FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 15 novembre 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughn—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.
Nous avons le plaisir d'accueillir la Newfoundland and Labrador Federation of Labour, la Nova Scotia Government Employees Union, la Prince Edward Island Federation of Labour, la Federation of New Brunswick Faculty Associations, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies et la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse.
Bon nombre d'entre vous ont déjà comparu à notre comité, et vous savez donc que vous avez environ cinq minutes pour faire votre exposé, et qu'ensuite nous passerons aux questions et réponses.
Nous commençons par la Newfoundland and Labrador Federation of Labour et sa présidente, Elaine Price. Bienvenue.
Mme Elaine Price (présidente, Newfoundland and Labrador Federation of Labour): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Elaine Price et je suis accompagnée par Wayne Butler, qui est aussi secrétaire-trésorier de la Newfoundland and Labrador Federation of Labour.
Le gouvernement fédéral va manifestement avoir des ressources importantes à affecter à de nouvelles dépenses ou mesures fiscales dans le prochain budget. Même en conservant 3 milliards de dollars dans un fonds de réserve, on prévoit un excédent de 5,5 milliards de dollars pour le prochain exercice. Même en restant prudent dans ses estimations et en constituant un fonds de réserve annuel de 3 milliards de dollars, le ministre des Finances prévoit encore un excédent de 67 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
C'est dans le contexte de cet excédent croissant que les médias de droite et de nombreuses organisations du monde des affaires ont réclamé d'importantes baisses d'impôt. Le gouvernement fédéral lui-même s'est engagé à répartir également les excédents au cours du mandat actuel: 50 p. 100 seront consacrés à une baisse d'impôt et à la réduction du déficit, et 50 p. 100 aux investissements dans les domaines sociaux et économiques prioritaires.
Il faut cependant replacer les récriminations de nos compatriotes les plus riches qui se plaignent d'un alourdissement croissant de leur fardeau fiscal dans un contexte social et moral plus vaste. La Newfoundland and Labrador Federation of Labour estime qu'il est important de se souvenir de la manière dont on a réduit le déficit et des groupes qui ont souffert de ces mesures de réduction du déficit.
Nous voudrions aussi signaler qu'il est important de bien comprendre que la campagne de réclamation d'une baisse d'impôt est menée par le monde des affaires et les riches de notre société. Vu sous l'angle de la création des emplois et de l'aide aux simples citoyens, cette campagne a en fait pour but de réduire de manière permanente les recettes gouvernementales et d'affaiblir encore plus la capacité du gouvernement à appliquer des programmes sociaux, à redistribuer les revenus et à gérer l'économie au profit de tous et non de quelques privilégiés.
Au cours des années 90, le niveau de vie des familles canadiennes s'est considérablement érodé sous l'effet cumulé de quatre facteurs: l'insécurité de l'emploi, la stagnation des salaires, les réductions dans les programmes sociaux et l'alourdissement des taxes et impôts. Le revenu moyen après impôt, compte tenu de l'inflation, a diminué d'environ 4 p. 100 depuis 1989, et le revenu social assuré par des programmes comme l'assurance-maladie et l'assurance-chômage a aussi beaucoup régressé. Alors qu'une petite minorité seulement n'a pas souffert de cette évolution, les familles à faible et à moyen revenu ont au contraire extrêmement souffert de la pénurie d'emplois sûrs et correctement payés ainsi que de la réduction des dépenses et de l'augmentation des impôts.
Pour lutter contre l'endettement et le déficit au cours des années 90, les gouvernements ont surtout sabré les grands programmes de soutien du revenu, qui s'adressent principalement aux familles de travailleurs à faible et moyen revenu et aux pauvres, en particulier l'assurance-chômage et l'aide sociale. Il y a eu aussi d'importantes coupures dans l'assurance-maladie, l'éducation publique et d'autres services publics sur lesquels comptent les familles de travailleurs et les familles à revenu moyen, et dont peuvent se passer seulement les riches. Ces coupes sombres n'ont fait qu'aggraver le gigantesque problème du chômage et de l'insécurité de l'emploi.
Bien que le revenu marchand pour tous les Canadiens ait augmenté depuis 1993, les diminutions des transferts ont réduit à néant les gains de revenu marchand pour les 20 p. 100 de Canadiens les plus pauvres, et réduit pratiquement de moitié les gains de revenu marchand des familles à revenu moyen. Cette détérioration de la situation des 20 p. 100 de familles les plus défavorisées, même malgré une certaine relance de la création d'emplois, s'est traduite par des taux constants extrêmement élevés de pauvreté chez les enfants et une aggravation de la pauvreté de nombreuses familles avec enfants, en particulier des familles qui comptent sur l'assurance-chômage ou l'aide sociale pendant une partie ou la totalité de l'année.
Il est clair que les familles à faible et moyen revenu ont besoin d'un revenu disponible plus important, mais il ne faut pas que cela se fasse aux dépens de programmes et services gouvernementaux vitaux. En fait, si les salaires réels n'augmentent pas de manière importante, les réductions d'impôt n'amélioreront pas la situation relative des salariés; seul le rétablissement de nos programmes sociaux le permettra.
• 1330
Notre Fédération estime que l'affectation des excédents qui
ont résulté des coupures passées et de la relance économique
devrait viser délibérément à réduire l'écart croissant entre les
plus riches et les plus pauvres de notre société. Le budget de l'an
2000 doit aussi répondre à toute une gamme de préoccupations
sociales croissantes, dont une bonne partie peuvent s'inscrire dans
le cadre du budget des enfants. On trouve des enfants pauvres dans
des familles pauvres parce qu'il y a un manque de bons emplois et
parce qu'il n'y a pas un soutien du revenu suffisant pour les
chômeurs.
La Newfoundland and Labrador Federation of Labour réclame, comme de nombreuses autres organisations de notre pays, la mise en place d'un programme national à but non lucratif d'éducation des jeunes enfants. Ce programme, qui sera mis sur pied en collaboration étroite avec les provinces, s'adresserait à toutes les familles ayant de jeunes enfants, y compris dans le cas où l'un des parents reste à la maison.
On pourrait financer en partie ce programme en supprimant progressivement la déduction pour les frais de garde d'enfants. On s'accorde de plus en plus généralement à reconnaître l'importance critique des garderies d'enfants et de l'éducation des très jeunes enfants pour le progrès des générations futures, et la mise en place d'un nouveau grand projet national à l'aube du nouveau millénaire serait certainement un excellent pilier central du budget de l'an 2000.
Il faut rétablir le financement des services de santé, d'enseignement postsecondaire, d'aide sociale et des services publics. Moins de 40 p. 100 des Canadiens au chômage touchent l'assurance-chômage. Il faut immédiatement commencer à reconstruire le programme d'assurance-chômage. Le budget devrait comporter un plan à long terme de remboursement avec intérêts des 26 milliards de dollars que le gouvernement fédéral aura volés aux chômeurs de notre pays à la fin de l'année.
En plus de rétablir les prestations d'assurance-chômage, il faut créer un fonds national de soutien du revenu pour appuyer des programmes provinciaux décents d'aide sociale si l'on veut sérieusement s'attaquer à la pauvreté chez les enfants. Il faut aussi augmenter le montant des crédits d'impôt pour enfants versés aux familles à faible et moyen revenu pour permettre aux travailleurs économiquement faibles qui ont des enfants d'avoir un revenu plus important. Il faut débloquer des fonds permettant le démarrage d'un vaste effort national pour mettre fin au scandale des sans-abri de plus en plus nombreux, et il faudra aussi, pour protéger et développer à l'avenir l'assurance-maladie, trouver des fonds nouveaux en plus de ceux qui ont été débloqués l'année dernière, pour mettre sur pied des programmes de soins aux personnes âgées et un programme national de médicaments dont nous avons grand besoin.
Le revenu des travailleurs a beaucoup régressé au cours des années 90 essentiellement à cause du chômage et de la précarisation de l'emploi. Espérons que la relance économique actuelle se maintiendra et que le revenu réel des familles des travailleurs s'améliorera grâce à une croissance de l'emploi et à des gains salariaux réels justifiés par l'accroissement de la productivité.
Le gouvernement fédéral doit être prêt à permettre la poursuite de cette relance en réinvestissant les excédents budgétaires dans l'économie, notamment en investissant dans un nouveau programme national d'infrastructure pour améliorer les infrastructures publiques qui se délabrent, par exemple nos routes et nos installations de traitement des eaux, et lutter contre des problèmes comme le réchauffement planétaire ou d'autres problèmes environnementaux.
Dans le cadre d'une démarche équilibrée qui engloberait un réinvestissement à grande échelle dans les programmes sociaux et une réforme fiscale équitable, la Newfoundland and Labrador Federation of Labour est favorable à une augmentation progressive importante du crédit d'impôt fédéral de base et à la pleine indexation des crédits et du seuil d'imposition sur le taux d'inflation. Le crédit correspond actuellement à 17 p. 100 du montant personnel de base qui est de 7 131 $. S'il augmentait, il y aurait moins de salariés à faible revenu dans le régime fiscal, et l'on aurait une réduction d'impôt qui s'appliquerait à l'ensemble des contribuables mais favoriserait surtout les familles à faible et à moyen revenu.
Si les fourchettes d'imposition étaient indexées, le revenu des simples Canadiens serait moins taxé au taux de 26 p. 100 qu'au taux de 17 p. 100 chaque année. La grande majorité des Canadiens est fière d'appartenir à une société qui a su éviter les extrêmes de richesse et de pauvreté que l'on constate aux États-Unis. Malheureusement, les fondements essentiels d'une société plus sûre et plus égalitaire, à savoir des emplois corrects rémunérés de manière décente, un bon niveau de services publics, des programmes de soutien du revenu à l'intention des chômeurs et des travailleurs économiquement faibles, se sont considérablement détériorés ces dernières années. L'objectif essentiel du prochain budget devrait être de réinvestir dans les programmes sociaux pour réduire l'écart entre les plus riches et les plus pauvres de notre société.
• 1335
Une fiscalité équitable est un des éléments d'une société
décente, et des mesures fiscales bien ciblées dans le contexte de
la réforme fiscale peuvent aussi contribuer à réduire cet écart. Un
leadership fédéral énergique, une bonne coopération fédérale-
provinciale et une planification stratégique sont indispensables
pour que nos priorités sociales, économiques et financières soient
conformes aux valeurs, aux principes et aux priorités des
Canadiens.
Pour offrir à tous les Canadiens un avenir meilleur et plus sûr, ce qu'il faut, c'est du courage politique et non des discours du monde des affaires. Voilà ce que les citoyens canadiens méritent de recevoir des personnes qu'ils ont élues pour les gouverner dans une société démocratique.
Nous croyons savoir que la Nova Scotia Federation of Labour va aussi recommander l'appui à une politique nationale de chantiers navals. La Newfoundland and Labrador Federation of Labour est aussi fermement favorable à la mise sur pied d'une politique nationale de chantiers navals pour protéger cette industrie au Canada.
En outre, et bien que nous n'en ayons pas parlé dans notre exposé, la Newfoundland and Labrador Federation of Labour est aussi convaincue que le gouvernement fédéral doit revoir la façon dont les paiements de péréquation sont transférés aux provinces. Actuellement, Terre-Neuve et le Labrador sont la première région du pays en matière de croissance économique, et pourtant le mode de calcul des paiements de péréquation ne permet pas à la population de Terre-Neuve et du Labrador de récolter tous les bénéfices de cette croissance économique et du développement de nos ressources naturelles.
En gros, la formule utilisée pour déterminer ces paiements de péréquation empêchera toujours les habitants de Terre-Neuve et du Labrador d'améliorer leur situation et de devenir des membres à part égale de la fédération canadienne, parce qu'en vertu de cette formule, quand nous tirons de l'argent de l'exploitation de ressources comme notre pétrole offshore et ultérieurement notre gaz, une bonne partie de ces recettes est versée au gouvernement fédéral, au détriment des habitants de Terre-Neuve et du Labrador.
Le président: Je suis sûr que vous aurez une question sur ce point particulier. Merci beaucoup, madame Price.
Monsieur Holloway, de la Fédération du travail de la Nouvelle- Écosse, je crois que vous vouliez passer en deuxième.
M. Les Holloway (vice-président général, Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse): Oui, je vous en remercie, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous remercie ainsi que le comité de m'avoir donné la possibilité de comparaître ici au nom des quelque 55 000 membres de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse. Nous sommes tout à fait d'accord avec l'exposé que vient de vous faire Elaine Price, la présidente de la Newfoundland and Labrador Federation of Labour. Notre Fédération appuie aussi sans réserves l'exposé du Congrès du travail du Canada qui vous a été présenté en septembre, je crois, ou peut-être même avant.
Je commencerai par cela. J'aimerais vous parler très brièvement de deux questions. Il y a d'une part les chantiers navals, mais avant de parler de la politique des chantiers navals, j'aimerais...
Le président: Monsieur Holloway, je dois vous interrompre. On me signale qu'il y a des pancartes gênantes et je pense donc qu'il va falloir les enlever. Les députés doivent pouvoir écouter les interventions des témoins, et nous ne voulons pas établir un précédent de comparution sur fond de pancartes. Vous comprenez certainement cela. Dans chacune des villes où nous allons, il y a des conventions différentes. Nous sommes ici pour écouter les témoins qui comparaissent et qui, vous en conviendrez, ont des choses très importantes à nous dire dans le contexte de notre processus budgétaire. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir enlever cette affiche, monsieur Holloway, et de poursuivre.
M. Les Holloway: Je dois dire qu'il est regrettable que les travailleurs qui ont pris la peine de venir ici vous exprimer d'une manière qui leur semble appropriée la nécessité d'intervenir sur une question très importante pour eux, une crise qui a entraîné la mise au chômage de centaines et de milliers de travailleurs de l'industrie des chantiers navals... Je trouve que c'est tout à fait normal. Je ne crois pas non plus que des affiches sur les garderies d'enfants soient choquantes. Je pense que vous devriez peut-être au contraire les examiner de près. Au lieu de vous concentrer sur vos ordinateurs portables, vous devriez vous pencher de plus près sur ce genre d'affiches. C'est regrettable, mais comme je veux poursuivre mon exposé, je vais me plier à la volonté du président.
• 1340
En matière de réductions d'impôt—et je voudrais parler plus
précisément de cette question—je souhaiterais dire tout d'abord
que les impôts ne sont pas une mauvaise chose. On a l'impression
dans notre pays, pour une raison quelconque—et il y a eu tout un
mouvement de droite sur cette question des impôts—que si l'on
reverse l'argent aux particuliers, leur existence va s'améliorer.
À mon avis, ce n'est pas comme cela que notre pays a pu devenir un
grand pays, le pays où préférerait vivre la majorité des habitants
du monde actuel.
Si nous sommes devenus un grand pays, c'est parce que nous avons compris très tôt, en tant que nation, que le sens de la collectivité, de la cohésion et de la solidarité pour répondre aux besoins fondamentaux de chaque Canadien était un moyen beaucoup plus efficace de construire notre société, une société qui allait être considérée comme une des plus grandes du monde et dont nous voudrions évidemment faire partager les joies aux autres.
Quand je regarde les commentaires de la droite et du Parti libéral maintenant, cela me dérange beaucoup. J'aimerais vous lire un passage du communiqué de presse du ministre Martin. À la dernière page, il y a une liste de quatre points. On dit que les réductions d'impôt doivent être équitables. C'est le premier commentaire qu'il a fait. Le deuxième point dit que les allégements fiscaux à grande échelle devraient être principalement axés sur l'impôt sur le revenu des particuliers.
La forme d'imposition la plus équitable que nous ayons au Canada, c'est l'impôt sur les salaires. L'imposition des particuliers sur le revenu est la forme la plus équitable de fiscalité. Je me demande pourquoi le ministre ne parle pas de se débarrasser des taxes les plus régressives. Prenez la TPS par exemple. C'est une taxe profondément injuste, puisque tous les Canadiens, ceux qui ont des revenus faibles ou moyens, paient le même pourcentage sur tous les produits qu'ils achètent. Une bonne partie de ces produits sont indispensables pour leur vie quotidienne; ce ne sont pas des articles de luxe comme ceux que peuvent se payer les riches.
Voici donc ce que je voulais dire à ce sujet. Je pense que votre comité devrait très sérieusement envisager d'appuyer des allégements fiscaux pour les familles à faible revenu, pour vraiment les aider. Nous l'avons dit bien souvent, quand on parle d'aider les enfants pauvres, on le fait comme si ces enfants pauvres ne vivaient pas dans des familles pauvres.
S'il y a des enfants pauvres dans les familles des travailleurs des chantiers navals, ce n'est pas parce qu'il y a un problème avec ces travailleurs, mais parce qu'il n'existe pas de politiques pour donner du travail à ces travailleurs des chantiers navals. S'il y a un enfant qui a faim, vous pouvez être sûrs qu'il y a à côté de lui une famille qui essaie de lui donner à manger, une famille qui a faim aussi. Donc, tant que vous ne vous attaquerez pas à cette question, je pense que nous continuerons à avoir des enfants pauvres et des enfants affamés.
Quand on parle de réductions fiscales dans ce document... Et la droite parle aussi de réductions de l'impôt sur le revenu, même si nous disions que c'est ce qu'il faut faire... je pense que c'est une erreur. Pour un travailleur de chantier naval qui est sans emploi, qui n'a pas de travail, cela ne sert à rien du tout de réduire les impôts, puisqu'il ne gagne pas d'argent et qu'il n'a pas de revenu, donc la réduction d'impôt ne signifie rien du tout.
J'aimerais vous dire très brièvement quelques mots sur les chantiers navals. J'ai demandé à l'intention de votre comité et de vous-même, monsieur le président, que nos fédérations... Nous nous sommes associés à la Fédération de métallurgie du Québec qui fait partie de la CSN. Nous nous sommes aussi associés à la Fédération de la côte Ouest et nous avons une coalition, et nous faisons campagne sur la nécessité de mettre en place une politique des chantiers navals qui aura du bon sens et nous permettra d'être sur le même pied que les nations concurrentes.
• 1345
J'ai demandé que nos trois fédérations puissent présenter un
exposé ensemble. Si c'était à Ottawa, nous viendrions à Ottawa pour
présenter cet exposé plus détaillé.
Je voudrais très brièvement vous parler de l'importance de l'industrie des chantiers navals pour des régions comme le Canada atlantique. En ce moment même, des milliers de travailleurs sont licenciés dans l'industrie des chantiers navals. Le chantier naval de Halifax fonctionne à un peu moins de la moitié de sa capacité actuellement, et n'emploie que 500 travailleurs environ au lieu de 1 100 ou même 1 200. Actuellement, au chantier naval de St. John, il n'y a que 200 travailleurs alors qu'il y en avait plus de 3 000 il y a quelques années. Ce chantier n'a pas de contrats et n'est pas en mesure de lutter contre la concurrence parce qu'il n'y pas de politique. Si l'on va à Terre-Neuve, la situation du chantier naval de Marystown est identique. Il emploie actuellement moins de 100 travailleurs alors qu'il pourrait en avoir un millier.
Si vous voulez parler de questions financières, parlez de création de politiques. Nous ne réclamons pas l'aumône ou des subventions. Ce qu'il faut faire, c'est créer des politiques, et il faut que le gouvernement fédéral comprenne qu'on peut mettre en place des politiques qui permettront aux propriétaires de navires de construire des navires au Canada et de donner du travail à ces travailleurs. Ces travailleurs eux-mêmes vont alors payer des impôts au gouvernement fédéral et augmenter ses rentrées d'argent.
Pour vous donner une idée de l'aggravation de la situation au cours des 10 dernières années, où le gouvernement fédéral a été essentiellement un gouvernement libéral, plus de 70 p. 100 des emplois de l'industrie des chantiers navals du Canada ont disparu au cours des années 90. Réfléchissez-y un instant, et voyons aussi, comme l'a dit maintes et maintes fois le ministre Manley, s'il y a des politiques des chantiers navals au Canada. Je pense que les faits montrent clairement que non.
On nous raconte aussi sans arrêt que c'est une industrie polluante et en déclin. Savez-vous que 75 p. 100 des denrées transportées dans le monde sont transportées sur des navires? Cela n'a pas l'air d'une industrie agonisante, plutôt d'une industrie qui a besoin de beaucoup de navires. Il y a quelques mois seulement, l'Association des armateurs canadiens—l'association des propriétaires de navires—a approuvé notre revendication d'une politique. Ils ont dit que si l'on mettait en place la politique que nous réclamons, il y aurait du travail pour les propriétaires et pour les membres de leur organisation. Ils peuvent vous citer plus de 70 navires qui vont devoir être remplacés au Canada ou réaménagés en profondeur. Tout cela pourrait se faire dans les chantiers navals canadiens si l'on mettait en place un environnement correct.
Depuis le début, nous disons que les règles du jeu ne sont pas uniformes. J'ai déjà dit que nous ne réclamons pas des subventions. Nous n'avons pas demandé de subventions, nous n'avons pas demandé l'aumône pour les chantiers navals. En fait, nous avons dit au contraire que ce n'était pas la solution. Nous voulons une solution à long terme. Nous voulons une réunion des intervenants pour discuter des réalités auxquelles nous sommes confrontés.
Jetons un coup d'oeil très rapidement sur la Loi Jones aux États-Unis. Elle est protégée dans le cadre de l'ALENA, ce qui veut dire que les États-Unis peuvent construire des navires pour le Canada, alors que le Canada, lui, n'a pas le droit de construire des navires pour les États-Unis. On me dit que c'est un accord de libre-échange que nous avons signé avec les États-Unis. Quand on est travailleur des chantiers navals canadiens, on n'a pas l'impression que ces échanges soient très libres.
Pour donner un exemple de la façon dont nous sommes directement touchés au chantier naval de Halifax, je vous citerai le cas de deux navires de ravitaillement dernier cri qu'on est en train de construire. Secunda Marine—une entreprise canadienne qui exploite nos ressources au large de la Nouvelle-Écosse et aussi de Terre-Neuve, a fait construire ses deux navires dans un chantier naval du Mississippi. Elle a eu accès à ce qu'on appelle un financement du titre 11—ce qu'il nous faudrait au Canada—et a obtenu de payer 87,5 p. 100 de ces navires sur 25 ans. Elle a acheté ces navires hors taxe dans le cadre de l'ALENA, et elle les exploite au large de nos côtes. Voilà la situation que nous avons au Canada.
Nous disons qu'un programme comme le titre 11—dont le bilan est excellent, soit dit en passant, avec presque aucun cas de mauvaises créances, et qui a permis la création de milliers d'emplois dans les chantiers navals américains—pourrait très facilement être mis en place avec les bons critères et sans le moindre coût pour le contribuable canadien, et ouvrir la voie à la création d'emplois pour nos travailleurs des chantiers navals.
• 1350
Il y aurait beaucoup d'autres choses dont je voudrais vous
parler, mais je vais m'arrêter sur ce point. Je voudrais simplement
vous parler des organisations qui appuient cette revendication
d'une politique des chantiers navals au Canada, et surtout une
rencontre des intervenants. Cela permettrait de faire deux choses.
Une rencontre ou un sommet servirait à affirmer la reconnaissance
d'un grand problème dans cette industrie. Une fois le problème
reconnu, nous pourrions commencer à discuter des solutions
canadiennes à ce problème. Nous pensons que ce n'est pas une
demande déraisonnable.
Je vais vous dire qui nous appuie. L'Association des chantiers navals du Canada nous appuie, évidemment. Ce sont les propriétaires de navires de tout le pays. L'Association des armateurs, c'est-à- dire les propriétaires des navires, dit que ce serait quelque chose de positif et qu'une politique permettrait de créer les emplois dont j'ai parlé.
Au congrès annuel de la Chambre de commerce du Canada il y a quelques mois, plus de 250 Chambres de commerce étaient représentées, et il y avait plus de 500 délégués. Ils ont massivement approuvé l'appel à un sommet national sur l'industrie des chantiers navals et la revendication d'une politique logique.
En août 1997, et à leurs dernières réunions en juillet ou en août cette année, les premiers ministres du Canada ont dit que l'industrie des chantiers navals occupait une place importante dans l'économie des régions côtières et atlantiques et qu'il fallait mettre en place une politique et convoquer un sommet.
J'ai ici un document intitulé: «Le Canada atlantique: Prendre la vague de demain». C'est un document d'un comité du caucus libéral fédéral du Canada atlantique. Ils affirment que le gouvernement doit mettre en place une politique canadienne des chantiers navals. C'est bien gentil de dire qu'il faut que les Canadiens de la région atlantique se remuent un peu et se mettent au travail. En fait, il serait temps que le gouvernement fédéral voie un peu ce qu'on peut faire au Canada atlantique s'il en a la volonté. C'est au gouvernement fédéral d'établir des politiques qui nous permettront de créer un environnement qui favorisera la création d'emplois et qui soutiendra la croissance économique dans cette région du pays. Il est inadmissible qu'on ne fasse rien sur cette question.
J'ai sans doute parlé beaucoup plus sur cette question que je n'en avais l'intention. Je terminerai en disant que le ministre Manley a participé à une brève réunion avec les équipes de la Ligue nationale de hockey et les joueurs de la Ligue nationale de hockey—des millionnaires des deux côtés—et qu'à cette réunion il a réclamé un sommet pour discuter des misères financières du monde du hockey. J'aime beaucoup le hockey et je souhaite que les équipes de la Ligue canadienne de hockey restent au Canada, mais je tiens à vous dire que si l'on juge bon d'avoir une réunion pour discuter de questions qui sont importantes pour la Ligue nationale de hockey, alors il serait vraiment temps de convoquer les intervenants de l'industrie des chantiers navals qui peuvent donner du travail à des milliers et des milliers de travailleurs de notre pays dans une région qui éprouve le plus de difficultés économiques, pour commencer à redonner du travail aux gens.
Je ne crois pas qu'il soit exagéré de demander un sommet. Ce que nous voulons faire, c'est intervenir dans le dialogue dans lequel si vous dites qu'il n'y a rien que nous puissions faire pour l'industrie et nous disons qu'il y a au contraire quelque chose à faire, nous ne voulons pas de cadeaux, nous ne voulons pas de subventions, nous voulons une politique qui ait du bon sens. À partir de là, je pense qu'il n'est pas exagéré de vouloir un sommet pour en parler. C'est quelque chose qu'à mon avis le comité devrait signaler de façon positive en fonction des travailleurs que je représente et du soutien que je viens de vous confirmer.
Je remercie encore une fois le comité de m'avoir donné l'occasion de me faire entendre. Nous serions prêts à venir à Ottawa pour vous fournir un exposé plus approfondi en compagnie de nos amis qui représentent les 250 000 membres du Québec, ainsi que notre syndicat national, le Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, la Marine Workers Federation de la côte Est ainsi que nos homologues de la côte Ouest. Tous sans exception seraient disposés à venir vous rencontrer pour vous livrer une analyse plus approfondie des éléments que nous avons et qui, selon nous, sont indispensables pour remédier à ce problème.
Le président: Je vous remercie, monsieur Holloway.
Nous allons maintenant passer à la Nova Scotia Government Employees Union, représentée par Ian Johnson, analyste politique. Je vous en prie.
M. Ian Johnson (analyste politique, Nova Scotia Government Employees Union): Merci, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant de m'avoir invité. Mais en fait, je représente Joan Jessome, qui est notre présidente et qui vient tout juste de revenir au Canada après un séjour à l'étranger.
Nous sommes reconnaissants de pouvoir prendre la parole devant le comité et de le faire en compagnie de nos confrères et nos consoeurs. Nous représentons 21 000 personnes d'un peu partout en Nouvelle-Écosse. Nous sommes également le plus important syndicat de la province et nous représentons une vaste palette d'employés du secteur public qui travaillent dans la santé, les services communautaires, la justice, l'éducation et la fonction publique provinciale, pour n'en nommer que quelques-uns.
• 1355
Comme vous l'aurez déjà constaté, monsieur le président, nous
participons depuis quatre ans déjà à ces rencontres, soit
directement en venant déposer devant le comité, soit indirectement
en lui soumettant des mémoires, et notre ténacité n'a sans doute
d'égal que notre désaccord à l'endroit des grandes orientations et
des détails des budgets précédents, voire des rapports déposés par
votre comité.
Ainsi, nous ne sommes pas d'accord lorsque vous dites, dans un document antérieur, votre document d'information, que le budget de 1999 a représenté un tournant important dans les plans à long terme du gouvernement fédéral à l'appui d'une économie plus forte et d'une société plus sûre jouissant d'un meilleur niveau de vie et d'une meilleure qualité de vie.
