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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 novembre 1999

• 0937

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous et toutes. Comme vous le savez, le Comité des finances a siégé dans tout le Canada pour recueillir des opinions quant aux priorités qui devraient être adoptées pour le budget 2000.

Aujourd'hui, nous avons le plaisir de recevoir les représentants des organismes suivants: la Conférence canadienne des arts, le Conseil canadien des chefs d'entreprise, la Chambre de commerce du Canada, l'Association des universités et collèges du Canada et le Congrès du travail du Canada.

Un certain nombre d'entre vous ont déjà comparu auparavant devant le comité, de sorte que vous connaissez nos règles. Vous avez environ de cinq à sept minutes pour faire votre exposé, après quoi nous aurons une période de questions et réponses.

Nous allons commencer par la Conférence canadienne des arts, représentée par Mme Megan Williams, directrice nationale. Bienvenue, madame.

Mme Megan Williams (directrice nationale, Conférence canadienne des arts): Merci, et bonjour.

Je voudrais faire quelques observations. Nous vous avons fait parvenir un mémoire écrit dont le greffier a le texte si quelqu'un en veut un exemplaire.

Pendant le court laps de temps qui m'est imparti ce matin, je vais vous parler des deux grands axes de notre mémoire, le premier de ceux-ci étant que le ministère du Patrimoine canadien a besoin de plus d'argent.

Votre homologue, le Comité permanent du patrimoine canadien, a publié en juin dernier un rapport extrêmement important et très détaillé intitulé: Appartenance et identité: l'évolution du rôle du gouvernement fédéral pour soutenir la culture au Canada, et nous évoquons plusieurs des recommandations de ce rapport dans notre mémoire. Coïncidence étrange, ce même rapport est discuté ce matin même au Comité permanent du patrimoine canadien. La ministre Copps doit d'ailleurs y être entendue.

Lorsque ce rapport a été publié, le président du comité, Clifford Lincoln, a noté que le secteur culturel canadien ne trouvait pas son compte dans l'ensemble du soutien financier offert par le gouvernement, contrairement aux sommes énormes investies par ce dernier dans les centres d'excellence et établissements de recherche à vocation technologique. Si l'on ajoute à cela le fait que Statistique Canada vient de publier des données selon lesquelles l'appui consenti par le gouvernement à la culture a diminué pour la huitième année consécutive, on commence à avoir une meilleure image de ce secteur qui est acculé au mur.

Le soutien accordé par le gouvernement à la culture n'est pas chose futile. Il en va de l'existence même d'un secteur qui fait travailler 700 000 personnes dans tout le Canada et qui apporte plus de 22 milliards de dollars à l'économie nationale. Ce secteur apprécie à sa juste valeur non seulement le soutien financier que lui donne le gouvernement, mais également les politiques et les règlements qui favorisent l'épanouissement des arts et de la culture au Canada.

• 0940

La semaine dernière encore, plusieurs lauréats du Prix de littérature du gouverneur général ont été éloquents dans leurs louanges du financement du secteur artistique. Une semaine plus tôt, David Cronenberg, lauréat d'un des prix du gouverneur général pour les arts de la scène, attribuait sa réussite au soutien du secteur public dont il avait bénéficié au début de sa carrière de cinéaste.

Il y a 40 ans, un Canadien voyageant à l'étranger aurait fort bien pu être accueilli avec un grand sourire par des gens qui lui auraient dit: «Ah, oui, les chutes du Niagara». Il y a 20 ans, cela aurait plutôt été: «Ah oui, Pierre Trudeau». Aujourd'hui, je suis fier de pouvoir affirmer qu'être canadien susciterait plutôt comme réponse des noms comme Margaret Atwood, Atom Egoyan, Karen Kain, Glenn Gould et Ben Heppner.

Je voudrais, si vous le voulez, bien vous citer quelques mots de John Ralston Saul, et c'est tellement agréable de pouvoir citer un auteur canadien sans devoir expliquer de qui il s'agit. C'est un extrait d'un texte qu'il a écrit en 1996 sur la culture et la politique étrangère.

    [...] pour l'essentiel, l'image projeté par le Canada à l'étranger est sa culture. C'est cela notre image. C'est ce que devient le Canada dans l'imagination des gens des autres pays du monde. Lorsque quelqu'un qui n'est pas canadien décide d'acheter, de négocier ou de voyager, [...] son attitude à l'endroit du Canada aura déjà été façonnée de façon étonnante par l'image que notre culture projette à l'étranger.

À l'heure où nous nous parlons, une délégation de la Conférence canadienne des arts se prépare à partir pour le cycle des négociations du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle. Le secteur culturel se félicite du leadership dont a fait preuve Patrimoine canadien dans ce combat capital qui vise à préserver et à promouvoir notre culture et à la prémunir contre les pressions en faveur de la mondialisation. Ce ministère fait oeuvre de pionnier en ce sens qu'il relie les nations et les organismes à vocation culturelle du monde entier autour des dossiers de politique qui intéressent le commerce et la culture. Ces problématiques exigeront pendant les prochains mois une intervention concertée, de même qu'une injection considérable d'argent frais dans le budget du ministère. En premier lieu donc, Patrimoine canadien a besoin de plus d'argent.

Le second grand axe de notre mémoire est l'importance du rôle réglementaire du gouvernement. Tout d'abord, dans le cas des artistes autonomes et des travailleurs culturels, le gouvernement pourrait mettre en oeuvre certaines mesures pour améliorer la situation financière de l'artiste, du créateur, sans qui l'art n'existerait pas, sans qui il n'y aurait pas de prix du gouverneur général, il n'y aurait pas d'industrie culturelle, il ne serait pas nécessaire de penser à aménager un musée national du portrait, il n'y aurait rien. Les artistes demeurent tout au fond du panier pour ce qui est des salaires, des avantages et de la fiscalité.

Le rapport Mills sur les sports au Canada a mis le doigt sur une incohérence majeure:

    [...] en 1997-1998, un joueur de la Ligue nationale de hockey gagnait en moyenne 1,2 million de dollars américains [...] et un joueur de l'Association nationale de basket-ball 2,6 millions de dollars américains.

Le rapport poursuivait en disant qu'on s'attend à ce que ces salaires doublent d'ici quatre ans. Par contraste, les données de Statistique Canada révèlent qu'au Canada un artiste en arts visuels gagne en moyenne 7 800 $, un musicien 13 700 $ et un écrivain 15 300 $. Dans leurs cas, on ne s'attend nullement à ce que leurs salaires doublent d'ici quatre ans, ni même d'ici dix ans.

La plupart des artistes sont des indépendants. Même si c'est monnaie courante dans le secteur culturel depuis de très nombreuses années, c'est devenu un phénomène de plus en plus répandu dans la population active en général, puisque actuellement 18 p. 100 des gens qui travaillent le font en autonomie.

Pour citer Judy Maxwell, la présidente de Canadian Policy Research Networks:

    De plus en plus, les gens qui travaillent optent pour l'autonomie, ou alors ils sont obligés de le faire pour des raisons économiques. Cela veut dire qu'il y a, dans la population active, un pourcentage de plus en plus important de gens qui ne bénéficient pas d'avantages sociaux, d'une sécurité d'emploi à long terme, voire de potentialité de spécialisation ou d'amélioration de leurs connaissances.

Nous demandons un réexamen des dispositions fiscales qui concernent les artistes, les écrivains, les danseurs, les acteurs et les artistes des arts visuels, qui sont parmi les moins bien payés dans la masse sans cesse croissante des travailleurs autonomes. Dire que ces gens profitent déjà de la possibilité de déduire certaines dépenses revient à afficher une incompréhension manifeste de la façon dont un travailleur autonome gagne son revenu. Dire que ces gens peuvent puiser dans leur REER pour égaliser leur revenu témoigne d'une ignorance crasse de la situation.

Il existe déjà des solutions novatrices au problème de l'imposition des artistes. Ainsi, en Irlande, tout revenu gagné par un artiste, un écrivain, un compositeur ou un sculpteur qui vend ses oeuvres est exonéré de tout impôt. Au Québec, la première tranche de 20 000 $ de revenu de droits d'auteur est exonérée de l'impôt pour ceux et celles dont le revenu total provenant de cette source est inférieur à 30 000 $.

Tout en félicitant le Comité permanent du patrimoine canadien pour avoir recommandé à la ministre qu'elle constitue un groupe de travail pour étudier le dossier des travailleurs autonomes dans le secteur culturel, nous constatons par contre à regret que le gouvernement a répondu en préconisant la recherche d'une autre solution. Par ailleurs, la CCA est toute prête à mettre l'épaule à la roue, quelle que soit la décision du gouvernement au sujet de l'examen du dossier du travailleur en autonomie dans le secteur culturel.

• 0945

Le gouvernement devrait également envisager d'autres mesures réglementaires qui intéressent les dons de charité et le statut fiscal d'organisme de charité. La CCA se félicite de l'extension de l'allégement fiscal aux dons d'actions faits à des oeuvres de charité. Nous sommes également heureux de constater que le gouvernement fait preuve d'un nouvel esprit d'ouverture à l'endroit d'une redéfinition du statut fiscal des organismes de charité et d'une actualisation de cette notion, qui remonte au XVIe siècle. Le leadership dont a fait preuve le gouvernement en réunissant trois tables de concertation pour étudier une nouvelle adéquation avec le secteur bénévole atteste la possibilité d'envisager de nouvelles initiatives qui aideraient le secteur culturel, entre autres intervenants dans le secteur bénévole, à se doter de meilleurs moyens d'action.

Un récent exemple, dans le secteur culturel, souligne l'importance du rôle que joue le gouvernement dans l'établissement des politiques. Au cours de l'adoption du projet de loi C-55, la Loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers, l'industrie des périodiques a indiqué clairement qu'elle préférerait une réglementation à des subventions. Néanmoins, quand le Parlement a modifié le projet de loi afin d'accorder un meilleur accès au marché aux périodiques américains à tirage dédoublé, le gouvernement a décidé de compenser les répercussions négatives de cette mesure en offrant un nouveau programme de subventions de 50 millions de dollars, qui devrait être annoncé la semaine prochaine.

Nous exhortons le Comité des finances à se montrer vigilant au cas où le même genre de problèmes se poseraient à l'avenir et à recourir, si nécessaire, à une réglementation plutôt qu'aux subventions, d'autant plus que c'est la solution que préfère le secteur culturel.

Tels sont les deux principaux messages contenus dans notre mémoire. Nous abordons de nombreuses autres questions: l'octroi d'un financement adéquat au Conseil des arts et à la SRC; le financement des tournées et des expositions itinérantes; l'augmentation du soutien opérationnel aux musées canadiens, qui souffrent d'un sous-financement chronique; et la mise en place d'incitatifs fiscaux pour les dons modestes. Vous avez notre mémoire, je ne répéterai pas ce qu'il contient.

Pour conclure, j'en reviens au rapport intitulé Appartenance et identité, où l'on peut lire:

    Ce qui nous a impressionnés, entre autres, c'est l'importance que les Canadiens attachent au rôle du gouvernement dans la promotion, la protection et le soutien de notre culture ainsi que des instruments et des institutions culturelles au niveau fédéral.

On ne le répétera jamais assez souvent: le gouvernement a un rôle crucial à jouer dans la vie culturelle de ce pays.

Merci de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, madame Williams.

Nous allons maintenant entendre le président et chef de la direction du Conseil canadien des chefs d'entreprise, Tom d'Aquino.

Soyez le bienvenue.

M. Tom d'Aquino (président et chef de la direction, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités une fois de plus à comparaître devant vous pour discuter de vos recommandations pour le budget de l'an 2000 et au-delà.

Nous vous avons remis deux documents: le premier est un mémoire adressé au premier ministre qui porte la signature des membres de notre conseil exécutif et la mienne et qui s'intitule «Mediocrity versus Excellence: The Choice Facing Canada», et le deuxième est un discours que j'ai prononcé récemment et qui expose en détail l'initiative que nous avons lancée pour faire du Canada un leader mondial. Je vous recommande de lire ces deux documents, car ils décrivent en détail comment nous voyons l'avenir de l'économie canadienne et de notre pays au cours des cinq prochaines années.

Je vais faire une très brève déclaration liminaire, si vous le permettez, après quoi je serai prêt à répondre à vos questions.

Je suis aussi ravi que vous de pouvoir discuter des excédents budgétaires. Pendant tellement d'années, j'ai comparu devant votre comité, et devant vos prédécesseurs, pour parler de «déficits» et de «dette», ces mots affreux. Le problème de l'endettement n'a pas disparu, mais j'ai trouvé très encourageant le désir du ministre des Finances de lancer le débat à partir de prévisions pluriannuelles. C'est une chose que le Conseil canadien des chefs d'entreprise réclamait depuis longtemps afin d'apporter davantage de certitude et de transparence au débat.

Ce qui m'inquiète, c'est que, jusqu'ici, on a eu trop tendance à considérer, dans ces discussions, qu'il s'agissait d'un jeu à somme nulle, où toutes les options sont égales. Il ne faut pas oublier que les dépenses pour la consommation courante sont très différentes de mesures qui stimuleront la croissance de l'économie et de l'assiette de l'impôt.

• 0950

Comme votre comité le signalait dans son excellent rapport de l'été dernier intitulé: Stimuler la productivité pour relever le niveau de vie des Canadiens—et c'est un passage que j'ai souvent cité, monsieur le président, car je crois qu'il reflète largement la sagesse des recommandations du comité: «... la cohésion sociale est le résultat, et non la cause, de l'amélioration de la productivité et de la croissance économiques. En d'autres mots, il faut cuire le gâteau avant de le découper en parts et de les distribuer. Plus le gâteau est gros, plus le nombre de parts—ou leur taille—augmentera».

Encore une fois, je félicite votre comité, car ces deux phrases reflètent une grande sagesse en ce qui concerne l'orientation future du gouvernement et de l'économie canadienne.

Malheureusement, au lieu de discuter de façon constructive des moyens de rendre le gâteau plus gros, les débats publics ont surtout été marqués par des discours belliqueux, des statistiques trompeuses, et même des attaques personnelles.

Je me réjouis de constater la présence de mon ami Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada. Je regrette que son patron ne soit pas là, car c'est à lui que je reproche d'avoir convoqué une conférence de presse où il a déclaré que d'Aquino et la grande entreprise voulaient des réductions d'impôt pour eux et 3 $ pour les employés des garderies. Voilà le genre d'attitude irresponsable dont nous pourrions nous passer dans ce débat public.

Cela dit, comme nous le soulignons dans le mémoire que nous avons adressé au comité en mai dernier, il s'agit d'abord et avant tout de voir comment le Canada va payer pour les services que les citoyens désirent obtenir à l'avenir. Nous parlions surtout de la croissance inévitable des coûts des soins médicaux résultant du vieillissement de la population. Nous avions dit alors, et nous le répétons aujourd'hui, que si nous voulons maintenir et améliorer nos services de santé publique, nous devons mettre l'accent sur des politiques qui permettront à davantage de Canadiens de gagner un revenu nettement plus élevé. En réalité, nous voyons des politiques et des attitudes qui incitent le petit nombre de hauts salariés que nous avons actuellement à vouloir partir.

Dans une économie basée sur le savoir, ni les travailleurs ni leur emploi ne sont rattachés à un endroit particulier, comme vous le savez. Au cours du débat sur l'exode des cerveaux, certains se sont imaginé que le Canada n'avait pas lieu de s'inquiéter du moment que le nombre d'immigrants qualifiés dépassait le nombre de gens qui partent. Néanmoins, de nombreux Canadiens qui partent aujourd'hui emportent leur emploi avec eux. Comme John Roth l'a déclaré à l'occasion d'une excellente interview qui a fait la première page des journaux du pays il y a deux semaines, ce ne sont pas seulement les gens qui partent, leurs postes partent avec eux et, dans certains cas, ce sont même des services ou des laboratoires entiers. Les immigrants ne peuvent pas occuper ces postes, étant donné que les emplois ont également quitté le pays.

Nous devons maintenant trouver ce qui convaincra les gens qui possèdent des compétences recherchées mondialement de venir au Canada et d'y rester et, surtout, de bâtir chez nous des entreprises florissantes. Si le Canada insiste plutôt pour décourager l'excellence et les plus brillants sujets, si nous ne savons pas créer un bon nombre d'emplois hautement qualifiés et mieux rémunérés, qui va payer la facture des services sociaux de demain?

Je voudrais maintenant citer brièvement un autre exemple de la nécessité d'adopter ce que j'appelle la façon de voir du XXIe siècle. Dans le cadre de notre initiative visant à faire du Canada un leader mondial, nous avons demandé au professeur Jack Mintz, qui est maintenant le président de l'Institut C.D. Howe, de mettre à jour les travaux qu'il a réalisés à titre de président du Comité technique de la fiscalité des entreprises qui a présenté son rapport en 1998. Dans le document publié par l'Institut C.D. Howe, il indiquait que le reste du monde avait découvert que le meilleur moyen d'attirer l'investissement et de stimuler la croissance et l'emploi consistait à réduire l'impôt sur les sociétés.

Monsieur le président, je vous rappelle qu'au cours du débat sur la fiscalité notre position a toujours été de faire passer la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers avant celle de l'impôt sur le revenu des entreprises. En fait, dans notre dernier mémoire, la majorité des coupes et des allégements d'impôt que nous demandions visait l'impôt sur le revenu des particuliers, et notre position n'a pas changé. Mais nous ajoutons ici une autre dimension, car l'impôt sur le revenu des sociétés est directement relié à la création d'un plus grand nombre d'emplois et d'entreprises.

Ces trois dernières années, le Canada est passé d'une position intermédiaire à celle de pays lourdement imposé. En fait, d'ici l'an 2000, le Canada est, de tous les pays du G-7 et de la plupart des autres pays industrialisés, à l'exception du Japon, celui où le taux d'imposition des sociétés sera le plus élevé. Ce simple fait justifie l'engagement que le ministre des Finances a pris de se pencher sur cette question rapidement, dans le cadre de son plan quinquennal.

• 0955

Néanmoins, le professeur Mintz a également démontré que la fiscalité des entreprises offrait un moyen très efficace de stimuler la croissance des petites entreprises et la croissance des emplois. L'Irlande, par exemple, qui n'a jamais été considérée comme un modèle depuis au moins 300 ans, a réduit à 10 p. 100 son taux d'imposition des sociétés du secteur de la fabrication et des services financiers, il y a une dizaine d'années. Depuis, elle a enregistré le taux de croissance le plus élevé du monde industrialisé pour ce qui est du PIB réel par habitant, qui permet de mesurer le niveau de vie.

