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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 17 mai 2000

• 1537

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): J'aimerais ouvrir la séance et accueillir tous les participants de cet après-midi.

Comme bon nombre d'entre vous le savez sans doute, le Comité des finances tient une série de tables rondes sur un certain nombre de questions. Celle d'aujourd'hui porte sur l'endettement des ménages.

J'aimerais profiter de cette occasion pour accueillir les organismes et les personnes suivants: de l'Institut Vanier de la famille, Bob Glossop, directeur général de la programmation; de Informetrica, Michael McCracken, président et chef de la direction; de l'Université d'Ottawa, Mario Seccareccia, professeur, Département d'économie; de Statistique Canada, Stewart Wells, statisticien en chef adjoint, Études analytiques et comptes nationaux, et Patrick O'Hagan, directeur adjoint, Division de la balance des paiements; Warren Mosler, directeur, Analyses économiques, III Finance, et Armine Yalnizyan, économiste.

Bienvenue. Comme vous le savez, vous avez entre cinq et dix minutes pour faire une présentation préliminaire. Après quoi, nous passerons aux questions.

Nous allons commencer par M. Gossop, de l'Institut Vanier de la famille. Bienvenue.

M. Bob Glossop (directeur général de la programmation, Institut Vanier de la famille): Merci, monsieur le président et membres du Comité des finances de l'occasion que vous me donnez de comparaître aujourd'hui.

Nous vous avons remis un document d'information, un rapport préparé pour nous par Roger Sauvé, président de People Patterns Consulting en Alberta. Ce rapport, intitulé L'état actuel du budget de la famille canadienne: Rapport 1999, est un exemple de ce que l'institut Vanier tente de faire pour surveiller la situation des familles canadiennes et examiner les questions qui les touchent de plus près.

Dans cette brève introduction, je ne passerai pas le rapport en revue, point par point. Je crois que vous avez suffisamment d'indications de l'augmentation des niveaux d'endettement par habitant ainsi que nos propres calculs de la dette par ménage. Je crois que vous avez également des documents sur les tendances dans les taux d'épargne.

Quelle que soit la mesure utilisée, il nous semble évident que précisément au moment où la plupart des gouvernements ont mis de l'ordre, ou en tout cas un peu plus d'ordre, dans leurs affaires budgétaires, les individus et les familles en général pourraient bien se retrouver dans une situation de surexposition et de vulnérabilité à l'égard des taux d'intérêt, des fluctuations du marché et d'une perte d'emploi temporaire pour l'un ou plusieurs des salariés.

Je vais très brièvement passer en revue nos principales constatations. Je crains que la forte reprise économique qui a fait suite à la récession du début des années 90 n'ait pas été particulièrement apparente à bon nombre de Canadiens qui essaient d'équilibrer leurs comptes à la fin de chaque mois. La reprise, telle qu'elle surveillée par la plupart des indicateurs bruts de la performance économique, a été pour beaucoup une reprise non productrice de revenu.

En moyenne, le revenu disponible des familles aujourd'hui est inférieur à ce qu'il était il y a une décennie. Le revenu qu'elles ramènent à la maison subit également de nouvelles pressions: impôts fonciers, augmentation des frais d'utilisation et coûts des soins de santé.

• 1540

Certes, certaines familles s'en sont sorties mieux que d'autres. Les familles dont les revenus sont les plus élevés sont les couples à deux revenus avec enfants. Elles ont connu une amélioration modeste, mais modeste seulement, de 73 dollars de leur revenu entre 1989 et 1997. Par contre, ce sont les couples à revenu unique avec enfants qui ont subi la perte la plus importante du revenu réel. Le revenu moyen des familles monoparentales ayant un chef masculin a subi une baisse marquée, mais ce sont encore les mères seules qui ont le plus de difficulté à subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.

Même si certains prétendent que l'érosion du revenu disponible est attribuable à l'alourdissement du fardeau fiscal, en dollars réels, l'impôt sur le revenu des familles a en fait diminué entre 1989 et 1992 et a légèrement augmenté pour revenir aux niveaux de 1989. Mais l'impôt sur le revenu représente actuellement une proportion croissante du revenu total réduit que nous ramenons à la maison, du fait surtout que nos salaires n'ont pas suivi le même rythme, contrairement aux États-Unis.

Face à cette réduction du revenu disponible, on pourrait s'attendre à ce que les familles et les ménages se serrent la ceinture et réduisent leurs dépenses, comme l'ont fait les gouvernements, mais elles ne l'ont pas fait ou n'ont pas pu le faire. Malgré la baisse d'environ 9 p. 100 des revenus des ménages après impôt enregistrée entre 1989 et 1998, les dépenses par ménage ont augmenté de 1,5 p. 100, une augmentation modeste par rapport aux gains historiques. Autrement dit, il semble que de façon générale, les familles et les ménages assument des niveaux plus élevés d'endettement et épargnent moins afin de maintenir ou d'accroître leurs niveaux de dépenses.

La question évidente est donc celle-ci: pourquoi les familles et les ménages sont-ils prêts à assumer ce genre d'endettement et à accepter cette vulnérabilité? Curieusement, alors que les Canadiens ont accepté la discipline des restrictions en matière de finances publiques, ils semblent réticents ou incapables d'accepter la même discipline lorsqu'il s'agit d'organiser leurs propres affaires financières. Réticents ou incapables? Lequel des deux? Et qui est réticent et qui est incapable?

Statistique Canada dispose de données très complexes et détaillées sur la répartition des revenus, mais j'ai l'impression que nous ne savons pas encore grand chose sur la répartition de la dette, ou de l'autre côté de l'équation, sur la répartition des actifs et de la richesse. L'enquête sur la richesse, que nous attendons avec impatience et qui paraîtra à l'automne, devrait nous donner des renseignements à ce sujet.

Nous recommandons tout d'abord d'investir dans la collecte et l'analyse de données qui éclaireraient la nature, la répartition, la durée et l'ampleur de la dette détenue par les familles et les ménages canadiens.

Certaines études sur cette question, réalisées encore une fois par Roger Sauvé, ont utilisé les paiements d'intérêt, tels qu'ils figurent dans l'enquête de 1996 de Statistique Canada sur les dépenses des familles, comme un indicateur de la répartition de la dette entre les groupes d'âge. En moyenne, en 1996, le ménage typique canadien a payé 2 264 dollars en intérêt—soit sur leur résidence principale, leur résidence secondaire, d'autres biens, des prêts participatifs ou des prêts personnels. Ces paiements d'intérêt représentaient 5,6 p. 100 du revenu total des ménages après impôt.

Par rapport à cette moyenne de 5,6 p. 100, les ménages dirigés par des personnes jeunes âgées de 25 à 34 et de 35 à 44 ans payaient 7,8 p. 100 et 7,4 p. 100 respectivement de leurs revenus annuels après impôt en intérêt. Le pourcentage du revenu des ménages consacré au paiement d'intérêt semble diminuer, comme on peut s'y attendre, après 44 ans.

Les ménages à revenu moyen-supérieur, qui appartiennent au quatrième quintile, affectaient la proportion la plus élevée de leur revenu total à l'intérêt: environ 7 p. 100. Les ménages à revenu moyen-supérieur dirigés par des personnes de 25 à 34 ans subissaient le fardeau de la dette le plus lourd, avec des paiements d'intérêt équivalant à presque 10 p. 100 de leurs revenus après impôt.

Un certain nombre de raisons peuvent expliquer pourquoi les Canadiens s'endettent de plus en plus. Selon les organismes de sondage, nous avons moins peur de perdre nos emplois, compte tenu des taux de chômage les plus bas que nous ayons connu depuis longtemps et la forte création d'emplois. Je pense que les Canadiens estiment en général qu'ils pourront continuer de payer leur hypothèque, leurs cartes de crédit et leur prêt automobile, tout au moins à court terme.

Certaines familles ont accumulé de la richesse et sont donc prêtes à emprunter ou ont tout au moins plus confiance dans l'avenir, même si la valeur nettement accrue de leurs actions et de leurs pensions, qui représentent maintenant l'équivalent des deux tiers de tous les actifs financiers, n'est pas nécessairement garantie et, en tant que gains non réalisés, ne rendent pas plus facile le paiement des factures à la fin du mois.

• 1545

Même si la valeur des actifs par ménages a augmenté rapidement jusqu'en 1997 avant de diminuer légèrement en 1998, j'insisterais à nouveau sur l'aspect de la répartition. Le cinquième le plus pauvre des familles ne possède pratiquement pas de valeur nette, alors que le quintile le plus riche en possède les deux tiers environ.

Selon les données sur les dépenses moyennes des familles, il est raisonnable de supposer que la plupart des familles sont endettées simplement parce qu'elles ont compromis une partie de leur sécurité financière à long terme pour satisfaire leurs besoins immédiats.

Nous avons étudié ce que les familles font avec leur argent durement gagné et nous allons publier un document à ce sujet la semaine prochaine. J'ai remis à la greffière quelques feuillets qui décrivent les tendances moyennes des dépenses des familles à deux parents avec enfants de moins de 15 ans et des familles monoparentales avec des enfants de moins de 15 ans. Je ne vais pas rentrer dans les détails. Je promets de remettre un exemplaire de Profiling Canada's Familles II à la greffière du comité la semaine prochaine. Mais je peux dès maintenant vous faire part de notre conclusion, à savoir que l'appât du gain n'est pas vraiment apparent dans les tendances typiques des dépenses familiales.

À la fin du mois, les familles les plus aisées, les couples à double revenus avec enfants, consacrent plus de la moitié de leur revenu disponible aux nécessités de base, alimentation, vêtements et logement. Les familles monoparentales consacrent environ les trois quarts de leurs revenus après impôt à ces mêmes nécessités de base.

Les seules familles qui semblent avoir une plus grande marge de manoeuvre, pour ce qui est de gérer leur budget, sont le tiers des familles aux revenus les plus élevés, celles qui gagnaient plus de 67 300 dollars par an en 1996. Ce sont d'ailleurs ces ménages qui expliquent probablement l'augmentation rapide des dépenses globales consacrées aux loisirs.

J'aimerais également attirer votre attention sur le fait que l'autre augmentation la plus importante des dépenses globales des ménages correspond aux soins et aux services médicaux, ce qui pourrait indiquer une tendance vers un abandon des dépenses publiques au profit des dépenses privées.

Les économistes voient dans le pouvoir d'achat des familles un des grands moteurs de la croissance et du développement économiques. Je pense qu'il est juste de dire que nous vivons dans une économie qui est intoxiquée par la croissance tant de la consommation que de la production.

Je crois qu'un certain nombre de questions méritent une analyse plus approfondie. Comment la hausse ou la baisse des taux d'intérêt touchent-elles des groupes de familles et de ménages différemment? Comment le montant et la répartition de la dette globale des familles et des ménages changent-ils dans le contexte d'une société vieillissante? Comment la répartition de la dette change-t-elle avec le temps? Les jeunes ménages d'aujourd'hui assument-ils un fardeau d'endettement relativement plus élevé que par le passé? La nouvelle composition de la dette va-t-elle empêcher les jeunes ménages d'acheter une résidence, compte tenu des niveaux d'endettement étudiant plus élevés qu'auparavant? À quel point les groupes les plus endettés, c'est-à-dire les jeunes et les revenus moyens-supérieurs, sont-ils vulnérables aux fluctuations des marchés, à la récession et la hausse des taux d'intérêt? Finalement, dans quelle mesure les familles et les ménages assument-ils des proportions plus importantes de la dette sur la base d'actifs plus nombreux composés en grande partie aujourd'hui d'actions et d'autres actifs financiers?

Nos recommandations sont modestes pour le moment. Encourager et appuyer la collecte et l'analyse de données sur la dette des familles et des ménages, sa répartition, son ampleur et sa durée. Continuer d'être vigilant afin de maintenir les taux d'intérêt à de faibles niveaux tout en favorisant la croissance économique. Finalement, comme nous pourrions nous y attendre, si nous constatons que l'alourdissement du fardeau de la dette des Canadiens est assumée de façon disproportionnée par les jeunes, la classe moyenne et ceux qui ont des enfants, les programmes de sécurité du revenu de même que les politiques et les principes fiscaux devront être évalués d'un oeil critique afin de faire en sorte que les familles—dans la mesure où elles sont le moteur de la croissance économique et le fondement de la croissance ou de la stabilité future de la population—puissent gérer leurs finances tout au long de leur vie, compte tenu du fait que les modèles typiques de la formation des familles, du salariat, des dépenses et de l'épargne exigent que les familles assument des niveaux d'endettement gérables, dans leur propre intérêt et dans l'intérêt du Canada.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Glossop.

Nous allons maintenant entendre M. Michael McCracken, président et chef de la direction de Informetrica. Bienvenue.

M. Michael McCracken (président et chef de la direction, Informetrica): Merci, monsieur le président.

Je vous ai remis quelques copies de certains graphiques auxquels nous pourrons nous reporter. Je ne vais pas tous les passer en revue, car je sais que notre temps est limité et que j'aimerais également passer à la période de discussion. Je suis sûr également que d'autres intervenants parleront de ces mêmes données.

• 1550

J'aimerais cependant m'attarder un peu sur le premier graphique intitulé «Stability of Debt Ratio», (stabilité du ratio d'endettement) qui servira de base à nos discussions.

Concrètement, tout détenteur de dette, ou d'ailleurs tout détenteur d'actif, est assujetti à deux forces. La première est la question de savoir comment les taux d'intérêt se comportent par rapport à l'augmentation de son revenu et, deuxièmement, quel montant de ce revenu il économise; combien réserve-t-il au remboursement de la dette? Si la personne n'économise pas suffisamment pour rembourser la dette, les dettes vont s'accumuler, et même si elle essaie de rembourser, cela peut s'avérer difficile si les taux d'intérêt augmentent beaucoup plus rapidement que son revenu. Au Canada, pour le moment, ces deux aspects posent des difficultés plus particulièrement au consommateur.

Ce que l'on appelle le facteur de stabilité est le fait que les taux d'intérêt réels au Canada sont élevés comparativement à la hausse du revenu et ce, depuis déjà un certain temps. Le deuxième graphique montre que les taux d'intérêt réels au Canada se situent entre 6 p. 100 et 15 p. 100 pour les consommateurs depuis 1980—un monde bien différent de celui qui existait auparavant.

L'augmentation du revenu disponible par ménage pose également un problème. On voit au bas de la troisième page que la hausse des revenus au Canada depuis 1989 est négative. Les revenus ont accusé une baisse jusqu'à très récemment, comme on peut le constater dans le graphique sur le revenu disponible par ménage. Encore aujourd'hui, les niveaux de revenu sont nettement inférieurs à ce qu'ils étaient en 1989 et sont toujours inférieurs à ceux de 1981.

Nous avons donc à la fois une faible augmentation du revenu et des taux d'intérêt réels élevés ce qui conduit, bien entendu, à une hausse des ratios d'endettement. Vous pouvez le voir en haut de la page suivante. Nous avons résumé tout cela dans ce que l'on appelle le coefficient de stabilité d'endettement, qui montre encore une fois que nous avons connu une période d'instabilité pendant la plupart des années depuis 1980 et que cela est encore le cas aujourd'hui. Compte tenu des augmentations récentes des taux d'intérêt, y compris ceux de ce matin, le consommateur va avoir de plus en plus de difficultés.