Si nous vous disons cela, c'est que, si vous songez à certains éléments bien précis, que nous vous avions présentés par écrit, et qui découlaient de certaines données de Statistique Canada non publiées mais compilées par le professeur Ronald Coleman de GPI Atlantic, vous constaterez par exemple que le niveau de pauvreté des enfants de la Nouvelle-Écosse a augmenté de 50 p. 100 en sept ans seulement et aussi que, sur le plan national, c'est la Nouvelle-Écosse qui se place au second rang pour ce qui est de cet indicateur. Les 40 p. 100 de Néo-Écossais qui sont les plus pauvres dans la province ont perdu 24 p. 100 de leur revenu réel et de leurs transferts depuis 1990. Plus de 70 p. 100 des mères chef de famille de la Nouvelle-Écosse vivent dans la pauvreté. Les salaires réels ont diminué de 8 p. 100 depuis 10 ans et le taux de chômage demeure élevé, surtout parmi les jeunes gens et dans certaines régions de la province, le Cap-Breton en particulier. Les emplois n'ont jamais été aussi incertains, et le niveau de stress ne cesse d'augmenter.
Tous ces éléments ne sont guère propices à une économie et à une société fortes et en pleine croissance. Nous nous demandons donc comment vous pouvez dire que le budget est effectivement en équilibre ou qu'un nouveau départ s'annonce alors qu'il y a toutes ces réalités quotidiennes qui affligent la plupart des habitants de la province et, à n'en point douter aussi,—d'autres que moi pourront le corroborer—la plupart des Canadiens, et en particulier des Canadiens de l'Atlantique. À notre avis, le gouvernement Chrétien n'a pas encore pris au sérieux son rôle et ses responsabilités dans le domaine de la création d'emplois et dans la recherche du plein emploi, l'éradication de la pauvreté et de l'injustice, la reconstruction des programmes sociaux et des services publics et la mise en place d'un système fiscal équitable.
Nous vous avions exhorté à en tenir compte, et nous n'avions pas été les seuls. J'ai déjà parlé du professeur Coleman. Celui-ci travaille avec Statistique Canada pour mettre au point un indicateur de progrès réel qui serait beaucoup plus adapté et qui refléterait beaucoup mieux la véritable situation socio-économique du Canada à partir de 20 modules différents. Ce projet est toujours en cours et nous pensons que vous devriez vous en inspirer si vous tenez vraiment à parler de progrès et d'évolution futurs.
Dans votre document de référence, vous avez signalé cinq thèmes et je vais rapidement essayer de mettre en exergue certaines de nos observations, préoccupations et recommandations à leur sujet.
Un de ces thèmes est le processus d'élaboration du budget. Comme je l'ai déjà dit, cela fait un certain temps déjà que nous participons au processus, ce que nous faisons d'ailleurs aussi au niveau provincial. Sans vouloir dénigrer les efforts du comité, nous n'avons pas pour autant pu conclure à la transparence ou à l'ouverture complète du processus. Au contraire, nous avons souvent eu l'impression qu'un certain nombre de décisions fondamentales étaient prises bien avant le début de vos consultations. Pour pouvoir démystifier le processus et l'ouvrir véritablement à tous et toutes, nous recommandons—et nous avons d'ailleurs dans une certaine mesure participé aussi au processus parallèle de budgétisation fédérale—que le gouvernement organise des ateliers régionaux pour permettre aux gens de mieux comprendre et de participer de plus près au processus d'élaboration du budget, qu'il prépare davantage de documentation de référence rédigée en termes simples, et que les Canadiens aient davantage la possibilité de participer au tout début du processus et pendant l'intégralité de celui-ci, et pas simplement lorsque vous faites votre tournée comme c'est le cas actuellement, mais plutôt, par exemple, dès la publication de votre rapport, si je me souviens bien, en décembre ou en janvier, après le dépôt du budget, et lorsqu'on commence à établir les priorités pour le prochain exercice budgétaire, lorsque votre comité commence à y travailler.
Il y a donc à notre avis plusieurs choses qui pourraient être faites dans ce domaine. S'agissant de la réforme de la fiscalité et des allégements fiscaux, comme d'autres l'ont déjà dit avant nous, nous ne considérons pas que ces deux grands axes puissent suffire et constituer une fin en soi. Nous ne pensons pas que cela doive être un vecteur important dans le prochain budget ou dans ceux qui le suivront. À notre avis, tout ce battage effectué pour mettre à l'ordre du jour des réductions d'impôt n'est, de la part du gouvernement, qu'un effort à peine déguisé pour réduire les dépenses de l'État et les services publics un peu de la même façon que cela avait été le cas au moment de la polarisation sur la réduction de la dette et du déficit.
Pour être plus précis, nous craignons énormément qu'une réduction des impôts ne soit finalement qu'une tentative de désengagement de la société et du gouvernement par rapport à sa responsabilité collective à l'endroit des nécessiteux, une tentative visant à rejeter sur les épaules des particuliers et des familles la responsabilité et le coût des services publics, de même qu'un glissement très net vers la privatisation et la sous- traitance de ces mêmes services.
D'après tout ce que nous avons pu constater, les réductions d'impôt ne profitent pas à ceux qui sont censés en bénéficier. Elles n'aident en rien les Canadiens à faible ou à moyen revenu, elles profitent surtout à ceux qui sont riches et à l'aise. D'ailleurs, les tout premiers avantages de telles réductions seraient fort probablement annulés par une augmentation des frais d'utilisation et des frais de service, de même que par une augmentation des taxes foncières destinées à financer les programmes publics. Le cas a été particulièrement patent, je crois, en Ontario. À notre avis, ces mesures ne risqueraient guère d'intensifier vraiment l'activité économique, ni d'ailleurs d'améliorer, comme on le prétend, notre compétitivité.
• 1400
Nous recommandons plutôt, comme d'autres l'ont d'ailleurs fait
avant nous, de réinvestir dans les programmes sociaux qui en ont
amplement besoin, mais également d'offrir aux gens à faible et
moyen revenu des allégements fiscaux ponctuels. Ken Georgetti, le
président du Congrès du travail du Canada, vous a déjà recommandé
de relever notablement le seuil de revenu à partir duquel un
particulier commence à payer des impôts. Une telle mesure
profiterait aux gens qui en ont le plus besoin. L'autre élément est
bien sûr la désindexation des barèmes d'imposition qui, elle aussi,
exigerait d'être revue.
Pour ce qui est de l'infrastructure sociale, nous estimons que la priorité la plus pressante pour le prochain budget fédéral consiste à reconstruire et à enrichir l'infrastructure sociale, notamment dans le sens qui a été proposé par le budget fédéral parallèle, une série de fonds d'investissement social nationaux financés de façon autonome et assortis de normes nationales, par exemple un fonds national pour la santé, un fonds pour les études supérieures, un fonds de soutien du revenu, un fonds d'investissement pour l'enfance, un fonds d'investissement pour le logement et un fonds de retraite.
Comme vous l'avez probablement signalé, les deux derniers budgets visaient à répondre à certaines préoccupations pressantes concernant l'enseignement postsecondaire et les soins de santé. À notre avis, cependant, aucun de ces deux budgets n'est intervenu très vigoureusement pour inverser la restructuration et les réductions substantielles qui ont frappé les deux secteurs.
En Nouvelle-Écosse, et je pense que les étudiants et les professeurs d'université vous l'ont déjà dit et vous le diront peut-être un peu plus tard aujourd'hui les frais de scolarité ne cessent d'augmenter, à tel point que la Nouvelle-Écosse a les frais de scolarité les plus élevés au Canada, ainsi qu'un taux d'endettement étudiant allant de 20 000 $ à 50 000 $ par tête.
S'agissant de la santé, un domaine que je connais personnellement un peu mieux, même si le gouvernement fédéral va enrichir les transferts pour la santé de 11,5 milliards de dollars pendant les cinq prochaines années, cela ne suffira pas à compenser la régression du pourcentage des dépenses fédérales par rapport aux dépenses totales dans ce domaine. Cette intervention fédérale doit être au minimum de 25 p. 100 du total. Ce n'est pas moi qui le dis, d'autres mouvements et organismes l'ont déjà affirmé. Cela ne garantit pas non plus que les fonds supplémentaires offerts par le gouvernement fédéral vont effectivement être utilisés dans le secteur de la santé. Il n'existe aucun engagement, aucune garantie à cet effet. C'est là précisément le problème du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
Tout aussi important, cette intervention ne nous rapproche pas davantage d'un régime national de soins à domicile ou d'un régime d'assurance-médicaments. Ces programmes font cruellement défaut, et le gouvernement fédéral pourrait montrer l'exemple, mais il ne le fait pas. Du moins pas dans le cadre de ce budget.
Par ailleurs, une série de ministères, de programmes et de services indispensables du gouvernement fédéral souffrent dans cette région du pays d'une pénurie grave d'effectifs, et c'est le cas, par exemple, de la Garde côtière, de la protection de la santé et de Transports Canada. Ce ne sont que quelques exemples. Les programmes comme ceux-là sont vitaux pour notre région, et pourtant le gouvernement fédéral semble vouloir à tout prix les déréglementer et les sous-traiter au secteur privé.
Il y a aussi bien d'autres besoins, et d'autres en ont déjà parlé: un programme national de garderies, qui comprendrait des garderies subventionnées et un système d'éducation au niveau de la petite enfance, une stratégie nationale contre la pauvreté, un programme national de formation et d'emploi assorti d'un régime de congés d'études ou de perfectionnement payé, ainsi qu'un programme national de reconstruction et de réparation des infrastructures.
Très récemment encore, le Centre canadien de politiques alternatives a fait sa propre actualisation fiscale et économique peu après que le ministre des Finances eut fait la sienne, et il avait calculé que les futurs excédents fédéraux suffiraient à assurer le financement à la fois de la remise en état de l'infrastructure et des services publics existants et de la mise en oeuvre de nouveaux services importants comme ceux dont je viens de vous parler, un programme universel d'éducation pour la petite enfance, tout en permettant une administration publique fédérale beaucoup plus petite que ce qui existait en 1994. Voilà le genre d'orientation que nous voudrions pouvoir observer dans le prochain budget fédéral et dans ceux qui le suivront.
Vous parlez également dans votre document de ce qu'on appelle la nouvelle économie et la productivité. À notre avis, ces éléments ne sont pas prioritaires pour nous dans les budgets fédéraux à venir, non pas qu'ils soient dépourvus d'importance, mais nous pensons qu'ils pourront être en grande partie réalisés par la reconstruction et l'amélioration de l'infrastructure sociale dans le secteur public. Nous nous inquiétons également de la possibilité que ces éléments soient utilisés, comme ils l'ont déjà été, en particulier par la droite, pour promouvoir des réductions d'impôt et l'amputation des services publics.
Comme nous vous l'avons déjà dit, le secteur public a un rôle vital et crucial à la fois à jouer dans tous les domaines relevant de l'éducation, de la formation et de la création d'emplois, cela s'entendant de toute une palette d'évaluation de besoins, de contrôle des tendances, de lancement de processus de planification, de développement des infrastructures nécessaires, de la mise en place d'une éducation, d'une formation et d'une structure d'emploi de qualité, de services de développement économique et de création d'emplois de même que de l'établissement de normes, de cadres réglementaires et de moyens d'exécution dignes de ce nom.
Le gouvernement fédéral a un rôle particulièrement fondamental à jouer dans le renforcement du secteur public afin de préparer celui-ci à ce qu'on appelle la nouvelle économie et l'amélioration de la productivité, mais s'il doit le faire sans améliorer notablement les conditions de vie et d'emploi de la population en se contentant de ce qu'on pourrait appeler une reprise économique sans création d'emplois, l'avenir de notre pays ne sera guère plus reluisant.
• 1405
Nous sommes heureux d'avoir pu participer à vos consultations
et nous vous exhortons à ne pas oublier que les politiques
financières du gouvernement fédéral doivent être formulées de
manière à satisfaire, sur un plan général, les besoins de tous les
Canadiens plutôt que le contraire. À notre avis, le gouvernement
fédéral est arrivé à un tournant historique. Étant donné notamment
l'augmentation de son excédent budgétaire, il doit maintenant
s'atteler à la reconstruction et à l'amélioration du secteur public
et des services publics au lieu de se lancer dans une série de
réduction de taxes, d'impôts et de dépenses publiques, de
privatisation et de sous-traitance.
Nous vous remercions et sommes impatients de participer à la discussion qui va suivre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Johnson.
Nous allons maintenant entendre les représentants de la Federation of New Brunswick Faculty Associations, en l'occurrence son président, le professeur Jack Vanderlinde, le vice-président, le professeur Claude Dionne, et le directeur général, M. Desmond Morley. Bienvenue, messieurs.
M. Les Holloway: Vous voudrez bien m'excuser, monsieur le président, mais une autre réunion m'attend. S'il y a des questions au sujet de ce que je vous ai dit, Wayne Butler pourra y répondre. J'espère néanmoins pouvoir vous rencontrer à nouveau pour vous exposer de façon plus détaillée les solutions que nous envisageons aux problèmes dont j'ai parlé. Merci encore.
Le président: Merci, monsieur Holloway. Monsieur Butler, il vous appartiendra donc de répondre en son nom.
Allez-y, je vous prie.
M. Jack Vanderlinde (président, Federation of New Brunswick Faculty Associations): Merci beaucoup. Notre Fédération représente tous les professeurs et bibliothécaires des universités du Nouveau- Brunswick, soit environ 1 200 personnes. Je suis également le président du Département de physique de l'Université du Nouveau Brunswick. Mon vice-président, Claude Dionne, est professeur d'administration et de marketing à l'Université de Moncton, qui se trouve également au Nouveau-Brunswick.
Vous avez reçu notre mémoire mais, malheureusement, son annexe a été omise dans la version française. Nous en avons des copies ici, si vous en avez besoin. Je ne m'étendrai pas sur ce que nous disons déjà dans notre mémoire et j'espère que vous le lirez, mais nous serons néanmoins heureux de répondre aux questions que vous auriez à ce sujet. Mon exposé sera bref. Plusieurs intervenants ont déjà parlé plus longtemps que prévu et je pense qu'un peu de concision sera la bienvenue.
Je commencerai donc par dire que j'ai été ravi d'entendre le ministre des Finances reconnaître que l'innovation était le pilier de la prospérité future du Canada. Il s'agit d'un thème qui revient sans cesse, et nous y souscrivons entièrement. Je dirais que l'innovation consiste à sortir des sentiers battus, et nous savons tous que pour parvenir à le faire, il faut apprendre. Ce n'est pas un réflexe naturel. Nous croyons que les universités sont les mieux placées pour enseigner comment sortir des sentiers battus, pas simplement dans les disciplines techniques qu'on y enseigne, mais également dans les arts.
Le principal thème dont je voudrais vous parler prendra la forme d'un plaidoyer pour le rétablissement du financement de base des universités. Le gouvernement fédéral s'est d'ailleurs sérieusement employé à enrichir le financement des universités par le truchement de la Fondation canadienne pour l'innovation, mais également en annonçant tout récemment encore le financement, en principe, de 1 200 chaires dans toute une série de disciplines.
Je voudrais néanmoins vous faire valoir que c'est une arme à double tranchant, surtout pour les Maritimes. Pour vous signaler certaines des difficultés que cela entraînerait, il y a tout d'abord le fait que la création de ces chaires facilitera beaucoup la vie aux universités de l'Ontario et de la Colombie-Britannique qui voudraient venir débaucher les meilleurs d'entre nous et qui seraient ainsi subventionnés pour le faire. En second lieu, il est inutile de financer richement la recherche si on ne lui donne pas le temps de se faire. À l'heure actuelle, nos professeurs sont très surchargés et rares sont ceux qui ont le temps de faire quoi que ce soit en plus de leur charge d'enseignement. Je travaille près de 60 heures par semaine et les collègues qui font beaucoup de recherche travaillent probablement 70, voire 80 heures par semaine.
Par ailleurs, je voudrais vous dire que ce n'est pas en finançant la recherche qu'on parvient à faire baisser les frais de scolarité. C'est d'ailleurs toujours un grave problème pour les universités. Lorsque je fais de la recherche, j'utilise les ressources de l'université. Financer la recherche ne donne rien de plus à l'université pour améliorer les services aux étudiants.
Enfin, les crédits à la recherche n'améliorent pas le sort des bibliothèques. Comme nous le signalons dans notre mémoire, nos bibliothèques sont miséreuses. Elles deviennent de plus en plus dépassées.
• 1410
Ce que je demanderais avant tout, c'est que le gouvernement
fédéral recommence à offrir aux universités un financement de base
qui leur permettrait d'engager de nouveaux professeurs, étant donné
que le corps professoral a été vraiment décimé, et à regarnir les
rayons de nos bibliothèques avec des ouvrages plus à jour, sans
devoir une nouvelle fois augmenter les frais de scolarité.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, professeur.
Nous allons maintenant entendre le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, représenté par M. Ed Fitzpatrick. Bienvenue, monsieur.
M. Ed Fitzpatrick (membre du conseil d'administration, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Bonjour, monsieur le président. Je vous apporte ainsi qu'aux membres du comité les salutations du conseil d'administration du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.
J'ai travaillé dans le domaine de la toxicomanie pendant 32 ans et, lorsque j'ai pris ma retraite, j'étais le directeur général de la Nova Scotia Commission on Drug Dependency. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et je vous remercie de me donner cette occasion de prendre la parole devant vous.
J'aimerais également vous transmettre un message qui, je l'espère, vous aidera dans vos consultations à l'échelle nationale. Le Centre vous fera tenir ultérieurement des exposés plus approfondis qui vous seront présentés en personne lors de vos audiences futures.
Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a été constitué par une loi du Parlement en août 1998. Il a pour mandat de servir de centre national de référence pour toutes les questions concernant l'alcoolisme et les toxicomanies au Canada. Il poursuit trois grands objectifs: mieux sensibiliser les Canadiens aux problématiques liées à l'alcoolisme et aux toxicomanies, favoriser une meilleure participation des Canadiens à la lutte contre les problèmes graves qu'on peut associer à l'alcoolisme et aux toxicomanies et promouvoir l'utilisation et l'amélioration des programmes d'excellence qui intéressent la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.
Le Centre est, comme je le disais, un centre de référence national sur les toxicomanies. Il réunit et diffuse de l'information, tient une série de banques de données et coordonne le réseau canadien d'information sur les toxicomanies. Le Centre administre également le service d'information sur le syndrome d'alcoolisme foetal avec le concours financier de Santé Canada et de l'Association des brasseurs canadiens. Il diffuse gratuitement de l'information concernant les toxicomanies et offre des liaisons en direct à une multiplicité de fournisseurs d'information du monde entier grâce à son site Web. Le Centre publie enfin une série d'annuaires, de profils statistiques, de brochures, de rapports de recherche et d'énoncés de politique, ainsi que des rapports spéciaux.
Le Centre occupe une position privilégiée en ce sens qu'il réunit toute une palette d'intervenants des secteurs public et privé dans le cadre de projets qu'il serait autrement impossible de réaliser de façon unilatérale. Par ailleurs, suite à la disparition, depuis quelques années, de toutes les agences provinciales indépendantes qui oeuvraient dans ce domaine, à l'exception de trois d'entre elles, il est de plus en plus appelé à offrir des services ou conseils spécialisés à nos clients provinciaux, en plus d'avoir à coordonner toute une gamme d'activités conduites dans plusieurs provinces à la fois.
Voici quelques exemples qui illustrent bien certaines des réalisations du Centre pour ce qui est de lancer et de coordonner des projets conjoints. En juin 1996, nous avons publié Le coût des toxicomanies au Canada, une étude de deux ans sur ce que les toxicomanies coûtent sur le plan social, sur le plan économique et sur celui des frais de santé. Cette étude a bénéficié du concours financier ou en nature de six provinces et de deux ministères fédéraux. Ne vous inquiétez pas, messieurs. J'en laisserai un exemplaire à l'intention de vos chargés de recherche, et je pense qu'ils y trouveront des choses très intéressantes à vous signaler.
Un autre document extrêmement important est Le profil canadien, une compilation annuelle de statistiques sur l'alcoolisme, le tabagisme et les toxicomanies qui est le produit d'un partenariat avec le Centre pour l'étude des toxicomanies et de la santé mentale de la province de l'Ontario et qui a bénéficié du concours financier de Santé Canada. J'en laisserai également un exemplaire à l'intention de vos chargés de recherche.
Le document La santé et l'application de la loi est une étude relative aux méthodes non traditionnelles qui peuvent être utilisées pour faire respecter la législation sur les drogues. Elle a fait intervenir l'Association canadienne des chefs de police, la GRC ainsi que le Bureau du solliciteur général.
• 1415
L'utilisation de substances psychoactives entraîne des
problèmes de santé graves chez les Canadiens. L'alcoolisme et
l'utilisation de drogues interdites sont également associés à des
comportements sociaux néfastes comme le crime, la violence, le
chômage et la productivité insuffisante, la discorde familiale, de
même que la violence à l'endroit des conjoints et des enfants.
L'alcool reste un fléau au Canada, surtout chez les jeunes gens des
populations à risque comme les Premières nations, les femmes
enceintes, les handicapés et les personnes âgées. Le tabagisme est
toujours en déclin dans l'ensemble de la population pour ce qui est
des plus de 15 ans, mais certains éléments portent à penser que,
depuis 1993, l'usage du tabac augmente considérablement parmi les
adolescents. Pour la première fois depuis plus de dix ans,
l'utilisation de drogues interdites est à la hausse, et cette
hausse est attribuable à la fraction jeune de la population.
Tous éléments confondus, les toxicomanies sont à l'origine de 21 p. 100 du nombre de décès en 1992 et de 23 p. 100 du total des années de perte de potentiel. Les toxicomanies sont la cause de 8 p. 100 du nombre total d'hospitalisations et de 10 p. 100 du nombre total de jours d'hospitalisation, toutes causes confondues, en 1992. Les toxicomanies ont coûté plus de 10,4 millions de dollars à l'économie canadienne en 1992, ce qui représente 649 $ par habitant, soit environ 2,7 p. 100 du produit intérieur brut total.
Qu'est-ce que le prochain budget fédéral devrait contenir? La réponse est un leadership de la part du gouvernement fédéral ainsi qu'un engagement à long terme dans la lutte contre les toxicomanies. Dans l'espoir de réaffirmer ainsi la nécessité d'un tel leadership et d'un tel engagement, nous recommandons que le gouvernement canadien continue à investir dans la prévention, l'éducation et le traitement, et que les financements fédéraux viennent soutenir des organismes comme le nôtre ainsi que les programmes destinés à lutter contre les toxicomanies et le trafic de drogues. Les composantes nationales et internationales du problème appellent l'une comme l'autre une intervention impérieuse.
Comme je le disais tout au début, messieurs, pour ce qui est des impératifs budgétaires, pour ce qui est des choses que nous voulons améliorer, ainsi que pour pouvoir garantir la documentation que je vous ai montrée—et que nous avons publiée au fil des ans—nous espérons vivement que le comité envisagera d'un oeil favorable ce que notre conseil a demandé en vue du prochain budget.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick.
Nous passons maintenant à notre période de questions et réponses en commençant par M. Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
J'ai beaucoup aimé tout ce que j'ai entendu aujourd'hui, mais je vais adresser ma première question à M. Fitzpatrick.
Il y a quelques mois, j'ai assisté à une conférence dont l'un des thèmes était le problème planétaire de la drogue. De fait, il s'agissait d'une conférence axée sur le grand thème de la narcopolitique. L'un des arguments qui y avaient été présentés était que les nations consommatrices pourraient probablement faire davantage pour réduire l'utilisation de drogues interdites en réinvestissant dans la prévention une partie de l'argent qu'elles utilisent pour financer les corps policiers et le pouvoir judiciaire. Certains intervenants ont également défendu vigoureusement le principe de la légalisation de certaines de ces drogues qu'on a coutume d'appeler douces. Ils ont dit qu'on pourrait utiliser certaines des économies qu'on réaliserait ainsi pour empêcher les jeunes gens de devenir toxicomanes. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et connaître votre position à ce sujet.
M. Ed Fitzpatrick: Effectivement, nous avons étudié toute cette question de la légalisation de la marijuana, je pense que c'est l'expression couramment utilisée. Ce me semble être la drogue de prédilection en ce sens qu'il y a énormément de jeunes gens qui se font prendre et qui finissent en prison parce qu'ils ont en leur possession des drogues ou je ne sais trop quoi.
• 1420
L'un des membres de notre conseil d'administration fait partie
de l'Association canadienne des policiers et est d'ailleurs le chef
de la police de Brockville. Les corps policiers envisagent la
possibilité de devoir se contenter d'émettre une simple
contravention, un peu comme pour un simple stationnement interdit,
rien que pour signaler à l'attention du contrevenant que la
marijuana est une substance intoxicante.
Vous savez, nous pourrions passer le reste de l'après-midi à discuter des avantages et des inconvénients d'une légalisation complète et absolue, appelez cela comme vous voudrez, mais il reste qu'il s'agit d'une substance intoxicante. C'est une substance psychotrope. Elle affaiblit les facultés pour ce qui est de conduire un véhicule ou de faire autre chose. Aussi notre conseil d'administration n'a jamais envisagé de recommander au gouvernement du Canada de légaliser complètement la marijuana.
L'autre question liée à la marijuana—et là, nous en sommes certainement en faveur—c'est sa légalisation à des fins médicales. S'il s'avère après vérification en bonne et due forme que la marijuana devrait être utilisée en remplacement d'une autre drogue pour ceux qui souffrent du sida, du cancer ou de quelque autre maladie débilitante, nous sommes certainement d'avis qu'il faudrait en légaliser l'usage.
Pour ce qui est de l'autre partie de votre question concernant l'utilité de consacrer plus d'efforts à l'éducation et à la prévention relativement à la consommation de drogues, je dois vous dire, malheureusement, monsieur, que mon expérience de la toxicomanie remonte à 1967. Je continue toujours à m'occuper de la plus ancienne de toutes les drogues qui causent toujours le plus grand nombre de problèmes chez nous, comme aux États-Unis, notre vieil ami, l'alcool. J'ai bien l'impression que nous voguons un peu à la dérive depuis un certain temps et que nous perdons peut-être de vue l'importance des problèmes que cause l'alcool. Si, grâce à des organisations comme la nôtre, à des organisations provinciales, au groupe Mothers Against Drunk Driving et à d'autres groupes, nous pouvions mettre davantage l'accent sur la prévention comme moyen de réduire la consommation énorme d'alcool au Canada, notre conseil d'administration en serait très heureux.
Merci, monsieur.
M. Scott Brison: Merci, monsieur Fitzpatrick.
J'ai une autre question concernant les changements apportés au programme d'assurance-emploi depuis 1995 et leurs conséquences pour les travailleurs saisonniers. Ainsi, on craint que ces changements soient en quelque sorte un transfert de responsabilité du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux, en ce sens que beaucoup des travailleurs saisonniers qui touchaient des prestations d'assurance-emploi pour arrondir leurs revenus figurent maintenant sur les listes d'aide sociale des provinces. J'aimerais savoir de nos témoins—de Mme Price, peut-être—s'il s'agit là d'un facteur selon vous.
Par ailleurs, il se trouve que j'approuve l'idée que nous ayons une politique nationale sur la construction navale. C'est une idée que nous n'avons jamais cessé d'appuyer et que la Chambre de commerce du Canada appuie aussi. Si toutefois vous vous mettez à critiquer la position de la Chambre de commerce du Canada lorsqu'elle appuie l'idée de réduire les impôts, vous pouvez difficilement la citer en exemple pour dire qu'elle appuie l'idée que nous ayons une politique sur la construction navale. Ce sont les mêmes vilaines personnes qui estiment que les Canadiens paient trop d'impôts, mais il se trouve qu'elles pensent comme vous qu'il nous faut une politique sur la construction navale. Il me semble un peu injuste de minimiser la légitimité de leur position sur une question alors même que vous considérez leur appui important sur une autre.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Madame Price.
Mme Elaine Price: Merci.
En ce qui concerne votre question ou votre déclaration sur l'assurance-emploi, je peux comprendre ce que vous dites au sujet du transfert de responsabilité du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux, mais j'estime qu'il faut descendre encore un échelon. Il faut descendre jusqu'aux chômeurs. Les changements apportés au programme d'assurance-chômage pénalisent ceux qui travaillent dans des industries saisonnières dans le Canada tout entier, mais plus particulièrement dans le Canada atlantique.
Les changements sont d'ordre punitif. J'irais même jusqu'à dire qu'ils punissent les travailleurs en raison de la région où ils habitent—je veux parler du Canada atlantique—et du travail qu'ils font, c'est-à-dire parce que ce sont des travailleurs saisonniers. Quiconque connaît le moindrement la situation dans le Canada atlantique sait très bien que la majorité de nos industries est de nature saisonnière. Cela n'enlève rien à la valeur de ces industries ni à la contribution que ces industries et que ceux qui y travaillent apportent à notre économie.
