights Watch a publié un rapport en anglais intitulé An Open Prison Without End sur la détention au Myanmar des 130 000 musulmans rohingyas dans l'État de Rakhine depuis 2012. Nous avons constaté que les conditions sordides et terribles imposées aux musulmans rohingyas et kamans internés dans des camps constituaient des crimes contre l'humanité, soit la persécution, l'apartheid et la grave privation de liberté.
Lors des événements d'août 2017, les campagnes militaires de meurtres, de violences sexuelles, d'incendies criminels et d'expulsions forcées de Rohingyas dans le Nord de l'État de Rakhine ont forcé plus de 700 000 personnes à fuir au Bangladesh. Human Rights Watch a conclu que les forces de sécurité du Myanmar ont procédé à un nettoyage ethnique et commis des crimes contre l'humanité et des actes de génocide.
Or, comme vous le savez, la COVID-19 rend encore plus vulnérables des groupes qui l'étaient déjà. À ce jour, le Myanmar vient de confirmer 29 cas de COVID 19 parmi les populations déplacées dans l'État de Rakhine. Aucun cas n'a été signalé parmi les personnes déplacées dans les États de Kachin et de Shan ou dans le sud-est. Cependant, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un portrait exact de la réalité. Des facteurs tels que le manque de ressources et de services de dépistage, la crainte de la stigmatisation dans des camps surpeuplés et la peur des autorités contribuent probablement à la sous-déclaration grave des cas de COVID-19 parmi les populations déplacées. Il est difficile de pousser plus loin les enquêtes sur le terrain, car le gouvernement bloque l'accès aux organisations internationales et aux organismes d'aide qui veulent fournir de l'aide humanitaire.
La situation au Myanmar est complexe et grave. Les organismes d'aide font état de circonstances extrêmement difficiles qui entravent souvent leur capacité à fournir de l'aide. Le gouvernement exige des travailleurs humanitaires qu'ils demandent chaque mois une autorisation de voyage, et il a imposé des règles plus strictes en matière de déplacement et d'accès afin de réduire les infections possibles de COVID-19.
Les autorités ont la responsabilité de prendre des mesures pour protéger la santé publique, et elles doivent aussi garantir l'accessibilité aux services humanitaires essentiels sans discrimination. Cependant, nous avons constaté que dans certains cas, les travailleurs humanitaires n'étaient autorisés qu'à déposer les fournitures à l'entrée des camps, et que dans d'autres cas, comme dans l'État de Rakhine, l'entrée dans les camps leur était totalement interdite. Les camps situés en dehors des zones contrôlées par le gouvernement dans les États de Kachin et de Shan sont totalement inaccessibles en raison du blocus imposé par le gouvernement sur les déplacements vers les zones contestées.
Les restrictions discriminatoires à la liberté de mouvement, qui touchent de manière disproportionnée les Rohingyas, sont en place depuis longtemps dans l'État de Rakhine. Le gouvernement du Myanmar a empêché la quasi-totalité des Rohingyas d'obtenir la citoyenneté. Ne disposant pas de documents d'identité légaux, ils sont particulièrement vulnérables aux violations des droits liées à la liberté de circulation. Les nombreux points de contrôle et les exigences en matière de pièces d'identité ont multiplié les possibilités d'extorsion de la police et de l'armée, les arrestations arbitraires, la violence et d'autres limitations des mouvements pendant la crise de la COVID-19.
Depuis juin 2019, un blocus du gouvernement sur les services Internet mobiles dans l'État de Rakhine a freiné l'accès à l'information en plein conflit armé. Cela a sérieusement entravé la sensibilisation et l'éducation concernant la prévention et la gestion de la COVID-19, en particulier pour les personnes déplacées. Bien que les personnes déplacées soient conscientes des dangers de la COVID-19, beaucoup nous ont dit que les défis quotidiens pour la survie dans les zones de conflit — les combats, les mines terrestres, les débris de guerre explosifs — passent avant tout. Il en va de même dans les États de Kachin et de Shan.
Le Myanmar a pris peu de mesures pour réviser et réformer les lois, les politiques et les pratiques qui ont effectivement consacré l'apatridie des Rohingyas et le déplacement forcé d'autres communautés ethniques minoritaires. Par conséquent, nous demandons au Comité d'exhorter le gouvernement canadien à prendre plusieurs mesures concrètes, soit celles qui suivent.