Autrement dit, le niveau de vie réel des Irlandais a augmenté 18 fois plus vite que celui des Canadiens au cours de la dernière décennie. Bien que le taux d'imposition moyen des sociétés irlandaises soit moins que le tiers du taux canadien—et c'est très important—même si ce taux n'équivaut qu'au tiers du taux en vigueur au Canada, les recettes fiscales que cela rapporte à l'Irlande sont plus importantes par rapport au PIB qu'elles ne le sont pour le Canada.

Grâce à un taux d'imposition plus bas, davantage d'entreprises ont pu déclarer de plus gros bénéfices, et l'assiette d'imposition est plus importante et a donc permis au gouvernement de percevoir des recettes fiscales plus élevées pour faire face à des priorités qu'un gouvernement lourdement endetté qui doit payer de 39 à 40 milliards de dollars en intérêts ne peut pas se permettre d'envisager.

Le Canada a réalisé des progrès au cours de la décennie. Il a été payant de nous ouvrir au reste du monde, monsieur le président. Le nombre de chômeurs est tombé de 500 000 au cours des six derniers mois et le nombre de Canadiens occupant un emploi a augmenté de 1,8 million.

Nous devons faire en sorte que la mondialisation reste payante pour tous les Canadiens. Cela ne veut pas dire qu'il faut copier servilement les États-Unis. Nous devons continuer à travailler pour améliorer les choses que nous faisons déjà mieux qu'eux. Cela veut dire que nous devons affronter nos faiblesses et avoir le courage d'y remédier.

Les Canadiens arrivent à la fin d'une décennie au cours de laquelle leurs efforts laborieux n'ont réussi à améliorer leur niveau de vie réel que de 5 p. 100 à peine. Je ne pense pas qu'ils récompenseront un gouvernement incapable de faire mieux au cours des années à venir.

Pour conclure, j'exhorte votre comité, monsieur le président, à centrer son attention non pas sur la façon de partager le gâteau budgétaire de cette année... je sais que vous devez le faire, mais vous devriez plutôt voir comment nous pouvons faire grossir le gâteau année après année, dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur d'Aquino.

Nous allons maintenant passer aux représentants de la Chambre de commerce du Canada, Mme Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction, et M. Dale Orr.

Mme Nancy Hughes Anthony (présidente et chef de la direction, Chambre de commerce du Canada): Au nom de tous les membres de la Chambre de commerce du Canada, je voudrais vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui pour vous faire connaître notre avis. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagnée de Dale Orr, le vice-président principal et économiste en chef du groupe WEFA, qui est également membre de notre comité de la politique économique.

[Français]

Le réseau des chambres de commerce compte plus de 170 000 membres au total et regroupe des activités et des entreprises de toutes tailles, actives dans tous les secteurs, d'un bout à l'autre du pays. De plus, grâce à nos réseaux de 500 chambres et bureaux de commerce locaux, nous avons des partenaires dans toutes les circonscriptions fédérales.

[Traduction]

Monsieur le président, nos membres et les Canadiens des quatre coins du pays ne cessent de se plaindre de ne plus pouvoir assumer la lourdeur excessive du fardeau fiscal. De plus, nous entendons dire que la dette trop élevée du pays continue de limiter inutilement les options futures des Canadiens. En juillet de cette année, la chambre de commerce a publié une stratégie détaillée et complète pour la réduction des impôts. Elle a obtenu l'appui de tous nos membres, et cet appui a été renforcé à l'unanimité lors de notre assemblée générale annuelle, qui a eu lieu à Edmonton, il y a deux mois.

Monsieur le président, le comité a reçu une proposition prébudgétaire détaillée qui est la résultante directe de notre stratégie de réduction des impôts et qui formule des recommandations précises en vue du budget fédéral de l'an 2000.

Pour résumer notre position en quelques mots, nos membres s'inquiètent, en premier lieu, du niveau élevé de la fiscalité, et surtout des impôts des particuliers et des cotisations d'assurance-emploi trop élevées, et en second lieu du niveau inacceptable de la dette publique du Canada, et en troisième lieu de la longue liste d'éléments de dépense possibles qui risquent d'entraîner une augmentation draconienne des dépenses engagées pour la réalisation des programmes fédéraux.

• 1000

Le gouvernement a, certes, un rôle crucial à jouer dans les domaines de politique qui sont directement utiles aux Canadiens en ce qu'ils leur permettent de profiter pleinement de la nouvelle économie. Par contre, si le système fiscal du Canada continue à décourager les Canadiens d'être davantage productifs, d'investir, de prendre des risques, d'embaucher et de demeurer au Canada, d'autres initiatives de politique risquent de perdre toute efficacité.

La semaine dernière encore, nous relevions que le Fonds monétaire international avait déclaré sans équivoque aucune que la position de la chambre—en l'occurrence que la réduction des impôts et de la dette devrait être la priorité principale du Canada—était effectivement la bonne.

[Français]

La réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers doit devenir la priorité financière absolue du pays, au-devant des dépenses affectées à des programmes. Si les impôts ne sont pas réduits, le niveau de vie des Canadiens continuera d'être menacé.

[Traduction]

Ainsi donc, monsieur le président, nous faisons passer au premier plan la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, comme vous pouvez le constater à la lecture de notre mémoire. La priorité doit être de rétrocéder de l'argent aux Canadiens—plutôt que d'investir dans de nouveaux programmes officiels—afin d'améliorer le niveau de vie, de favoriser la croissance économique et d'améliorer la productivité et la prospérité de tous.

Je pourrais ajouter qu'on a accusé la chambre de défendre des intérêts très étroits, et, en ce qui nous concerne, rien n'est plus loin de la réalité. Nos membres et les membres des autres chambres—je suis sûre que vous les connaissez dans vos circonscriptions respectives—sont présents dans tous les coins du Canada. Ils donnent du travail à des millions de gens. Ils comprennent les réalités et les priorités des Canadiens. Il s'agit de parents, et ces parents ont eux-mêmes aussi des parents. Pas un jour ne se passe sans qu'ils se fassent part mutuellement de leurs opinions et de leurs problèmes. Ces gens représentent la véritable masse populaire, et ils m'ont dit qu'ils n'en pouvaient plus.

Mettre en oeuvre la formule de partage à parts égales du gouvernement et promettre de continuer à augmenter les dépenses consacrées aux programmes risquent de compromettre sérieusement les finances publiques si un ralentissement économique venait à survenir. C'est précisément ce qui s'est produit à la fin des années 80, et je pense que—nous en conviendrons facilement—nous ne voulons pas que cela se reproduise.

Je dois souligner qu'il ne s'agit pas dans ce débat de menacer les Canadiens en opposant d'une part les tenants d'une réduction d'impôt et d'autre part les défenseurs des programmes. Je pense que les Canadiens doivent bien comprendre que les deux objectifs peuvent être atteints avec la même enveloppe budgétaire initiale. Il est important de noter que les réductions d'impôt recommandées par la chambre proviennent des dividendes budgétaires d'ores et déjà projetés et ne viendraient pas renier les dépenses prévues par le gouvernement pour conduire ces programmes. Ces niveaux de dépenses pourraient, certes, devoir être ajustés en fonction de l'inflation et de la croissance démographique, mais nous estimons qu'aller plus loin que cela équivaudrait à une utilisation abusive de l'excédent, étant donné que les réductions d'impôt sont une impérieuse nécessité.

Mes membres me disent que le gouvernement doit céder aux priorités des Canadiens et réaffecter les crédits budgétaires actuels. De toute évidence, gouverner revient un peu à gérer une entreprise ou un budget familial. Il s'agit de fixer des priorités et de faire des choix difficiles, et c'est cela que nous attendons de la part des dirigeants que nous élisons.

Une fois qu'il aura fait de la réduction des impôts une priorité, le gouvernement doit s'engager dans la voie d'une réforme complète de la fiscalité des entreprises. Une réforme fiscale doit avoir pour objectif stratégique d'améliorer la compétitivité du Canada dans le domaine fiscal. Soyons clairs; la Chambre a affirmé dans son mémoire que la réforme de la fiscalité des entreprises devait être une priorité pour le gouvernement. Et pour l'instant, cet élément de la réforme fiscale est en quelque sorte relégué sur la banquette arrière, car ce qui importe et doit être une priorité, c'est la réduction des impôts des particuliers.

La chambre a également l'intime conviction que le programme d'assurance-emploi exige une refonte totale. Les cotisations d'assurance-emploi sont trop élevées aussi bien pour les employés que pour les employeurs, ce qui prive l'économie de plusieurs milliards de dollars qui seraient sinon dépensés par le consommateur. Vous savez, j'en suis sûre, que les actuaires du gouvernement ont confirmé eux-mêmes que l'énorme excédent du fonds d'assurance-emploi était injustifiable. La chambre souscrit sans réserve à ce constat, et, à notre avis, l'excédent ainsi perçu représente un impôt direct qui frappe l'emploi, qui nuit à notre productivité et qui entrave notre compétitivité.

Je donne la parole dans un instant à mon collègue, Dale Orr, qui vous expliquera nos recommandations précises, mais je voulais dire que les paroles du ministre des Finances lors de sa mise à jour économique et financière au début du mois nous ont encouragés. Il a clairement déclaré qu'il était d'accord avec la chambre sur la question des impôts. Il estime que des réductions d'impôt sont «essentielles à une croissance économique forte et soutenue». Il a même dit: «Après tout, les Canadiens travaillent pour cet argent. C'est à eux.» Je suis tout à fait d'accord avec lui. Les 170 000 membres de la Chambre de commerce du Canada attendent avec grand intérêt de voir ce que cela donnera concrètement dans le prochain budget.

• 1005

Merci. M. Orr va maintenant vous présenter nos recommandations.

M. Dale Orr (vice-président principal, Groupe WEFA; Chambre de commerce du Canada): Merci. Je me fais un plaisir de vous donner quelques détails sur la position de la Chambre.

Tout d'abord, étant donné l'importance des réductions d'impôt, la chambre recommande que le gouvernement réduise les impôts d'environ 5 milliards de dollars dans le prochain budget. Étant donné les prévisions actuelles de l'excédent budgétaire, le gouvernement peut se permettre de réduire les impôts de 5 milliards de dollars pour l'exercice 2000-2001. En fait, même après la coupure récente de 1 milliard de dollars dans les cotisations d'assurance-emploi et l'augmentation prévue des dépenses de programme pour l'année prochaine de l'ordre de 2 milliards de dollars, une diminution d'impôt de 5 milliards de dollars permettrait encore une réduction de la dette d'environ 3 milliards de dollars. Je pense que c'est important et que cela correspond à ce que dit le Conseil canadien des chefs d'entreprise.

Il est essentiel que les diminutions d'impôt dans le prochain budget soient très importantes. Il ne faudrait pas que, comme pour les précédentes diminutions, les Canadiens ne s'en aperçoivent presque pas.

Il est également très important qu'à moyen terme on adopte un plan sérieux et crédible de façon à atteindre deux objectifs. Voici les deux objectifs les plus importants que devrait viser le gouvernement à ce sujet dans le prochain budget. Tout d'abord, que les diminutions d'impôt augmentent l'incitation à travailler, à travailler de façon productive, à se former, à rechercher un emploi productif et qui paie bien et à rester au Canada. Il est très important que les diminutions d'impôt soient considérées comme des incitatifs sur le marché du travail.

Deuxièmement, il est très important que ces diminutions accroissent la confiance des consommateurs, c'est-à-dire qu'elles soient suffisantes pour que le revenu disponible augmente, et c'est ce que l'on attend. Ce n'est qu'ainsi, en redonnant confiance aux consommateurs, que ces diminutions d'impôt pourront aider à la croissance économique et créer des emplois, ce que tout le monde attend des diminutions d'impôt.

La Chambre recommande que ces diminutions dans le prochain budget ciblent l'impôt sur le revenu personnel. C'est un choix difficile parce qu'il y a toutes sortes de bons arguments pour diminuer l'impôt sur les sociétés. Mais, comme priorité, cette année, ce doit être l'impôt sur le revenu personnel et, dès qu'on pourra se le permettre, il faudra passer à l'impôt sur les sociétés.

Les diminutions d'impôt doivent profiter à tous les Canadiens. Elles doivent mener à ce que beaucoup de Canadiens à faible revenu n'aient plus à payer d'impôts, du fait d'une indexation des tranches de revenu. En plus d'indexer les crédits d'impôt, il faudrait aussi éliminer la surtaxe de 5 p. 100 sur les tranches supérieures de revenu. Il faudrait enfin absolument ajuster les tranches d'imposition au taux d'inflation en haussant le seuil de toutes les tranches.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Orr.

Nous allons maintenant entendre l'Association des universités et collèges du Canada: M. Robert Giroux, président-directeur général, et M. Robert Best. Bienvenue. Nous sommes heureux de vous revoir.

M. Robert J. Giroux (président-directeur général, Association des universités et collèges du Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité, de cette occasion que vous nous donnez de participer à ce dialogue avec vous. Je suis accompagné ce matin de Robert Best, notre directeur des relations gouvernementales et des affaires publiques.

[Français]

Monsieur le président, il y a plusieurs semaines, le ministre des Finances a comparu devant le comité pour lui demander d'inviter les Canadiens à un débat sur les priorités que nous devrions nous donner collectivement au moment où les excédents s'accumulent et où la confiance renaît. Mais, pour discuter de l'orientation que le Canada devrait prendre, nous devrions d'abord comprendre le contexte dans lequel nous nous trouvons à la veille du nouveau millénaire.

Comme le premier ministre l'a déclaré dans sa réponse au discours du Trône, aujourd'hui, réussir dans l'économie mondiale dépend de notre talent, soit de notre aptitude à apprendre, à nous adapter rapidement aux nouveaux débouchés, à avoir de nouvelles idées et à faire des découvertes.

Les pays qui ne sont pas prêts à s'attaquer de front aux défis d'une société et d'une économie fondées sur le savoir sont voués à l'échec. Comme le ministre des Finances l'a fait observer aux membres du comité, les économies qui prospéreront au cours de la prochaine décennie seront celles qui excellent en innovation.

Mais quels choix un pays doit-il faire pour exceller en innovation? Monsieur le président, un pays doit choisir de faire de la recherche la pierre angulaire de son développement économique et social. Un pays doit choisir d'offrir les études postsecondaires de la meilleure qualité possible et de faire en sorte qu'elles soient accessibles à tous les individus qui ont les capacités intellectuelles nécessaires, sans égard à leur situation financière. Un pays doit choisir d'ouvrir les yeux de sa jeunesse sur le reste du monde et de cultiver des compétences qui seront absolument nécessaires dans le village planétaire.

• 1010

Bien sûr, de telles priorités appellent nécessairement des investissements stratégiques de l'État. Nous sommes heureux que le gouvernement fédéral ait déjà reconnu l'importance d'investir dans la recherche et l'éducation en soutenant la Fondation canadienne pour l'innovation, la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, les Instituts canadiens de recherche en santé et les Chaires d'excellence en recherche du XXIe siècle qu'il vient d'annoncer, ainsi que d'autres initiatives semblables. Ces mesures sont des éléments importants pour renforcer notre économie et notre société fondées sur le savoir.

Cependant, au moment où nos concurrents étrangers soutiennent de plus en plus généreusement leur système d'innovation, le Canada ne peut pas se permettre de dormir sur ses lauriers. Il ne faut pas voir de meilleurs investissements dans l'innovation et l'enseignement supérieur comme des demandes de dépenses parmi tant d'autres, mais plutôt comme un placement judicieux.

Dans son rapport de 1999 sur le comportement socioéconomique du Canada, le Conference Board qualifie de médiocre sa poursuite de l'innovation. L'organisme considère même que l'aménagement d'une économie innovatrice doit avoir le plus haut rang de priorité en vue de notre expansion économique future.

En outre, investir dès maintenant dans l'innovation aurait d'immenses retombées à l'avenir: une productivité accrue, des revenus personnels plus élevés et, pour le gouvernement fédéral, une plus grande capacité de maintenir notre précieux filet de sécurité sociale, dont les soins de santé, ce qui revient à dire une meilleure qualité de vie pour tous les Canadiens.

Vu la taille que l'excédent atteindra au cours des années, les investissements dans l'innovation et l'éducation n'ont pas à nuire à d'autres éléments prioritaires du gouvernement tels que les réductions d'impôt. De fait, une démarche équilibrée comme celle que réclamaient les leaders provinciaux et territoriaux en août dernier et, comme l'ont déclaré plus récemment les ministres des Finances provinciaux, une démarche qui comporterait une augmentation des transferts pour les programmes sociaux et particulièrement pour l'enseignement postsecondaire ainsi que des réductions d'impôt, n'est pas seulement souhaitable mais aussi réalisable.

Les Canadiens reconnaissent eux-mêmes l'utilité d'investir dans l'innovation. Nous en voulons pour preuve que l'éducation figure toujours parmi les premières valeurs qui viennent à l'esprit des gens lors des sondages d'opinion publique.

Comme l'illustre le tableau 1—je crois que vous avez eu copie de notre présentation, monsieur le président—, les Canadiens savent qu'une formation postsecondaire est essentielle pour que leurs perspectives d'emploi soient bonnes.

De récents numéros de Maclean's et de L'Actualité sur la situation des universités insistaient sur ce point. On a pu lire dans Maclean's:

[Traduction]

    Enfin, on a compris: le marché du travail mondial est dur, les connaissances sont le capital pour lequel les entreprises et les pays rivalisent et le Canada ne peut se permettre de laisser à d'autres la création de connaissances.

Monsieur le président, les universités ont toujours été la base sur laquelle reposaient la recherche et l'enseignement postsecondaire. Elles doivent continuer à renforcer leurs capacités de faire de la recherche innovatrice et de calibre mondial. Elles doivent doter leurs diplômés des compétences nécessaires dans l'économie fondée sur le savoir et leur donner des possibilités de perfectionnement continu. Mais les gouvernements ont aussi radicalement réduit le soutien de base des universités depuis une décennie et les établissements doivent lutter pour maintenir une éducation de grande qualité et accessible et continuer à faire de la recherche de calibre mondial. De plus, lorsqu'ils regardent les défis de la prochaine décennie, des signes menaçants leur disent que leur capacité de s'acquitter d'importants mandats continuera d'être entravée à moins que les gouvernements ne soient disposés à faire les investissements nécessaires.

