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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 décembre 1999

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite à tous la bienvenue ici ce matin.

Comme vous le savez, le Comité des finances parcourt le pays pour recueillir les vues de Canadiens de toutes les régions. Celle-ci est notre avant-dernière réunion, et je dois dire que nous avons vécu une expérience formidable. Les gens ont énormément contribué au processus de consultations prébudgétaires, ce qui, bien sûr, rend notre travail très difficile, car il y a des choix à faire.

Ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous des représentants des associations suivantes: le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, l'Association canadienne d'auto-distribution, l'Association canadienne des professionnels de la vente, l'Income Protection Working Group et le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario.

• 0905

Si je me souviens bien, nombre d'entre vous ont déjà comparu devant le comité au cours des dernières années et vous connaissez donc notre façon de travailler. Vous disposez de cinq ou peut-être même de sept minutes maximum pour faire vos remarques liminaires, après quoi nous passerons à la période des questions et réponses.

Nous allons commencer par le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, ici représenté par Michel Perron, directeur général, et par Jacques Lecavalier, associé.

Bienvenue.

M. Michel Perron (directeur général, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je m'appelle Michel Perron. J'ai récemment été nommé, par décret en conseil, directeur général du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies ou CCLAT. Je suis ici accompagné de mon prédécesseur, M. Jacques Lecavalier. Nous sommes venus vous entretenir d'une question très grave, celle de l'abus de substances intoxicantes au Canada.

Je pense que la greffière a distribué des copies du texte auquel je vais me reporter.

J'aimerais tout d'abord vous dire quelques mots au sujet de ce que nous sommes. Le CCLAT a été créé en 1988 par une loi fédérale dont l'adoption a été appuyée par tous les partis. En tant qu'organisme fonctionnant à distance, le CCLAT a pour objet de porter un regard national sur l'abus d'intoxicants au Canada et d'assurer visibilité et crédibilité au travail dans ce domaine.

Le CCLAT est un centre de documentation national sur l'abus de substances assurant le lien entre 23 organismes répartis dans le pays et faisant une utilisation maximale de l'Internet comme moyen de cueillette et de diffusion d'informations et comme outil de transfert des connaissances à l'échelle du pays.

Nous assurons également économies d'échelle et unité d'objet grâce à nos partenariats et réseaux, comme par exemple le réseau Health and Enforcement in Partnership, le Service canadien d'information SAF/EAF, et le Réseau communautaire canadien de l'épidémiologie des toxicomanies. Nous fournissons une masse critique pour la recherche sur de nouvelles questions liées à l'abus de substances psychoactives, par exemple la quantification des coûts sociaux de l'abus de substances. Nous offrons également des conseils en matière de politiques au gouvernement tout en intervenant comme outil de gestion de risque dans les dossiers controversés.

En résumé, nous avons la capacité d'obtenir que des choses se fassent rapidement et efficacement dans un milieu non menaçant.

Pourquoi sommes-nous ici? Le coût annuel pour les Canadiens de l'abus de substances a été évalué en 1992 par le CCLAT à 18,4 milliards de dollars—ce à une époque où la consommation de drogue était à son plus bas. Nous savons qu'aujourd'hui la consommation de drogues par des jeunes est remontée à des niveaux que nous n'avions pas vus depuis les années 70 et que leurs attitudes à l'égard des stupéfiants sont en train de s'adoucir. Par exemple le sondage ontarien 1999 sur la consommation de drogues par les étudiants a révélé que 66 p. 100 des étudiants de niveau secondaire consomment de l'alcool, 29 p. 100 du cannabis, soit une augmentation de 100 p. 100 par rapport au niveau enregistré en 1993, et qu'un étudiant sur dix a déjà essayé une drogue hallucinogène comme le LSD. Des résultats semblables ont été enregistrés d'un bout à l'autre du pays.

La moitié des nouveaux cas détectés d'infection au VIH sont relevés chez les utilisateurs d'héroïne et de cocaïne par injection. En fait, notre étude révèle que l'abus de substances est responsable de près d'un décès sur quatre au Canada et qu'il y a 60 p. 100 de chances qu'un membre d'une famille de quatre personnes mourra par suite d'abus de drogues.

Un autre coût pour la société est l'exode des cerveaux. La perte de nos meilleurs chercheurs est très réelle. Songez que le gouvernement américain consacre six fois plus d'argent à la recherche au Canada que le gouvernement fédéral lui-même.

Vous êtes peut-être en train de vous demander ce qu'il faudrait faire. Nous avons un document publié par le gouvernement du Canada l'an dernier, c'est-à-dire en 1998, et intitulé Stratégie canadienne antidrogue. Ce qui manque, si l'on compare cette stratégie à des documents semblables produits dans d'autres pays, c'est une expression claire de leadership fédéral conjuguée à un engagement à long terme à combattre le problème.

Ce qu'il faut au pays c'est un réinvestissement fédéral immédiat dans des programmes de lutte contre les stupéfiants. Nous savons que les provinces et que la Fédération canadienne des municipalités veulent que le gouvernement fédéral montre l'exemple et qu'elles sont très impatientes de travailler avec vous dans ce domaine, et c'est pourquoi il nous faut une stratégie nationale antidrogue qui soit exhaustive et coordonnée.

Nous avons entendu dire que le gouvernement est prêt à investir 115 millions de dollars dans la GRC pour lutter contre le trafic de drogue et que le Solliciteur général a récemment annoncé la création d'une unité de recherche sur l'abus de drogues de 3 millions de dollars pour le Service correctionnel du Canada. Nous applaudissons à ces efforts mais soulignons qu'il importe d'inscrire ces derniers dans une stratégie coordonnée plus vaste et plus visible établissant des buts et des objectifs bien précis.

Pourquoi ce défi revient-il au gouvernement fédéral? Parce qu'il s'agit d'un problème national qui a une incidence sur la santé et la sécurité des Canadiens et sur l'économie du pays.

Dans quoi faudrait-il investir? Notre réseau de travailleurs sociaux de lutte contre la toxicomanie, de policiers, de groupes communautaires et tous les paliers de gouvernement appuieraient fermement un réinvestissement par le gouvernement fédéral dans des programmes de prévention, dans des programmes de traitement à coûts partagés avec les provinces, dans de la recherche, au moyen d'un investissement dans le projet de création d'un Institut canadien de recherche sur la santé concernant la toxicomanie, des transferts de connaissances afin que les leçons apprises dans une région du pays puissent servir aux autres et dans une coordination nationale et internationale. Enfin, nous proposons que vous tiriez parti d'organisations crédibles comme le CCLAT et que vous bâtissiez à partir d'eux.

• 0910

Enfin, monsieur le président, nous arrivons à la question de savoir combien d'argent investir. Au lieu de vous donner un chiffre précis, nous avons préparé un tableau, qui figure dans le document qui a été distribué aux membres du comité et qui offre une comparaison avec trois pays qui connaissent des conditions socio-économiques semblables aux nôtres. Vous trouverez dans ce tableau le budget annuel national de lutte contre les stupéfiants des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et du Canada. Nous n'avons pas été en mesure de quantifier le budget annuel national du Canada du simple fait qu'aucun chiffre n'a à ce jour été divulgué. Nous pouvons cependant vous dire que les dépenses par tête d'habitant faites par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie se trouvent reflétées dans le tableau.

Ce que nous connaissons ce sont les budgets annuels des organismes nationaux de lutte contre la toxicomanie. Vous pouvez voir sur le tableau qu'aux États-Unis 1 milliard de dollars ont été prévus pour un office national de lutte contre la toxicomanie très semblable au Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. En parcourant le tableau, vous pouvez voir l'investissement par tête d'habitant au Royaume-Uni, et tout en bas se trouve le Canada, avec un budget annuel de base pour le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies de 575 000 $, soit 2 ¢ par Canadien.

L'essentiel, monsieur le président, est que le gouvernement fédéral doit réinvestir dans la lutte contre l'abus de stupéfiants et ramener aux 2 millions de dollars originaux le prochain budget du CCLAT. Parmi toutes les causes qui vous sont soumises, nous vous demandons de considérer celle-ci comme constituant non pas un coût mais un investissement qu'appuieront et que comprendront tous les Canadiens.

Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Perron.

Nous allons maintenant entendre, pour le compte de l'Association canadienne d'auto-distribution, M. Dan Stewart, président, M. Jean-François Marchand, et M. Don Braden. Bienvenue.

M. Dan Stewart (président, Association canadienne d'auto-distribution): Merci. Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs.

L'Association canadienne d'auto-distribution (ACAD) est une association nationale représentant l'industrie canadienne de l'auto-distribution, et nous sommes la seule voix nationale de ce secteur d'activité. Nous défendons les intérêts de l'industrie depuis 1953.

Nous nous sentons tout petits, entourés par les très importants groupes sociaux comparaissant devant le comité.

Nous sommes cependant un groupe de gens d'affaires. Nous ne sommes pas venus ici pour demander de l'aide financière ou des subventions, mais plutôt une indemnisation pour les coûts résultant d'une conséquence imprévue d'une initiative gouvernementale destinée à économiser des centaines de millions de dollars aux contribuables canadiens. En juillet 2000, la Monnaie royale canadienne (MRC) va mettre en circulation de nouvelles pièces de monnaie de 5, 10, 25 et 50 ¢. Voici des échantillons de ces nouvelles pièces. En gros, la MRC a mis au point un processus de fabrication de ces pièces à bien moindre coût. Ces nouvelles pièces, au contraire des pièces actuelles qui sont en alliage massif, seront constituées d'un noyau d'acier et d'un placage, et elles coûteront beaucoup moins cher à produire.

Le problème auquel se trouve confrontée l'industrie de l'auto-distribution est le suivant: les accepteurs de pièces de monnaie et distributeurs automatiques valident les pièces grâce à des lectures électroniques, mais les différents métaux donnent des indications différentes, et ces pièces ne seront pas reconnues par nos machines. Cela vaut, à toutes fins pratiques, pour la quasi- totalité des distributeurs automatiques au Canada. Notre industrie devra donc dépenser près de 90 millions de dollars pour modifier nos machines afin qu'elles acceptent ces nouvelles pièces.

Les économies que prévoit réaliser la MRC sont considérables. Il est question d'environ 12,5 millions de dollars par an. Sur la durée de vie de 20 ans d'une pièce, cela va donner 190 millions de dollars. Les économies sont donc importantes.

Ce que tient à souligner l'Association canadienne d'auto-distribution est le fait que ce coût ne sera subi que par le seul secteur de l'industrie de l'auto-distribution. De ce fait, pour les secteurs auxquels nous livrons traditionnellement concurrence, comme par exemple les dépanneurs, la restauration rapide et les cafétérias, l'introduction de ces pièces sera tout à fait transparente et sans conséquences étant donné qu'elle n'occasionnera pour eux aucun coût. Ce ne sera pas notre cas à nous.

Notre industrie est composée principalement de petits entrepreneurs et il s'agit pour nous d'un coût important. Cela pourrait porter gravement atteinte à nos entreprises et à notre situation côté emplois. Il n'est bien sûr pas possible pour nous d'augmenter les prix que nous pratiquons. Il nous faut être concurrentiels et ces pièces vont nous placer dans une situation telle que nous ne serons pas du tout compétitifs.

• 0915

Je pense que cela résume assez bien la situation. Nous avons élaboré une recommandation à trois volets: il faudrait qu'une indemnisation soit versée pour les coûts directs d'équipement, de matériel, de logiciel et de main-d'oeuvre subis par les exploitants devant faire modifier leurs accepteurs de pièces de monnaie par suite des changements dans la composition des pièces de monnaie; que l'indemnisation ne corresponde qu'aux coûts entraînés par le changement dans la composition métallique des pièces; et que l'indemnisation couvre les coûts correspondant à la période allant du 1er septembre 1999 au 31 décembre 2000, ce qui correspond au délai à prévoir avant que ne soient disponibles les dispositifs adaptés aux nouvelles pièces.

Nous nous attendons à ce qu'un tel programme se chiffre à environ 21 millions de dollars. J'ai mentionné plus tôt un coût approchant des 90 millions de dollars. Certains de nos accepteurs qui font la monnaie devront être remplacés. On ne peut pas les adapter. Nous estimons qu'il est juste et raisonnable de demander une indemnisation correspondant à un partie de ce coût étant donné que si des dispositifs devront être remplacés se sera le fait du changement de la composition métallique des pièces. Ces accepteurs auraient autrement pu nous servir pendant bien des années. Nous avons donc fixé à environ 80 $ par machine l'indemnisation correspondant à la conversion requise.

Je demanderai maintenant à mon collègue, Jean-François Marchand, qui exploite des distributrices à Trois-Rivières, de vous dire quelques mots.

[Français]

M. Jean-François Marchand (membre, Association canadienne d'auto-distribution): Bonjour. Je m'appelle Jean-François Marchand et je suis distributeur de produits par machines distributrices automatiques. Notre entreprise possède 650 machines. On estime les coûts à environ 80 $ par machine. Je vous laisse faire le calcul.

Nous sommes une petite entreprise; nous employons 13 personnes. Ces dépenses vont sûrement nous empêcher de nous développer, d'engager des gens et d'acheter de nouveaux camions.

Pour nous, c'est vraiment un problème. Nous devons aussi faire face au délai, qui est assez court étant donné le nombre de machines que nous avons. Nous devons faire le tour de 650 machines en neuf mois. Nous devons passer quelques minutes sur chacune des machines pour faire les modifications qui s'imposent.