Quel montant économisent-ils sur leur revenu? Nous estimons que les indications là encore ne sont pas très optimistes. Le taux d'épargne a été très élevé au début des années 80, mais il a diminué. Il était à près de zéro en 1999. Si vous regardez les différents éléments, cette épargne n'est pas entre les mains des consommateurs, mais prend la forme d'ententes d'épargne contractuelles, les pensions de retraite, les retraites enregistrées ou les cotisations aux REER étant en fait bloquées. Mais on constate là aussi une baisse récemment. Les taux d'épargne dits discrétionnaires sont négatifs, ce qui implique que les consommateurs s'endettent plus qu'ils n'accumulent d'actifs.

Il y a eu néanmoins une réévaluation des actifs et certaines améliorations pour le consommateur et la valeur nette réelle par ménage a augmenté lentement. Cette hausse est d'environ 2 p. 100 par an depuis les dernières années, comme on le voit à la page 7.

Il ne faut donc pas oublier le contexte général du bilan pour le consommateur, mais comme M. Glossop l'a fait remarquer, le bilan de l'ensemble des consommateurs n'est pas nécessairement celui de chacun. Certains consommateurs ont des actifs et d'autres des passifs, mais pour beaucoup l'équilibre est difficile entre les deux. En fait, étant donné que la plus forte concentration de la valeur nette se situe dans les 20 p. 100 supérieurs, il est bien évident que les 80 p. 100 inférieurs n'ont guère de valeur nette.

En ce qui concerne les passifs et leur hausse, on peut les ventiler en divers sous-éléments. Le passif par ménage est indiqué avec et sans prêt hypothécaire. Si l'on tient compte d'une des mesures les plus fréquentes de la dette à la consommation, c'est-à-dire la part du revenu disponible, y compris les hypothèques, vous constatez que le ratio est supérieur à 100 p. 100.

Si l'on ventile cela en ses composantes, vos voyez qu'environ 30 p. 100 de ce montant est une dette non hypothécaire, l'hypothèque représentant environ 70 p. 100. Et de cette dette non hypothécaire, vous voyez au bas de la page 10 qu'une partie correspond à des prêts autres que de cartes de crédit, ce qui comprendrait des prêts pour acheter des biens de consommation—prêt-automobile, etc. Cela représente maintenant environ 20 à 23 p. 100 et continue d'augmenter. Voilà un secteur où la dette augmente par rapport, dans ce cas, à un concept de revenu disponible.

• 1555

L'endettement sur carte de crédit attire souvent beaucoup l'attention, mais en fait, si vous regardez le graphique, elle représente environ 5 p. 100 du revenu disponible et a diminué ces dernières années par rapport au sommet de 1995-1996. Le solde non réglé par ménage augmente cependant, soit plus de 2 000$ actuellement.

L'utilisation des cartes de crédit pour obtenir des avances augmente, avec une moyenne d'avance de 900 $. Les défaillances—ceux qui n'ont pas payé ou qui sont en retard de 90 jours sur le paiement de leur carte de crédit—par rapport à ceux qui ont un solde quelconque est d'environt,8 p. 100. Ce chiffre est resté stable depuis cinq ou six ans, si l'on compare au sommet de 1990. En ce qui concerne les comptes de carte de crédit, nous parlons ici d'environ 150 000 cartes de crédit ayant des arriérés de plus de 90 jours.

La dette hypothécaire est toujours l'élément dominant et s'établit actuellement à environ 70 à 75 p. 100 du revenu disponible. La dette hypothécaire par ménage, parmi tous les ménages, y compris les locataires et les personnes sans hypothèque, est d'environ 33 000 ou 34 000 dollars.

Les arriérés sur les paiements hypothécaires restent également élevés depuis 1991, et je pense que la chose à retenir ici est que la situation des consommateurs n'a guère changé en ce qui concerne les arriérés sur les paiements hypothécaires. Environ 0,6 p. 100 des paiements hypothécaires sont toujours en retard sur l'ensemble du portefeuille, par rapport à 0,2 p. 100 dans la dernière moitié des années 80.

Y a-t-il un problème? Cela dépend de ce que l'on considère. Tant que les gens sont prêts à tolérer et à accepter des ratios d'endettement croissants, on peut dire qu'il n'y a pas de problème. Mais nous connaissons maintenant une situation de hausse rapide importante des taux d'intérêt, 50 points de plus ce matin, et cela n'est pas fini, à la suite d'une augmentation de 150 à 200 points au cours des six à sept derniers mois. Nous pensons que cela va conduire à un ralentissement de l'économie, à la fois directement et en raison des efforts de la Réserve fédérale américaine qui tente également de ralentir l'économie américaine.

Je pense qu'il y aura donc un problème. Je pense que l'équation de l'endettement va donner des résultats très négatifs: hausse des taux d'intérêt, ralentissement de la croissance et difficultés accrues des consommateurs à économiser sur des revenus qui ne vont pas augmenter aussi rapidement que nous l'espérions. Cela va créer un problème important.

Avant de dire qu'il ne s'agit que de consommateurs et qu'ils peuvent bien faire faillite individuellement, il faut savoir qu'il y a un autre côté à cette médaille. En effet, un problème d'endettement s'accompagne toujours d'un problème d'actif. Le problème d'actif est bien entendu celui du prêteur. En fait, ce sont eux qui ont un problème si les consommateurs sont trop nombreux à ne plus pouvoir rembourser leurs dettes. Nous avons déjà vu les marchés financiers avoir des difficultés lorsque les dettes ne sont pas payées.

Il est donc très opportun que ce groupe s'intéresse à cette question. Il sera intéressant de voir comment vous allez trouver des solutions.

Le président: Merci, monsieur McCracken.

Nous allons maintenant entendre le professeur Mario Seccareccia. Bienvenue.

M. Mario Seccareccia (professeur, Département d'économie, Université d'Ottawa): Merci.

Je suis très heureux de pouvoir faire suite à ce que Mike vient de dire, car j'ai des observations semblables à faire. Mais j'aimerais souligner également certaines différences.

• 1600

Avant de vous montrer certains des graphiques, j'aimerais commencer en disant que les États-Unis ont déjà connu ce problème du déclin des taux d'épargne et de la hausse de l'endettement des ménages. Nous ne faisons que suivre leurs pas, peut-être une décennie plus tard, mais c'est essentiellement le même phénomène. Il est donc important de souligner qu'aux États-Unis, le phénomène a été semblable et que nous devons également aborder la question.

Les États-Unis ont fait des recherches à ce sujet, et j'aimerais citer une étude en particulier qui porte sur la situation dans les années 80 aux États-Unis. C'est une étude du National Bureau of Economic Research effectuée par deux personnes du nom de Auerbach et Kotlikoff. Ils décrivent ce qui s'est produit à cette époque et en particulier le fait que même si le facteur démographique explique en grande partie l'épargne, il ne semble pas expliquer la chute du taux d'épargne aux États-Unis dans les années 80, par exemple. Cela reste encore essentiellement inexpliqué.

En fait, il est intéressant de voir qu'un grand nombre de travaux ont été réalisés sur le sujet, mais à l'exception de certains cercles, comme nous allons le voir—et j'en reparlerai dans une minute—la plupart se sont concentrés sur les facteurs démographiques et d'autres facteurs du même genre, qui, à mon avis, ne sont pas si importants dans le contexte.

Certains pourraient vouloir expliquer de la même façon la situation des taux d'épargne canadiens dans les années 90 et l'augmentation de l'endettement des ménages. Mais au Canada, je ne crois pas qu'il y ait un mystère. Cela doit en fait être expliqué. Dans ce bref document, que j'aimerais vous résumer, j'ai tenté de vous donner quelques indications sur les facteurs importants qui contribuent à cette chute dramatique du taux d'épargne et à la croissance concomitante de l'endettement des ménages.

Je devrais également dire qu'il s'agit d'un problème macroéconomique très important. Comme Mike l'a mentionné plus tôt, l'augmentation de l'endettement n'est pas en soi un problème. Le problème surgit lorsque les choses tournent mal. Si une légère récession se produit, les ménages tentent de régler le problème d'un fardeau de la dette de plus en plus lourd, ce qui réduit encore les dépenses dans l'économie et conduit donc à des problèmes de soutien de la demande de consommation à long terme.

Nous pourrions donc être confrontés à un problème très grave et c'est dans ce contexte que nous devons nous en préoccuper.

J'ai ici quelques graphiques qui soulignent les problèmes. Mike a déjà évoqués certains d'entre eux dans ses propres graphiques, mais je vais souligner ceux-ci.

J'ai examiné les lois des tendances ainsi que leurs variations. L'important est de regarder les lois des tendances. Il s'agit ici du Canada entre 1961 et 1999. J'ai examiné les taux d'épargne par rapport au revenu disponible. J'ai également examiné le crédit à la consommation en tant que part du PIB, qui est un indicateur utile. Vous voyez ici que dans la période où la croissance était assez bonne, appelons la—croissance soutenue, répartition du revenu assez stable et ainsi de suite—dans les années 60 et au début des années 70, le taux d'épargne et le ratio de crédit étaient à la hausse en tandem.

Comme on s'y attendrait, à mesure que le revenu réel des ménages augmente et à mesure que de plus en plus de ménages ont passent à un échelon de revenu supérieur, ils auront moins tendance à consommer. Par contre, ils vont acheter davantage avec leur revenu car ils s'attendent à ce que ce revenu continue à augmenter. C'est ce que j'appelle l'économie à somme positive, une période de croissance où tout va plutôt bien.

Mais dans les années 80, les choses ont commencé à changer et, dans les années 90, l'inversion de la tendance s'est intensifiée. Durant ces années en particulier, on constate un endettement croissant des ménages en même temps qu'une réduction considérable du taux d'épargne. On peut dire que cette économie n'est pas du tout de même nature. Nous avons un déclin ou ce que j'appelle une économie à somme zéro, où la croissance est faible, voire nulle, ou même en déclin, comme nous le verrons, selon la façon dont on regarde ces mesures.

• 1605

Mais ce qui est le plus important, compte tenu de la difficulté des ménages à maintenir un niveau normal de consommation, c'est la bifurcation de ces séries qui vont dans la direction opposée et qui mènent vers des écarts sans précédent entre le ratio de crédit et le taux d'épargne.

Comment expliquer ce phénomène? J'ai examiné certaines variables dont les économistes traditionnels de type keynésien ont parlé et j'aimerais souligner leur pertinence à ce débat.

Premièrement, j'aimerais souligner une de ces variables dont nous pouvons tous dire qu'elle est très importante pour expliquer le taux d'épargne, c'est-à-dire la croissance du revenu disponible réel par habitant. Mike en a déjà parlé. Je l'ai utilisé par habitant car c'est probablement encore plus dramatique.

Dans les années 60 et au début des années 70, on constate une croissance à long terme plutôt stable. Puis de nouveau dans les années 80, on constate une chute et, dans les années 90, une croissance négative pendant la plus grande partie de cette période.

Il va sans dire que la réduction du revenu réel va avoir un effet sur le comportement de l'épargne car à mesure que les ménages tentent de maintenir certaines normes de consommation, ils vont de plus en plus utiliser la partie de leur revenu disponible qu'ils économiseraient, ou même s'endetter, ce que nous voyons dans cette partie.

L'autre variable que je trouve utile de mentionner ici, car elle a fait l'objet de bien des débats également aux États-Unis, a trait aux gains boursiers. J'ai utilisé un simple indicateur, c'est-à-dire le taux de change—le taux d'appréciation si vous voulez—de l'indice de la bourse de Toronto et, comme vous allez le voir, j'ai fait quelques autres calculs statistiques. Je voulais savoir si cela pouvait expliquer sur un statistique le comportement des taux d'épargne.

Ce que l'on constate, c'est que les ménages, même si leurs gains en capital ne sont pas réalisés—c'est-à-dire à mesure qu'ils voient une appréciation de leurs actifs—continuent en fait de dépenser davantage quel que soit leur revenu, ce qui réduit encore leur taux d'épargne.

Dans les années 90 en particulier—et nous avons vu à l'époque une hausse particulièrement importante de cet indice pendant la plus grande partie de cette période—cela a expliqué largement le taux d'épargne, comme je le montrerai dans les statistiques.

L'autre variable importante que je voulais utiliser pour expliquer ce qui est arrivé au taux d'épargne est l'intérêt. Mike a parlé des taux d'intérêt réels, qui sont très importants, car ils mettent effectivement en lumière les seuils d'explosion ou d'inflation. Ceci est important, mais je ne m'y suis pas arrêté. J'ai examiné la part de l'intérêt par rapport au revenu national, car il y a là une variable de répartition du revenu.

Voici les statistiques: dans la partie supérieure, j'ai indiqué le taux d'épargne et en bas la part de l'intérêt par rapport au revenu national. On constate que lorsque les taux d'intérêt ont augmenté—et ils ont atteint leur taux le plus haut au début des années 80 puis une autre pointe locale en 1990 environ—la part du revenu d'intérêt a suivi plus ou moins les taux d'intérêt. Nous voyons évidemment qu'il s'agit des personnes, de façon générale, qui auraient davantage tendance à économiser une grande partie de leur revenu.

• 1610

Par conséquent, simplement en raison de cet effet de redistribution de l'intérêt par rapport au revenu non productif d'intérêt ou non rentier, comme je l'appelle dans ce document, vous voyez qu'il aurait un effet également sur le taux d'épargne. Et c'est effectivement ce qui s'est produit. Dans les années 90, la Banque du Canada a finalement décidé d'appliquer les freins pour ramener quelque peu à la baisse le taux d'intérêt, la crainte de l'inflation s'étant atténuée, ce qui a eu pour effet de réduire la part de l'intérêt par rapport au revenu national et également, dans une certaine mesure, de contribuer à la baisse du taux d'épargne.

J'aimerais finalement mentionner une dernière variable avant de conclure. Il s'agit de l'aspect budgétaire, c'est-à-dire les déficits ou les excédents des gouvernements. J'ai pris le ratio des déficits ou des excédents de tous les paliers de gouvernement au produit intérieur brut. J'ai également ici le graphique du taux d'épargne. Vous constaterez qu'il y a beaucoup d'activités, mais l'essentiel est que ces éléments ont tendance à s'éloigner les uns des autres. À mesure que le déficit augmente, comme ce fut le cas, par exemple, pendant les années 70 et 80, les transferts augmentent également, car les dépenses de programmes se poursuivent, relativement parlant et produisent donc des revenus pour les particuliers.

À la fin des années 80 et au cours des années 90, comme nous le voyons ici, on a atteint le fond, ici, avant d'amorcer une évolution dans la direction opposée, ce qui nous a mené aux excédents actuels. Cette situation—impôts plus élevés, réduction des dépenses de programmes encore une fois—fait en sorte que certains ménages ont de la difficulté à maintenir leur niveau de consommation, ce qui à son tour réduit le taux d'épargne.

Il me semble donc qu'il faut tenir compte d'un autre paramètre, ou variable, important, soit le comportement de la politique budgétaire, si vous voulez l'appeler ainsi. Même si la croisade contre le déficit a porté fruit pour ce qui est d'équilibrer le budget et même de produire des excédents, cela semble s'être fait en grande partie sur le dos des ménages. Dans une certaine mesure, ceci semble souligner cela.

J'ai fait également un simple exercice d'économétrie pour essayer de montrer le pouvoir d'explication de ces variables. J'ai constaté qu'en fait, elles jouent un rôle très important en termes de technique statistique de test. C'est ce que je résume dans mon document. Vous pourrez me poser des questions à ce sujet.

