FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 2 mai 2000
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Comme vous le savez, conformément à l'article 81(4) du Règlement et à l'ordre de renvoi de la Chambre du mardi 29 février 2000, nous faisons aujourd'hui l'examen du Budget principal des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2001—crédits 1, 5, 10 et 15 sous Agence des douanes et du revenu du Canada; crédits 1, 5, L10, 15, 30 et 35 sous Finances. Ce sont les crédits dont nous traiterons.
Nous avons le plaisir d'accueillir le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, M. Roy Cullen, et du ministère des Finances, Don Drummond, sous-ministre associé, et Guy Bujold, sous- ministre adjoint, Direction des services ministériels.
Bienvenue.
Vous avez de cinq à dix minutes pour faire vos remarques préliminaires, puis nous passerons à une période de questions et réponses.
M. Roy Cullen (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je suis heureux d'avoir l'occasion de passer en revue avec vous aujourd'hui le Budget principal des dépenses du ministère des Finances pour l'exercice 2000-2001 et de répondre à vos questions avec les fonctionnaires qui m'accompagnent.
Comme vous le savez, la principale tâche du ministère consiste à aider le gouvernement à élaborer et à exécuter des politiques et des programmes économiques, sociaux et budgétaires qui favorisent la croissance, la création d'emplois et l'émergence d'une société solidaire. Cela signifie que les analyses et les conseils qui émanent du ministère reflètent et rejoignent les intérêts et les préoccupations de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
[Français]
Évidemment, les priorités du ministère sont façonnées par le programme du gouvernement, qui consiste à améliorer la qualité de vie des Canadiens, et par sa propre analyse des points forts et des points faibles de l'économie canadienne.
D'entrée de jeu, il faut reconnaître que l'une de ces lacunes, le déficit d'un gouvernement fédéral, a été résolument comblée.
Le déficit est derrière nous et nous sommes maintenant dans une ère d'excédents budgétaires.
[Traduction]
Nous prévoyons que le budget sera à tout le moins équilibré pour un troisième exercice consécutif. En outre, le gouvernement s'engage à présenter des budgets équilibrés ou excédentaires en 2000-2001 et 2001-2002. Ce sera la première fois en 50 ans que le budget aura été équilibré ou excédentaire cinq années de suite. Cela signifie que, grâce aux travaux du ministère des Finances, les politiques économiques et budgétaires du gouvernement fédéral ont permis au Canada d'entrer dans le nouveau millénaire fort d'une vigueur économique et d'une confiance renouvelée. Le budget de février 2000, tablant sur une économie en croissance et des finances publiques saines, a établi les fondements d'une prospérité plus grande pour tous les Canadiens au XXIe siècle.
Le budget annuel est sans doute la réalisation du ministère des Finances qui vient le plus spontanément à l'esprit des Canadiens. Il faut bien reconnaître qu'il s'agit effectivement de la réalisation annuelle du ministère qui est la plus visible. Or, la préparation du budget fédéral n'est que l'une des attributions du ministère.
D'autres tâches sont tout aussi importantes, notamment: fournir des analyses, des conseils et des recommandations sur la politique fiscale et commerciale et élaborer des mesures législatives dans ces domaines; fournir des analyses, des conseils et des recommandations sur la gestion des actifs et des passifs financiers du gouvernement fédéral et sur la gestion des emprunts du gouvernement fédéral et des sociétés d'État sur les marchés financiers; gérer les transferts et les rapports fiscaux avec les provinces et les territoires; élaborer la politique de capitalisation et d'investissement du Régime de pensions du Canada, conjointement avec les provinces; représenter le Canada auprès d'institutions financières internationales et de tribunes économiques et commerciales internationales; élaborer des politiques régissant le secteur et les marchés financiers, et la prestation de conseils à cet égard.
Le ministère exécute également deux programmes de dépenses législatives, le Programme de la dette publique et le Programme des transferts fédéraux-provinciaux. Il est également chargé des paiements destinés aux grandes institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, ainsi que du financement du Programme de la monnaie canadienne.
[Français]
Monsieur le président, j'ai dit que les activités du ministère se répercutaient directement sur le quotidien de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes de chaque province et territoire.
Comme l'a dit le ministre:
-
Nous reconnaissons que la seule véritable
mesure de succès à long terme de nos politiques
budgétaires et économiques réside dans leur capacité de
générer des emplois, des programmes sociaux solides et
des revenus réels en croissance qui contribuent à une
qualité de vie à laquelle tous les Canadiens ont droit.
• 0910
Parce que ses travaux se répercutent directement sur
tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, le
ministère met l'accent sur des consultations publiques
actives, tant de sa propre initiative que par le biais
de comités parlementaires comme le vôtre, au sujet de
ses orientations et de ses options stratégiques.
[Traduction]
Même si le ministère dispose cette année d'un budget de 64,9 milliards de dollars, soit environ 1 milliard de dollars de plus que l'an dernier, cette somme est en très forte proportion consacrée au Programme de la dette publique et au Programme des transferts fédéraux-provinciaux. Au chapitre des opérations internes, celui-ci est en fait l'un des ministères les plus modestes du gouvernement; il dispose d'un effectif d'environ 750 personnes, dont la moitié sont des économistes.
La hausse du budget du ministère d'une année sur l'autre est attribuable aux trois programmes qu'il exécute et comprend une hausse de 300 millions de dollars du budget du Programme des politiques économiques, sociales et financières; une diminution de 500 millions de dollars du budget du Programme de la dette publique; et une augmentation de 1,2 milliard de dollars du budget du Programme des transferts fédéraux-provinciaux.
La hausse de 300 millions de dollars du budget du Programme des politiques économiques, sociales et financières est en grande partie attribuable à l'augmentation des paiements consacrés aux mécanismes du Fonds monétaire international axé sur la réduction de la pauvreté et la croissance. Cette augmentation reflète les paiements anticipés dans le cadre d'un nouvel engagement de prêts annoncé par le ministre le 25 mars 1999 dans le cadre de la stratégie adoptée par le gouvernement pour aider les pays les plus pauvres.
La diminution de 500 millions de dollars du budget du Programme de la dette publique traduit une diminution de l'encours de la dette publique.
L'augmentation de 1,2 milliard de dollars du budget du Programme des transferts fédéraux-provinciaux est attribuable à la majoration du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et de la péréquation.