Beaucoup de changements ont été faits au cours des années sur toutes les pièces de monnaie, incluant les pièces de 1 $ et de 2 $. Au fur et à mesure que les pièces arrivaient, nous travaillions à faire les mises à jour nécessaires des machines. Nous savions depuis 1995 que les nouvelles pièces, les nouveaux métaux allaient arriver, mais nous n'avons pas pu commencer les changements avant la fin de septembre étant donné que tous les manufacturiers n'étaient pas prêts avant ce moment. Il nous reste neuf mois si nous voulons être prêts pour juillet 2000. Pour toutes ces raisons, nous croyons qu'il serait juste qu'on nous dédommage. Merci.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

M. Jean-François Marchand: Ce sera tout.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre Terry Ruffel, président de l'Association canadienne des professionnels de la vente. Bienvenue.

M. Terry Ruffel (président, Association canadienne des professionnels de la vente): Merci, monsieur le président, et, oui, dans notre cas, la présente réunion est l'occasion pour nous de revenir vous voir, et nous vous en sommes reconnaissants.

Au nom des 32 000 professionnels de la vente qu'elle regroupe, l'Association canadienne des professionnels de la vente (ACPV) vous remercie de l'avoir invitée à venir soumettre son mémoire pré-budgétaire auprès du comité permanent. L'ACPV participe cette année pour la cinquième année consécutive aux audiences du comité, et nous avons au fil des ans trouvé cet exercice extrêmement utile et productif.

Nos membres représentent tous les secteurs de l'économie, allant des agents de vente et de commercialisation de grosses sociétés aux petits entrepreneurs de partout au pays. Quelle que soit leur taille, cependant, nos membres savent tous qu'un ingrédient clé à la réussite dans le domaine des ventes est une économie porteuse dans laquelle et les entreprises et les consommateurs ont suffisamment confiance pour acheter des biens et des services.

Lorsque je vous dis que je parle au nom de nos membres, c'est une déclaration que je fais avec confiance. Dans le cadre de nos préparatifs pré-budgétaires internes annuels, nous sondons nos membres, et notre mémoire s'appuie sur leurs opinions. Les avis que nous allons vous soumettre aujourd'hui sont de nature un peu plus large que ce que vous avez entendu jusqu'ici.

J'aimerais vous parler de deux éléments saillants des résultats de notre sondage. Premièrement, 93,5 p. 100 des répondants ont déclaré qu'une réduction fiscale servirait parmi ce groupe l'objectif qu'est la stimulation de l'économie. Près des trois quarts des répondants privilégieraient une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers. La baisse des impôts jouit donc d'un solide appui.

• 0920

Deuxièmement, seuls 4,3 p. 100 des répondants, jusqu'au seuil le plus bas, ont répondu que le surplus devrait être utilisé pour augmenter les dépenses au titre des programmes et services nationaux. Le restant se partageait presque également entre les camps de ceux qui aimeraient que l'on utilise le surplus pour réduire la dette nationale et de ceux qui préféreraient que l'on allège le fardeau fiscal.

Je dis cela, monsieur le président, sachant que vous avez entendu d'autres groupes, y compris celui de mon associé ici présent. Comme vous l'avez dit lors de votre avant-dernière réunion, il y a certes des causes très valables. Cela étant dit, en tant qu'organisation de gens d'affaires, nous estimons qu'il y aurait lieu d'établir d'abord quelques priorités.

Premièrement, la grande majorité de nos membres n'acceptent pas la position du gouvernement voulant que seuls 50 p. 100 du surplus soient utilisés pour réduire la dette et consentir des allégements fiscaux. L'ACPV s'oppose pour deux principales raisons à la formule 50-50.

Premièrement, comme l'a rapporté le comité permanent lui-même, près de 27 ¢ sur chaque dollar de revenu du gouvernement canadien sont absorbés par le service de la dette.

Deuxièmement, dans son plus récent rapport sur les dépenses des ménages, Statistique Canada a révélé qu'en 1997 le plus important poste dans les dépenses des ménages était celui de l'impôt sur le revenu des particuliers. L'impôt sur le revenu des particuliers étant élevé et le service de la dette accaparant 27 p. 100 de chaque dollar versé par les contribuables au titre de l'impôt sur le revenu, nos membres ont de la difficulté à comprendre pourquoi l'impôt devrait servir à faire encore d'autres dépenses.

Le ministre des Finances a dit que le consensus en ce qui concerne les prévisions dans le secteur privé tournait autour d'une croissance réelle d'environ 3,6 p. 100. Nos membres ne sont pas tout à fait aussi optimistes en ce qui concerne les perspectives économiques: 41 p. 100 des répondants estiment que les consommateurs canadiens n'ont pas suffisamment confiance pour que l'économie demeure vigoureuse l'an prochain. Leur sentiment s'appuie sur des raisons tout à fait valables.

Dans un rapport d'août sur le commerce de détail, Statistique Canada a révélé qu'entre le troisième trimestre de 1998 et le deuxième de l'année en cours, le crédit à la consommation a augmenté de 5 p. 100 tandis que le revenu personnel n'a progressé que de la moitié de cela. En même temps, le prix de l'essence augmente si rapidement que cela exerce des pressions considérables sur l'indice des prix à la consommation. Je suppose que tout le monde est au courant de cela.

Si l'objectif d'un taux d'inflation de 3 p. 100 de la Banque du Canada doit être maintenu, la banque n'aura peut-être d'autre choix que d'augmenter les taux d'intérêt, comme elle s'est déjà trouvée dans l'obligation de faire. Les Canadiens étant lourdement endettés, la perspective de taux d'intérêt plus élevés devient quelque peu inquiétante dans un contexte de croissance économique. Par ailleurs, des taux d'intérêt élevés auront assurément un effet négatif sur l'industrie de la construction résidentielle. Je pense que nos collègues de ce secteur vous ont déjà entretenu de cela.

En résumé, monsieur le président, notre mémoire pré- budgétaire, que nous avons déposé auprès de vous conjointement avec plusieurs autres associations, renferme un certain nombre de messages très clairs que voici: réduisez l'impôt sur le revenu des particuliers, continuez de vous attaquer à la dette, résistez à la tentation d'augmenter les dépenses au titre des programmes et prenez des mesures pour veiller au maintien de la santé économique du pays.

Il y a encore une observation que j'aimerais faire: il faudrait qu'il y ait un engagement plus que symbolique à l'égard de la simplification du régime fiscal. Nous en avons parlé plusieurs fois au fil des ans et nous n'avons vu que très peu de choses en ce sens.

J'envisage avec plaisir de discuter avec vous aujourd'hui des positions que je viens de vous exposer. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Sarah Shartal, coordonnatrice de l'Income Protection Working Group.

Mme Sarah Shartal (coordonnatrice, Income Protection Working Group): Notre groupe est sans doute l'un des plus originaux que vous allez entendre. L'Income Protection Working Group est un groupe de bénévoles, réunissant des membres des trois partis, et qui travaillent à Toronto. Nous nous sommes regroupés face à la hausse de l'augmentation du nombre de sans-abri dans la ville de Toronto en nous posant une question fort simple: si nous avons des programmes de sécurité sociale, ce devoir sacré dont on nous parle, alors pourquoi y a-t-il au départ tant de sans-abri?

Nous vous avons remis un mémoire, qui réunit beaucoup de choses. Je vais me limiter au premier document.

Je vais maintenant vous entretenir d'un certain nombre de graphiques de la ville de Toronto. Vous les trouverez dans la liasse. Comme vous pouvez le constater, le taux d'augmentation a commencé à monter de façon marquée vers la fin de l'année 1996 et au début de 1997. L'on dénombre à l'heure actuelle quelque 5 000 personnes vivant dans la rue. Chaque semaine deux à cinq personnes meurent dans les rues de notre ville. Soixante-dix pour cent de tous les sans-abri à Toronto ont été exposés à la tuberculose.

Ce que nous avons fait vient compléter le rapport Golden. Golden a accepté notre rapport et cela est confirmé par le rapport Golden II, qui est sorti la semaine dernière. Nous nous sommes rendus dans des foyers d'accueil pour y demander aux personnes qui s'y trouvaient ce qui les avait amenées à y recourir. Ce que nous avons appris est que plus de 70 p. 100 d'entre elles, soit un nombre énorme, avaient travaillé auparavant et que la très grande majorité d'entre elles avaient perdu leur travail, étaient tombées malades, s'étaient blessées au travail ou avaient vécu une crise familiale. Ce qui était commun à tous est que lorsque la crise en question est survenue, ils n'avaient pas d'argent, et c'est pourquoi, lorsque nous avons fourni ces chiffres au Toronto Star, l'on pouvait voir que le lien était très direct.

• 0925

L'absence de prestations ne signifie pas que les gens disparaissent; tout simplement, ils n'ont pas d'argent: sans argent, il n'y a pas de loyer; sans loyer, il n'y a pas de logement; et c'est ainsi qu'un certain nombre d'entre eux rejoignent les rangs des sans-abri.

Ce que nous avons examiné en complément des résultats de notre propre étude ce sont les résultats nationaux. Oeuvrant avec Statistique Canada, nous avons appris que les deux programmes dont la réduction a le plus touché Toronto sont ceux de l'assurance-emploi et de la pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada.

C'est vraiment très simple. La raison la plus courante pour laquelle les gens se retrouvent sans abri est qu'ils ont perdu leur emploi et se sont retrouvés sans argent. Lorsque 76 p. 100 de tous les cotisants à l'assurance-emploi à Toronto n'obtiennent pas d'argent—et vous trouverez également ces chiffres là-dedans—et lorsqu'un demi-milliard de dollars sont drainés de la poche des pauvres du fait des réductions au programme d'A-E, il ne faut pas être un génie pour comprendre.

Lorsque les personnes les plus pauvres ne reçoivent aucune aide du gouvernement lorsqu'elles perdent leur emploi, alors ce sont ces personnes qui risquent le plus de perdre leur logement. Lorsqu'elles perdent leur logement, elles n'ont plus que très peu de ressources. Le scénario courant est que ces personnes vont dormir quelque temps sur le canapé de quelqu'un mais finiront un jour dans la rue. Si nous voulons mettre fin au phénomène des sans-abri alors, oui, il nous faut avoir des logements abordables, mais même pour pouvoir se payer un logement abordable, il faut un certain revenu. Sans revenu, aucun logement n'est abordable.

L'autre aspect, qui a été complètement oublié dans ce débat, est que pour la majorité écrasante des Canadiens les prestations de soins de santé de l'assurance-emploi sont les seules prestations de maladie qu'ils ont. Des quatre personnes qui sont mortes dans la rue la semaine dernière, deux ont perdu la vie du fait d'avoir été renvoyées de l'hôpital. Nous savons, et, encore une fois, il ne faut pas être un génie pour comprendre, que si vous tombez malade, vous perdez votre emploi et vous n'avez plus d'argent. Non seulement vous n'avez pas de logement, mais vous n'avez pas non plus de médicaments délivrés sur ordonnance. Le fait de refuser à ces gens une assurance-maladie signifie que leur état de santé s'aggrave.

Par ailleurs, même sans réduction au programme d'assurance-emploi, il y a quelque chose qui est vraiment extraordinaire: les prestations de maladie en vertu de l'A-E prennent fin après 17 semaines. La pension d'invalidité du RPC, qui est le régime d'assurance-invalidité à long terme, n'intervient qu'au bout d'environ quatre mois.

Certaines personnes souffrant du cancer écrivent aux journaux demandant ce qu'elles sont censées faire. Malheureusement, je n'ai pas apporté la coupure de presse à laquelle je songe; cela aurait dû figurer dans la liasse qui vous a été distribuée. Une personne souffrant du cancer, souffrant d'une maladie grave et chronique, se retrouve à l'assistance. Malheureusement, dans notre province, l'assistance ne suffit pas pour payer votre loyer.

Ce que nous avons appris est que si l'on retrace le passé de 70 p. 100 des sans-abri qui sont exposés à la tuberculose, nombre d'entre eux ont fait partie de la population active. Lorsqu'ils ont commencé à être malades, ils se sont retrouvés sans argent parce qu'ils n'étaient pas admissibles à l'A-E. Une personne qui n'est pas admissible à des prestations de maladie ne peut pas payer son loyer, ne mange pas, n'achète pas de médicaments et sombre. Si elle est admissible à l'assurance-emploi, elle ne l'est pas au Régime de pensions du Canada, car les deux programmes ne se rejoignent pas, et l'intéressé tombe entre les deux.

Nous vous avons remis notre mémoire, qui contient des propositions relativement au Régime de pensions du Canada: nous disons qu'il faudrait au minimum faire le pont entre les prestations de maladie et le Régime de pensions du Canada. Si vous n'êtes pas prêts à réexaminer les changements à toute la structure de l'A-E, alors envisagez au moins des changements au volet prestations de maladie afin que ceux et celles qui tombent malade puissent toucher de l'argent.

Ce qui nous a en vérité vraiment poussés, au moins en partie, à venir ici, c'est une lettre de la ministre Bradshaw, que vous trouverez aux deux tiers environ de la liasse. Sauf le respect qu'on lui doit, nous ne pourrons pas corriger nos programmes sociaux si nous ne reconnaissons pas qu'il y a un lien entre l'échec de nos programmes sociaux et le phénomène des sans-abri.