• 1425
Il ne s'agit donc pas simplement d'une question de transfert
de responsabilité du gouvernement fédéral au gouvernement
provincial. J'irais même jusqu'à dire que la question aurait aussi
une dimension juridique, voire criminelle. Le vérificateur général
a commencé à donner l'alerte il y a environ un mois. La caisse
d'assurance-chômage a un excédent cumulatif de 21 milliards de
dollars. À la fin de l'année en cours, l'excédent sera de
26 milliards de dollars. Par contre, moins de 40 p. 100 des
chômeurs canadiens ont droit à des prestations d'assurance-chômage.
Si j'étais chargée de gérer une caisse au nom d'un groupe de personnes et que je m'en servais à une fin autre que celle pour laquelle la caisse a été conçue et autre que celle pour laquelle les adhérents payent des cotisations, il me semble assez évident que je me retrouverais, non pas seulement devant les tribunaux, mais en prison. Nous devons exiger une reddition de comptes, car le vol qui a été perpétré contre les chômeurs canadiens est criminel, et il faut intervenir.
Je ne vais pas me mettre à discuter de la politique sur la construction navale, mais je répondrai simplement ceci à ce que vous avez dit. Vous faites une généralisation. Il y a effectivement des questions, comme celle de la réduction des impôts, sur lesquelles nous sommes en complet désaccord avec le milieu des affaires. Cela ne veut toutefois pas dire que nous sommes en désaccord avec le milieu des affaires ou avec la Chambre de commerce sur toutes les questions. Il y en a même sur lesquelles nous avons des positions semblables, auquel cas nous nous appuyons de part et d'autre.
M. Scott Brison: J'ai une dernière observation à faire, monsieur le président.
Le président: Très rapidement.
M. Scott Brison: Je dirais que, si vous vous reportez à ce que font les partis socio-démocrates au Royaume-Uni ou en Allemagne, voire au Canada, puisque les Néo-démocrates ont récemment reconnu la réduction des impôts comme une politique gouvernementale de rechange viable, vous vous rendrez peut-être compte que vous n'êtes pas tout à fait au diapason par rapport, non pas seulement à vos membres, mais aussi aux Canadiens en général, pour ce qui est des impôts.
Mme Elaine Price: Je ne comprends pas la question.
Le président: Je crois qu'il s'agit d'une observation.
Mme Elaine Price: C'est ce que je pensais.
Le président: Nous passons donc maintenant à M. Lunn, puis à M. Szabo.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci. Je serai très bref, monsieur le président.
Je partage les vues de M. Brison sur la réduction des impôts, mais je veux revenir à autre chose, et je ne prendrai qu'une minute pour le faire. Je tiens à le dire publiquement. Je ne poserai pas de questions, mais je me sens tenu de faire une remarque pour l'avenir en ce qui concerne les pancartes de ceux qui étaient là. Ils sont tous partis maintenant, mais je pense qu'il était inacceptable de leur demander de partir, et je vais vous expliquer pourquoi.
Quand le ministre des Finances est venu nous présenter son exposé économique à London, il est arrivé avec quatre caméras, des effets pyrotechniques, des tableaux, des graphiques, et je ne sais quoi encore. Tout à l'heure, nous avions de cinq à dix travailleurs de chantiers navals qui ont pris quelques heures sur leurs heures de travail pour venir ici nous présenter un message; ils avaient déposé à leurs pieds leurs pancartes qui étaient de très bon goût. Nous devrions avoir honte de leur avoir demandé de partir. Ils se sont comportés tout à fait convenablement; ils avaient déposé les pancartes à leurs pieds. Je sais qu'il y a des règles, mais Seigneur, je peux vous en trouver des plus stupides encore que cela à Ottawa. Il y en a beaucoup.
Si nous pouvions donc faire preuve de discernement à l'avenir, quand des gens viennent à nos réunions... Oui, ils peuvent demander à témoigner devant le comité, mais ils n'ont pas toutes les ressources voulues pour le faire. Je tiens donc à le dire publiquement pour qu'à l'avenir, quand il se présente des gens qui ont des pancartes et qui ne dérangent pas la tenue de la réunion, parce qu'elles sont de très bon goût, nous devrions faire preuve d'un peu de discernement et permettre à ces gens de se faire entendre.
Je tenais simplement à faire cette observation et, en échange, je cède maintenant la parole à mes collègues d'en face.
Merci, monsieur le président.
Le président: Ils ne demandaient pas à prendre la parole ni rien de tel. Je crois que leurs représentants nous faisaient part de leurs vues de façon très éloquente.
M. Gary Lunn: Pardon?
Le président: Ils n'ont pas demandé à prendre la parole.
M. Gary Lunn: Je le sais, mais on leur a demandé de partir, et je dis qu'à l'avenir...
Le président: On ne leur a pas demandé de partir.
M. Gary Lunn: Permettez-moi, monsieur le président, de ne pas être du même avis, car je suis sorti leur parler, et on leur a effectivement demandé de partir.
Le président: Je ne leur ai jamais demandé de partir, et on ne peut me tenir responsable que de ce que je donne comme directive.
M. Gary Lunn: En tout cas, si la situation se représente, il me semble qu'il faudrait permettre aux gens de rester.
Le président: D'accord.
M. Gary Lunn: Je cède maintenant la parole à mes collègues.
Le président: Quand ce sera vous qui présiderez la réunion, vous pourrez faire comme vous voulez.
Vous avez la parole, monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins.
Madame Price, vous avez parlé un peu de l'importance de réduire les impôts, et vous avez utilisé deux ou trois adjectifs pour en parler. Question de remettre tout cela dans son contexte, en 1997, il y a un peu plus de 14 millions de Canadiens qui ont fait une déclaration d'impôt et qui ont payé des impôts—14 millions. Si donc nous décidions de réduire ou d'alléger les impôts, de remettre de l'argent dans la poche des contribuables canadiens, 100 $ à chaque contribuable, il nous en coûterait 1,4 milliard de dollars. Vous pourriez peut-être nous aider ou nous donner une idée de l'ampleur des réductions d'impôt que vous proposez, puisque 100 $ dans la poche de chaque contribuable, cela représente 1,4 milliard de dollars.
Mme Elaine Price: Je ne propose pas de réduire les impôts. Je dis qu'il faut plutôt réinvestir dans nos programmes sociaux, dans notre régime d'assurance-maladie, dans notre système d'enseignement postsecondaire public, qu'il faut rétablir le programme d'assurance-chômage, améliorer l'aide sociale et créer un programme national d'éducation de la petite enfance—autant de programmes sociaux qui profitent à tous les Canadiens. J'ai toutefois reconnu que le Canada connaît une certaine croissance économique, qui profite à la société dans son ensemble. Il pourrait être possible, en raison de cette croissance économique et des excédents qui s'accumulent, d'envisager des réductions d'impôt progressistes.
Je trouve vraiment intéressant que vous parliez de remettre 100 $ dans la poche de chaque contribuable, ce qui représenterait au total 1,4 milliard de dollars, et que vous donniez en quelque sorte l'impression que pareille réduction dépasse nos moyens, alors que nous perdons des milliards de dollars de recettes pour le gouvernement et pour les contribuables en accordant des incitatifs aux sociétés canadiennes. J'estime qu'il faut replacer la question dans son contexte. J'estime qu'il faut examiner, non pas seulement l'impôt sur le revenu des particuliers, mais l'ensemble de notre régime fiscal. J'estime qu'il faut repenser notre régime fiscal. Il faut le réformer pour qu'il soit juste et progressiste. Si les sociétés et les Canadiens fortunés payaient leur juste part du fardeau, il resterait beaucoup d'argent pour remettre un montant aussi minime que 100 $ par an dans la poche des familles canadiennes à faible et à moyen revenu.
M. Paul Szabo: Monsieur le président, j'aimerais préciser ce que j'ai dit. Il ne s'agissait pas de savoir si pareille réduction était réalisable ou pas. Il s'agissait d'un point de référence pour nous permettre d'avoir un ordre de grandeur pour mieux comprendre vos propos—je les ai notés sur mon ordinateur, alors vous pourrez dire à votre collègue M. Holloway que je note ce que disent les témoins sur mon ordinateur—quand vous avez parlé d'«allégement fiscal généralisé». J'essayais simplement de savoir ce qu'il fallait entendre par «généralisé» mais c'est ainsi que j'avais compris vos propos.
Je cède la parole à M. Cullen.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Gary Lunn: Monsieur le président, je tiens à corriger publiquement ce que j'ai dit. Je vous présente mes excuses. On ne leur a pas demandé de partir, on leur a simplement demandé de se débarrasser de leurs pancartes. Voilà ce que j'ai voulu dire. Excusez-moi.
Le président: Bon, voilà pour ce petit éclaircissement.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.
J'ai plusieurs questions, mais pour ne pas prendre trop de temps...
Madame Price, vous avez parlé du compte d'assurance-emploi en des termes bien sentis. Je ne veux pas m'engager ici dans un autre débat, mais le compte de l'assurance-emploi était déficitaire en 1986 ou en 1988. Le vérificateur général avait d'ailleurs dit que le gouvernement devrait le consolider avec le Trésor public, de sorte qu'on pourrait aussi bien conclure qu'à l'époque les cotisants recevaient de l'argent, si vous voulez, de l'ensemble des contribuables canadiens.
J'ai une question que je voulais en fait poser à M. Holloway, mais que j'adresserai à M. Butler. Il s'agit de la politique nationale sur la construction navale, dont j'entends beaucoup parler. Je crois avoir entendu M. Holloway dire qu'il ne demande pas de subventions. Pourriez-vous me donner une idée de certains des éléments clés qu'on pourrait retrouver dans une politique nationale sur la construction navale? Donnez-m'en les grandes lignes simplement. Je peux concevoir que le gouvernement fédéral puisse aider l'industrie à commercialiser ses services à l'échelle internationale, mais s'il ne verse pas de subventions, quelles seraient les grandes lignes de l'action qu'il pourrait entreprendre.
M. Wayne Butler (secrétaire-trésorier, Newfoundland and Labrador Federation of Labour): Tout d'abord, les Libéraux ont tenu un congrès d'orientation il n'y a pas longtemps, où ils se sont prononcés pleinement en faveur d'une politique nationale sur la construction navale. Je crois que nous avons indiqué...
M. Roy Cullen: Et c'est quoi au juste?
M. Wayne Butler: Eh bien, si les Libéraux se sont prononcés...
M. Roy Cullen: C'est à vous que je pose la question, monsieur.
M. Wayne Butler: Tout ce que je sais, c'est ce que je lis dans les journaux, où on a rapporté que les Libéraux s'étaient prononcés pleinement en faveur d'une politique sur la construction navale à leur congrès d'orientation. Si vous en parlez à M. Manley, il vous dira que nous avons déjà une politique en place. Malheureusement, cette politique n'empêche pas que 75 p. 100 des travailleurs des chantiers navals au Canada se retrouvent sans travail; nous ne voulons donc pas d'une politique comme celle-là. Quand vous parlez de...
M. Roy Cullen: Que voulez-vous comme politique, monsieur?
M. Wayne Butler: Nous voulons une politique qui nous mettrait sur un pied d'égalité avec les autres pays qui ont un secteur de la construction navale. Dans le cas des pays asiatiques...
M. Roy Cullen: Comment ferions-nous cela, monsieur?
M. Wayne Butler: Si vous voulez bien m'en donner le temps, c'est justement ce que je vais vous expliquer.
Dans les pays asiatiques, les subventions atteignent 40 p. 100. Dans les pays européens, elles atteignent 10 p. 100. Nous disons que ce ne sont pas des subventions que nous recherchons. Nous voulons que le gouvernement fédéral fasse inclure au titre 11 une disposition semblable à celle des États-Unis. Aux termes du titre 11, tout armateur qui fait construire un navire aux États-Unis, a droit à un prêt à faible taux d'intérêt qui représente 87,5 p. 100 du coût du navire avec remboursement échelonné sur 25 ans, de la part du gouvernement fédéral ou d'une société de prêt américaine. L'argent est remboursé avec intérêts et favorise la création d'emplois aux États-Unis. Je peux aussi vous citer l'exemple de la loi Jones, qui garantit que tout le commerce intérieur qui se fait entre des ports américains doit faire appel à des navires construits et immatriculés aux États-Unis et à des équipages américains. Voilà le type de mesures que nous voudrions.
Puisque nous avons un secteur de la construction navale, il faut s'assurer qu'il soit sur un pied d'égalité avec ceux des autres pays du monde. Je m'imagine mal que les autres pays abaissent leurs normes pour qu'elles soient compatibles avec les nôtres, si bien qu'il nous faut plutôt rehausser les nôtres. S'il faut pour cela un financement à des conditions libérales, s'il faut des prêts à faibles taux d'intérêt pour stimuler notre industrie et la relancer, voilà donc ce qu'il faudrait selon nous. Malheureusement, on continue à brouiller les cartes en parlant de subventions. Ce ne sont pas des subventions que nous demandons. Nous demandons à être sur un pied d'égalité avec les autres pays, et nous ferons de notre industrie une des meilleures au monde.
En ce qui concerne l'assurance-chômage et le commentaire que vous avez fait concernant 1988, si vous examinez les chiffres, vous allez voir que le déficit du fonds de l'assurance-chômage en 1988 a été remboursé, et cela avec intérêts, de sorte que nous nous retrouvons maintenant avec des surplus de plusieurs milliards de dollars.
M. Roy Cullen: Oui, mais il s'agit d'un remboursement.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Il y a deux semaines, c'était la semaine des activités maritimes au Canada. D'ailleurs, pas plus tard que vendredi dernier, j'ai eu des rencontres avec des constructeurs de navire. Il existe des constructeurs de navire à l'extérieur des provinces de l'Atlantique—des constructeurs, des propriétaires et, bien sûr, des syndicats. Ces rencontres ont été utiles. M. Holloway a mentionné la loi Jones et les protections accordées aux États-Unis.
Or, personne n'a parlé des protections qui existent pour les constructeurs de navire ici au Canada. Un navire qui est construit à l'extérieur du Canada est assujetti à une taxe de 15 p. 100 en arrivant. Vous avez oublié de mentionner cela.
Vous avez parlé de règles équitables. Il y a en Asie des subventions de 40 p. 100. En tête, on retrouve, bien sûr, la Corée du Sud et le Japon. À part les subventions, la meilleure politique pour le remboursement des constructeurs de navire est celle qu'applique le Canada pour l'amortissement. Chez nous, un navire est amorti sur une période de huit ans, par rapport à 25 ans ailleurs.
Pour faire suite à la question de M. Cullen, quel aspect de la construction navale devrait-on inclure qui est exclue pour le moment? Faut-il donner des subventions de 40 p. 100 ou le gouvernement devrait-il garantir ces prêts aux acheteurs afin que les navires soient construits ici au Canada? Ce sont les deux seules mesures que notre pays n'a pas mises en place, mais quelqu'un qui veut amortir un navire peut le faire plus facilement ici au Canada que n'importe où au monde.
M. Wayne Butler: Étant donné le peu de temps dont on dispose, nous n'allons certainement pas pouvoir débattre la question à savoir si ce sont les deux seules choses qui seraient nécessaires pour une politique de construction navale au Canada. Je crois que c'est une vision très limitée de ce qu'il faut.
Nous avons toujours dit que nous croyons qu'il est possible de créer une industrie de construction navale au Canada sans avoir des subventions du gouvernement. À notre avis, il faut seulement mettre en place des mécanismes de financement concessionnel à faible taux d'intérêt et de prêts garantis à faible taux d'intérêt. Selon nous, il faudrait des protections dans la loi stipulant qu'un navire canadien doit être construit au Canada, doit avoir un équipage canadien et doit battre pavillon canadien. C'est le contraire de la flotte de M. Martin, qui a été construite dans des pays du tiers monde, dont l'équipage est composé de Canadiens du tiers monde, et qui bat des pavillons du tiers monde. Jusqu'à ce que nous ayons des règles équitables pour pouvoir faire concurrence avec ce genre d'entreprises et des incitatifs pour que les armateurs fassent construire leurs navires au Canada, ils vont continuer à les faire construire ailleurs.
M. Gary Pillitteri: Monsieur, votre commentaire concernant M. Martin est mal placé.
M. Wayne Butler: Monsieur, je vais...
M. Gary Pillitteri: Si vous voulez une politique de construction navale, les trois groupes ensemble, et pas uniquement le syndicat, devraient s'adresser au gouvernement. Ce ne devrait pas être un seul groupe, monsieur, parce que les trois groupes ensemble auraient plus de chance d'avoir l'oreille des gens comme moi.
M. Wayne Butler: Pour votre gouverne, nous avons un comité tripartite. Il y a environ cinq organisations qui travaillent en collaboration avec nous. De plus, de mon point de vue de travailleur de chantier naval au chômage, qui travaille dans cette industrie depuis 25 ans et qui fait tout ce qu'il peut pour subvenir aux besoins de sa famille, je dirais à M. Martin qu'il n'y a que la vérité qui blesse.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Pillitteri.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier beaucoup. Comme vous le savez, c'est la troisième séance du comité ici à Halifax, et nous avons certainement beaucoup appris des participants. Comme je l'ai indiqué déjà ce matin, le comité tient surtout à écouter les conseils, qui vont nous donner des pistes à suivre pour améliorer le niveau de vie des Canadiens. Vos réflexions et vos idées ont certainement contribué au débat, et nous vous en remercions beaucoup.
Nous allons maintenant suspendre nos délibérations pour environ cinq à dix minutes.
Le président: Je déclare la séance ouverte et je souhaite à tout le monde la bienvenue. C'est notre deuxième séance cet après- midi ici à Halifax, et nous avons le plaisir d'accueillir des représentants des organismes suivants: la Chambre de commerce du grand Halifax, la municipalité régionale du Cap-Breton, le Bureau de commerce St. John's, le Nova Scotia Cultural Network, Horticulture Nova Scotia, l'Association des soins de santé du Nouveau-Brunswick, la municipalité du comté de Richmond et, si je ne me trompe, la Nova Scotia Federation of Agriculture.
Plusieurs d'entre vous ont déjà comparu devant un comité permanent parlementaire. Comme vous le savez, vous avez cinq minutes pour faire votre exposé. Il y aura ensuite une période de questions et réponses.
Nous allons commencer par la Chambre de commerce du grand Halifax, représentée par Michael Schmid, président du Comité des finances fédérales, et Ian Tramble, membre du Comité des finances fédérales. Bienvenue.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Monsieur le président, avant de commencer, sur un rappel au Règlement, les gens avec les affiches sont de retour.
Le président: Je regrette; je n'avais pas remarqué.
• 1500
Je crois que nous avons établi une règle concernant les
affiches: il faut les sortir, mais les gens peuvent rester. Je ne
sais pas comment on va les sortir, mais il faudra le faire. Nous
allons poursuivre, et je suis sûr qu'on sortira les affiches.
Qui va commencer de la part du Metropolitan Halifax Chamber of Commerce?
M. Michael A. Schmid (président, Comité des finances fédérales, Metropolitan Halifax Chamber of Commerce): Michael Schmid va commencer.
Le président: Bienvenue.
M. Michael Schmid: Merci.
Le Metropolitan Halifax Chamber of Commerce est un organisme volontaire à but non lucratif qui représente le milieu des affaires et qui joue un rôle de leadership essentiel dont bénéficient la ville de Halifax et la région de l'Atlantique.
La Chambre de commerce compte 1 750 entreprises membres qui représentent plus de 50 000 employés, c'est-à-dire plus d'un quart de la population active de la ville de Halifax, qui s'établit à 194 000 personnes. Parmi nos membres, 78 p. 100 ont 25 employés ou moins. La Chambre de commerce de Halifax est celle qui a le plus grand nombre de membres de la province de l'Atlantique; elle est aussi la plus grande parmi les villes canadiennes de taille moyenne.
Depuis le dernier budget fédéral, on fait des pressions pour que le gouvernement augmente ses dépenses de programme et réduise immédiatement les impôts. Nos membres, cependant, continuent d'appuyer la position de la Chambre de commerce, qui dit que le gouvernement fédéral doit se doter d'un processus en trois étapes pour gérer ses finances.
Il faut d'abord contrôler les dépenses et générer des surplus. Cela étant fait, on peut réduire l'immense dette fédérale. Une fois la dette réduite et des économies réalisées sur les montants versés actuellement pour intérêts, on peut passer à des réductions permanentes de l'impôt des particuliers, ce qui aura un impact significatif sur l'économie nationale. Le Canada est encore à la première étape.
Comme nous l'avons indiqué dans notre réponse au budget fédéral de 1999, nous croyons que toutes nouvelles dépenses de programme devraient venir de programmes existants qui ont été coupés ou éliminés. Nous avons été déçus de voir le volume des nouvelles dépenses dans le budget de 1999, et nous sommes extrêmement inquiets du fait que le discours du Trône du mois dernier a indiqué clairement que le gouvernement prévoyait encore augmenter les dépenses dans le prochain budget.
Le gouvernement doit se restreindre. Nous reconnaissons que le gouvernement n'y peut rien dans le cas des augmentations progressives des dépenses de programme qui sont dues à la croissance de la population et à l'impact de l'inflation. Nos objections visent les nouvelles initiatives. Si le gouvernement croit qu'il vaut mieux consacrer des ressources dans un secteur donné, il faudrait transférer des fonds d'un autre secteur qui n'est plus la priorité. Il faut tenir le cap afin de continuer à réduire la taille du gouvernement et le niveau de la dette publique.
La dette publique nette se situe autour de 576 milliards de dollars. En 1998-1999, 27c. de chaque dollar de recettes perçues a servi à payer les intérêts sur la dette. En 1998-1999, les 41,4 milliards de dollars versés en intérêts représentent presque le double des 22,8 milliards de dollars consacrés aux prestations pour les aînées, la deuxième dépense en importance dans le budget fédéral. Au rythme actuel de remboursement de 3 milliards de dollars par année, il faudra presque deux siècles pour que le Canada élimine sa dette.
Le gouvernement fédéral doit limiter sérieusement la croissance de ses dépenses afin de pouvoir passer à la deuxième étape et commencer à réduire largement la dette nationale. Le ministre, M. Martin, a dit à la Chambre que le fonds de prévoyance qui pouvait, sous certaines conditions, servir à rembourser la dette, constituait son plan de remboursement de la dette. Nos membres estiment que cet engagement ne suffit pas étant donné la lourdeur de notre endettement.
Nous applaudissons à la prudence avec laquelle le gouvernement a prévu une réserve pour éventualités afin de faire face aux événements inattendus, mais nous estimons que la partie inutilisée de cette réserve devrait servir à réduire la dette en plus d'un montant fixe que chaque budget annuel devrait prévoir pour son remboursement. L'allégement de la dette réduira les frais de service de la dette. Si ces frais sont réduits, nous aurons plus d'argent pour la réduction de la dette, des diminutions d'impôt, des dépenses au chapitre de l'éducation et de la santé ainsi que pour l'investissement qu'exige l'infrastructure.
En supposant que le gouvernement réussisse à mieux limiter ses dépenses et continue à s'efforcer sérieusement de réduire la dette, nos membres reconnaissent qu'il devra également prendre des mesures pour assurer la vigueur et la compétitivité de notre économie au cours des années à venir.
À l'occasion d'un récent sondage que nous avons mené, 76 p. 100 des répondants estimaient que si le gouvernement voulait réduire les impôts, il devrait commencer par diminuer l'impôt sur le revenu des particuliers. Également 76 p. 100 des répondants ont dit que seule une réduction d'impôt se traduisant par une économie de 1 000 $ ou plus par famille aurait des effets réels sur l'économie. Pour parvenir à ce niveau d'allégement fiscal, il faut que le gouvernement arrive vraiment à réduire ses dépenses et la dette nationale.
En supposant que le gouvernement décide d'investir dans l'infrastructure sociale de notre pays, 76 p. 100 des répondants considéraient que la première ou la deuxième priorité devrait être d'augmenter les transferts aux provinces pour la santé.
Ces résultats montrent que nos membres considèrent toujours que la limitation des dépenses et la réduction de la dette sont les principaux moyens de nous assurer un meilleur avenir économique. Ils reconnaissent que le gouvernement peut juger nécessaire de réaffecter ses dépenses pour alléger le fardeau fiscal des Canadiens et pour accroître son financement du réseau de santé national et d'autres éléments clés de l'infrastructure nationale.
• 1505
Je devrais maintenant parler brièvement de l'excédent
inacceptable de la caisse d'assurance-emploi. L'assurance-emploi
est un programme social qui contribue à la sécurité de tous les
Canadiens en venant en aide aux travailleurs qui perdent leur
emploi et en aidant les chômeurs de tout le pays à retrouver du
travail.
L'accumulation continue d'un énorme excédent dans la caisse d'assurance-emploi qui sert à financer les dépenses de programme générales est inacceptable et sape l'objectif et l'intégrité du régime d'assurance-emploi. La Chambre demeure convaincue qu'il faudrait fixer un plafond pour cet excédent et réduire les cotisations d'assurance-emploi de façon à promouvoir la croissance.
Nos membres reconnaissent que le gouvernement a procédé à une série de petites réductions des cotisations d'assurance-emploi. Nous devons toutefois souligner que l'excédent continue de grossir à un rythme alarmant et que les autres charges sociales comme les cotisations au RPC continuent d'augmenter, ce qui élimine les économies que devaient réaliser les employés et les employeurs.
La caisse d'assurance-emploi appartient aux employeurs et aux employés qui y ont contribué pour acheter une police d'assurance qui devait aider les travailleurs à faire la transition. Le gouvernement ne doit pas traiter cet argent comme ses autres recettes. Et si la caisse de l'assurance-emploi devenait déficitaire, le gouvernement s'empresserait certainement de demander aux employeurs et aux employés de compenser ce déficit en versant des cotisations plus élevées.
Pour conclure, le gouvernement, le milieu des affaires et les citoyens doivent assumer davantage la responsabilité de leur bien-être. Le gouvernement doit réduire sa dépendance vis-à-vis des emprunts, les entreprises doivent parvenir à la viabilité économique sans subventions gouvernementales et les particuliers doivent devenir mieux en mesure de se prévaloir des nouvelles possibilités qui s'offrent à eux.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Schmid.
Nous allons maintenant entendre le maire de la Cape Breton Regional Municipality, M. David Muise. Bonjour.
M. David N. Muise (maire, municipalité régionale du Cap-Breton): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis accompagné de M. John Whalley, un économiste qui travaille comme directeur du développement économique à la municipalité.
Nous vous avons remis un mémoire, un peu long, je m'en excuse. Je vais essayer, dans le temps qui m'est imparti, de le résumer rapidement, mais je vous recommande de le lire.
Nous avons assisté à la dernière séance du comité, monsieur le président, et vous avez déclaré, en guise de conclusion, que vous étiez là pour recevoir des suggestions qui aideront à rehausser le niveau de vie des Canadiens. Nous sommes ici à la demande de la Fédération canadienne des municipalités, dont nous faisons partie, précisément pour traiter de cette question.
La Cape Breton Regional Municipality a été créée en 1995. Elle regroupe huit municipalités qui, pour diverses raisons, se sont retrouvées aux prises avec des difficultés financières plus ou moins graves. La situation a été bonne pour deux d'entre elles, mais la plupart avaient de sérieux problèmes financiers. Elles ont estimé que leur fusion augmenterait leur rentabilité, ce que je crois possible. Mais malheureusement, la création de notre municipalité régionale s'est accompagnée d'un effondrement accéléré de l'économie du Cap-Breton.
Notre municipalité régionale couvre environ 2 600 kilomètres carrés et elle compte 117 400 habitants, ce qui en fait la troisième municipalité de la région de l'Atlantique, derrière Halifax et St. John's, Terre-Neuve.
Le gouvernement fédéral semble déterminé, que ce soit directement ou indirectement, à se retirer de l'économie de notre région. Nous sommes en train de passer d'une économie basée sur les ressources à une économie de services. Le reste du monde a sans doute fait cette transition sur une vingtaine d'années tandis que nous nous attendons à la réaliser en 12 mois environ. Ce sera bientôt chose faite.
Nous avons fait des suggestions au gouvernement provincial et au gouvernement fédéral pour la relance économique du Cap-Breton. Je crois qu'il faut surtout se demander si ces gouvernements tiennent vraiment à sauver l'économie du Cap-Breton et, du même coup, sa population.
Nos industries primaires vont fermer leurs portes au cours de la nouvelle années, surtout les mines de charbon, ce qui devrait entraîner directement ou indirectement la perte d'environ 2 500 emplois. Nous avons également une aciérie dont la main-d'oeuvre s'est retrouvée réduite, en quelques années, de 5 000 travailleurs à un chiffre qui se situe actuellement entre 400 et 500. L'avenir de cette industrie est sérieusement compromis.