Le budget de 2000 a annoncé une hausse des paiements en vertu du Transfert de 2,5 milliards de dollars pour aider les provinces et les territoires à financer leurs dépenses d'éducation post- secondaire et de santé—il s'agissait de la quatrième bonification du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux par le gouvernement fédéral. À compter de 2000-2001, les transferts en espèces en vertu de ce transfert totaliseront 15,5 milliards de dollars, soit 25 p. 100 de plus qu'il y a deux ans. Le budget total du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, transferts en espèces et en points d'impôt confondus, atteindra un nouveau sommet de près de 31 milliards de dollars en 2000-2001.
[Français]
Monsieur le président, comme par le passé, le ministère continue de lancer des projets qui ont nettement accru sa charge de travail. Le temps me manque pour aborder chacun d'eux, mais j'aimerais en signaler deux.
Premièrement, le ministère prépare un nouveau cadre stratégique pour le secteur des institutions financières afin de relever les défis que posent les nouvelles technologies de l'information, la mondialisation croissante et l'évolution rapide des marchés.
[Traduction]
Deuxièmement, le ministère joue un nouveau rôle important sur la scène internationale, à l'appui du G-20, la nouvelle tribune regroupant les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales représentant 19 pays, l'Union européenne, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Le ministre Martin est président du G-20.
L'objectif de cette tribune est d'assurer une participation plus élargie lors des discussions concernant les questions financières internationales et d'aider à mettre en place une économie mondiale plus stable.
Monsieur le président, je pourrais continuer, mais je crois que les intérêts et les préoccupations de votre comité seront mieux servis si vous et vos collègues êtes libres de vous concentrer sur les enjeux et les questions qui vous préoccupent le plus. Je voulais simplement souligner la portée et l'ampleur des travaux du ministère de même que la charge de travail supplémentaire qu'il a assumée et dont il continuera de s'acquitter. J'estime que ces renseignements revêtent une certaine importance dans le cadre des délibérations d'aujourd'hui.
Moi-même, ainsi que les fonctionnaires qui m'accompagnent, serons heureux de répondre maintenant à vos questions.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
Dans le Budget des dépenses du ministère des Finances pour l'exercice 2000-2001, Partie III, on peut lire en haut de la page 21:
-
La volatilité de la situation économique et financière mondiale
peut se répercuter sur l'économie canadienne, et donc sur les
recettes et les dépenses de programmes du gouvernement et sur le
coût du service de la dette du gouvernement.
Ce dont je veux parler, c'est surtout du service de la dette du gouvernement.
On dit également, à la page 22, sous le titre «Risques»:
-
La volatilité économique et financière, à l'échelle nationale ou
internationale, pourrait influer sur les recettes du gouvernement,
les dépenses de programmes et les frais de service de la dette.
• 0915
Pourriez-vous indiquer quel est le lien entre ces deux
citations et ce que vous avez dit dans vos remarques, c'est-à-dire
que la réduction de 500 millions de dollars du budget du Programme
de la dette publique traduit une diminution de l'encours de la
dette publique.
Vous pourriez peut-être expliquer un peu plus en détail ce que vous entendez par là et pourquoi, dans le dernier budget, rien n'indiquait à la communauté internationale que nous avons un plan particulier pour rembourser la dette, plutôt que des énoncés nébuleux sur l'utilisation de l'argent qui restera.
M. Roy Cullen: Merci. Je vais commencer, si vous me le permettez, et MM. Drummond et Bujold ajouteront ce qu'ils veulent à ma réponse.
La réduction que l'on constate dans le Budget des dépenses vient de la diminution du montant de la dette publique et du coût du service de la dette. Le ministère a entrepris de remplacer des prêts à court terme à intérêt variable par des prêts à plus long terme à intérêt fixe. Cette initiative a été très avantageuse et nous protège de futures fluctuations à la hausse ou à la baisse des taux d'intérêt.
Je ne sais pas pourquoi le montant n'a pas été divulgué de façon distincte dans le Budget des dépenses de l'an dernier. M. Drummond ou M. Bujold pourrait peut-être vous en dire davantage à ce sujet.
M. Don Drummond (sous-ministre associé, ministère des Finances): Pour répondre à votre question sur la diminution de l'encours de la dette, les chiffres montrent que l'encours total de la dette, la dette publique nette, a diminué de 6,4 milliards de dollars. Cette réduction vient des surplus enregistrés en 1997, 1998 et 1999. La dette négociable—c'est-à-dire toute la dette sauf les régimes de pensions du secteur public—a diminué de 16 milliards de dollars à la fin de 1998 et 1999, ce qui bien sûr a entraîné des taux d'intérêt plus faibles.
Même si nous signalons les effets possibles de la volatilité des marchés internationaux, il faut avouer que l'économie s'en est très bien sortie. Comme nous le savons, la croissance, en 1999, a été de 4,2 p. 100. Le prix des denrées a chuté au début de 1998, mais il semble que cela n'a influé que brièvement sur le rendement général de l'économie nationale. Il faut dire que certaines régions et certains secteurs ont été durement touchés, surtout la Colombie- Britannique. Mais en général, l'économie est demeurée très solide.
Pour ce qui est de notre vulnérabilité aux taux d'intérêt, comme M. Cullen l'a fait remarquer, lorsque nous avons commencé à publier des documents sur cette vulnérabilité, en 1994, nous avions expliqué qu'une augmentation de 100 points de base—soit une augmentation de 1 p. 100 du taux d'intérêt—avait pour effet d'augmenter de 1,8 milliard de dollars, la première année, les frais de la dette publique. Ces frais sont maintenant passés à 900 millions de dollars et nous avons réduit de moitié notre vulnérabilité aux fluctuations des taux d'intérêt la première année. Cela est dû au fait que, comme M. Cullen l'a expliqué, nous avons converti nos prêts en prêts à plus long terme. Auparavant, environ 65 p. 100 de nos prêts étaient remboursables dans une période de 365 jours. C'est maintenant l'inverse. Trente-cinq pour cent seulement de la dette est remboursable sur une période d'un an. Notre vulnérabilité à la volatilité que nous avons constatée sur les marchés en 1998-1999 est beaucoup moins grande maintenant.