Le tableau 2 illustre notre prévision qu'au cours des 10 prochaines années la fréquentation des universités augmentera de 20 p. 100. Ce sera dû à la fois à l'expansion démographique, soit la génération de l'après babyboom, et à l'augmentation du taux de participation entraînée partiellement par l'augmentation du nombre d'emplois qui exigent un grade universitaire, comme le montre clairement le tableau 3. Autrement dit, d'ici 2010, il y aura 125 000 étudiants de plus dans les universités que cette année. La nécessité de doter nos universités de moyens tant humains que matériels est donc évidente.

En ce qui a trait à l'effectif professoral des universités, la situation est particulièrement dérangeante. Entre 1992 et 1997, le nombre de professeurs d'université a diminué de 10 p. 100, et en même temps le taux d'inscription à temps complet est demeuré stable. Comme le montre le tableau 4, les universités devront engager plus de 12 000 nouveaux professeurs en 10 ans pour répondre à la demande accrue dont j'ai parlé et pour remplacer les professeurs dont elles ont dû se séparer pendant les années 90. De plus, quelque 20 000 professeurs seront nécessaires pour remplacer le fort contingent de ceux qui prendront leur retraite. Ce sont donc 32 000 nouveaux professeurs pour lesquels les universités devront faire concurrence à d'autres pays, nombre écrasant si l'on songe qu'il n'y a que 33 000 professeurs dans les universités canadiennes à l'heure actuelle.

• 1015

Monsieur le président, dans le cas des ressources matérielles, une situation semblable se dessine. Je suis sûr que vous avez entendu parler de cas documentés de la détérioration de l'infrastructure des campus: des examens annulés parce qu'on craignait qu'un toit ne s'effondre, des étudiants qui ne peuvent vivre sur les campus parce qu'on manque de logements pour eux, des cours donnés à la cafétéria parce qu'on manque de salles, et j'en passe. Une enquête effectuée par l'Association canadienne du personnel administratif universitaire révèle l'étendue du problème: l'entretien différé sur les campus s'élèverait à environ 3,5 milliards de dollars, et la somme continue de gonfler.

Monsieur le président, pour ce qui est de l'éducation internationale, qui est le sujet du tableau 5, une récente enquête de l'AUCC auprès des établissements membres a révélé que le manque de fonds ou d'aide financière était de loin le pire empêchement à l'envoi d'un plus grand nombre de Canadiens aux études à l'étranger. L'enquête a aussi révélé que moins d'un p. 100 des étudiants des trois cycles participent actuellement à des échanges internationaux.

Quelle est la solution? Monsieur le président, le gouvernement fédéral et les provinces ont la responsabilité du financement des universités canadiennes. La gravité des problèmes que celles-ci éprouvent exige que les deux ordres de gouvernement se concertent pour les dégager des préoccupations que nous venons d'évoquer. Le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative d'aider à préparer les universités aux défis qu'elles devront relever d'ici 10 ans. Il faudra pour cela des mesures qui n'auront peut-être pas une grande visibilité politique, mais qui sont essentielles pour réaliser la vision que le gouvernement propose.

L'AUCC recommande un train de mesures qui peuvent aider les universités à faire de la vision du premier ministre une réalité.

Tout d'abord, le gouvernement doit rétablir les transferts aux provinces pour compenser le grand déclin des budgets de base des universités. Nous avons demandé qu'on injecte immédiatement deux millions de dollars et qu'on échelonne des augmentations au cours des prochaines années.

En deuxième lieu, le gouvernement fédéral doit augmenter son aide à la recherche fondamentale, et notre mémoire contient des recommandations précises sur les moyens de le faire. Il faut en particulier continuer d'augmenter les budgets des conseils subventionnaires, le CRSNG, le CRM-ICRS et le CRSH, et favoriser davantage ce dernier pour rétablir l'équilibre. Il est également nécessaire de financer intégralement le coût de la recherche.

En troisième lieu, pour que nos étudiants comprennent mieux la réalité internationale, nous recommandons au gouvernement fédéral d'établir un programme visant à élargir l'accès aux possibilités d'étudier à l'étranger, d'aider des étudiants étrangers à venir étudier au Canada et d'aider les professeurs canadiens à incorporer un contenu plus international dans leur enseignement.

[Français]

Monsieur le président, comme nous l'avons affirmé dans le mémoire que nous avons soumis à votre comité, la recherche et l'éducation sont les grands atouts du Canada pour qu'il demeure prospère dans la nouvelle économie. La prospérité et la réussite de demain dépendent énormément des actions d'aujourd'hui. Nous ne saurions trop insister sur ce point. C'est pourquoi nous invitons instamment votre comité à se prononcer énergiquement et d'une seule voix sur la nécessité d'augmenter les investissements dans l'enseignement supérieur et la recherche.

Le fait de prendre une telle position prouverait que le comité est déterminé à ce que le Canada soit un leader mondial en innovation et en enseignement supérieur.

[Traduction]

Je vous remercie de votre attention, monsieur le président et membres du comité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Giroux.

Nous allons maintenant entendre M. Andrew Jackson, du Congrès du travail du Canada. Bienvenue.

M. Andrew Jackson (économiste en chef, Congrès du travail du Canada): Je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner aujourd'hui. Notre président, Ken Georgetti, aurait aimé être ici; cependant, il accompagne la délégation de la Confédération internationale des syndicats libres à Seattle, qui se réunit avec des représentants gouvernementaux pour discuter des droits des travailleurs au sein de l'OMC. Mais il aurait été ravi, j'en suis persuadé, d'échanger avec M. d'Aquino—ce que je ferai peut-être.

• 1020

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Ce que vous faites.

Des voix: Oh, oh!

M. Andrew Jackson: La principale question qui attend le comité et dont les Canadiens discutent est de savoir ce qu'on va faire de l'excédent et comment il doit être réparti entre les nouvelles dépenses de programme et les réductions d'impôt. Pour répondre à cette question, il faut l'inscrire dans un contexte plus large.

Tout d'abord, les membres du comité doivent se demander qui a principalement fait les frais de l'élimination du déficit ces dernières années, et examiner cette question sous l'angle d'une répartition équitable pour les Canadiens au cours d'une période de temps donnée. Ensuite, comme mes collègues du monde des affaires l'ont signalé, à juste titre, quelle combinaison de mesures est le plus propice à la croissance économique à long terme? En d'autres termes, nous devons nous soucier à la fois de l'équité et de l'efficacité économique.

En ce qui concerne l'équité, il est indéniable que le fardeau de la réduction du déficit dans les années 90, surtout en raison d'une perte de revenu provenant des transferts, en particulier l'assurance-chômage et la réduction des programmes, a été assumé principalement par les familles à faible revenu ou à revenu intermédiaire.

Si vous effectuez des calculs, au cours des années 90, pas plus de 10 p. 100 des familles canadiennes les mieux nanties ont vu leur revenu augmenter après impôt. Proportionnellement, la baisse du revenu s'est révélée plus importante au bas de l'échelle de la répartition du revenu, où les transferts comptent le plus. Et bien sûr, toute la question du niveau des salaires fait partie intégrante du débat.

Il est également primordial que le comité se rappelle que c'est principalement en comprimant les dépenses, plutôt qu'en augmentant les impôts, que nous avons éliminé le déficit, que nous avons rééquilibré le budget. Bien sûr, il y a eu des augmentations d'impôt, mais la compression des dépenses a contribué à l'élimination du déficit dans un rapport d'environ trois pour un.

Ainsi, selon nous, à des fins d'équité, il est essentiel d'investir une partie de l'excédent dans les programmes touchés par les compressions en rétablissant les prestations d'assurance-emploi et en augmentant les transferts qui profitent directement aux enfants vivant dans la pauvreté, c'est-à-dire les prestations pour enfants.

De plus, nous devons insister sur le besoin de répondre à des besoins sociaux nouveaux et urgents. Nous prônons certainement un investissement public important dans un programme d'éducation de la prime enfance et nous sommes très favorables à des investissements majeurs dans les infrastructures publiques—surtout, sans vouloir entrer dans les détails, celles qui sont requises pour faire face aux problèmes urgents du changement climatique, dont, j'en suis sûr, d'autres vont parler au comité en détail.

Donc, je tiens à dire clairement que la position fondamentale du CTC—laquelle se reflétera encore une fois dans le contre-budget fédéral de cette année—est de prioriser avant tout un réinvestissement dans les programmes, existants et nouveaux, en accordant une attention particulière aux besoins des enfants et à la reconstruction des infrastructures publiques.

D'autres bien sûr vont prétendre que la priorité devrait être la réduction des impôts, surtout des impôts sur le revenu des particuliers. Il est vrai que le fardeau fiscal a augmenté ces dernières années. Il est également vrai, cependant, que l'on pourrait et que l'on devrait prendre des mesures pour améliorer l'équité du régime d'impôt sur le revenu des particuliers et d'autres éléments du régime fiscal, mais pas nécessairement en réduisant globalement les impôts en pourcentage du PIB.

En résumé, nous estimons qu'il faut accorder la priorité au réinvestissement, mais nous croyons aussi qu'il est possible dans le budget de prendre quelques mesures de réforme fiscale. On devrait pouvoir dire deux choses à la fois: accorder la priorité au réinvestissement dans les programmes, mais également amorcer le débat sur le genre de réforme fiscale nécessaire.

Nous avons dit, sans vouloir entrer dans les détails quant aux chiffres, que si des ressources sont disponibles sur le plan fiscal, notre priorité serait d'accroître le crédit personnel de base, ce qui aurait pour effet d'accroître le revenu que les Canadiens peuvent gagner franc d'impôt, comme cela a été fait dans l'avant-dernier budget. Il s'agirait d'une réduction d'impôt extrêmement progressive. Il est certainement possible de relever également certains crédits d'impôt, comme la prestation fiscale pour enfants et le crédit pour TPS.

• 1025

Je vais déposer au comité notre dernière analyse des propositions relatives à l'impôt sur le revenu faites par le Conseil canadien des chefs d'entreprise. Je vous épargnerai le communiqué, puisqu'il semble être une grande source de vexation, mais je vais certainement vous laisser l'analyse.

Nous avons cherché à mesurer les répercussions des propositions du CCCE sur le soutien de famille à différents niveaux. Lorsque vous effectuez ces calculs en détail, vous constatez que dans le cas des mesures clés qui sont proposées, dont certaines sont appuyées par la chambre de commerce, comme l'élimination de la surtaxe de 5 p. 100, une réduction de l'impôt sur les gains en capital et les changements aux tranches d'imposition moyennes et élevées, ce sont surtout les particuliers à revenu supérieur qui en profitent. Par exemple, lorsqu'on parle de changements touchant les gains en capital, il ne faut pas oublier que plus de la moitié des gains en capital imposables sont réalisés par des particuliers ayant un revenu de plus de 100 000 $. Les gains en capital imposables sont fortement concentrés entre les mains des particuliers à revenu supérieur.

Pour en arriver à l'essentiel, après avoir calculé l'impact de ces propositions, nous avons constaté que les particuliers qui gagnent 250 000 $ ou plus bénéficieraient d'une réduction d'impôt moyenne de presque 11 000 $. Cette réduction ne serait que de 280 $ pour les particuliers qui déclarent un revenu imposable de 50 000 $ à 60 000 $, et de 60 $ pour un travailleur ordinaire qui gagne de 35 000 $ à 40 000 $, et de zéro pour tous ceux qui ont un revenu inférieur.

Ainsi, afin d'être équitable, le comité doit réfléchir à l'évolution ces dernières années du revenu des Canadiens à revenu moyen ou inférieur; des Canadiens à revenu supérieur, dont le revenu, j'en conviens, n'a pas connu une croissance phénoménale, mais qui a quand même crû; et déterminer là où des réductions fiscales s'imposent.

Bien sûr, les chefs d'entreprise justifient leurs propositions de réduire les impôts des particuliers à revenu supérieur en disant qu'il faut contrer l'exode des cerveaux et promouvoir la croissance économique.

Pour ce qui est de l'exode des cerveaux, nous nous trouvons actuellement dans une situation, comme le premier ministre l'a dit lui-même, où nous avons des anecdotes, mais pas de données pour les étayer. En fait, les données disponibles ne font état d'aucune augmentation considérable de l'émigration canadienne vers les États-Unis, et même lorsqu'il y a émigration, le poids du facteur fiscal est extrêmement difficile à mesurer.

J'aimerais m'attarder davantage sur le lien entre les mesures fiscales et la croissance économique. Tout d'abord, au sujet des changements relatifs aux gains en capital, nous avons mené une expérience au Canada il y a quelques années sous le gouvernement conservateur, qui avait accordé une exemption à vie sur les gains en capital. Cela s'est traduit par une perte de recettes importantes pour le gouvernement, a profité aux particuliers à revenu supérieur et a été à juste titre éliminé par le présent gouvernement.

J'aimerais attirer l'attention du comité sur un numéro spécial de la revue Analyse de Politiques publié il y a quelques années, revue dont le rédacteur en chef était Jack Mintz, que M. d'Aquino a cité, et qui est maintenant le président de l'Institut C.D. Howe. J'aimerais vous lire quelques lignes tirées de la conclusion des commentaires du rédacteur en chef.

    On peut conclure que l'exemption à vie des gains en capital n'a pas réussi à stimuler l'investissement de façon significative.

En d'autres termes, on n'a pas pu établir le lien entre un assouplissement des règles fiscales s'appliquant aux gains en capital et une augmentation des investissements réels dans l'économie canadienne, même si cela s'est traduit par une importante perte de recettes pour le gouvernement. J'aurai l'occasion la semaine prochaine de témoigner devant le comité pendant la table ronde des économistes, et j'y traiterai de cette question en détail.

En toute justice, lorsque l'on examine les documents du FMI, de l'OCDE et d'autres organisations, il est indéniable qu'un lien existe entre la réduction des taux d'imposition et l'augmentation de l'investissement et la croissance économique. La question clé que le comité doit se poser est de savoir quelle est la contribution de ce genre de changement fiscal par rapport aux augmentations sélectives des investissements publics.

Il est abondamment prouvé, par exemple, que les investissements dans l'enseignement postsecondaire ont des retombées considérables sur le plan de la croissance économique. Parallèlement, si je pense au programme d'éducation de la prime enfance, il est abondamment prouvé que l'éducation de la prime enfance est absolument nécessaire au développement des capacités de l'enfant. Le comité devrait savoir que si l'on établit des comparaisons entre les pays en fonction du fardeau fiscal global, pendant les années 80 et 90 l'écart de croissance pouvant être logiquement attribué au fardeau fiscal était très faible. La performance de croissance de la plupart des pays d'Europe de l'Ouest pendant ces 20 années est au moins comparable à celle des États-Unis, malgré un plus faible fardeau fiscal. Si vous examinez le cas des États-Unis—et je présenterai ces données au comité plus tard—une multitude d'études menées dernièrement aux États-Unis montrent que les écarts entre le fardeau fiscal des différents États n'ont pratiquement eu aucune incidence sur les niveaux d'investissement.

• 1030

Je crois qu'il serait injustifié de dire que les réductions d'impôt n'ont aucune répercussion. Je crois qu'il est manifestement prouvé que sur le plan de l'efficacité économique des investissements publics bien ciblés sont plus rentables que des réductions d'impôt généralisées—et, de loin, que des réductions d'impôt destinées à produire des gains en capital. Je le répète, en ce qui concerne les programmes qui intéressent le comité, les mesures de dépenses publiques qui favorisent la R-D ont un très haut taux de rendement.

L'idée fondamentale que je tiens à exprimer—et peut-être qu'elle pourra faire consensus autour de la table—c'est qu'à mon avis on fausse le débat si on le réduit au programme de croissance proposé par le monde des affaires et les groupes sociaux qui s'intéressent uniquement à un programme d'équité, l'un prônant la réduction fiscale, et l'autre les dépenses de programme. Je crois que si nous procédons à des investissements publics éclairés, qui sont certainement essentiels à la promotion de nos objectifs d'équité, ces investissements constituent un moyen beaucoup plus efficace d'atteindre nos objectifs de croissance. J'espère que le comité tient ses discussions à la lumière de ce genre d'argument et de témoignage au lieu de tenir un débat polarisé et trompeur.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Jackson.

Nous allons maintenant entendre le Conseil canadien de développement social: David Hay, vice-président; David Ross, directeur général; et Katherine Scott, cadre supérieur de politique. Bienvenue.

M. David Ross (directeur général, Conseil canadien de développement social): Merci beaucoup, monsieur le président. Et je félicite le comité de sa persévérance après toutes ces journées d'audience. Vous tenez bien le coup.

J'aimerais vous présenter Katherine Scott, notre cadre supérieur de politique, et David Hay, membre du conseil, vice-président, de la Colombie-Britannique.

J'aimerais rappeler au comité que le CCDS est une organisation nationale. Nous ne sommes pas un groupe d'analystes. J'espère que vous jugerez notre exposé sérieux, mais nous ne sommes pas un groupe de réflexion. Notre conseil national compte 17 membres, et nous représentons différentes organisations, comme Centraide, des départements de services sociaux municipaux, des associations de services familiaux, des agences de garde, des centres pour femmes, des centres de santé communautaires, des fédérations d'enseignants, des départements et chercheurs universitaires, ainsi que de nombreux particuliers. Ainsi, nous vous présentons aujourd'hui les opinions exprimées par nos membres. Ces derniers oeuvrent sur le terrain. Ils ont beaucoup d'expérience, et nous allons essayer de le refléter aujourd'hui dans nos commentaires.

L'excédent actuel est une occasion d'investir dans l'avenir du Canada, c'est-à-dire dans les enfants et les familles. Nous voulons améliorer leur bien-être. La cohésion sociale et la prospérité économique sont les buts que nous devons poursuivre. L'enjeu n'est pas de soutenir la croissance de l'économie et ensuite de consacrer de l'argent à la cohésion sociale. On ne peut avoir d'économie si on n'a pas d'abord de cohésion sociale, et tout le monde devrait le savoir.

Depuis quelques jours, la presse et les médias ont fait grand cas de la Campagne 2000, révélant le sort des enfants pauvres, l'augmentation du nombre d'enfants pauvres depuis 1989, année où tous les partis ont adopté une résolution en vue d'éradiquer la pauvreté infantile d'ici l'an 2000. C'est trop tard maintenant. Il ne nous reste qu'un mois. Je suggère que nous réitérions notre engagement maintenant, non pas un engagement verbal, mais un vrai, d'essayer de ramener le phénomène à des niveaux comparables à ceux observés en Europe de l'Ouest. Je crois que nous devons mettre l'accent sur la famille plutôt que sur les actionnaires. La méthode juste à temps est peut-être parfaite pour les affaires, mais pas pour la famille. Nous devons essayer d'atténuer le stress et le sentiment de culpabilité des gens qui essaient de concilier leur vie professionnelle, leur vie familiale et leurs responsabilités communautaires.