La lettre de la ministre Bradshaw, bien qu'elle soit très polie, ne reconnaît pas cela. Nous savons qu'elle n'est pas responsable de ces programmes, mais ce qu'il nous faut c'est une reconnaissance qu'il y a un lien entre les programmes de soutien du revenu, et c'est pourquoi nous sommes appelés l'Income Protection Working Group, et le problème des sans-abri. Le gouvernement fédéral ne reconnaît pas encore ce lien. Ce que nous voulons porter à votre attention est que cette augmentation spectaculaire du nombre de sans-logis à Toronto coïncide, au moins dans le temps, avec les compressions du côté de l'assurance-emploi.

John Jagt, qui est le directeur du réseau des foyers et qui nous a en fait fourni ces statistiques dans le cadre du travail du Comité consultatif sur les sans-abri auquel nous participons, a souligné deux choses. Non seulement plus de personnes à Toronto ont perdu leur emploi et se sont retrouvées sans argent, mais des personnes d'autres régions du pays qui ont perdu leur emploi et qui se sont retrouvées sans argent sont venues très nombreuses à Toronto, et l'on a constaté une montée en flèche du nombre de jeunes hommes sans abri, phénomène que nous continuons de constater.

• 0930

À un niveau très élémentaire, l'une des principales responsabilités du gouvernement est d'empêcher que des citoyens ne meurent. Si cela vous intéresse le moindrement d'éviter que des citoyens meurent et soient victimes de maladies comme la tuberculose, réfléchissez, nous vous en supplions, à l'assurance-emploi et aux programmes du Régime de pensions du Canada. Vous trouverez le reste dans notre mémoire: notre propre historique, nos propres sondages, les conclusions auxquelles nous en sommes arrivés, et nous avons également inclus quelques coupures de presse illustrant la couverture qui a été faite du problème à Toronto.

Nous sommes en vérité le premier groupe à avoir en fait posé la question suivante: comment les gens se retrouvent-ils sans abri? La plupart des études, y compris le rapport Golden, qui est merveilleux, examinent les gens à partir du moment où ils sont sans abri. Nous, nous avons demandé: que vous est-il arrivé avant que vous ne vous retrouviez dans la rue? Et ce que nous avons appris est que dans la quasi-totalité des cas, les gens n'étaient pas dans une situation d'invalidité totale lorsqu'ils ont perdu leur logement. Mais lorsqu'on les a interviewés, des mois ou des années plus tard, 60 p. 100 d'entre eux n'étaient plus employables. L'incidence accrue de maladies chroniques, l'aggravation de problèmes de santé mentale et l'exposition à la maladie viennent exaspérer la situation.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre les représentants du Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario: il s'agit de Mme Susan O'Gorman, présidente, et de Michael Beswick, vice-président principal, pensions. Bienvenue.

Mme Susan O'Gorman (présidente, Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario): Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de nous avoir donné l'occasion de vous entretenir aujourd'hui de certains changements relativement simples dans la politique gouvernementale et qui aideraient à veiller à ce que des milliers de Canadiens puissent jouir d'un avenir sûr et confortable.

En tant que fournisseur de services aux retraités et investisseur institutionnel, nous sommes intéressés à maintenir une solide infrastructure sociale et une économie prospère. En tant que troisième régime de retraite en ordre d'importance au Canada, desservant plus de 270 000 membres, nous avons plus de 35 années d'expérience dans la planification de l'avenir. Le RREMO a été créé en 1963 et chargé d'offrir des services de pension aux employés de gouvernements locaux, et notre conseil d'administration conjoint administre à l'heure actuelle pour le compte de nos membres des avoirs de plus de 33 milliards de dollars.

J'aimerais vous parler aujourd'hui des trois recommandations que nous vous faisons dans notre mémoire. Celles-ci portent sur la limitation du surplus pour les pensions, la règle sur les biens étrangers et les limites en matière de prestations et de cotisations applicables aux régimes agréés. Je vais vous entretenir tout d'abord des limites de surplus des régimes de pension.

L'actuelle loi telle qu'elle s'applique aux surplus des pensions entrave la gestion prudente des régimes de pension et menace ainsi le futur bien-être de ceux qui comptent sur ces derniers. La Loi de l'impôt sur le revenu impose une limite de 10 p. 100 pour les surplus de régimes de pension. À partir de ce seuil, la loi exige que cessent les cotisations d'employeur. Cette règle arbitraire signifie que les administrateurs de régimes de pension, dont l'affaire est la planification à long terme, se trouvent obligés de prendre des décisions à court terme susceptibles de nuire au régime. L'exigence que cessent les cotisations lorsque le surplus dépasse les 10 p. 100 est particulièrement inquiétante.

La Loi applicable au régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario exige que lorsque les employeurs arrêtent de cotiser, les employés fassent de même. Selon nos prévisions, si la période d'exonération de cotisations se poursuit jusqu'à ce que le surplus passe en deçà du seuil de 10 p. 100, alors le mouvement sera trop fort pour qu'on y résiste. Le coefficient de capitalisation du régime passera en dessous des 100 p. 100, le résultat ironique de cela étant que les taux de cotisation devront être augmentés, causant ainsi des difficultés et pour les employeurs et pour les employés.

Nous exhortons donc le gouvernement à porter la limite des surplus à 20 p. 100, ce qui serait beaucoup plus gérable d'après nos prévisions. Sinon, la loi devrait permettre au personnel de Revenu Canada d'accepter des plans de gestion de surplus de régimes de pension à long terme prévoyant une réduction graduelle du surplus jusqu'à un niveau inférieur au seuil imposé par la Loi de l'impôt sur le revenu.

J'aimerais maintenant passer à notre deuxième sujet de préoccupation, soit la limite du contenu étranger des avoirs.

Comme vous le savez, la Loi de l'impôt sur le revenu interdit que plus de 20 p. 100 de la valeur comptable des éléments d'actif d'un régime de retraite agréé ou d'un REER soient investis dans des avoirs étrangers. Cette règle est connue sous le nom de Règle sur les biens étrangers (RBE) et elle s'applique à tous les régimes de retraite agréés ainsi qu'au Régime de pensions du Canada (RPC). Bien que la RBE ait peut-être eu un sens par le passé, elle n'en a plus aujourd'hui, et ce pour de nombreuses raisons. Elle entrave le développement au Canada d'une capacité d'investissement mondiale et elle ne cadre pas avec la législation en matière de concurrence, en pleine évolution, ni avec l'esprit de l'ALENA. Plus précisément, les principaux investisseurs institutionnels du Canada ont aujourd'hui de la difficulté à trouver des endroits où investir leur argent au fur et à mesure qu'ils deviennent disproportionnellement gros comparativement à la taille des marchés canadiens des actions et obligations. Le RREMO en est un exemple. Le nouvel office d'investissement du RPC nous fournira bientôt encore un autre exemple. Si la RBE de 20 p. 100 est maintenue, cela pourrait créer sur le marché financier canadien des risques inutiles d'illiquidité et autres.

• 0935

Les Canadiens perdent du revenu du fait de cette règle. D'aucuns ont évalué le coût annuel futur de la RBE à environ 0,2 p. 100 des avoirs du Régime de pensions du Canada et des régimes enregistrés d'épargne-retraite axés sur des fonds mutuels. Cela représente un manque à gagner au titre des pensions des Canadiens de plus de 1 milliard de dollars par an. Pour un régime de pension type, cela correspond à une baisse des prestations de pension ou à une augmentation de coût de 3 à 4 p. 100.

La RBE empêche les investisseurs canadiens de diversifier de façon optimale leurs avoirs au titre de régimes de pension et de réaliser le meilleur rendement possible sur leurs investissements en les obligeant à investir au moins 80 p. 100 de leur argent dans un marché de valeurs qui ne représente que 3 à 4 p. 100 du portefeuille mondial. En même temps, la règle empêche les gestionnaires de fonds de pension canadiens de mener à bien leur principale obligation, soit la maximisation du rendement pour leurs clients.

Nous exhortons donc le gouvernement à supprimer la limite de 20 p. 100 applicable aux biens étrangers détenus par des régimes de retraite et des REER. Cette limite devrait dès maintenant être augmentée chaque année, pendant cinq ans, de 2 p. 100, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle atteigne 30 p. 100. Le gouvernement devrait alors envisager de supprimer carrément toute limite, ce de façon à offrir toute la marge de manoeuvre voulue aux investisseurs institutionnels et particuliers.

Notre troisième recommandation concerne les limites des prestations et des cotisations aux régimes enregistrés. Les actuelles limites en matière de cotisations aux REER et aux régimes de pension enregistrés sont discriminatoires à l'égard de centaines de milliers de Canadiens à revenus moyens et supérieurs du fait qu'elles les empêchant de contribuer suffisamment pour pouvoir maintenir leur niveau de vie après la retraite. Or, en vertu des impôts qu'ils versent, ces contribuables cotisent à des programmes tels le Supplément du revenu garanti et la Sécurité de la vieillesse, qui permettent à d'autres de toucher un revenu raisonnable à la retraite. Mais voici qu'on leur refuse à eux la même possibilité.

La prestation maximale payable en vertu d'un régime de pension enregistré est gelée depuis 22 ans, et le maximum déductible au titre d'un REER n'a pas encore atteint le seuil des 15 500 $. Ces limites n'ont pas suivi la progression de l'inflation. Si elles avaient été indexées, les régimes de pension correspondraient aujourd'hui à des revenus pouvant atteindre 250 000 $ et donneraient lieu à des pensions équivalentes à des cotisations à des REER d'environ 45 000 $ par an. Ces limites seraient semblables à celles en vigueur aux États-Unis et au Royaume-Uni, pays dont les régimes de retraite et les niveaux de vie sont semblables à ceux au Canada.

Nous pensons que le gouvernement devrait s'engager à au moins doubler les limites des contributions aux REER et régimes de pension, pour les porter à 27 000 $ par an. Il devrait également porter de 1 722 $ à 3 000 $ par an le plafond pour les régimes à prestations déterminées. Ces changements donneraient lieu à un traitement fiscal des revenus de retraite plus concurrentiel et juste pour tous les Canadiens, quel que soit leur revenu.

Le RREMO a esquissé trois modifications très simples que le gouvernement pourrait apporter au régime fiscal, ce en vue d'assurer une meilleure qualité de vie aux Canadiens. Les régimes de retraite et les économies des particuliers joueront un rôle clé dans le maintien de la prospérité des Canadiens dans le nouveau millénaire, et le gouvernement fédéral doit veiller au maintien de leur viabilité.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses. Les tours seront de sept minutes, et nous allons commencer par M. Solberg.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux témoins de leur présence et de leurs déclarations.

J'aimerais commencer par poser une question à Mme O'Gorman au sujet des règles régissant les biens étrangers détenus. Le RREMO représente des employés municipaux, n'est-ce pas?

Mme Susan O'Gorman: Oui.

M. Monte Solberg: Et si je me souviens bien, bon nombre de ces retraités, en tant qu'employés municipaux, n'avaient probablement pas des gros revenus lorsqu'ils étaient actifs...

Mme Susan O'Gorman: C'est juste.

M. Monte Solberg: ...si bien qu'ils tiennent manifestement à retirer le meilleur rendement possible de leur épargne-retraite.

Étant donné tout ce qui se passe, par exemple à Seattle aujourd'hui, avec toutes les préoccupations touchant l'investissement transnational, est-il exact de dire que les travailleurs que vous représentez sont en faveur d'un déplafonnement des placements sur les marchés étrangers?

M. Michael Beswick (vice-président principal, Pensions, Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario): Tout d'abord, il n'est pas juste de dire que nous représentons les travailleurs du secteur municipal ontarien. Nous agissons à titre de fiduciaires pour eux et nous avons l'obligation fiduciaire d'administrer l'actif de leur régime de retraite.

• 0940

M. Monte Solberg: Certainement.

M. Michael Beswick: À ce titre, il nous incombe de réaliser le meilleur rendement possible. Les prises de positions sociales, les valeurs et politiques sociales—nous essayons de ne pas nous laisser influencer par tout cela, s'agissant du placement de ces avoirs.

D'un point de vue strictement économique, votre comité, le comité sénatorial, et tous les grands experts financiers de ce pays exhortent le gouvernement depuis des années à majorer le plafond des placements à l'étranger, en s'appuyant sur des arguments très convaincants qui ne tiennent pas seulement à l'augmentation du rendement. Cela permet également aux investisseurs canadiens d'accroître leur savoir-faire dans un monde où la globalisation gagne du terrain.

Donc, oui, les valeurs sociales et opinions des travailleurs municipaux sont importantes, mais nous sommes dans une situation différente de celle des élus, par exemple, qui représentent ces membres. Nous sommes des fiduciaires et des fondés de pouvoir et devons adopter une optique différente.

M. Monte Solberg: Certainement.

Tout cela étant dit, à votre conseil siègent des représentants des syndicats, évidemment. Je serais curieux de savoir si cela ne constitue jamais un facteur ou s'ils se préoccupent exclusivement d'obtenir le meilleur rendement possible, c'est-à-dire de ne pas placer tous leurs oeufs dans le seul panier du marché canadien, qui ne représente évidemment qu'une toute petite partie du marché mondial?

M. Michael Beswick: Oui. Nous avons un conseil d'administration profane. Nous sommes très fiers de la qualité du fonctionnement de ce conseil d'administration.