Pour ce qui est d'un plan précis de réduction de la dette, nous en avons un et nous l'avons indiqué dans le budget. Nous avons réservé 3 milliards de dollars en réserve pour éventualités dans le budget de chaque année, et si cet argent n'est pas utilisé à des dépenses imprévisibles, il est entièrement affecté au remboursement de la dette. En 1997-1998, 3,5 milliards de dollars ont ainsi servi à payer la dette—en d'autres mots, 500 millions de dollars en plus de la réserve pour éventualités. En 1998-1999, nous avons remboursé 2,9 milliards de dollars, ce qui signifie que 100 millions de dollars de la réserve pour éventualités ont servi à payer des dépenses imprévues, et presque tout le reste a servi à rembourser la dette.
Dans le calcul de la dette publique, nous avons toujours supposé que la réserve pour éventualités était nécessaire mais il est prévu au plan que si cet argent n'est pas utilisé, il servira à rembourser la dette. Au pis, nous aurons un budget équilibré, mais au mieux, si nous n'avons pas besoin de la réserve pour éventualités, nous disposerons d'un surplus de 3 milliards de dollars par année pour rembourser la dette.
M. Paul Forseth: D'accord. J'ai une question supplémentaire.
Pourriez-vous expliquer encore brièvement ce qu'on entend par programme de la dette publique»? En quoi consiste ce programme? Pourriez-vous ensuite indiquer en gros à combien s'élève notre dette, tant à court terme qu'à long terme?
M. Don Drummond: Eh bien, lorsque nous parlons de notre dette publique, il s'agit en fait de la répartition de cette dette en fonction de diverses échéances. Il y a plusieurs façons de la mesurer. Nous avons des bons du Trésor à échéance de 90 jours, des obligations de 30 ans et des obligations à rendement réel. Pour les observateurs, l'un des principaux indicateurs, c'est le pourcentage de l'endettement remboursable sur une période d'un an. C'est l'une des principales caractéristiques de notre Programme de la dette publique. Nous essayons de faire en sorte qu'environ 65 p. 100 de notre endettement ait un délai de remboursement de plus d'un an et que 35 p. 100 ou moins soit remboursable en moins d'un an. Comme je l'ai dit, c'est à peu près le contraire de ce qui existait il y a environ cinq ans.
• 0920
Cette proportion de 65-35 p. 100 correspond à ce qui se fait
dans d'autres pays. Au début des années 90, lorsque nous mettions
en oeuvre notre programme de la dette, nous avions l'encours de
dette le plus rapidement remboursable de tous les principaux pays,
que ce soit les États-Unis, le Japon ou les pays d'Europe. À
l'heure actuelle, notre programme est plus semblable aux autres.
M. Roy Cullen: Permettez-moi de répondre à cette question. Pour le gouvernement, ce qui est important, c'est la relation entre la dette et le PIB. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, le ratio était d'environ 71 p. 100. Il est maintenant de 63 p. 100, et dans deux ou trois ans, il passera à 50 p. 100. C'est ainsi qu'on peut reconnaître la capacité de l'économie de soutenir un certain endettement. Tant que l'économie continuera de progresser au taux actuel—et l'économie se porte très bien—, le ratio dette-PIB continuera de diminuer. C'est sur ce ratio que nous devrions nous concentrer.
M. Paul Forseth: À combien s'élève la dette?
M. Roy Cullen: Elle est de 570,8 milliards de dollars.
M. Paul Forseth: Le service de la dette augmente encore, n'est-ce pas? Vous avez parlé d'une diminution des taux d'intérêt, mais il semble que dans les faits, les taux d'intérêt risquent d'augmenter au cours de l'année qui vient.
M. Don Drummond: Dans le dernier budget, les frais de la dette publique étaient estimés à 41,5 milliards de dollars pour l'exercice 1999-2000. On prévoyait une légère augmentation à 42 milliards de dollars en 2000, pour tenir compte d'une légère augmentation des taux d'intérêt, puis une réduction à 41,5 milliards de dollars en 2001. Les frais sont donc foncièrement stables pour la période à venir, dans laquelle se conjuguent une légère diminution de l'encours de la dette et une légère augmentation du taux d'intérêt moyen.
M. Paul Forseth: C'est tout pour maintenant, monsieur le président. Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): La question qui m'intéresse est la même: la gestion de la dette, le plan de remboursement de la dette, etc. J'aimerais que vous élaboriez davantage là-dessus. Je ne sais pas si M. Cullen, M. Drummond ou M. Bujold pourrait en dire davantage sur la façon dont le ministère des Finances gère cette dette. Y a-t-il un plan précis de gestion et a-t-on des objectifs de remboursement? Depuis trois ans, on a l'impression que le paiement de la dette se fait au gré des surplus qui ne sont pas prévus au début de l'année par le ministre des Finances et que ces surplus sont délibérément amenuisés de sorte qu'en fin d'année, lorsqu'on arrive avec des bonds prodigieux du surplus qui n'avaient pas été prévus, les conventions comptables font en sorte qu'on met cela sur la dette. J'aimerais que vous m'en disiez un petit peu plus là-dessus.
[Traduction]
M. Roy Cullen: D'une façon générale, si la réserve pour éventualités n'est pas utilisée, cet argent sert à rembourser la dette. Lorsqu'il y a des surplus, ils servent également à rembourser la dette.
Plutôt que de parler du montant absolu de la dettef... En fait, si l'on effectuait un énorme remboursement de la dette, il est fort possible que cela nuirait à l'économie. On pourrait payer bien plus que 3 milliards de dollars par année, mais le chiffre magique... Cela ralentirait une économie qui connaît une très forte croissance. Nous ne voulons pas ralentir cette croissance, bien sûr, mais peut-être...
[Français]
M. Yvan Loubier: À cet effet, vous avez payé beaucoup plus que 3 milliards de dollars au cours des trois dernières années. Il y a eu une année—je pense que c'est en 1998...
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Yvan Loubier: Oui, mais il y avait plus que cela. Il est clair que même l'an passé, vous avez mis la réserve pour éventualités sur la dette. Ensuite, il y avait un montant de 4 ou 5 milliards de dollars de surplus qui est allé aussi à la dette, parce que ce sont des surplus qui n'avaient pas été prévus dans l'avant-dernier budget de M. Martin. Alors, la question que je me pose est: est-ce que vous fonctionnez toujours de cette façon-là, de façon erratique?