• 1035

Malheureusement, comme nous l'avons dit à propos de notre nouvel engagement, la plate-forme qui sous-tend le développement des enfants, des familles et de la société est en train de s'écrouler, et il s'agit de la répartition du revenu. J'aimerais que les gens examinent les chiffres de plus près avant de commencer à parler de la répartition du revenu, car ces chiffres sont très éloquents; ils sont publiés chaque année par Statistique Canada, une source sûre.

Nous nous sommes penchés sur la répartition des familles avec enfants. Nous avons examiné leur situation en 1981, 1989 et 1997, soit trois années relativement comparables et marquées par un sommet dans le cycle économique. Nous avons constaté que 40 p. 100 des familles de la tranche inférieure avaient vu leur revenu total reculer de cinq points de pourcentage. Je parle du revenu. Cela n'a rien à voir avec les impôts et les transferts. Les revenus ont reculé de 5 p. 100. Les 40 p. 100 de la tranche supérieure ont vu leur revenu croître de 5 p. 100, et les familles à revenu moyen faisaient du sur place; leur revenu reculant de moins d'un point de pourcentage.

Donc, depuis 1981, nous assistons à une redistribution inversée. Plusieurs milliards de dollars se sont ajoutés au revenu des 40 p. 100 les plus riches au détriment des 40 p. 100 les plus pauvres.

Une fois que l'on tient compte de l'effet des taxes et des transferts—bien sûr, les gens commencent avec leur revenu, leur point de référence—nous constatons que la situation est quelque peu meilleure. Heureusement, les taxes et les transferts redistribuent la richesse dans la bonne direction, du moins de notre point de vue. Mais les 40 p. 100 de la tranche inférieure reçoivent relativement moins aujourd'hui qu'en 1981. La tendance est la même que celle observée au chapitre des revenus. En fait, le gouvernement n'arrive pas à combler la baisse des revenus. Il marque le pas.

Du côté des revenus, la cause en a été assez simple. Nous savons tous qu'il y a de bons et de mauvais emplois. Nous avons une économie à deux vitesses actuellement. D'un côté, les gens qui sont qualifiés peuvent faire beaucoup d'argent, énormément d'argent. De l'autre côté, il y a les mauvais emplois: les emplois à contrat, les emplois à mi-temps, les emplois peu rémunérateurs qui ne peuvent tout simplement pas permettre de gagner un revenu décent. Et pour compliquer les choses, depuis le milieu des années 80 il y a eu surtout cette succession de compressions gouvernementales.

On peut se demander si la mondialisation n'aurait pas dû régler le problème. Nous avons traversé une période de grandes attentes au sujet de la mondialisation et de la libéralisation des échanges, et beaucoup de gens y ont adhéré. Nous pensions que cela donnerait un coup de pouce à tout le monde, comme une marée qui soulève tous les bateaux. En fait, nous avons constaté que beaucoup de gens n'avaient même pas de bateau, et n'ont donc pas été soulevés.

Au lieu de cela, nous avons vu la création de trois classes: la classe du 40 p. 100 supérieur, qui détient une part considérable et croissante du revenu du pays; la part du 40 p. 100 inférieur, qui a une partie faible et décroissante du revenu national; et la classe moyenne, qui se débrouille à peine.

Nous pensons qu'il est temps que le budget s'occupe du 40 p. 100 inférieur et de la classe moyenne. La polarisation commence à avoir des effets sur la cohésion sociale; des gens sont marginalisés. Regardez dans nos rues, dans nos soupes populaires, dans nos banques alimentaires, dans nos centres de santé communautaires et dans les salles d'attente des urgences. On le voit partout.

En ignorant les plus pauvres, on créera un déficit social qui éclipsera le déficit budgétaire. Beaucoup de chercheurs réputés montrent les liens existant entre un faible revenu et toute une gamme de problèmes chez les enfants. Si nous continuons ainsi, si nous acceptons ces problèmes chez les enfants, nous nous retrouverons avec un déficit social colossal au bout du compte. Notre économie s'en trouvera affaiblie, et notre société aura perdu sa cohésion.

Comment le budget peut-il régler ces problèmes? Il y a trois sortes de solutions.

D'abord, l'emploi et les revenus. Il faut renverser la tendance pour le 40 p. 100 inférieur en ce qui touche sa part des revenus. Nous proposons, entre autres, un fonds de développement communautaire national. Commençons par un milliard de dollars, comme pour le fonds d'éducation. Cet argent serait versé aux organismes communautaires et à but non lucratif. Il servirait à la création d'emplois et de services dont ont besoin les enfants à faible revenu.

Il y aurait aussi des programmes d'alphabétisation, des programmes d'adaptation pour les immigrants, la création de centres de ressources familiales, la formation pour les personnes qui ont peu d'instruction; il y aurait aussi des activités récréatives et culturelles pour les enfants des familles à faible revenu, et des soins pour les personnes âgées, pour ne citer que quelques exemples. Voilà pour une sorte d'intervention.

La deuxième, c'est celle des services gouvernementaux, comme le logement. Les gouvernements doivent de nouveau s'occuper de logement social. Les services de garde, le congé de maternité et le congé parental pour tous, et pas seulement pour ceux qui ont la chance de pouvoir demander des prestations d'assurance-chômage.

• 1040

Et enfin, les impôts et les transferts. Nous convenons que l'exemption de base, le crédit de base, doit être augmenté, et qu'avec le temps le régime fiscal doit lentement devenir pleinement indexé, qu'il doit y avoir des seuils plus élevés pour les deux premiers paliers d'imposition, par exemple 37 000 $ et 74 000 $, ce qui les ramènerait à ce qu'ils seraient s'il n'y avait jamais eu de désindexation. La prestation pour enfants, que le gouvernement va augmenter avant la fin de son mandat, doit être bonifiée immédiatement et le seuil de récupération doit être augmenté quelque peu, afin que les prestations soient accordées davantage aux familles à revenu moyen. Nous devrions avoir un crédit pour enfants universel, puisque le coût de l'éducation des enfants est le même à tous les niveaux, afin de respecter tant les familles avec enfants que les familles sans enfants. Et nous pensons que la déduction pour le RER doit être convertie en crédit d'impôt.

Il y a d'autres propositions, qui figurent dans notre mémoire. Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Ross.

Ce groupe de témoins, avec ses points de vue différents, était très intéressant. Il nous a été très utile.

Nous commençons par M. Solberg un tour de questions de sept minutes.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais essayer de situer le débat dans son contexte, si vous me le permettez, en citant quelques chiffres bruts, mais je crois qu'il est important de bien présenter ces faits. Si l'on tient compte de tous les niveaux de gouvernement au Canada, nous n'avons jamais autant dépensé d'argent par personne qu'on en dépense aujourd'hui par les transferts gouvernementaux. Nous avons atteint des niveaux sans précédent de dépenses gouvernementales.

En deuxième lieu, nous avons aussi atteint des niveaux record d'imposition, sans doute à cause, à mon avis, des dépenses gouvernementales. Et au sein de cette enveloppe fiscale, on constate que la tranche supérieure de 1 p. 100 des plus gros revenus représente 17 p. 100 de l'ensemble des impôts sur le revenu; que les 10 p. 100 supérieurs, correspondant à des personnes qui gagnent 50 000 $ ou plus, payent 50 p. 100 de l'ensemble des impôts. On constate aussi que ceux qui gagnent moins de 20 000 $ par année payent 6 milliards de dollars d'impôts par année, ce qui est scandaleux. Finalement, nous avons une dette nationale qui frise le record absolu avec 577 milliards de dollars—et ce, pour la dette nette. Ensuite, bien sûr, nous avons en plus tout ce passif non capitalisé qui nous attend dans l'avenir, pour les soins de santé, le Régime de pensions du Canada et, naturellement, l'ensemble des régimes de pension.

Ma question, qui s'adresse à tous, est la suivante: compte tenu de ces restrictions, si vous tenez à les qualifier ainsi, est-ce que le plan 50-50 proposé par le gouvernement constitue toujours la voie à suivre, ou est-ce qu'il serait fou de s'y engager? N'importe qui peut répondre. Peut-être pourrions-nous entendre tout d'abord Mme Hughes Anthony.

Mme Nancy Hughes Anthony: Voilà un très bon sujet pour le comité. À notre avis, cette formule 50-50 va menotter le gouvernement et l'empêcher de faire ce qu'il faudrait pour stimuler l'économie. Je crois aussi que c'est un jeu de chiffres, où personne ne sait exactement sur quoi portent les 50 p. 100 ni de quoi se compose l'excédent budgétaire par rapport à ce qui a déjà été consacré aux augmentations budgétaires du gouvernement, comme on l'a fait chaque année avant de déclarer un excédent. À mon avis, la formule 50-50 est sans doute un slogan intéressant, mais en réalité elle empêche le gouvernement de prendre les décisions indispensables à l'essor économique.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson: J'aimerais savoir d'où sortent les chiffres avancés concernant les dépenses gouvernementales par personne sous forme de transferts, qui auraient atteint un niveau record. Une bonne partie de ces chiffres correspond à des prestations d'assurance-chômage, qui ont indéniablement diminué. À ma connaissance, personne ne peut prétendre que les prestations d'assistance sociale sont en hausse. Évidemment, le vieillissement de la population s'accompagne d'une augmentation des pensions publiques, mais je serais bien surpris si les dépenses gouvernementales par personne sous forme de transferts étaient en hausse. Il est indiscutable que toutes les dépenses gouvernementales par personne au Canada ont diminué. D'après les chiffres de M. Martin, elles ont diminué plus vite au Canada que dans tout autre pays industrialisé au cours des années 90. On peut donc dire que l'ensemble des dépenses de programme ont connu une diminution rapide.

L'autre commentaire que je voudrais faire concerne l'excédent et les prévisions d'excédent. Le calcul de l'excédent est fondé sur une hypothèse voulant que la part de l'imposition dans le PIB reste inchangée. Ainsi, si l'on consacrait tout l'excédent, jusqu'au dernier sou, à des dépenses de programme gouvernementales, on n'augmenterait pas la part de l'imposition dans le PIB. Il faut donc en tenir compte. Et si l'on consacrait tout l'excédent, jusqu'au dernier sou, à des dépenses de programme, compte tenu des prévisions de croissance, qui servent de fondement au calcul de l'excédent, on verrait une diminution de la dette par rapport au PIB.

• 1045

Je pense qu'on peut très bien calculer un excédent probable en tenant compte des projections de croissance plausibles et en s'appuyant sur ces prémisses. Je pense que Dale serait d'accord. Tout au moins cela situe le débat sur la façon d'attribuer les fonds eu égard aux différents secteurs.

Le président: Monsieur Giroux.

M. Roger Giroux: Merci. J'aimerais simplement faire l'observation suivante, pas nécessairement en ce qui concerne la formule 50-50, mais sur ce que devraient être les priorités.

Il est certain, à notre avis, qu'en priorité il faut faire le bon type d'investissements. Bien sûr que nous prêcherions fortement en faveur de l'enseignement postsecondaire. L'année dernière, le gouvernement a très judicieusement investi dans la santé. Faire le bon type d'investissements, que ce soit dans les services de garde d'enfants ou dans la préparation des enfants aux études qu'ils feront plus tard...

Mais ce que nous disons, c'est qu'étant donné ce que supposent les projections présentées par le ministre des Finances, on peut aussi avoir une approche équilibrée eu égard aux allégements fiscaux. Des allégements fiscaux avisés permettront de renforcer l'économie, tout comme ces types d'investissements.

Nous sommes tout à fait en faveur d'une approche équilibrée. Nous estimons aussi qu'il faut réduire la dette. Nous devons nous rappeler que le ministre des Finances, dans ses projections, y affecte déjà un montant chaque année—et ses projections sont toujours prudentes—pour faire en sorte que des fonds servent à la réduction de la dette. Nous devons aussi nous rappeler qu'à mesure que croît notre économie le pourcentage de la dette par rapport au PIB va lentement diminuer. À une certaine époque, je crois que ce rapport était près de 75 p. 100. Il est maintenant autour de 60 à 65 p. 100, et il diminuera encore. Avec le temps, donc, ce problème sera de moins en moins aigu.

Le président: Merci, monsieur Solberg.

Monsieur Nystrom.

L'honorable Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Oui, je voulais poser une question d'ordre général. Ces derniers temps, nous voyons qu'il y a un écart grandissant entre les riches et les pauvres. Il me semble que toute économie doit se donner pour objectif de créer de la richesse, puis viser, tout au moins à mon avis, la redistribution de cette richesse et l'établissement d'une société plus égalitaire.

Les États-Unis produisent beaucoup de richesse. Mais ce pays a le plus fort taux de pauvreté dans le monde industrialisé, et la pauvreté s'aggrave dans ce pays.

J'ai aussi constaté que chez nous, monsieur le président, l'endettement des ménages augmente. L'endettement des ménages en tant que pourcentage du PIB atteint des sommets inégalés. En 1990 il était à 63,3 p. 100 du PIB, et maintenant, c'est-à-dire en 1997, il est à 70,4 p. 100.

Les compressions massives imposées par Paul Martin au titre du transfert social canadien—la santé, l'éducation, les programmes d'aide sociale—ont reporté une grande partie de la dette publique sur les ménages. Je demande donc de façon générale, en m'adressant peut-être à Andrew Jackson ou à Thomas d'Aquino, mon camarade à l'autre bout là-bas, s'ils sont d'accord pour dire que nous devons dépenser davantage pour des mesures sociales qui permettraient d'assurer une meilleure égalité entre tous.

Je vous rappelle, monsieur d'Aquino, que dans une partie de mon comté, soit dans le centre-ville de Regina, il y a énormément de gens pauvres, de banques d'alimentation, de familles monoparentales, un très fort taux de criminalité, beaucoup de représentants des communautés autochtones; et à tous ces égards on a subi beaucoup de compressions budgétaires. Il nous faut dépenser davantage pour les services de police dans les communautés, la santé et l'éducation, la formation, l'acquisition de compétences. Si l'on veut que l'économie soit productive, je pense qu'il faut tout d'abord investir dans le développement humain, et le développement humain entraînera en conséquence le développement économique.

On nous a dit l'autre jour au comité que si l'on investissait 5 milliards de dollars dans le développement de la petite enfance, cela nous rapporterait en fin de compte des dividendes de 10 milliards de dollars. Il me semble que c'est là un bon conseil à suivre quand on dispose d'un excédent budgétaire. Le déficit a essentiellement été épongé par les gens ordinaires de ce pays, qui ont fait les frais des compressions des programmes sociaux. Je demanderais donc que la majorité des fonds dont nous disposons maintenant, soit plus de 50 p. 100, servent à réinvestir dans les gens et les êtres humains et les programmes sociaux, à consolider l'économie, l'éducation, les programmes de formation, d'acquisition de compétences, le logement—toutes ces choses qui vont stimuler l'économie et feront que nous pourrons compter sur une société plus productive tant sur le plan économique que sur le plan humain.

• 1050

Alors peut-être que M. Jackson et M. d'Aquino pourront lancer ce débat. Je suis sûr qu'ils sont maintenant tous les deux d'accord avec ce très sage conseil que j'ai donné.

Camarade d'Aquino.

Le président: Nous pouvons peut-être commencer par M. Jackson, alors. Allez-y, monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson: Je ferai simplement une toute petite observation.

Ce qui me frappe toujours lorsque l'on parle des années 60 et du début des années 70, c'est qu'à l'époque des gouvernements Pearson, et plus tard des gouvernements Trudeau, il y a eu en fait une période où les dépenses gouvernementales pour les programmes sociaux en particulier augmentaient assez rapidement. En fait, si on fait un petit calcul, la part des impôts par rapport au PIB a également augmenté au cours de cette période.

Nous n'avions pas le genre de débat que l'on a à l'heure actuelle, et ce, pour deux raisons essentiellement. Tout d'abord, je pense que la plupart des gens estimaient que le fait de payer des impôts pour les programmes qui leur étaient offerts—assurance-maladie, pensions, etc.—était une assez bonne affaire. Deuxièmement, le revenu après impôts augmentait en fait assez rapidement. Les gens avaient davantage d'argent dans les poches et de meilleurs programmes sociaux et services publics. Je ne pense donc pas que les gens s'inquiétaient réellement de ce qu'était la part d'impôt du PIB. Ce qui compte en réalité pour les gens, ce sont les services publics, les programmes sociaux et ce qu'ils peuvent acheter sur le marché.

Tout cela pour dire: «Comment pourrons-nous revenir à ce genre de situation?» Je pense qu'il ne sert à rien de se demander ce que devra être la part d'impôt du PIB. En fin de compte, cela dépend de ce que les gens estiment être un mélange approprié de services et de consommation privée. Je pense cependant que tout indique que la plupart des gens souhaitent un niveau élevé de services publics et de programmes sociaux et qu'ils sont prêts à payer pour ces derniers.

La leçon que je tire de l'expérience américaine... et je pense qu'effectivement au cours des deux ou trois dernières années, si on regarde les États-Unis, il faut se demander ce qu'ils font de si bien. Je pense que la leçon importante qu'il faut tirer de l'expérience américaine, c'est que si on réduit réellement le taux de chômage, beaucoup plus que quiconque croirait qu'il serait possible de le réduire, ce que l'on a commencé à constater aux États-Unis au cours des deux dernières années, c'est que les salaires réels sont en train d'augmenter et que même pour les travailleurs à faible revenu, on commence à constater qu'il y a un certain redressement de l'inégalité.

Il est donc vraiment important d'avoir une croissance. Je sais que cela va au-delà du mandat du comité, mais je ne pense pas que le fait que la Banque du Canada ressert les taux d'intérêt maintenant soit particulièrement utile pour obtenir cette croissance économique dont nous avons besoin au Canada.

Je pense que la vraie leçon aux États-Unis... Si on remonte à la crise asiatique d'il y a deux ans, je pense que la US Federal Reserve aurait augmenté les taux d'intérêt s'il n'y avait pas eu de crise mondiale. Ils les ont plutôt coupés, et quel a été le résultat? Il y a eu deux années de croissance vraiment forte, un impact énormément positif, je pense, pour ce qui est du revenu des gens au bas de l'échelle et de l'inégalité. Je pense que les gens d'affaires seront d'accord avec moi pour dire qu'il est nécessaire d'avoir une forte croissance si nous voulons résoudre ces problèmes.

Le président: Nous allons le savoir.

Monsieur d'Aquino.

M. Thomas d'Aquino: [Note de la rédaction: Inaudible]... entendre avec une telle éloquence défendre le succès des États-Unis comme M. Jackson le fait.