Nous nous considérons comme un gouvernement municipal solide qui défend les intérêts de toute la région, mais notre situation financière ne nous permet malheureusement pas de promouvoir la relance économique. On a souvent fait valoir que le développement économique n'était pas du ressort des gouvernements municipaux, mais plutôt du gouvernement fédéral et des provinces. Nous avons l'impression que le gouvernement fédéral a eu pour politique de se retirer de notre économie au lieu de nous aider à la stimuler.
• 1510
Notre mémoire contient certaines questions que la FCM nous a
demandé d'aborder, telles que les projets d'infrastructure et les
projets visant à améliorer le niveau de vie. Nous croyons que, sans
une économie forte, nous n'aurons pas à trop nous inquiéter de ces
questions, car il ne restera plus personne chez nous.
Il y a quelques mois, nous avons adressé au gouvernement provincial un mémoire qui portait notamment sur deux questions: les projets d'infrastructure et les allégements d'impôt pour la création d'entreprises.
Comme je l'ai dit, le Cap-Breton compte environ 117 000 habitants. Ces dernières années, la population a décliné au rythme d'environ 1 000 personnes par an. Ceux qui partent sont généralement âgées de 16, 17 ans jusqu'à la fin de la vingtaine. Nos jeunes s'en vont. Il nous reste une population vieillissante qui dépend beaucoup des prestations du gouvernement, que ce soit le Régime de pensions du Canada, la sécurité de la vieillesse, d'autres types de prestations ou l'aide sociale.
Nous sommes donc confrontés à un très grave problème. Nous perdons nos emplois. Notre taux de chômage est d'environ 17 p. 100. Notre taux de participation au marché du travail se situe aux environs de 50 p. 100. Si vous tenez compte à la fois de ce taux de participation et de notre taux de chômage, le chiffre est sans doute six fois plus élevé. Notre base d'évaluation municipale est en déclin. Notre capacité de générer des recettes fiscales diminue, ce qui nous empêche d'assurer des services.
Nous avons examiné trois façons d'aborder le développement économique. Il y a d'abord le laisser-faire qui consiste à attendre de voir ce qui se passera. Une deuxième solution consiste à faire intervenir directement le gouvernement pour créer ou stimuler la capacité locale. Pour ce qui est de la troisième solution, il s'agit de légiférer pour rééquilibrer les choses pour les régions particulièrement touchées.
Au Cap-Breton, étant donné le rôle que le gouvernement fédéral et les provinces ont joué dans le développement économique au cours des 30 dernières années, nous avons très peu de chefs d'entreprise. De nombreuses études économiques ont conclu que le secteur privé était le moteur de toute nouvelle économie. Au Cap-Breton, ce n'est pas le cas étant donné la forte dépendance vis-à-vis des paiements de transfert du gouvernement et notre incapacité à nous constituer un groupe de chefs d'entreprise ou à créer un secteur privé suffisamment solide pour diriger l'économie.
Nous demandons au gouvernement fédéral de songer à mettre en place des crédits d'impôt, selon le système que nous décrivons dans notre mémoire. Nous suggérons une formule différente de celle du passé: que les incitatifs fiscaux soient accordés non pas au départ ou sous la forme d'une subvention, mais simplement en fonction des réalisations. Si une entreprise crée de l'emploi ou transfère une partie de ses activités d'une autre région du pays vers le Cap- Breton, il faudrait la récompenser d'avoir créé des emplois en lui accordant une remise de l'impôt provincial et fédéral.
Nous avons fait cette suggestion au gouvernement provincial. Ce dernier s'est seulement engagé à l'examiner et à travailler avec nous pour développer l'économie du Cap-Breton. Nous avons fait des instances au ministre fédéral des Finances ainsi qu'aux députés et aux sénateurs, mais sans obtenir de réponse jusqu'ici.
Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails du programme que nous suggérons, si ce n'est pour dire qu'il ne s'agit pas d'accorder une subvention au départ, mais de récompenser la création d'emplois. Peut-être pourrons-nous nous attarder un peu plus sur le sujet lorsque nous en arriverons à la période de questions.
J'estime que la Cape Breton Regional Municipality est un élément très important de la Nouvelle-Écosse et même de la région de l'Atlantique et que les programmes gouvernementaux de ces 30 dernières années n'ont pas réussi à créer une nouvelle économie ou à donner une nouvelle orientation au Cap-Breton. Leur seul effet est sans doute d'avoir retardé notre déclin ou d'avoir rendu un peu plus tolérable une mauvaise situation. Le gouvernement a gardé les gens en vie jusqu'à ce qu'il puisse les transférer d'un programme à l'autre, les sortir de la population active pour leur permettre de prendre une retraite anticipée, de toucher leur pension et de se prévaloir de mesures de ce genre, sans vraiment planifier l'avenir.
• 1515
Par conséquent, en tant que maire de notre municipalité
régionale, je crois qu'il est temps de changer les choses et nous
travaillons avec diligence pour essayer de développer une nouvelle
économie au Cap-Breton. Mais comme je l'ai dit, nos ressources
financières et notre capacité de générer des recettes ne suffisent
pas à promouvoir la relance économique et nous avons besoin de
l'aide des niveaux supérieurs du gouvernement.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé. Je suis certain qu'il suscitera des questions. Nous allons maintenant passer au St. John's Board of Trade représenté par Mme Lori-Lee Oates et Martin Lockyer. Soyez les bienvenues.
M. Martin Lockyer (président, St. John's Board of Trade): Merci, monsieur le président. Je suis Martin Lockyer, président du St. John's Board of Trade, et je suis accompagné de notre directrice de la Politique, Mme Lori-Lee Oates. Je vous remercie de nous avoir invités à venir aujourd'hui vous présenter notre point de vue.
Comme vous le savez, plus tôt cette année, nous avons présenté un mémoire plus complet au comité. Aujourd'hui, je compte vous parler de trois questions que nous abordons plus en détail dans notre mémoire. Il s'agit de la réduction de la dette, de la réforme de la fiscalité et des paiements de transfert et de péréquation.
Je tiens tout d'abord à dire que notre chambre de commerce est d'accord avec le ministre, M. Martin, pour dire que le Canada est entré dans une nouvelle ère en enregistrant un excédent budgétaire, deux années de suite. Nous savons que le gouvernement fédéral compte accroître cet excédent au cours des cinq prochaines années. Le chiffre pourrait atteindre près de 100 milliards de dollars.
Pour cette raison, notre chambre de commerce voudrait que le gouvernement fédéral se serve d'une partie de l'excédent budgétaire qu'il prévoit pour s'attaquer plus activement à la réduction de la dette qu'il ne l'a fait dans les budgets précédents. Notre chambre de commerce a fait valoir, de façon répétée, que la dette fédérale était trop élevée et continuait à freiner la croissance économique et le développement dans notre pays. Comme votre comité l'a souligné dans son rapport de 1998, la dette publique totale du Canada dépasse encore largement la moyenne du G-7 et demeure disproportionnée par rapport à celle des États-Unis.
Il est donc très important de réduire la dette nationale si notre pays désire garder sa place dans l'économie mondiale. Notre chambre de commerce n'ignore pas que le budget fédéral prévoit chaque année un fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars. Nous sommes convaincus que le gouvernement ne devrait pas utiliser cet argent pour les dépenses de programme. Cette réserve de 3 milliards devrait servir, si elle est inutilisée, à réduire la dette à la fin de l'année financière. Il faudrait également se servir de tout excédent imprévu pour diminuer la dette à la fin de chaque exercice, en plus d'utiliser les 3 milliards. Il ne faudrait pas profiter d'un excédent inattendu pour dépenser plus que ce qui a déjà été prévu.
Nous reconnaissons que le ratio endettement-PIB a diminué. On le doit à l'amélioration de l'économie et, par conséquent, à la croissance du PIB. Notre chambre de commerce estime que le gouvernement fédéral devrait réduire sa dette et ne pas compter uniquement sur la croissance économique pour réduire ce ratio dette-PIB. Le gouvernement devrait poursuivre ses efforts pour réduire ce ratio jusqu'à ce qu'il soit au moins inférieur à 60 p. 100. En fait, il devrait viser cet objectif pour son budget de 2001-2002. Il devrait également s'efforcer par la suite de maintenir le ratio endettement-PIB entre 50 et 60 p. 100.
Pour ce qui est de la réforme de la fiscalité, nous nous sommes réjouis d'apprendre, de la bouche de M. Martin, que le gouvernement fédéral établira une stratégie pluriannuelle de réduction des impôts dans son budget de 2000-2001. À notre avis, ce plan devra utiliser une partie de l'excédent budgétaire prévu pour réduire l'impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers. Néanmoins, il ne faudrait absolument pas que les baisses d'impôt soient financées par une augmentation du déficit.
Nous croyons également très important d'accroître la productivité au Canada. La productivité correspond à la capacité de travailler efficacement. Selon la Chambre de commerce du Canada, nous sommes le pays du G-7 qui a enregistré le plus faible taux de croissance de la productivité au cours des 25 dernières années. L'OCDE a signalé que le PIB per capita du Canada allait tomber de 10 p. 100 au-dessus de la moyenne de l'OCDE à 15 p. 100 au-dessous d'ici 20 ans.
• 1520
Notre chambre de commerce croit qu'un des principaux obstacles
à la croissance de la productivité est l'absence d'un régime fiscal
concurrentiel. À l'heure actuelle, nous sommes le pays du G-7 où
l'impôt sur le revenu des particuliers est le plus élevé lorsqu'il
est exprimé en pourcentage du PIB. Autrement dit, le gouvernement
prélève davantage d'argent dans les poches de ses citoyens que tout
autre pays. Par conséquent, nous perdons un grand nombre de nos
cerveaux les plus brillants au profit de pays où les impôts sont
plus bas.
Comme vous le savez tous, une surtaxe de 5 p. 100 a déjà été imposée aux particuliers, mais elle devait être temporaire, jusqu'à l'élimination du déficit annuel. Eh bien le déficit annuel a été éliminé, et nous estimons que l'élimination de la surtaxe de 5 p. 100 doit suivre immédiatement dans le prochain budget. C'est un bon point de départ pour la réduction des impôts des particuliers au Canada.
Au sujet de l'assurance-emploi, l'actuaire en chef du gouvernement, responsable du programme d'assurance-emploi, a évalué qu'une cotisation soutenue à 2,10 $ par 100 $ de gains admissibles permettrait au gouvernement fédéral d'éviter une hausse de cotisation dans l'éventualité d'un ralentissement économique. Nous avons été ravis d'apprendre que le gouvernement fédéral réduirait le taux à 2,40 $ en 2000-2001.
Nous voyons certes là un pas dans la bonne direction de la part du gouvernement, mais nous croyons que c'est encore trop. Il faudrait réduire les cotisations d'un autre 30c. par tranche de 100 $ de gains admissibles.
On ne fait pas un bon emploi de cette caisse en la combinant avec les recettes générales du gouvernement. Elle devrait être mise à part, et utilisée comme un régime d'assurance pour ceux qui en ont besoin.
Nous aurons peut-être l'occasion, plus tard, de reparler de la nature saisonnière de l'emploi, particulièrement dans notre région du pays.
En terminant, j'aimerais parler des paiements de transfert et de péréquation. Le budget fédéral de 1999-2000 annonçait l'élimination complète du calcul des paiements de transfert en fonction des besoins historiques. Comme le comité s'en doute, le calcul des paiements per capita seulement aura un effet négatif sur Terre-Neuve et le Labrador, une province peu densément peuplée, comme le sont d'ailleurs toutes les provinces de l'Atlantique.
La chambre de commerce estime que cette politique est régressive et ne fait qu'aggraver les problèmes d'inégalité au pays. Nous croyons par conséquent que le gouvernement fédéral doit continuer de calculer les paiements de transfert en fonction des besoins historiques et de la population.
Au sujet de la péréquation, dans le régime actuel, les paiements de péréquation sont réduits pour chaque dollar de recette obtenu par Terre-Neuve de ses propres sources. Cette question a été soulevée par Elaine Price, de la Fédération du travail de Terre- Neuve et du Labrador, à une séance précédente. Nous appuyons certainement la position de la Fédération du travail à ce sujet. Nous en avons discuté, et c'est un autre sujet sur lequel s'entendent les entreprises et les syndicats.
Par exemple, pour chaque dollar de redevance que la province reçoit du projet pétrolifère Hibernia, Ottawa défalque 85c. de ses paiements de péréquation. Nous estimons que ces paiements sont destinés à assurer la croissance du PIB provincial, sans ces réductions compensatoires.
Il y a déjà un précédent pour ce genre de méthode dans l'Union européenne. Plus tôt cette année, la chambre de commerce était en Irlande, en mission d'affaires et d'information. Pendant cette mission, nous avons appris que l'Irlande recevait des fonds importants de l'Union européenne, appelés «financement structurel». Grâce à ce régime, l'économie irlandaise a connu une croissance importante.
Même s'il y a eu une relance rapide de l'économie irlandaise, le financement structurel est maintenu. Essentiellement, le résultat, c'est que pour une période de cinq ans, on sait exactement combien d'argent on obtiendra dans le cadre de ces paiements structurels, et on peut donc planifier. Peu importe l'évolution des recettes pendant cette période; l'Irlande peut compter sur ces fonds.
• 1525
Nous pensons que Terre-Neuve et le Labrador ne devraient pas
perdre pratiquement 1 $ de péréquation pour chaque dollar résultant
du dynamisme de notre économie, du moins pas avant que notre PIB
per capita ait atteint la moyenne nationale.
Il est essentiel d'innover, dans le sens que nous proposons pour modifier la péréquation, si le gouvernement tient vraiment à améliorer la santé économique des provinces pauvres.
Il y a une autre méthode pour améliorer une fois pour toute la situation économique des provinces pauvres, et que vous devriez envisager sérieusement: des taux d'imposition variables au palier fédéral. Dans les provinces où le PIB per capita est inférieur à la moyenne nationale, le taux d'imposition des revenus pour le fédéral devrait être inférieur à celui des provinces où le PIB est égal ou supérieur à la moyenne nationale. Les provinces pauvres deviendraient ainsi plus compétitives, avec une augmentation correspondante de leur productivité économique.
Enfin, je vous remercie de cette occasion de vous exprimer nos vues et j'aimerais ajouter que la Chambre de commerce de St. John's appuie aussi la stratégie nationale pour la construction navale. J'étais à Edmonton lorsqu'on a discuté de cette stratégie et de ces résolutions et nous avons obtenu un appui de tout le pays, non seulement pour la construction mais aussi pour la réparation de navires, ce qui est très important en Colombie-Britannique.
Le président: Merci beaucoup.
Nous accueillons maintenant le Nova Scotia Cultural Network et son directeur exécutif, M. Andrew David Terris. Bienvenue.
M. Andrew David Terris (directeur exécutif, Nova Scotia Cultural Network): Je m'occupe de culture et non de finances. Je ne vais pas vous citer des tas de statistiques.
Le Nova Scotia Cultural Network est un organisme de service. Nous sommes un organisme parapluie qui représente tous les aspects du secteur de la culture et tous les travailleurs de la culture en Nouvelle-Écosse. Nous sommes un organisme provincial.
Je soupçonne que certains d'entre vous ne savent pas ce que j'entends par «le secteur de la culture». Je vais vous en donner une définition. Pour nous, ce secteur comprend: les arts, y compris l'artisanat, les médias littéraires et visuels; les industries culturelles, y compris l'animation, la radiodiffusion, le cinéma, la vidéo, le multimédia, l'édition et l'industrie de l'enregistrement; le design, qui comprend l'architecture, la mode, le graphisme, le design industriel, l'aménagement intérieur et le paysagisme; le patrimoine, y compris les archives, les bibliothèques et les musées; et enfin, les arts de la scène, soit la danse, la musique et le théâtre. Comme vous le voyez, nous représentons un groupe très large.
Quand je parle de culture, la plupart d'entre vous pensent sans doute aux arts de la scène, aux peintres, et à des choses de ce genre. Nous tenons à faire comprendre qu'il s'agit d'un secteur très vaste. Lorsqu'on parle de choses comme l'économie culturelle et les statistiques culturelles—ce qu'elles ne sont pas vraiment—c'est un domaine de réflexion relativement nouveau. En fait, on peut prétendre, statistiques à l'appui, que le secteur culturel est dans son ensemble l'un des secteurs à plus forte croissance de l'économie canadienne, et je vais vous expliquer un peu pourquoi.
Vous parliez d'un niveau de vie, de qualité de vie. Nous pensons que lorsque vous parlez d'hôpitaux, de santé, d'écoles et d'éducation, il ne faudrait pas oublier le troisième facteur de la qualité de vie des Canadiens, et c'est notre culture. Elle nous donne notre identité et la confiance dont nous avons besoin pour nous présenter devant le monde.
Comme tout bon citoyen canadien, nous pensons que la réduction de la dette est importante et que les allégements fiscaux le sont aussi. Nous pensons aussi, toutefois, que le gouvernement canadien a un rôle extrêmement important à jouer dans le domaine de la santé, de l'éducation et de la culture et je voudrais vous expliquer un peu ce qu'est ce rôle.
Le secteur de la culture est hétéroclite en ce qu'on n'y trouve pas que le secteur privé. Le secteur de la culture existe à cause des interrelations entre le secteur privé, le soutien gouvernemental et les organismes à but non lucratif. Nous avons de très forts organismes à but non lucratif dans le secteur de la culture; c'est de ce domaine que je viens, même si pendant 20 ans, j'ai été un artiste-artisan-designer-petit entrepreneur-praticien; je connais donc bien les aléas des petites entreprises au Canada.
La première chose que je tiens à dire, c'est que nous pensons que le soutien du gouvernement pour la culture est absolument essentiel. Sans le ferme soutien des gouvernements fédéral et provinciaux, notre pays serait en partie un désert culturel et en partie une succursale de la culture américaine. Nos institutions nationales, comme le Conseil des arts, l'Office national du film, Téléfilm Canada et bien d'autres, ont été vraiment cruciaux pour la création de la culture canadienne.
• 1530
Au cours des sept dernières années, le gouvernement fédéral a
effectué des compressions incessantes dans le financement culturel.
Nous voulons y mettre un frein. Nous voulons renverser la vapeur.
Je crois que le gouvernement fédéral peut aussi jouer un rôle important dans l'uniformisation des niveaux de soutien d'une province à l'autre. Certaines provinces, comme le Québec, soutiennent beaucoup leur culture. D'autres le font moins, par exemple le Nouveau-Brunswick. Je pense que c'est au détriment de leur économie.
J'y reviendrai. Je pense que les faits dont nous disposons... Eh oui, je vais vous citer quelques chiffres. J'ai dit que je ne vous donnerais pas de statistiques, mais je le ferai.
Vous serez peut-être étonnés d'apprendre qu'en Nouvelle-Écosse, environ 3 p. 100 de notre PIB et 6 p. 100 de notre main-d'oeuvre sont associés à la culture. Mais voici qui vous coupera le souffle: de 1990 à 1995, le secteur de la culture a créé des emplois plus vite que tout autre secteur. Dans cette période de cinq ou six ans, la main-d'oeuvre a diminué de 1,3 p. 100 et le secteur de la culture a grossi de 20 p. 100. Cela vous étonnera peut-être, mais les chiffres proviennent de Statistique Canada.
Il y a une chose très intéressante—c'est vrai que je ne suis pas objectif—et c'est que dans l'économie de l'avenir, axée sur le savoir, la propriété intellectuelle deviendra extrêmement importante. À cause du commerce électronique, l'Internet deviendra un intervenant économique majeur. Ce que vous constaterez, si vous ne le constatez pas déjà, c'est qu'en fait, le contenu culturel sera l'un des principaux éléments du commerce électronique.
Le contenu culturel, que ce soit de la musique, du texte, des films ou de la télévision, vous parviendra par le canal de l'Internet. En effet, l'Internet signifie que le contenu culturel peut être produit n'importe où dans le monde et distribué sur le marché mondial. Que vous soyez dans la municipalité régionale du Cap-Breton ou à St. John's, Terre-Neuve, des régions où la culture est très forte et bien ancrée, il y a un marché mondial potentiel.
Je ne vais pas m'étendre davantage sur le sujet, mais ce que je tiens à dire, c'est que nous avons besoin d'un investissement gouvernemental stratégique dans le secteur de la culture. Peu importe où vous êtes, mais particulièrement pour les régions traditionnellement moins favorisées, où la culture est très forte, il y a des possibilités d'investissement stratégique du gouvernement dans la culture qui auraient un effet marqué sur l'économie locale.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Terris.
Nous écouterons maintenant M. Greg Webster, qui cumule les fonctions de président du Comité des ressources humaines de Horticulture Nouvelle-Écosse et de président de Webster Farms Ltée. Bienvenue.
M. Greg Webster (président du Comité des ressources humaines, Horticulture Nova Scotia): Merci, monsieur le président, de cette occasion de m'adresser à vous cet après-midi.
Je me concentrerai aujourd'hui sur les effets qu'a eus la Loi de l'assurance-emploi de 1997 sur notre industrie, particulièrement pour le recrutement de travailleurs saisonniers et de personnel pour les récoltes.
Il semble qu'au cours des cinq dernières années, notre industrie est passée de ses pires craintes à ses pires cauchemars pour ce qui est de la main-d'oeuvre nécessaire pour les récoltes. Je suis venu à un comité de ce genre en décembre 1994, présenter un exposé au nom de la Fédération de l'agriculture à ce qui était alors le Comité sur la réforme des programmes sociaux, qui tâtait le terrain pour la Loi sur l'assurance-emploi. Nous avons exprimé nos préoccupations au sujet de ce projet de loi, à l'époque. Je suis ici aujourd'hui pour parler de la concrétisation de nos craintes, par suite de cette législation.
Horticulture Nova Scotia est un organisme qui représente les intérêts des producteurs de fruits et légumes de la province. Notre économie agricole emploie directement 12 700 Néo-Écossais, et crée 4 000 autres emplois dans le secteur agroalimentaire.
Je vais simplement vous donner les points saillants de mon sommaire. On m'a dit que vous auriez des exemplaires de ce document, de même que de notre mémoire.
Les immobilisations des agriculteurs en Nouvelle-Écosse atteignent 1,4 milliard de dollars et augmentent au rythme d'environ 60 millions de dollars par an. Le secteur horticole en Nouvelle-Écosse produit plus de 35 millions de dollars en ventes à la ferme. C'est le plus gros employeur de l'industrie agricole, représentant de 20 à 30 p. 100 des emplois directs en agriculture, pour les Néo-Écossais.
• 1535
L'horticulture a donc connu une croissance considérable et est
devenue une partie essentielle du secteur agricole en Nouvelle-
Écosse.
Au sujet des pénuries de main-d'oeuvre et des effets sur l'horticulture dans les régions de l'Atlantique du Canada, on peut dire que l'un des plus grands obstacles à la concrétisation de ce potentiel de croissance, c'est la disponibilité constamment déclinante des travailleurs agricoles, particulièrement pendant les périodes cruciales de récolte. Les changements à la Loi sur l'assurance-emploi qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 1997 ont rendu de plus en plus difficile le recrutement et la rétention de quantités suffisantes de main-d'oeuvre pour les récoltes.
Cela a une incidence sur notre économie rurale. À cause des pénuries de main-d'oeuvre, des récoltes ne sont pas faites, sont laissées dans les champs, et nous perdons des marchés, au profit d'autres producteurs.
Beaucoup de fermes de fruits et légumes ont besoin de cinq à dix fois plus de gens pour les récoltes que pour la production et la commercialisation. Notre industrie pourrait créer d'autres emplois à temps plein et des emplois saisonniers à long terme si nous savions que nos cultures seront récoltées en temps opportun.
Au sujet de l'industrie et des partenaires, depuis environ un an nous travaillons avec d'autres organismes gouvernementaux pour nous attaquer au problème et pour trouver des solutions. C'est pourquoi Horticulture Nova Scotia a travaillé avec le ministère provincial de l'Agriculture et la Kings County Economic Development Commission pour confirmer que la main-d'oeuvre est l'un des plus grands obstacles à la croissance du secteur horticole
Nous avons constitué un comité des ressources humaines qui représente l'industrie horticole en Nouvelle-Écosse, pour les questions des ressources humaines. Au cours de l'année écoulée, ce comité a travaillé avec des représentants de Revenu Canada, de DRHC et des services sociaux de la province, ainsi qu'avec des politiciens fédéraux et provinciaux qui ont participé au comité, dans le but de sensibiliser les intéressés aux causes de ces problèmes et aux façons d'y trouver des solutions.
Voici ce que nous avons fait depuis un an. Le bureau local de DRHC a mis au point un programme d'affiches pour informer ceux qui se joignent à la population active qu'il leur faut un numéro d'assurance sociale pour travailler. Le centre local des ressources humaines et nos organisations horticoles locales ont mis sur pied un bureau de services de main-d'oeuvre pour les récoltes, dirigé par l'industrie, pour aider au recrutement et au placement des travailleurs affectés aux récoltes.
Le personnel des services communautaires régionaux de la Nouvelle-Écosse a mis sur pied des projets pilotes pour les bénéficiaires de l'aide sociale visant à réduire les effets décourageants de l'assurance-emploi pour les bénéficiaires d'aide sociale qui se cherchent un emploi saisonnier dans le secteur agricole.
Les exemples qui suivent visent à vous donner une idée de l'importance des préoccupations du secteur horticole au sujet des effets négatifs de la loi actuelle sur l'assurance-emploi et de ses interactions avec Revenu Canada.
Pour commencer, parlons des effets dissuasifs de la loi. L'un des premiers sujets de préoccupation, c'est ce que nous appelons la main-d'oeuvre périphérique ou occasionnelle. La Loi sur l'assurance-emploi a un effet inhibiteur pour les travailleurs affectés aux récoltes qui ne font pas partie de la main-d'oeuvre horticole permanente. Il semblerait que les petits revenus supplémentaires découlant de la participation aux récoltes sont un revenu imposable, au taux d'imposition supérieur pour le particulier.
Dans le cadre de nos discussions, je pourrai vous donner d'autres détails, au besoin.
Si des chômeurs prestataires de l'assurance-emploi pouvaient recevoir un supplément supérieur au maximum actuel de 50 $ ou 25 p. 100 des revenus, lorsqu'ils acceptent un emploi pour les récoltes, cela représenterait une économie nette pour le régime de l'assurance-emploi. Moins de personnes travailleraient au noir et les gens travailleraient plutôt ouvertement.
Les bénéficiaires de l'aide sociale ne peuvent être incités à faire partie de la main-d'oeuvre pour les récoltes si le résultat net du travail, pour eux, est égal ou inférieur aux prestations reçues en restant à la maison.
Nous recommandons qu'on envisage la mise en oeuvre d'un crédit d'impôt horticole s'appliquant à quiconque cherche un emploi à court terme dans le secteur de récoltes horticoles. Cela éliminerait tout fardeau fiscal imposé par des revenus préalables, provenant de régimes de retraite, de l'assurance-emploi, de l'aide sociale ou d'ailleurs. Il serait aussi possible d'ajouter le travail de récolte à la définition du travail occasionnel, ce qui permettrait un salaire quotidien sans déductions.
Une autre solution serait de permettre un plus gros supplément d'assurance-emploi pour ceux qui participent aux récoltes. La participation au travail au noir serait ainsi moins séduisante. On pourrait aussi exempter les travailleurs affectés aux récoltes des retenues sur le salaire, pour réduire le fardeau administratif des employeurs agricoles.
• 1540
En terminant, rappelons que nos suggestions sont destinées à
trouver des solutions qui permettront de créer de l'emploi pour les
Canadiens, ici, au Canada. Nous ne voulons pas dépendre inutilement
de sources de main-d'oeuvre étrangères, si nous pouvons travailler
au sein du régime canadien pour employer des Canadiens.
En résumé, quelle que soit la solution à ce problème, Revenu Canada et DRHC doivent commencer à comprendre que les recettes potentielles résultant des déductions d'assurance-emploi et d'impôt sur les petites sommes gagnées par ces employés ne sont pas suffisamment importantes pour justifier l'application actuelle des règles de l'assurance-emploi aux travailleurs saisonniers affectés aux récoltes.
Nous demandons à votre gouvernement d'examiner sérieusement ces questions et les solutions qui sont élaborées, et notre comité est certainement prêt à travailler avec les ministères et personnes compétents pour évaluer les changements qui pourraient être mis en oeuvre pour atteindre nos objectifs communs de croissance et de prospérité dans le siècle à venir.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Webster.