Faire pression sur le gouvernement du Myanmar pour qu'il permette aux organisations humanitaires, aux médias indépendants et aux observateurs des droits de la personne d'accéder sans entrave aux personnes déplacées, notamment en révisant le processus d'autorisation de voyage du gouvernement.
Exiger qu'on mette fin à toutes les restrictions arbitraires à la liberté de circulation, y compris à l'égard des groupes qui font l'objet de discrimination, et à toutes les pratiques qui restreignent la circulation et nuisent directement à l'accès à la médecine d'urgence et aux moyens de subsistance.
Continuer à soutenir les agences des Nations unies concernées en veillant à ce que les groupes humanitaires disposent d'équipements de protection individuelle adéquats et que les personnes déplacées à l'intérieur du pays aient un accès approprié aux installations médicales, y compris aux installations de quarantaine.
Faciliter la surveillance afin de garantir que les soins de santé sont conformes à la sécurité et à la dignité des personnes exposées aux maladies.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leur témoignage très éloquent et des efforts qu'ils déploient sans relâche pour aider les plus vulnérables.
Mes questions vont porter précisément sur un sujet que vous avez tous abordé aujourd'hui, soit les femmes et les filles. Nous avons vu les répercussions de la COVID sur les femmes et les filles au Canada, où je sais que plus de 80 % des prestataires de soins sont des femmes.
J'aimerais que chacun de vous nous parle des répercussions de la COVID sur les femmes et les filles dans un camp de personnes déplacées au Myanmar ou à Cox's Bazar au Bangladesh, où l'accès est limité et où, comme vous l'avez mentionné, la violence fondée sur le sexe est endémique. Quelles sont les répercussions sur les femmes et les filles de cette situation?
Monsieur Mueller, je vais commencer par vous, et je vais ensuite modifier un peu ma question pour l'ambassadeur Rae. Allez-y, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur Mueller.
Monsieur l'ambassadeur, premièrement, je vous remercie de tout le travail que vous avez fait au cours des dernières années comme envoyé spécial pour le Canada. Je vous félicite de votre nomination en tant que représentant auprès des Nations unies.
Vous avez parlé de la résolution éventuelle de la crise au Myanmar et des difficultés que cela présente. Au cours des dernières années, les Nations unies se sont employées activement à inclure dans les discussions l'enjeu de la violence fondée sur le sexe, qui sert souvent d'arme dans les conflits. Nous en parlons, bien entendu, dans le contexte de la COVID. Pourriez-vous nous expliquer comment le Canada, mais aussi la communauté internationale, peut continuer à inclure les femmes et les filles dans les discussions sur le règlement du conflit au Myanmar et les problèmes auxquels le pays fait face?
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Premièrement, j'aimerais dire que je suis pleinement d'accord avec tout ce que M. Mueller vient de dire. Je pense que les preuves en ce sens s'accumulent.
Ce qui est préoccupant également, c'est de voir que les avancées que nous pensions avoir réalisées sont en train de se résorber, comme dans le cas des mariages forcés précoces. Les filles sont mariées à un très jeune âge. C'est une source de revenus dans la culture des Rohingyas. Quand il n'y a pas d'argent et pas de travail, cela fait partie du système.
Les cas de violence fondée sur le sexe ont beaucoup augmenté. Je pense que votre point au sujet du rôle que les femmes et les jeunes peuvent et doivent jouer dans l'édification de la paix est très important.
Depuis un an, le Canada préside la Commission de consolidation de la paix des Nations unies. Nous avons fait de l'inclusion des femmes un thème de nos travaux. Dans tout ce que nous faisons partout sur la planète et lors de nos audiences aux Nations unies, nous cherchons toujours à nous assurer que les femmes jouent un rôle et qu'elles font partie de la solution. Nous l'avons fait encore récemment lors des discussions en Afghanistan.
C'est difficile. C'est un défi parce qu'il y a encore beaucoup de résistance au sein de nombreuses sociétés patriarcales, car les gens nous disent que ce n'est pas ainsi qu'ils font les choses. Le fait est que les femmes veulent avoir voix au chapitre et qu'elles veulent participer. Nous le voyons dans leur façon efficace de diriger le camp de Cox's Bazar, de même que celui plus grand à Sittwe. Les femmes y jouent un rôle tellement crucial. Elles en ont assez d'être marginalisées.