En réponse à mon camarade, M. Nystrom, le fait est qu'aux États-Unis jamais le taux de chômage n'a été aussi bas qu'il l'est à l'heure actuelle, à 4,1 p. 100. La productivité totale des États-Unis est en grande partie alimentée par l'innovation, par une culture qui est très différente de la nôtre. Je ne dis pas que nous devons les imiter à tous les égards, mais dans un sens il serait très important de les imiter, et que nous mettions de côté cette culture d'envie que l'on constate dans les directives du CTC et qui vise réellement à punir quiconque réussit. Lorsque je parle de réussite, je veux parler de ceux qui gagnent bien leur vie et qui ont beaucoup de succès. Nous devons nous débarrasser d'une telle mentalité.

Vous savez quoi? Monsieur Nystrom, des sociaux-démocrates du monde entier se sont débarrassés de cette mentalité. Un des meilleurs exemples est celui du chancelier de l'Échiquier du Royaume-Uni qui, il y a 10 jours, a donné son appui retentissant aux coupures d'impôt sur les gains en capital. Voici donc un social-démocrate qui se lève pour appuyer des coupures des gains en capital qui passent de 40 à 10 p. 100, monsieur Nystrom. Pourquoi? Ce n'est pas parce qu'il ne comprend pas ce que cela signifie d'aider les gens et, comme le disait David Ross, de donner aux gens davantage de bateaux, car c'est ainsi qu'on donne aux gens davantage de bateaux. Malheureusement pour nous, le modèle social-démocrate du Royaume-Uni comprend cela beaucoup mieux que nous ici, ou que le parti social-démocrate, et en particulier, la force la plus réactionnaire du pays, les hauts rangs du CTC.

• 1055

Pour ce qui est de savoir pourquoi nous ne pouvons pas revenir à l'époque de Pearson, monsieur le président, c'est très clair. À l'époque de Pearson, le Canada n'avait pratiquement pas de dette. La dette s'est accumulée, monsieur Jackson, pendant les années 80 et 90.

Aujourd'hui, une des raisons pour lesquelles nous nous demandons comment nous allons diviser le gâteau si nous avons un surplus de 85 milliards de dollars, si tout va bien au cours des cinq prochaines années... Je vous rappelle que tous les ministres des Finances avec qui j'ai travaillé—pendant la récession de 1981 avec M. MacEachen, avec M. Lalonde au début des années 90, avec M. Wilson et avec M. Mazankowski—ont prédit que la situation serait plus rose d'ici trois à cinq ans. Nous nous sommes ensuite retrouvés avec la terrible réalité du cycle économique.

La raison pour laquelle nous luttons aujourd'hui—ou nous avons un débat—la raison pour laquelle les gens sont très bouleversés et qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour des services de garde d'enfants, qu'il n'y a pas suffisamment d'argent, monsieur Nystrom, pour aider les gens dans votre communauté qui ont besoin d'aide, c'est que nous payons 40 milliards de dollars en intérêts sur la dette.

Pendant toute cette période, certaines personnes de ce côté-ci de la Chambre—les amis de M. Jackson, et M. Nystrom—ont fait valoir avec beaucoup de sérieux que le déficit n'était pas important, qu'il avait été créé par un complot de la droite au pays. Aujourd'hui, il en coûte 41 milliards de dollars en intérêts aux contribuables canadiens pour tout simplement rembourser la dette. Allons-nous répéter la même erreur?

C'est pourquoi M. Solberg a vraiment mis le doigt sur les vrais problèmes. Nous devons être prudents. Il doit y avoir un équilibre. Mais l'équilibre ne peut pas être un équilibre, monsieur le président, lorsque les dépenses ne mènent pas à de nouveaux emplois, à une nouvelle croissance, à une nouvelle création.

M. Jackson nie qu'il y a un exode des cerveaux. Le premier ministre nie qu'il y a un exode des cerveaux. Il y a M. Ross, l'un des PDG les plus responsables au pays...

L'hon. Lorne Nystrom: Je me demande...

M. Thomas d'Aquino: ... dont l'entreprise est responsable de 25 p. 100 de la capitalisation du marché boursier de Toronto, une entreprise qui emploie plus d'ingénieurs que toute autre entreprise au pays, et qui affirme qu'il y a un problème d'exode des cerveaux. Mais on le nie et on dit: «Nous ne croyons pas les chiffres» ou «Je ne pense pas que ce soit le cas» ou, comme certaines personnes l'ont dit: «C'est un autre produit de l'imagination de la droite au pays.»

Il faut se réveiller. Oui, il faut qu'il y ait un équilibre. C'est pourquoi au CCCE nous avons toujours préconisé des dépenses pour les soins de santé, pour l'éducation. Nous appuyons de telles initiatives. Initialement, lorsqu'il a été question d'allégement, nous avons fait valoir dès le début, monsieur Nystrom, que les gens qui avaient le plus faible revenu devraient être les premiers à profiter des surplus au Canada. C'est pourquoi nous avons appuyé l'idée des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers plutôt que de l'impôt sur le revenu tiré d'une entreprise—parce que nous croyons dans l'équité.

Mais j'implore le comité d'examiner l'autre côté de l'équation: l'Irlande, les Pays-Bas, la Suisse, Hong Kong et les États-Unis affichent tous une performance nettement meilleure en matière de création d'emplois, affichent tous des taux de chômage moins élevés et une meilleure productivité. Qu'est-ce qui unit ces pays? Des impôts moins élevés: le fait que ces pays reconnaissent qu'en mettant plus d'argent dans les poches des contribuables, on crée des possibilités et on s'occupe des gens dans ces collectivités qui ont besoin d'aide.

C'est là où nous devons modifier notre orientation, monsieur le président—en fonction de la nouvelle économie.

Le président: Je vous remercie.

L'hon. Lorne Nystrom: Je me demande, monsieur le président—j'aimerais quand même avoir une réponse à ma question concernant la dette des ménages—dans quel monde vit M. d'Aquino. Il me semble que le NPD n'était pas au pouvoir lorsque cette dette a été accumulée. C'est un conservateur, l'un de ses amis, Brian Mulroney, qui a accumulé cette énorme dette.

Je vais toujours en Saskatchewan...

M. Thomas d'Aquino: M. Mulroney a été aussi coupable que vous l'avez été, monsieur Nystrom, d'avoir accumulé cette dette.

L'hon. Lorne Nystrom: Je ne suis pas très coupable...

M. Thomas d'Aquino: Si les ménages sont endettés aujourd'hui, c'est parce que M. Martin leur a pris la majeure partie de leur argent. Avez-vous songé que s'il avait redonné une partie de cet argent, la dette des ménages aurait diminué parce que les gens auraient un peu plus d'argent et n'auraient pas à emprunter pour pouvoir dépenser?

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur d'Aquino, je viens d'une province où les conservateurs de Grant Devine—ici encore un autre de vos amis—ont accumulé une dette énorme. Le NPD a toujours été le parti qui a équilibré les budgets, depuis l'époque de Tommy Douglas, Allan Blakeney et Roy Romanow.

M. Thomas d'Aquino: J'admire beaucoup M. Romanow.

L'hon. Lorne Nystrom: Dans ce cas, ne prétendez pas alors que c'est la gauche qui a créé la dette. D'après mon expérience, c'est exactement le contraire qui s'est produit...

M. Thomas d'Aquino: Je n'ai pas dit tous les néo-démocrates. Je n'en ai mentionné que quelques-uns.

L'hon. Lorne Nystrom: Vous étiez certainement en train de regarder, de l'autre côté de la table, un bon néo-démocrate de la Saskatchewan.

La question que j'ai posée à M. d'Aquino demeure. La dette des ménages a vraiment augmenté et nous sommes en train de nous décharger d'une grande partie de notre dette publique et de notre ratio au PIB sur le ménage moyen dans ce pays. Qu'allons-nous faire pour y remédier à court terme? Ce ne sont pas les paiements de la dette nationale qui permettront de nourrir le citoyen moyen du centre de Regina. Ce citoyen a besoin de programmes sociaux et d'une aide supplémentaire en matière de services de police communautaires, de formation et de perfectionnement, de développement économique—et a besoin d'un emploi. Quelles sont donc les mesures que nous prenons pour réduire la dette des ménages? C'est la question que je vous pose.

• 1100

M. Thomas d'Aquino: Ma réponse à votre question, monsieur Nystrom, c'est que pour réduire la dette des ménages, il faut d'abord et avant tout remettre à la population une partie de l'argent qu'elle a donné au gouvernement, c'est-à-dire remettre cet argent dans leurs poches. C'est l'un des moyens les plus rapides de réduire la dette des ménages.

L'hon. Lorne Nystrom: Comment pouvez-vous le faire dans le cas des pauvres? Certaines de ces personnes ne payent pas d'impôt ou très peu d'impôt. Des réductions d'impôt générales ne sont pas très utiles.

M. Thomas d'Aquino: Tout d'abord, en vous occupant immédiatement de la question de l'indexation, vous allez éliminer un grand nombre de petits salariés des rôles d'imposition.

L'hon. Lorne Nystrom: Je suis d'accord avec vous à ce sujet.

M. Thomas d'Aquino: Donc pourquoi ne commençons-nous pas par cela? Appuyez-vous l'indexation?

L'hon. Lorne Nystrom: Oui.

M. Thomas d'Aquino: Vous l'appuyez.

L'hon. Lorne Nystrom: Je pense que la progression par tranches a été très mauvaise pour les simples citoyens dans ce pays.

M. Thomas d'Aquino: D'accord. Très bien. C'est un très bon départ. Je pense que la grande majorité de vos électeurs vous applaudirait si vous faisiez valoir cet argument de façon très vigoureuse, parce que c'est ce que réclame la grande majorité de la population canadienne. Nous ne réclamons pas un allégement pour ceux qui se trouvent dans la tranche supérieure des 5 p. 100. C'est la classe moyenne générale qui mérite un allégement—et ceux qui en ont le plus besoin sont ceux qui y ont droit les premiers.

L'hon. Lorne Nystrom: Et la TPS, monsieur d'Aquino?

M. Thomas d'Aquino: Sommes-nous en train de débattre de la TPS?

L'hon. Lorne Nystrom: Dans le sondage, la plupart des gens veulent une réduction de la TPS avant une réduction de l'impôt des particuliers ou de l'impôt des sociétés.

Le président: Monsieur Nystrom, je dois vous interrompre parce que nous avons d'autres personnes qui aimeraient poser des questions. Nous avons Mme Guarnieri, M. Szabo et M. Discepola.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): La matinée est des plus stimulantes.

Ma question s'adresse à M. Jackson.

Le Congrès du travail du Canada doit être le plus important porte-parole des travailleurs de la classe moyenne au Canada—mis à part le Parlement lui-même, bien entendu.

Dans votre mémoire, vous dites ce qui suit:

    Nos arguments les plus importants sont que le prochain budget devrait être axé sur l'investissement dans les programmes sociaux nécessaires au bien-être futur et que tout allégement d'impôt devrait profiter surtout aux personnes à revenu faible ou moyen.

C'est pratiquement comme si vous y aviez songé après coup. Je veux dire que vous ne mettez pas l'accent sur les représentants de votre syndicat. J'aurais pensé que votre présentation aurait mis davantage l'accent sur l'obtention de réduction d'impôt pour vos travailleurs, une réduction d'impôt qui mettrait la même somme d'argent dans la poche d'un travailleur de l'automobile que dans la poche du président de la compagnie automobile même. De toute évidence, cela pourrait être réalisé en abaissant le taux d'imposition des contribuables à revenu moyen. J'aimerais avoir des précisions sur la raison pour laquelle vous n'insistez pas davantage pour que la grande priorité du budget consiste à fournir plus d'argent pour vos membres et leurs familles.

Le président: Je vous remercie, madame Guarnieri.

Monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson: Je pense que vous avez en partie raison. Si vous considérez les travailleurs syndiqués en tant que catégorie, nous serions surreprésentés au fur et à mesure que se succèdent les échelles salariales, mais dans la tranche supérieure de 10 p. 100, le taux de syndicalisation est très faible parce que l'on arrive alors à la catégorie de la haute direction. Mais il ne fait aucun doute que nos membres sont des salariés à revenu moyen—et plus. Donc je suppose que la question que vous me posez est la suivante: pourquoi favorisons-nous les réinvestissements des dépenses dans les programmes sociaux?

Tout d'abord, une grande partie de nos membres travaillent dans la fonction publique. Ils sont en train de perdre leur emploi ou ils l'ont perdu à cause des compressions, et ils estiment offrir des services utiles au reste des Canadiens.

Je pense que la deuxième partie de l'argument, c'est que pour la grande majorité de nos membres, payer des impôts pour assurer le maintien des services demeure une assez bonne proposition, même s'il est juste de dire qu'une plus grande partie de nos impôts a servi à payer la dette, ce qui est un problème.

Mais faites-le calcul. Par exemple, regardez les résultats de la dernière enquête sur les dépenses familiales. Les sommes que les salariés à revenu moyen doivent payer maintenant de leur propre poche pour la santé et l'éducation augmentent très rapidement—particulièrement en Alberta, je le signale. Pour une famille de salariés moyens, c'est une assez bonne affaire de verser cet argent sous forme d'impôt pour obtenir des services de soins de santé, pour ne pas avoir à envoyer vos enfants à l'école privée, ou ce genre de choses... afin que vos enfants puissent faire des études supérieures sans être écrasés par une énorme dette.

• 1105

Troisièmement—et j'ai probablement commencé dans le mauvais ordre—je pense que la question fondamentale, est une question de solidarité sociale. Nous estimons que le Canada, la société canadienne, doit accorder la priorité sur les ressources disponibles à ceux qui sont défavorisés.

Je n'ai pas l'intention de m'étendre sur le sujet, mais il ne faut pas oublier non plus que les programmes sociaux ne consistent pas uniquement à redistribuer les ressources à ceux qui sont défavorisés, aussi important cela soit-il; car ils comportent également un élément de sécurité indispensable.

Si vous faites les calculs, les prestations d'assurance-emploi sont versées à un éventail de gens assez large. Cela dit, les réductions à l'assurance-emploi ont été l'une des principales causes de l'augmentation de la pauvreté chez les enfants. Selon une étude récente de Statistique Canada, si vous prenez des familles à deux revenus, les réductions se sont avérées de loin la cause la plus importante de l'augmentation de la pauvreté chez les enfants. Mais indépendamment de cela, beaucoup de salariés courent le risque de devenir chômeurs et de dépendre de ces programmes, donc c'est la sécurité qui est assurée par ces programmes également.

Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure: si nous entrons dans une ère de croissance plus rapide, l'équilibre à atteindre entre les réductions d'impôt et les dépenses pourra être modifié en conséquence, car il n'est pas coulé dans le béton.

Mme Albina Guarnieri: Vous avez exprimé beaucoup de sentiments louables au sujet des problèmes auxquels nous devons nous attaquer, mais je représente pour ma part une circonscription d'électeurs de la classe moyenne. Je suis moi-même fille d'ouvrier, et on me dit sans cesse que le gouvernement fait preuve d'une certaine arrogance quand il dit aux électeurs: «Nous pouvons dépenser votre argent mieux que vous et nous savons mieux ordonner les priorités». J'ai senti qu'il y avait beaucoup de nostalgie dans les propos que j'ai entendus tout à l'heure, on voudrait en quelque sorte revenir à une autre époque et pouvoir dépenser sans compter.

Or, pour la première fois, nous avons un ministre des Finances qui réussit à concilier croissance économique et responsabilité financière. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il faudrait trouver la répartition qui convient et vous sembliez dire que la nouvelle répartition devrait favoriser ceux qui ont assumé la plus grande part du fardeau ces dernières années. Vous avez parlé d'équité et de perte de revenus, de familles à faible et moyen revenu, de réductions d'impôt et de taux de rémunération.

J'imagine que les membres de votre syndicat s'attendraient à ce que leurs représentants négocient de meilleurs salaires et de meilleurs avantages, tout d'abord avec les employeurs et ensuite avec le gouvernement. Avez-vous fait des sondages auprès de vos membres? Est-ce par la voie d'un sondage scientifique que vous en êtes arrivés à cette conclusion sur ce que devraient être nos priorités de dépense?

M. Andrew Jackson: Nous ne sommes pas comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui ne fait que sonder ses membres et répéter ce qu'ils lui disent. Je n'essaierai pas de vous leurrer en disant que tous les travailleurs syndiqués de votre circonscription vont reprendre à leur compte la position du CTC sur le budget et la façon d'utiliser le surplus. Le fait est que le message de la réduction des impôts rejoint beaucoup de travailleurs syndiqués.

Mme Albina Guarnieri: Quel est le message que vous entendez le plus souvent de vos membres? N'est-ce pas le même message que j'entends moi-même tous les jours?

M. Andrew Jackson: Tous les sondages démontrent que les avis sont très partagés sur ces questions. Je ne trouve pas du tout surprenant que les travailleurs à moyen revenu, qui n'ont pas eu d'augmentation de leur revenu depuis dix ans et qui, comme le dit M. Nystrom, sont souvent endettés jusqu'au cou, attendent désespérément une augmentation quelconque de leur revenu.

Dans l'ensemble, les gains à la table des négociations sont minimes—les salaires réels sont stagnants ou en baisse. Je n'ai donc pas de mal à comprendre que ces gens-là exigent des baisses d'impôt. Par contre, j'estime que les gens tiennent aux programmes et aux services dont nous parlons, qu'ils tiennent à les conserver. Les gens ont le souci de la justice sociale.

J'estime aussi que le genre de réductions d'impôt qui est préconisé et par le National Post et par le Conseil canadien des chefs d'entreprise ne veut absolument rien dire pour le travailleur moyen. Il me semble qu'il y a une espèce de mécontentement général qui se cristallise autour des propositions visant à réduire les impôts qui ne donneront pas grand-chose au travailleur moyen.

• 1110

Mme Albina Guarnieri: Si les réductions d'impôt font en sorte qu'ils ont plus d'argent pour faire leurs paiements hypothécaires, il me semble qu'il ne faut pas les rejeter comme étant négligeables.

M. Andrew Jackson: Tout dépend du type de réductions d'impôt que vous allez leur donner.

Le président: Je vais prendre deux autres personnes seulement—M. Boutziouvis et Mme Hughes Anthony.

Mme Nancy Hughes Anthony: J'aimerais que les membres du comité tiennent compte de la perspective suivante. Elle m'est venue quand M. Nystrom parlait, et c'est une perspective que j'entends souvent dans les conversations que j'ai avec nos membres.