Tout peut être bien ou mal, selon la perspective. Par exemple, la réduction des taux d'intérêt a largement contribué à réduire le taux d'épargne. Ce n'est pas un mal en soi. Le fait qu'on se soit éloigné des revenus productifs d'intérêt pendant une partie des années 90 n'était peut-être pas une mauvaise chose pour la société. Si cela a contribué à la diminution du taux d'épargne, cela en soi n'est pas nécessairement un problème.

En revanche, si, comme nous l'avons vu ici, le revenu disponible réel par habitant a considérablement diminué, en particulier dans les années 90, les décideurs devraient s'en préoccuper sérieusement. De plus, si nous pensons que la façon dont nous avons équilibré les livres et produit des excédents a pour effet, concrètement, de reporter le fardeau sur les ménages en créant des déficits à ce bout, les décideurs devraient également s'en préoccuper.

• 1615

Voilà essentiellement ce que je voulais dire aujourd'hui. Je répondrai avec plaisir à vos questions. Merci.

Le président: Merci beaucoup, professeur Seccareccia.

Nous allons maintenant entendre les représentants de Statistique Canada: Stewart Wells et Patrick O'Hagan. Bienvenue.

M. Stewart Wells (statisticien en chef adjoint, Études analytiques et comptes nationaux, Statistique Canada): Merci de m'avoir demandé de comparaître. J'ai avec moi, comme vous l'avez dit, Patrick O'Hagan, qui connaît sans doute beaucoup mieux les données sur les bilans et les flux financiers dans ce pays que quiconque au Canada. Il serait présomptueux de ma part de parler à sa place pour commencer.

Je voulais simplement dire que nous avons avec nous l'ensemble des données budgétaires pour tous ceux qui souhaitent les consulter. Je ne sais pas vraiment où elles se trouvent, mais elles sont ici. Je dirais également—et Pat pourrait peut-être en parler également—que comme Bob Glossop l'a dit, nous n'avons pas encore beaucoup de données sur la répartition de la dette. Nous espérons que les enquêtes auxquelles participe Pat amélioreront les choses à l'avenir, mais pour le moment c'est une lacune.

Je vais maintenant passer la parole à Patrick.

M. Patrick O'Hagan (directeur adjoint, Division de la balance des paiements, Statistique Canada): Merci beaucoup.

Je vais d'abord parler un peu de la façon dont nous construisons les données, les sources de données et les éléments de la dette des ménages et passer également quelques instants à parler des tendances de l'évolution de cette dette.

Les estimations de la dette du secteur des particuliers, qui sont diffusées chaque année, remontent à 1961. Ces mesures font partie du système de comptabilité nationale du Canada, un sous-élément appelé comptes du bilan national, qui couvre tous les secteurs de l'économie.

Les données sur les actifs, les engagements et la valeur nette du secteur des particuliers et des entreprises non constituées en société, pour employer l'appellation officielle, englobent tous les ménages dans leur ensemble. Autrement dit, il s'agit de données macroéconomiques qui ne sont pas ventilées selon la province, la plage de revenu ou de richesse. De plus, comme son nom l'indique, le total des engagements englobe les dettes des entreprises non constituées en société (exploitations agricoles, consultants, avocats et petits détaillants). Cela dit, les particuliers se taillent la part du lion occupée par les engagements de ce secteur.

Les engagements du secteur des particuliers comprend cinq grands éléments:

Le premier est le crédit à la consommation, défini, selon les conventions des comptes nationaux, de façon à comprendre les emprunts à la seule fin d'acheter des biens de consommation et des services. Cela inclut tous les types de carte de crédit, les prêts à tempérament octroyés par des banques et d'autres institutions de crédit, comme les prêts automobiles et les marges de crédit.

Les prêts bancaires comprennent les prêts aux particuliers accordés par des banques à charte canadiennes aux fins de l'achat ou de la dépense de titres, y compris les prêts REER, prêts rénovation ainsi que les prêts aux entreprises non constituées en société et aux institutions sans but lucratif.

Les autres prêts sont très semblables aux prêts bancaires. Mais ils s'appliquent à d'autres types d'institutions financières, comme les caisses de crédit et les caisses populaires, les sociétés de fiducie et sociétés de prêts hypothécaires, ainsi que les sociétés de financement de vente à crédit et de prêt à la consommation. Dans les années 90, on a connu une importante évolution vers les contrats de location d'automobile. Les locations d'automobile sont traitées comme des passifs par le système canadien des comptes nationaux et sont incluses dans l'élément autres prêts.

Les prêts hypothécaires comprennent les hypothèques sur les immeubles résidentiels, ce qui comprend les biens immobiliers détenus à des fins d'investissement et qui peut englober également certains prêts hypothécaires sur des immeubles non résidentiels appartenant à des entreprises non constituées en société, par exemple les exploitations agricoles et d'autres biens immobiliers.

Les comptes fournisseurs, dont je ne parlerai pas beaucoup aujourd'hui, englobent les crédits commerciaux à court terme accordés à des entreprises non constituées en société.

Comment les estimations sont-elles construites? Elles sont produites à partir de données de contrepartie des institutions de crédit. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne réalisons pas d'enquêtes régulières sur les ménages permettant de collecter ces données. Mais nous demandons aux prêteurs, sur les formulaires de sondage envoyés par Statistique Canada, d'indiquer les prêts non hypothécaires par type, comme les prêts personnels par utilisation, et nous leur demandons de répartir les prêts hypothécaires selon qu'ils sont résidentiels ou non résidentiels. Donc, les engagements du secteur des particuliers, exception faite des comptes fournisseurs—sont considérés comme étant de bonne qualité.

• 1620

Nous avons vu que le total des engagements du secteur des particuliers est passé de 17 milliards de dollars en 1961 à 667,5 milliards de dollars à la fin de 1999. L'analyse ici portera surtout sur la croissance de l'endettement relatif, en particulier par rapport au revenu disponible des particuliers.

Si vous regardez le graphique 1, qui a été distribué avec le dossier, vous remarquerez que le total des engagements du secteur des particuliers, la ligne bleue, augmente de façon considérable entre 1961 et 1999. Il a un effet cyclique, en particulier au cours de la récession 1981-1982.

La dette des ménages, la ligne rouge sur ce même graphique, est passée de 14 milliards de dollars à 579 milliards pendant la même période. Par rapport au revenu disponible des particuliers, elle atteint un autre sommet historique à la fin de 1999. Sa croissance est attribuable à un certain nombre de facteurs, notamment les changements démographiques et sociaux, les modifications d'ordre réglementaire et institutionnel, les fluctuations du coût d'emprunt nominal et réel, l'impact des cycles économiques et, plus récemment, l'accumulation de richesses dans le secteur des particuliers.

J'ai choisi de dire quelques mots en faisant une ventilation en périodes précises. Je vais commencer par la période qui va de 1965 à 1979, une période qui a connu une forte croissance économique. On peut avancer que cette forte croissance a été attribuable à la première vague des baby-boomers. Bon nombre d'entre eux ont alors acheté leur première automobile, leur première résidence et leurs premiers meubles.

Pendant cette même période, les ménages ont manifestement accumulé davantage d'actifs non financiers, en particulier des habitations et des biens de consommation durables, que d'actifs financiers. Cela s'est traduit par une forte demande de crédit hypothécaire et de crédit à la consommation.

Comme je l'ai dit, les années 70 ont été caractérisées par un taux d'inflation élevé qui a eu pour effet d'accroître la valeur des actifs non financiers, mais aussi d'augmenter le montant des emprunts pour financer leur acquisition.

Il est intéressant de noter que pendant la majeure partie des années 70, les taux d'intérêt n'ont pas augmenté au même rythme que l'inflation, ce qui s'est traduit par un faible coût d'emprunt réel. D'un point de vue économique, il était donc logique d'emprunter à un taux relativement bas pour recueillir des actifs non financiers dont la valeur s'appréciait. Cela pourrait avoir accéléré la demande de crédit hypothécaire et de crédit à la consommation.

Cette poussée de la demande de 1965 à 1979 a été accueillie par un accroissement de l'offre de crédit. Les modifications législatives ont joué un rôle important à cet égard en particulier les modifications apportées à la Loi sur les banques. De nouveaux types d'instrument de crédit ont fait leur apparition pendant cette période. Chargex, le prédécesseur de Visa et Master Charge, maintenant connu sous le nom de MasterCard, sont apparus respectivement en 1968 et 1972.

Pendant toute cette période, la dette hypothécaire a augmenté plus rapidement que la dette à la consommation. Le ratio de la dette hypothécaire à la valeur des biens immobiliers résidentiels—autrement dit le titre que possèdent les traiteurs sur ces actifs—est passé de 25,9 p. 100 à 34,2 p. 100 de 1961 à 1979. La dette totale des ménages atteignait 76,4 p. 100 à la fin de 1979.

Cependant, le contexte économique était différent au début des années 80. Une grave récession a coïncidé avec les taux d'intérêt réels et nominaux élevés en 1981 et 1982. Dans cette conjoncture économique et financière, le taux d'épargne des particuliers a atteint un sommet en 1981. C'est ce que l'on voit sur le graphique 4.

Dans une large mesure, les variations du taux d'épargne pendant cette période se sont reflétées dans la diminution marquée du montant net des emprunts des ménages. Il n'est pas surprenant de voir sur le graphique 2 que la dette des ménages en pourcentage du revenu a affiché une forte baisse pendant cette période. Cependant, dans la foulée de la reprise économique et du recul des taux d'intérêt, la demande de crédit des ménages s'est accrue. De plus, la deuxième vague des baby-boomers a fait son entrée sur le marché de l'habitation et des biens durables. En 1988, le ratio de la dette au revenu des ménages égalait le sommet de 1979 et atteignait un nouveau prix l'année suivante.

• 1625

L'augmentation du nombre des ménages à deux revenus, une tendance amorcée dans les années 70 pourrait expliquer la nouvelle demande au cours de cette décennie. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi l'augmentation du chômage dans les années 80 ne semble pas avoir eu d'effet dissuasif sur les emprunts des ménages.

Pour ce qui est de l'offre de crédit, les prêteurs ont continué de répondre à la demande. Ils se sont montrés plus souples au chapitre de la durée des prêts hypothécaires et ont commencé à offrir des marges de crédit aux ménages. En outre, les conditions d'obtention des cartes de crédit ont été assouplies. Le pourcentage de la valeur des biens immobiliers résidentiels correspondant à la dette hypothécaire était également élevé pendant cette période.

Mais les années 90 ont débuté sous le signe de la récession. Cette décennie a été caractérisée par une croissance économique plus faible que lors des décennies précédentes, malgré la baisse des taux d'intérêt. Mais il est intéressant de souligner que le coût d'emprunt réel, le taux d'intérêt corrigé de l'inflation—sont demeurés assez élevés dans les années 90.

De plus, la tendance à la baisse du taux d'épargne des particuliers, dont on a déjà parlé, révèle que les dépenses de consommation étaient généralement supérieures au revenu des particuliers. Le ratio de la dette des ménages au revenu disponible des particuliers a donc atteint un nouveau sommet historique chaque année pour s'établir à 100 p. 100 à la fin de la décennie.

Mais dans une certaine mesure, l'accroissement du niveau d'endettement des ménages n'aurait pas forcément alourdi le fardeau de la dette totale, dans l'optique des instruments mensuels, du fait que les taux d'intérêt étaient plus bas dans les années 80. En outre, à partir du milieu des années 90, la baisse du taux de chômage, combinée à des pressions inflationnistes négligeables, pourrait avoir alimenté la confiance des consommateurs et par conséquent, cumulé la demande de biens de consommation et de crédit. L'augmentation des ménages monoparentaux a pu également accroître la nécessité de nouveaux crédits.

On s'est également intéressé à l'incidence de ce que l'on appelle l'effet de richesse. Dans les années 90, des investissements financiers importants, REER, fonds de placement et régimes de retraite d'employeurs, ont été effectués et la valeur des portefeuilles s'est accrue. Il se pourrait que se sentant plus fortunés, les ménages aient eu envie d'emprunter et de dépenser davantage.

La tendance à la création d'instruments de crédit plus facile à obtenir s'est maintenue pendant la décennie, et j'ajouterais l'essor marqué de la location d'automobiles du côté des particuliers. Cela a considérablement allégé le fardeau financier inhérent à l'acquisition d'une nouvelle voiture.

Pendant une bonne partie de la décennie, la dette à la consommation a progressé plus rapidement que la dette hypothécaire. Le marché de l'habitation a été plus lent à récupérer, en partie du fait que dans une large mesure, le cycle d'achat d'habitation des baby-boomers était à sa fin. En fait, le reste de la dette hypothécaire à la valeur des biens immobiliers résidentiels qui avait atteint 36,7 p. 100 à la fin de 1997, avait commencé à diminuer pour atteindre 36,5 p. 100 à la fin de la décennie.

Je ferais maintenant quelques observations sur les comparaisons internationales.

Les données américaines laissent entendre que les ménages en général ont été relativement moins endettés aux États-Unis qu'au Canada. La dette à la consommation et la dette hypothécaire, exprimées en pourcentage du revenu disponible des particuliers, ont connu une évolution similaire dans les deux pays, tout particulièrement depuis le milieu des années 70. Par contre, le ratio de la dette au revenu des ménages américains était plus bas que celui des Canadiens, sauf pendant quelques années.

Dans une perspective plus générale, comme on le voit sur le graphique 6, si l'on analyse le total des engagements du secteur des particuliers, on constate que d'après une étude de l'OCDE, les Canadiens semblent relativement plus endettés que les habitants des autres pays du G-7. Selon cette étude, le Canada a récemment, en 1996, surpassé le Royaume-Uni et le Japon au chapitre des engagements du secteur des particuliers, exprimé en pourcentage du PIB.

Pour résumer, quelle que soit la mesure employée, les Canadiens sont en termes absolus et relatifs plus endettés qu'ils ne l'étaient. Deux importantes questions se posent: premièrement, l'accroissement du fardeau de la dette est-il soutenable; et deuxièmement, comment cette dette est-elle répartie selon la classe de revenu et de richesse et selon la province?

Des éclaircissements seront apportés à cette dernière question, la question de la répartition, lorsque les résultats de l'enquête sur la sécurité financière—c'est-à-dire une enquête sur les actifs et la dette des ménages—seront publiés plus tard cette année. Cette enquête a été effectuée en mai et juin 1999 et portait sur un échantillon de 23 000 foyers, y compris un bon échantillon des revenus élevés. Le taux de réponse a été d'environ 75 p. 100. Ces données devraient être publiées à l'automne 2000. Mais cela se fera en plusieurs étapes: les données d'ensemble seront publiées à l'automne 2000 et d'autres données seront publiées jusqu'au printemps 2001.

• 1630

J'aimerais également signaler qu'un document qui rapproche les mesures globales d'endettement avec les mesures micro des données sera également produit en même temps.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur O'Hagan et monsieur Wells.

Nous allons passer maintenant à M. Mosler. Bienvenue au comité et bienvenue au Canada.

M. Warren Mosler (témoignage à titre personnel): Merci.

Il s'agit d'une publication de l'Université du Missouri, de Kansas City, qui correspond à la situation américaine. Chacun peut la consulter et je vais essayer de l'adapter à la situation canadienne.