L'éducation est toutefois un problème important, en particulier pour les femmes. Les très petits efforts et progrès que nous avons pu faire à cet égard ont profité d'abord aux femmes et aux filles, car elles ont enfin réussi à avoir accès à l'éducation, ce qu'elles n'avaient jamais eu auparavant. Dans le nord de l'État de Rakhine, la plupart des jeunes Rohingyas et d'autres groupes n'ont pas accès à l'éducation, en particulier les femmes. On dit souvent qu'il n'y a plus de programme d'éducation après l'âge de 10 ou 12 ans. C'est un problème très grave.
Je pense que c'est là où la logique du programme d'aide internationale féministe et de la politique étrangère féministe devient extrêmement importante. Ce n'est pas un énoncé idéologique. C'est la réalité, car c'est là que se trouvent les inégalités les plus importantes à l'heure actuelle. Si nous pouvons faire des progrès dans ce dossier, nous pourrons en faire sur divers autres fronts également.
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Pas tout à fait, car on a ensuite besoin d'un processus de confirmation des preuves.
J'ai mentionné au Comité qu'une définition de génocide existe. Il y a des catégories. Il y a des allégations sérieuses. Comme je l'ai indiqué dans ma réponse au Comité, il faut passer à l'étape suivante, soit entamer le processus de collecte des preuves.
Nous avons traversé des étapes très similaires dans le cas des Rohingyas, où il y avait des allégations sérieuses. Nous devons trouver une façon de recueillir plus de preuves. C'est exactement ce qui est en train de se passer. C'est pourquoi le Canada a appuyé vigoureusement la mission d'enquête et le mécanisme d'enquête indépendant qui existent pour la Syrie et le Myanmar.
Au sujet de la situation des Ouïghours, j'ai mentionné qu'il y avait un seuil. Nous devons maintenant trouver une façon de recueillir plus de preuves et de monter un dossier plus solide qui nous permettra de déterminer les mesures à prendre. C'est la stratégie à adopter, à mon avis.
C'est la stratégie adoptée par le Canada. Nous pressons le comité des droits de la personne de le faire.
Au sujet des Rohingyas, les chiffres que nous avons entendus concernant le nombre de cas et de décès liés à la COVID sont peu élevés, et je dirais même étonnamment peu élevés à mon avis, étant donné le grand nombre de gens entassés dans des conditions extrêmement difficiles. Je me demande pourquoi ces chiffres sont si bas. Cela peut s'expliquer, bien entendu, par l'absence de déclaration ou même la déclaration sciemment malhonnête des cas.
J'ai eu une autre idée et la voici. Je ne connais pas le profil démographique des Rohingyas. Il est possible que la population soit relativement jeune, ou très jeune...
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Oui. Je pense qu'il existe divers facteurs.
Premièrement, je ne suis ni médecin ni épidémiologiste, mais nous avons discuté de la question. Je dirais que la plupart des discussions pointent en direction non pas de fausses déclarations, mais de sous-déclarations, en ce sens que les gens ont peur d'en parler. Je pense qu'il s'agit d'un facteur.
Je pense que l'autre facteur, comme vous l'avez mentionné, c'est la moyenne d'âge dans le camp. La grande majorité des occupants ont moins de 21 ans, et il y a beaucoup de jeunes enfants. Comme vous le savez, les gens sont souvent asymptomatiques, et il faut tenir compte du fait que, tout comme au Canada, les conditions d'isolement sont parfois une mesure de protection au début, car le virus n'entre pas dans un camp.
Le virus n'entre pas, mais le problème est que s'il y entre, les effets sont souvent très dramatiques. Nous le voyons dans le Nord de l'Ontario, le Nord du Manitoba, le Nord de la Saskatchewan et le Nord de l'Alberta.
J’ai déjà mentionné que des facteurs tels que le manque de tests et de ressources sont certainement problématiques. Cependant, comme le dit M. Rae, la stigmatisation des personnes qui se font tester dans des camps surpeuplés et la peur des fonctionnaires entrent aussi en jeu. Le contexte au Myanmar en particulier est que la majeure partie de la situation est attribuable au conflit entre les groupes armés ethniques et les Tatmadaw du Myanmar. Lorsque des fonctionnaires du gouvernement se retrouvent dans le contexte des personnes déplacées à l’intérieur du pays qui doivent chercher des ressources sanitaires, c’est vraiment une perspective effrayante pour eux. Ils ne veulent pas être séparés de leur famille. Ils le redoutent.