Nous ne pouvons pas oublier que le gouvernement fédéral gère maintenant—d'après les chiffres les plus récents—pour environ 111 milliards de dollars de services. Beaucoup de nos membres n'ont pas confiance que le gouvernement gère toujours bien ces 111 milliards de dollars.

Par exemple—et vous voudrez bien m'en excuser, mais je ne peux pas faire autrement que d'en parler—quand un dossier comme le fameux tunnel de 1 milliard de dollars creusé sous le complexe où nous sommes fait les manchettes, mon téléphone ne dérougit pas, et je parie que le vôtre non plus. Comment faire pour amener le gouvernement à comprendre qu'il doit faire preuve d'une vigilance de tous les instants dans la gestion des finances publiques et donner aux Canadiens l'assurance que les programmes existants—dont certains devraient peut-être être élargis ou améliorés—sont gérés de façon efficiente et répondent aux besoins de la majorité des Canadiens?

Comme je l'ai dit, c'est la même chose à chaque fois que sort le rapport du vérificateur général, ou chaque fois qu'une dépense gouvernementale quelconque fait les manchettes—nous sommes inondés d'appels. J'estime qu'il ne faut pas l'oublier, et j'estime qu'on n'a pas encore fait ce qui devrait être fait sur ce plan-là.

Je tenais simplement à ajouter cette perspective.

Le président: Merci.

M. Sam T. Boutziouvis (vice-président, Commerce international et mondialisation, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Merci, monsieur le président.

Avant de commencer, je tiens à remercier Mme Guarnieri pour son intervention très éloquente.

En réponse aux questions aussi bien d'Andrew que de Mme Guarnieri, nous vivons dans un nouveau monde, un monde où le dynamisme et l'esprit d'entreprise sont d'une importance capitale.

En ce qui concerne l'exemption à vie pour gains en capital, nous ne pouvons absolument pas nous opposer aux conclusions du rapport Mintz, mais il faut se rappeler le monde dans lequel nous vivions à la fin des années 70 et pendant toute la période des années 80. C'était un monde d'inflation très forte, où le marché donnait des signaux très différents et où les gens décidaient d'investir sans doute plutôt dans l'immobilier que dans l'avenir de l'économie—dans la croissance économique future. Ainsi, quand Jack Mintz concluait que, dans l'ensemble, les investissements contribuaient peu à la croissance économique future, il avait sans doute raison.

Dans le monde d'aujourd'hui, cependant, les gains en capital et la nécessité de pouvoir investir dans des entreprises qui sont à la fine pointe de la technologie et qui sont susceptibles de stimuler la croissance économique sont extrêmement importants. Il faut savoir exploiter le nouvel esprit d'entreprise que nous voyons chez les Canadiens. Les résultats préliminaires de nos recherches sur le sujet indiquent très clairement que dynamisme et croissance sont les éléments moteurs de la croissance de la productivité tout comme de la croissance de l'économie et de l'emploi.

Qui sont les catalyseurs de la croissance économique aux États-Unis et chez nous? Ce sont les entrepreneurs parmi nous. Ce sont ceux qui mettent leurs idées en pratique et qui prennent des risques parce qu'ils croient en leurs produits, en leurs services et en leurs idées. Il faut leur donner leur chance. Ils ont bien des outils à leur disposition grâce à notre économie et notre société, mais ils sont ralentis dans leur progression à cause de notre taux d'imposition très élevé du revenu des particuliers, du revenu des sociétés et des gains en capital.

La technologie, le capital et le savoir constituent les bases de la nouvelle économie. C'est là une réponse partielle à la question que vous posez dans votre communiqué de presse concernant la nouvelle économie. La quantité et la qualité de ces outils ne sont toutefois pas suffisantes à notre avis. Nous avons besoin de gens qui manifestent un esprit d'entreprise, qui ont confiance en leur capacité de faire des choses. C'est pourquoi il nous faut absolument réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, sur le revenu des sociétés et sur les gains en capital.

Le président: Merci.

Nous passons à M. Szabo et à M. Discepola.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur D'Aquino, je constate que, dans votre annexe, vous proposez deux modifications en particulier à l'impôt sur le revenu. Vous proposez d'augmenter le seuil pour le deuxième taux de 2 000 $ et d'augmenter le seuil pour le taux maximal de 4 000 $.

• 1115

Vous recommandez aussi de ramener de 26 p. 100 à 25 p. 100 le taux d'imposition pour la catégorie du milieu.

Je viens de faire des calculs et j'ai fait analyser le modèle pour déterminer quel serait l'effet à divers niveaux de revenu. Ceux qui gagnent moins de 25 000 $—soit 42 p. 100 de tous les contribuables canadiens—ne tireraient aucun bénéfice de ces changements. Ceux qui gagnent entre 25 000 $ et 30 000 $ par an—soit 11 p. 100 environ des contribuables—auraient droit à un rabais de 37 $ sur leur impôt fédéral uniquement si ces deux changements étaient mis en oeuvre. Ceux qui gagnent plus de 65 000 $ par an—soit 10 p. 100 de tous les contribuables—en tireraient 616 $. Le bénéfice est donc 17 fois plus élevé pour celui qui gagne 65 000 $ par an que pour celui qui en gagne 30 000 $.

Nous savons ce que c'est que la progressivité de l'impôt, mais vous avez parlé de ceux qui avaient eu à payer la note pour l'élimination du déficit. Je croyais que tous les Canadiens avaient payé la note, soit parce qu'ils n'avaient pas eu les réductions d'impôt qu'ils méritaient, soit parce que les services qui leur étaient offerts avaient dû être réduits à cause des compressions budgétaires.

Je vous demande si à l'aube du nouveau millénaire, nous devrions, d'après vous, dire à 42 p. 100 des Canadiens: «Vous n'avez droit à aucun bénéfice» et dire à ceux qui font partie de la première tranche de 10 p. 100 des contribuables: «Vous aurez droit à 616 $ du gouvernement fédéral». Avec l'impôt provincial, cela représente près de 1 000 $.

M. Thomas d'Aquino: Tout d'abord, ce que vous voyez dans l'annexe au mémoire que nous avons adressé au premier ministre, c'est un instantané. C'est aussi un ensemble de recommandations préliminaires. Je vous invite à vous reporter à un document beaucoup plus détaillé que nous avons déposé devant votre comité douze mois auparavant et dans lequel nous décrivions l'ensemble de nos propositions relatives à une réduction des impôts. Dans le mémoire au premier ministre, nous ne traitons pas expressément, par exemple, de la question de l'indexation, qui assurerait un allégement fiscal aux contribuables à faible revenu. Nous n'y faisons pas mention des allégements fiscaux que le ministre des Finances a déjà accordés aux Canadiens à faible revenu dans ses trois derniers budgets.

Au lieu de vous en tenir à cet instantané, je vous invite donc à examiner les chiffres globaux. Nous les avons ici et nous nous ferons un plaisir de vous les remettre; ils sont contenus dans un document intitulé «Projected Fiscal Surpluses After Adjustments in Relation to the BCNI Tax Cuts». Vous verrez alors ce que nous proposons sur le plan de l'assurance-emploi. Je tiens à vous le rappeler, en ce qui concerne la réduction des cotisations d'assurance-emploi, comme le savent très bien le président et le ministre des Finances, nous avons été parmi les rares organismes représentant le milieu des affaires à demander qu'on accorde la priorité absolue à la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers pour les Canadiens ayant le revenu le plus faible de préférence à une réduction importante des cotisations à l'assurance-emploi, même si ce sont les employeurs qui auraient surtout profité d'une réduction bien plus importante de ces cotisations.

Je serais heureux de déposer auprès du comité le document de deux pages que nous avons ici et qui précise quelles seraient nos priorités dans notre plan quinquennal global. Le document que nous avons adressé au premier ministre forme un tout; je vous inviterais à étudier les chiffres qui y sont présentés dans le contexte de nos prévisions pour l'avenir et de nos réalisations passées.

M. Paul Szabo: Merci.

M. Sam Boutziouvis: Puis-je intervenir brièvement, monsieur le président?

Le président: Absolument.

M. Sam Boutziouvis: Dans le plan d'action fiscale que nous avons proposé l'an dernier, nous avions en fait recommandé que la déduction pour le conjoint soit augmentée de 500 $ pendant trois années successives, pour un accroissement total de 1 500 $. Cet accroissement profiterait directement aux Canadiens à faible revenu...

M. Paul Szabo: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Sam Boutziouvis: À tous les contribuables.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président. Ce que j'ai retenu...

Le président: Vous voudriez ajouter quelque chose, monsieur Jackson?

M. Andrew Jackson: Très rapidement. L'analyse que nous avons faite était fondée sur le mémoire—c'est simplement pour que l'on comprenne bien.

En ce qui concerne la question de M. Szabo, il ne faut pas oublier que le revenu imposable des contribuables est moins élevé que leur revenu avant impôt. Quand on examine les conséquences, ou les propositions qui sont faites, selon les catégories de revenu, il faut tenir compte de cela. Il s'agit donc finalement de ceux qui sont dans la tranche d'imposition supérieure—ceux qui gagnent 70 000 $ ou plus—, à cause des divers types de déductions. En moyenne, le revenu imposable est inférieur d'environ 10 p. 100 au revenu avant impôt. Je dis simplement qu'il faut tenir compte de cela quand on veut évaluer les conséquences pour les diverses catégories de revenu.

• 1120

M. Paul Szabo: Je devrais préciser que j'ai entré les chiffres dans un logiciel de calcul de l'impôt sur le revenu et que j'ai obtenu les montants précis.

M. Andrew Jackson: D'accord.

M. Paul Szabo: Il ne s'agissait pas d'estimations, mais bien des montants précis.

M. Andrew Jackson: J'aimerais bien voir ces chiffres.

Le président: Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: Merci, monsieur le président.

Ce que j'ai retenu du témoignage du Conseil canadien des chefs d'entreprise, c'est qu'ils sont d'accord pour dire qu'il nous faut une approche équilibrée et que toute réduction des impôts devrait viser les contribuables à faible revenu, qui en ont le besoin le plus urgent. Il me semble que c'est là le principe que sous-tend notre approche 50-50, et c'est aussi le principe qu'a réitéré le ministre des Finances dans son exposé économique.

Je me demande pourquoi la Chambre de commerce ne semble pas comprendre ce que signifie cette approche 50-50. Quand j'entends ses représentants dire que cela lierait les mains du gouvernement, je voudrais avoir des explications. Ce qu'ils proposent, c'est que le plein montant, 5,45 milliards de dollars, aille à l'allégement des impôts. Il est donc très facile de constater qu'ils ne comprennent pas l'approche 50-50, puisque la leur est une approche 100-0, qui lierait sans doute davantage les mains du gouvernement canadien. Je me demande simplement s'ils se rendent compte qu'il y a d'autres besoins dans notre pays, comme ceux qui ont été évoqués autour de cette table, et s'ils ne trouvent pas que nous devrions nous occuper de ces besoins.

J'ai une deuxième question pour M. Ross. Votre proposition de création d'un fonds national de développement communautaire m'intrigue beaucoup, et je voudrais en savoir plus là-dessus. Je suis d'une province où les députés de l'Assemblée nationale ont un budget discrétionnaire de 150 000 $ à 200 000 $ qui est réservé précisément à des initiatives comme celle dont vous parlez, des initiatives communautaires qu'il s'agisse de groupes de bénévoles, de soupes populaires ou de services aux aînés. Je me demande simplement ce que vous envisagez au juste comme modalités pour ce programme. Pourrions-nous y appliquer le modèle qui conviendrait dans les circonstances? Ou avez-vous d'autres idées en tête?

Ai-je été bref, monsieur le président?

Le président: Vous avez été époustouflant.

M. Nick Discepola: Merci.

Le président: Allez-y.

M. Dale Orr: Merci. Je serai heureux de répondre à la question et de réagir à ce que vous venez de dire au sujet de l'approche 50-50. J'ai dit qu'elle n'est pas fonctionnelle et qu'elle est imprudente et discriminatoire. J'essaierai d'être très bref.

Elle n'est pas fonctionnelle parce que l'assiette de dépenses n'a pas été définie de façon claire et cohérente. Tout ce que nous avons pour l'instant, ce sont les plans de dépense du budget de 1999. J'estime donc qu'il est très important que tout le monde comprenne que chaque dollar du surplus qui sera consacré aux dépenses de programmes, autrement dit selon la formule 50-50, viendrait en sus des accroissements déjà apportés aux dépenses de programmes pour tenir pleinement compte de l'inflation et de l'évolution démographique.

Par contre, la part de 50 p. 100 qui irait à la réduction des impôts comprendrait la totalité des montants consacrés à la réduction de la progression par tranches, et ce, à l'encontre de l'intérêt du contribuable. L'approche est donc discriminatoire et elle n'est pas fonctionnelle.

Elle est aussi très imprudente, parce qu'elle peut faire en sorte que l'appareil fédéral grossisse en même temps que l'économie. Personne, à mon avis, pas même M. Nystrom, ne souhaite que le gouvernement fédéral croisse à un rythme plus rapide que l'économie dans son ensemble. Dans ce contexte, il est très important de se rendre compte que la santé et l'éducation relèvent bel et bien des gouvernements provinciaux.

La formule 50-50 n'est donc pas fonctionnelle, et elle est imprudente et discriminatoire.

Revenons à la position de la Chambre de commerce relativement à l'équilibre à atteindre. Il est très important de comprendre que la Chambre de commerce propose une approche équilibrée, à mon sens. Selon sa proposition, les dépenses de programmes augmenteraient de manière à tenir pleinement compte de l'accroissement de la population et de l'inflation, ce qui donnerait un accroissement d'environ 3 p. 100 par an. Toujours selon sa proposition, de deux à trois milliards de dollars seraient consacrés aux dépenses de programmes, quelque cinq milliards iraient à la réduction des impôts et il resterait environ trois milliards de dollars pour la réduction de la dette.

• 1125

M. Nick Discepola: Vous dites donc que tout excédent éventuel devrait être consacré à la réduction de la dette et à la réduction des impôts, un point c'est tout.

M. Dale Orr: Cela s'explique par le fait que l'excédent est défini comme étant uniquement ce qui reste après que les dépenses de programmes auront augmenté de 3 p. 100 par an.

M. Nick Discepola: On n'a donc plus besoin de réinvestir dans l'éducation ou la santé. Nous avons fait notre devoir avec...

M. Dale Orr: Eh bien, si on a une augmentation de 3 milliards de dollars par année, ça fait 3 milliards de dollars de plus. Et dans les dépenses du gouvernement fédéral, il y a des tas de priorités de moindre importance, qui peuvent et doivent être écartées pour faire place aux nouvelles priorités. Il y a là un montant d'argent raisonnablement suffisant pour financer les priorités nouvelles et émergentes...

M. Nick Discepola: Donc vous dites qu'il faut de nouvelles priorités, mais que c'est notre gouvernement qui doit réduire ses dépenses pour donner suite à ces nouvelles priorités.

M. Dale Orr: Il y a deux aspects ici. Le plan que nous proposons prévoit une augmentation nette d'environ 3 milliards par année, et nous recommandons en fait que lorsque de nouvelles priorités se présentent, on prenne l'argent dans les programmes à faible priorité. Il y a donc deux manières de financer les nouvelles priorités.

Le président: Monsieur Ross.

M. David Ross: En quelques mots, monsieur Discepola, si nous voulons ce fonds national de développement communautaire, c'est parce qu'il y a environ 75 000 oeuvres de bienfaisance enregistrées au pays aujourd'hui, et elles n'ont pas de source de financement fiable. Elles fournissent des services, mais elles n'ont pas de source de financement fiable, et il s'agit souvent de programmes gouvernementaux qui apparaissent et disparaissent ensuite, puis ils reviennent et disparaissent de nouveau. Et chacun est assorti de lignes directrices et de restrictions différentes.

Ce que nous aimerions voir en place, c'est l'assurance d'un financement soutenu. Et ce que nous voulons voir, grosso modo, c'est une manière quelconque d'allouer ces fonds, peut-être en fonction de certains indicateurs sociaux, selon les besoins dans les collectivités du pays, et cet argent serait géré très démocratiquement dans les collectivités, essentiellement par les oeuvres de bienfaisance elles-mêmes, même si certaines collectivités pourraient vouloir un conseil d'administration élu qui gérerait le fonds communautaire. Ce fonds serait géré en fonction des besoins les plus criants de cette collectivité.

Donc, les collectivités pourraient voir aux problèmes les plus pressants. Dans certains cas, ce serait le logement, ailleurs ce serait la garde d'enfants, ou encore l'aide aux personnes âgées. Nous n'avons pas arrêté de détails précis parce que dès qu'on commence à faire ça, les gens commencent à se quereller au sujet de détails au lieu de parler du but général de l'initiative, et c'est sa raison d'être qui nous intéresse encore.

Je sais qu'au Québec, on est beaucoup plus avancé pour ce qui est de fournir des fonds au niveau communautaire, et c'est un modèle qu'on pourrait certainement examiner. Mais merci d'avoir posé la question.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer à M. Brison, suivi de M. Lunn.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président, et merci à chacun de nos témoins pour leurs exposés de ce matin.

Ma première observation ou question s'adresse à M. Jackson. Vous avez souvent mentionné le fait que nous ne devrions pas comparer notre fardeau fiscal au Canada à celui des États-Unis étant donné que l'investissement social au Canada est supérieur, et c'est une chose que les Canadiens chérissent. Je veux seulement attirer votre attention sur quelques points.

La raison pour laquelle les impôts sont plus élevés au Canada a très peu à voir avec les niveaux d'investissement social. En fait, aux États-Unis, l'État consacre plus d'argent à la santé par habitant et en tant que pourcentage du PIB qu'au Canada. Les États-Unis consacrent plus d'argent à la défense que le Canada. En fait, ce n'est pas du tout une question de dépenses. Nous consacrons beaucoup plus d'argent au Canada à notre dette publique étant donné que le pourcentage de la dette nette par rapport au PIB est d'environ 61 p. 100 au Canada, comparativement à 41 p. 100 aux États-Unis.

J'ai remarqué, lorsque vous parliez plus tôt, une certaine nostalgie dans votre regard pour les années 70, comme si vous vouliez retourner à l'époque où les Canadiens pouvaient voir un rapport entre les impôts qu'ils payaient et les services qu'ils recevaient, comme si la meilleure façon d'y arriver pourrait être de réduire la dette et de revenir à la position que les Canadiens occupaient à l'époque, lorsque les dépenses gouvernementales étaient en rapport avec les impôts. Mais rappelez-vous qu'en 1970, la dette nette représentait 11 p. 100 du PIB au Canada, et 29 p. 100 aux États-Unis.