Ce que j'aimerais souligner dans ce que viens de dire Mario, c'est qu'il existe une différence entre le problème micro et macro. Je vais vous donner quelques exemples.

Si vous envoyez une centaine de chiens après 95 os, cinq de ces chiens reviendront sans os. Vous avez là un problème macro. On pourrait avancer qu'avec plus d'entraînement et plus de travail, on pourrait aider ces cinq chiens, mais vous savez très bien qu'il manquera toujours cinq os. Nous avons ici le même problème. C'est un problème macro. Mario y a fait allusion.

L'autre exemple est un peu plus technique. Au milieu des années 70, je travaillais au rachat de Bell Federal, qui avait à peu près 3 milliards de dollars d'emprunts et 4 milliards de dollars de dépôt. La banque était passablement sans dessus-dessous. En l'évaluant, il m'est venu à l'idée que le gouvernement devrait nous payer 500 millions de dollars. J'ai constaté les mouvements de trésorerie, examiné l'aspect macro et estimé que cette banque allait perdre 50 millions de dollars par an pendant dix ans—c'est la durée que j'ai estimée—et que nous devrions obtenir cette somme tout de suite.

La First National Bank de Chicago s'est présentée. Deux personnes sont venues avec des boîtes de document. Ils avaient analysé chaque actif de la banque. Cela leur avait pris des semaines et ils sont arrivés avec 490 millions de dollars.

Des voix: Oh, oh!

M. Warren Mosler: C'est effectivement l'idée. Si vous avez la perspective macro, pour l'aspect micro, cela vous permet de voir si vous êtes dans la bonne direction.

Le taux d'épargne est une question de chiffres comptables. Lorsque le taux est publié, on a un chiffre comptable. Il faut savoir quelle en est l'origine. C'est ce qu'on appelle une identité comptable, c'est-à-dire que vous avez un chiffre à gauche et sa justification à droite et c'est ce que l'on appelle l'identité comptable. Mais c'est en fait le même chiffre, celui de droite est l'explication de celui de gauche.

À gauche, on a quelque chose qui s'appelle un déficit ou un excédent du secteur public. Comment le comptabiliser? Qu'est-ce que cela signifie sur ce côté-ci de l'équation? Cela veut dire que l'ensemble du secteur non gouvernemental va aller dans l'autre sens et que le chiffre doit être zéro. Autrement dit, avec un excédent du secteur public de 10 milliards de dollars canadiens, et si ce chiffre est exact—il faut inclure les dépenses de la banque centrale, même si c'est plus ou moins la situation—vous savez que le déficit non gouvernemental va s'élever à 10 milliards de dollars, point final. C'est la façon de le comptabiliser.

On peut maintenant diviser ce secteur non gouvernemental en ménages, entreprises, entreprise étrangères et autres, mais vous savez que le total sera de 10 milliards de dollars. Vous savez que le compte courant est plus ou moins équilibré ou peut-être quelque peu déficitaire, ce qui règle le problème. Et vous savez que les entreprises doivent être équilibrées, sinon elles doivent fermer et obtenir du capital. Il reste donc le secteur des ménages pour absorber la différence. C'est ce que montrait le graphique de Mario.

Voici une citation intéressante. Le professeur Randy Wray a écrit ceci:

    Il est particulièrement ironique de constater que même si de nombreux économistes prétendent que les déficits du gouvernement ne peuvent pas augmenter indéfiniment,

...il s'agit d'un gouvernement qui émet une devise; nous avons tous des taux de change flottants actuellement...

    ils ne reconnaissent pas le danger que représente une augmentation croissante des déficits du secteur privé.

C'est ironique.

Est-ce durable? Certainement pas. Nous estimons que les déficits du secteur privé ne peuvent pas indéfiniment augmenter au-delà du revenu disponible. On arrive au bout des disponibilités à un moment où à un autre, cette année, l'an prochain ou plus tard.

L'identité comptable veut simplement dire que l'excédent du secteur public ne peut pas durer. En fait il n'est pas très logique. Lorsque l'on est dans cette situation, il faut être très habile. Cela peut convenir pour le moment, mais il faut se rendre compte que la situation peut changer très rapidement.

• 1635

Que nous apprend l'histoire sur les excédents du secteur public. Le dernier grand pays qui a laissé son budget devenir excédentaire est le Japon, en 1988 et 1989. Et je dis «laissons-le devenir excédentaire» car à mesure que les économies modernes croissent, compte tenu de la structure de l'impôt sur le revenu, le passif fiscal augmente plus rapidement que le revenu. Il n'y a pas de débat au Parlement. Cela se produit simplement.

Lorsqu'on laisse cette situation se développer, comme ce fut le cas au Japon à la fin des années 80... Le pays a alors connu un boom boursier. Rappelez-vous à la fin des années 80, les banques japonaises étaient les plus fortes du monde. Le ratio du capital était de 12 p. 100, un chiffre sans précédent. Mais très peu de temps après, elles se sont complètement effondrées. L'excédent du secteur public ne pouvait pas durer.

Les États-Unis rachètent maintenant des valeurs car ils ne peuvent pas rembourser la dette suffisamment rapidement. La maturation n'est pas assez rapide pour rembourser. Quand cela s'est-il produit pour la dernière fois? Eh bien, les deux dernières fois étaient en 1928 et en 1930. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'en dire plus.

On peut rapprocher les excédents budgétaires des dépressions aux États-Unis. C'est une corrélation facile à faire. Cela ne prouve pas la cause. Ce n'est pas ce que j'essaie de dire. Mais si l'on y regarde de plus près, c'est ce qui se produit.

Il existe actuellement énormément de techniques financières. Lorsqu'on achète une maison ou une voiture, on parle à un ordinateur très puissant dans des banques internationales qui décident de ce que l'on peut se permettre. On a trouvé de nouveaux moyens de donner aux consommateurs une plus grande marge de manoeuvre. L'an dernier, le Wall Street Journal avait publié un article sur l'émission de cartes de crédit à des retardés mentaux, une source de revenu qui n'avait pas encore été exploitée.

Ces spécialistes financiers de la Citibank et Chase sont très très brillants. Ils sont l'élite de ce pays. Mais plutôt que de trouver un traitement pour le cancer, on cherche à trouver des moyens d'aggraver l'endettement des gens, mais c'est un autre problème.

Des voix: Oh, oh!

M. Warren Mosler: Ce n'est pas nécessairement une bonne utilisation des ressources, mais le marché canalise les ressources dans cette direction.

Les défaillances n'augmenteront pas tant qu'il n'y aura pas un problème. La seule raison pour laquelle les défaillances restent à 0,6 p. 100 sur les prêts hypothécaires plutôt qu'a 0,2 p. 100, c'est tout simplement pour une question de rentabilité. Si les défaillances ne sont pas assez nombreuses, vous abandonnez trop de prêts rentables. Ce chiffre est évalué à 0,001 p. 100. Ils savent exactement ce qu'ils font. Ce n'est donc pas là que se trouve l'explication.

Les techniques financières permettent au consommateur de s'endetter davantage. Pour le moment, s'il n'y avait pas d'excédent du secteur public et que l'on donnait plus d'argent au consommateur en diminuant les impôts ou autres, on pourrait avoir un problème d'inflation. Je ne dis pas que vous ne le faites pas. En ce moment, il y a un équilibre.

Oh, dois-je m'arrêter?

Le président: Non, non, non. C'est la sonnerie d'appel pour le vote.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Avez-vous remarqué que les autres n'ont pas eu la sonnerie? Vous êtes le seul.

Des voix: Oh, oh!

M. Warren Mosler: Je suis un invité ici.

Des voix: Oh, oh!

M. Warren Mosler: Nous avons donc une situation qui ne peut pas durer. La dette ne peut pas augmenter au-delà du revenu. Si vous devez 100 000 dollars sur une maison de 200 000 dollars mais que vous ne donnez que 20 000 dollars par an, vous ne pouvez pas la refinancer. Un moment donné, l'actif doit être vendu.

On utilisait autrefois l'expression «freinage fiscal». Lorsque la hausse de l'impôt sur le revenu est plus élevée que la hausse des revenus, on crée ce que l'on appelle le freinage fiscal. N'oubliez pas que l'impôt élimine l'argent, la richesse nominale nette sous une forme ou une autre, et que les dépenses ajoutent au problème. Il faut envisager ces deux aspects pour savoir quel est leur influence sur le secteur non gouvernemental.

Nous savons que la perception des impôts n'augmente pas la richesse du gouvernement. Si vous payez des billets de 100 dollars au gouvernement, à la banque centrale, vous savez ce qu'il fait avec? Il les brûlent. S'il en avait vraiment besoin... Cela n'ajoute rien à la richesse. Cela ne fait que réduire la richesse du secteur privé, ce qui est en fait le but recherché.

Tout ceci a été expliqué dans ce que l'on a appelé les finances fonctionnelles dans les années 40.

Une voix: C'était en 1940.

M. Warren Mosler: Oui. Ce n'est pas très nouveau. On peut remonter à 1913, date à laquelle un certain Innis a expliqué tout cela. On peut remonter au Moyen âge. Ce n'est pas nouveau.

• 1640

C'est très perturbant, n'est-ce pas cette sonnerie.

Le président: Elle va s'arrêter très bientôt, dès qu'il y aura quorum à la Chambre.

M. Warren Mosler: D'accord.

J'aimerais ajouter une chose. Ce qui maintient les États-Unis à flot, c'est le fait que le reste du monde manque de dollars. Ce que je veux dire par là, c'est que le monde est endetté. La seule façon d'amortir la dette totale est de vendre des choses aux États-Unis et d'envoyer des dollars aux États-Unis. Cela crée une importante perte de ressources dans le reste du monde, puisque tous les biens et les services réels sont dirigés vers les États-Unis à un taux qui est probablement proche de 3 p. 100 de notre PIB, soit 225 milliards ou 230 milliards de dollars par an, ce qui permet d'augmenter le niveau de vie aux États-Unis.

Selon les chiffres—et je ne peux pas les examiner suffisamment en détail pour en voir toutes les implications—il semble qu'environ 20 p. 100 de la dette publique canadienne en dollars américains pourrait signifier une baisse importante du niveau de vie pour le Canadien moyen. Je répète que je n'ai pas examiné en détail toutes ces données, mais c'est un domaine qui mériterait d'être étudié attentivement. Une dette en devise étrangère est très différente sur le plan qualitatif d'une dette en devise locale.

En ce qui concerne l'endettement des ménages, pour revenir au sujet, je veux simplement dire qu'il s'agit d'un problème macroéconomique. La raison d'être d'un excédent du secteur public est de soustraire une richesse nominale nette au secteur privé, au secteur non gouvernemental et donc de réduire l'épargne. C'est ce qui se produit. Le reste se réglera tout seul. Avec ce genre de statistiques, vous pouvez voir les ventilations, mais vous savez très bien quel sera le total simplement en regardant l'excédent budgétaire.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Yalnizyan, allez-y.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): C'était l'aspirateur géant dont Ross Perot parlait, le gouvernement qui aspire...?

M. Warren Mosler: Ce serait l'inverse.

Mme Karen Redman: Oh, ce n'était pas...?

M. Warren Mosler: [Note de la rédaction: Inaudible]... sont à Boston.

Mme Armine Yalnizyan (témoignage à titre personnel): Nous allons passer à quelque chose de très différent.

Je vous ai remis des exemplaires de mon mémoire intitulé «Household Debt—What's Government Got to Do with It?» (Endettement des ménages—en quoi cela regarde-t-il le gouvernement?). J'espère que vous en avez un exemplaire.

J'ai aussi des exemplaires du document pour lesquels j'ai sans doute été invitée à parler devant ce comité illustre—The Growing Gap, que j'ai publié il y a environ un an, et Canada's Great Divide, qui porte sur la répartition des revenus au Canada et dans les provinces dans les années 90. Je suis très très heureuse de pouvoir m'adresser aux membres du Comité des finances qui restent à cette séance aujourd'hui.

Les responsables des finances, tant au niveau politique que bureaucratique, tiennent les rennes de la politique économique et sociale dans ce pays depuis dix ans. Vous appliquez les bons principes économiques, comme on nous le répète sans arrêt. Nous avons des taux d'intérêt et d'inflation faibles, une croissance du PIB et des taux de chômage peu élevés.

Ce que j'aimerais dire au sujet de l'endettement des ménages, c'est que les éléments économiques fondamentaux dans l'immédiat, en ce qui concerne l'alimentation et de logement et en ce qui concerne l'investissement, sous la forme de l'éducation, sont loin d'être présents. Cela rejoint peut-être ce dont a parlé le dernier intervenant sur le déficit de base. Bien entendu, la richesse est ici le principe fondamental. En ce qui concerne la vie quotidienne cependant, l'alimentation et de logement sont les éléments économiques fondamentaux des ménages canadiens et, au-delà de la simple survie, l'éducation.

De nombreux intervenants nous ont dit que, quelle que soit la mesure utilisée, l'endettement national des ménages a connu des nouveaux sommets à la fin des années 90. Bien entendu, un des aspects les plus troublants de cette situation est que la richesse nationale et la valeur nette des ménages augmentent également. Les autres intervenants n'ont pas encore parlé de cette dimension, à savoir que l'augmentation de la dette des ménages et de la richesse nette nationale au niveau des ménages se situe dans un contexte de croissance. Nous ne parlons pas d'endettement croissant des ménages dans un contexte de récession.

La première chose que je voulais souligner, et dont deux ou trois autres intervenants ont parlé, c'est que nous savons très peu de choses sur la pertinence de la répartition des actifs et de l'endettement dans ce pays. Les données les plus récentes dont nous disposons sur la répartition—et le mot répartition est essentiel—est la dernière enquête sur la richesse nette de Statistique Canada, effectuée en 1984. En 1987, a paru un document hors-série sur la répartition de la richesse nette.

• 1645

En 1984, les 10 p. 100 les plus pauvres de la population étaient des débiteurs nets. La moitié la plus pauvre de la population détenait moins de 6 p. 100 de la richesse du pays, et les 10 p. 100 les plus riches détenaient 50 p. 100 de cette richesse. Seulement 13 p. 100 des Canadiens détenaient des actions. Moins d'un tiers d'entre eux cotisaient à un régime d'épargne-retraite.

En 1996, seulement 37 p. 100 des Canadiens possédaient des actions, directement ou indirectement, par le biais de fonds mutuels ou de plans d'épargne-retraite privés. Cela veut dire que presque les deux tiers des Canadiens n'ont pas participé au boom du marché des années 90, même de façon indirecte. L'importance du revenu reste donc l'élément de base qui explique pourquoi les ménages sont dans cette situation actuellement.

Comme il a déjà été dit, les résultats de l'enquête de 1999 sur la sécurité financière, c'est-à-dire un sondage sur la richesse nette, devraient paraître cet automne. J'aimerais simplement mentionner qu'aux États-Unis, l'enquête sur la richesse nette est réalisée tous les trois ans. Jusqu'en 1984, le Canada effectuait très régulièrement sa propre enquête sur la richesse. Il est tout à fait inadmissible que l'on n'ait pas continué de le faire.

Le troisième point que j'aimerais aborder est que les revenus moyens, comme il a déjà été dit, ont diminué non seulement en moyenne pour les Canadiens, mais dans chaque catégorie de revenu, lorsqu'on les ventile par décile de revenu au cours des années 90, tout au moins jusqu'en 1997, la dernière date disponible.