Je voulais également mentionner rapidement un point concernant l’accès aux soins de santé. La COVID-19 n’est pas à l’origine de ce contexte, mais elle l’a aggravé. Si nous parlons de la situation des femmes et des filles avant la COVID, nous avons constaté que seulement 7 % des femmes rohingyas parvenaient à avoir accès aux soins de santé maternelle. Maintenant, à cause de la pandémie, nous ne connaissons absolument pas cette statistique, mais nous pouvons logiquement supposer que ce pourcentage est beaucoup plus faible.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui pour traiter cette question si importante.
Je reviendrai très rapidement sur le Myanmar dans quelques instants.
Nous avons parlé du génocide du peuple ouïghour, au Xinjiang, commis par le Parti communiste chinois. Je ne pensais pas aborder ce sujet, mais je me le permets, puisque mes collègues libéraux et conservateurs l'ont fait.
Monsieur Rae, vous venez de nous dire qu'il faut des données probantes et plus d'observations sur le terrain. Toutefois, un sous-comité de la Chambre...
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Monsieur Duceppe, selon moi, la question est de savoir quelles sont les prochaines étapes.
J'ai beaucoup de respect pour le Parlement. J'ai été député et membre de comité pendant plusieurs années. Nous avons fait la même chose pour les Rohingyas; le Parlement a fait une déclaration.
Cependant, dans le domaine international, la question est de déterminer quelle sera la prochaine étape et comment nous nous y rendrons. Pour les Rohingyas, par exemple, nous avons appuyé la Gambie, qui est allée à la Cour internationale de Justice. Nous avons aussi offert de l'assistance pour trouver les faits sur le terrain, parce que c'était important.
C'est justement parce que nous avons un grand respect à l'égard de l'opinion du Parlement que j'ai dit, et que je continue de dire, que nous devons essayer de convaincre les commissions internationales de trouver d'autres faits sur le terrain. C'est la prochaine étape naturelle que nous devons franchir.
Je m'excuse auprès des témoins qui sont ici aujourd'hui pour nous parler du Myanmar. Je reviens au sujet principal.
Ma question s'adresse à M. Rae.
Au Bangladesh, le gouvernement transfère les réfugiés rohingyas de force vers une île qui est jugée dangereuse, et ce, par l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, ainsi que le Programme alimentaire mondial — donc par l'ONU.
Normalement, l'île devrait pouvoir recevoir 100 000 personnes. On dit qu'il y a environ 1 million de Rohingyas au Bangladesh. Le Bangladesh dit que tous les transferts sont volontaires, sauf que de nombreux témoignages montrent le contraire et révèlent que l'armée bat les gens et les transfère de force.
J'aimerais que vous ajoutiez des détails sur ce que je viens de dire. Est-ce vrai? Qu'en pensez-vous?
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J'ai vu les mêmes photos et le même montage que vous. J'ai été troublé par ce que j'ai vu.
Il y a deux choses importantes à soulever. D'abord, le Canada insiste pour que les comités de l'ONU aient le droit de visiter le camp sur l'île de Bhasan Char pour voir les conditions dans lesquelles vivent les gens. Même quand j'étais envoyé spécial, j'ai discuté avec les représentants du gouvernement du Bangladesh et je leur ai dit qu'il y avait un processus à suivre. Jusqu'à maintenant, le gouvernement n'a pas accepté ce point important.
Ensuite, il y a 300 personnes dans le camp de réfugiés de l'île de Bhasan Char, actuellement. Le gouvernement du Bangladesh a dit être prêt à les renvoyer dans les camps de Cox's Bazar, parce qu'ils ne sont pas sur l'île sur une base volontaire, de toute évidence.
Le gouvernement du Bangladesh dit publiquement qu'il accepte le principe. Pour moi, ce n'est pas une question de principe, c'est une question de savoir exactement ce qui se passe sur le terrain pour s'assurer que les gens y vont volontairement. C'est une question primordiale.