Il résulte donc logiquement de vos propos que nous devrions en fait nous employer à réduire la dette et à revenir à cette position, qui nous redonnerait cette souplesse.

• 1130

M. Andrew Jackson: Je ne crois pas avoir tant que ça la nostalgie des années 60 et 70. Je vous ferai seulement remarquer que si l'on considère toute la période des années 50, 60 et jusqu'au milieu des années 70, le Canada a connu alors une période de croissance économique très rapide, le revenu des Canadiens a augmenté, et les services publics et sociaux se sont accrus. Nous devrions tous nous entendre pour dire que nous voulons retourner à ce genre de conjoncture, où la consommation privée et la consommation publique peuvent augmenter. C'est tout ce que je voulais dire.

Vous avez raison. Nos points de départ sont différents maintenant, et la dette publique accumulée absorbe une part beaucoup plus élevée des ressources actuelles qu'à cette époque-là. Je signale au passage que j'attribue le gros du blâme pour cela à John Crow et à la politique monétaire que nous avions à la fin des années 80. En un mot, ce qui a causé cette dette, ce n'était pas les dépenses sociales excessives; c'était la récession économique et l'inhibition de la croissance.

Je vous lance un chiffre comme ça. À la fin des années 90, on aura beaucoup de chance si la croissance du revenu par habitant au Canada est égale à celle des années 30. Nous venons de connaître de loin la décennie de croissance économique la plus faible en plus de 30 ans.

De toute évidence, la dette publique accumulée est un problème. Je suis d'accord avec ça. Dans la thèse que nous avons mise de l'avant plus tôt, nous aurions dû peut-être faire valoir davantage, non pas que les déficits ne sont pas importants, mais que les déficits résultent d'une mauvaise politique économique.

Je dirai ceci: dans toutes ces projections, si nous équilibrons simplement le budget, la dette va diminuer de beaucoup en tant que pourcentage du PIB au cours des années à venir. Et je précise en passant que le CTC ne plaide pas et n'a pas plaidé, dans le contre-budget, le recours au financement de l'économie par le déficit budgétaire, si ce n'est que nous avons dit qu'une récession tous azimuts pourrait justifier cela. Tout le monde parle de l'utilisation de l'excédent budgétaire. Chose certaine, nous ne réclamons pas le retour au financement de l'économie par le déficit. Cela veut dire que la dette va diminuer, et il est extrêmement important que cela se fasse.

M. Scott Brison: Êtes-vous favorable à la politique monétaire que nous pratiquons depuis 1993, qui a, de concert avec la politique financière, causé une perte de 10 cents dans la valeur de notre dollar par rapport au dollar américain? Au cours des années Mulroney, le dollar canadien a perdu un sou, depuis 1993, c'est dix sous. Je vous le rappelle.

J'imagine que vous êtes probablement un souverainiste économique, mais cette politique du dollar faible, qui est cette politique monétaire que l'on applique pour compenser notre fiscalité et notre dette élevées, compromet notre souveraineté économique. Je vous incite à la prudence à cet égard. La politique monétaire de John Crow n'était peut-être pas aussi mauvaise que vous le dites.

M. Andrew Jackson: Ce qui fait la valeur du dollar, ce sont les exportations du Canada et les taux d'inflation relatifs par rapport à ceux des États-Unis. La Banque du Canada vous dira que c'est essentiellement ce qui fait la valeur du dollar. Sa dépréciation est presque entièrement attribuable à la chute du prix des denrées, et dans l'ensemble, cela a été bon pour nous. Donc à moins de réclamer l'adoption du dollar américain, nous avons un taux de change flottant, et c'est ce qui va...

Le président: M. d'Aquino aimerait dire quelque chose.

M. Thomas d'Aquino: M. Brison a mis le doigt sur un indicateur très important que mes collègues et moi-même appelons l'escompte canadien. Encore là, je vous le demande, je vous en supplie, finissons-en avec le vaudouisme économique dont M. Jackson vient de se faire l'avocat.

Le fait est que le dollar canadien est faible aujourd'hui, et qu'il est en déclin depuis 22 ans. Cela est attribuable aux éléments suivants. Premièrement, il y a un lien avec le prix des denrées, mais il y a aussi un lien avec la dette, il y a un lien avec les impôts, et il y a un lien avec l'incertitude que suscite le problème de l'unité nationale. Cela est lié à divers facteurs, dont le retard que nous accusons au niveau de l'innovation et de la productivité.

• 1135

Plus vite on se rendra compte qu'il faut combler rapidement ces retards, plus sûr on sera de pouvoir arrêter l'érosion croissante des forces vives du Canada. L'exode des cerveaux, dont M. Jackson et ses collègues disent qu'il n'existe pas, est une question des plus pressantes. Et monsieur Brison, vous avez parfaitement raison, le dollar est un indicateur très révélateur de ce malaise.

Le président: C'est votre dernière question, monsieur Brison.

M. Scott Brison: Monsieur Jackson, vous avez dit qu'une réduction d'impôt qui n'a pas pour effet de grossir le portefeuille du citoyen canadien ne présente aucun autre avantage pour ce qui est de la création d'emplois, de la croissance économique ou de tous ces autres domaines. En fait, nous disposons de beaucoup d'informations qui indiquent que des réductions d'impôt sur les gains en capital et des réductions dans les taux d'imposition des entreprises génèrent une croissance économique importante, et il y a ainsi plus de gens qui travaillent.

Vous avez reconnu que la croissance économique des États-Unis profite à tous les Américains en ce moment, et qu'une marée montante emporte tous les bateaux. C'était encourageant. Mais pourquoi, par exemple, en Allemagne, un gouvernement social-démocrate a-t-il réduit ses taux d'imposition des sociétés l'an dernier? Les nôtres étaient en importance les troisièmes au sein de l'OCDE l'an dernier. Cette année, nous sommes en deuxième place, parce que l'Allemagne a réduit ses taux d'imposition des sociétés. Croyez-vous que l'on peut faire fi d'une réforme et d'une réduction de la fiscalité des entreprises, à la lumière des tendances et des pressions mondiales et des emplois que nous perdons?

M. Andrew Jackson: Pour ce qui est du taux d'imposition des sociétés, c'est de toute évidence une question très complexe. Je ferai deux observations.

La première est celle-ci: quand on étudie les documents à ce sujet—et j'essaie de rédiger un texte là-dessus maintenant—, et le FMI a produit récemment un document de travail qui contenait un état de la recherche sur la question, et il y a aussi une étude récente de l'OCDE, et je serai heureux de vous distribuer ces textes.

Essentiellement, la preuve économique démontre que si l'on abaisse les taux d'imposition des sociétés, il y a des effets bénéfiques sur les investissements réels, mais ils sont très, très minimes. Ce qui ressort de l'état de la recherche, c'est que le taux de croissance de l'économie est un déterminant beaucoup plus fort des investissements corporatifs. Je dirais donc qu'on ne peut tout simplement pas dissocier notre faible niveau d'investissement au Canada comparativement à celui des États-Unis pour l'ensemble des années 90—et notre taux d'investissement corporatif a été beaucoup plus bas—du fait que notre économie a connu une croissance beaucoup plus lente que celle des États-Unis pendant cette période.

Ce qui ressort également de l'état de la recherche, c'est que lorsqu'on parle de l'effet sur la croissance et la productivité, un niveau élevé d'investissement public a plus d'effet qu'une réforme de la fiscalité.

M. Scott Brison: Mais si les investissements publics pouvaient créer plus d'emplois que la croissance économique du secteur privé, je vous répondrais que dans le Canada atlantique—et je représente une circonscription du Canada atlantique—nous aurions quatre emplois par personne avec les niveaux d'investissement public que nous avons.

M. Andrew Jackson: Je vais vous donner un exemple très concret...

M. Scott Brison: Revenons aux investissements publics, qu'en serait-il si l'on réinvestissait davantage dans la santé? Qu'en est-il de l'infrastructure nationale qui s'effondre, des routes?

M. Andrew Jackson: Oui, bien sûr.

M. Scott Brison: Qu'en est-il des prix dans l'agriculture? Certains programmes sont menacés. Avant de se lancer dans de nouveaux investissements dans...

Le président: Monsieur Brison, nous prenons bonne note de votre question. M. Giroux va répondre à l'autre question, après quoi nous passerons à M. Jackson et à M. Lunn.

Monsieur Giroux.

M. Robert Giroux: Cette discussion et cette comparaison avec les États-Unis m'intriguent beaucoup. On semble oublier, lorsque l'on compare la croissance économique des États-Unis avec celle du Canada, que les investissements que les Américains font dans la recherche, par exemple—et tout récemment, en conséquence des nombreuses décisions prises par le Congrès qui ont conduit à la croissance extrême de la recherche en santé et de la recherche dans les sciences humaines, les sciences et le génie—ont contribué énormément à leur croissance, rien qu'au niveau de l'éducation postsecondaire. Et ce, alors que notre taux de contribution gouvernementale à l'éducation postsecondaire au cours des cinq dernières années a été réduit de 10 p. 100, si mes chiffres sont exacts—et je pense que nous l'avons mentionné dans notre mémoire—aux États-Unis, la contribution aux établissements publics, et non aux établissements privés, a augmenté de 20 p. 100 pour ce qui est des investissements des États et du gouvernement fédéral.

• 1140

Donc, encore là, je tiens à souligner que ce n'est pas une question de se comparer les uns aux autres; c'est une question d'investissement équilibré dans des dépenses judicieuses, ou peu importe comment on veut les appeler. C'est cela qui va stimuler ou nourrir la croissance, en plus des incitatifs fiscaux que l'on peut mettre en place. Ce n'est pas l'un ou l'autre, il faut que ce soit les deux.

Le président: Monsieur Jackson, vous ferez votre dernière intervention, après quoi nous passerons à M. Lunn et à M. Loubier.

M. Andrew Jackson: En un mot, je suis d'accord avec vous de manière générale, mais permettez-moi de vous donner un exemple très concret de la contribution relative des mesures fiscales et des dépenses publiques à la croissance.

Le Canada a les crédits d'impôt pour la R-D les plus généreux au monde. Je pense que les gens seront généralement d'accord avec ça. Chose certaine, cela profite beaucoup à des entreprises comme Northern Telecom. Je pense que nous serons tous d'accord pour dire que l'investissement dans la R-D est incroyablement important, mais je crois que la preuve...

Industrie Canada a récemment publié un texte de Richard Lipsey de l'Institut canadien des recherches avancées, qui n'est pas un ami intime du Congrès du travail du Canada. Il fait valoir vigoureusement que les programmes ciblés d'Industrie Canada, comme Partenariats technologiques Canada, ont des effets extrêmement importants. Pour ce qui est des dépenses du Conseil national de recherches, la recherche postsecondaire est incroyablement importante dans la stimulation de notre effort en R-D.

Les allégements fiscaux et les réductions d'impôt posent un problème. Si vous accordez une réduction d'impôt générale aux entreprises, une partie pourrait susciter des investissements accrus, une R-D accrue, mais une partie de cet argent pourrait simplement servir à racheter des actions, ce que font un grand nombre d'entreprises américaines ces jours-ci. Une partie de cet argent pourrait simplement servir à verser des dividendes plus élevés. Donc il y a des avantages à consentir des allégements fiscaux, mais la question est de savoir quelle est l'utilisation la plus intelligente d'un certain montant d'argent. Il y a plusieurs publications et recherches émanant de votre propre gouvernement qui confirment que ce genre d'investissements ciblés donne les meilleurs résultats.

Le président: Merci, monsieur Jackson.

Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, monsieur le président. Je n'ai qu'une question, et j'aimerais l'adresser à M. d'Aquino et également à Mme Hughes Anthony, si on me le permet.

Je vais essayer de citer le texte de M. d'Aquino. Je ne vais peut-être pas le citer exactement, mais je pense que vous allez comprendre: Il ne faut pas se demander comment on partage la tarte, mais comment faire pour qu'elle continue de s'élargir. Je vais vous faire part d'une idée différente qui m'est très chère: à mon avis, il ne devrait pas y avoir de tarte du tout. Et je ne parlerai que de ça.

Vous avez mentionné le fait que l'on parle d'un excédent budgétaire cumulatif de 95 milliards pour les cinq prochaines années. J'ai toujours fait valoir que ce n'est pas l'argent du gouvernement. Ce n'est pas notre argent, il ne nous appartient donc pas de décider ce qu'on en fera. C'est l'argent du contribuable canadien. Et j'ai toujours fait valoir qu'il devrait y avoir un plan de gestion de la dette, une vision, pour déterminer comment nous allons rembourser cette dette. Il faut qu'il y ait un poste budgétaire dans notre budget, qu'il s'agisse de 5 milliards ou de 7 milliards par année, ou peu importe le montant dont on a besoin. S'il faut investir 3 milliards de plus par année dans la santé ou les transferts sociaux ou autre chose, cela devrait figurer dans notre budget. Si notre budget est de 145 milliards, je n'ai pas de problème à ce que l'on mette 2 ou 3 milliards de dollars dans un fonds pour éventualités. Ne prétendons pas qu'on peut atteindre le niveau zéro.

Mais cela dit, je pense qu'un gouvernement a autant tort d'afficher des déficits chaque année que de créer des excédents. Il ne devrait pas y avoir d'excédent de 95 milliards de dollars. On vole le contribuable, et il veut ravoir cet argent. Ce n'est pas un excédent budgétaire. En fait, quand j'entends tout le temps parler «d'excédent budgétaire», cela m'irrite beaucoup.

Je comprends qu'on recherche tous probablement le même résultat. Il ne faut pas qu'il y ait de tarte, mais un poste budgétaire dans le budget, et il faut avoir une vision. C'est exactement comme votre hypothèque et la mienne. Je projette de rembourser ma propre hypothèque en novembre. Tout le monde a un plan de gestion de sa dette personnelle, mais le gouvernement ne semble pas avoir de vision à long terme. Que va-t-il faire de la dette? On va voir combien d'argent il reste, et peut-être, rien que peut-être, nous allons rembourser une petite partie de la dette. Je ne suis pas du tout d'accord avec cette façon de faire. Je pense qu'il nous faut un plan de gestion de la dette à long terme et une vision. Il faut en faire des postes budgétaires dans le budget, et c'est ce qui déterminera alors combien d'argent nous devons percevoir du contribuable.

• 1145

J'aimerais seulement connaître vos idées à ce sujet, et également celles de Mme Hughes Anthony. Vous me pardonnerez de ne pas pouvoir entendre votre réponse, car je dois aller prendre la parole à la Chambre. Mon collègue, M. Schmidt, me communiquera vos réponses en détail.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Je reprendrai aussi ces questions.

Le président: Comment définissez-vous la tarte, monsieur d'Aquino?

M. Thomas d'Aquino: Je pense que M. Lunn fait une observation très importante. Nous nous sommes tous mis à croire qu'il existe un excédent budgétaire énorme.

Monsieur le président, quand je regarde le marché boursier américain, qui défie la loi de la gravité d'une manière tout simplement extraordinaire, et quand je vois toute l'incertitude qui subsiste dans l'arène mondiale et toute l'euphorie qui l'entoure, je m'inquiète énormément de ces excédents que l'on projette et des plans que nous tirons maintenant. Il y a des gens qui dépenseraient littéralement tout cela parce qu'ils s'imaginent que les 95 milliards de dollars sont là. Chose certaine, nous avons appris au cours des 20 ou 25 dernières années, lorsque nous avons vu ces déficits énormes, désastreux, s'accumuler et qui nous ont coûté énormément d'argent, qu'on ne peut pas faire de telles projections. Voilà pourquoi la prudence est de mise.

Je dirais donc, premièrement, qu'il est essentiel d'être prudent lorsque l'on parle d'excédent budgétaire.

Deuxièmement, monsieur le président, un excédent budgétaire de 95 milliards de dollars quand, en réalité, notre dette se chiffre à plus de 600 milliards de dollars, dans ma définition à moi et dans mon équation arithmétique, ce n'est pas du tout un excédent. Ça n'existe pas. Il n'y en a pas. On n'a pas d'argent à dépenser. C'est la deuxième raison pour laquelle je me réjouis quand on dit qu'il faut être très prudent avec cette idée de tarte.

Quand j'emploie cette analogie de la tarte, je parle du PIB total du Canada. Nous devons nous efforcer collectivement à faire croître ce PIB aussi vite que possible, non pas à un taux de 1 ou de 2 p. 100, mais à un taux de 3 p. 100, 4 p. 100 et 5 p. 100 si l'on peut. Ce serait de loin le stimulant le plus puissant. On aurait ainsi la vague qu'il faut pour soulever le plus grand nombre de bateaux.

Enfin, l'autre raison pour laquelle nous ne devrions pas parler aussi cavalièrement de cet excédent budgétaire comme si cela appartenait au gouvernement, c'est qu'il appartient au peuple canadien. C'est son argent. Il a travaillé fort pour le gagner. Un grand nombre d'entre eux, la vaste majorité d'entre eux, n'ont vu aucune—aucune!—augmentation de leur revenu disponible au cours des 10 ou 15 dernières années.

Telles sont donc les quatre raisons pour lesquelles il est très souhaitable de définir cette tarte avec la plus grande prudence.

Le président: Merci, monsieur d'Aquino.

Madame Hughes Anthony.

Mme Nancy Hughes Anthony: J'ajoute quelques mots à cela; je suis parfaitement d'accord avec ce qu'on vient de dire. De toute évidence, ce député parle aux membres de la Chambre de commerce de sa circonscription. Bon nombre des membres de la Chambre considèrent simplement que cet excédent est un trop-perçu d'impôt. Ils disent simplement: vous avez perçu tant d'argent, et vous allez dépenser tant. Eh bien, ne dépensez pas tout cet argent, redonnez-nous-le. Pour eux, il est très évident que c'est un trop-perçu d'impôt.

Je dois dire que l'excédent budgétaire de l'assurance-emploi—qui est, comme on sait, versé dans le Trésor public—demeure une préoccupation. Un grand nombre de Canadiens ne comprennent pas pourquoi ils cotisent autant à l'assurance-emploi. Cet argent devrait clairement retourner dans les poches des Canadiens par l'entremise de l'impôt sur le revenu des particuliers ou de réductions des cotisations.

Mais j'aimerais aussi faire écho à une autre chose qu'on a dite. Il est très important de ne pas croire que nous avons 95 milliards de dollars dans un bas de laine quelque part, et qu'on peut investir son argent dans tout un éventail de programmes parce qu'au bout du compte, nous allons récupérer nos impôts dans quatre ou cinq ans. Cet excédent n'existe pas. Je crois donc que votre comité a pour défi de faire des recommandations qui sont très concrètes et qui prennent en compte des éléments comme le fait que l'on consacre à la dette 26c de chaque dollar que l'on paie en impôt. C'est un problème qu'il faut régler dès maintenant.