Si la réserve pour éventualités ne sert pas, elle va automatiquement à la dette. C'est correct. Les surplus qui ne sont pas prévus en début d'année vont automatiquement à la dette. Est-ce comme cela que vous gérez la dette, seulement au gré des surplus non prévus, ou si vous avez un plan précis de gestion et même de remboursement de la dette?
Pour ma part, ce qui m'intéresse, c'est de savoir si vous avez un plan précis. Que vous n'en ayez pas ou que vous en ayez un, j'aimerais que vous nous en parliez davantage. S'il y a de la documentation là-dessus, j'aimerais que vous m'en fassiez part, parce que je pense que c'est un des rares secteurs des finances publiques où on n'a pas de documentation aussi précise que ce qu'il y a au chapitre des recettes, des dépenses et de la gestion des finances publiques en général.
M. Don Drummond: En fait, le ministère des Finances publie chaque année un document sur le Programme de la dette publique. Je ferai parvenir avec joie au comité une copie de la liste qui a été publiée peu après le budget.
Notre plan comporte un certain nombre d'étapes, comme l'a dit M. Cullen. Nous voulons surtout réduire le ratio dette-PIB. C'est la même chose pour tous. Dans le cas d'une hypothèque, le chiffre de l'hypothèque lui-même ne signifie pas grand-chose; il prend tout son sens si on le compare au revenu de son titulaire. Au Canada, le ratio dette-PIB a atteint un sommet de 71 p. 100 en 1995-1996. À l'heure actuelle, ce ratio est d'environ 60 p. 100, mais d'ici 2004, il devrait avoisiner les 50 p. 100. C'est encore trop élevé, mais ce ratio continuera de diminuer grâce à la croissance soutenue de l'économie.
Nous le disons très clairement dans tous les documents budgétaires. Notre objectif est de réduire la dette de 3 milliards de dollars chaque année. C'est pourquoi nous avons la réserve pour éventualités. Comme vous l'avez dit, si vers la fin de l'année nous constatons que le surplus est plus élevé que prévu, nous devrons prendre une décision. Vaut-il mieux utiliser ce surplus pour rembourser la dette ou peut-on l'utiliser autrement?
Dans votre exemple, nous avons décidé à la fin de l'exercice de 1998 de verser 3,5 milliards de dollars au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux parce que les provinces en avaient manifesté le besoin et le voeu. Elles avaient écrit au premier ministre qu'elles souhaitaient investir dans les soins de santé. Donc, comme vous l'avez fait remarquer, nous avons remboursé 2,9 milliards de dollars de dette, mais il faut ajouter à cette somme que 3,5 milliards de dollars ont été versés au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
De même, à la fin de l'exercice actuel, il semble que nous serons en mesure de payer de nouveau 3 milliards de dollars. Nous n'aurons pas besoin de la réserve pour éventualités. Nous ne connaissons pas encore les résultats, mais il semble que ce soit le cas. En outre, nous avons investi de nouveau 2,5 milliards de dollars dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Cet argent aurait pu servir à rembourser la dette au lieu d'être versé aux provinces sous forme de transfert, mais on a fait un choix. On a décidé que c'était le meilleur usage que l'on pouvait faire de cet argent qui, comme les provinces l'ont indiqué, sera investi dans les régimes de soins de santé.
[Français]
M. Roy Cullen: Il y a aussi les deux documents qui sont préparés chaque année par le ministère. Peut-être pouvons-nous les donner au président du comité. Ils sont intitulés: Debt Management Report et Debt Management Strategy. Ces deux rapports sont publiés chaque année par le ministère, et nous allons les donner au président du comité.
M. Yvan Loubier: Je connais l'existence de ces deux documents. Par contre, cela ne répond pas à ma question. On est dans une ère de surplus budgétaires. Depuis l'an passé, le ministre des Finances a annoncé qu'il y aurait une planification quinquennale des budgets, c'est-à-dire qu'on essaierait, sur une période de plusieurs années, de voir quelles seraient les recettes et les dépenses. On essaierait de voir quel serait le portrait financier global du gouvernement.
Je me demande s'il existe un tel plan de gestion de la dette à long terme, avec des objectifs précis et des cibles à atteindre. Cela nous donnerait une petite idée des efforts qui sont faits par le gouvernement pour réduire le fardeau de la dette.
Je connais ces deux documents. Après sept ans aux finances, on connaît pas mal tous les documents. Mais je n'ai pas vu, jusqu'à présent, une vraie planification stratégique de réduction de la dette à long terme.
M. Roy Cullen: Monsieur Loubier, le ministre a aussi présenté à ce comité le plan fiscal et économique. Je ne sais pas exactement quel est son nom en français, mais c'était au mois de novembre de l'an passé. Il y a là un plan pour réduire la dette de 3 milliards de dollars à chaque année, et c'est représenté dans le plan quinquennal.
Le ministre a aussi fait un commentaire sur le ratio entre la dette et le produit intérieur brut, mais nous n'avons pas fixé de cible précise pour cela.
M. Yvan Loubier: Une cible...
[Traduction]
Le président: Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais remercier le secrétaire parlementaire et le sous- ministre associé de comparaître devant nous aujourd'hui.
Ma première question porte sur l'impôt sur les gains en capital. Le dernier budget a réglé en partie le problème qui se posait à l'égard de cet impôt en ramenant le taux d'inclusion de 75 p. 100 à 66 p. 100. Pourquoi le gouvernement n'est-il pas allé jusqu'à ramener ce taux à 50 p. 100 pour qu'il se compare davantage au taux en vigueur aux États-Unis? À l'heure actuelle, l'écart entre le taux canadien et le taux américain est toujours de 13 p. 100. Pourquoi cet écart étant donné l'importance de l'impôt sur les gains en capital dans la nouvelle économie, notamment dans le domaine du commerce électronique et de la biotechnologie?
M. Roy Cullen: Je vais commencer à répondre à cette question et je demanderai ensuite à M. Drummond de bien vouloir poursuivre. Lorsqu'un gouvernement établit un budget, il fait des choix. Nous avons été élus pour mettre en oeuvre un certain nombre de mesures qui sont proposées dans le budget. Le budget met évidemment l'accent sur la réduction des impôts pour l'ensemble des Canadiens, et en particulier pour les familles canadiennes qui comptent des enfants.