Oui, il arrive que nous ayons au conseil des débats très vifs sur des problèmes comme l'Afrique du Sud, Talisman Energy Inc. et divers autres sujets, et je pense que c'est à l'honneur du conseil d'administration du régime qu'en fin de compte, chacun mette de côté les étiquettes et que le conseil agisse comme un fiduciaire dans l'intérêt de tous. Nos nombreuses années de fonctionnement en sont la preuve.

M. Monte Solberg: Je précise que je suis tout à fait en faveur de ce que vous proposez. Je trouve que c'est une bonne idée, mais il importe aussi de signaler que le libre-échange de l'investissement est une bonne chose pour les travailleurs canadiens. Ceci en est un très bon exemple, si nous pouvons amener le gouvernement à supprimer le plafond de 20 p. 100 de placements étrangers.

J'aimerais en venir à la promesse du gouvernement d'un partage moitié-moitié. J'invite à répondre à cette question qui veut.

Le gouvernement va répétant qu'il nous vaut réinvestir—et peut-être Mme Shartal sera-t-elle d'accord—et mettre davantage dans les programmes sociaux, par exemple. Je remarque également, lorsque je regarde les comptes nationaux du Canada, que les dépenses de programmes, lorsqu'on combine les crédits fédéraux et provinciaux, sont à un chiffre record. Elles ont atteint leur sommet en 1990-1991, pendant la récession, et sont restées à ce niveau, en termes réels, depuis lors. Bien que le chômage ait énormément baissé depuis cette époque, nous restons bloqués à ce niveau de dépenses.

D'une part, Mme Shartal nous dit que le filet de sécurité sociale s'effiloche, que les gens tombent à travers les mailles et se retrouvent à la rue, et de l'autre côté nous avons des gens qui réclament des allégements d'impôt majeurs et une réduction sensible de la dette, ce vers quoi je penche beaucoup moi-même, très franchement.

J'aimerais que les témoins donnent leurs réponses à ces observations.

Par ailleurs, peut-être les représentants des milieux d'affaires pourraient-ils offrir quelques solutions aux types de problèmes qu'évoque Mme Shartal.

Mme Sarah Shartal: La première obligation du gouvernement est de faire en sorte que ses citoyens ne meurent pas. En laissant de côté toute la rhétorique, de deux à cinq personnes par semaine meurent de froid dans les rues de...

M. Monte Solberg: Elles meurent de froid?

Mme Sarah Shartal: Oui.

M. Monte Solberg: De froid?

Mme Sarah Shartal: De deux à cinq Jean Dupont, comme on les appelle, ou sans domicile fixe, meurent par semaine. Le froid est l'une des causes. Deux des personnes qui sont décédées la semaine dernière venaient d'être renvoyées de l'hôpital. Lorsque vous sortez de l'hôpital, hormis le centre St. Mike, qui a ouvert hier soir, vous n'avez nulle part où aller.

M. Monte Solberg: Bien. Mais...

Mme Sarah Shartal: Attendez un instant. Ce ne sont pas là des fables. Ce n'est pas une impression. Vous pouvez appeler le Bureau du coroner à Toronto.

• 0945

Le paradoxe est celui-ci: Alors que le chômage a diminué, le nombre de sans-abri a parallèlement grimpé en flèche. Nous disons simplement que lorsqu'un filet de sécurité sociale laisse mourir les plus vulnérables, quelque chose ne va pas. N'y a-t-il plus d'asiles des pauvres? N'y a-t-il plus de prisons? Ou bien faudrait-il commencer à se demander comment éviter que les gens meurent dans les rues de Toronto?

Je suis néo-Canadienne. Lorsque je suis arrivée au Canada il y a 20 ans, je venais d'un pays qui connaissait un grand nombre de mendiants. J'ai adoré la civilité ici. Les voitures roulaient chacune de leur côté de la rue et nous n'avions pas de mendiants. Aujourd'hui, il n'y a pas un coin de rue de Toronto sans mendiants.

La première responsabilité du gouvernement est de veiller à ce que ses habitants ne meurent pas. Lorsque 20 p. 100 des sans-abri sont exposés à la tuberculose, lorsque les gens meurent et se retrouvent à la morgue alors que nous savions qu'ils cherchaient à s'abriter, lorsque les foyers d'accueil sont remplis à 100 p. 100, nous savons qu'il ne s'agit plus de créer d'autres foyers, il s'agit d'arrêter de créer des sans-abri.

M. Monte Solberg: Je pense qu'il est tout de même important d'analyser les chiffres, car si nous ne savons pas, par exemple, de quoi meurent les gens, nous ne pouvons trouver de solutions appropriées.

Mme Sarah Shartal: Nous savons qu'ils meurent. De fait, on connaît les causes. Vous pouvez appeler le Bureau du coroner. Ils meurent d'une combinaison de maladie et de froid. Ce n'est pas qu'ils soient assassinés; ils meurent de maladie et de froid.

Nous ramassons des gens morts dans les allées. Cela arrive partout.

Le graphique que je vous ai montré provient des services d'accueil. Il ne provient d'aucun autre organisme. Nous avons assisté à une augmentation spectaculaire du nombre de personnes dormant dans les foyers d'accueil et nous savons qu'il reste encore 2 000 personnes dans les parcs. Ce ne sont pas là des chiffres inventés. Tous ces gens n'existaient pas il y a dix ans. Ils sont là aujourd'hui.

Si vous ne voulez pas avoir 4 000 personnes de plus dormant dans les rues dans deux ou trois ans... car les chiffres augmentent à un rythme exponentiel. Vous verrez cela sur les graphiques.

Nous ne sommes pas un groupement d'intérêt particulier. Les membres de notre comité appartiennent aux trois partis politiques. Nous voulons simplement savoir pourquoi, si nous avons un filet de sécurité sociale, tant de personnes sont à la rue.

M. Terry Ruffel: Du point de vue du milieu d'affaires... et il est évidemment difficile d'intervenir après ce que nous avons entendu. Je vis moi aussi à Toronto et j'ai conscience, car je travaille au centre-ville, du problème. Il est réel.

J'ai plusieurs observations. Notre préoccupation tient en partie au risque que nous courons si nous n'épongeons pas notre dette nationale. Notre pays est hypothéqué. L'hypothèque est lourde. Si les taux d'intérêt augmentent de nouveau, je pense que tous les progrès que nous avons réalisés dans la lutte contre le déficit risquent d'être anéantis.

Nous avons entendu ici et signalé dans notre mémoire que 27 p. 100 du budget part en paiements d'intérêt, et à mon sens cela est un crime. Si nous réduisons l'hypothèque ou la remboursons, certains de ces versements d'intérêt et dépenses budgétaires qui seront libérés pourraient servir à ces causes, y compris celle des sans-abri.

Je pense donc réellement que c'est un crime de payer autant d'intérêt, qui représente une partie substantielle du budget et une partie substantielle des impôts que paient les Canadiens.

Si nous maîtrisons notre dette nationale, commençons à rembourser l'hypothèque—et je ne pense pas que 3 milliards de dollars par an suffisent lorsqu'on sait que la dette est de 580 milliards ou 590 milliards de dollars—alors je pense que nous pourrons réellement commencer à régler les autres problèmes. Si nous n'attaquons pas la dette nationale, alors tous les autres programmes sont exposés au risque. Je pense qu'il y a donc lieu de réorienter les fonds.

Mme Shartal, je crois, a dit aussi que des programmes d'emploi seraient utiles. Elle a aussi évoqué la question du fonds d'assurance-emploi. Je ne pense pas que ce dernier devrait être un fonds d'accumulation d'un excédent. Personne ne l'a jamais préconisé. Puisqu'il s'agit d'une assurance, les cotisations devraient être à la mesure des besoins des chômeurs et, comme le disait l'autre témoin précédemment, les besoins sont nombreux.

• 0950

Vous devriez regarder cela de près et vous demander si l'assurance-emploi est censée accumuler un excédent. Réduisez les cotisations au niveau qu'exige la raison d'être réelle du fonds. Et d'autres témoins disent que la raison d'être réelle pourrait englober d'autres choses.

Le président: Monsieur Ruffel, je comprends ce que vous dites au sujet de la dette, et celle-ci est un problème très important, mais ne pensez-vous pas que rembourser la dette et s'occuper des sans-abri sont deux choses contradictoires?

M. Terry Ruffel: Non, pas du tout. Si vous remboursez la dette et économisez ainsi des intérêts, vous avez alors une énorme possibilité de faire d'autres choses.

Le président: Mais pour le problème immédiat qui se pose à nous, attendons-nous que la dette soit... Autrement dit, combien de gens faut-il attendre de ramasser dans les allées de Toronto?

M. Terry Ruffel: C'est une décision difficile. J'ai entendu également que des programmes dans les entreprises pourraient aider et aussi qu'il faudrait rajuster le fonds A-E, ainsi que les prestations. Il y a là des lacunes. Il existe donc des solutions, des solutions immédiates. Je ne connais pas toutes les réponses, mais accumuler un excédent dans le fonds n'est pas la bonne solution. Certaines choses peuvent être faites immédiatement.

Le président: D'accord. Merci.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Madame Shartal, vous avez dit que de deux à cinq personnes mouraient chaque jour...

Mme Sarah Shartal: Non, pas chaque jour; deux à cinq personnes chaque semaine.

[Traduction]

Nous savons d'après le Bureau du coroner, qu'avant la neige, en moyenne entre deux et cinq Jean Dupont sont retrouvés chaque semaine—des sans-logis. Les Jean Dupont sont ceux que l'on ne peut identifier. De fait, l'un de ceux qui sont morts, il y a trois semaines, je crois—nous avions essayé de lui trouver une place, mais les foyers sont remplis à 100 p. 100, et cette nuit-là, où nous n'avons pas trouvé de place pour lui, il est mort.

[Français]

M. Yvan Loubier: Je fais le lien avec ce que M. Terry Ruffel a dit tout à l'heure. Supposons qu'il faille de 25 à 30 ans pour rembourser la dette. Quand deux personnes au minimum meurent chaque semaine et qu'on multiplie cela par 52 semaines, cela commence à faire beaucoup de victimes.

[Traduction]

Mme Sarah Shartal: Dans une ville. D'ailleurs, on recense les mêmes chiffres dans la plupart des grandes villes, car ces dernières ont été davantage touchées par les coupures d'assurance-chômage, vu le nombre de gens qui viennent y chercher du travail.

Nous sommes un pays riche. Nous ne sommes pas un pays du tiers monde. Je viens d'un pays du tiers monde et j'avoue être choquée. Nous avons des bidonvilles à Toronto comme à Sao Paulo, au Brésil. Ce pays est suffisamment riche pour s'occuper des plus vulnérables parmi les siens.

Il m'a fallu sept mois pour obtenir des prestations pour quelqu'un qui était à la fois gravement handicapé physiquement et schizophrène. Je vois des décisions de Pensions Canada me revenir disant: «Oui, votre médecin dit que vous êtes invalide, mais il ne vous a jamais envoyé faire une scanographie. Par conséquent, vous ne pouvez être suffisamment invalide pour toucher une pension». Ce type a 100 $ par mois pour vivre, sans RPC. Vous ne pouvez payer un loyer avec cela.

L'intérêt de l'A-E et de la pension du Canada est de pouvoir payer un loyer. Si les gens y cotisent, ils devraient pouvoir en toucher les prestations. Ce n'est pas compliqué. Je n'aurais pas des membres conservateurs de paroisses religieuses travaillant à ce projet si ce n'était pas aussi simple. Je n'aurais jamais pensé que je travaillerais en relation si étroite avec l'Armée du Salut.

C'est réellement simple. Nous voulons que ceux qui perdent leur emploi aient assez d'argent pour payer leur loyer. Nous voulons que ceux qui tombent malades touchent des prestations de maladie. Cela fait partie du régime d'assurance-chômage. Nous voulons que les femmes qui donnent naissance puissent bénéficier d'un congé de maternité. Ce n'est pas compliqué. Les sans-abri, c'est une question d'argent, ce n'est pas une question de logement.

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur Ruffel, vous avez parlé de l'opportunité de réduire les taux de cotisation à l'assurance-emploi. Comme vous l'avez mentionné vous-même, il y a des surplus immenses dans cette caisse-là, des surplus de 6 ou 7 milliards de dollars par année. Compte tenu de ce que Mme Shartal a dit plus tôt et étant donné que seulement 42 p. 100 des chômeurs et chômeuses qui payent des cotisations ont droit aux prestations d'assurance-emploi, ne croyez-vous pas qu'après quatre années consécutives de baisses du taux de cotisation à l'assurance-emploi pour les employeurs, en particulier, il serait temps de penser à éliminer les vices et les travers de ce régime pour faire en sorte qu'il n'y ait plus 42 p. 100, mais de 75 à 80 p. 100 des chômeurs et chômeuses qui soient couverts par le régime?

Comme l'a mentionné Mme Shartal, il y a des gens qui sont coincés à l'heure actuelle. Ils sont marginalisés. On les sort du régime d'assurance-emploi et ils n'ont bien souvent pas droit aux prestations d'aide sociale. Ils sont obligés de s'appauvrir avant de réintégrer le marché du travail, et on se retrouve ensuite avec des problèmes d'itinérance. Il y a un phénomène qu'on constate à Toronto et à Montréal de façon particulière: ce ne sont plus seulement des individus qui sont itinérants; ce sont des familles complètes qui sont à la rue. Qu'en pensez-vous?