Je conclurai en disant qu'à notre avis, le mieux, c'est d'avoir un plan de réduction de la dette très systématique, et de remettre le reste de l'argent aux contribuables canadiens.

• 1150

Le président: Madame Scott.

Mme Katherine Scott (cadre supérieur chargé des politiques, Conseil canadien de développement social): Merci. Je voulais seulement dire un mot à ce sujet.

Ce qui me frappe le plus, c'est le fait que nous sommes devenus une nation de contribuables. Nous ne sommes plus des citoyens canadiens qui veulent investir dans la collectivité et contribuer à créer une société où tout le monde a sa place; nous ne sommes plus que des individus, des familles ou des sociétés qui s'abaissent au niveau le plus bas et le plus mesquin pour arracher leur petite part. C'est lamentable. C'est fort lamentable.

Je crois sincèrement que l'on peut avoir une approche qui soit équitable, humaine, et raisonnable sur le plan économique. Nous pouvons équilibrer ces mesures. S'il y a une chose qui ressemble à la manière canadienne de faire les choses, c'est bien une approche équilibrée, peu importe comment on la définit. Cette idée que les Canadiens restent assis chez eux à attendre leur remboursement d'impôt est effroyable.

J'invite instamment le comité à envisager diverses mesures qui comprendraient un allégement fiscal pour les Canadiens à faible revenu, une réforme de la fiscalité et une plus grande progressivité qui stimulerait la croissance financière et nous permettrait de faire des investissements clés, particulièrement dans les enfants et dans les familles qui ont souffert au cours de la dernière décennie. Les enfants ne peuvent plus attendre. Ce n'est pas comme le cycle économique qui revient à des jours meilleurs, et les enfants qui vivent dans la pauvreté depuis deux ans et qui ont mal mangé pendant ces deux années ne vont pas tout à coup s'en sortir et rattraper le temps perdu. C'est la responsabilité du gouvernement. Assumez-la.

Excusez-moi, je n'en pouvais plus. Toute cette discussion avait l'air d'aboutir à un débat stérile sur la question de savoir qui va toucher ces remboursements d'impôt. C'est une insulte pour les citoyens canadiens. Or nous sommes justement ici pour parler d'eux: les citoyens.

Le président: Merci.

Monsieur d'Aquino.

M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, une intervention très rapide, parce que je pense que Katherine Scott a mis le doigt sur un problème qui est très important, mais qui est aussi à mon avis la cause de ce qui nous sépare le plus dans notre pays.

J'ai toujours soutenu que le développement économique a justement pour but de donner un meilleur niveau de vie à tous les Canadiens. Si l'on part de cette hypothèse, la croissance est très importante. L'innovation devient aussi très importante. Il est très important d'avoir tous ces éléments de croissance qui permettent aux Canadiens non seulement de créer une société humaine, mais une société capable de générer un meilleur niveau de vie. C'est là que doit se situer la pierre angulaire. Il ne fait aucun doute dans notre esprit que nous sommes ici pour en parler.

La croissance économique et l'égalité sociale sont inextricablement liées. Cette réalité ne devrait susciter aucun doute dans notre esprit. Ce dont nous discutons vraiment, c'est de savoir si nous sommes disposés ou non à donner à nos élus une liberté totale—ce dont ils disposent dans une large mesure dans un régime parlementaire—pour dépenser tout l'argent qu'ils veulent, alors que l'utilisation de cet argent conduit à un climat social plus néfaste et non à un climat meilleur?

Je vous dis à vous et à elle que 41 milliards de dollars d'intérêt sur la dette constituent l'agression la plus violente et la plus catastrophique contre l'égalité sociale que notre pays a jamais vue. Et qui est le responsable? Les citoyens? Les contribuables? Non, ce sont les gouvernements qui sont responsables. Voilà pourquoi nous devons être très prudents avec cette définition.

Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, j'aimerais apporter certaines précisions à l'intention de M. d'Aquino, car chaque année, lorsqu'il comparaît devant nous, on a l'impression qu'il se tient à distance de la réalité des débats qui ont cours et qu'il les voit de l'extérieur. Ses suggestions s'appliquent à tout le monde, mais jamais aux gens qu'il représente. J'en veux pour preuve ce qu'il a dit tout à l'heure à propos de la dégringolade du dollar canadien. Il a mentionné l'incertitude créée par les méchants séparatistes du Québec.

J'aimerais bien lui faire une petite leçon d'économie de base. Depuis 30 ans, le dollar canadien perd un cent par année. S'il avait jeté un coup d'oeil dans sa cour au lieu de mener un débat éloigné de la réalité, il aurait vu que le premier facteur, sinon le facteur primordial, c'est l'écart de productivité entre les entreprises canadiennes et les autres entreprises, américaines notamment. Depuis 30 ans, les gens qu'il représente n'ont pas fait l'effort d'accroître leur productivité. Il faudrait peut-être le dire. Il faudrait peut-être dire aussi qu'il y a deux ans, lorsque le dollar canadien a perdu plusieurs cents en quelques jours, c'était le fait de 10 grands spéculateurs mondiaux dont aucun séparatiste ne faisait partie.

• 1155

Il y a un autre point sur lequel je vous trouve coupé de la réalité et sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires. Vous parlez des problèmes de la dette, du déficit passé et du service de la dette, qui est actuellement de 45 milliards de dollars. Monsieur d'Aquino, vous ne faites aucunement mention d'un problème soulevé par plusieurs, et cela depuis plusieurs années, celui des impôts indéfiniment reportés de vos membres. En effet, les grandes entreprises très profitables doivent à peu près 45 milliards de dollars au gouvernement fédéral, soit à peu près le montant du service de la dette que doivent payer tous les contribuables.

Il faut bien dire que lorsque vous reportez indéfiniment vos impôts—certains de vos membres vont jusqu'à déclarer publiquement qu'ils ne les paieront jamais—, ce sont les autres contribuables et les particuliers qui doivent payer pour compenser ce manque à gagner. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

J'aimerais surtout vous entendre dire la vérité quand vous parlez de la chute du dollar canadien, ainsi qu'au sujet de la non-contribution de vos membres. Cela nous ferait du bien d'entendre cela ici.

Le président: Monsieur d'Aquino.

M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, je vais répondre à M. Loubier. Je sais très bien qu'il est économiste. Je suis donc un peu surpris de l'analyse qu'il nous présente aujourd'hui.

[Traduction]

Monsieur Loubier, tout d'abord, c'est vous qui avez dit «méchants séparatistes», et non moi. Je n'ai pas dit que les séparatistes étaient méchants. Ils se trompent peut-être, mais ils ne sont pas méchants.

Quand j'ai parlé de l'escompte du Canada, j'ai dit qu'il y avait un certain nombre de facteurs qui contribuent à cela: les cours des denrées, les déficits, la dette, la fiscalité trop lourde, et j'ai aussi mentionné l'incertitude que les députés de votre parti et le gouvernement du Québec introduisent dans le débat national dans notre pays depuis déjà fort longtemps, en dépit des préférence répétées des gens du Québec et des gens du Canada. C'est une réalité. C'est indéniable.

Il y a des moments où ce problème est plus aigu et d'autres moments où il l'est moins, mais dans tout le travail que nous faisons, il est parfaitement clair que l'incertitude causée par les aspirations indépendantistes d'une minorité de Québécois joue un rôle. C'est ma première observation.

Deuxièmement, je suis sidéré de voir qu'un homme tel que vous, qui sait que le Québec abrite certaines des sociétés les plus productives du Canada—je nommerai Bombardier pour commencer, Alcan, Nortel, et l'on pourrait dresser une longue liste de sociétés très rentables et très productives—, dise que la productivité des gens que je représente est faible. Je vous répondrai que la productivité des entreprises dominantes du Canada, les plus grandes entreprises du Canada, est en fait la meilleure au pays et l'une des meilleures dans le monde. Vous qui êtes économiste, vous devriez le savoir.

Troisièmement, au sujet des impôts différés, vous devez également savoir, vous qui êtes économiste, que le Canada ne diffère nullement de la plupart des autres pays lorsqu'il permet aux entreprises qui perdent de l'argent de reporter ces pertes. Que voulez-vous qu'elles fassent: qu'elles paient des impôts les années où elles perdent de l'argent? Évidemment que non. Pouvoir reporter ces pertes fiscales...

[Français]

M. Yvan Loubier: Monsieur d'Aquino, je m'excuse, mais vous venez de dire quelque chose de grossier. Écoutez bien. Nous avons maintenant la liste des entreprises qui ont reporté leurs impôts et qui en doivent depuis plusieurs années: 80 p. 100 sont de très grosses entreprises très rentables qui ne paient pratiquement pas d'impôts depuis plusieurs années. Il ne s'agit pas du report de pertes. Les lois fiscales nous permettent de reporter des impôts annuellement en cas d'investissements, de les reporter sur un certain nombre d'années. Cette politique, conjuguée aux clauses d'amortissement accéléré, fait en sorte que vous pouvez être 12, 15 ou même 20 ans sans payer d'impôts. À l'heure actuelle, il y a autour de 40 ou 45 milliards de dollars d'impôts impayés par des entreprises telles que celles que vous représentez. Ce montant correspond à celui du service de la dette.

Si vous niez cette réalité, il existe un problème quelque part. Je peux d'ailleurs vous fournir la liste. Je vous l'expédierai volontiers s'il s'agit d'un manque d'information de votre part.

M. Thomas d'Aquino: Monsieur le président, je serai très heureux de recevoir cette liste.

M. Yvan Loubier: Je vais certainement vous l'envoyer.

• 1200

[Traduction]

M. Thomas d'Aquino: Je peux vous dire ceci très clairement. Nous vivons dans un pays où... vous l'avez dit vous-même; vous avez dit qu'il y a des entreprises qui ne paient pratiquement pas d'impôt. J'aimerais savoir quelles sont ces entreprises, car au Canada...

[Français]

M. Yvan Loubier: Je vais vous les fournir.

[Traduction]

M. Thomas d'Aquino: Monsieur Loubier, dans le pays où nous vivons, d'après mon expérience, je sais que si l'on ne paie pas ses impôts, on peut aller en prison.

Encore une fois, sauf votre respect, vous brouillez les cartes. Lorsque vous parlez d'entreprises qui sont rentables, vous parlez d'entreprises qui sont peut-être rentables cette année, mais que faites-vous des pertes qu'elles ont subies sept ou huit ans d'affilée auparavant? Ce qu'il faut faire, c'est une moyenne, et c'est quelque chose que le système permet. L'autre solution serait d'acculer ces entreprises à la faillite et de créer encore plus de chômage et je suis certain que c'est quelque chose que vous ne voudriez pas faire.

[Français]

M. Yvan Loubier: Est-ce que les entreprises ne doivent pas payer leur contribution au même titre que tous les particuliers qui sont étranglés par les impôts depuis 1993 et qui sont aussi victimes de la non-indexation des tables d'impôt? Apportez votre contribution comme les autres et vous pourrez ensuite venir nous parler ici de l'allocation des surplus et des baisses d'impôt consenties à tout le monde, parce que ce sont les autres contribuables qui doivent faire la contribution que vous n'apportez pas. C'est tout ce que je dis.

Je vous enverrai volontiers cette liste, que je vais déposer ici, au comité des Finances.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Après un si long débat, je ne pense pas qu'il reste beaucoup de questions à poser, mais j'en ai quand même une.

Mme Scott a mentionné tout à l'heure que ce n'est pas la manière canadienne de faire les choses, que nous devrions regarder ce qui retourne aux contribuables, combien ils veulent ravoir. Permettez-moi de poser une question, si ce n'est pas la façon canadienne.

Au Canada, nous avons les paiements de péréquation et les paiements de transfert. Si j'ai bien compris, au cours des dernières années, le Canada a connu une croissance économique essentiellement en Ontario et en Alberta à raison de 5 ou 6 p. 100. Si nous examinons la population, celle de l'Ontario a et celle de l'Alberta, et la croissance que ces deux provinces ont connue, cela ne laisse aucune possibilité dans d'autres provinces qui n'ont eu aucune croissance... n'est-ce pas une façon canadienne, alors que ces provinces ont mieux réussi sur le plan économique et ont partagé la richesse avec le reste du pays?

Si ce n'est pas là une façon canadienne, je me demande bien ce que c'est. Si on regarde la croissance économique, où s'est-elle manifestée? Elle s'est manifestée seulement dans certaines régions. Là où nous en profitons, c'est relativement au produit intérieur brut et aux surplus avec notre partenaire commercial, les États-Unis. Il y a eu cinq ou six secteurs—le secteur de l'automobile, l'industrie des télécommunications, Bombardier et d'autres. Le reste de l'économie n'a pas connu de croissance au Canada. C'est donc un aspect.

Je dirai à M. Loubier—et je veux dire à M. d'Aquino que je ne suis pas un économiste et que je ne représente pas non plus une grande entreprise—lorsque je produis ma déclaration d'impôt sur le revenu, comme je suis propriétaire d'une petite entreprise, je demande à mon comptable ce qu'est un report d'impôt. Il me dit tout simplement que je dois par exemple payer 1 000 $ d'impôt sur le revenu, mais que si je les investis dans une société ou que je les réinvestis dans mon entreprise, je crée davantage de richesse, davantage d'emplois, et c'est ce qu'on appelle un report d'impôt. Ce que j'aimerais savoir, c'est de quelle autre façon vous voulez dire que ces entreprises ne paient pas d'impôt? C'est ainsi qu'on me l'a expliqué, qu'un report d'impôt est un investissement dans un facteur économique qui permet la croissance et de créer davantage d'emplois.

Le président: J'imagine que c'était une observation.

M. Gary Pillitteri: Et une question.

Le président: Madame Scott, il y avait une question.

Mme Katherine Scott: Je suis désolée, je ne sais pas trop... Me demandiez-vous si ce n'était pas une façon canadienne que de redistribuer les gains économiques de certaines régions du pays dans d'autres régions?

M. Gary Pillitteri: Ils sont redistribués partout au pays.

Mme Katherine Scott: Oh, absolument. La péréquation est depuis longtemps un élément de la fédération canadienne et nous appuyons certainement la péréquation et ce genre de mesures. En fait—corrigez-moi si je me trompe—c'est inscrit dans la Constitution. Nous ne disons certainement pas qu'il ne devrait pas y avoir de paiements de péréquation.

Il n'y a qu'à voir comment l'économie canadienne s'est développée pour constater que les secteurs clés ont offert par le passé des avantages clés. Je reconnais sans hésitation que la croissance se concentrait dans des secteurs très particuliers, l'automobile par exemple et d'autres secteurs connexes. Par le passé, la croissance en Alberta a sans conteste été générée par le secteur de l'extraction et du raffinage des ressources naturelles. Je ne le nie pas. Je suis d'avis que nous devrions consentir des efforts de redistribution pour garantir que tous les Canadiens puissent jouir d'un même réseau de services et de transferts, pour qu'ils puissent aspirer à un niveau de vie comparable, quelle que soit la région où ils vivent, et que leurs aspirations soient comblées.

• 1205

M. Gary Pillitteri: Monsieur le président, je n'ai peut-être pas été assez clair. Je vous demande si ceux qui génèrent la richesse méritent une réduction d'impôt? J'ai oublié d'inclure ce facteur dans mon équation.

Mme Katherine Scott: Je dois dire que ceux qui au Canada génèrent de la richesse profitent assurément des avantages qu'elle procure. Et j'espère que cette richesse est réinvestie au Canada. Je veux dire que nous vivons tous dans des collectivités et que ce ne sont pas les gens qui individuellement extraient la richesse. Cela suppose une entreprise ou une entité quelconque qui se trouve dans une collectivité composée de travailleurs, de familles, de groupes. On ne peut pas imaginer qu'une seule personne extrait la richesse et détienne le droit exclusif de jouir des avantages qu'elle procure. Je pense que ce genre de richesse doit être partagé avec la collectivité.

Je ne m'oppose pas aux règlements qui limitent le contenu étranger d'un portefeuille de REER à 20 p. 100, mais il s'agit de ce même principe. On peut supposer que si l'on accorde un avantage fiscal de cet ordre—et c'est le programme de dépenses fiscales le plus important au pays—le gouvernement du Canada, qui offre cet avantage gigantesque à un petit groupe de contribuables, est tout à fait en droit d'exiger que les avantages qui en découlent profitent aux collectivités dans lesquelles ils vivent et travaillent. Je pense que c'est parfaitement équitable.

M. Gary Pillitteri: Je veux bien comprendre. Les cinq milliards de réduction d'impôt qu'ils réclamaient ne représentent que 400 $ par contribuable au Canada.

M. Dale Orr: C'est moins de 200 $ par personne.

M. Gary Pillitteri: C'est 400 $ par contribuable.

Le président: À cause de l'intérêt du sujet, nous avons dépassé le temps imparti pour la discussion avec ce groupe. Ne vous inquiétez pas; nous ne leur imposerons pas de surtaxe.

Je tiens à vous faire part de notre plus sincère gratitude. Vous avez chacun présenté une perspective différente mais je pense qu'il y a un terrain commun néanmoins. En effet, vous souhaitez tous améliorer le niveau de vie des Canadiens. Le moyen de le faire diffère, mais je pense que l'objectif est le même.

C'est également l'objectif de notre comité. Nous allons essayer de présenter des recommandations dont la mise en oeuvre permettra d'engendrer la croissance économique nécessaire pour maintenir les programmes qui en fait sont utiles.

Il me faut ajouter, en tant que président du comité, que nous devons faire des recommandations dans le cadre d'un plan quinquennal. À la vérité, nous ne pouvons pas nous fonder sur le seul facteur de partage moitié-moitié, car les choses ont un peu évolué. À mon avis, ce n'est pas ce facteur qui devrait nous guider dans l'élaboration de nos recommandations. Nous devrions nous laisser guider en effet par ce qui est logique pour la population canadienne. Quelle est la meilleure politique publique, la plus avantageuse pour les Canadiens? Bien sûr, je vais en discuter avec les membres du comité, mais je ne pense pas que nous devrions être entravés par une formule quelconque. En fait, il faut que le débat soit le plus ouvert possible, fasse intervenir le plus grand nombre de solutions possible, de sorte que nous puissions atteindre la croissance économique qui permettra d'améliorer le niveau de vie des Canadiens.

Vous avez énormément enrichi ce débat, et j'aimerais vous remercier au nom du comité.

La séance est levée.