En ce qui concerne la reconnaissance juridique, le facteur clé est que la loi discriminatoire de 1982 sur la citoyenneté prive, en réalité, les Rohingyas de tout droit à la qualité d’État ou à la citoyenneté. C’est un facteur clé lorsqu’il s’agit de choses comme la liberté de mouvement, l’accès aux soins de santé et la possibilité de rentrer chez soi. Nous avons vu qu’avec ces vagues de violence, communautaire et militaire, il y a généralement un processus par lequel les personnes qui peuvent rentrer chez elles sont véritablement considérées comme des ressortissants de Birmanie ou du Myanmar; or, dans ce cas, les Rohingyas se sont vus refuser ce droit. Dans un pays où la citoyenneté est synonyme de liberté de mouvement, nous voulons vraiment que le gouvernement du Myanmar s’attaque à ces problèmes.
C’est vraiment important dans le contexte du Canada, car le Canada a été un allié clé pour les groupes de défense des droits de la personne en soutenant que leurs droits de citoyenneté doivent être rétablis et qu’ils doivent être autorisés à circuler librement, notamment par la suppression de règlements discriminatoires.
La situation s’est aggravée depuis la COVID-19, où les facteurs de restrictions visant à réduire le taux d’infection ont aggravé le manque de services accessibles aux Rohingyas.
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C’est une préoccupation légitime. Je veux dire qu’avant la COVID-19, les humanitaires soulignaient déjà qu’ils avaient ce genre de problèmes d’accès. Il est absurde d’avoir une disposition mensuelle selon laquelle ils doivent demander une autorisation de voyage pour se rendre dans les mêmes zones où ils travaillent régulièrement. Ensuite, avec l’arrivée de la COVID-19, nous nous attendons à ce que le gouvernement mette en place des mesures pour réduire les taux d’infection, mais certaines d’entre elles sont appliquées de manière arbitraire et injuste.
Sans témoins sur le terrain, sans humanitaires, sans contrôleurs indépendants, nous ne pouvons pas surveiller la situation, mais nous entendons des histoires tellement troublantes, comme l’a mentionné M. Mueller. Il y a de l’extorsion juste pour pouvoir aller d’une zone d’un camp à une autre, de la corruption et encore plus de violence à l’encontre de ces gens qui sont démunis depuis, maintenant, presque huit ans.
Ces mouvements, bien sûr, et ces facteurs sont vraiment systémiques, car nous avons vu des atteintes similaires portées aux Rohingyas qui vivent au Bangladesh. Nous pouvons observer qu’un précédent est en train de se produire, et c’est très inquiétant. Nous devons vraiment exiger que ces choses cessent.
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Je vous remercie. Merci pour votre travail et pour toutes les choses merveilleuses que vous faites et dont vous nous faites part aujourd’hui.
Monsieur Rae, j’ai aussi eu l’occasion de discuter avec vous au sein du comité des affaires étrangères, mais j’aimerais prendre un moment pour parler brièvement d’une réponse humanitaire du gouvernement canadien. Nous savons qu’il a alloué 400 millions de dollars: 200 millions de dollars pour le développement et 200 millions de dollars pour une intervention humanitaire pendant la crise de la COVID-19. Les organisations me disent que ce financement n’a pas été versé.
Voilà ce que je me demande. Lorsque nous entendons des témoins, comme c’est le cas ce soir, comment faire pour que le gouvernement canadien reconnaisse l’urgence de la situation? Vous avez parlé des enfants qui ne peuvent pas aller à l’école. Nous avons entendu à maintes reprises qu’un programme éducatif est prévu, en particulier pour les filles, mais il n’a pas encore vu le jour. Comment faire reconnaître l’urgence de la situation pour qu’on agisse en conséquence?
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Sans vouloir vous contredire, je pense que la réalité dans les camps, que ce soit un camp dans l’État de Rakhine ou le camp du Bangladesh, est que l’absence d’éducation n’est pas attribuable à l’absence de financement. C’est parce que les gouvernements ne permettent pas à ces programmes d’être offerts.
Il n’y a pas eu d’accès à Internet pendant une longue période, en partie à cause de la COVID, mais même avant cette dernière, Internet a été installé, et il y a eu des problèmes de sécurité, comme on l’a expliqué, à Cox’s Bazar du côté bangladais et au Myanmar.