Nous écouterons maintenant les représentants de l'Association des soins de santé du Nouveau-Brunswick: le directeur exécutif, M. Mike Poirier, et l'analyste des politiques, M. Kelly Lamrock. Bienvenue.
M. Mike Poirier (directeur exécutif, Association des soins de santé du Nouveau-Brunswick): Merci.
Monsieur le président, j'ai beaucoup de respect pour les gens qui s'occupent des affaires publiques et en écoutant les divers intérêts dont vous devez tenir compte à titre de comité pour préparer votre rapport, je ne peux que secouer la tête et me dire que c'est un défi colossal. Nous vous souhaitons bonne chance dans cette entreprise.
L'Association des soins de santé du Nouveau-Brunswick représente huit associations d'hôpitaux régionaux de notre province. Nous sommes un membre actif de l'Association canadienne des soins de santé, que votre comité recevra à la fin novembre. Nous partageons avec l'ACS la vision d'un réseau public de soins de santé de grande qualité et durable pour le Canada. Nous savons que votre comité aura entendu beaucoup de conseils au sujet des compromis à faire entre les réductions d'impôt et les dépenses d'infrastructure sociale, dans le domaine de la santé, par exemple.
Nous estimons qu'il s'agit là d'une fausse dichotomie. Le niveau d'imposition et l'importance de nos services publics font tous deux partie d'un ensemble complexe, visant à la fois des objectifs de compétitivité et de liberté personnelle, de qualité de vie et de solidité du filet de sécurité sociale.
Il faut dire une chose. Un solide réseau public de soins de santé est un ingrédient essentiel de ce mélange. Les soins de santé sont certes un programme social coûteux, mais c'est une dépense qui doit être assumée par chaque Canadien, quoi qu'il arrive. Notre régime public de soins de santé universels permet de profiter au maximum des avantages publics de ces dépenses, améliorant la santé et le bien-être des travailleurs, garantissant une couverture universelle sans cotisations coûteuses pour les employeurs, faisant du Canada un milieu plus attrayant ou vivre et travailler et offrant la tranquillité d'esprit à tous les citoyens en ce qui concerne les coûts associés à leurs soins de santé et à ceux de leurs familles. Il représente aussi des valeurs profondément ancrées chez les Canadiens et leur foi en un régime public de soins de santé.
Nous ne sommes donc pas ici pour préconiser des dépenses ou des réductions d'impôt. Ce que nous espérons vous faire comprendre du point de vue du Nouveau-Brunswick, c'est le niveau d'investissement qui sera nécessaire pour maintenir notre système de soins de santé à son niveau actuel de qualité et de service. Nous voulons donner au comité une idée de ce qui doit être fait pour conserver notre système actuel et pour assurer son avenir.
Même après le dernier budget, qu'on a appelé le budget des soins de santé, il reste encore des incertitudes. Au Nouveau- Brunswick, le déficit cumulatif des hôpitaux a atteint près de 30 millions de dollars pour l'exercice 1998-1999. Pour l'année 1999-2000, on prévoit que ce chiffre dépassera 40 millions de dollars.
Il y a deux raisons d'être alarmés à la vue de ces chiffres. La première est évidente: la demande à laquelle doivent répondre les services de soins de santé, d'après les attentes du gouvernement, est bien plus élevée que ce pourquoi le gouvernement on est prêt à dépenser. Deuxièmement, les déficits déstabilisent le réseau.
Il se pourrait que les Canadiens et leur gouvernement préfèrent réduire la demande et les attentes, plutôt que d'assumer les coûts croissants. C'est tout à fait légitime. Cette décision devrait toutefois découler d'un choix public conscient, en matière de politique, plutôt que de projections ou de planifications budgétaires inexactes. Nous pouvons donc dire clairement que le principal défi de la durabilité des soins de santé, c'est l'augmentation du financement qui assurera le maintien des niveaux de service actuels.
• 1545
Cela ne signifie pas pour autant que le statu quo est la seule
solution d'avenir pour les soins de santé. En effet, depuis
longtemps, notre association fait la promotion de changements dans
la prestation de soins de santé qui seraient moins axés sur les
services hospitaliers coûteux et davantage sur les ressources
communautaires, y compris la médecine préventive, l'éducation et
les services de santé communautaire, les soins à domicile et une
meilleure prise en charge des états chroniques. Au Nouveau-
Brunswick, cette réorientation des priorités a reçu l'appui du
nouveau gouvernement provincial et le travail visant à changer les
soins de santé pour l'avenir est commencé.
À long terme, ces changements nous permettront d'avoir un système de santé moins coûteux et amélioré. Deux choses sont nécessaires à ce genre de transition: la stabilité financière pour le réseau, dès maintenant, pour créer un climat propice à la planification et à l'innovation, et le financement des mesures nécessaires pour effectuer la transition. Pour un système de soins de santé durable, il faut prescrire la stabilité financière d'aujourd'hui qui permettra de planifier l'avenir.
Nous appuyons la demande de l'Association canadienne des soins de santé pour une somme supplémentaire de 500 millions de dollars comme seuil pour le transfert social canadien, afin de stabiliser le système, en plus de l'inclusion d'un facteur de progression dans les transferts, pour permettre la planification à long terme. Nous appuyons en outre la demande de l'ACS d'un investissement unique d'un milliard de dollars pour financer les soins à domicile et les programmes de médicaments sur ordonnance, pour favoriser la transition entre un système de soins de santé axé sur les soins hospitaliers coûteux et les divers types de programmes communautaires dont j'ai parlé.
Puisque nous avons peu de temps, permettez-nous simplement d'ajouter que nous appuyons les recommandations de l'ACS et que nous demandons en outre une stratégie nationale de recrutement pour les médecins et les autres professionnels de la santé, qui permettrait de relever les défis courants de la compétitivité en matière de rémunération et de l'accès à la formation médicale.
Je termine en vous remerciant de nouveau, monsieur le président, ainsi que les membres de votre comité, de nous avoir donné cette occasion de vous présenter un exposé aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup.
Nous accueillons maintenant M. Richie Cotton et Mme Gail Johnson de la municipalité du comté de Richmond.
M. Richie Cotton (gouverneur, municipalité du comté de Richmond): Merci, monsieur le président. Comme vous l'avez dit, je suis Richard Cotton. Je suis le gouverneur du comté de Richmond. Gail Johnson est conseillère.
Je vais vous donner quelques informations pour que vous sachiez nous situer. Nous sommes une municipalité rurale de la partie ouest du Cap-Breton. À la limite nord, nous avons les beaux lacs Bras d'Or et bien entendu, à la limite sud, l'océan Atlantique. On trouve chez nous la Stora Enso, l'une des plus grandes et certainement la plus ancienne des sociétés du monde. C'est le principal employeur des gens non seulement de Richmond, mais aussi de l'ensemble de la région du détroit. Nous avons le port aux eaux les plus profondes, je crois, puisque nous avons les eaux les plus profondes de la côte atlantique nord-américaine. En outre, l'ONÉ a autorisé la construction du gazoduc de Point Tupper, pour Point Tupper-Richmond County, et nous recevrons le gaz naturel. Cela devrait aider notre économie.
Malheureusement, comme il arrive souvent dans les communautés rurales, nous nous concentrons sur ce qui va bien et nous ratons ainsi beaucoup de choses dont on pourrait faire la promotion. Parfois, comme les décideurs sont à Halifax ou à Ottawa, ils ne comprennent pas les difficultés que nous avons, même s'ils veulent défendre les intérêts de tous. Je parle des engagements pris dans le cadre du programme national d'infrastructure.
Je veux aborder quelques-unes de ces questions. J'espère vivement que le gouvernement fédéral respecte son engagement au sujet des routes principales et secondaires dans ce budget du millénaire. Le tourisme est une de nos plus grandes industries, non seulement dans notre municipalité mais aussi sur toute l'île du Cap-Breton, en effet dans toute la province de la Nouvelle-Écosse. Mais l'état de nos routes principales et nos routes secondaires nuit beaucoup au tourisme. Nous essayons d'encourager les adeptes des véhicules de plaisance à visiter nos régions, et si nous le faisons, c'est parce que nous avons peu de règles fixes comme Halifax ou d'autres régions. Nous encourageons ces gens à visiter notre région, en espérant qu'ils resteront plus longtemps et dépenseront plus d'argent.
• 1550
Les gens de l'extérieur qui doivent emprunter cette route nous
critiquent énormément, surtout ceux qui voyagent du pont-jetée
jusqu'à Sydney, car l'état de la chaussée est épouvantable. Nous
avons absolument besoin d'une route centrale, et il nous faut
également faire certains travaux sur les routes secondaires.
D'ailleurs, Richmond a vraiment réussi à redresser notre économie, qui a beaucoup souffert en raison de l'effondrement de la pêche de la morue du Nord. Nous avons réussi à ce chapitre, mais nous avons connu quelques problèmes en cours de route. Je vous donne un exemple.
Grâce aux efforts du fédéral, du provincial et de la municipalité, ainsi qu'aux efforts de quelques bons groupes de développement économique, nous avons pu persuader un gros intervenant de l'industrie aquicole de s'installer à Île Madame, qui a une population d'environ 4 500 personnes. Cette entreprise a créé entre 200 et 300 emplois. Ce n'est pas beaucoup par rapport aux emplois qui sont créés dans les villes. Toutefois, pour voir la chose dans son contexte, créer 200 ou 300 emplois dans une collectivité comme Île Madame, c'est comme créer entre 4 000 et 6 000 emplois à Halifax. C'est très important.
Le gouvernement fédéral a investi des fonds dans cette initiative, tout comme la province et l'entrepreneur lui-même. Mais on n'a rien prévu pour l'infrastructure; les gens ne s'y inquiétaient pas. On a tout simplement tenu pour acquis que l'infrastructure nécessaire pour une telle usine était en place. L'usine ne pouvait pas verser ses rejets dans le havre parce que les poissons se trouvent là, et l'entreprise aurait tué la ressource qu'elle essaie de traiter. L'usine a tellement fait appel aux canalisations d'eau et aux égouts qu'ils ont cessé de fonctionner. L'entrepreneur n'était pas en mesure de fournir les fonds nécessaires pour régler le problème, donc il a fallu faire beaucoup de restructurations et il a fallu travailler avec la collectivité, qui dans une certaine mesure s'est tournée vers l'entrepreneur qui y a créé entre 200 et 300 emplois. Donc, il est très important de tenir compte des besoins en matière d'infrastructure au moment de la planification du développement économique.
À mon avis, les gens nous blâment souvent injustement, nous les gens du Cap-Breton, parce que les médias, étant ce qu'ils sont, préfèrent rapporter les mauvaises nouvelles. Ce sont les mauvaises nouvelles qui vendent des journaux. J'admets qu'en règle générale, nous faisons notre part pour créer de la publicité qui ne sert pas nos meilleurs intérêts. Cependant, les cas de réussite au Cap- Breton sont plus nombreux que les échecs, mais les médias signalent les échecs le plus souvent.
Même si vous ne croyez pas à cet argument, vous devriez au moins admettre qu'il faut investir dans l'infrastructure pour que les entreprises s'installent dans une collectivité et y investissent. Et ces investissements ne peuvent pas se limiter aux villes. Beaucoup d'initiatives sont en cours dans des régions rurales un peu partout au Canada, non seulement en Nouvelle-Écosse. Je vous exhorte de réagir à ces besoins, parce que nous avons besoin d'aide. Cette aide pourrait prendre la forme d'un programme national d'infrastructure. Je sais que notre représentant au niveau fédéral, la Fédération canadienne des municipalités, a déposé auprès du Comité des finances un programme d'infrastructure qui améliorera la qualité de vie.
En tant que représentant d'une municipalité rurale, je dois vous rappeler que les gens qui ont survécu dans l'industrie des pêches, dont très peu ont été à l'emploi d'une grande compagnie, n'ont pas de régime de pension. Quand ces gens prennent leur retraite, en règle générale ils doivent vivre du Régime de pensions du Canada ou de la sécurité de la vieillesse. Ces régimes répondent à leurs besoins de base, comme la nourriture et les autres nécessités. Toutefois, ils ont du mal à payer des réparations à leurs maisons, ils ont du mal à garder les maisons où ils ont habité toute leur vie, et ils ne veulent pas devenir un fardeau en déménageant dans des logements à prix modique. Je pense d'ailleurs qu'il importe de consacrer des sommes à ces logements pour les réparations et les immobilisations. Le faire est logique autant du point de vue humain que du point de vue financier. Dans le cas des régions rurales, c'est de l'argent bien placé, car les gens voudront conserver leur demeure. Je dirais que c'est une question que le comité se doit d'examiner.
Je ne connais aucun membre du comité, à l'exception de Scott, mais, selon moi, la majorité des gens qui s'occupent des affaires publiques ont les meilleurs intérêts de tout le monde à coeur, en dépit de ce que l'on dit d'eux. Toutefois, bien souvent, le problème est très simple. Les gens ne se rendent pas compte des différences entre une collectivité urbaine et une collectivité rurale et des besoins de ces deux collectivités. J'espère qu'en voyageant dans la région, comme vous le faites, vous pourrez recenser ces besoins, constater les différences entre la vie urbaine et la vie rurale, et recommander d'investir des fonds dans le Canada rural, car à mon avis, il est important de le faire.
• 1555
Nous espérons que vous allez prendre la proposition de la
Fédération canadienne des municipalités au sérieux. Je peux vous
entretenir de bien des dossiers. J'ai des opinions très fortes sur
le développement économique, mais je sais que vous m'avez donné
cinq minutes pour faire mon exposé et j'ai probablement déjà
dépassé mes cinq minutes. Donc, je conclus en vous remerciant
d'être venus en Nouvelle-Écosse pour entendre nos préoccupations.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cotton.
Maintenant nous allons entendre les représentants de la Nova Scotia Federation of Agriculture. M. Peter Hill est le premier vice-président de cet organisme, et M. Laurence Nason est le directeur général. Je vous souhaite la bienvenue.
Des voix: Ils font partie du prochain groupe de témoins.
M. Peter Hill (premier vice-président, Nova Scotia Federation of Agriculture): Je crois qu'il y a eu un malentendu. D'après notre ordre du jour, ce groupe de témoins commence à 14 h 30, mais je crois que votre ordre du jour indique 16 h. Comme nous avons un autre engagement ce soir, on nous a inclus avec ce groupe illustre. Donc, si vous me permettez...
Le président: Eh bien, c'est moi qui décide, donc je vous donne l'autorisation. Peut-être un jour ça sera M. Brison qui décidera, mais pas cette année.
M. Peter Hill: Heureusement, on ne s'est pas trompé dans le cas de mon nom, Peter Hill. J'ai mis mon insigne pour éviter toute confusion.
M. Scott Brison: Tout le monde connaît Peter.
M. Peter Hill: Je n'en suis pas sûr, Scott, mais à la suite du tour de force de M. Martin, qui a créé des surplus, le monde agricole avait peur de ne pas se trouver à la table. Bien sûr, nous venons de prendre notre place.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Monsieur Hill, n'oubliez pas qui vous a demandé de prendre votre place à la table.
M. Peter Hill: Je n'oublierai pas.
Je ne vais pas vous casser les pieds avec les détails de notre exposé. Je crois que vous avez tous reçu des exemplaires. Si non, j'en ai encore ici.
En tant que représentants du monde agricole, nous sommes très reconnaissants que vous ayez non seulement permis à notre fédération de faire un exposé, mais aussi permis à Horticulture Nova Scotia de vous entretenir des questions relatives aux ressources humaines. Je crois que Richard Melvin de Horticulture Nova Scotia va lui aussi vous parler de la recherche et de l'eau, donc je ne vais pas aborder ces questions.
Pour vous donner une vue d'ensemble, je voudrais vous faire part de mes premières impressions de la mise à jour économique et budgétaire que le ministre a présentée il y a une semaine. Quand j'ai parcouru ce document, je n'ai trouvé que trois mentions d'un appui à l'intention des industries traditionnelles. On fait référence à cet appui trois fois, mais on ne donne aucun détail. Dans l'énoncé, on parle de l'économie globale, on parle des gains d'efficacité à venir, mais on ne trouve que des mentions symboliques des industries traditionnelles.
M. Webster vous a dit que l'agriculture représente un secteur extrêmement important de l'économie de la Nouvelle-Écosse, et il vous a fourni les chiffres. En effet, trois emplois sur dix en Nouvelle-Écosse se trouvent dans cette industrie. Mais à l'heure actuelle, cette industrie connaît des difficultés. Dans bien des cas, ces difficultés ne sont pas de sa faute. L'industrie subit de mauvaises conditions météorologiques depuis trois ans. L'industrie souffre parce que le fédéral a récupéré environ 25 millions de dollars par an en aide gouvernementale pour équilibrer le budget. C'était peut-être nécessaire de récupérer cette aide gouvernementale, mais le moment est venu de chercher de nouveaux investissements dans l'industrie.
L'horticulture est également une industrie qui a un excellent potentiel de croissance. Elle a le potentiel nécessaire pour exporter, mais elle a besoin d'aide pour faire concurrence à d'autres pays qui prêtent main-forte à leurs agriculteurs, contrairement à ce qui se fait ici. Après les négociations commerciales internationales sur l'agriculture, nous nous demandons combien de temps il faudra pour en arriver à des normes. À la suite de ces négociations, d'autres pays se demandent comment contourner ces normes pour faire concurrence de façon plus efficace.
Quant à savoir comment disposer de l'excédent budgétaire, je pense qu'il nous faut nous souvenir des industries traditionnelles. À mon sens, le Canada de demain n'est pas forcément une société basée uniquement sur le savoir. Je vous signale deux choses. Il y a cent ans, 45 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne travaillait dans le secteur agricole. De nos jours, ce chiffre est d'environ 3 p. 100, mais notre production alimentaire est de loin supérieure à notre production d'il y a cent ans. Je lance le défi à toute autre industrie de réaliser les gains de rendement que l'industrie agricole a atteint depuis cent ans, et de continuer à réaliser de tels gains.
• 1600
Toutefois, la situation me rappelle le problème de la tortue
dans mon cours de calcul à l'université. Plus la tortue
s'approchait du mur, plus il était difficile d'arriver au mur. Il
sera difficile de réaliser plus de gains de rendement dans
l'industrie agricole. C'est une industrie très dynamique partout au
Canada, y compris en Nouvelle-Écosse.
D'ailleurs, pour ce qui est de l'économie globale, dans la majorité des pays développés, les gens essaient de tisser des liens avec le passé. À mon avis, il faut appuyer certaines méthodes agricoles qu'on a utilisées il y a cent ans. Les inquiétudes à l'égard des organismes génétiquement modifiés qu'on appelle également les organismes transgéniques, ne vont pas disparaître.
Comme la Nouvelle-Écosse est sur une péninsule, comme elle est une province parfaite au milieu de l'océan, je trouve que nous avons d'excellentes possibilités dont nous pouvons tirer avantage, si nous avons l'appui nécessaire. Pour conclure, je dirai que si vous tirez avantage de ces possibilités, si vous lisez cet exposé, vous penserez à l'informatique qui est tellement présente partout de nos jours et aux langues informatiques d'aujourd'hui. Les unités d'information se succèdent, l'une après l'autre.
En lisant l'exposé, j'ai pensé à l'essai sur l'histoire que Thomas Babington Macaulay a écrit il y a environ 150 ans. L'essai commence par une phrase qui remplit la première page au complet, mais elle coule; elle a un rythme. L'agriculture aussi coule avec ce même rythme. Il y a cette même planification à long terme; on ne fait pas de surf mais on cherche à créer sa propre vague.
Pour ce qui est de l'attribution des ressources financières pour la prochaine génération, je suggérerais au Comité des finances d'affecter des ressources à cette industrie qui se développe lentement mais qui est toujours présente, l'industrie agricole.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hill.
Nous allons maintenant passer à la période prévue pour les questions, en commençant par M. Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Le président: Je suis désolé, mais avant de commencer...
Monsieur Poirier, je crois comprendre qu'il vous faut partir bientôt. Ai-je raison?
Si vous avez des questions à l'intention de M. Poirier, je vous prie de les poser tout de suite.
M. Mike Poirier: Merci.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui de nous avoir fait part de leurs points de vue. C'est bien d'être dans la situation de débattre l'utilisation d'un surplus, mais si nous ne sommes pas prudents, nous pourrions perdre cet avantage très rapidement. Nous devrions comprendre les priorités des municipalités, du monde agricole et des chambres de commerce.
Nous avons déjà entendu dans d'autres villes certaines préoccupations que vous avez mentionnées ici. Demain nous serons à Québec, et nous avons déjà entendu quelques-unes de ces préoccupations de nos témoins à Toronto. J'ai l'impression que les Canadiens de tout le pays partagent les mêmes préoccupations sur ces questions.
En matière d'agriculture—et il est particulièrement important d'entendre à ce sujet MM. Hill et Webster—, on pense souvent à Ottawa que si ça ne pousse pas dans l'Ouest, on n'a pas affaire à l'agriculture. Il m'apparaîtrait utile de modifier cette perception.
Ma première question porte sur les programmes de soutien du revenu agricole et leur incapacité à faire en sorte que les agriculteurs ou les producteurs reçoivent des fonds. Le programme ACRA est fondé sur 70 p. 100 des gains des trois années précédentes. Peut-être pourriez-vous indiquer au comité dans quelle mesure cela a permis de répondre aux besoins des agriculteurs de la Nouvelle-Écosse.
Deuxièmement, quelle est l'incidence de la politique de centres d'excellence du ministère fédéral sur la Recherche et le développement pour les fruiticulteurs, par exemple, de la Nouvelle- Écosse?
Troisièmement en ce qui a trait au crédit d'impôt pour les horticulteurs, à quel niveau devrait se situer ce crédit pour supprimer la contre-incitation au recrutement des travailleurs saisonniers dans le secteur horticole?
Ce sont là mes trois questions.
M. Peter Hill: Si vous le permettez, je demanderai à Greg de répondre à votre dernière question.
• 1605
Le programme ACRA est un programme national et vous avez
raison: si votre revenu en 1998 est égal à 70 p. 100 de la moyenne
des trois années précédentes, vous n'aurez pas droit à de l'aide.
Cette réglementation a été adoptée conformément aux lignes directrices mondiales en matière de commerce. D'autres pays ont envisagé la possibilité, lorsqu'il y a une catastrophe naturelle, de déclarer la région touchée sinistrée et de lui verser de l'aide. Les lignes directrices mondiales en matière de commerce, si je ne m'abuse, permettent le versement de ce genre de paiements régionaux. Le problème, c'est que ce programme est un programme national qu'on tente de rendre le plus équitable possible. Il aurait peut-être été préférable de mettre sur pied dans chacune des régions quatre ou cinq programmes régionaux en cas de catastrophe naturelle particulière.
Les modifications qui ont été apportées récemment pour permettre le calcul d'une moyenne olympique des cinq années précédentes—autrement dit, pour permettre de ne pas tenir compte de la meilleure année et de la pire année—aident un peu, tout comme l'inclusion de la marge négative. Mais, essentiellement, tant qu'on imposera un programme national à toutes les régions, dans une région comme celle de la Nouvelle-Écosse, où les exploitations agricoles sont de nature mixte en grande partie, il est fort probable qu'on n'obtiendra pas les 70 p. 100, comme peuvent le faire les producteurs d'une seule denrée. En Nouvelle-Écosse, plutôt, c'est la mort à petit feu plutôt qu'un déclin radical. La solution serait d'adopter de meilleurs programmes régionaux.
J'espère que cela répond à votre question, Scott.
M. Greg Webster: Pour ce qui est du crédit d'impôt pour les horticulteurs, Scott, notre secteur propose cette mesure probablement depuis dix ans. Elle a aussi été préconisée par la Fédération canadienne de l'agriculture et le Conseil canadien de l'horticulture mais, pour une raison ou une autre, Ottawa continue de faire la sourde oreille.
Ce que nous envisageons, c'est un crédit d'impôt allant de 2 500 à 5 000 $ par année et s'appliquant à la main-d'oeuvre de récolte, ce qui nous permettrait de recruter des équipes de sources canadiennes pour nos récoltes. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, la main-d'oeuvre qu'il nous faut pour la récolte est beaucoup plus importante que la main-d'oeuvre d'exploitation. Dans ma ferme, j'ai besoin de 150 moissonneurs pour appuyer mon effectif permanent de 11 personnes. Il est donc essentiel pour le succès de l'exploitation agricole de pouvoir engager ces travailleurs pour trois ou quatre semaines.
Nous pouvons donner une bonne production et faire une bonne mise en marché, mais si nous ne pouvons récolter notre produit pour le mettre dans des conteneurs, nous avons gaspillé notre année. C'est là que le bât blesse en ce moment, et il semble que cela soit provoqué par les règles de l'assurance-emploi; les gens ne veulent plus travailler pour nous dès qu'ils apprennent que leur salaire s'ajoutera à leur autre revenu imposable. Voilà pourquoi nous proposons un crédit d'impôt.
M. Scott Brison: Les changements apportés au programme d'assurance-emploi ont beaucoup découragé les gens d'essayer de trouver du travail. Les incitations marginales à travailler ont été sensiblement réduites. Quelle en a été, par exemple, l'incidence sur vos récoltes, l'année dernière? Quel est le pourcentage de votre récolte de fraises que vous avez perdu du fait de la pénurie de travailleurs saisonniers?
M. Greg Webster: La récolte de fraises est la première récolte de fruits de la saison et parce qu'elle a été précoce dans la région de l'Atlantique, cela fait deux ans de suite qu'elle a eu lieu avant la sortie de l'école. Nous avons donc essentiellement perdu notre main-d'oeuvre étudiante et avec les changements aux règles de l'assurance-emploi, nous perdons notre main-d'oeuvre adulte. Je crois que ces deux dernières années, nous avons probablement eu de 15 à 30 p. 100 de pertes dans la plupart des exploitations de petits fruits. Il y a eu les questions climatiques, mais dans la majorité des cas, c'était une question de main-d'oeuvre parce que si nous avions eu la main-d'oeuvre voulue, elle aurait pu compenser le mauvais temps.
Le président suppléant (M. Gary Pillitteri): Merci beaucoup, messieurs.
Permettez-moi une petite remarque. Il y a quelqu'un à cette table qui a toujours gagné sa vie dans l'agriculture et c'est moi.
Nous passons maintenant à M. Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Gallaway, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Merci, à nos témoins. Vos mémoires et vos exposés sont très intéressants.
J'aimerais poser une question au maire Muise. Je le félicite de la qualité de sa proposition. Je sais qu'au Cap-Breton vous avez le problème d'une économie en grande transition.
• 1610
J'ai en fait trois questions. Il y a d'autres régions du
Canada où l'économie est essentiellement primaire et qui
connaissent de forts taux de chômage. Je pense à un certain nombre
de régions du nord de l'Ontario et d'autres parties du Canada,
comme en Colombie-Britannique, au Québec, partout. Pensez-vous que
votre proposition serait applicable à des régions de forts taux de
chômage dans d'autres parties du Canada ou est-elle spécifiquement
ciblée sur le Cap-Breton? C'est ma première question.
Deuxièmement, on dit parfois que les entreprises prennent leurs décisions en fonction de tout un éventail de facteurs et que le régime fiscal en est un parmi d'autres. Convainquez moi que ceci pousserait certaines entreprises à déménager dans des régions où le taux de chômage est élevé au Cap-Breton,
Troisièmement, vous citez le problème de l'ancien crédit d'impôt pour investissement au Cap-Breton qui avait été instauré en 1980. En quoi cette proposition remédierait-elle à ces erreurs?
M. David Muise: Merci. Je ferai une ou deux petites remarques puis je demanderai à M. Whalley de répondre. C'est lui qui a rédigé cet exposé. C'était en fait son idée.
Le programme n'est pas réservé au Cap-Breton. Il s'applique au taux de chômage et pourrait être repris dans n'importe quelle partie du pays. Une hausse du taux de chômage déclencherait la mise en application du programme. Il n'est pas conçu spécifiquement pour le Cap-Breton.
Quant à l'incitation à venir au Cap-Breton, nous estimons qu'il y a une certaine qualité de vie qui attirerait des gens qui voudraient lancer une affaire là-bas, mais, malheureusement, nous n'avons pas pour le moment l'infrastructure voulue pour les y encourager. Nous disons donc qu'il faut un incitatif, un genre de système, qui compense ces lacunes.
C'est un programme qui à notre avis pourrait s'appliquer n'importe où au Canada.
Je vais maintenant demander à M. Whalley de continuer, si vous le permettez.
M. John Whalley (économiste, Municipalité régionale du Cap-Breton): Merci.
C'est en effet applicable à d'autres régions. Il y a 68 régions économiques au Canada. Au dernier compte, il y en avait environ 10 qui connaissaient des taux de chômage près de deux fois ou plus de deux fois plus élevés que la moyenne nationale. L'idée que dans notre région et dans d'autres régions du Canada, le besoin public le plus urgent est l'emploi et non les investissements de capitaux, d'infrastructure, mais des investissements du secteur privé qui peuvent créer des emplois.