Ce qui est encore plus choquant que la chute des revenus moyens dans chaque catégorie de revenu est que toute la répartition du revenu glisse vers le bas. Trente pour cent des familles qui avaient des enfants en 1989 avaient un revenu après impôt inférieur à 35 000$. En 1997, 37 p. 100 de toutes les familles canadiennes élevant des enfants étaient passées en dessous de ce seuil. C'est un déclin très rapide.

Les 10 p. 100 les plus pauvres des familles ont été les plus touchées. Entre 1989 et 1997, ce groupe a perdu 2 000$ de son revenu après impôt. Il s'agit-là de familles qui élèvent des enfants et non d'individus. Nous parlons d'une perte de revenu de 15 500 $ par an environ à 13 500 $ par an après impôt. Pensez à la façon dont vous dépenseriez 13 500 $ par an pour élever un enfant.

La proportion des familles dans les catégories moyenne et supérieure a en fait diminué pendant cette période. Nous ne parlons donc même pas d'un écart croissant entre les riches et les pauvres et d'enrichissement. Il y a moins de gens dans la catégorie moyenne. Il y a moins de gens dans la catégorie supérieure, pour l'ensemble de la décennie.

Jusqu'en 1997 au moins, la dernière année des données disponibles, on constate un glissement vers le bas, moins de possibilités de se hisser dans la catégorie moyenne, encore moins dans la catégorie supérieure. Voilà une très bonne indication de l'endettement net.

Mais passons au-delà de 1997 et parlons de création d'emplois. Entre 1997 et 1999, on nous a répété que nous avions atteint la terre promise. On avait créé davantage d'emplois que pour la génération précédente. Mais j'aimerais rappeler que nous n'avons toujours pas rejoint les taux d'emploi de 1980. Malgré les nouveaux emplois créés, nous n'avons toujours pas rejoint les taux des années 80.

Demain matin, on va venir vous parler de la nouvelle économie. Parlons-en. Cette nouvelle économie crée des nombres record d'emplois instables. La tendance dominante du marché du travail des années 80 a été le remplacement d'emplois à temps plein par des emplois à temps partiel. La tendance dominante du marché du travail des années 90, tout au moins jusqu'en 1998, a été le remplacement de l'emploi par l'emploi indépendant.

La nouvelle économie s'est caractérisée par une réduction des effectifs, que ce soit dans le secteur public ou le secteur privé. Les gens sont les sous-produits de la réduction des effectifs. Ces gens ont trouvé un emploi dans le travail indépendant. Nous savons que le revenu du travail indépendant se trouve dans la partie inférieure du spectre des revenus.

L'aspect le plus troublant de la situation est que les formes non permanentes de travail deviennent la norme pour la jeune génération de travailleurs, pour tous ceux qui ont moins de 35 ans et qui sont la clef de voûte de notre prochaine génération d'électeurs et de citoyens. Ce sont les dirigeants et les suiveurs de demain. Or, nous créons pour le marché du travail une norme d'emplois non permanents, occasionnels, sans avantages sociaux, sans soutien, sans contrat social.

Les revenus disponibles ou après impôt étaient mieux répartis pendant la période de récession que pendant la période de déclin économique des années 90. Comment cela s'explique-t-il? Eh bien, c'est la faute du gouvernement.

Entre 1989 et 1994, la répartition des revenus s'est élargie en raison de la récession. Ceux qui appartenaient à la catégorie inférieure ont perdu leur emploi. Ils ont perdu des heures de travail. Ceux qui appartenaient à la catégorie supérieure ont perdu quelques heures de travail, un peu de leur revenu, mais l'écart entre les riches et les pauvres s'est élargi—sauf que le gouvernement est intervenu. En 1989, en 1990 et en 1991, trois provinces ont innové. Elles ont augmenté le salaire minimum, elles ont augmenté les taux d'aide sociale et elles ont allégé les conditions d'admissibilité. C'est ainsi que la moyenne du Canada a basculé car pendant ce temps, au palier fédéral, nous éliminions l'assurance-chômage. Nous n'ajoutions rien au soutien du revenu.

• 1650

Grâce à l'augmentation du salaire minimum dans ces trois provinces, on a modifié la répartition des revenus pendant une période de récession. Cela nous a placé dans une position particulière au niveau international.

Alors que d'autres pays prenaient note du phénomène de la mondialisation et de l'inévitabilité de l'écart croissant entre les riches et les pauvres, le Canada réduisait en fait cet écart pendant la récession.

On pourrait donc penser qu'en période de reprise, entre 1994 et 1997, au moment où l'on crée des emplois, il serait possible de réduire encore cet écart? Eh bien, le marché l'a effectivement fermé. Davantage de gens ont obtenu un emploi. Les gens sont entrés sur le marché du travail, au bas de l'échelle, et l'écart entre les riches et les pauvres s'est amenuisé, en termes du marché.

Et qu'a fait le gouvernement? Il a continué à réduire le salaire social, le salaire minimum. Ce faisant, l'écart entre les riches et les pauvres, en termes de revenu après impôt, s'est élargi plus rapidement entre 1994 et 1997 qu'il ne l'avait pas pendant toutes les années où nous avons des données sur la répartition du revenu dans ce pays. Nous surestimons constamment le rôle du marché et sous-estimons le rôle des gouvernements et ce que nous pouvons faire pour créer une société cohésive.

Je vais parler d'un sujet qui n'a pas encore été abordé, car je tiens à me concentrer sur les éléments économiques réels des ménages. L'élément de consommation le plus important dans le budget des ménages est le logement. Les coûts de logement ont augmenté par rapport au revenu.

En 1996, les résultats du recensement nous ont indiqué qu'environ six ménages sur dix possédaient leur propre résidence, c'est-à-dire que quatre ménages sur dix louaient leur résidence. Ce ratio est inversé dans les centres urbains où l'on a une combinaison plus proche de 50-50. Au Québec, la proportion des locataires est plus élevée dans les centres urbains que celle des propriétaires. À Regina et à Edmonton et dans les provinces maritimes, la proportion des propriétaires est plus élevée. Mais entre 1991 et 1996, le montant moyen du revenu consacré au loyer a augmenté alors que le montant moyen consacré aux paiements hypothécaires est resté stable. L'ensemble des loyers a diminué en 1996, mais les revenus des locataires également. Les loyers ont diminué de 2,5 p. 100 alors que les revenus des locataires ont affiché une baisse de 12,5 p. 100—jeu de coincement immédiat.

Je vous recommande fortement de consulter ce document de la Fédération canadienne des municipalités, si vous ne l'avez pas déjà fait. Il est intitulé Vers une stratégie nationale du logement et a été publié le 26 avril 2000. Je suis sûr que vous avez déjà entendu parler de la Fédération canadienne des municipalités.

Elle rapporte que dans les grandes villes de notre pays, le loyer moyen d'un appartement de deux chambres à coucher a augmenté, entre 1997 et 1999, de 11 p. 100 à Toronto, 8 p. 100 à Ottawa, 16 p. 100 à Calgary, 7 p. 100 à Regina, 10 p. 100 à Edmonton et 10 p. 100 à Vancouver. Alors que le revenu des ménages qui sont en logement locatif a continué à baisser au cours de cette même période.

En 1996, environ un ménage sur quatre avait des problèmes d'abordabilité dans le domaine du logement. Qu'est-ce que j'entends par «problème d'abordabilité»? Selon la définition de Statistique Canada, ce problème se pose lorsque le coût du logement dépasse 30 p. 100 du revenu disponible. Je sais que ce serait un problème pour moi, mais je pense que vous reconnaîtrez que ce serait également un problème pour vous. Lorsqu'on dépense plus de 30 p. 100 de son revenu disponible pour se loger, on sait que l'on se trouvera dans une situation très vulnérable si le coût du loyer continue à grimper. Plus de 43 p. 100 des ménages en logement locatif faisaient face à des problèmes d'abordabilité en 1996, avant même les augmentations de loyer dont je parlais.

Je vois que le secrétaire parlementaire du ministre des Finances est présent.

Monsieur Cullen, vous serez peut-être intéressé d'apprendre que nous célébrons aujourd'hui, pratiquement jour pour jour, le dixième anniversaire de la création du groupe de travail de Paul Martin sur les sans-abri. Le 14 mai 1990, Paul Martin disait ceci:

    Le nombre croissant de sans-abri au Canada est la preuve la plus criante de l'échec de la politique du logement des conservateurs. Et, cruel paradoxe, on dit que les sans-abri sont «le produit de la prospérité».

On connaît l'histoire. Or nous refaisons exactement la même chose dix ans plus tard.

Lorsqu'on parle de besoins économiques fondamentaux, je crois qu'il vaut la peine de se rappeler que 22 personnes sont mortes à Toronto cet hiver. Il n'y a pas plus fondamental que cela. Ces gens n'avaient pas de logement.

Je crois que l'une des choses que vous pourriez examiner, c'est la question du logement, ce que les gouvernements peuvent faire concernant la dette des ménages. L'écart de revenu entre les ménages locataires et celui des ménages qui sont propriétaires de leur logement est de presque 100 p. 100. Les ménages locataires ont un revenu moyen de 30 000 $, et les ménages propriétaires un revenu moyen de 59 000 $. Il y a une génération, cet écart était de 20 p. 100. Le marché de l'habitation était donc beaucoup plus homogène.

Les politiques du gouvernement supposent à tort qu'il y a un seul marché de l'habitation. Il n'y a pas qu'un marché de l'habitation. Le marché de l'habitation n'obéit pas aux lois de l'offre et de la demande dans notre pays. Il y a deux marchés de l'habitation—il y a celui du logement locatif et celui du logement de propriétaires-occcupants—mais il y a un seul parc immobilier dans notre pays. Avec un écart de revenu de 100 p. 100, les promoteurs et acheteurs du marché des logements de propriétaires- occupants l'emportent toujours sur les constructeurs et acheteurs de logements locatifs. Je vous recommande instamment de vous pencher sur le rôle que notre gouvernement devrait jouer en agissant sur l'un des aspects les plus urgents de la dette des ménages.

• 1655

Ce resserrement, dans le bas de l'échelle des revenus, entre les revenus qui diminuent et les coûts des besoins de base comme le logement qui augmentent, fait en sorte que la vie quotidienne d'un nombre croissant de ménages est de plus en plus précaire. Beaucoup de jeunes familles ont de moins en moins les moyens d'investir dans leur avenir, et leur plus gros investissement dans leur propre capital humain concerne généralement l'éducation.

Mais voilà une autre situation désastreuse sur laquelle le gouvernement pourrait agir pour résoudre les problèmes d'endettement des ménages. Les changements intervenus récemment dans le secteur de l'enseignement supérieur risquent de mettre cette option hors de portée de ceux qui ont un faible revenu disponible. Depuis 1990, les frais de scolarité moyens des étudiants de premier cycle ont augmenté de 126 p. 100, et ce bien que les frais de scolarité aient été bloqués dans trois provinces.

En Alberta, les frais de scolarité ont presque triplé. En Ontario, pour ceux qui veulent faire des études de médecine, les frais de première année sont passés, en l'espace de deux ans, de 4 800 $ à 11 000 $. Le niveau moyen d'endettement des jeunes diplômés, après quatre années d'études, a triplé depuis 1990, de 8 000 $ à 25 000 $.

Vous voulez parler de la dette des ménages?

En 1996, les frais de scolarité d'un étudiant en arts à temps plein représentaient 5 p. 100 du revenu total moyen—je dis bien revenu total moyen. À votre avis, combien de gens, au bas de l'échelle, envoient leurs enfants à l'université aujourd'hui?

Environ 750 000 étudiants du système universitaire de notre pays ont besoin d'une aide financière chaque année. Moins de 8 p. 100 de ces étudiants seront admissibles au Fonds de dotation des bourses d'étude du millénaire du Canada annoncé en 1998. Pas un seul étudiant de première année n'y sera admissible. Cela veut dire que bien des gens qui auraient pu faire des études universitaires n'en auront pas la possibilité.

En 1998, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement de 250 millions de dollars par an, sur une période de dix ans, pour établir le fonds des bourses du millénaire, mais il faut savoir qu'entre 1994 et aujourd'hui, environ 7 milliards de dollars ont été enlevés, d'abord par le biais du FPE, le financement des programmes établis, et ensuite par le TCSPS pour les études universitaires.

À quoi est attribuable la dette des ménages? Au fait que les gens sont obligés de dépenser de plus en plus pour leurs besoins de base alors que leur revenu diminue.

Votre comité était très éloquent lorsqu'il a recommandé des allégements fiscaux, un relèvement du plafond de cotisation aux REER et une augmentation du contenu étranger des REER. Les réductions d'impôts ont surtout été proposées dans le cadre de mesures d'amélioration de la productivité que vous avez proposées au public canadien. J'aimerais simplement vous rappeler que lorsque vous avez fait ces recommandations il y a deux ans, en 1996, 32 p. 100 des Canadiens qui ont fait des déclarations d'impôt n'avaient pas de revenu imposable. Les réductions d'impôts ne veulent rien dire pour eux. En 1996, 23 p. 100 des Canadiens qui ont fait des déclarations d'impôt ont déclaré un revenu de moins de 10 000 $. Les réductions d'impôt proposées n'ont aucun intérêt pour ces gens-là.

Le problème de la dette est avant tout un problème de répartition de la dette. Ce qui importe, c'est que la nouvelle génération supporte une dette de plus en plus lourde pour assurer ses besoins de base, à une période où sa capacité de gagner sa vie soit stagne, soit décline. Ce qui importe c'est que les ménages sont en train de se dépouiller de leurs actifs simplement pour assurer leurs besoins de base comme le logement et la nourriture.

Les paliers supérieurs du gouvernement se targuent d'avoir repris le contrôle des finances publiques et éliminé les déficits budgétaires. Je prétends que les mécanismes mis en place pour réaliser ces objectifs ont transmis le déficit et la dette à d'autres paliers du gouvernement, aux institutions publiques, et aux ménages eux-mêmes. Rien ne peut remplacer le leadership politique et le bon gouvernement.

Les programmes de dépense du gouvernement d'aujourd'hui sont retombés au niveau des années 50. C'était l'objectif de votre budget de 1995. En fait, la dernière fois que je me suis adressée au Comité des finances, c'était au lendemain du budget de 1995.

Vous en êtes là. Vous en êtes au même niveau que dans les années 50, sauf que dans les années 50, le gouvernement fédéral investissait lourdement à la fois dans le secteur du logement et dans l'éducation et la formation de notre pays. En fait, la dernière fois que nos facteurs économiques fondamentaux étaient justes, nous investissions dans les biens publics; nous créions l'assurance-maladie; nous construisions des hôpitaux, des universités et des centres communautaires; nous ouvrions des patinoires et des piscines. La prospérité d'aujourd'hui a créé davantage de richesse nette pour certaines personnes, mais elle nous a également dépouillés de nos biens publics.

• 1700

Je vais vous faire deux recommandations qui n'ont pas grand chose à voir avec la discussion sur la dette des ménages, mais qui à mon avis constituent une solution pragmatique à ce problème.

Je recommande premièrement un réinvestissement fondamental dans la politique nationale de l'habitation qui, en soi, serait ce que le gouvernement fédéral pourrait faire de plus significatif aujourd'hui pour régler les problèmes de la dette des ménages pour un nombre croissant de jeunes familles et d'individus dont les perspectives économiques sont en train de décliner.