• 0955

[Traduction]

M. Terry Ruffel: Je partage évidemment vos préoccupations. Je dirais seulement qu'il faut établir la cotisation en fonction des prestations que l'on verse. Je crois savoir qu'il y a actuellement un énorme excédent dans le fonds. Si vous voulez étoffer vos programmes et couvrir certains des besoins évidents, je ne sais pas combien cela coûterait. Ce qu'il vous incombe de faire, pour ce qui vous concerne, c'est veiller à ce que les cotisations couvrent les prestations.

Accumuler un énorme excédent qui partira au Trésor, cela n'est pas la raison d'être du fonds A-E. Le rôle du gouvernement est donc de déterminer ce qu'il convient de couvrir et quelles vont être les limites. Je ne suis pas en mesure de vous dire aujourd'hui si ces besoins-là sont valides. Je suis sûr qu'il y en a d'autres. Mais je suppose que si l'on assortit les cotisations à la couverture et que l'on plafonne l'excédent, il y aura plus qu'assez pour couvrir les prestations justifiables.

Ma seule réponse est donc, oui, il y a de nombreux besoins, mais n'allez pas accumuler un excédent. Cela n'est pas justifié.

[Français]

M. Yvan Loubier: Ma dernière question s'adresse à M. Perron, à M. Lecavalier ou aux deux.

Comme vous le savez, avant-hier, à la Chambre des communes, le Bloc québécois a présenté une motion demandant que l'ordre soit donné au Comité de la justice de se pencher, au cours de la prochaine année, sur des moyens efficaces de lutter contre le crime organisé. Une des activités les plus lucratives du crime organisé est justement la production et la distribution de stupéfiants. Au cours de la prochaine année, le Comité de la justice va se pencher entre autres sur cette question, qui est à mon avis la plus importante. Si vous coupez les ailes au crime organisé au niveau des stupéfiants, vous lui coupez les ailes, point. J'ai une question à vous poser parce que vous vous intéressez de près à la toxicomanie. On a énormément de difficulté à avoir des statistiques précises et récentes sur l'évolution du phénomène de la toxicomanie: le trafic de drogues, la polytoxicomanie, l'âge des nouveaux «accrochés». Serait-il possible de penser qu'au cours des prochains mois, une organisation comme la vôtre puisse colliger les renseignements sur l'évolution du phénomène? Tout le monde nous dit qu'il y a des toxicomanes et des héroïnomanes de plus en plus jeunes—on parle d'enfants de 12 ou 13 ans—mais on n'arrive jamais à chiffrer cette chose, à démontrer l'importance d'intervenir de façon efficace à ce niveau et d'investir l'argent nécessaire pour le faire. Avez-vous ce genre de statistiques ou planifiez-vous de colliger ces statistiques au cours des prochains mois? C'est fondamental pour la prochaine année.

M. Michel Perron: Monsieur Loubier, je vais commencer à répondre à la question et je demanderai à mon collègue d'ajouter certains éléments s'il le veut.

Nous appuyons entièrement le fait qu'on se concentre sur le problème du crime organisé au Canada. Cela dit, nous reconnaissons, tout comme les policiers qui sont nos grands partenaires dans cette lutte, que pour bien aborder le problème de la toxicomanie au Canada, il faut l'aborder d'une façon équilibrée.

Il va falloir se concentrer sur les trafiquants de drogue, comme vous le proposez. Il va aussi falloir anticiper les besoins des toxicomanes au Canada et mettre en place les programmes de prévention et de recherche les plus efficaces, ceux qui sont reconnus comme étant les plus valables.

Cela dit, la question que vous posez concernant les statistiques est tout à fait appropriée. C'est une très bonne question. C'est une chose sur laquelle nous aimerions beaucoup nous concentrer au cours de la prochaine année. Nous avons en ce moment un réseau qui s'appelle, en anglais, le Canadian Community Epidemiology Network on Drug Use. C'est assez long en anglais.

M. Yvan Loubier: Vous me le dicterez tout à l'heure.

M. Michel Perron: Je vous donnerai plus tard le nom français. Il s'agit d'un réseau national de 14 centres situés partout au Canada, où nous regroupons des groupes de professionnels, des coroners, des personnes qui travaillent dans le domaine de la toxicomanie, des policiers et les services de santé pour tâter le pouls des communautés en ce qui concerne l'évolution des toxicomanies. Quelles sont les nouvelles drogues? Quelles sont les puissances et les puretés de ces drogues?

• 1000

C'est un réseau en bonne partie bénévole au niveau communautaire. Cependant, le CCLAT, notre organisme, en est responsable. Il essaie de coordonner ce réseau de 14 groupes. Pour avoir de bonnes politiques antidrogues, pour bien savoir où investir notre argent, il est absolument essentiel d'investir dans ce réseau.

J'appuie entièrement votre suggestion. Ce réseau qui est en place en ce moment, mais qui est très fragile puisque nous n'avons pas beaucoup de moyens financiers, pourrait prendre beaucoup d'ampleur et nous donner les données nécessaires pour savoir dans quels domaines on doit investir.

M. Yvan Loubier: Vous comprendrez que si on veut adopter des mesures équilibrées entre la répression, les modifications au Code criminel et les mesures de prévention, il nous faut ce genre de statistiques. On peut sentir le problème, mais entre le sentir et le mesurer correctement pour prendre des mesures appropriées, il y a toute une différence.

J'aimerais poser une dernière question si le président me le permet.

Vous dites dans votre mémoire que le taux de consommation de drogues chez les jeunes est au même niveau que dans les années 1970 et que les attitudes envers les drogues s'adoucissent. Je suis pas mal d'accord avec vous, mais je trouve que c'est une statistique un peu trompeuse. Même si le taux de consommation est le même que dans les années 1970, ce qu'on consommait dans les années 1970, c'était du petit pot bien inoffensif, contenant 1 ou 2 p. 100 de THC, alors qu'à l'heure actuelle, le cannabis qu'on produit dans les champs du Québec et de l'Ontario particulièrement contient 7 p. 100 de THC, soit sept fois plus. On va jusqu'à 30 p. 100 dans les serres hydroponiques.

Lorsque vous parlez du taux de consommation de drogues, je veux bien vous croire, mais il manque une donnée essentielle. Quelles sont les drogues consommées par ces jeunes, et pourquoi la question de la légalisation est-elle une fuite en avant? Est-ce à cause de cela? À l'heure actuelle, les drogues dites douces sont devenues des drogues dures. Vous me direz ce que vous en pensez, mais si vous légalisez les drogues dites douces, qui ne sont plus des drogues douces, comme le cannabis, vous ferez diminuer les prix et vous sortirez très certainement le crime organisé de cette activité lucrative. Cependant, ce que le crime organisé perdra en termes de prix, il ira le chercher au niveau de la quantité vendue. Si le prix du cannabis diminue, le prix de l'héroïne et de la cocaïne va diminuer, parce que ces drogues sont pratiquement devenues des drogues de substitution.

Que pensez-vous de cette analyse? D'après vous, est-ce que la légalisation serait une avenue à envisager pour les drogues dites douces ou si vous l'évacuez complètement étant donné votre expérience en polytoxicomanie?

M. Michel Perron: Premièrement, je suis d'accord sur votre observation concernant l'actuel taux de THC dans le cannabis. Nous avons des taux très élevés. Nous avons une exportation de cannabis de la Colombie-Britannique vers les États-Unis. On fait un échange livre pour livre avec la cocaïne, ce qui reflète exactement ce que vous dites.

Nous avons aussi un problème. Il n'y a pas seulement une raison pour laquelle les jeunes embarquent de plus en plus dans les drogues ces jours-ci. Nous voyons qu'il y a une attitude plus libérale, une certaine banalisation des drogues au Canada qui ne reflète pas exactement la puissance et la pureté des drogues, comme vous l'avez mentionné.

Le terme «légalisation» veut dire différentes choses pour différentes personnes. Si on fait abstraction des besoins des toxicomanes, parce que c'est une partie essentielle de cette discussion, le concept de la légalisation sert plutôt à distraire le monde, d'après moi, et à faire la une des manchettes, alors qu'il faut premièrement investir dans des choses que nous connaissons et qui sont au bénéfice du toxicomane. L'offre est un côté de la médaille. Cependant, il y a des problèmes sociaux qui font que les personnes consomment des drogues. Il faut aborder cela dans un contexte de santé sociale et non pas d'incarcération.

D'après moi, la priorité n'est pas nécessairement de modifier la loi, mais d'investir dans des programmes de prévention, de traitement et de recherche qui sont reconnus pour bien fonctionner. Nous avons une grande marge de manoeuvre avec la loi actuelle. On pourrait faire toutes sortes de travaux.

M. Yvan Loubier: Je parlais de modifications au Code criminel pour combattre les criminels, et non pour s'attaquer aux gens qui ont des problèmes de dépendance.

M. Michel Perron: Pardon? J'ai mal compris.

• 1005

M. Yvan Loubier: Lorsque je parlais de modifications législatives, je parlais de modifications contre les criminels, et non contre les toxicomanes.

M. Michel Perron: On est sur la même longueur d'onde.

M. Yvan Loubier: Oui. Merci, monsieur le président.

M. Michel Perron: Merci.

Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

Je m'adresse aux exploitants de machines distributrices. Lorsque la pièce de 2 $ a été introduite, cela a posé des problèmes similaires. L'un de mes électeurs est un distributeur qui n'exploite qu'un petit nombre de machines. L'accusation à l'époque était que l'industrie s'était mise à plat ventre devant les gros fournisseurs comme Coca-Cola et autres et n'a pas suffisamment défendu les intérêts des petits exploitants-propriétaires. Est-ce toujours le cas? Est-ce que ces petits exploitants restent ignorés lorsqu'il s'agit de collaborer avec le gouvernement fédéral au sujet des nouvelles pièces de monnaie?

M. Dan Stewart: Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question, mais si vous dites que l'adoption de la pièce de 2 $ visait à faire plaisir aux gros fournisseurs ou aux gros exploitants de machines, cela n'est pas vrai. La pièce de 2 $ a été introduite pour une raison toute simple: réduire les coûts.

L'industrie de l'auto-distribution a commencé à réclamer la pièce d'un dollar au milieu des années 80, dirais-je. Nous avons fait pression sur le gouvernement parce que nous ressentions le besoin de cette pièce dès lors que nos prix approchaient le dollar. Une partie de notre campagne a consisté à montrer au gouvernement les économies qu'il réaliserait avec la pièce d'un dollar, qui dure 20 ans, comparée à un billet, qui a une durée de vie moyenne de six mois. L'introduction de la pièce d'un dollar, en 1987, je crois, a engendré pour le gouvernement des économies de 160 millions de dollars sur 20 ans.

Mais les exploitants de machines distributrices, gros ou petits, n'ont pas réclamé la pièce de 2 $. Celle-ci est née purement du désir du gouvernement de réaliser des économies supplémentaires. En remplaçant le billet de 2 $ par la pièce, le gouvernement économise 12,7 millions de dollars chaque année, soit une nouvelle économie de 254 millions de dollars sur 20 ans.

La question de la teneur en métal procède du même raisonnement. En réduisant le coût des pièces, nous avons contribué encore 190 millions de dollars sur 20 ans, plus encore 100 millions de dollars parce que ces pièces se vendent maintenant très bien. La Monnaie royale canadienne a fait un excellent travail, en concevant une pièce qui peut être commercialisée dans le monde entier.

Ce que je veux dire, c'est que nous trouvant ici aujourd'hui et écoutant ces témoins—et je suis sûr que tous les témoins que le comité entend pendant ses déplacements... Il y a toutes sortes de causes justes, de gens qui ont besoin de crédits, d'argent. Comme je l'ai dit, nous ne venons pas ici pour tendre la main. Nous savons que tout gouvernement responsable doit suivre un processus budgétaire, et votre comité en est un élément. Il faut prendre des décisions—qui ne sont pas toujours faciles—pour trouver l'équilibre entre les recettes et les dépenses.

Ce que nous faisons ressortir, c'est que les différentes initiatives relatives aux pièces de monnaie au cours des 12 dernières années ont engendré une économie, sur 20 ans, de 784 millions de dollars pour le gouvernement, selon ses propres estimations.

L'industrie de l'auto-distribution a connu des frais considérables pour s'adapter à ces changements. Nous n'avons jamais comparu devant le Comité des finances ni avons réclamé au gouvernement une indemnisation pour ce coût, car on pouvait considérer qu'il était compensé par quelques avantages.

Ce changement-ci est différent, car il n'y a absolument aucun avantage pour nous et il nous pénalise dans la concurrence. Nous considérons cela comme un petit investissement pour le gouvernement, qui lui permet d'économiser 784 millions de dollars sur 20 ans; les autres témoins que le comité rencontre pourront faire excellent usage de cet argent.

M. Paul Szabo: Merci beaucoup.

Monsieur Perron, je suis heureux que vous ayez mentionné le syndrome d'alcoolisme foetal comme l'un des problèmes de la toxicomanie à ne pas perdre de vue. Je sais que 5 p. 100 des malformations congénitales sont liées au SAF. La Société canadienne de pédiatrie et Santé Canada ont publié une déclaration conjointe sur la consommation d'alcool en cours de grossesse, conseillant, en gros, de s'abstenir.