Ce qu'on a constaté avec le crédit d'impôt à l'investissement au Cap-Breton c'est que ce crédit était accordé tout de suite. Dès que les entreprises investissaient en biens d'équipement, elles obtenaient un crédit. Si ces biens étaient mobiles, les entreprises s'en allaient. La région se retrouvait sans rien. Ce type de mesure n'apportait aucun avantage à long terme.
La seule façon de contourner ce problème est de lier cet avantage à la création d'emplois et d'en faire une récompense pour la création d'emplois, l'incitatif ou la récompense étant plus important si les sociétés restent plus longtemps. Vous permettez ainsi aux entreprises de prendre racine et vous les récompensez d'avoir créé de l'emploi.
Dans une certaine mesure, le seuil de 25 emplois est arbitraire, mais s'il n'y a pas de seuil arbitraire, c'est comme le cas quand on va à l'école et que la note de 50 p. 100 est la norme que l'on dépasse ou que l'on n'atteint pas. Si l'on n'a pas de seuil arbitraire, on s'ingère dans les décisions internes des entreprises et des investisseurs et on oriente leurs décisions concernant les investissements en biens d'équipement ou en main- d'oeuvre et ce n'est pas quelque chose que nous voudrions faire.
Dire que le régime fiscal serait le seul avantage pour notre région, c'est faux car notre région présente beaucoup d'avantages. Elle est à 50 milles nautiques des principales lignes commerciales entre l'Amérique du Nord et l'Europe. Nous avons une population active importante, de plus de 65 000 personnes. Nous avons une université moderne. Nous avons une infrastructure moderne à bien des égards, mais la transition qui nous touche, du charbon et de l'acier et, dans une certaine mesure, d'autres industries primaires, à l'économie moderne... fait qu'il y a des avantages qui conviennent mieux à une région métropolitaine plus importante, comme Halifax et plus loin.
Ce que nous essayons de faire par cette politique, c'est de dire aux investisseurs du secteur privé, considérez certaines de ces autres régions du Canada, car elles présentent elles aussi certains avantages. Si la politique ne donne pas de résultats, il n'y a rien de perdu car on ne donne pas d'argent au départ.
• 1615
Dans une des expériences que nous avons faites au Cap-Breton,
il y avait une entreprise qui recevait une subvention
gouvernementale durant presque toute la décennie 80. Elle
s'appelait Micronav. Elle mettait au point des systèmes
d'atterrissage par micro-ondes. Elle recevait une aide publique
importante depuis des années parce que c'était une entreprise en
expansion et juste au moment où il a semblé qu'elle allait décoller
et atteindre les marchés internationaux, sa technologie par micro-
ondes a été dépassée par la technologie des satellites.
Une voix: GPS.
M. John Whalley: C'est le problème lorsque les gouvernements ciblent des investissements soit dans des secteurs spécifiques, soit dans des entreprises spécifiques. En technologie, tout évolue terriblement rapidement. Ce que nous essayons de dire, c'est qu'il faut encourager les investissements du secteur privé en imposant aussi peu de règlements que possible parce que les bureaucrates ne sont pas en mesure de prendre ce genre de décisions. Il est préférable de les laisser au marché privé. C'est ce que nous essayons de faire.
Le président suppléant (M. Gary Pillitteri): Merci, monsieur Gallaway.
M. Martin Lockyer: Excusez-moi, monsieur le président, mais malheureusement je dois m'en aller. J'ai un autre engagement et je vous prie de m'excuser. Je trouve cela très intéressant et j'aimerais pouvoir rester, mais c'est impossible. Mme Oates va me remplacer.
Le président suppléant (M. Gary Pillitteri): Merci beaucoup de votre exposé.
Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: Je voudrais poser une question à Warden Cotton.
Vous avez soulevé le problème du programme d'infrastructure routière que je trouve très intéressant. L'Association canadienne des camionneurs a remarqué qu'il y a un déficit de 17 milliards de dollars dans l'état des routes au Canada. Envisagez-vous un programme d'infrastructure semblable à celui que l'on a eu en 1993- 1994, à savoir un programme d'infrastructure tripartite, ou envisagez-vous quelque chose qui soit exclusivement fédéral?
M. Richie Cotton: Je puis répondre aux deux questions. Pour ce qui est des routes, j'imagine qu'il y aurait un partage des frais entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Pour ce qui est du programme national d'infrastructure en 1993-1994, le partage des frais s'est fait entre les administrations fédérale, provinciales et municipales.
M. Roger Gallaway: J'ai une dernière question qui s'adresse au monsieur de la Chambre de commerce. On a beaucoup parlé ce matin d'un lobby organisé en vue de réductions d'impôts. Vous représentez le secteur des entreprises, essentiellement des PME, si je ne m'abuse. Que disent vos membres des réductions d'impôts par rapport aux programmes sociaux? Est-ce qu'ils souhaitent un équilibre entre les deux ou est-ce qu'ils préfèrent l'un plutôt que l'autre?
M. Michael Schmid: Nous avons effectivement sondé nos membres avant de préparer cet exposé. De façon générale, ils demandent que la priorité soit donnée au contrôle des dépenses. D'autre part, ils croient essentiellement que nous ne sommes pas prêts pour des réductions d'impôt parce que nous ne serons pas en mesure de parvenir à de réelles réductions d'impôt, des réductions d'impôt durables, tant que nous n'aurons pas diminué la dette au Canada.
M. Roger Gallaway: Bien. Donc, votre première priorité, serait de diminuer la dette.
M. Michael Schmid: C'est exact.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à M. Hill ainsi qu'à M. Webster. L'agriculture présente de nombreux aspects dans toutes les régions du pays. Certains pensent que cela n'intéresse que l'ouest du Canada mais je vous rappellerai que 20 p. 100 de toute la production alimentaire au Canada se fait dans le sud de l'Ontario. Il y a des gens qui ne le savaient pas. Je voulais simplement le signaler.
Le facteur qui m'intéresse c'est l'assurance-emploi et les cotisations. Je me demandais seulement quelle serait la différence pour moi qui fait de l'agriculture dans le sud de l'Ontario si je faisais de l'agriculture en Nouvelle-écosse, pour ce qui est des avantages. Nous ne trouvons plus de main-d'oeuvre locale depuis 20 ans. Nous avons des salaires supérieurs au salaire minimum. Aucun de mes employés ne travaille au salaire minimum. Tout le monde est payé plus mais nous ne réussissons pas à attirer de la main- d'oeuvre locale pour travailler en agriculture, probablement parce qu'il est plus rentable de travailler dans un autre secteur.
• 1620
Quand vous parlez de récoltes, si ce n'avait été de la main-
d'oeuvre étrangère, il n'y aurait pas eu d'horticulture en Ontario.
Pour les fraises, par exemple, on a abandonné. Ce n'est pas un
marché d'exportation; ce n'est qu'un marché local.
La même chose s'est produite dans d'autres régions du Canada ces 20 dernières années. Nous avions une forte production et la capacité de produire davantage mais du fait de la pénurie de main- d'oeuvre, nous n'avons pas eu de marché d'exportation, simplement le marché local. En fait, le seul marché qui nous reste en Ontario pour les fraises est celui des gens qui viennent les cueillir eux- mêmes. On pourrait produire des quantités énormes mais l'on n'a pas la main-d'oeuvre pour le faire.
Pensez-vous réellement que des incitatifs vous apporteraient des avantages? Nous voyons depuis tellement d'années que ce n'est plus possible. Sans la main-d'oeuvre étrangère, il n'y aurait pas d'horticulture.
M. Greg Webster: Je vais répondre. J'espère que vous ne considérerez pas mes observations de tout à l'heure comme une opposition à la main-d'oeuvre étrangère. Je comprends que s'il n'y avait pas eu de main-d'oeuvre étrangère, le Québec et l'Ontario n'auraient pas d'horticulture. Je suis bien d'accord avec vous.
À l'heure actuelle, en Nouvelle-Écosse, je crois qu'il y a peut-être 45 travailleurs étrangers dans le secteur légumier, comparé à environ 40 000 au Québec et en Ontario. Je sais que c'est essentiel à votre industrie.
Un des problèmes que nous avons dans les Maritimes, c'est que nous n'avons pas autant d'exploitations agricoles de grandes dimensions que vous—pas de possibilités d'économie d'échelle comme vous. Nous n'avons pas la masse critique pour partager les équipes de récoltes autant que vous, prolonger la saison et attirer quantité de travailleurs étrangers. Notre secteur légumier les emploie pendant six mois. Donc du début du printemps jusqu'à à peu près maintenant.
Pour beaucoup de fruits fragiles, notamment les fraises et les bleuets, et aussi pour la récolte des pommes, nous n'avons pas la masse critique pour envisager sérieusement de faire appel à la main-d'oeuvre étrangère. Il s'agit de savoir si nous allons survivre et si nous voulons devenir strictement des spécialistes de l'autocueillette, ce qui n'est pas le cas. Chez nous, nous offrons l'autocueillette, mais nous faisons aussi la récolte destinée à la transformation, à la vente de fruits frais et à l'exportation. Nous exportons aux États-Unis.
Nous voyons bien qu'à moins de pouvoir trouver de la main- d'oeuvre plus fiable pour faire la récolte, nous ne pourrons plus faire tout cela. Nous devrons dépendre du consommateur, qui devra venir cueillir lui-même ses fruits. Nous trouvons qu'il faudrait éliminer certains des incitatifs qui ont été créés par la Loi sur l'AE.
Cette loi était bien intentionnée, elle visait à combler des brèches, à prévenir la fraude, etc., mais elle va bien plus loin que cela. Il n'y a pas une seule personne dans la salle qui viendrait cueillir des fraises pour moi parce que l'argent gagné serait taxé en tenant compte du revenu antérieur. Personne ne va perdre son temps à travailler à genoux pour avoir mal au dos. C'est pourquoi nous trouvons qu'il faut un crédit d'impôt ou un avantage fiscal quelconque pour reconnaître que la main-d'oeuvre affectée aux récoltes travaille pendant de très courtes périodes, mais que son travail est critique.
M. Gary Pillitteri: En terminant, je voudrais un renseignement. La plupart des exploitations du sud de l'Ontario emploient des immigrants. J'en embauche encore moi-même, dont certains travaillent pour moi depuis 20 ans. Je paye plus que le salaire minimum. Personne chez moi n'est payé moins de 7 $ l'heure, et encore seulement dans le cas des travailleurs saisonniers. Mais même à cela, nous manquons encore de main-d'oeuvre. C'est devenu à ce point critique.
M. Greg Webster: C'est la même chose chez nous en Nouvelle- Écosse. Si l'on faisait un sondage des agriculteurs de Nouvelle- Écosse, on constaterait que nous ne sommes pas une industrie du salaire minimum. Le secteur des services paye des salaires minimum, pas nous. Mais même à cela, nous avons du mal à attirer de la main- d'oeuvre, parce que c'est trop saisonnier et court.
M. Peter Hill: Je pense que les problèmes de l'horticulture ne sont pas très différents entre l'Ontario et ici. Vous remarquerez que dans le mémoire de la Fédération, nous demandons aussi d'aider l'embauche de travailleurs étrangers, dans le cadre de tout train de mesures visant à aider l'industrie agricole.
Il y a quand même une petite différence, dans la mesure où dans une région où le chômage se situe à 11 p. 100, on éprouve l'obligation sociale de tenter de créer un système qui emploiera les chômeurs. Je pense que ces pressions sont plus grandes ici en Nouvelle-Écosse qu'en Ontario.
Par ailleurs, quand on a un grand marché comme celui de Toronto, on peut exploiter une ferme d'autocueillette de bonne taille et rentable. Beaucoup de nos cultivateurs ici doivent recourir à l'autocueillette, comme Greg l'a dit, mais nous devons aussi nous tourner vers l'exportation. Nous avons un énorme avantage dans l'agriculture de Nouvelle-Écosse à cause de notre proximité des États de la Nouvelle-Angleterre et nous devons exploiter ces avantages.
En fait, cela ne s'arrête pas à l'agriculture. Si vous voulez mettre en place des incitatifs pour faire travailler les gens, pour qu'ils décrochent de l'aide sociale et qu'ils n'utilisent pas l'assurance-emploi au maximum, alors il faut apporter des changements qui aideront l'ensemble de l'agriculture et toute la société. Voilà de quoi il s'agit.
M. Gary Pillitteri: Nous pourrions en discuter pendant longtemps. Il y a quelque temps, M. Harris, dans la province d'Ontario, voulait envoyer les assistés sociaux travailler aux champs. Je pense que c'était une insulte pour l'agriculture, pour la simple raison que nous avons une main-d'oeuvre très qualifiée. Ce n'est plus un métier inférieur. Nous utilisons de la technologie de pointe, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Par conséquent, on ne veut pas résoudre tous les maux en remplaçant l'un par l'autre. Ce n'est pas aussi simple, comme vous le savez bien.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri. Vous pourriez peut-être échanger vos cartes d'affaire un de ces jours.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier. Comme toujours, votre groupe nous a fourni une information très importante. Le défi pour nous, c'est que lorsqu'on compare les demandes à un éventuel surplus, on constate que celui-ci est très limité. C'est en gardant cet élément à l'esprit que nous abordons nos discussions. Mais cela étant dit, votre contribution est très précieuse et elle apporte une dimension nouvelle au débat. Encore une fois, merci.
Nous allons suspendre la séance pendant 10 à 12 minutes. Au retour, nous aborderons notre dernière session à Halifax. Nous allons entendre l'Association canadienne de la technologie de l'information, la Union of Nova Scotia Municipalities, la ville de Lunenburg, Horticulture Nova Scotia et l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance.
Le président: Je prononce la reprise de la séance et je souhaite la bienvenue à tous. Nous abordons la dernière session de la visite à Halifax du Comité permanent des finances, et le groupe que nous accueillons semble particulièrement prometteur.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous accueillons des représentants de l'Association canadienne de la technologie de l'information et la Union of Nova Scotia Municipalities. Nous avons aussi des personnes qui comparaissent à titre personnel, la ville de Lunenburg, Horticulture Nova Scotia et l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance. Je tiens à exprimer notre sincère gratitude à chacun d'entre vous pour votre participation à nos travaux, et nous avons hâte d'entendre vos commentaires.
Nous allons commencer par l'Association canadienne de la technologie de l'information. Nous accueillons M. André Gauthier, président du conseil d'administration, vice-président exécutif principal, Groupe LGS. Il est accompagné de M. Robert Crow, vice- président, politiques, et de Gary Blandford, directeur, président et directeur général de ITI Education Corp.
• 1640
Comme vous le savez sans doute, vous avez environ cinq minutes
pour faire votre exposé, après quoi nous passerons à une période de
questions et réponses.
Monsieur Gauthier.
M. André Gauthier (président du conseil d'administration de l'Association canadienne de la technologie de l'information et vice-président exécutif principal du Groupe LGS): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis le président de l'ACTI et, comme le président du comité l'a indiqué, j'occupe aussi un emploi à plein temps au sein du Groupe LGS de Montréal. LGS est une société que j'ai fondée avec deux collègues il y a 20 ans. Elle est devenue une des principales firmes de consultants en technologie de l'information au Canada, avec 2 200 employés et des bureaux dans 20 villes d'Amérique du Nord et d'Europe.
À mes côtés, M. Gary Blandford, un administrateur de l'ACTI, qui est fondateur, président et chef de la direction d'une autre réussite canadienne, ITI Education Corporation, installée ici même à Halifax, et qui a fait sa marque dans l'enseignement technologique supérieur privé en Amérique du Nord. Nous sommes accompagnés de notre vice-président aux politiques, Bob Crow.
Je voudrais commencer par une citation:
-
La technologie modifie tous les aspects de notre vie. Le savoir et
la créativité constituent désormais le moteur de la nouvelle
économie. Tous les Canadiens—chaque citoyen, chaque gouvernement,
chaque entreprise et chaque organisme communautaire—ont un rôle à
jouer pour assurer l'avenir du Canada. Nous bâtirons le XXIe siècle
ensemble.
L'ACTI aurait fort bien pu écrire ces lignes, mais cet extrait du discours du Trône traduit une vision du monde tout à fait conforme à la nôtre.
En une génération, l'industrie canadienne de la technologie de l'information est devenue un moteur de l'économie et celle qui croît le plus rapidement. Nous avons un demi-million d'employés et générons des revenus annuels de 100 milliards de dollars, dont 70 p. 100 proviennent de membres de l'ACTI.
Nous savons ce qu'il faut pour réussir, et que le Canada possède l'ingéniosité et l'infrastructure nécessaires. Mais certaines politiques entravent les objectifs énoncés avec tant d'éloquence dans le discours du Trône.
Mesdames et messieurs, il existe trois problèmes majeurs. D'abord, nous perdons nos travailleurs du savoir; ensuite, nous perdons nos entreprises; enfin, nous perdons les moyens d'exploiter notre extraordinaire potentiel d'innovation.
Les remous que suscite l'exode des cerveaux ont permis, heureusement, de passer de la négation complète du problème au printemps dernier à la reconnaissance, dans le discours du Trône, de son existence et de la nécessité de s'y attaquer.
Une conceptrice de logiciels débutante ayant moins de cinq ans d'expérience gagne environ 65 000 $ en technologie de l'information au Canada. Un salaire de début de carrière ou presque, qui est pénalisé par une surtaxe de 5 p. 100 de lutte contre le déficit, un déficit éliminé depuis deux ans déjà! Pourquoi fournir ainsi une arme à ceux qui veulent nous soutirer cette travailleuse? Pourquoi donner à nos créateurs de richesse une raison de partir? Il nous faut absolument supprimer cette surtaxe une fois pour toutes en l'an 2000.
L'économie du savoir est, en réalité, une économie de services. Or, nos entreprises de services sont les plus imposées au monde. Pourquoi les pénaliser ainsi? Pourquoi ne pas adopter des mesures pour attirer les entreprises du savoir, plutôt que de les rebuter par tous les moyens? Il faut mettre fin immédiatement au traitement fiscal discriminatoire réservé aux entreprises de services.
• 1645
Enfin, nous devons créer un climat propice à l'innovation.
Bravo pour la création de 1 200 chaires d'excellence en recherche,
mais soulignons respectueusement que les laboratoires
universitaires ne sont pas les seuls lieux d'innovation au pays. De
plus en plus, c'est dans le garage familial ou dans le sous-sol de
résidence qu'éclosent les entreprises d'innovation pour s'épanouir
ensuite dans des entrepôts transformés et des immeubles modernes.
Les entreprises innovatrices ont besoin de capitaux, et ils se font
de plus en plus rares au Canada. Certains de nos meilleurs et plus
brillants jeunes innovateurs n'essaient même pas. C'est ainsi
qu'émigrent vers les capitaux du Sud, principalement vers les
États-Unis, d'immenses réserves d'innovation et d'entreprise, et
les employés du savoir qui les accompagnent.
Qu'y a-t-il de commun entre Java, Microsoft Mail, AccPac et le bras canadien? Des innovations canadiennes qui créent de la richesse et des emplois de calibre mondial ailleurs que chez nous... Il nous faut immédiatement entreprendre une réforme de la fiscalité et des marchés financiers qui favorisera la formation de capital, la prise de risques et la création d'entreprises. Le programme que vous a présenté la Canadian E-business Opportunities Roundtable, à laquelle l'ACTI participe activement, est très intéressant à cet égard.
En conclusion, monsieur le président, permettez-moi de préciser que tout comme le premier ministre, nous souhaitons ardemment au Canada une position de premier plan dans la nouvelle économie de l'électronique. Nous faisons entièrement nôtre son objectif de conquérir une part de 5 p. 100 du commerce électronique mondial d'ici l'an 2003 et de réaliser ainsi 200 milliards de dollars de recettes. Mais pour réussir, il est essentiel de modifier la politique fiscale en conséquence.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Gauthier.
Nous passons maintenant à la Union of Nova Scotia Municipalities, représenté par son président Duart MacAulay. Soyez le bienvenu.
M. Duart MacAulay (président, union des municipalités de la Nouvelle-Écosse): Bonjour à tous, je m'appelle Duart MacAulay, je suis président de la Union of Nova Scotia Municipalities.
L'UNSM est le porte-parole des autorités municipales en Nouvelle-Écosse. Chacune des 55 municipalités de la province participe activement à ses travaux. L'UNSM a été créée au tournant du siècle, en 1905, par une loi de l'Assemblée législative provinciale. Elle a pour mandat de représenter les intérêts des autorités locales dans la province et de favoriser une administration municipale forte et efficace en Nouvelle-Écosse.
L'UNSM sollicite votre appui et invite le Comité permanent des finances à recommander l'établissement d'un partenariat entre le fédéral, les provinces et les municipalités pour satisfaire les besoins en infrastructure. L'UNSM est heureuse d'apporter sa contribution aux consultations du Comité sur le budget du millénaire.
Dans le discours du Trône, le gouvernement fédéral s'est engagé explicitement à négocier un nouveau programme national d'infrastructure qui sera lancé en 2001 à la faveur d'un accord entre le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités. Nous sommes heureux de cette référence et nous invitons instamment les trois paliers de gouvernement à passer à l'action.
Si chaque municipalité de la province de Nouvelle-Écosse pouvait assister à ces audiences, elle vous diraient toutes que l'état des infrastructures municipales taxe lourdement notre bien- être économique et notre qualité de vie. On vous a parlé tout à l'heure de la municipalité du comté de Richmond, qui elle aussi parlait du programme d'action. Nous sommes persuadés qu'il est temps d'agir.
Le programme précédent, l'accord initial sur l'infrastructure entre le Canada et la Nouvelle-Écosse a été signé en janvier 1994. Dans le cadre de cet accord, les gouvernements fédéral et provincial ont accepté de contribuer chacun 68,8 millions de dollars pour répondre aux besoins en travaux d'infrastructure communautaire prioritaires. La contribution des municipalités a été encore plus importante, avec 83,6 millions de dollars. Un accord prévoyant une expansion d'un an par rapport à la phase initiale du rapport a été signé en février 1997. Les gouvernements fédéral et provincial ont versé chacun une importante contribution supplémentaire de 14,2 millions de dollars et 13,8 millions de dollars respectivement. La contribution des municipalités de Nouvelle-Écosse a atteint 22,8 millions de dollars.
• 1650
Les fonds du projet ont été répartis à chacun des 18 comtés de
Nouvelle-Écosse en fonction du nombre d'habitants et du taux de
chômage. Au total, 486 projets communautaires ont été approuvés. La
plus grande partie des fonds, soit 70 p. 100 des contributions
initiales et 80 p. 100 de l'accord complémentaire de 1997, ont été
consacrés à des travaux d'aqueducs et d'égouts.
En plus de la satisfaction des besoins en infrastructure essentiels, le programme devait créer de l'emploi, et il en a créé. D'après la révision conjointe fédérale-provinciale du programme, les habitants de Nouvelle-Écosse ont bénéficié de la création de 45 000 emplois directs et indirects.
J'aimerais vous parler de quelques-uns des nombreux projets d'infrastructure qui ont été approuvés dans le cadre du programme. Dans Upper Nappan, qui fait partie du comté de Cumberland, les propriétaires de maison demandaient de l'eau potable. Depuis des années, ils s'approvisionnaient dans un marais. En 1995, cette source d'approvisionnement s'est polluée et les résidents ont été contraints d'aller chercher eux-mêmes leur eau potable. Aujourd'hui, grâce au programme d'infrastructure, on a pu consacrer 640 000 $ à la construction d'un aqueduc desservant ce secteur à partir du service des eaux de la ville d'Amherst.
Un projet semblable a été réalisé à Digby Cove, dans la municipalité de Clare, où les gouvernements fédéral et provincial ont versé 200 000 $ chacun pour financer la première phase d'un nouveau réseau d'égouts indispensable à la protection et à la préservation des ressources en eau potable de la nappe phréatique.
Un projet de haute technologie a été lancé dans le comté de Kings, où un nouveau système informatisé de répartition, le Centre de répartition du comté de Kings, a permis au service de pompiers bénévoles, de fournir une meilleure information et de réagir dans des délais plus rapide. Ce projet, qui devrait sauver des vies, a reçu un financement de 75 000 $.
L'UNSM approuve sans réserve le programme des infrastructure pour une meilleure qualité de vie de la Fédération canadienne des municipalités. La plupart des municipalités de Nouvelle-Écosse sont membres actifs de la Fédération et sont parfaitement conscients de la nécessité d'un nouveau programme d'infrastructure. Ce programme devrait comporter un investissement supplémentaire dans les domaines de l'environnement, des transports et de l'infrastructure sociale grâce à un partenariat national entre les autorités municipales, provinciales et fédérales. On obtiendrait ainsi un regain d'activité économique dans notre province. Grâce à cet investissement, le programme améliorerait la qualité de vie des habitants de Nouvelle-Écosse.
Les projets admissibles devraient comprendre les réseaux d'aqueducs et d'égouts, les systèmes de gestion des déchets solides, les travaux d'amélioration des bâtiments communautaires à des fins d'efficacité énergétique, la réparation et la modernisation des ponts et des réseaux routiers, le logement social, la préservation du patrimoine, l'équipement de loisirs et la revitalisation du centre-ville dans les petites localités.
Nous sommes heureux de voir que le gouvernement fédéral a proposé l'adoption d'un plan quinquennal d'infrastructure à la fin de l'année 2000. Ce plan mettra, semble-t-il, l'accent sur les collectivités rurales et urbaines et favorisera la participation du secteur privé. Pour les habitants de Nouvelle-Écosse, ces avantages seront semblables à ceux des projets réalisés dans le cadre du très efficace programme initial et de son complément de 1997. On a va ainsi favoriser le développement économique communautaire. L'amélioration des réseaux d'aqueducs et des moyens de transport va permettre des créations d'emploi dans les régions rurales, en particulier, aux grands besoins.
La Fédération canadienne des municipalités estime qu'il faudrait un investissement d'environ 13 milliards de dollars chaque année au cours des 10 prochaines années pour combler le déficit du Canada en infrastructure dans les secteurs de l'environnement, du développement social et des transports. Un tel investissement devrait permettre un rééquilibrage des budgets du fédéral et des provinces grâce à l'expansion de l'activité économique. Évidemment, cet investissement, par son ampleur, nécessitera une mise en oeuvre progressive. Les contributions respectives du gouvernement fédéral, des provinces et des municipalités seront de 3 milliards de dollars. Un premier versement de 500 millions de dollars à 1 milliard de dollars devrait apparaître dans le budget fédéral du millénaire. Il constituerait une annonce très positive pour les collectivités de la Nouvelle-Écosse.
Il faut un partenariat pour les travaux d'infrastructure. Les recettes fiscales municipales sont fondées sur la valeur des propriétés et nous savons que dans une municipalité où les propriétaires sont nombreux, ce ne sont pas nécessairement des contribuables à revenu élevé. On remarquera aussi que dans plusieurs régions de Nouvelle-Écosse, la valeur des propriétés a diminué, si bien que les municipalités ont plus de difficulté à résorber leur déficit en infrastructure.
Chaque niveau de gouvernement aura un rôle important à jouer dans tout futur programme d'infrastructure. Les autorités fédérales, provinciales et municipales devront en être des partenaires à part entière, tant en matière de financement qu'au niveau des prises de décisions.
À notre avis, le rôle du fédéral devrait être de définir les priorités nationales en matière d'investissement en infrastructure, d'assumer un tiers du coût du programme, d'établir des principes directeurs pour l'exécution du programme et de participer à l'adoption des critères et à la procédure d'approbation.
La province aura pour rôle de participer à la définition des critères et à la procédure d'approbation en fonction de ces priorités, d'administrer et de coordonner la mise en oeuvre du programme et d'assumer un tiers de son coût.
• 1655
Quant aux municipalités, elles auront pour rôle de participer
à l'adoption des critères et à la procédure d'approbation en
fonction de leurs priorités municipales, de proposer des projets
d'infrastructure et d'investissement admissibles, de planifier, de
financer, de coordonner et de mettre en oeuvre les projets
d'infrastructure et d'assumer un tiers du coût du programme.
En conclusion, nous affirmons qu'en Nouvelle-Écosse, le succès du programme initial d'infrastructure et de son prolongement de 1997 est évident d'après le nombre d'emplois créés—4 500—et l'accent mis presque exclusivement sur les infrastructures essentielles. Dans notre province, 57,7 p. 100 des fonds du programme ont été consacrés à des projets d'aqueducs et d'égouts. La demande a dépassé les ressources disponibles. Il y a eu 709 projets, représentant 645,6 millions de dollars demandés dans le cadre du programme initial. On a approuvé 339 demandes, pour un coût de 220,4 millions de dollars.