Deuxièmement, je recommande une transformation importante de la politique fédérale en matière d'enseignement supérieur, car cela s'impose si notre population veut continuer à faire partie des gens les mieux et les plus largement instruits dans le monde. C'est l'un des paramètres qui fait que le Canada se maintient constamment dans le haut de l'Indice de développement humain des Nations Unies et c'est ce qui attire les affaires au Canada.

Je termine là-dessus, et j'espère que nous pourrons discuter de ce que nous pourrions faire.

Le président: Merci.

Nous allons passer aux questions et réponses, en commençant par M. Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Nous avons beaucoup parlé aujourd'hui de définition du problème, de revenu en régression, de taux d'intérêt réels. Les taux d'intérêt réels sont élevés, les taux d'épargne sont faibles, la dette augmente et la dette des familles est particulièrement élevée, au point où cela devient dangereux peut-être. Nous avons parlé aujourd'hui d'une multitude de signaux négatifs.

Moi-même, et mon parti également, avons parlé de la situation au niveau macroéconomique, de la dette nationale qui constitue une vraie bombe à retardement. Nous avons fait des suggestions. Aujourd'hui nous avons parlé de la dette des familles qui semble être une autre bombe à retardement.

J'aimerais simplement que vous me précisiez, à la lumière de ce que nous venons de dire, quels moyens le gouvernement a à sa disposition, sur le plan de la politique fiscale et de la réglementation, et seraient appropriés, pour intervenir dans le contexte du scénario du revenu des ménages ou des familles. Pourriez-vous recommander une sage combinaison de mesures que le gouvernement pourrait prendre pour soulager la situation financière des familles dont vous parlez?

Vous savez que le gouvernement doit faire des choix, et que parfois le choix peut être de ne rien faire, ou de faire moins, ou de s'abstenir d'intervenir dans un domaine particulier, ou de cesser de faire quelque chose, plutôt que de mettre sur pied un nouveau programme, ou d'intervenir davantage dans le transfert des revenus, ou quoi que ce soit. Le tableau que vous nous brossez aujourd'hui est inquiétant, ou du moins c'est la conclusion que j'en tire.

Comme vous le savez, le premier ministre a dit récemment qu'il y aura des élections fédérales dans les douze prochains mois. Je crois que c'est bien ce qu'il a dit. Je suppose que nous aurons un grand débat national sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire sur le plan fiscal pour répondre aux problèmes que vous avez si habilement décrits.

Dans notre parti, nous avons nos recommandations. Chaque parti de la Chambre des communes a ses recommandations pour parvenir plus ou moins aux mêmes buts que ceux que vous décrivez, mais la façon de nous y prendre pour arriver sera certainement discutée et débattue au niveau national.

Vous nous offrez un montant considérable d'expertise en provenance de disciplines et de contextes variés. J'ai remarqué que M. McCracken vous a exposé certains problèmes tout à l'heure, en disant que c'était à nous de trouver une solution.

Je vais prendre quelques instants pour poser quelques questions à chacun des intervenants: que recommandez-vous au gouvernement de faire réellement? Quels sont vos conseils? Compte tenu de la description de la situation actuelle—et je pense que vous avez fait du bon travail à cet égard—que devrions-nous faire?

Je m'attends à ce que vous me donniez peut-être des conseils contradictoires. Peut-être pourriez-vous me donner chacun une courte liste de mesures à prendre, et peut-être ne pas seulement dire ce qu'il faudrait faire, mais également ce qu'il ne faudrait pas faire.

Le président: Si chacun d'entre vous pouvait renchérir un peu sur ce qu'il a dit, en deux ou trois points, ce serait parfait.

Monsieur McCracken, veuillez commencer.

M. Michael McCracken: Je vais essayer de donner le ton et d'être bref.

Il me semble que la dette des consommateurs, le problème sur lequel vous vous penchez actuellement, et bien d'autres problèmes que vous aborderez sans nul doute au cours d'autres réunions, disparaîtrait dans bien des cas si les taux d'intérêts, nominaux et réels, étaient plus bas, et que le revenu des consommateurs progressait plus rapidement parce qu'ils seraient plus nombreux à travailler, toucheraient des salaires réels plus élevés et, dans le cas de ceux qui seront indisposés, bénéficieraient de transferts ou de réductions d'impôts plus adéquates.

• 1705

Pour cela, il faudrait que le taux de chômage, au lieu de se situer à 6,8 p. 100, soit ramené à 4 p. 100 ou moins. Il faudrait que les taux d'intérêts réels soient de l'ordre de 2 ou 3 p. 100 plutôt que de 4, 5, 6 p. 100 et cessent d'augmenter comme c'est le cas actuellement.

Il me semble que c'est l'environnement qui fera la différence, l'environnement qui, si rien ne change, fera que nous allons avoir ce genre de réunion plus souvent pour parler de la situation instable de la dette ou des actifs des consommateurs, des gouvernements, des débiteurs et, en fin de compte, à l'échelle internationale.

Voilà quelques solutions très simples sur lesquelles vous pouvez travailler—non pas que je m'attende à ce que le gouvernement s'engage dans cette direction très prochainement.

Le président: Professeur Seccareccia.

M. Mario Seccareccia: Je suis d'accord avec Mike lorsqu'il dit qu'il faut abaisser les taux d'intérêt réels, car ce sont eux qui sont responsables de la situation explosive de la dette, au fond, lorsque ces taux d'intérêt réels élevés sont associés à une faible croissance.

D'un autre côté, bien sûr, nous avons besoin d'une croissance plus soutenue. Mais ce n'est pas en relevant les taux d'intérêt, comme cela s'est fait aujourd'hui, que nous allons favoriser l'augmentation des revenus, encore moins du revenu disponible réel des particuliers. Et comme je le disais tout à l'heure, nous devons réussir à le relever.

L'autre élément que je voulais souligner est d'ordre fiscal et s'inscrit dans le contexte macroéconomique plus large, dont Warren a parlé—le fait est que l'accumulation d'un excédent conduit généralement à des déficits dans le secteur privé. Il faut donc éviter de vous engager dans cette voie, d'une manière ou d'une autre, et plus précisément essayer de faire tout ce que vous pourrez, comme on essaie de le faire aux États-Unis, pour éliminer l'excédent plutôt que d'éliminer le déficit, ce que tout le monde réclamait à une époque.

Je crois qu'il y a une sorte de recentrage à faire dans ce domaine afin de mettre en place le contexte macroéconomique plus large.

Le président: Professeur, permettez-moi d'intervenir un instant pour renchérir sur cette question.

Selon votre tableau 6, sur la dette du secteur des particuliers, l'Italie affiche une dette du secteur des particuliers plutôt faible.

M. Mario Seccareccia: C'est un tableau de...

Le président: Excusez-moi, il est de Statistique Canada.

M. Mario Seccareccia: Oui.

M. Michael McCracken: Et une dette publique élevée. C'est ce que je dis; en réussissant à un endroit, vous créez des difficultés ailleurs.

M. Mario Seccareccia: Les difficultés surgiront ailleurs.

Le président: C'est ce que vous disiez.

M. Mario Seccareccia: C'est le fond du problème.

M. Warren Mosler: C'est la même courbe, mais inversée.

M. Mario Seccareccia: C'est comme une patate chaude. Si vous la retirez du secteur public, vous allez la retrouver dans le secteur privé, d'une manière ou d'une autre. C'est le fond du problème.

Le président: J'ai cru un instant que l'Italie était un pays qui faisait des miracles.

Des voix: Oh, oh!

M. Warren Mosler: Permettez-moi toutefois de préciser que le Japon, je crois, a clairement démontré qu'un taux d'intérêt nul ne provoque pas d'accroissement de la dette du secteur privé, et n'a pas d'effet inflationniste. Il pratique ce taux depuis cinq ans et rien ne s'est passé.

Je ne dis pas que ce sera toujours le cas. Mario et moi-même soutenons cela depuis 20 ans, mais il est réconfortant de voir que la justesse de notre argument a finalement été prouvée quelque part.

L'Europe, qui maintient les taux à 3 p. 100 depuis bien longtemps, n'a pas enregistré d'accroissement du crédit excessive. Aux États-Unis, lorsque les taux étaient de 3 p. 100, le crédit n'a pas augmenté de façon excessive. De fait, il n'a commencé à augmenter que lorsque les taux d'intérêt ont été relevés, et la Banque fédérale a alors déclaré: «Vous voyez? Nous étions en avance. Nous avons fait ce qu'il fallait, voyez comment il a commencé à augmenter?»

Mais je ne suis pas certain que les taux élevés n'entraînent pas une augmentation du crédit. En fait, la masse monétaire M2 est davantage liée au taux d'intérêt à court terme qu'à quoi que ce soit d'autre, car tout ce que l'on fait, c'est composer les intérêts.

J'ai une politique à vous recommander, mais je n'aurai pas le temps de vous en expliquer les raisons, encore qu'elles soient expliquées dans ces documents, qui ont d'ailleurs été publiées dans une vraie revue économique.

Vous devriez être prêts à offrir un emploi dans la fonction publique, au salaire minimum, à tous ceux qui le veulent. Dans l'immédiat, vous aurez de nombreux intéressés. C'est très bien. Cela met fin au chômage. Cela augmente votre production. Vous ne provoquez pas l'inflation, car vous ne faites que récupérer les gens qui sont en train de perdre pied. Je ne dis pas que vous devez engager 2 millions de personnes et les payer au prix du marché. Mais simplement établir un revenu minimum, un peu comme on établit un stock régulateur.

• 1710

Ainsi lorsque le secteur non gouvernemental voudra faire davantage d'économies—ce qui pour le moment ce n'est pas le cas—il aura le moyen de le faire. Les gens seront licenciés, ils se tourneront vers vous, et vous aurez en place une mesure anticyclique pour maintenir votre production au maximum.

J'ai quelques exemplaires à distribuer.

M. Paul Forseth: Pourriez-vous me préciser de quel document il s'agit, afin que celui-ci soit consigné au compte-rendu?

M. Warren Mosler: Il s'intitule Full Employment and Price Stability, j'en suis l'auteur et je l'ai reproduit à partir du Journal of Post Keynesian Economics, volume 20, numéro 2, hiver 1997-98.

M. Paul Forseth: Merci.

Le président: Monsieur Wells.

M. Stewart Wells: Statistique Canada se targue... je ne devrais peut-être pas dire se targue, mais plutôt prend grand soin de ne pas recommander de politique, alors il faut faire très attention.

Le président: Monsieur Glossop, vous avez un commentaire à faire?

Des voix: Oh, oh!

M. Stewart Wells: Je n'ai pas vraiment fini, si vous permettez. Je veux juste être prudent.

Je suis la personne la plus âgée dans cette salle. Une des punitions qui vient avec l'âge, c'est de toujours se rappeler de choses qui remontent à très loin, et je veux vraiment vous offrir une mise en garde.

Lorsque j'ai terminé mes études universitaires et que j'ai commencé à travailler pour la Banque du Canada, à Ottawa, on s'inquiétait vivement du niveau de la dette des ménages, qui était de 50 p. 100. On pensait à l'époque que l'économie allait s'effondrer à cause de cela.

J'admets qu'il y a un niveau qu'il faudrait éviter d'atteindre, mais mon conseil au comité, c'est de veiller à ne pas faire une fixation sur ce sujet.

Je me souviens également qu'au début des années 70, nous étions terriblement inquiets parce que le taux d'épargne était très élevé. Que devait faire notre pays? Aujourd'hui nous nous inquiétons parce que ce taux est très faible. Que devrait faire notre pays?

Je ne suis donc pas convaincu que ces choses en elles-mêmes devraient nous inquiéter. Je pense que les problèmes les plus criants dans notre pays sont la répartition du revenu et le niveau d'emploi. Je ne me prononcerai pas sur ce qu'il convient de faire dans ces domaines, mais je pense que si nous nous concentrons sur ces questions, si vous vous concentrez sur ces questions, le problème de la dette se réglera probablement de lui-même.

Le président: Monsieur O'Hagan.

M. Patrick O'Hagan: Non, je crois que Stew...

Le président: Oui, il faut être prudent.

Monsieur Glossop.

M. Bob Glossop: Dans votre mémoire, vous exprimez une inquiétude qui va dans le sens de ce que j'ai dit précédemment. Vous dites que «bien que» le Canada ait bénéficié d'une croissance économique robuste et réussi dans un grand nombre de ces domaines de l'économie, le niveau d'endettement des ménages a augmenté, comme par ironie.

Je crois que l'un des messages ou des enseignements qui soient clairement ressortis de notre conversation, c'est que cela n'est pas surprenant, qu'il y a forcément un rapport. On a pu le constater. Donc lorsque le gouvernement réussit à mettre de l'ordre dans ses finances, il le fait au détriment, d'une certaine manière, des dépenses des ménages et des familles. Je crois que cela est une leçon importante.

On nous a fait des suggestions à propos des taux d'intérêt. Je suis d'accord. On nous a également fait des suggestions, ou des mises en garde, en ce qui a trait à l'accumulation d'excédents par le gouvernement. Je suis d'accord aussi.

Armine nous a très éloquemment rappelé qu'il importe d'avoir une stratégie nationale du logement et d'examiner attentivement la nature des investissements du gouvernement fédéral dans l'enseignement supérieur.

J'aimerais vous rappeler que la politique canadienne du logement a en fait été conçue il y a bien longtemps, en vue d'aider les Canadiens à réaliser un rêve entretenu depuis longtemps, à savoir devenir propriétaire du logement familial. Je ne pense pas que la politique canadienne du logement, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, ait pris en compte cette aspiration au cours des 15 dernières années. Je pense qu'il serait temps de revoir cette politique.

Les deux suggestions d'Armine nous rappellent qu'il est temps de nous interroger à nouveau sur le rôle qui incombe au gouvernement. Nous nous réjouissons, comme elle dit, du fait que l'on puisse se fier au marché pour réguler certains facteurs économiques fondamentaux, mais que pour les autres facteurs économiques fondamentaux qui déterminent ce qui se passe dans les cuisines des familles canadiennes, on ne peut compter uniquement sur les réductions d'impôts.

Je suggère que le gouvernement ajoute à son ordre du jour, des investissements dans le programme national pour la jeunesse et dans un programme de garderie. Je crois qu'il serait sage que le ministère des Finances se donne la peine de revoir les premières recommandations du ministre Martin, préconisant une formule 50-50 en ce qui a trait aux dépenses consacrées à des nouveaux programmes, à la réduction de la dette et à la réduction des impôts, dont nous nous sommes nettement éloignés, à mon avis, dans le dernier budget fédéral, en dépit de certaines mesures positives visant la pauvreté chez les enfants et la pleine indexation du système.

J'ai terminé.

• 1715

Le président: Armine.

Mme Armine Yalnizyan: Je pense avoir été extrêmement claire dans mes recommandations, mais permettez-moi néanmoins de dire, encore une fois, qu'à mon avis il y a deux types de dette à prendre en considération. Il n'est peut-être pas si grave qu'un ménage ait un endettement de 114 p. 100 s'il possède une superbe maison dont il est en train de faire l'acquisition et d'accumuler des actifs. Le genre de dette qui doit vous inquiéter est celle des gens qui sont en train de perdre pied. C'est pourquoi la répartition des revenus et de l'accès à la richesse est si cruciale.