• 1010

La ministre de la Justice a pris récemment la parole à Edmonton lors de l'assemblée annuelle des associations d'enseignants, je crois. Elle y a déclaré qu'environ 50 p. 100 des jeunes incarcérés souffrent de SAF, ce qui me dit qu'il y a un travail à faire au niveau de la sensibilisation.

Je sais que votre travail englobe les statistiques, etc. Avez-vous connaissance de travaux qui auraient été effectués sur le coût sur la durée de vie d'un enfant SAF?

M. Michel Perron: Je vais demander à mon collègue de répondre à la question, si vous permettez.

M. Paul Szabo: Certainement.

M. Jacques Lecavalier (associé, Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Merci, monsieur Szabo.

Comme nous le savons tous, il est très difficile de réunir des statistiques concernant le SAF parce que ce syndrome est difficile à diagnostiquer. C'est l'un des problèmes. Le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, de concert avec un certain nombre d'autres organisations canadiennes, lorsqu'il a chiffré le coût de la toxicomanie, s'est certainement penché là-dessus. Malheureusement, nous utilisons des chiffres très conservateurs, à défaut d'en posséder de meilleurs.

Nous n'avons pas à ce stade de chiffre d'ensemble pour le Canada, mais des études de cas particuliers ont été effectuées. L'estimation du coût effectuée par le passé se chiffre en millions de dollars par personne.

M. Michel Perron: Si je puis ajouter un mot, monsieur Szabo, notre service d'information sur le syndrome d'alcool foetal, qui est financé conjointement avec l'industrie, se donne pour mission de diffuser le message de la prévention. C'est là une situation qui peut être prévenue à 100 p. 100, qui a des conséquences à long terme et qui touche durement les jeunes et l'avenir de notre pays, si bien que nous sommes pleinement en faveur...

M. Paul Szabo: C'est très à propos, étant donné le souci croissant concernant la santé des enfants et toute l'attention concentrée sur le programme d'action pour les enfants.

J'ai une dernière question pour Sarah, monsieur le président.

Je vous remercie de votre passion. Elle est nécessaire. Je sais que parfois les gens sont frustrés par la situation, mais le ministre du Travail, qui est responsable d'au moins une partie du dossier des sans-logis, a procédé à de larges consultations. Il y a quelques réalités auxquelles il faut faire face. Toronto n'est pas représentatif du Canada. Toronto est représentatif d'un grand centre urbain.

Mme Sarah Shartal: Absolument, bien entendu.

M. Paul Szabo: Les faits signalés par le rapport Golden, Golden I...

Mme Sarah Shartal: Le rapport Golden II est sorti la semaine dernière.

M. Paul Szabo: Oui. Golden I n'indiquait pas l'origine des sans-logis. J'ai oublié les chiffres. Mais soit 42, soit 47 p. 100 des sans-logis de Toronto viennent d'ailleurs. Ils viennent de tout le Canada, très franchement. Selon le rapport Golden, 35 p. 100 souffrent d'une maladie mentale.

Mme Sarah Shartal: Trente-cinq pour cent des hommes et 75 p. 100 des femmes.

Une voix: Soixante-quinze pour cent?

M. Paul Szabo: Oui, c'est très élevé.

Mme Sarah Shartal: Soixante-quinze pour cent des femmes.

M. Paul Szabo: Nous savons tous que Mike Harris a fermé dix services de santé mentale depuis que son gouvernement a été...

Une voix: C'est votre premier ministre...

M. Paul Szabo: Eh bien, ce n'est pas mon... si, il l'est. Je vis dans cette province, malheureusement.

Mme Sarah Shartal: Oui.

M. Paul Szabo: L'autre chiffre qui m'a touché, et dont je voudrais vous parler car je m'intéresse principalement aux enfants et aux adolescents, est celui cité dans Golden d'environ 28 p. 100 des sans-abri de Toronto qui sont des adolescents coupés de leurs familles. Sur ce nombre, 70 p. 100 ont souffert de sévices physiques ou sexuels. Ce sont eux qui sont réellement mobiles et qui migrent. C'est là le problème de l'aimant urbain: si vous construisez quelque chose, ils vont venir. Voyez si nous ne pourrions pas nous concentrer sur ces jeunes.

Mme Sarah Shartal: D'accord.

M. Paul Szabo: Nous avons ces jeunes, dont beaucoup n'ont jamais travaillé.

Mme Sarah Shartal: C'est là un ensemble de problèmes différent.

J'attire votre attention sur le problème des familles, car beaucoup d'entre eux sont issus du système familial. Je n'ai pas ici le gros tableau sur le système familial, mais vous avez le petit tableau dans la documentation, qui provient également des services d'accueil. On constate une augmentation spectaculaire du nombre de familles vivant dans la rue depuis 1997. Si vous lisez le rapport Golden II, publié la semaine dernière, l'une des principales causes qui jettent les familles à la rue sont les coupures d'assurance-emploi.

• 1015

C'est réellement simple. Voyons un peu les effets sur les enfants.

M. Paul Szabo: Désolé, mais vous m'obligez à poser cette question. Vous avez dit dans votre exposé que 76 p. 100 des cotisants à l'assurance-emploi ne sont pas admissibles aux prestations.

Mme Sarah Shartal: Ce sont là des personnes qui cotisent. Nous ne parlons que de cela.

M. Paul Szabo: Mais vous disiez que 76 p. 100 de tous les travailleurs...

Mme Sarah Shartal: De tous ceux qui travaillent et cotisent ne touchent pas, c'est juste.

M. Paul Szabo: ...ne touchent pas.

Mme Sarah Shartal: Ne touchent pas de prestations.

M. Paul Szabo: Non, vous avez dit «ne sont pas admissibles».

Mme Sarah Shartal: Ils ne sont pas admissibles aux prestations parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'heures.

M. Paul Szabo: Cela signifie que seuls 24 p. 100 de tous ceux qui travaillent au Canada...

Mme Sarah Shartal: Il s'agit exclusivement de Toronto.

M. Paul Szabo: D'accord, cela signifie que seuls 24 p. 100 de tous les travailleurs de Toronto ont effectué plus de 700 heures de travail au cours des 12 derniers mois.

Mme Sarah Shartal: Vous avez saisi. Bingo.

M. Paul Szabo: Ce n'est tout simplement pas vrai.

Mme Sarah Shartal: Le nombre de personnes qui cotisent...

M. Paul Szabo: Je pense que si vous...

Mme Sarah Shartal: J'ai vérifié ces chiffres avec Statistiques Canada, et ils sont véridiques.

M. Paul Szabo: Très bien, je vous demande simplement de vérifier de nouveau.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Ne s'agirait-il pas là uniquement des chômeurs?

Mme Sarah Shartal: Non.

M. Paul Szabo: Ce n'est tout simplement pas vrai.

Mme Sarah Shartal: Il s'agit de voir qui est couvert et qui ne l'est pas. On constate à Toronto une augmentation spectaculaire du travail à temps partiel. Diverses catégories de population—les femmes, les jeunes, les travailleurs contractuels, au jour le jour—la croissance du travail à temps partiel à Toronto est énorme, si bien que nous voyons...

M. Paul Szabo: Le fait est que la vaste majorité des cotisants à l'A-E ne touchent jamais les prestations au cours de leur vie, et de nombreuses entreprises et secteurs retirent beaucoup plus du système que ce qu'elles y contribuent.

Mme Sarah Shartal: Mais ce qui importe, et ce que nous avons constaté—et c'est le complément d'information que nous ajoutons au rapport Golden car la question n'avait jamais été posée avant que nous fassions le tour des foyers d'accueil—concerne ce qui précède la perte du logement. La réponse la plus fréquente que nous avons obtenue dans les foyers lorsque nous demandions aux gens pourquoi ils se retrouvaient là—car nous travaillons du bas vers le haut—était qu'ils avaient perdu leur emploi et n'avaient pas d'argent.

M. Paul Szabo: Mon temps de parole est écoulé, mais j'aimerais vous faire part d'une idée. Pourriez-vous m'aider à porter à l'attention des gens avec lesquels vous traitez que si 35 p. 100 sont malades mentaux, si 28 p. 100 sont des jeunes, si 18 p. 100 sont des Autochtones hors réserve, soit 90 p. 100 des sans-abri de Toronto...

Mme Sarah Shartal: Non, car les catégories se chevauchent.

M. Paul Szabo: Non, c'est ce que dit le rapport Golden.

Mme Sarah Shartal: Je pensais que vous faisiez la somme. Désolée.

M. Paul Szabo: Si vous regardez ces personnes et les caractérisez, on peut les caractériser comme des gens que personne n'aime. Ils n'ont pas d'attache. Il n'y a personne dans tout leur arbre généalogique, quel qu'il soit, qui se soucie assez d'eux pour les sortir de la situation que vous nous avez décrite aujourd'hui. Le problème social en est donc un de l'éclatement familial et du dysfonctionnement familial. Dans plus de 90 p. 100 des cas de sans-abri à Toronto, il n'y a pas un seul membre de la famille en ce bas monde qui se soucie assez d'eux pour en prendre soin.

Mme Sarah Shartal: C'est très possible, mais il ne faut pas oublier que les pauvres tendent à venir de familles pauvres. Mais l'un des constats que nous avons fait dans nos recherches dans les foyers d'accueil est que le problème en est réellement un d'argent, en ce sens que ces personnes ne se sont pas retrouvées directement à la rue après la perte d'un emploi et l'absence de prestation. La tendance est qu'ils dormaient sur le divan chez quelqu'un d'autre, séjournaient chez des amis ou des membres de la famille pendant quelque temps. Mais à un certain moment, le système familial s'effondre parce que ces familles n'ont pas les moyens de subvenir indéfiniment aux besoins de tant de gens.

Je ne sais pas trop comment cela fonctionne. Ce que j'ai vu surtout et que je continue à voir dans mon travail, ce sont des pauvres qui n'ont pas les moyens de couvrir beaucoup d'autres personnes. Je pense que c'est différent du problème des enfants de rue.

M. Paul Szabo: Je trouve simplement que nombre des solutions proposées interviennent après le fait, alors que l'on accorde très peu d'attention aux moyens de prévenir le problème avant qu'il se pose.

Mme Sarah Shartal: Je suis d'accord. Nous avons beaucoup plus de femmes battues dans le réseau de foyers municipaux qu'il y en a dans tous les foyers provinciaux, absolument.

• 1020

Le fait est que nous avons des gens vivant dans la rue. Les mécanismes qui les mènent là existent, et ils sont sociaux. Nous n'allons pas réparer les familles en agissant là-dessus. Tout ce que nous disons, c'est que ceux qui perdent leur travail ou tombent malade devraient avoir des ressources pour payer leur loyer.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Je vais mettre à profit les questions de M. Szabo.

Quel pourcentage des personnes dont vous parlez qualifieriez-vous d'inemployables?

Mme Sarah Shartal: Dans notre définition d'inemployable, nous englobons un groupe plus large. Nous travaillons sur les gens qui sont actuellement dans la rue, environ 5 000. Premièrement, notre norme était de savoir si nous pouvions compter qu'une personne distribue des feuilles publicitaires au coin d'un grand carrefour tous les mardis. Pensions-nous que cette personne pourrait s'engager à être là tous les mardis pour distribuer les brochures, à un niveau réellement minime? Nous avons conclu que 60 p. 100 des personnes que nous interrogions ne le pourraient pas.

Le président: Elles ne le pourraient pas.

Mme Sarah Shartal: Elles ne le pourraient pas.

Mais nous avons constaté qu'elles n'étaient probablement pas inemployables lorsqu'elles ont perdu leur logement. Il y a deux stades à considérer ici. Lorsqu'elles perdent leur logement, elles ont déjà perdu un travail, ou bien elles sont malades mais pas chroniquement. Le fait est qu'une fois qu'elles se retrouvent dans la rue—et pour les personnes que nous avons interrogées, c'était entre trois mois et trois ans plus tard—l'existence de rue empire leurs difficultés physiques, psychologiques et cognitives.

Le président: Si vous le permettez, j'aimerais aller au fond des choses. Comment pourrions-nous secourir ces personnes? Vous dites que 40 p. 100 d'entre elles pourraient un jour trouver un travail et subvenir à leurs besoins.

Mme Sarah Shartal: Je ne sais pas. Je dis simplement qu'elles le pourraient, si les conditions sont bonnes. Je ne peux même pas aller jusque-là, car je ne sais pas quels types d'emplois sont créés.

Le président: Eh bien, vous savez que 60 p. 100...

Mme Sarah Shartal: Sont inemployables, en ce sens que nul ne pourrait les embaucher pour distribuer des publicités au coin de University et Dundas tous les mardis.

Mme Carolyn Bennett: De quelle façon le système A-E et le RPC pourraient-ils donc les aider?

Mme Sarah Shartal: Commençons par le RPC.

Mme Carolyn Bennett: Il faut déjà y avoir cotisé.

Mme Sarah Shartal: Oui, mais le fait est que ces personnes y cotisaient par le passé. Vous les voyez une fois qu'elles sont dans la rue depuis trois ou six mois. Mais elles n'ont pas commencé ainsi. Les plus visibles sont des gens comme les cancéreux, les asthmatiques chroniques, des gens avec une invalidité progressive. Si vous n'êtes pas couverts, vous n'avez plus d'argent et vous vous retrouvez à la rue.