Il reste indiscutablement un besoin considérable d'infrastructure dans toute la province. Les taxes foncières municipales sont incapables de financer la plupart des projets d'infrastructure à grande échelle. L'ampleur du déficit en infrastructure exige un partenariat entre les autorités fédérales, provinciales et municipales. Il faut un engagement de financement à long terme de la part de tous les paliers de gouvernement, ainsi qu'un engagement concernant la procédure d'approbation des projets qui tienne compte des besoins des collectivités. Nous demandons instamment au comité de recommander au ministre fédéral des Finances, l'honorable Paul Martin, la création d'un programme d'infrastructure pour la qualité de vie dans le prochain budget fédéral.
Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de nous écouter. Je suis accompagné de la première vice-présidente de l'UNSM et maire adjoint Anna Allen et de son directeur général, qui répondront très volontiers à vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur MacAulay, et nous remercions également Mme Allen et M. Simpson.
Le prochain exposé sera celui de M. John D'Orsay. Soyez le bienvenu.
M. John D'Orsay (témoignage à titre personnel): Merci.
Je voudrais rapprocher mes commentaires du sujet du document sur le rapport de productivité que vous avez publié l'été dernier, ainsi que de l'avenir du régime d'imposition et de son incidence sur la productivité. J'ai été très heureux de prendre connaissance de ce rapport et de découvrir, peu avant la conclusion, vers la page 42, l'approche très diversifiée adoptée par le Comité des finances en matière de productivité, de voir qu'il avait l'appui de l'investissement privé et des secteurs de la machinerie et de l'équipement, de la R-D, de l'investissement public, des infrastructures et de l'éducation, ainsi que des investissements individuels en formation des ressources humaines.
Dans les notes de mon intervention, je voudrais aussi insister sur les questions d'accès aux capitaux pour les petites et moyennes entreprises, les entreprises nouvellement créées et les industries de savoir. À la réflexion, comme le savent les membres du comité et ceux du groupe de travail sur les industries financières, il s'agit là d'un problème de compétence provinciale, à savoir la réglementation des valeurs mobilières, qui fait obstacle aux investissements providentiels et à la circulation des capitaux privés. Parallèlement à cela, je signale que je travaille sur ce sujet au niveau provincial et que j'essaie de l'intégrer dans le programme d'intervention de la province pour essayer d'améliorer la situation.
Mais ma principale préoccupation est la répartition des ressources, l'incidence du régime fiscal sur la répartition des ressources et la façon de l'améliorer pour promouvoir la productivité et la croissance économique. J'ai déjà comparu devant ce comité, auquel j'ai recommandé d'adopter une approche stratégique pour examiner les programmes et les activités actuels et pour veiller à faire évoluer le régime fiscal vers de nouveaux secteurs, de façon à créer de nouvelles possibilités et à satisfaire les besoins.
Le deuxième élément de cette démarche ne consiste pas simplement à ajouter en permanence de nouveaux secteurs, car il faut au contraire abandonner les plus anciens. Contrairement à M. Hill, lorsque j'ai pris connaissance des trois références préconisant l'appui aux industries traditionnelles dans notre document préparatoire, j'ai été très préoccupé. Il y en avait trop. Je m'inquiète de voir que l'on continue à gaspiller de l'argent en subventions qui ont pour effet de paralyser notre économie. À ce sujet, je suis heureux de reconnaître ici le point de vue de M. Pillitteri. De toute évidence, l'agriculture devrait envisager de nouvelles activités pour diversifier sa production, au lieu de réclamer sans cesse de nouvelles subventions.
• 1700
En abordant la question de la structure fiscale, je voudrais
parler de capitaux financiers et de capitaux humains et demander
que les deux soient traités de façon équitable. Il ne faut pas
penser uniquement au revenu d'investissement et au revenu de la
main-d'oeuvre, à la façon de les imposer et à la nécessité de
promouvoir l'investissement. Le revenu de la main-d'oeuvre est en
fait un revenu sur le capital humain. Le rendement qu'on obtient
sur l'investissement en capital humain correspond au revenu de la
main-d'oeuvre.
Il faut donc considérer l'imposition et ses conséquences sur les décisions d'investissement dans le capital humain. Les charges sociales ont un effet considérable à cet égard. Dans mes autres interventions sur ce sujet, j'ai mis l'accent sur leur effet dissuasif en matière de création d'emplois, mais je constate qu'elles ne font pas obstacle à la création d'emplois en haut de l'échelle; elles nuisent aux emplois à revenu moyen. Peut-être cherche-t-on à avoir un effet dissuasif auprès de ceux qui recherchent des emplois à revenu moyen.
Je me préoccupe sérieusement de notre déficit en capital humain, notamment par rapport à la situation qui prévaut aux États—- Unis, on sait que chez nos voisins, 28,5 p. 100 de la population active de 25 à 64 ans est formée de diplômés universitaires. Au Canada, c'est 19,5 p. 100. Compte tenu de la différence de revenu entre le diplômé universitaire et celui qui n'a fait que des études secondaires, imaginer l'écart entre les revenus individuels au Canada et aux États-Unis si les Américains ne dépassaient pas le niveau d'éducation des Canadiens.
On pourrait continuer avec les autres niveaux d'études. En Nouvelle-Écosse, dont il est question dans le rapport sur la productivité, on trouve deux fois plus de personnes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires qu'aux États-Unis. L'investissement en éducation est donc un élément essentiel du programme d'amélioration de la productivité.
Dans ce contexte, j'accueille très favorablement les mesures prises récemment dans le domaine de l'enseignement, notamment l'augmentation des crédits fiscaux pour frais de scolarité, les prêts aux étudiants et particulièrement les crédits d'impôt sur l'intérêt afférent aux prêts aux étudiants.
Je dois dire que lorsque j'ai comparu devant ce comité il y a cinq ans, j'ai proposé une mesure de ce genre, en faisant simplement valoir la nécessité de l'investissement dans le développement du capital humain. Ceux qui empruntent de l'argent pour investir dans le capital humain doivent obtenir les mêmes avantages fiscaux que ceux qui investissent pour obtenir un rendement financier. Celui qui emprunte de l'argent pour investir en vue d'obtenir un rendement financier devrait obtenir le même traitement fiscal puisqu'il paie de l'intérêt afférent à son investissement. Je ne sais pas si je suis le seul au monde à faire une telle proposition, mais lorsque je l'ai faite, je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit mise en oeuvre. Je suis très heureux de voir qu'elle l'a été.
À partir de mon expérience, j'ai formulé une proposition essentielle que je vous soumets. Elle porte sur les problèmes de productivité; de façon générale, les Canadiens ont moins facilement accès à l'enseignement pour adultes qui, au Canada, est inférieur à ce que l'on trouve à l'étranger. Cette situation se répercute sur notre productivité. À cela s'ajoute les surplus du programme d'assurance-emploi, auquel nous consacrons de 12 à 13 milliards de dollars par an, ce qui donne un total de 19 à 20 milliards de dollars.
Je ne suis pas de ceux qui préconisent une réduction des versements de l'assurance-emploi. Je voudrais qu'on élargisse ce programme pour créer un programme de développement des ressources humaines de façon à répondre aux besoins du Canada dans ce domaine.
Nous avons besoin d'un système de soutien pour ceux qui prennent des congés d'études, qui quittent le monde du travail pour parfaire leur niveau d'éducation. Ce système devrait être financé par un programme actif relevant de l'assurance-emploi et financé par les employés et les employeurs, car les uns et les autres ont intérêt à promouvoir le succès grâce aux études.
Je sais que la plupart des bénéficiaires de l'assurance- emploi, dont je fais actuellement partie moi-même, n'ont pas quitté leur emploi volontairement, mais on pourrait envisager un programme de congés parentaux qui serait différent de l'assurance-emploi et qui inciterait les gens à assumer leurs responsabilités parentales avec l'aide du programme d'assurance-emploi, au même titre que les personnes qui reprennent leurs études.
• 1705
Naturellement, il est possible d'assortir un tel programme de
conditions précises, comme l'exigence d'une période de cinq ans
sans demande de prestation d'assurance-emploi avant d'avoir le
droit de prendre un congé pour améliorer son niveau d'études. On
répondrait ainsi aux besoins en éducation et en perfectionnement
des employés.
Je voudrais aussi aborder des sujets de moindre importance—peut-être pas de moindre importance, mais enfin... Comme vous l'a déjà demandé le groupe précédent, je pense qu'on va encore vous demander d'augmenter le minimum du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Encore une fois, j'invite instamment le gouvernement à concevoir ce programme de façon à y inclure des mesures incitatives et des effets multiplicateurs pour faire en sorte que les provinces utilisent cet argent pour atteindre des objectifs précis en santé et en éducation, et non pas à faire du saupoudrage dans ces domaines; il s'agit d'améliorer véritablement l'éducation et la santé.
De la même façon, j'estime que si les programmes de péréquation visent à faire en sorte que toutes les provinces aient accès à des niveaux de service comparables, il me semble logique que dans le contexte d'une volonté générale d'éliminer les subventions publiques directes aux entreprises, il faudrait imposer des pénalités dans le cadre des programmes de péréquation aux provinces qui se livrent à une guerre de subventions contre les autres provinces. Il est un fait que ces guerres pour attirer l'emploi sont menées avec l'argent des contribuables par l'intermédiaire de la péréquation, qu'il s'agit d'un gaspillage qui en définitive, ne donne aucun résultat concret.
La Nouvelle-Écosse ne se plaint pas des emplois qu'elle perd au profit de l'Alberta, mais nous déplorons de nous trouver en guerre contre le Manitoba ou le Nouveau-Brunswick dans les appels d'offre portant sur la création d'entreprises. Toutes les provinces reçoivent des paiements de péréquation, et cette guerre est tout à fait inutile.
Un troisième sujet important, dans le contexte de la réforme fiscale, est le retour à certains programmes qui répondaient aux besoins du Canada dans un secteur différent—par exemple, dans une économie de ressources, les allocations pour épuisement des ressources, et les besoins financiers qui existaient il y a 25 ans et qui ont disparu avec le foisonnement des fonds mutuels. C'est ce qui a amené le crédit d'impôt pour dividendes, les besoins en capitaux axés sur des biens matériels et les mesures incitatives visant à accélérer l'amortissement autorisé. À mon avis, il faudrait réviser et éliminer ces mesures.
À mon avis, on pourrait ainsi financer une partie importante de la réduction du taux d'imposition de 28 p. 100 des entreprises, pour ramener le taux d'imposition des entreprises de connaissance et des entreprises de service, qui créent beaucoup d'emplois, au même niveau que les entreprises manufacturières et de transformation. Il est essentiel de traiter sur un pied d'égalité ces différentes sources de création d'emplois.
De même, en procédant à une réforme de la fiscalité, il faut considérer certaines des choses qu'on a déjà faites. Par exemple, on a déjà pris l'exemption en fonction de l'âge et créé une disposition de récupération en fonction du revenu. Pourquoi ne reconnaissez-vous pas qu'il n'y a pas de raison d'avoir un incitatif fiscal fondé sur...? Qu'essayez-vous de faire? Encouragez les gens à vieillir, on ne peut pas faire ça avec un régime fiscal. Mais l'on peut répondre aux besoins économiques des gens et redistribuer l'argent de manière appropriée, avec un programme ciblé en fonction du niveau de revenu. En faisant cela, en plus, on uniformise les règles du jeu pour le développement du capital humain.
Encore une fois, une chose qui me préoccupe toujours en ce domaine, c'est l'élimination du crédit d'impôt pour dividendes, puisqu'il encourage l'investissement en capital financier plutôt que l'investissement en capital humain.
Et enfin, une question qui relève plus de la spéculation et exige davantage de recherche: la conception du crédit d'impôt pour la recherche scientifique. Il est concentré sur les dépenses qui sont faites sur les intrants, dans le cadre d'un processus d'innovation. Serait-il possible de le réorienter pour l'axer sur le produit de ce processus, pour se concentrer sur le revenu découlant des brevets et des droits d'auteur? Une partie de ce revenu pourrait peut-être être exempte d'impôt?
• 1710
Je sais qu'il y a un programme du genre en Irlande. Je n'ai
pas eu l'occasion de faire des comparaisons avec le programme
irlandais d'exemption d'impôt pour les redevances. Je sais qu'il y
a un tel programme pour les droits d'auteur, et l'incidence qu'il
a eu sur leur secteur de la conception de logiciels. C'est
peut-être quelque chose qui fonctionne mieux pour les industries
axées sur les connaissances que le genre de programme que nous
avons maintenant. On devrait peut-être envisager de suivre ce
modèle.
Voilà en gros ce que j'avais à dire, merci.
Le président: Merci.
Nous écouterons maintenant Margie Vigneault, la représentante pour la Nouvelle-écosse de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, puis Carla Bryden, membre des travailleurs canadiens de l'auto et vice-présidente générale de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse. Bienvenues.
Mme Margie Vigneault (Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance): Merci.
En tant que représentante pour la Nouvelle-Écosse de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, je suis ravie de cette occasion de témoigner aujourd'hui devant le comité pour dire que les enfants doivent être notre priorité, à l'aube du nouveau millénaire. Les enfants ne peuvent plus attendre.
Il y a longtemps qu'on devrait avoir une stratégie nationale de garderies pour les enfants et les familles. Notre association estime que cette stratégie doit comprendre, en priorité, dans les collectivités canadiennes, des services de développement de la petite enfance qui soient de grande qualité, à un coût abordable, des garderies, de bons services d'éducation de la petite enfance et de bons programmes d'éducation parentale. Cette stratégie nécessite bien entendu l'argent du fédéral et des services mis sur pied par les provinces et les territoires.
Notre organisation recommande au gouvernement fédéral de s'engager à offrir un fonds pluriannuel pour financer les services d'éducation à la petite enfance, à raison de 2 milliards de dollars pour la première année, destiné à aider les provinces et les territoires à mettre au point ou à élargir les programmes de services de grande qualité pour la petite enfance, partout au Canada.
J'ai préparé une liste de points saillants au sujet des enfants. En priorité, les parents et les personnes qui travaillent dans les services de garde doivent bien prendre soin des enfants et leur offrir de bons services éducatifs, parce que c'est ce qu'il convient de faire. Nous avons maintenant l'occasion de le faire, au Canada. Mais comme nous dépensons les deniers publics, il faut donner des raisons supplémentaires, ce que je m'apprête à faire.
Chaque dollar investi dans des services de garde pour enfants de haute qualité représente un avantage de deux dollars pour les enfants, les famille et les collectivités canadiennes. Parmi les avantages pour la société, citons une participation accrue à la main-d'oeuvre, des recettes fiscales plus élevées et une réduction des dépenses sociales.
Dans le domaine de l'éducation, M. Fraser Mustard a fait des recherches impressionnantes sur le développement du cerveau chez les jeunes enfants. Ces conclusions établissent un lien entre le développement du cerveau pendant l'enfance et la capacité d'apprendre la vie durant, et montre que cette évolution commence à la conception et se poursuit jusqu'à l'âge de trois ans. On sait aussi depuis nombre d'années que les enfants acquièrent des aptitudes sociales, émotives et cognitives avant l'âge de sept ans. Ces faits soulignent l'importance d'offrir des services de garderie de qualité et des programmes d'apprentissage précoce pendant ces premières années autant que plus tard dans la vie. Il faut offrir de tels programmes aux enfants du Canada. Il ne suffit pas d'offrir ces programmes aux familles à faible revenu.
Ensuite, les services de garderies abordables et de belle qualité sont le fondement d'une stratégie visant à mettre fin au cycle de la pauvreté. Les garderies permettent aux parents à faibles revenus d'accéder à l'éducation et aux compétences nécessaires pour ramener plus d'argent à la maison. L'exemple des parents qui étudient et ont un emploi, constitue pour les enfants un modèle de rôle qui les encourage à poursuivre leur propre éducation et à développer leurs compétences. Les garderies de qualité sont aussi une abondante source d'apprentissage pour les enfants.
L'aide financière à court terme pour couvrir les frais de garderies, qui est liée à un programme de formation à un emploi, n'est pas suffisante pour permettre à un parent d'atteindre son objectif ultime qui est d'avoir un emploi et de ramener plus d'argent à la maison. Seuls des services de garderies abordables, de qualité et à long terme peuvent apporter le soutien nécessaire.
• 1715
Des services de garderies abordables et de qualité sont aussi
un élément essentiel de la stratégie de développement économique du
Canada—j'ai écouté les intervenants précédents—car les gens ont
besoin de placer leurs enfants en garderie pour pouvoir suivre les
programmes de formation. Ils ont besoin des garderies pour pouvoir
exercer beaucoup des emplois qu'on crée au Canada.
Les parents qui restent à la maison ont eux aussi besoin de services pour les enfants. Il s'agit notamment de haltes-garderies, de programmes préscolaires pour les parents, de programmes préscolaires à temps partiel, de programmes d'aide aux parents, et de bibliothèques de prêts d'ouvrages de ressources.
Il faut ensuite préciser qu'une déduction d'impôt ne remplace pas une stratégie nationale de garderies. À titre d'exemple, même une déduction de 2 000 $ par an pour une famille ne suffirait pas à payer les frais de garderies et ne constituerait pas le facteur déterminant dans le choix du parent d'aller travailler ou de rester à la maison avec les jeunes enfants.
Je dis cela à propos des garderies, mais cette remarque s'applique aussi au coût de l'éducation et des services médicaux.
Le coût des services de garderies de qualité dissuade souvent les familles qui doivent assumer la totalité de ces frais d'avoir d'autres enfants. Les garderies non réglementées sont une autre option possible pour de nombreuses familles canadiennes, mais il faut se souvenir à leur propos d'un certain nombre de choses.
Premièrement, les garderies non réglementées sont souvent excessivement chères. Je le dis parce que les gens ont quelquefois l'impression que c'est une solution facile parce que ces garderies ne vont pas coûter cher, alors qu'en réalité de nombreux parents n'ont pas les moyens de se payer ces garderies. Ce qui est préoccupant aussi, c'est que des choses aussi importantes que la santé, la nutrition, la sécurité incendie, les premiers éléments d'apprentissage, les pratiques de discipline positive, les notions de premiers soins, la sécurité générale et la qualité de la personne qui encadre les enfants ne sont pas publiquement contrôlés dans le cas des garderies non réglementées.
Nous avons aussi tous entendu parler de la personne idéale que des familles ont souvent la chance de rencontrer, mais même cette personne idéale pour s'occuper des enfants risque un jour de ne pas pouvoir continuer. Dans un tel cas, les parents qui travaillent ou font des études doivent tout d'un coup se mettre à chercher frénétiquement un service de garderies approprié. Les enfants souffrent souvent de cette instabilité, et parfois cette situation oblige les parents à renoncer à un emploi ou à des études.
Les garderies non réglementées seront toujours une option possible pour les familles, mais il ne faut pas les considérer comme une solution au problème que constitue la nécessité de mettre en place des services complets de garde d'enfants au Canada.
Les Canadiens qui travaillent dans des garderies ou comme éducateurs d'enfants d'âge préscolaire ont toujours subventionné nos programmes de garderies car ils sont sous-payés et n'ont pas de prestations d'emploi adéquates. C'est injuste.
En conclusion, je dirais que les Canadiens ont promis d'offrir de meilleurs services de garderies à leurs enfants et à leurs familles, et que les enfants ne peuvent pas attendre. Finies les belles paroles, il est temps de passer à l'action.
Je vous remercie beaucoup.
Carla a plusieurs autres choses à ajouter au sujet des garderies.
Mme Carla Bryden (membre du Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile, vice-présidente générale de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse): Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné la parole en tant que membre du Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile, vice-présidente générale de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse, représentante des membres du TCA dans notre province et, tout particulièrement, en tant que mère travaillant dans la province de la Nouvelle-Écosse et farouchement acquise à la cause d'un programme national de garderies d'enfants.
Je suis venue ici vous demander votre appui sans réserve à un programme national de garderies, un programme que nous espérons voir figurer concrètement dans le prochain budget fédéral. J'aimerais utiliser mon temps de parole à vous expliquer pourquoi je suis entièrement engagée dans la campagne des TCA pour un programme national de garderies d'enfants.
J'ai commencé à croire que ce rêve pourrait se réaliser en 1997, à l'époque où le Québec a pris l'initiative de mettre en place une nouvelle politique qui comportait des améliorations considérables aux dispositions de congé de maternité et de paternité: 75 p. 100 des gains antérieurs maintenus pendant une année complète, des centres de garderie offrant toute une gamme de soutien aux parents, notamment des services souples pour les enfants de la naissance à quatre ans moyennant un coût de 5 $ par jour seulement pour les parents; et des services de garderie avant et après l'école pour les enfants de cinq à douze ans. Je me suis dit que si les Canadiens du Québec pouvaient bénéficier de tels avantages, il n'y avait pas raison d'en priver les autres Canadiens.
• 1720
Nous devons mettre en place ce programme immédiatement pour
plusieurs raisons. Premièrement, il y a eu les promesses. Le
gouvernement fédéral libéral a promis de créer 150 000 nouvelles
places de garderies au Canada lors de sa campagne électorale de
1993. Elles ne se sont toujours pas matérialisées.
Nous avons l'argent. Le gouvernement fédéral dispose actuellement d'un excédent annuel d'environ 5 milliards de dollars. Autrement dit, le gouvernement fédéral gagne chaque année 5 milliards de dollars de plus qu'il n'en dépense. Le coût d'un programme d'éducation des jeunes enfants pour la première année représenterait moins de la moitié de cet excédent fédéral.
Les économistes prévoient que cet excédent fédéral va passer à environ 20 milliards de dollars par an au cours des cinq prochaines années. Même si nous mettions en place un programme d'éducation des jeunes enfants complet, dont le coût annuel total serait environ de 5 à 6 milliards de dollars, nous n'utiliserions que le quart de l'excédent fédéral prévu à long terme.
Il y a aussi une nécessité. Plus de 60 p. 100 des femmes qui ont des enfants de moins de six ans travaillent, et pourtant moins de 9 p. 100 seulement des enfants qui ont besoin d'être placés en garderie ont effectivement accès à des places en garderies réglementées. En fait, nous sommes confrontés à une véritable crise des garderies au Canada. Nous avons l'un des pires régimes de soutien à l'éducation des jeunes enfants du monde industrialisé.
Il existe de nombreux modèles possibles. Il y a naturellement le modèle du Québec que je viens de mentionner. Cette province a déjà créé 82 000 nouvelles places de garderie et 11 000 nouveaux emplois de gardiennes corrects et bien payés. En fait, depuis sa mise en place il y a deux ans, ce programme est devenu le programme social le plus populaire de la province. Imaginez, c'est un programme encore plus important aux yeux des Québécois que l'assurance-maladie.
En France, en Espagne et en Italie, les garderies sont intégrées au système scolaire, un système qui couvre pratiquement tous les enfants. Bien que ces garderies ne soient pas obligatoires, 95 p. 100 des enfants de trois ans et plus y vont. De même, dans les pays scandinaves, les garderies font partie de la politique du marché du travail. Ces pays mettent l'accent sur des congés de maternité parentaux pouvant aller jusqu'à trois ans et sur un vaste réseau de services de garderie qui couvre pratiquement tous les enfants de la naissance à l'âge de six ans.
Il y a une pléthore d'études. Toutes les études et les recherches démontrent que les garderies de qualité contribuent au développement dans la petite enfance. Les preuves qui s'accumulent montrent de plus en plus que l'expérience prénatale et au cours de la toute petite enfance a des retombées profondes sur la santé ultérieure de l'enfant et sa réussite intellectuelle, sociale, affective et économique.
Entre la naissance et l'âge de six ans, l'enfant acquiert les compétences linguistiques et intellectuelles nécessaires pour apprendre à lire et à compter. Les enfants qui arrivent à l'école élémentaire armés de ces compétences ou en sachant presque lire peuvent profiter pleinement de l'enseignement qui leur est offert. Les autres risquent d'avoir des difficultés scolaires, d'abandonner leurs études avant la fin du secondaire ou d'avoir des comportements antisociaux et de s'adonner à des activités criminelles. Les enfants qui n'ont pas acquis les compétences de base au moment où ils entrent à l'école élémentaire sont aussi ceux chez qui on enregistre plus tard un taux plus élevé de grossesses à l'adolescence, et qui risquent plus que les autres de développer une accoutumance au tabac, à l'alcool ou à d'autres formes de toxicomanie.
Il y a un appui public croissant. En fait, 75 p. 100 des Canadiens estiment que le gouvernement devrait offrir un programme national de garderies financé à la fois par les recettes du gouvernement et les cotisations des parents. C'est ce qu'ont montré les recherches effectuées en 1998 par Ekos Research and Environics et les études effectuées en 1993 et 1996 par Insight.
Les services de garderie et d'aide aux parents qui travaillent sont devenus des éléments clés des négociations du Syndicat des travailleurs et travailleuses de l'automobile. Dans de nombreux endroits, nous avons échangé des congés payés contre des congés parentaux et de maternité.
• 1725
En 1987, nous avons négocié avec General Motors, Ford et
Chrysler une formule de financement des garderies. En 1989, nous
avons ouvert le centre de garderies du syndicat à Windsor, et en
1997, nous en avons ouvert un autre à Oshawa. Nous avons créé un
modèle exemplaire qui comprend des dispositions pour les personnes
qui travaillent par poste. Naturellement, tout récemment, nous
avons négocié avec Ford et Chrysler une subvention annuelle pour la
garde d'enfants d'un montant de 2 000 $ par enfant, que les membres
de notre syndicat peuvent utiliser pour réduire leurs frais
quotidiens de garderies dans des centres homologués, d'un montant
allant jusqu'à 10 $.
Nous sommes très fiers de ce que nous avons fait dans le domaine de la garde d'enfants; nous savons cependant que nous ne parvenons pas à obtenir suffisamment de services de garderies pour tous nos membres. En outre, nous estimons que les services de garderies ne devraient pas être liés à l'employeur. Notre syndicat estime que ces services doivent être un droit pour tous les enfants. Il faut que les gouvernements fédéral et provinciaux prennent l'initiative de mettre en place un programme complet répondant aux besoins de tous les enfants du Canada.
Enfin, nous demandons à votre comité—et je le demande aussi en tant que mère exerçant un travail—d'appuyer la mise en oeuvre d'un programme national de garderies et de se prononcer publiquement sur cette question cruciale.
Merci de m'avoir consacré votre temps.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à nos questions et réponses, en commençant par M. Lunn.
M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président. J'ai simplement une ou deux questions à poser à M. D'Orsay et à M. Gauthier.
Je vais vous présenter deux écoles de pensée, et j'aimerais avoir votre réaction. Je viens de Colombie-Britannique, où je passe l'essentiel de mon temps. Je pense que quelquefois je dois donner l'impression de radoter, mais quand je voyage à travers le Canada, j'entends constamment parler de la «fuite des cerveaux». Je crois que nous sommes au bord de la crise. Statistiquement parlant, certains diront que non. Néanmoins, dans le domaine de l'informatique, de la santé et du génie, on offre au sud du Canada des postes à nos cerveaux les plus brillants, à notre élite de demain, aux entrepreneurs, aux gens qui vont être les PDG, qui vont créer des emplois dans 15 ou 20 ans, et nous perdons beaucoup de ces gens-là. C'est une tendance qui ne fait que s'aggraver. J'en entends constamment parler à mon bureau.
J'aimerais savoir comment à votre avis nous pouvons inverser cette tendance. Je crois que c'est une véritable crise, et que si nous ne faisons pas quelque chose rapidement, cela risque à la longue... Les répercussions ne se feront sentir que dans 10 ou 15 ans. Voilà pour la première école de pensée.
Voici maintenant autre chose. Quelqu'un est venu discuter avec moi pendant la fin de semaine. Il m'a dit qu'il était très difficile de trouver au Canada quelqu'un pour soutenir que les gouvernements doivent avoir des déficits. La plupart des gens estiment que le gouvernement ne doit pas dépenser plus d'argent qu'il n'en encaisse. Évidemment, ce n'est pas le cas actuellement. Mais mon interlocuteur ajoutait que les gouvernements ne devaient pas non plus avoir d'excédents. En discutant, j'ai trouvé que c'était très logique. Nous avons tous un plan de gestion de notre dette, qu'il s'agisse de payer notre maison ou notre entreprise ou autre chose. Nous réfléchissons tous à la façon dont nous voulons nous débarrasser de notre dette.