Nous avons beaucoup parlé de taux d'intérêt, et je reconnais qu'au niveau macroéconomique ils jouent un rôle utile. Il me semble que nous sommes en train d'abaisser les taux d'intérêt; nous avons l'air d'aller dans la direction opposée. Nous avons également beaucoup parlé de l'importance de ne pas avoir d'excédent. Mes recommandations portent en partie là-dessus.

Votre comité s'est généralement fait le champion des mesures fiscales. J'aimerais vous demander de vous faire les champions de quelque chose qui ne se limite pas à des mesures fiscales, et qui devrait être le rôle du gouvernement.

Vous avez un pouvoir énorme dans ces scénarios, pour combler l'écart entre les politiques sociales et économiques, et rattacher les facteurs économiques fondamentaux, non pas simplement à un système, mais aux gens. C'est ce que j'aimerais vous faire comprendre, que les facteurs économiques fondamentaux doivent être fondés sur les gens, pas simplement sur des systèmes, pour fonctionner comme il faut.

Quel devrait être le rôle du gouvernement? La cohésion sociale. Vos recommandations doivent viser à s'assurer que tous les citoyens canadiens ont une place et un avenir dans notre pays.

Cela dit, quelles sont les deux recommandations essentielles que je pourrais vous soumettre pour soulager le mauvais type de dette des ménages, celle qui est problématique? Assurez-vous que tout le monde dispose d'un logement adéquat dans notre pays et assurez-vous que tout le monde a la possibilité d'améliorer ses perspectives d'avenir en faisant des études supérieures.

Le président: Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tout le monde cet après-midi. J'ai trouvé cette discussion réellement fascinante.

J'aimerais d'abord demander à M. Mosler de nous faire une comparaison entre la dette des ménages aux États-Unis et la dette des ménages du Canada. Y a-t-il un enseignement à tirer de la situation américaine?

M. Warren Mosler: Aux États-Unis, vu notre important... Mais je devrais commencer par vous donner les chiffres, car lorsqu'on parle d'épargne, on parle de comptabilité.

L'excédent budgétaire est de plus de 2 p. 100 du PIB, peut-être 2,5 p. 100. Le déficit commercial est probablement un peu plus élevé, sans doute plus près de 3 p. 100. Bien sûr, le déficit du secteur privé est de 5,5 ou 5,4 p. 100 du PIB, un taux plus élevé que jamais et qui continue à croître à un rythme insoutenable. Quant à savoir si cela peut durer encore une demi-heure, ou un an ou deux, je ne peux pas vous le dire.

Le marché a l'air de nous dire que même s'ils le veulent, les ménages ne peuvent tout simplement plus acheter davantage d'actions. Mais nous ne saurons cela qu'après coup.

M. Lorne Nystrom: Hier, le gouverneur de la Banque du Canada, M. Thiessen, s'est présenté devant notre comité, avec l'un de ses adjoints, Malcolm Knight, dont on dit qu'il pourrait être le successeur de M. Thiessen. Je leur ai demandé s'ils pensaient que la dette des ménages était très élevée.

Je vais vous citer un passage de la transcription de l'intervention de M. Knight, et ensuite Armine, Michael ou quelqu'un d'autre voudront peut-être y répondre.

Il a dit ceci:

    Il est vrai que la dette des ménages a augmenté. Mais les actifs des ménages ont aussi augmenté au cours des dernières années, et ils ont réalisé des gains en capital également. En fait, le service de la dette des ménages, par rapport à leur revenu, est considérablement moins élevé aujourd'hui qu'il ne l'était à la fin des années 80 et au début des années 90. Ceci s'explique par le fait que les taux d'intérêt sont de beaucoup inférieurs à ce qu'ils étaient à ce moment-là. Et ceci à mon avis, est attribuable au fait que le taux d'inflation a été maintenu à un niveau stable et peu élevé. Cela fait une grande différence dans la manière dont les ménages considèrent les fluctuations des taux d'intérêts à court terme en ce moment.

En d'autres termes, les taux d'intérêt sont moindres, l'inflation est moindre, et donc le service de la dette est moins lourd à supporter et pose moins de problème aujourd'hui que dans le passé.

Que répondez-vous à cela? Sommes-nous en train de nous préoccuper de quelque chose qui ne devrait en fait pas vraiment nous inquiéter? L'adjoint de M. Thiessen a-t-il raison? Que répondez-vous à cela?

M. Bob Glossop: Je dirais tout d'abord que les taux d'intérêt étaient plus bas hier qu'ils ne le sont aujourd'hui, et comme le dit Mike McCracken, ils vont monter. Et tant que vous réussirez à maintenir des taux d'intérêt relativement bas, vous n'aurez pas de problème, mais il n'est pas dit que l'économie va continuer à ronronner tranquillement comme au cours des cinq ou dix dernières années. Il pourrait y avoir des problèmes, de gros problèmes, à mon avis, à un moment donné.

• 1720

Le président: Armine, avez-vous quelque chose à répondre?

Mme Armine Yalnizyan: Oui. Je voudrais répéter qu'il existe deux types de dette, celle qui est discrétionnaire et que les taux d'intérêt... —vous savez il y a une certaine élasticité des prix qui détermine jusqu'où vous êtes prêt à vous endetter et qui a un rapport avec les taux d'intérêt—et il y a l'autre partie de la population. Comme j'ai essayé de le faire comprendre, il y a de plus en plus de gens dans cette catégorie, qui se débattent au bas de l'échelle.

C'est le type de dette qui n'est pas discrétionnaire, et qui n'est pas liée aux taux d'intérêt. Elle est liée au coût des logements locatifs.

De même, si vous voulez vraiment progresser, votre investissement dans l'enseignement supérieur...

C'est vraiment bizarre de lui parler, alors qu'il est en train de parler à quelqu'un d'autre.

Quoi qu'il en soit, les investissements à faire dans l'enseignement supérieur n'ont vraiment rien à voir non plus avec la question des taux d'intérêt; mais détermineront un jour si les gens auront les moyens de contracter ce genre de dette, tout simplement.

M. Warren Mosler: Je pense que le consommateur américain a été le moteur de l'économie mondiale, en s'endettant de plus en plus... et je pense que les problèmes viendront davantage du côté des consommateurs américains que des consommateurs canadiens. Il n'y a pas grand chose que l'on puisse faire contre cela, sinon se préparer en ayant une politique fiscale indépendante et une politique monétaire indépendante également.

M. Lorne Nystrom: Il a également indiqué en répondant à la question, que les actifs des ménages ont également augmenté au cours des dernières années. Ils ont réalisé des gains en capital.

Le président: Michael.

M. Michael McCracken: Il me semble que si l'on considère le secteur des ménages dans son ensemble, en tant qu'entité unique, on peut effectivement conclure que la valeur nette a augmenté. Les actifs ont progressé plus rapidement que l'endettement.

Mais le problème tient au fait que dans le secteur des ménages, qui regroupe 12 ou 13 millions de ménages différents, on observe des performances très variables.

Nous avons vraiment hâte de prendre connaissance de ce sondage afin de comprendre enfin ce qui se passe. Le dernier sondage remonte à 1984.

Selon certaines informations indirectes et compte tenu de ce qui a été dit ici par M. Glossop, on peut supposer que cela est vrai des ménages du haut de l'échelle. Ce sont eux qui ont réalisé les gains en capital. Ceux qui sont propriétaires de leur maison ont profité d'une plus value, mais cela ne s'est pas répercuté sur les locations. Ils n'ont pas aidé les gens qui ne participent pas à ces marchés.

Les taux d'intérêt réels à la consommation sont très élevés actuellement. Les taux des cartes de crédit sont à peu près équivalents à ce qu'ils étaient dans les années 80. Les taux réels, encore une fois, sont à peu près les mêmes pour les taux hypothécaires et les taux à la consommation. Donc, à mon avis, il devrait tenir compte du fait que...

Tous ces taux sont nettement plus élevés que le taux de croissance du revenu du consommateur. C'est cet écart qui provoque l'instabilité des ratios d'endettement et, bien sûr, tout le problème est là. C'est le même problème que nous avons eu dans le passé avec la dette du gouvernement. C'est le problème auquel nous faisons face en ce qui concerne la dette de consommation et c'est ce qui fait que les petites entreprises et tous les autres qui sont endettés ont du mal à s'en sortir, parce que les taux réels sont trop élevés par rapport à leur croissance réelle. Et tous ces problèmes persistent donc.

Le dernier point que j'aimerais soulever, est que nous ne devrions pas oublier que les mesures dont nous avons parlé ici—le revenu disponible, etc..—n'incluent pas les gains en capital, réalisés ou non. Il serait bon d'essayer de reproduire cette analyse en tenant compte de ces données également. Ces données ne figurent pas telles quelles dans les comptes nationaux, mais il existe des estimations que nous pourrions utiliser pour essayer de comprendre la situation. Le bilan national sur lequel Patrick a travaillé fournit des estimations qui nous seraient très utiles.

Je ne pense pas que cela changera la nature du problème, mais je pense que cela nous aidera à comprendre que les gains en capital ne sont pas la réponse à tous les problèmes, et donnent lieu à des problèmes spécifiques de répartition du revenu.

Le président: Monsieur Mosler.

M. Warren Mosler: C'est l'ingénierie financière qui facilite la création des dettes, qui rend les choses accessibles, qui fait monter la valeur des actifs. Et l'on obtient alors cette espèce de bulle spéculative qui ne cesse de se gonfler. D'un autre côté, le gouvernement prend davantage qu'il ne donne en accumulant un excédent budgétaire, et tôt ou tard le système cesse d'être équitable.

M. Stewart Wells: Vous pouvez obtenir certaines données sur les gains en capital dans le compte de bilan. Nous espérons améliorer cela. Il est question d'extraire cette information des données fiscales. Nous présenterons cela en même temps que les données sur le comportement des ménages à l'avenir afin que les gens puissent prévoir, ou du moins mieux prévoir, ce genre de chose.

• 1725

M. Lorne Nystrom: Peut-être quelqu'un pourrait-il commenter rapidement le rôle que peut jouer la fiscalité dans l'endettement des ménages. Quelqu'un a-t-il quelque chose à dire?

Nos amis de la droite politique, l'Alliance canadienne, préconisent un taux simple de 17 p. 100.

Une voix: Un taux unique.

M. Lorne Nystrom: Un taux unique de 17 p. 100, oui.

Avez-vous des commentaires à faire là-dessus ou sur cette manie de la réduction des impôts qui s'est emparée du pays?

Le président: Peut-être devrions-nous parler de ce que le NPD préconise également.

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Un relèvement des impôts.

M. Michael McCracken: Quels impôts?

Le président: Les programmes sociaux.

M. Lorne Nystrom: Exactement, très bien, bonne réponse.

Je me demande si vous pourriez me dire ce que vous en pensez, car c'est un sujet qui semble être à l'ordre du jour de la plupart des gouvernements. Les impôts ont été réduits au Manitoba et en Saskatchewan. Peut-être pas autant qu'en Ontario et au gouvernement fédéral, mais il y a eu des allégements fiscaux.

Les sondages indiquent tous que les Canadiens n'en veulent pas. Les Canadiens veulent un réinvestissement dans les programmes sociaux, les soins de santé, et ainsi de suite, et les gouvernements font exactement le contraire. Sont-ils plus sages que la population ou...?

M. Michael McCracken: Plus politiques.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael McCracken: Ce qui importe dans ce domaine, c'est l'efficacité de ces impôts. La question est de savoir s'ils permettent de créer des emplois ou s'ils ont d'autres répercussions sur l'économie.

Nous savons une chose, c'est qu'un allégement de l'impôt sur les gains en capital, par exemple, n'a pas un grand effet multiplicateur sur la création d'emplois. Alors si l'objectif est d'améliorer la performance économique, comme je le recommande, je ne choisirais pas les impôts sur le revenu des particuliers à revenus élevés comme principal instrument, mais plutôt une réduction des impôts ou une augmentation des paiements de transfert ou encore des dépenses directes du gouvernement, qui ont des effets multiplicateurs bien plus importants.

Je pense toutefois qu'il est important de reconnaître que lorsqu'on compare plusieurs pays, on a affaire à des régimes fiscaux et à des structures de transfert très différents. On ne peut pas simplement examiner un élément tout seul; il faut examiner l'ensemble des choses.

Par exemple, lorsqu'on compare ce qui se passe lorsque les taux d'intérêt sont relevés aux États-Unis et au Canada, il faut savoir, par exemple, qu'une hausse des taux d'intérêt hypothécaires au Canada aura un effet bien plus important sur bien plus de Canadiens qu'une hausse des taux d'intérêt équivalente aux États-Unis, pour deux raisons.

Premièrement, la plupart des ménages américains ont des hypothèques à long terme. Les contrats ne sont pas renouvelables quotidiennement ou mensuellement ou même tous les deux ou trois ans. Les hypothèques à taux ajustable, aux États-Unis, ne représentent que 15 p. 100 de l'ensemble, alors que chez nous les hypothèques à taux variable ou renouvelables après un, deux ou trois ans, constituent la majorité.

Deuxièmement, aux États-Unis, les intérêts hypothécaires sont déductibles du revenu imposable des contribuables. Au Canada ils ne le sont pas. L'effet net d'une augmentation de 100 points de base sur les hypothèques aux États-Unis ne touchera donc que peu de gens, et seulement dans la mesure où elle sera répercutée sur leur revenu après impôts, et cet effet sera partagé avec le gouvernement fédéral, qui accusera une perte de revenu. Au Canada, le gouvernement fédéral ne subira aucune perte, et l'augmentation sera ressentie par pratiquement tous les Canadiens en l'espace de trois ou quatre ans.

Nous devrions donc tout autant tenir compte de la structure de la fiscalité que des changements de taux mineurs eux-mêmes. Quoi qu'il en soit, je ne veux pas que l'on dise que j'ai recommandé la déduction des intérêts hypothécaires des ménages, car ce n'est pas forcément une bonne politique. On dit souvent que c'est bon politiquement, mais mauvais économiquement.

M. Mario Seccareccia: Pour en revenir à la question de l'imposition, comme je le disais en parlant de cette quatrième variable et de l'incidence de l'excédent du secteur public, ou déficit si vous préférez, sur les taux d'épargne, et ainsi de suite, il est important de comprendre que l'on peut intervenir soit en abaissant les impôts—si vous voulez réduire l'excédent par exemple—soit en augmentant les dépenses.

On pourra toujours discuter des effets de ces mesures, mais ce qui importe absolument, même si vous décidez effectivement d'adopter une politique d'allégement fiscal pour réduire cet excédent afin de retrouver une situation équilibrée ou déficitaire, l'essentiel est de maintenir la progressivité du régime d'imposition.

Si vous optez pour un impôt unique ou un seul taux d'imposition, comme certains le proposent, par exemple, l'effet de cette mesure sur la répartition sera très différent.

• 1730

Je veux dire par là que si vous prenez une telle mesure qui favorise en fait les ménages à revenu élevé, l'incidence sur les taux d'épargne, par exemple, ne sera pas du tout la même que si vous preniez une mesure visant plutôt les ménages à faible revenu. Il faut tenir compte de l'effet de répartition.