Le budget proposait aussi d'exempter d'impôt le roulement des gains en capital pour les entreprises qui démarrent parce que nous savons que les petites entreprises ont du mal à avoir accès à des capitaux. Le budget propose aussi d'autres mesures en ce qui touche les options d'achat d'actions. Comme vous le savez, des gains en capital ne seront réalisés que lorsque l'option est exercée.
Lorsqu'il s'agit d'abaisser le taux d'inclusion, il faut à un moment donné décider comment nous allons traiter différents types de revenu que ce soit les gains en capital, les salaires ou les profits des entreprises.
Je suis sûr que M. Drummond peut maintenant vous donner quelques précisions au sujet de cette politique.
M. Don Drummond: Nous avons effectivement examiné de très près le traitement fiscal réservé aux différents types de revenu. Certaines personnes peuvent choisir la façon dont elles toucheront leur revenu, mais d'autres pas. Le revenu peut prendre la forme d'un revenu d'emploi, d'intérêt, de dividendes ou de gains en capital. Il existe au moins quatre différents types de revenu. Nous voulons éviter un grand écart dans le traitement fiscal de ces différents types de revenu. Le taux actuel du crédit d'impôt pour dividendes qui est de 66 2/3 p. 100 est celui qui permet d'assurer le même traitement fiscal à tous les types de revenu.
Si nous ramenions le taux d'inclusion à 50 p. 100, ce type de revenu serait beaucoup moins imposé que les autres. On nous a fait remarquer que dans de nombreux cas il serait possible d'augmenter les revenus tirés des gains en capital en diminuant le taux d'inclusion si l'on ne considérait pas qu'il s'agit nécessairement d'un coût. Cela peut être vrai au début, mais cela inciterait les employeurs à indemniser leurs employés non pas en leur versant un revenu d'emploi, mais en leur permettant de réaliser des gains en capital. Il faudrait pour cela ajouter des centaines sinon des milliers de pages à la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'éviter qu'ils ne le fassent.
Il est difficile de viser la parité avec les États-Unis dans un domaine lorsqu'il n'y a pas de parité dans d'autres. Je reconnais à regret que l'impôt sur le revenu d'emploi, l'impôt sur le revenu de l'intérêt et l'impôt sur les dividendes sont moins élevés actuellement aux États-Unis qu'au Canada. L'écart entre nos pays s'amenuise cependant heureusement. Il serait cependant difficile pour nous de ramener le taux d'impôt sur les gains en capital au même niveau qu'aux États-Unis sans faire la même chose pour les autres types de revenu.
M. Scott Brison: Je comprends.
Vous pourriez augmenter le crédit d'impôt sur les dividendes pour rendre les gains en capital moins alléchants. Ce ne serait pas très difficile. Cela n'exigerait pas de modifier du tout le régime.
Je veux simplement faire valoir qu'il nous faudrait réduire le type d'impôt qui nuit le plus à l'essor de la nouvelle économie. L'impôt sur les gains en capital non seulement constitue un obstacle réel à la croissance des entreprises qui démarrent, mais il constitue un obstacle symbolique pour les investisseurs.
Compte tenu de la volatilité actuelle des marchés, et en particulier de la volatilité des actions des entreprises de haute technologie, les employeurs ne se mettraient pas tous à offrir des options d'achat d'actions à leurs employés plutôt que des salaires. Je ne pense pas que ce mode de rémunération aurait intéressé autant de gens ces dernières semaines qu'il y a quelques mois. Je ne pense donc pas que cette crainte soit réaliste.
• 0935
On donne souvent l'impression qu'il faut choisir entre les
réductions d'impôt, la réduction de la dette ou les investissements
dans le domaine de la santé. C'est comme si on ne pouvait avoir des
réductions d'impôt et investir en même temps dans le domaine des
soins de santé sans que cela signifie qu'on accepte de faire très
peu dans tous les domaines.
Qu'on songe aux énormes différences entre les États-Unis et le Canada pour ce qui est du financement gouvernemental accordé aux entreprises. Que ce soit par l'intermédiaire de DRHC, de l'APECA ou d'un autre programme de développement économique, une proportion beaucoup plus élevée du PIB va à financer les entreprises au Canada par rapport aux États-Unis. Je ne parle pas ici seulement de l'assurance-emploi. Je pense plutôt à des investissements gouvernementaux dans les entreprises par l'intermédiaire de programmes comme ceux qui sont mis en oeuvre par DRHC. Si je ne m'abuse, le dernier budget accordait 1,5 milliard de plus à ce ministère. Au lieu d'augmenter le budget de ce ministère—en fait on le réduit en chiffres réels—, pourquoi n'utilisons-nous pas cet argent pour réduire les impôts ou pour réduire encore davantage la dette nationale?
M. Roy Cullen: Je vous remercie, monsieur Brison. Vous avez parlé des subventions versées aux entreprises. Dans le cadre de l'examen des programmes, notre gouvernement a presque mis fin aux programmes de subventions des entreprises mis en oeuvre par le ministère de l'Industrie, par exemple.
Je crois qu'on a exagéré le rôle que joue DRHC dans ce domaine dans le feu du débat sectaire qui a porté sur ce ministère.
Le fait est que les disparités économiques régionales sont considérables au Canada. Il faut trouver des solutions adaptées à la situation canadienne étant donné que nous n'avons ni la densité de population ni les vastes marchés de capitaux qui existent aux États-Unis.
Nous pouvons clairement faire mieux, mais je pense qu'on peut dire que ces programmes ont été bénéfiques étant donné que le taux de chômage n'a jamais été aussi bas dans toute une génération.
J'aimerais faire une dernière observation et je céderai ensuite la parole à Don. Pour ce qui est des gains en capital et de la façon que le gouvernement peut aider les entreprises à avoir accès à des capitaux, Michael Porter a étudié la question dans un rapport publié il y a dix ans et qui s'intitulait Le Canada à la croisée des chemins. Il étudiait dans ce rapport la position compétitive du Canada. Dix ans plus tard, il a fait le point sur nos progrès. Il a conclu que si nous n'avions pas encore atteint tous nos objectifs, nous avions fait de très importants progrès au niveau macro-économique. Les gouvernements locaux et les gouvernements en général peuvent en faire bien davantage pour favoriser notamment les regroupements d'entreprises.