Notre budget fédéral représente environ 140 milliards de dollars. Si nous pensons qu'il faut rembourser 10 milliards sur notre dette, il faut le prévoir dans le budget et percevoir 150 milliards de dollars de taxes et d'impôts. Autrement dit, il faut inclure notre plan de gestion de la dette dans notre budget, pour déterminer le montant de nos rentrées fiscales. Comme nous l'a dit le ministre lui-même, cet «excédent»—que j'appelle un excédent fiscal—va atteindre un montant cumulatif de 100 milliards de dollars d'ici cinq ans. Des choses comme les programmes de garderies, si elles font partie de la vision que nous avons de l'avenir de notre pays, doivent être incluses dans le budget, et le gouvernement ne devrait pas avoir d'excédent. Évidemment, on peut avoir des réserves pour imprévus, mais tout de même pas de 100 milliards de dollars sur cinq ans.
J'aimerais avoir votre opinion sur ces deux questions, la fuite des cerveaux et l'idée que le gouvernement ne devrait pas engranger un excédent.
M. André Gauthier: Peut-être pourrais-je commencer si M. D'Orsay m'y autorise.
M. Gary Lunn: Merci.
M. André Gauthier: Vous avez raison, nous aussi, nous disons que cet excédent n'est pas un excédent de recettes, mais un excédent d'impôts. Il faudrait en reverser l'essentiel aux contribuables.
Je vais maintenant demander à Robert de développer cette pensée.
M. Robert Crow (vice-président, Politique, Association canadienne de la technologie de l'information): Pour revenir à votre première question, monsieur Lunn, il est clair que nous manquons de travailleurs dans notre industrie. Les faits sont clairement établis, et le ministère du Développement des ressources humaines poursuit les études pour nous aider à cerner le problème. Nous savons que nous perdons de 10 000 à 30 000 personnes par an qui partent vers les États-Unis. Beaucoup ont des visas temporaires, mais la tendance s'aggrave.
• 1730
Dans un instant, je demanderai à Gary de vous dire ce que son
entreprise fait pour contrer cela. En définitive, toutefois, quand
on manque de quelque chose, il faut en créer plus, il faut en
perdre moins et il faut utiliser plus efficacement ce dont on
dispose. C'est ce que nous essayons de faire.
Je vais vous parler de perdre moins de nos ressources. Nous avons parlé ici de certains aspects de notre fiscalité qui incitent les gens à partir. Nous exposons dans notre mémoire d'autres propositions pour amener ces personnes à rester au Canada. Il s'agit d'uniformiser les règles, si vous voulez, ou, ce qui est plus nouveau, de les faire même pencher en faveur du Canada dans certains cas.
M. Gary Lunn: C'est une superbe idée nouvelle.
M. Robert Crow: Ce serait une idée très nouvelle.
Nous faisons très bien ce que nous faisons. Gary Blandford s'occupe d'accroître le nombre de travailleurs autonomes qualifiés disponibles. Mais quand nous discutions ce matin pour nous préparer à cette comparution—et il vous en parlera plus longuement—nous nous disions que même dans le cas des programmes remarquables comme ceux que nous avons dans notre industrie, nous voyons de nombreux jeunes Canadiens s'expatrier pour profiter des offres qu'on leur fait aux États-Unis. En fin de compte, ce qu'il faut faire pour ces personnes qui quittent le Canada...
M. Paul Szabo: Parce qu'ils ont un meilleur salaire ou qu'ils paient moins d'impôt?
M. Robert Crow: Parce qu'ils ont un meilleur salaire, moins d'impôt et de meilleures occasions. Bien que les salaires en haut de l'échelle que nous offrons au Canada soient compétitifs, et nous avons publié les chiffres cet été...
M. Gary Lunn: Vous parlez des traitements nets.
M. Robert Crow: Non, du traitement avant impôts, compte tenu du coût de la vie. La situation de nos meilleurs éléments est excellente. Mais je crois que l'essentiel, c'est de pouvoir offrir quelque chose à ces personnes pour qu'elles reviennent, leur proposer un cadre correct pour qu'elles se rendent compte qu'elles ont ici des possibilités valables.
Gary, je pense que votre expérience dans le domaine est importante.
M. Gary Blandford (directeur, Association canadienne de la technologie de l'information): Nous faisons plusieurs choses.
Nous nous sommes rendu compte il y a de nombreuses années que beaucoup de nos camarades de classe acceptaient des emplois aux États-Unis parce qu'on n'offrait plus comme autrefois au Canada des emplois aux diplômés universitaires immédiatement après la fin de leurs études. Notre institut a formé jusqu'ici environ 3 000 diplômés répartis dans tout le Canada. Nous acceptons le dollar canadien à parité avec le dollar américain. Les frais d'inscription dans nos écoles aux États-Unis sont de 25 000 $ pour une année scolaire de neuf mois. Les frais d'inscription que nous demandons au Canada sont aussi de 25 000 $. À l'heure actuelle, environ 40 p. 100 de nos diplômés s'installent aux États-Unis pour diverses raisons. Bon nombre d'entre eux comptent revenir au Canada après avoir acquis quatre ou cinq années d'expérience, ce qui, pensent- ils, devrait les rendre plus intéressants pour les employeurs canadiens qui n'ont peut-être pas autant besoin d'employés que certaines sociétés américaines.
Je crois aussi que la situation nuit au milieu scolaire et aux citoyens canadiens dans la mesure où les étudiants qui s'inscrivent à l'ITI s'inscrivent à un établissement d'enseignement privé. Nos étudiants obtiennent des prêts qu'ils remboursent par la suite. Très peu d'étudiants de notre école n'honorent pas leurs prêts et c'est parce que la formation que nous dispensons répond aux besoins actuels du marché ainsi qu'à ceux d'une économie qui connaît un fort taux de croissance. L'exode des cerveaux constitue cependant un phénomène important dans les universités canadiennes, en particulier dans les universités de haut calibre qui forment des ingénieurs. Il en résulte que l'argent des contribuables canadiens sert à subventionner le système d'enseignement aux États-Unis. À mon avis, il y aurait lieu que le gouvernement envisage...
Nous avons créé une école au Nouveau-Brunswick il y un certain nombre d'années non parce que la population du Nouveau-Brunswick le justifiait, mais parce que Frank McKenna avait offert de subventionner les études de ceux qui s'inscriraient chez nous. Tous les diplômés acceptant un emploi à l'extérieur du Nouveau-Brunswick étaient tenus de rembourser cette subvention. On peut dire que les contribuables assument une part du coût réel de la formation des ingénieurs qui proviennent des meilleures écoles d'ingénieur au Canada comme celle de Waterloo. Si certains de ces diplômés acceptent de travailler à Richmond pour Microsoft, nous devrions songer à la façon dont nous pourrions récupérer l'investissement dans leur formation comme l'on fait les provinces pendant de nombreuses années dans le cas des diplômés médicaux. Ces diplômés étaient tenus de pratiquer la médecine pendant cinq ans dans la province ayant financé leur formation avant de pouvoir s'installer dans une autre province comme la Colombie-Britannique, par exemple.
• 1735
Si nous voulons financer ces produits, il y a de nombreuses
façons de nous assurer que les diplômés resteront ici et qu'ils
rembourseront l'argent qui a été investi dans leur formation. Si
les entreprises de certains secteurs veulent vraiment ce genre de
diplômés, ils seront prêts à rembourser leurs frais de scolarité.
Ils le font d'ailleurs de toutes façons.
Voilà donc ce que j'avais à dire au sujet de l'exode des cerveaux. Ce phénomène est bien réel, mais il existe des façons de le contrer. La seule autre façon de le faire, c'est de former autant de diplômés américains que nous pouvons le faire.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Lunn.
M. John D'Orsay: J'aimerais simplement faire quelques observations et dire d'abord que je trouve ironique le fait qu'il y a cinq ans, il n'était question que de réduire les dépenses gouvernementales pour éviter de laisser une dette énorme en héritage à nos enfants. Maintenant que le pays connaît un excédent budgétaire, ces mêmes personnes réclament des réductions d'impôts. Elles ne se préoccupent plus de la dette que nous allons laisser à nos enfants.
J'appartiens à ceux qui pensent que nous devrions affecter une partie du budget au remboursement de la dette. Il faudra ramener le rapport dette-PIB à 40 p. 100 afin que le gouvernement dispose d'une certaine marge de manoeuvre et puisse constituer une réserve dans laquelle il pourra puiser si la situation économique se détériore dans l'avenir.
M. Gary Lunn: Quelle proportion du budget proposez-vous que nous affections chaque année au remboursement de la dette?
M. John D'Orsay: À mon avis, nous devrions y affecter 0,5 p. 100 du PIB. On pourrait même augmenter cette proportion au cours de la deuxième ou de la troisième année des prévisions actuelles.
J'aimerais aussi dire quelques mots au sujet de l'exode des cerveaux. Diverses mesures doivent être prises pour contrer ce phénomène. Il se trouve qu'un de mes neveux étudie à l'ITI. Nous nous attendions à ce qu'il accepte dans six mois une offre d'emploi d'une société américaine. Il compte pouvoir trouver beaucoup plus facilement un emploi aux États-Unis qu'au Canada. Le diplômé de l'ITI dont il a loué l'appartement est parti à Atlanta. Bon nombre des étudiants du programme comptent également s'installer aux États-Unis. Mon neveu vous dirait que c'est ce dont ils discutent entre eux. Les perspectives d'emploi sont bonnes aux États-Unis.
Il est vrai que bon nombre de diplômés canadiens comptent revenir au Canada après avoir acquis une certaines expérience professionnelle aux États-Unis. Il s'agit de personnes qui occupent des emplois au niveau du recrutement dont la souplesse et la mobilité sont grandes. Cela revient aux hypothèses qu'on formule au sujet de la productivité. Comme le capital financier, le capital humain est mobile. Plus les gens sont riches, plus ils sont mobiles. Il faut que le régime fiscal tienne compte de cette mobilité.
Le président: Très bien. Je vous remercie.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Je vous remercie, monsieur le président. Je tiens aussi à remercier tous les témoins de nous avoir fait des exposés aussi stimulants aujourd'hui.
J'aimerais poser une question aux représentants de l'ITAC, soit à MM. Gauthier, Crow et Blandford. Dans la partie de votre mémoire où il est question de la façon dont le Canada pourrait modifier son régime fiscal afin d'en améliorer l'efficacité, vous réclamez l'adoption de nouvelles règles portant sur la participation des salariés au capital afin de permettre à plus de Canadiens d'avoir une participation directe dans les entreprises pour lesquelles ils travaillent et pour permettre à ces entreprises d'avoir accès à des mécanismes plus modernes d'indemnisation des employés. Pourriez-vous étoffer cette idée? Comment permettraient- elles d'atteindre les objectifs que vous avez exposés? Avez-vous des précisions à nous donner sur la façon dont fonctionnerait ce système?
M. Robert Crow: La formule à laquelle on songe en Ontario à l'heure actuelle permettrait aux employés des entreprises axées sur la recherche ou le savoir—que ce soit des scientifiques, des techniciens ou tout autre type d'employés—de pouvoir participer plus facilement à un régime d'actionnariat des salariés.
Le meilleur exemple d'un programme de ce genre est sans doute celui qui a été proposé dans le dernier budget britannique. Il s'agit d'un régime général. Qu'on se place du point de vue de la productivité, de l'indemnisation ou du travail lui-même, il n'est que logique que les travailleurs participent à long terme au capital de leur entreprise.
À l'heure actuelle, les règles régissant les sociétés privées sous contrôle canadien sont assez souples et facilitent le transfert de ces petites entreprises d'un propriétaire à l'autre. Malheureusement, dans le cas d'autres types de sociétés ou des sociétés privées qui cessent d'être sous le contrôle canadien, les employés doivent souvent vendre leurs actions au moment ou un profit est exercé plutôt qu'au moment où il est vraiment réalisé afin de payer l'impôt théorique à verser.
• 1740
Nous avons quelques mémoires sur la question. Je serai heureux
de vous en parler plus longuement après. Nous pourrions poursuivre
sur ce sujet pendant assez longtemps. Il suffit de se reporter à
l'expérience d'autres pays à cet égard. Si nous prenions des
mesures pour favoriser ce genre de régime d'indemnisation des
employés, nous pourrons atteindre l'objectif plus vaste qui est de
traiter de façon équitable tous les types d'employés et toutes les
industries.
M. Roy Cullen: Monsieur le président, j'aimerais pouvoir examiner ces mémoires. Peut-être le président pourrait-il voir à ce que nous en obtenions des exemplaires.
M. Robert Crow: Très bien.
M. Roy Cullen: Une dernière brève question. Va-t-on bientôt construire au Canada une grande usine de fabrication de micro- plaquettes semi-conductrices et est-il très important qu'on le fasse?
M. Robert Crow: Il y a dix ans que je n'ai pas entendu parler de la possibilité qu'on construise ce genre d'usine au Canada. Le secteur économique qui croît le plus rapidement au Canada comme dans le monde entier est celui des services. Les services représentent maintenant de 72 à 73 p. 100 de l'activité des entreprises canadiennes. En fait, le secteur des produits est beaucoup moins intéressant du point de vue de la croissance économique: taux de chômage relativement faible; intrants extrêmement coûteux; faible marge bénéficiaire; et vive concurrence à l'échelle mondiale. Je ne pense pas que ce devrait être l'orientation que nous devrions adopter.
André et Gary, vous appartenez à des secteurs bien différents de l'industrie de sorte que...
Le président: Je vous recommande de faire attention à ce que vous allez dire parce qu'il s'agit d'un des dadas de M. Cullen.
M. Robert Crow: Vraiment? Très bien.
M. Roy Cullen: On ne peut pas toujours gagner.
Le président: Je ne voudrais pas que vos propos le dépriment trop car je dois me rendre par avion avec lui jusqu'à...
Monsieur Gauthier, qu'alliez-vous ajouter?
M. André Gauthier: J'allais ajouter que le secteur des services est certainement une partie de l'industrie de la technologie de l'information qui croît très rapidement. Notre industrie, l'industrie du savoir, se transforme très rapidement en industrie de services.
Pour revenir à la question des impôts, un intervenant précédent a dit qu'il fallait uniformiser le traitement fiscal. Il n'est pas logique d'imposer l'industrie des services à un taux beaucoup plus élevé que les autres industries. Le moment est venu d'entreprendre une réforme fiscale. Nous devons le faire maintenant. Le problème de l'exode des cerveaux est extrêmement grave. Il y a trois ans, quelques diplômés partaient pour les États-Unis. Ce n'était pas tellement grave. Aujourd'hui, nos meilleurs diplômés vont travailler pour des entreprises américaines.
En raison de la mondialisation des échanges, il suffirait de peu pour que nous perdions une partie importante de notre industrie en quelques années. À l'heure actuelle, nous avons 18 mois de retard par rapport aux États-Unis dans des domaines comme le commerce électronique et la très haute technologie. Dans 18 mois, nous pourrions avoir perdu une partie importante de ce marché.
Permettez-moi de vous donner un exemple très simple. Certains d'entre vous connaissez le site Web eBay qui vend des livres et des antiquités notamment. Ce site Web est américain. Si nous ne rattrapons pas ce retard de 18 mois, nous pourrions perdre entièrement l'industrie des ventes aux enchères. Il faut donc régler le problème de l'exode des cerveaux dans les plus brefs délais.
Le président: Il est très important d'occuper la première place sur le marché du commerce électronique.
M. André Gauthier: Tout à fait. Nous venons en seconde place dans le monde et non pas en première. Cela ne suffit pas. Nous devons être au même niveau que les États-Unis.
Le président: Je vous remercie, monsieur Cullen. Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Monsieur Gauthier, vous avez donné en exemple les programmeurs de logiciels qui touchent des salaires de 65 000 $. Et vous avez mentionné la surtaxe de 5 p. 100. J'ai fait une brève recherche dans les statistiques que j'ai sous la main. Pour remettre les choses en contexte, j'aimerais signaler que 93 p. 100 des Canadiens font moins de 65 000 $ par année. Le taux d'imposition fédéral réel qui s'applique à un salaire de 65 000 $ est de 19,9 p. 100. Au total, les impôts fédéraux et provinciaux représentent 29,1 p. 100, et la surtaxe de 5 p. 100 s'élève à 22,60 $. Cela étant dit, étant donné que quelqu'un qui fait 65 000 $ en Ontario paie au total 29 p. 100 en impôts fédéraux et provinciaux, dans quelle mesure faudra-t-il réduire les impôts pour inciter les gens à demeurer au pays? Êtes-vous prêts à concéder qu'une réduction des impôts ne pourrait jamais combler l'écart dans les salaires qui sont offerts de part et d'autre de la frontière?
M. André Gauthier: Les impôts sont un facteur très important. Un sondage que nous avons effectué l'été dernier révèle... je vais vous donner un exemple probant d'un cas qui m'a été présenté la semaine dernière lorsque j'étais à Vancouver. Je parlais avec un cadre d'une de nos entreprises de technologie de l'information à Vancouver. L'an dernier, on lui a offert une mutation latérale aux États-Unis. Il ne s'agissait pas d'une promotion. Elle devait gagner entre 70 000 et 90 000 $, ce qui est la norme dans l'industrie. Après avoir tenu compte de tous les facteurs et notamment du coût de la vie et après avoir comparé tous les impôts qu'elle devrait verser au Canada et aux États-Unis, elle a conclu qu'elle augmenterait de 20 p. 100 son revenu en acceptant l'emploi aux États-Unis. Elle s'est donc retrouvée devant un choix très difficile.
M. Paul Szabo: Avait-elle tenu compte des soins de santé?
M. André Gauthier: Oui, des soins de santé et du coût des études. Après un examen minutieux de tous les facteurs, cette personne a conclu qu'elle augmenterait de 20 p. 100 son revenu en acceptant l'emploi aux États-Unis.
M. Paul Szabo: Pour conserver ces gens, il faudrait donc qu'ils n'aient pas à payer d'impôts.
M. André Gauthier: Ce n'est pas ce que nous disons. Nous disons que chaque mesure a son utilité. Fort heureusement, cette personne a décidé de demeurer au Canada pour d'autres raisons. Les gens quittent le pays pour d'autres raisons que les raisons fiscales, mais ce facteur joue un rôle. Tout ce que nous pourrions faire pour améliorer le régime fiscal nous aiderait à conserver ces gens au Canada.
M. John D'Orsay: Ces gens peuvent aussi trouver un emploi aux États-Unis. Voilà un autre aspect du régime fiscal. Aux États-Unis, des concessions fiscales sont accordées aux entreprises de démarrage et aux entreprises de capital-risque. C'est un autre aspect du régime fiscal sur lequel on devrait se pencher. Il n'y a pas que le taux d'impôt sur le revenu personnel qui compte.
Le président: M. Brison posera la dernière question.
M. Scott Brison: Je vous remercie, monsieur le président. Ma première question s'adresse à l'Union des municipalités de la Nouvelle-Écosse.
Monsieur le président, j'attire votre attention sur la présence parmi nous aujourd'hui de Mme Anna Allen qui est non seulement vice-présidente de cette association, mais aussi vice- maire de la ville de Windsor qui est située dans ma circonscription. Windsor est le berceau du hockey. Je tenais à le signaler.
Ma question porte sur le programme d'infrastructure. Je me demande s'il ne vaudrait pas mieux que la durée de ce programme soit de dix ans. À l'heure actuelle, ces programmes sont conçus en fonction du cycle électoral qui est de quatre ans. J'ai l'impression qu'une bonne part des dépenses engagées ne vise pas à répondre aux priorités à long terme comme elle le devrait parce que comment peut-on demander aux municipalités de prendre des décisions rationnelles lorsque le programme ne l'est pas. J'aimerais connaître votre réaction.
M. Duart MacAulay: Nous sommes d'avis, monsieur Brison, qu'il est essentiel qu'on mettre en oeuvre un programme d'infrastructure en Nouvelle-Écosse. Comme je l'ai mentionné, environ 45 p. 100 des projets ont été approuvés et mis en oeuvre dans le cadre du programme de 1994 qui a été reconduit en 1997. Je crois que nous avons reçu environ 35 p. 100 des fonds qui nous avaient été promis. Il existe actuellement un déficit à combler dans le domaine de l'infrastructure. Il serait évidemment très bon pour nous que le programme s'échelonne sur dix ans. À l'heure actuelle, en Nouvelle- Écosse, le programme dont la mis en oeuvre comporte diverses étapes s'échelonne sur trois à cinq ans. Quelqu'un d'autre a peut-être quelque chose à ajouter.
Mme Anna Allen (première vice-présidente, Union des municipalités de la Nouvelle-Écosse): Oui, monsieur le président. Je peux vous affirmer, à titre de représentante municipale, qu'un programme d'infrastructure d'une durée de dix ans faciliterait la planification. Nous devons actuellement suspendre la mise en oeuvre d'un grand nombre de projets parce que nous manquons de fonds. Si le programme s'échelonnait sur dix ans, nous pourrions établir un budget à long terme et échelonner la mise oeuvre des projets. Un programme d'une durée de dix ans serait très avantageux pour nous.
M. John D'Orsay: Je voulais simplement signaler pour la gouverne de M. Brison que Windsor est également le lieu de naissance de M. Shand, le physico-chimiste qui a notamment inventé le Corning ware. Il était de ceux qui ont quitté la province dans les années 20. Deux cent mille habitants de la Nouvelle-Écosse sur une population de 1,2 million d'habitants ont alors quitté la province en raison de l'effondrement de l'industrie de la pêche.
Le président: On met parfois du temps à comprendre certaines questions.
M. Scott Brison: Monsieur D'Orsay, je crois qu'on raterait le coche si l'on réduisait les impôts sur le revenu personnel sans procéder à une importante réforme fiscale.
Il y a un an, le rapport Mintz relatif aux impôts sur les sociétés a été présenté au ministre des Finances. Ce rapport a par la suite été relégué aux oubliettes parce qu'il créait certains perdants comme le ferait toute réforme fiscale sans incidence sur les recettes. Si les mesures recommandées dans ce rapport s'ajoutaient à une réduction des impôts, il n'y aurait plus de perdants et nous supprimerions ainsi la discrimination qui frappe à l'heure actuelle le secteur de la technologie et des services sans pour autant nécessairement accroître le fardeau fiscal du secteur des ressources. J'aimerais bien savoir ce que vous pensez du rapport Mintz.
Il y a aussi la question des gains en capitaux compte tenu, en particulier, de la tendance des entreprises à offrir des options d'achat d'actions à leurs employés. Ce dont on doit se souvenir au sujet de la réduction de l'impôt sur les gains en capitaux est qu'il en coûterait 270 millions de dollars au Trésor pour que l'impôt sur les gains en capitaux soit le même qu'aux États-Unis. Il s'agit surtout d'une question politique. Le problème qui se pose à cet égard est surtout un problème de perception. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Troisièmement, pour ce qui est de l'incidence des salaires offerts sur l'exode des cerveaux, les salaires ne sont-ils pas fonction dans une certaine mesure des taux d'impôt sur les entreprises? Je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire que cette question n'est pas liée à celle des impôts puisque ce sont soit les entreprises, soit les particuliers qui paient les impôts. Si les entreprises sont moins imposées, elles peuvent sans doute offrir des salaires un peu plus élevés.
C'est tout.
M. John D'Orsay: Seuls les bénéfices des entreprises sont imposés et ces bénéfices sont calculés après déduction faite des salaires.
M. Scott Brison: Mais cela a tout de même une incidence sur leur capacité à...
M. John D'Orsay: Les investisseurs veulent que leur investissement soit rentable.
M. Scott Brison: C'est juste.
M. Robert Crow: Permettez-moi de répondre très brièvement. Nous appuyons les recommandations présentées par Jack Mintz dans son rapport. Si vous ne l'avez pas déjà lu, je vous recommande aussi de lire le dernier rapport dont il est l'auteur et qui est publié par l'Institut C.D. Howe. Nous l'avons lu en prévision de cette comparution. Le rapport est très sensé et présente de façon très convaincante l'argument voulant que le régime fiscal devrait être relativement plus neutre et que les Canadiens ont l'occasion d'acquérir un avantage concurrentiel grâce à l'impôt sur les entreprises et de prendre les moyens voulus pour assurer une croissance économique avantageuse pour tous.
Nous convenons avec vous qu'il n'en coûterait pas beaucoup au Trésor pour réduire l'impôt sur les gains en capitaux. C'est un coût vraiment minime comparativement à certaines des propositions qui sont faites. À notre avis, cette mesure aurait une incidence importante. Bon nombre des mesures proposées sont de nature symbolique, mais pas celle-ci. L'exemple qu'a donné M. Szabo de l'élimination de la surtaxe de 5 p. 100, ce qui ne représente que 22 $, est un exemple de mesure symbolique. L'élimination de la surtaxe montre aux gens que leur gouvernement se préoccupe à tel point du problème qu'il est prêt à se débarrasser de la surtaxe. Les gens de la Colombie-Britannique auxquels nous avons parlé veulent surtout savoir que le gouvernement se préoccupe de la situation. L'argent lui-même importe moins.
Enfin, je suis d'accord avec ce que disait M. D'Orsay. Techniquement, pourraient-ils se permettre de payer davantage? Après paiement des salaires, naturellement. Le plus important, ce sont les possibilités d'avenir. Si les sociétés étaient moins imposées, elles pourraient investir davantage et créer des emplois haut de gamme pour les meilleurs d'entre nous, c'est-à-dire les offres de travail dont nous avons besoin pour garder les gens ici ou pour faire revenir ceux qui sont déjà partis, comme le disait Gary.
M. Gary Blandford: Si vous faites un sondage auprès des 3 000 étudiants canadiens qui termineront cette année leurs études en haute technologie, vous découvrirez que la plupart d'entre eux comptent s'installer aux États-Unis où les perspectives d'emploi sont bonnes. Nous perdons donc beaucoup de diplômés animés de l'esprit d'entreprise, en particulier dans le domaine du commerce électronique. La situation s'explique par le fait que nous avons beaucoup de mal dans notre pays à obtenir que les banques ou les entreprises de capital-risque considèrent les ressources humaines comme un actif contrairement à ce qui se fait aux États-Unis. Tant que nous persistons dans cette attitude, nous perdrons du terrain par rapport aux États-Unis qui finiront peut-être à nous exclure complètement du marché.
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J'appartiens au secteur de l'éducation et dû prouver aux
États-Unis que ce secteur existait. D'ici 2005, il va pourtant être
plus important que les OSIS aux États-Unis. Nous sommes l'un des
pays qui consacre le plus d'argent à l'éducation et nous ne nous
sommes même pas rendu compte qu'il s'agissait d'une industrie.
Lorsque nous nous en rendrons compte, il sera trop tard. Les
établissements privés et publics y participent cependant. C'est sur
ce secteur que repose tout notre avenir.
Le président: Je vous remercie, monsieur Fitzpatrick.
Au nom du comité, je souhaite remercier nos témoins. Nous avons tiré grandement partie de votre participation à nos travaux.
J'aimerais aussi profiter de l'occasion pour remercier de leur contribution à nos travaux les résidants de l'île-du-Prince-Edward, de Terre-Neuve et du Labrador, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau- Brunswick.
Comme vous le savez, le Comité des finances n'est pas le seul à tenir des consultations. Des députés dans toutes les régions du pays tiennent des audiences publiques pour consulter les Canadiens.
À Halifax, nous avons entendu des éducateurs, des partisans de la stratégie de développement économique locale et des programmes de logements, des aînés, des jeunes, des partisans des services de garderies et des gens qui nous ont exprimé leurs préoccupations au sujet des cotisations à l'assurance-emploi et du niveau des impôts, tant pour ce qui est des impôts sur le revenu des sociétés que des impôts sur le revenu des particuliers.
La question de la productivité s'est posée cet après-midi. Nous avons aussi entendu le point de vue de gens qui estimaient qu'il faudrait mettre en oeuvre des programmes d'infrastructure à long terme. Certains ont abordé la question des besoins particuliers des résidants du Canada rural. D'autres personnes ont parlé des industries culturelles.
Je crois que le débat porte surtout... la question des garderies est extrêmement importante tout comme celle des sans- abri, que ce soit ici à Halifax, à Toronto ou dans d'autres régions du Canada. Ce sont toutes des questions très importantes sur lesquelles le comité veut se pencher.
Le défi est évidemment de savoir quelle est l'orientation que nous devons prendre. Comment pourrons-nous générer la richesse voulue pour maintenir et enrichir nos programmes sociaux? Au bout du compte, la question essentielle qu'on doit se poser en ce qui touche la politique gouvernementale est celle-ci: le comité et le gouvernement ont-ils amélioré le niveau de vie des Canadiens? C'est là-dessus que l'histoire se fondera pour porter un jugement. Nous nous posons cette question partout où nous allons au pays. Le débat au sein de ce comité portera sur la question de savoir quelle orientation nous permettra de générer la richesse voulue pour construire le type de société auquel nous aspirons tous.
Merci, Halifax.