Il est important que l’argent soit dépensé, qu’il soit alloué et qu’il soit distribué. Je pense que nous devons continuer à veiller à ce qu’il le soit, mais je pense que le grand problème...
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Vous savez travailler au Parlement aussi bien que n’importe qui. Ce serait à vous de le faire.
Mais je pense que la grande question est maintenant de savoir ce qui va se passer après le 31 mars. Le financement a été accordé. Il va être distribué. L’essentiel est maintenant de s’assurer que nous envisageons une situation en 2021, 2022, 2023, où nous avons l’assurance d’un financement stable à long terme à des niveaux qui correspondront à l’ampleur de la situation.
Depuis notre dernière conversation, depuis que je vous ai parlé, nous avons discuté des niveaux d’aide. Malheureusement, les Britanniques ont réduit leur aide à l’étranger d’un montant très important, soit de plus de quatre milliards de livres.
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Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir été généreux et de nous avoir accordé plus de temps. J’espérais que vous le feriez. Je vous en suis reconnaissant.
Je voudrais d’abord m’adresser à Mme Maung, ainsi qu’à Mme Deif. Vous avez parlé tout à l’heure de « grave privation de liberté », et oui, sans doute... avec tous les exemples que vous avez donnés. Certaines des autres questions que vous avez soulevées sont, pour moi, très importantes.
Compte tenu de la situation actuelle de notre pays et de notre influence internationale, certaines des questions qui me préoccupent beaucoup sont des choses comme la grave sous-déclaration de ce qui se passe actuellement en pleine pandémie de COVID-19. Je suppose que c’est assez grave partout. Je parle des personnes déplacées à l’intérieur du pays en général, que ce soit au Bangladesh ou au Myanmar. On a évoqué les capacités Internet bloquées et le manque d’infrastructures de transport pour que quiconque puisse fournir l’aide, malgré le fait que la grande majorité des fournitures médicales se trouveront à l’extérieur des camps mêmes, ce qui est évidemment problématique.
Avant de donner à ces personnes plus de libertés pour accéder à l’éducation, à une vie meilleure, que doit faire le Canada pour leur dire d’abord que nous devons entrer sur place et fournir de meilleures communications, de meilleurs transports à toutes les personnes concernées, qu’il s’agisse de votre organisation, du Haut-Commissariat pour les réfugiés ou autre?
Je vais commencer par Mme Maung.
Je l’ai également mentionné plus tôt et je continue de le souligner, parce qu’une écrasante majorité des humanitaires sur le terrain avec lesquels je m’entretiens me disent à quel point il est frustrant et difficile de fournir ces services alors qu’ils n’ont tout simplement pas accès aux gens. Le problème n’est pas que l’aide n’est pas là. Elle est là. Ils ne peuvent tout simplement pas la fournir à cause des obstacles qui ont été mis en place.
Pour être juste envers les autorités du Myanmar, elles sont autorisées à créer des mécanismes pour empêcher la propagation de l’infection. Cependant, je me demande parfois si c’est par ignorance ou simplement par incompétence qu’elles ne peuvent pas accélérer ces processus.
J’ai été vraiment reconnaissante au gouvernement canadien parce que nous l’avons vu comme un allié de choix. Il s'est notamment prononcé sur la responsabilité et la justice et il est intervenu avec la Gambie dans l’affaire portée devant la Cour internationale de justice. Cependant, au Myanmar, nous avons besoin de voix plus fortes.
Avec leur manque d’accès, les humanitaires sont déjà craintifs. Ils sont hésitants et discrets, car ils craignent de perdre le peu d’accès dont ils disposent déjà. Ils ne peuvent pas parler...
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Nous avons vraiment besoin que les gouvernements s’expriment à ce sujet, et le gouvernement du Canada peut le faire. Nous pouvons faire pression sur le gouvernement du Myanmar pour qu’il autorise un meilleur accès. D’une certaine manière, il peut ressentir une certaine pression, mais il n’a toujours pas pris de mesures pour supprimer ces obstacles. Par conséquent, nous demandons au gouvernement canadien de faire davantage pression sur le gouvernement du Myanmar, de se faire entendre, de parler plus fort et de discuter avec lui.