Le fait est que ceux souffrant d'une affection cognitive et psychologique peuvent fonctionner relativement bien tant qu'ils ont un peu de stabilité autour d'eux. Dès qu'elles se retrouvent dans la rue, les problèmes mentaux empirent.

Mme Carolyn Bennett: D'accord, je veux remonter un peu en arrière.

Mme Sarah Shartal: On commence à rendre des décisions rétroactives pour le RPC.

Mme Carolyn Bennett: Je préside le Sous-comité des personnes ayant une déficience et nous sommes énormément désireux de trouver une solution.

Mme Sarah Shartal: Nous voulons que le RPC soit rétabli à ce qu'il était. Il est curieux que la dernière série de coupures fasse paraître bon l'ancien système, ce que je n'aurais jamais cru.

Mme Carolyn Bennett: Ce que je conteste dans votre exposé, c'est que vous négligez le système d'aide sociale.

Mme Sarah Shartal: Non.

Mme Carolyn Bennett: Pourtant, vous avez dit...

Je suis médecin généraliste. Dans mon expérience, des patients travaillaient, perdaient leur emploi, se retrouvaient à l'assurance-chômage puis arrivaient en fin de droits. Même ceux qui étaient admissibles finissaient par arriver en fin de droits, car les prestations ne durent que 17 semaines. Mais ces personnes étaient toujours dans le même appartement que lorsqu'elles travaillaient et il n'y avait pas de logement correspondant à leurs nouvelles ressources. Il n'y avait pas de choix pour elles, car il n'y avait pas de logement moins cher. Elles commençaient alors à déprimer, se mettaient à boire ou à faire des choses répréhensibles. Mais l'aide sociale a été amputée de 30 p. 100. J'avais une patiente pour qui nous payions le loyer à la source, parce qu'elle était une ancienne toxicomane. Après les coupures, il ne lui restait plus que 25 $ pour vivre chaque mois.

Mme Sarah Shartal: En fait, notre action intervient surtout au palier provincial, car curieusement, le régime le plus accessible est celui d'aide aux invalides de l'Ontario. Celui d'accès le plus difficile est le régime de pensions du Canada.

Nous avons démarré en tant que groupe de citoyens. Nous nous demandions simplement pourquoi, puisque nous avons des programmes sociaux, nous avons tant de personnes sans abri. Ce qui nous a réellement frappé, lorsque nous avons commencé ce travail, était l'ordre de grandeur. Nous avons été choqués.

Si vous regardez la proportion des personnes qui n'ont pas droit à l'A-E lorsqu'elles se retrouvent au chômage, il est énorme à Toronto. Si l'on veut enrayer la glissade vers la vie dans la rue, nous avons une fenêtre d'opportunité pour le faire. Dans cette fenêtre, lorsque les personnes sont encore employables et récupérables, si on les aide, elles ne tombent pas aussi malades et, pour parler cru, ne sont pas aussi folles et déprimées et suicidaires qu'une fois qu'elles ont perdu leur logement, que leur vie s'est écroulée et qu'elles sont dans la rue. Si l'on ramassait davantage de gens à ce stade, on en aurait moins au stade ultime et c'est justement ce que démontre le rapport Golden II, qui est sorti la semaine dernière.

• 1025

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Carolyn Bennett: ... négligé. Vous avez dit qu'il va de soit que personne ne peut survivre avec l'aide sociale.

Mme Sarah Shartal: Non, on ne peut pas vivre avec l'assistance sociale ontarienne. Mais on peut vivre avec l'aide aux personnes handicapées.

Le président: Docteur Bennett, je crois que M. Loubier aimerait poser une question.

Mme Sarah Shartal: J'aimerais simplement vous rappeler que nous intervenons ici au sujet des programmes fédéraux. Nous passons beaucoup de temps à nous battre avec les administrations provinciales, mais nous nous concentrons ici sur la partie du problème qui relève du niveau fédéral. Je ne néglige pas l'assistance sociale. Mais ce gouvernement-ci est responsable des programmes fédéraux.

On tend à oublier que l'A-E est à la fois une assurance-emploi et un régime de prestations de maladie. Pour la majorité écrasante des Canadiens, c'est le seul régime qui couvre les malades de courte durée et les invalides chroniques—les gens qui travaillent. Vous l'avez dit vous-même. Pourquoi y a-t-il ce trou entre la fin de l'A-E et le début du RPC? Il y a là une étude de cas intéressante à faire.

Mme Carolyn Bennett: Il ne s'agissait pas là d'une personne malade.

Mme Sarah Shartal: Oh.

Mme Carolyn Bennett: C'était une femme qui a perdu son emploi.

Mme Sarah Shartal: Absolument. Le problème des chômeurs de longue durée est majeur et nos programmes sociaux, à mon avis, ne le résolvent pas.

Le président: Nous allons passer à M. Loubier.

Mme Sarah Shartal: Excusez-moi.

[Français]

M. Yvan Loubier: À titre d'information, monsieur le président, il y a une semaine, nous avons reçu les chanteurs de l'Accueil Bonneau, qui sont tous des itinérants. Je pense que c'est une chance que nous avons eue de discuter avec ces gens pendant toute une matinée. Nous avons même mangé avec les représentants de la chorale. Lorsqu'on pose des questions à ces gens, on est étonné de voir comment ils en sont arrivés à l'itinérance. C'est là que vous constatez la fragilité humaine. C'est marquant, c'est frappant. Quelquefois, c'est simplement un choc émotif dans leur vie qui les a fait complètement décrocher de la réalité, ou bien ils ont perdu leur emploi. Deux personnes des douze qui étaient présentes ont fait une demande de prestations d'assurance-emploi et ont été écartées parce que les critères avaient changé, parce que le nombre d'heures qu'elles avaient était insuffisant. Déjà là, ces personnes ont eu un choc extraordinaire. Il y a des gens à qui il ne faut pas beaucoup, beaucoup d'émotion pour devenir désemparés. Ils se sont tournés vers l'aide sociale, mais ils n'étaient pas qualifiés. Ils étaient complètement dépourvus face à la complexité administrative de nos programmes. Ils étaient désemparés et ils ont commencé comme cela. Ils ont sombré dans l'alcoolisme. Cela ne prend pas beaucoup de temps. Il ne faut que quelques semaines pour devenir accroché à quelque chose.

La polytoxicomanie est encore pire. Il y en a qui respirent de la colle. J'en ai vu qui faisaient la file à l'Accueil Bonneau, à Montréal. J'ai eu l'occasion de travailler pendant deux ans à côté de l'Accueil Bonneau. C'est extraordinaire. Quand vous sniffez de la colle, comme on dit, ça ne prend pas de temps: au bout de six mois, vous êtes devenu complètement gaga. Comme on dit, il y a des plombs qui sautent quelque part.

Ces gens-là sont laissés à eux-mêmes. Il y a un manque de ressources. Il y a des travailleurs de rue qui font un travail admirable, mais il y a un manque de ressources pour les informer, les replacer, leur indiquer qu'il y aurait possibilité d'avoir des logements sociaux, par exemple, si on investissait de l'argent.

J'ai beaucoup de respect pour Mme Bradshaw, mais j'aimerais bien qu'elle nous donne le fruit de la consultation qu'elle a faite et qu'elle nous dise: «Eh bien, voilà comment on sombre dans l'itinérance; voilà les besoins et voilà nos faiblesses à nous comme intervenants sociaux.»

[Traduction]

Mme Sarah Shartal: J'ai commencé à travailler sur les sans-abri parce que pendant de très nombreuses années j'ai travaillé à la Cour suprême d'une province. Si je devais me lever tous les jours entre 6 h et 7 h du matin, traîner toute la journée sans avoir assez d'argent pour acheter un café, traverser toute la ville pour trouver de la nourriture, commencer à faire la queue à 3 h de l'après-midi en espérant trouver un lit ou une natte pour la nuit, et si cette situation ne devait pas durer un ou deux jours mais tout le reste de ma vie, premièrement, je n'aurais pas le temps de chercher du travail. Mais je deviendrais probablement profondément déprimée. Je suis toujours surprise quand je vois une personne sans abri qui ne l'est pas. Ce n'est pas de la fragilité, c'est simplement que c'est une misère tellement insupportable.

Le président: Merci madame Shartal. Merci à vous, monsieur Loubier.

Nous passons à M. Nystrom, suivi de M. Brison, et nous reviendrons ensuite à la Dre Bennett.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): J'ai plusieurs questions complémentaires. Comme vous le dites, certains de ces sans-logis travaillent à temps plein rien que pour survivre et exister, allant d'un endroit à l'autre, et il est étonnant que davantage ne soient pas encore plus déprimés qu'ils ne le sont.

J'ai plusieurs questions pour tenter de mieux comprendre la situation. Parmi les sans-abri, quel pourcentage vivent dans la rue depuis pratiquement toujours? Vous avez parlé du grand nombre d'adolescents et des malades mentaux. Y en a-t-il qui vivent dans la rue pratiquement en permanence?

• 1030

Deuxièmement, je viens de la Saskatchewan et nous avons, nous aussi, des sans-abri. Mais le profil de ces derniers, en dehors de Toronto, est-il radicalement différent? Nous avons beaucoup d'Autochtones dans le centre-ville de Regina et de Saskatoon, mais le profil des sans-logis est-il radicalement différent dans les autres régions du pays, ou bien varie-t-il radicalement d'une province à l'autre? Vancouver est peut-être à part, à cause de l'attrait de son climat. Montréal, bien entendu, est le centre de la partie francophone du pays. Vous pourriez peut-être nous donner quelques compléments d'information pour parachever le tableau.

Mme Sarah Shartal: Premièrement, un très petit nombre de sans-abri ont passé toute leur vie dans la rue. La majorité écrasante n'y est que depuis quelques années. Il y en a qui ont vécu dans la rue toute leur vie et n'ont jamais travaillé, mais ils sont une petite proportion. Dans la phase initiale de notre recherche, nous avons constaté que 70 p. 100 des personnes que nous interrogions dans les foyers avaient un passé professionnel—pour autant qu'ils puissent s'en souvenir. Je veux dire par là que les 25 p. 100... ce n'est pas qu'ils n'aient jamais travaillé, mais parfois nous ne parvenions pas à déchiffre ce qu'ils nous disaient, et nous les rangions dans la catégorie des 25 p. 100. Mais au moins 70 p. 100 avaient un passé professionnel.

Deuxièmement, je ne suis pas suffisamment renseignée sur les villes autres que Toronto pour vous répondre. Ce serait irresponsable. Je peux spéculer, mais ce serait une spéculation subjective. Je ne peux réellement rien vous dire d'autre.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai vu les chiffres d'A-E. Toronto, Vancouver et Montréal ont à peu près le même pourcentage de refus de l'A-E.

C'est tout ce que je peux répondre. Ce mémoire porte sur les programmes fédéraux. Il est déprimant de voir que, sous notre gouvernement conservateur en Ontario, il est plus facile d'obtenir l'allocation d'invalidité ontarienne que les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. L'attitude de ce dernier est la pire. Mon propre médecin se plaint de ce que les préposés aux décisions, sans connaissances médicales, l'appellent d'Ottawa parce qu'elle écrit qu'une personne est inemployable et lui rétorque: «Mais vous ne l'avez jamais hospitalisée, comment peut-elle être tellement inemployable»? Cela n'arrivait pas il y a dix ans.

Le président: Mais pourquoi dites-vous cela? Avez-vous effectué une analyse comparative de... J'imagine que vous parlez de la période 1988-1989.

Mme Sarah Shartal: Non. En fait, je représente ces gens depuis presque 20 ans, et nous avons tous les mêmes problèmes avec le RPC. Vous verrez dans le mémoire au long—nous n'avons pas abordé cela aujourd'hui—que l'un des grands changements intervenus dans le système de pensions du Canada a été l'explosion des demandes de certificats médicaux. On exige aujourd'hui... C'est presque comme si, sans rapport de spécialiste et sans scanographie, par définition vous n'êtes pas suffisamment invalide. Or, quelqu'un dont le médecin ne veut pas l'envoyer, ou qui souffre d'une invalidité qui ne se prête pas à cela, qui vit en région rurale, qui s'exprime mal ou qui est pauvre, ne peut souvent pas se procurer ces documents. L'attitude du RPC a énormément changé.

Le président: La raison pour laquelle je dis cela est parce qu'en 1988-1989, dans cette période—curieusement, juste après l'accord de libre-échange—il s'est produit une escalade au RPC. Si vous regardez un graphique, la courbe monte en flèche en 1988-1989. Si j'étais réellement cynique, je dirais que c'était probablement là le programme d'adaptation de la main-d'oeuvre de M. Mulroney.

Mme Sarah Shartal: Ce que nous avons pris en compte... Il y a eu d'abord le début de la récession, avec un nombre croissant de licenciements de travailleurs âgés. Nos études montrent que le nombre de pensions aurait dû augmenter à cause du vieillissement de notre population. Nous savons que les affections physiques et mentales ouvrant droit à pension sont plus fréquentes. Plus nous avançons en âge, plus nous sommes fragiles. Or, nous avons constaté que les chiffres ont baissé dans une période où l'évolution démographique aurait exigé qu'ils augmentent. Nous n'avons même pas fait entrer cela ligne de compte dans nos statistiques. Nous y présentons simplement les chiffres, qui sont en baisse. Ceci est la proportion pour Toronto.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

J'ai quelques questions pour Mme Shartal, rapidement.