Il a aussi fait remarquer que le milieu des affaires doit se doter de meilleures stratégies. Nous tendons à vouloir éviter de prendre des risques au Canada. Je ne pense pas que tout soit attribuable au traitement fiscal. Ainsi, nous offrons parmi les plus généreux crédits d'impôt pour la R-D au monde et peu d'entreprises s'en prévalent. Le gouvernement peut établir un certain cadre, mais en bout de ligne, ce sont les entreprises... Le commerce électronique est un bon exemple. Les entreprises doivent aussi faire leur part.
Cela étant dit, monsieur Drummond, voulez-vous ajouter quelque chose au sujet du dernier point que soulevait M. Brison?
M. Don Drummond: Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que la majorité des fonds de DRHC vont aux entreprises. En fait, la proportion de cet argent qui va aux entreprises est très faible. On a beaucoup parlé du Programme de planification de l'emploi, mais ce programme ne représente qu'un peu plus de 100 millions de dollars. Les quatre plus importants programmes de subventions relevant de DRHC sont le Programme canadien de prêts aux étudiants, les Subventions canadiennes pour études, la Subvention canadienne pour l'épargne-études—le complément du REEE—et l'initiative de lutte contre l'itinérance qui a été annoncée en décembre 1999. Ce seul programme qui est géré par DRHC représente 432 millions de dollars. Il y a aussi le Fonds pour l'intégration des personnes handicapées et le Fonds d'alphabétisation. Bon nombre des programmes qui relèvent de DRHC ne s'adressent nullement au milieu des affaires.
M. Scott Brison: Nous parlions des programmes de développement régional. Les gens comparent souvent le Canada à l'Irlande, mais ce n'est sans doute pas un bon pays avec lequel nous comparer. On peut cependant faire des parallèles entre la relation entre l'Irlande et l'UE et la relation entre le Canada atlantique et le reste du Canada pour ce qui est de la péréquation et des paiements de transfert.
Monsieur Cullen, le gouvernement a-t-il songé à adopter une stratégie fiscale de péréquation musclée dans le Canada atlantique ou dans les provinces bénéficiaires pour aider la région à se passer de la péréquation qui ne fait que la maintenir dans un état de dépendance?
M. Roy Cullen: Je ferai d'abord observer qu'il est impossible d'avoir plusieurs régimes fiscaux fédéraux pour lutter contre le problème de disparité régionale.
M. Scott Brison: Par l'intermédiaire des paiements de péréquation, vous pourriez cependant inciter les provinces à adopter des politiques fiscales provinciales plus dynamiques.
M. Roy Cullen: Je demanderais à M. Drummond de bien vouloir répondre à cette question.
Pour revenir à l'exemple de l'Irlande, il y avait une certaine réticence au moment de la préparation du budget à réduire les impôts des entreprises avant d'avoir réduit les impôts sur le revenu personnel. Je pense qu'on comprend davantage maintenant qu'en réduisant les impôts des entreprises, on peut inciter celles- ci à investir davantage et à créer des emplois. Le coup d'envoi a été donné. Certains ont dit que les mesures que nous avons prises n'allaient pas assez loin, mais je ne le pense pas. Nous ramenons le taux d'impôt de 28 p. 100 à 21 p. 100. J'admets que c'est sur cinq ans. Comme le ministre l'a précisé, les mesures fiscales de 58 milliards de dollars représentent un minimum absolu.
Il est vrai qu'on peut dire que l'économie de l'Irlande s'est développée de façon phénoménale, mais comme vous l'avez laissé entendre, les énormes subventions que ce pays reçoit de la CE y sont pour quelque chose. Je crois comprendre que les taux d'imposition en Irlande vont remonter. Nous pouvons évidemment étudier le cas de ce pays, mais je ne suis pas sûr que cette solution convienne au Canada.
M. Scott Brison: Vous avez raison. Beaucoup de gens comparent l'Irlande et le Canada à tous les égards. Je ne pense pas que cette comparaison soit juste, mais je pense qu'on pourrait tirer certains enseignements de l'expérience irlandaise. Il serait bon de faire participer les provinces à une discussion réaliste sur le développement régional.
Monsieur Cullen, vous avez dit que réduire davantage la dette pourrait ralentir la croissance économique. Qu'entendiez-vous par là?
M. Roy Cullen: Tout dépend de l'importance des fonds qu'on souhaite affecter à la réduction de la dette. Le problème ne se pose pas lorsqu'il s'agit de 3 milliards de dollars par année. Dans les prévisions économiques quinquennales, nous avons prédit un excédent de 95 milliards de dollars bruts ou 62 millions de dollars nets. Si l'on affectait cette somme en entier à la réduction de la dette, si je ne m'abuse—et peut-être que M. Drummond pourra vous donner plus de précision à cet égard—cela pourrait ralentir la croissance économique. Nous nous efforçons vraiment de maintenir le taux de croissance économique actuel, lequel correspond au taux de croissance économique dans les pays industrialisés ou le dépasse. Cette tendance est censée se maintenir.
M. Scott Brison: Ne peut-on pas dire que la croissance économique actuelle est attribuable aux dépenses ou aux investissements gouvernementaux par opposition aux investissements du secteur privé? Je m'inquiète des tendances actuelles à la hausse pour ce qui est des taux d'intérêt.
• 0945
Dans ce contexte, je vois mal pourquoi réduire davantage la
dette ou se fixer des objectifs plus fermes à cet égard ralentirait
la croissance économique. Au contraire, un gouvernement qui a une
dette importante accapare les capitaux du secteur privé en
particulier si cette dette en tant que proportion du PIB est bien
supérieure à celle d'autres pays. Nous ne pouvons pas nous
permettre que ce soit le cas en particulier puisque nous avons
comme voisin un pays qui compte les plus importants marchés de
capitaux au monde et qui compte éliminer sa dette dans un délai de
15 ans.
M. Roy Cullen: Je crois qu'un rapport qui vient de paraître soutient que pour ralentir l'économie et éviter une hausse future des taux d'intérêt par la Banque du Canada, il serait bon de rembourser une bonne partie de la dette. Je ne suis cependant pas économiste et peut-être que M. Drummond peut vous en dire davantage là-dessus.