En fait, un facteur vraiment important que j’ai oublié de mentionner est que la grande majorité des humanitaires n’a cessé de me dire qu'elle pense que les gouvernements tiennent ces discussions où un gouvernement conseille l’autre, mais sans en être sûre.
Il serait utile que nous ayons plus de sensibilisation à ce sujet, et certainement une sensibilisation publique, mais il serait également très utile que les gouvernements adoptent une position plus ferme. En ce moment, comme nous l’avons dit, les humanitaires sont discrets parce qu’ils ont peur de perdre leur accès. Je pense qu’il incombe vraiment aux gouvernements et aux missions à l’intérieur du pays de prendre la parole.
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Nous devons vraiment prendre la mesure des conséquences du fait de priver d’éducation toute une génération d’enfants. Pour moi, le traitement des Rohingyas dans l’État de Rakhine a été terrible. L’accès à l’éducation était assujetti à une grave discrimination.
Dans les camps, je pensais que le Bangladesh avait la possibilité d’en autoriser davantage. En fin de compte, après deux ans de lobbying et d’efforts — je parle de tout ce que nous avons tout fait à la fois énergiquement et en douceur, par tous les moyens de pression possibles —, le gouvernement du Bangladesh a accepté de s'amender en matière d’éducation. Puis, la COVID est arrivée, ainsi que d’autres problèmes à l’intérieur du camp qui ont rendu plus difficile la mise en œuvre de ces décisions. Nous voyons maintenant une génération qui n'a pas accès à l'éducation, et c'est quelque chose qui va durer pendant un bon moment.
Monsieur Reid, je crois que vous serez en mesure d'apprécier ceci, en tant que communicateur. Dans le camp de Sittwe, j’ai eu une conversation avec un jeune homme. Il a commencé à me parler avec un accent américain. Je lui ai demandé: « Où avez-vous appris votre anglais? » Il m’a répondu: « Je l’ai appris avec mon téléphone. J’aime regarder les westerns. Je regarde des westerns; c’est là que je l’ai appris. » Qu’est-ce que vous en pensez? C’est incroyable.
Lorsque vous refusez aux gens l’accès à Internet et que vous leur refusez l’accès à la communication, tout type d’éducation, même de façon informelle, devient impossible. C’est la tragédie à laquelle nous sommes confrontés. C’est le problème auquel nous devons faire face.
J’approuve tout à fait ce que Manny Maung a dit à propos de l’accès humanitaire. Je peux seulement dire que cette aide humanitaire est au centre de tout ce que dit le gouvernement du Canada, au Bangladesh et au Myanmar, tant en public qu’en privé. C’est un principe fondamental: les acteurs humanitaires doivent être en mesure d'accéder à des endroits où ils ne peuvent pas se rendre...
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Oui, absolument. C'est une situation qui dure déjà depuis beaucoup trop longtemps. Comme l’a dit M. Mueller, les conditions actuelles, même dans l’État de Rakhine, sont telles que les Rohingyas du Myanmar ne peuvent pas retourner dans leurs patelins d’origine. Les Rohingyas du Bangladesh sont déjà dans ce pays depuis trois ans, avec des possibilités bien minces, et la situation est telle qu’il n'est absolument pas question pour eux de revenir pour se retrouver dans des situations similaires où il y a un conflit actif. En fait, leurs maisons ne sont plus là.
Lorsque nous parlons d'obligations redditionnelles et de justice, il est très important de recueillir des preuves au fur et à mesure. C’est très important pour l’élément central de la Cour pénale internationale. C’est quelque chose qui revient toujours avec les génocides. Les maisons des gens sont encore rasées avec beaucoup de zèle, ou les gens ne peuvent tout simplement pas rentrer chez eux pour des raisons de sécurité. C'est quelque chose que nous devons examiner sous l'angle des crimes contre l’humanité qui ont déjà été commis contre eux.
Human Rights Watch n'a pas déterminé s'il s'agissait d'un génocide, parce qu’il s’agit d’une détermination juridique, mais nous reconnaissons que des actes de génocide ont été commis. L’accès humanitaire, les droits des Rohingyas et la situation actuelle des personnes déplacées sont tous intrinsèquement liés à des enjeux d'obligations redditionnelles et de justice.