Enfin, ce n'est pas comme si notre objectif ultime devait être de relever les taux d'épargne à tout prix. Je ne crois pas qu'il faille absolument... Pour moi, le taux d'épargne est ce qu'il est. Peut-être a-t-il diminué pour de très bonnes raisons, comme je l'ai laissé entendre, ou peut-être est-ce plutôt pour de mauvaises raisons malencontreuses. Il me semble que le plus important est de comprendre pourquoi l'on n'épargne pas, soit parce que le revenu disponible des particuliers a diminué, soit à cause d'autres éléments dans le système qui ont pour fonction d'assurer des transferts aux ménages et ainsi de suite.

Ce sont des facteurs sur lesquels nous devrions pouvoir agir, en tant que gouvernement du moins, et ainsi faire augmenter le taux d'épargne. Mais ce n'est pas un élément nécessaire ici. Et ce n'est pas comme si les taux d'épargne en soi...

La difficulté est de les définir, et de savoir quelle signification on peut donner à ces valeurs, mais il est important de comprendre que l'effondrement du taux d'épargne ne devrait nous préoccuper que dans la mesure où il a été provoqué par des raisons qui sont sous le contrôle du gouvernement.

C'est dans ce sens que nous disons, ou que j'ai essayé de vous expliquer que si vous vous penchez sur l'aspect fiscal de la question, il faudra envisager des mesures qui régleront ce problème, mais qu'un simple abaissement des impôts ne sera pas la solution si vous ne tenez pas compte également de l'effet de répartition. Ce n'est pas le genre de chose qui nous préoccupe habituellement, du moins en tant que macroéconomistes, mais c'est un élément qui de toute évidence revêt une très grande importance pour la politique gouvernementale.

Le président: Merci.

Monsieur Mosler, cela vous gêne-t-il de répondre à une question pendant que les cloches sonnent? Les cloches vous rappellent-elles de mauvaises expériences...?

Des voix: Oh, oh!

M. Warren Mosler: En fait vous parlez de taxes sur les transactions—d'une taxe sur la main-d'oeuvre, qui est un impôt sur le revenu, de taxes sur la vente et ainsi de suite. Mais il ne faut pas oublier que les taxes sur les transactions ont pour effet de décourager ces transactions. Vous parlez également de taux d'imposition, pas forcément des recettes fiscales bien sûr.

Lorsque examinerez ces taxes, souvenez-vous qu'elles découragent les transactions. C'est tout le problème.

Je n'en dirai pas plus.

M. Michael McCracken: [Note de la rédaction: Inaudible]... une grosse loterie, une sorte de taxe sur la stupidité.

Des voix: Oh, oh!

M. Warren Mosler: Laissez-moi simplement ajouter que lorsqu'il est question de libre-échange international avec les États-Unis, on cherche à supprimer tous les droits de douanes sur toutes les marchandises, mais ensuite on instaure une taxe sur la vente, qui est une sorte de droit qui est prélevé chaque fois que nous faisons des échanges entre nous. C'est la même chose pour l'impôt sur le revenu. Nous ne voulons pas que quoi que ce soit puisse entraver le libre-échange, et nous mettons de l'avant la théorie des avantages comparatifs et tout le reste, mais quand il s'agit de nous-mêmes, nous imposons une taxe sur toutes les activités qui ont lieu au pays.

Toutes ces choses sont contreproductives et il faut choisir lesquelles on veut utiliser pour servir de base à notre devise.

Le président: Il ne nous reste que 12 minutes, car ensuite nous devrons aller voter.

Monsieur Cullen, madame Redman...

Vous avez une question, madame Redman?

Mme Karen Redman: Très rapidement, j'aimerais dire que cette séance a vraiment été très instructive et très agréable.

Madame Yalnizyan, j'ai beaucoup apprécié votre présentation, et je trouve vos recommandations très convaincantes. Sont-elles fondées sur le rapport que vous avez?

Mme Armine Yalnizyan: Je laisserai les deux documents au greffier.

Mme Karen Redman: Parfait.

Mon autre question est relativement générale. Puisque vous êtes tous ici et que vous êtes des témoins extrêmement intéressants, j'aimerais vous demander dans quelle mesure la dette des ménages a un rapport, si vraiment il y en a un, avec la productivité. C'est un sujet sur lequel nous nous sommes longuement penchés au printemps dernier.

Je me demandais simplement si vous aviez des observations à faire à ce sujet.

M. Michael McCracken: Il n'y a pas vraiment de lien direct, car la productivité est un concept qui s'applique au niveau de l'entreprise. C'est là que se trouve la productivité. C'est là qu'elle réside. Elle dépend de la manière dont les gestionnaires rassemblent les gens, organisent les choses, etc.

La conjoncture économique a un effet sur la productivité des entreprises. Lorsque les entreprises fonctionnent au ralenti, elles ne sont pas aussi productives que lorsqu'elles sont stimulées.

Je suppose également que si les employés, lorsqu'ils vont travailler, se font du souci à cause de leur endettement, ils ne seront pas aussi productifs qu'ils pourraient l'être autrement. Si les salaires des gens sont saisis pour payer les agents de recouvrement et qu'on les poursuit, ils ne seront pas très utiles. Je pense donc qu'il peut y avoir un effet, mais seulement indirectement.

• 1735

Je pense que l'endettement, par ailleurs, n'est pas forcément une mauvaise chose en soi. Elle permet aux gens d'acheter, à crédit, des choses dont ils ont besoin et qui ont une valeur qui dure—des biens durables, ou pour prendre des vacances lorsqu'ils en ont envie. Donc il ne faudrait pas toujours être négatif lorsque nous parlons de dette. Par contre lui faut veiller à ce que cette dette ne devienne pas un fardeau que les gens ne peuvent plus supporter.

Mais si l'on veut vraiment trouver un rapport avec la productivité, je pense qu'il sera probablement tenu.

Le président: Mais les gains de productivité font augmenter les revenus n'est-ce pas.

M. Michael McCracken: Oui, bien sûr, si on parle du résultat des gains de productivité. Si les consommateurs, en tant que travailleurs, touchent des salaires plus élevés, cela est peut-être bénéfique. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé au cours des dix dernières années. Nous avons enregistré des gains de productivité sans augmentation du salaire réel. Nous n'avons pas vu de différence.

C'est la différence entre la productivité, qui se manifeste au niveau de l'entreprise, et le concept de la prospérité, qui se manifeste au niveau des ménages ou de la société. Tout dépend de la façon dont les gains de productivité sont répercutés, et qui en profite. S'ils se traduisent par des profits plus élevés ou par des prix plus bas de nos produits d'exportation qui vont à l'étranger, alors le travailleur n'en bénéficie pas. S'ils se traduisent par un abaissement des prix à la consommation, ou par un relèvement des salaires réels, ou bien par un relèvement des salaires nominaux et donc des salaires réels plus élevés, alors les travailleurs en profitent, ce qui leur permet de rembourser plus facilement leurs dettes, de les liquider et ainsi de suite.

En ce sens, vous avez raison, monsieur le président, de dire que la productivité peut avoir un effet direct sur le revenu... mais la question est de savoir si effectivement les choses se passent ainsi.

Le président: Monsieur Glossop.

M. Bob Glossop: Malheureusement, Mike vient de nous donner une réponse terriblement juste et complète.

Outre le fait que la productivité peut contribuer à relever les revenus—mais ce n'est qu'une possibilité, car elle peut aller dans d'autres directions également—il est un fait qu'avec ces revenus plus élevés, les gens auront davantage confiance dans leur capacité à assumer le fardeau de leur dette et cela favorisera la consommation, ce qui aura un effet macroéconomique généralement positif.

Par ailleurs—et ceci est ma dernière chance de le souligner—je pense que la progressivité des impôts sur le revenu est absolument essentielle. Je pense qu'il faudrait la maintenir et même la renforcer. Elle a eu tendance à se détériorer au cours des dernières années.

Je crois qu'une question qui sera intéressante à examiner à la lumière des données que nous allons obtenir de Statistique Canada sera de savoir si oui ou non une modification dans le degré de progressivité du régime d'imposition a le même effet sur la répartition de la dette, soit la question qui intéresse votre comité.

Il y a réduction d'impôts et réduction d'impôts. Certaines personnes ont souffert plus que d'autres des mesures d'austérité et certaines personnes, surtout les familles avec de jeunes enfants, ont vu leurs prestations s'évaporer au cours des dernières années. Donc si vous envisagez des réductions d'impôts, j'espère que vous saurez déterminer qui en a le plus besoin en ce moment.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président et merci messieurs et mesdames les témoins.

Il nous reste très peu de temps, mais j'aimerais examiner un peu la relation entre le taux d'épargne et les taux d'investissement et également la notion de l'effet de richesse, à savoir s'il s'agit d'un phénomène nouveau ou simplement un phénomène qui a été exacerbé par la nouvelle économie, par l'activité boursière.

J'aimerais également donner quelques précisions à propos de ce que Mme Yalnizyan a dit au sujet des logements à prix abordables, car le gouvernement a mis en oeuvre d'importants efforts dans ce domaine. J'aimerais rappeler les 750 millions de dollars consacrés l'année dernière à un programme visant les sans-abri et les logements à prix abordables, le PREL, l'offre de partager les coûts d'infrastructure avec les provinces et les municipalités, et également quelques mesures de TPS applicables aux logements locatifs.

Bien sûr si l'idée est de demander au gouvernement fédéral de s'occuper à nouveau directement du logement social, tout est possible je suppose, mais je ne crois pas que cela se fera. S'il y a des mesures fiscales ou autres instruments qui pourraient être utiles, il vaudra la peine de les examiner.

Très rapidement, en ce qui a trait au taux d'épargne et au taux d'investissement, d'investissement en capital, quel est le rapport?

Je crois, monsieur Wells, que vous avez fait remarquer que nous avons tendance à toujours nous faire du souci. En fait, ce que j'ai entendu aujourd'hui, alors que nous sommes dans une conjoncture économique plutôt favorable, m'a quelque peu déprimé. Mais c'est bien de toujours essayer de faire mieux, pour régler les problèmes et aller de l'avant.

Lorsqu'on regarde ce qui se passe aux États-Unis, tous ces investissements de capital, et surtout dans le secteur de la haute technologie... Je me demande ceci, si nous faisons beaucoup d'économies, mais que nous ne les investissons pas, est-ce un problème si nous...?

• 1740

Pourriez-vous nous parler du taux d'épargne et du taux d'investissement, et nous dire s'il y a un rapport entre les deux, ou si l'un a un effet sur l'autre, etc.? Monsieur McCracken voulez-vous commencer?

M. Michael McCracken: Très rapidement, il existe, au niveau global, une identité qui nous dit que le taux d'investissement est égal au taux d'épargne du pays. Lorsque nous n'arrivons pas à faire correspondre les deux à l'intérieur du pays, nous comblons la différence au moyen d'emprunts de non-résidents. Pour l'instant au Canada, nous obtenons un équilibre grâce aux emprunts des non-résidents. Mais laissons cela de côté pour le moment.

De manière générale, nous pensons qu'un taux d'investissement élevé est une bonne chose. Encore une fois, cela a un effet favorable sur la croissance du capital national. Et cela peut avoir une influence directe sur l'accroissement de la productivité. Si vous cherchez comment diriger une économie structurellement, vous essayez d'avoir un taux d'investissement relativement élevé. Et si vous faites correspondre cela à un taux d'épargne élevé, vous n'avez pas besoin de dépendre autant des investisseurs étrangers pour briser ce lien.

Le taux d'épargne des particuliers, toutefois, n'est que l'un des trois taux d'épargne qui d'une certaine manière égalisent le taux d'investissement, sans compter les emprunts des non-résidents—ce qui se passe dans les ménages, ce que les entreprises font de leurs économies et ce qui se passe au gouvernement.

Auparavant le gouvernement maintenait un taux d'épargne très faible, et même, dans certains cas, un taux d'épargne négatif. Et les entreprises essayaient de maintenir un taux d'épargne net légèrement positif, en essayant de financer leurs investissements à même leur trésorerie. Parfois, cependant, elles empruntent, d'autres fois elles accumulent des actifs financiers nets. Le secteur des ménages, de manière générale, affichait un taux d'épargne positif. Ce secteur détenait, d'une certaine manière, une part de plus en plus importante des investissements réalisés.

À l'heure actuelle, on assiste à une réduction de la contribution attribuable à l'épargne des particuliers, par le biais des caisses de retraites notamment, et à une expansion de l'épargne provenant des gouvernements, à une moins grande dépendance des emprunts de non-résidents, et les entreprises sont en train d'améliorer leur position d'épargne nette.

Mais de manière générale, il est intéressant d'avoir un plus haut taux d'épargne dans la mesure où il est accompagné d'un taux d'investissement plus élevé également.

M. Roy Cullen: Vous dites donc—et j'aimerais vous donner un instant pour clarifier quelque chose—que le taux d'investissement n'est pas vraiment relié au taux d'épargne...

M. Michael McCracken: Pas au niveau individuel, non.

M. Roy Cullen: ... que les entreprises décideront d'investir et s'adresseront à des fonds communs d'investissement ou quelque chose de ce genre.

M. Michael McCracken: C'est exact.

M. Roy Cullen: Donc si les particuliers n'épargnent pas suffisamment...

Quel est l'impact macroéconomique s'il faut s'adresser ailleurs pour l'épargne? Cela a-t-il un impact macroéconomique effectivement?

M. Michael McCracken: Il faut bien payer nos factures. Personne ne nous donne de l'argent, il nous faut donc payer pour ce que nous empruntons à l'étranger. Si nous gagnons davantage avec cet investissement que ce que nous gagnons à l'intérieur du pays alors il nous faut payer à l'étranger, et c'est une bonne affaire. Nous sommes des génies. Si, d'un autre côté, nous gagnons 5 p. 100 sur notre investissement au Canada et que nous payons 10 p. 100 à l'étranger, alors il y a une perte nette pour notre société. Et nous y perdons.

M. Stewart Wells: Rapidement, je suis d'accord avec tout ce que Michael a dit. J'aimerais simplement préciser qu'il n'y a pas grand chose qui indique que l'épargne favorise l'investissement. Si un secteur ou un autre décide soudain de dépenser moins et d'augmenter son taux d'épargne, cela n'entraîne pas habituellement une augmentation de l'investissement. S'il fallait que cela ait un effet, ce serait plutôt de le faire baisser, alors que cela fonctionne dans le sens inverse. Si vous augmentez l'investissement, vous constaterez généralement que, par définition, l'épargne augmente pour atteindre un niveau équivalent.

M. Michael McCracken: C'est principalement dû au fait que les taux d'intérêt ne sont généralement pas utilisés, dans les pays où ils sont fixés, pour équilibrer les taux d'investissement et d'épargne.

M. Warren Mosler: C'est exact. Je dis généralement que l'épargne est le registre comptable des investissements. Si vous investissez, si vous construisez une usine, cela finira par se voir dans les comptes nationaux de l'épargne. C'est ainsi que nous rendons compte de l'épargne. C'est ainsi que nous rendons compte de l'investissement. Comme Mike l'a dit, il reste ensuite à savoir dans quel secteur cette épargne se manifestera.

Le président: C'est tout. Je regrette mais nous avons juste une minute pour aller jusqu'à la Chambre.

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. C'était un débat très intéressant. Nous veillerons à faire bon usage de vos informations.

Monsieur Mosler, j'aimerais vous remercier personnellement, au nom du comité, de vous être déplacé jusqu'au Canada.

M. Stewart Wells: Et présentez-lui nos excuses pour les cloches.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Oui, bien sûr.

La séance est levée.