M. Don Drummond: Je ne m'inquiète pas tant de savoir si la réduction de la dette ralentirait la croissance économique. Si le seul problème auquel nous faisions face du point de vue économique et fiscal au Canada était celui de la réduction de la dette, c'est clairement dans ce domaine que nous ferions porter nos efforts, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Je crois que nous admettons tous que nos impôts sont devenus trop élevés.
Il faut faire des choix. Je comprends qu'il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle, mais je n'accepte pas la notion voulant que les réductions d'impôt vont se financer d'elles-mêmes. Les réductions d'impôt rapportent quelque chose, mais elles coûtent davantage. L'argent qu'on investit dans la réduction des impôts comme nous l'avons fait au cours des deux derniers budgets et surtout dans le budget de 2000 réduit la somme qu'on peut affecter à la réduction de la dette.
Nous avons cependant investi des sommes importantes dans les deux domaines. Nous aurions certainement pu réduire davantage la dette, mais cela aurait signifié que nous n'aurions pas autant réduit les impôts. Le taux d'impôt sur le revenu personnel ainsi que sur le revenu des entreprises serait demeuré élevé par rapport aux taux pratiqués par nos principaux partenaires commerciaux, et pas seulement les États-Unis.
Il est donc vrai que nous ne pouvons pas réduire la dette autant que nous le souhaiterions, mais nous avons pensé qu'il fallait réduire à la fois la dette et les impôts. Ce que l'on investit dans un domaine, on ne peut pas l'investir dans l'autre.
Le président: Je vous remercie, monsieur Brison.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Nous discutons maintenant davantage du budget que du Budget des dépenses du ministère, mais je suppose qu'on peut dire que les deux sont liés dans une certaine mesure.
J'aimerais que nous discutions de deux ou trois questions. Parlons d'abord de la dette nationale. Nous avons tenu un colloque l'an dernier auquel ont participé certains économistes et au cours duquel il a été question de l'importance de la dette, du ratio dette-PIB et des différents scénarios possibles. Si nous réduisons simplement la dette de trois milliards de dollars, cela ne changera pas beaucoup le ratio dette-PIB. Je crois que le vérificateur général a soulevé la question de savoir où devrait se situer le ratio dette-PIB.
Monsieur Drummond, vous avez dit qu'un ratio dette-PIB de 50 p. 100 dont nous nous rapprochons est sans doute encore trop élevé. Pourriez-vous nous dire ce qu'il adviendra si le ratio dette-PIB demeure de 50 p. 100.
M. Don Drummond: Je commencerai par dire que les économistes ne s'entendent pas sur ce qui devrait constituer un rapport dette- PIB adéquat. Il n'y a pas de consensus à cet égard. Il y avait cependant consensus—je pense qu'il y avait même unanimité—pour dire que ce ratio était trop élevé lorsqu'il a atteint 71 p. 100. Je pense qu'un ratio dette-PIB de 50 p. 100 demeure trop élevé.
Lorsque ce ratio était de 71 p. 100, cela signifiait que nous devions affecter au remboursement de la dette 36 cents sur chaque dollar perçu auprès des Canadiens. Cette somme ne sert pas à financer des biens et des services ou des investissements gouvernementaux, mais plutôt à payer les dépenses antérieures à ce titre. Nous devons toujours affecter 27 cents sur chaque dollar au remboursement de la dette, ce qui est trop. En ramenant le ratio dette-PIB à 50 p. 100, nous devrons toujours attribuer au remboursement de la dette 25 cents sur chaque dollar perçu. J'admets donc qu'on puisse soutenir que ce rapport est encore trop élevé.
• 0950
Un ratio dette-PIB de 50 p. 100 nous ramènerait à la situation
dans laquelle nous nous trouvions au milieu des années 80. Le
secteur privé et les dirigeants politiques de l'époque estimaient
alors que ce rapport était trop élevé. Je ne vois pas pourquoi leur
position aurait changé à cet égard.
Il faut évidemment tenir compte du niveau d'endettement d'autres pays. Un ratio dette-PIB de 50 p. 100 nous placerait dans une situation moins défavorable que par le passé par rapport à nos principaux partenaires commerciaux, mais notre ratio dette-PIB continuerait d'être plus élevé que le leur. Je vous rappelle que bon nombre de nos partenaires commerciaux cherchent à ramener à un niveau plus bas leur ratio dette-PIB.
Je ne peux pas malheureusement vous dire où devrait se situer idéalement ce rapport. Un ratio PIB de 50 p. 100 est-il trop élevé? Un ratio de 40 p. 100 ou de 30 p. 100 conviendrait-il? L'objectif est évidemment que ce rapport diminue.
M. Paul Szabo: Je conviens avec vous que les avis sont partagés sur cette question, mais je pense que quelqu'un contesterait l'affirmation que vous avez faite voulant que la réduction de la dette ne rapporte pas à l'heure actuelle. La dette est une accumulation de déficits passés engendrés pour certaines raisons. Cet argent n'a pas simplement été jeté par la fenêtre. Il a servi à financer le régime de santé ainsi que les programmes sociaux. Il a aussi permis de faire face aux graves fluctuations économiques que nous avons connues pendant de longues périodes. Nous avons traversé la pire récession que nous ayons jamais connue et les Canadiens ont continué de profiter de ces programmes. La dette est attribuable au fait que le pays n'a pas voulu prendre des mesures draconiennes simplement pour éviter de s'endetter.
Du point de vue stratégique, il n'y a rien de mal à avoir une dette à long terme. La question qui se pose pour bien des gens est de savoir à quel niveau devrait se situer cette dette et c'est ce qu'il conviendrait d'établir pour expliquer aux Canadiens s'il est nécessaire ou non d'éliminer la dette nationale. Il faudrait se pencher sur les conséquences d'une réduction importante de la dette.
Encourir une dette pour protéger les gens contre d'importantes fluctuations économiques et pour se doter des leviers nécessaires pour tirer parti des possibilités qui s'offrent n'est pas une mauvaise chose. C'est essentiellement ce que font les entreprises.