Nous examinons la situation des personnes déplacées appartenant à d’autres groupes ethniques minoritaires, comme les Kachin, les Shan et les Karen au Myanmar, et ces questions n’ont pas été isolées. La situation dans laquelle ces peuples se trouvent traîne elle aussi en longueur. En fin de compte, il s’agit d’une question de reddition de comptes et de justice, car à l’heure actuelle, le Myanmar continue d’agir en toute impunité et ses militaires continuent de commettre des atrocités sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit.
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Merci, monsieur le président.
Je dois me faire l'écho de ce que M. Brunelle-Duceppe a dit. Vous faites tous un travail incroyable. Merci beaucoup de ce que vous faites.
J’aimerais maintenant poser quelques questions à M. Mueller. J'ai une très brève question que je voulais aborder lors de ma première intervention, mais j'ai manqué de temps.
Monsieur Mueller, vous avez laissé entendre qu'un rapport serait déposé en janvier 2021 et qu'il y aurait aussi un examen de la situation actuelle. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Tout d’abord, à quoi cela ressemblera-t-il? Deuxièmement, allons-nous être en mesure de faire cet examen, compte tenu du contexte de pandémie actuel?
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L’examen périodique universel aura lieu à Genève, et il se fera virtuellement. Il s’agit d’un examen par les pairs. Toutes les nations auront la possibilité de donner leur avis au Myanmar. Il y a plus de 40 groupes de la société civile qui ont déjà fait des recommandations, et ces dernières ont été présentées dans le cadre des pré-séances de cette semaine. Les groupes vont de mission en mission afin de promouvoir leurs recommandations.
J’ai profité de mon exposé pour énumérer certaines des questions que les organisations non gouvernementales internationales veulent soulever collectivement. Nous avons déjà parlé de certaines d'entre elles. Les droits des femmes en font partie, y compris l’éducation, comme cela a été souligné. Pour ce qui est des Rohingyas, la liberté de circuler est probablement la plus importante.
Si le Canada a lui aussi l'intention de formuler des recommandations, il devrait examiner celles de l’un de ces 40 groupes et les mettre sur sa liste, car elles touchent toutes des enjeux clés et elles sont toutes valables. En fait, elles concernent la sphère politique, et non pas l'aspect humanitaire. Il y a beaucoup de travailleurs humanitaires qui sont prêts et disposés à travailler, mais nous ne pouvons pas faire notre travail si la volonté politique de nous permettre de le faire n'est pas au rendez-vous.
Un des grands problèmes, c'est que si nous ne changeons pas ces lois sur la citoyenneté et autres, la communauté internationale permettra à cette situation de se produire et elle se retrouvera à soutenir un gouvernement qui applique une politique d’apartheid. Le gouvernement du Myanmar continuera à séparer ces personnes. Il n’a pas l’intention de leur donner un État. Nous devons saisir cette occasion que nous procure l’examen par les pairs pour recommander haut et fort que les lois sur la citoyenneté soient abrogées, que l’accès des personnes aux services soit accordé et que l'identité de ces gens soit reconnue par l'État, afin qu’ils puissent retrouver la vie qu'ils ont perdue.
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Je vous remercie. Voilà qui conclut notre deuxième série de questions.
Quelle façon admirable de terminer la dernière réunion du sous-comité pour 2020. Au nom de tous les membres, nous ne remercierons jamais assez nos témoins. Bien sûr, monsieur l’ambassadeur Rae, monsieur Mueller, madame Maung et madame Deif, vous êtes tout simplement formidables dans vos rôles de défenseurs, de champions et d'ambassadeurs — au sens propre comme au sens figuré — des droits de la personne, et disons que cette Journée internationale des droits de l’homme est on ne peut plus appropriée pour le souligner.
Mesdames et messieurs, juste avant de passer à huis clos, pour faire cela en public, je vais bien sûr remercier la greffière, les analystes, le personnel, les interprètes et tous ceux qui rendent ce comité si agréable et nous permettent de faire notre travail. Merci de vos efforts inlassables.
Je tiens à souhaiter à tous un très joyeux Noël, une joyeuse Hanoukka, un joyeux Kwanzaa, Feliz Navidad, un joyeux Festivus et une très bonne année. J'espère que nous pourrons dire adieu pour de bon à cette triste année 2020, et que nous aurons une bien meilleure année en 2021. C'est ce que je souhaite à tout le monde au Canada et dans le monde entier.
Merci à vous tous.