Je représente une circonscription rurale de Nouvelle-Écosse et les problèmes concernant les pensions d'invalidité du RPC y sont encore plus grands.

Mme Sarah Shartal: Ils sont monstrueux.

M. Scott Brison: Pour vous donner une idée des critères et des effets dans ma circonscription, je connais le cas d'un homme de 55 ans, qui a été manoeuvre toute sa vie, parce qu'il n'a que cinq années de scolarité. Il souffre de problèmes de dos chroniques, à tel point qu'il ne peut plus faire de travail physique. Il a eu des opérations, les médecins ont tout fait pour le soigner. Et la réponse du Régime de pensions du Canada, bien que les médecins disent que cet homme ne peut plus travailler, est qu'il peut être recyclé et peut quand même travailler.

• 1035

Mme Sarah Shartal: Exactement.

M. Scott Brison: Mais, c'est au mieux se montrer naïf de croire que l'on peut recycler quelqu'un à l'âge de 55 ans, qui a arrêté l'école en cinquième année. Il faudrait donc revoir certains des critères utilisés.

Mais je crois savoir que la politique en vigueur au Régime de pensions du Canada est que toutes les demandes de pensions sont systématiquement rejetées au niveau ministériel et doivent être réintroduites en appel.

Mme Sarah Shartal: Disons les choses ainsi: ce n'est pas une politique officielle. Mais nous le pensions. Tous les conseillers juridiques en font des plaisanteries.

Mme Carolyn Bennett: Simplement, plus de 60 p. 100 des demandes sont rejetées la première fois.

M. Scott Brison: Mais les administrateurs nous ont dit qu'ils savent que toutes les premières demandes qu'ils approuvent seront bloquées plus haut.

Mme Sarah Shartal: Si je pouvais, brièvement...

Mme Carolyn Bennett: C'est juste une impression.

Mme Sarah Shartal: C'est une nette impression, n'est-ce pas?

M. Scott Brison: Oui. C'est une politique officieuse.

Mme Sarah Shartal: Oui, une politique officieuse. Les deux choses qui ont radicalement changé au RPC sur le plan juridique—d'ailleurs, à la Commission des indemnisations des accidents du travail de l'Ontario, le seul autre organisme dont je puisse parler, on constate la croissance de deux formes. Il y a le refus par excès de procédure, comme nous l'appelons—autrement dit, on vous demande encore un autre rapport de médecin, de remplir encore un autre formulaire—si bien que les gens laissent tomber parce qu'ils ne peuvent pas répondre à ces exigences. L'autre est le refus par fiction juridique. C'est le fait de considérer que si vous vivez à la campagne en Nouvelle-Écosse, que vous avez mal au dos et êtes âgé de 54 ans, vous pouvez être recyclé pour devenir gardien de stationnement. C'est la création de fiction juridique.

Lorsque nous disons que le filet de sécurité sociale ne fonctionne pas, le volet Régime de pensions du Canada—et nous ne le disons pas dans le mémoire, car on m'a dit que je disposais de cinq minutes et je n'ai pas abordé toutes les subtilités juridiques...

Le président: Mais vous vous rattrapez.

Mme Sarah Shartal: Oui, je me rattrape, on me l'a demandé.

Notre constat est que les coupures au RPC ne résultent pas principalement des modifications de la loi. Il y a eu des modifications de politique qui excluent des demandeurs. Notre proposition pour le Régime de pensions du Canada, que vous trouverez dans les premières pages, consiste à dire aux préposés sans connaissances médicales qu'ils ne peuvent se substituer au médecin traitant. Si un médecin traitant dit qu'une personne est inemployable et incapable de travailler, que les préposés aux décisions acceptent ce jugement. Un préposé sans connaissances médicales ne devrait pas être en mesure de dire à un médecin traitant qu'il n'y connaît rien et qu'il faut l'avis d'un spécialiste.

Ce serait déjà utile. Dites-leur d'arrêter.

M. Scott Brison: Mais le système a radicalement changé.

Mme Sarah Shartal: Radicalement.

M. Scott Brison: La difficulté dans les programmes gouvernementaux, c'est que le pendule s'arrête rarement au milieu. Il va habituellement trop loin dans un sens, puis trop loin dans le sens contraire. Et je peux vous dire que...

Mme Sarah Shartal: Le Régime de pensions du Canada est un cauchemar. C'est le pire.

M. Scott Brison: Oui, mais en Nouvelle-Écosse il y a 15 ans, on obtenait une pension d'invalidité du RPC pour un saignement de nez.

Mme Sarah Shartal: Je ne sais pas, je n'y étais pas.

M. Scott Brison: Non, mais dans les campagnes de Nouvelle-Écosse il y a 15 ans, il y avait des abus systématiques.

Mme Sarah Shartal: Si vous voulez.

M. Scott Brison: On est maintenant arrivé au point où des personnes réellement invalides et dans le besoin, qui ne peuvent pas travailler, n'obtiennent rien. Le pendule s'arrête rarement au milieu. On le voit ici.

Mme Sarah Shartal: Mais notre constat est qu'un pourcentage important des sans-abri que nous voyons devrait toucher le RPC, car c'est lui qui couvre les invalidités chroniques. Songez aux cancéreux. Nous n'y avions jamais songé, mais pourquoi les prestations de maladie s'arrêtent-elles avant que la pension du RPC intervienne? Dans les régimes d'assurance privés, lorsque vous sortez d'un programme vous entrez dans un autre. Mais dans notre système public, nous avons ce trou au milieu. Qu'est-ce que le malade est censé faire? Comment paie-t-il son loyer? Comment paie-t-il son loyer lorsqu'il est malade, déprimé et a des problèmes? Vous le forcez à entrer dans un autre système, qui ne va peut-être pas l'accepter. Cela n'a pas de sens.

Le président: Merci beaucoup.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Madame Shartal, vous focalisez réellement sur l'A-E et le RPC.

Mme Sarah Shartal: Oui.

Le président: Mais vous ne pensez tout de même pas que c'est la seule solution.

Mme Sarah Shartal: Non, non, nous faisons la même chose au niveau provincial. Nous parlons ici de ces programmes parce qu'ils sont les vôtres. Nous intervenons de la même façon au niveau provincial, mais nous vous demandons, à vous, de vous occuper de vos propres programmes.

Le président: Est-ce qu'ils vous donnent...

Mme Sarah Shartal: Peu m'importe que vous n'aimiez pas le gouvernement Harris. Je veux simplement que vous vous occupiez de vos programmes. Nous nous battrons avec la province au sujet de ses programmes. Nous admettons le partage fédéral-provincial des compétences. Nous ne pouvons rien y changer. Tout ce que nous voulons, c'est que vous répariez vos propres programmes.

• 1040

Le président: Mais lorsque vous allez à Queen's Park, vous donnent-ils autant de temps pour répondre aux questions que moi?

Mme Sarah Shartal: Oui, habituellement, mais nous sommes généralement beaucoup plus nombreux. La seule raison pour laquelle je suis seule à Ottawa est que la machine fax à Toronto ne marchait pas.

Le président: Docteur Bennett.

Mme Carolyn Bennett: Je suis désolée d'avoir manqué l'exposé sur la toxicomanie. J'imagine que vous cherchez à devenir l'un des IRSC. Est-ce exact?

Un témoin: Exact.

Mme Carolyn Bennett: Il est évidemment important que des recherches soient faites sur les formes de soins et les programmes de santé qui marchent et ceux qui ne marchent pas. Vous devez avoir une idée assez juste, dans votre organisation, sur ce qui marche et ne marche pas. Menez-vous des projets conjoints, qu'il s'agisse des sans-abri ou du syndrome d'alcoolisme foetal? Avez-vous l'impression de pouvoir influencer l'élaboration des politiques, ou bien vous sentez-vous isolés, sans que l'on vous écoute nécessairement? Comment influencez-vous la politique une fois que vous avez de bonnes recherches sur ce qui marche et ne marche pas?

M. Michel Perron: J'ai quelques opinions, et mon collègue aimerait intervenir aussi.

M. Jacques Lecavalier: Merci beaucoup.

C'est une question très importante, surtout dans l'optique de la recherche. Oui, la toxicomanie est certainement l'un des domaines de recherche au Canada—dans les cas où il y a de la recherche, car celle-ci est malheureusement très insuffisante—où l'on a appris au fil des ans à travailler horizontalement, pour intégrer d'autres facteurs importants de la toxicomanie. On nous a parlé beaucoup des sans-abri aujourd'hui, et de la pauvreté, qui sont tous deux des déterminants de ce que j'appellerais l'abus d'intoxicants.

L'un des problèmes que nous rencontrons est l'insuffisance de l'investissement dans le type d'activités qui relie les chercheurs de différentes disciplines pour se pencher sur les cas de Canadiens touchés par la toxicomanie. Vous verrez dans le mémoire, par exemple, que le gouvernement américain finance six fois plus de recherche sur la toxicomanie au Canada que le gouvernement canadien. Donc, si nous voulons des fonds pour mener ce type de recherche, nous devons nous adresser aux États-Unis. Notre position est qu'il faut changer cela, et nous le pouvons. Nous avons les réseaux, nous avons les chercheurs, pour travailler sur ces questions, mais nous avons besoin d'un investissement.

M. Michel Perron: Pourrais-je donner un complément de réponse?

Vous avez parlé du problème plus général des sans-abri et de la place qu'il occupe. Cela démontre encore une fois la nécessité d'une stratégie globale et coordonnée sur la drogue, qui prennent en compte les effets secondaires de l'abus d'intoxicants: errance, SIDA, hépatite C, sévices à enfants, négligence envers un enfant. M. Szabo a fait état de cela au sujet du syndrome d'alcoolisme foetal.

C'est un rôle que le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, avec son très maigre budget... On dit de nous que nous faisons un excellent travail avec les moyens que nous avons. Nous avons reçu 575 000 $ comme financement de base. Nous avons pu multiplier cela, en trouvant des crédits auprès des Nations Unies, de l'Organisation des États américains, du gouvernement américain et d'autres, à tel point que nous recouvrons aujourd'hui 75 p. 100 de notre budget total. Mais, encore une fois, nous devons nous adresser en dehors du Canada pour trouver des fonds pour étudier ces problèmes très fondamentaux.

Le Réseau communautaire canadien de l'épidémiologie des toxicomanies se trouve au coeur de certains de ces problèmes de recherche que vous évoquez. C'est un réseau très fragile. En effet, ce sont là des professionnels comme vous qui font bénévolement don de leur temps pour tenter de savoir ce qui se passe en matière d'abus des intoxicants: premièrement, comment leurs données se comparent avec celles d'autres régions du pays et, deuxièmement, comment influencer au mieux la politique aux paliers national, provincial et local.

Nous possédons également l'infrastructure, au plan de l'élaboration des politiques, pour recevoir ces données et prendre ces décisions conjointement, par coopération entre les services de santé, les services de police et le système judiciaire. L'infrastructure est donc là. Elle a beaucoup perdu de sa capacité en raison du manque d'investissement ces dernières années. C'est pourquoi nous disons que sans une volonté sérieuse d'investir et sans un engagement à long terme, car c'est un problème générationnel... C'est très semblable à un programme de vaccination. Chaque année, nous avons une nouvelle population de Canadiens à soigner. Sans cet investissement, la structure même mise en place par le gouvernement il y a quelques années va se dissoudre.

• 1045

Mme Carolyn Bennett: Au ministère du Solliciteur général... De toute évidence, l'abus de drogue dans les prisons est un énorme problème, et le lien avec les déficiences d'apprentissage chez les jeunes contrevenants...

M. Michel Perron: L'alphabétisme.

Mme Carolyn Bennett: ...l'alphabétisme, toutes ces choses... Avez-vous une action sur le plan de l'atténuation des méfaits, ou bien travaillez-vous uniquement sur la toxicomanie elle-même?

M. Michel Perron: La réduction des méfaits est une notion encombrée de toutes sortes de problèmes de définition.

Je vois que M. Szabo dresse l'oreille.

Selon notre optique, l'objectif est de réduire les méfaits engendrés par l'alcool et d'autres drogues chez les Canadiens, les familles et les collectivités. On fait énormément de battage autour de certains aspects particuliers de la réduction des méfaits. Mais nous constatons un très large consensus parmi les diverses parties prenantes en vue de s'attaquer à ces problèmes conjointement, au lieu d'avoir des rivalités sectorielles et des batailles territoriales. Nous avons dépassé tout cela, très franchement, du fait des réductions budgétaires. Cela a été l'un des effets positifs de ces dernières. Mais ce pas étant franchi, nous aimerions voir la marée remonter.

Le président: Merci, docteur Bennett.

Au nom du comité, je veux vous exprimer notre gratitude sincère pour votre participation. Nous l'apprécions réellement.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, ceci est notre avant-dernière séance. Notre tournée dans le pays a été excellente. L'apport des témoins a été extrêmement précieux, particulièrement les dernières interventions qui ont esquissé les défis que nous devons relever. Nous abordons peut-être ces problèmes selon des optiques différentes, mais ce qui nous unit, c'est la conviction que nous devons assurer aux Canadiens un avenir meilleur que le présent. Il nous incombe surtout, en tant que législateurs et membres de divers groupes, de faire en sorte qu'il en soit ainsi.

Vous avez certainement apporté une contribution précieuse à notre débat sur l'utilisation de l'excédent, et nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.

La séance est levée.