La raison pour laquelle je voulais parler de la dette est que le mois dernier, pour la première fois depuis 19 mois, le taux de croissance économique est demeuré stationnaire. Bon nombre de gens ont été surpris de constater cette interruption dans la croissance économique. Le moment est sans doute venu de nous demander si nous nous sommes préparés à faire face à un ralentissement.
Peut-être que nous pouvons faire fi de ce que nous enseignent les manuels d'économie et espérer que les taux d'intérêt et l'inflation demeureront toujours peu élevés, mais j'aimerais savoir ce que le ministère des Finances fait pour se préparer à faire face à un ralentissement économique et pour s'assurer que les Canadiens continueront de jouir des programmes dont ils jouissent maintenant?
M. Roy Cullen: J'aimerais d'abord faire remarquer que le taux de croissance économique pour le quatrième trimestre a été de 4,6 p. 100. Il s'agit du 18e trimestre de croissance économique soutenue.
M. Paul Szabo: Je parlais du mois dernier.
M. Roy Cullen: Du mois dernier? Je vois.
Avant de céder la parole à Don, j'aimerais faire une observation au sujet du cycle d'affaires traditionnel qui est en dents de scie. Je ne dis pas qu'il n'y a plus lieu de craindre des perturbations économiques, mais compte tenu des outils dont disposent maintenant les gouvernements et les autres intervenants, je ne pense pas qu'elles soient aussi importantes que par le passé. Le cycle des affaires continuera d'être en dents de scie, mais les perturbations seront moins importantes. L'observation que vous faisiez était cependant juste.
Vous pourriez peut-être poursuivre, monsieur Drummond.
M. Don Drummond: J'aimerais revenir pour un instant à la question de la dette. Lorsque je disais que la réduction de la dette ne comportait pas d'avantages, j'essayais de faire une distinction entre les avantages actuels et les avantages passés. Les 27 cents sur chaque dollar perçu qui sont affectés au service de la dette ne servent pas à payer les biens et les services que les gouvernements fournissent actuellement.
• 0955
Comme vous le soulignez, les dépenses passées engagées par le
gouvernement ont assuré le maintien de certains programmes. Voilà
pourquoi il ne serait pas avisé de songer à éliminer la dette. Dans
la mesure où il y a formation de capitaux et des dépenses
gouvernementales prospectives, les emprunts se justifient parce
qu'ils rapporteront quelque chose dans l'avenir.
Comme vous l'avez souligné, le taux de croissance a augmenté pendant 18 mois consécutifs et il a régressé le mois dernier. Je n'attache pas énormément d'importance à ce recul. Ce qui devrait nous surprendre ce n'est pas qu'il y ait eu un mois où le taux de croissance a régressé, mais 18 mois pendant lesquels il a augmenté.
Dans la deuxième partie des années 80, lorsque l'économie tournait à plein régime, le taux de croissance a régressé à plusieurs reprises. Pendant la longue période d'expansion que nous avons connue dans les années 60, le taux de croissance a beaucoup fluctué. Aujourd'hui, nous regardons le taux moyen et nous avons l'impression que le taux de croissance a toujours augmenté, mais ce n'est pas le cas.
Au beau milieu de la période d'expansion à la fin des années 80, il y a eu effondrement de la Bourse s'est effondrée en octobre 1987. À l'époque, l'expansion nous a paru soutenue.
Je n'attache donc pas beaucoup d'importance à ce recul. Néanmoins, il importe de penser à l'avenir et de se préparer dans la mesure du possible à un ralentissement économique éventuel.
Nous avons d'ailleurs pris un certain nombre de mesures en ce sens dont la plus importante m'apparaît être le maintien d'une politique de lutte contre l'inflation. La raison pour laquelle nous avons connu de graves récessions au début des années 80 et des années 90 est que le taux d'inflation est monté en flèche. Des mesures ont été prises pour réduire les tendances inflationnistes cycliques ainsi que le taux implicite d'inflation. Il a fallu adopter une politique monétaire très ferme.
Au pire, nous devrons faire face à une augmentation cyclique de l'inflation. Le taux implicite d'inflation n'est pas trop élevé.
L'incertitude du début des années 80 et du début des années 90 a été exacerbée par le problème de la gestion budgétaire. Nous avons éliminé les déficits. Nous avons beaucoup réduit la dette. Comme nous le faisions remarquer au début de la séance, nous avons pris des mesures pour protéger le gouvernement contre les effets d'une hausse éventuelle des taux d'intérêt en augmentant le terme jusqu'à échéance de la dette.
J'estime donc que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures positives très importantes non seulement pour réduire la possibilité d'un ralentissement économique, mais aussi pour atténuer les conséquences d'un tel ralentissement pour la population canadienne.
M. Paul Szabo: J'ai constaté que nous avions profité de taux d'intérêt favorables en rééchelonnant une bonne partie de la dette, ce qui est exactement ce que les Canadiens s'attendaient à ce que le gouvernement fasse.
Revenons enfin à la question des gains en capital même si c'est une question qui est davantage liée au budget qu'aux prévisions budgétaires. Avons-nous fait une étude pour établir combien de personnes se sont prévalues de l'exemption pour gains pour capital de 100 000 $ adoptée au milieu des années 80? Cette étude nous renseignerait sur l'avantage qu'il y aurait à modifier cette exemption.
Que je sache, il me semble que le problème lorsqu'on en a fait l'essai pour la première fois, c'est que cette exemption n'était pas conçue pour l'avenir mais pouvait servir à conserver des gains de sorte qu'une grande partie des sommes englobées dans les 100 000 $ n'a en fait servi à rien. De plus, on pouvait aussi s'en prévaloir pour les gains réalisés dans des investissements à l'étranger, ce qui n'apporterait jamais le moindre avantage direct au Canada, comme les propriétés de vacances, ou même des oeuvres d'art.
C'est une question très sérieuse, en ce qui me concerne, car il y a beaucoup d'instruments de capitaux propres sur le marché fondés sur des stratégies de dividendes et de réinvestissements—ce genre de dosage. Il me semble que les entreprises qui versent très peu de dividendes au profit de la croissance de leur société et donc de leur plus-value en capital deviendraient tout à coup beaucoup moins alléchantes pour l'investisseur public.
• 1000
Modifier l'assujettissement à l'impôt ou le pourcentage des
gains en capital effectivement imposables aurait des conséquences
énormes dans le marché et même entre les entreprises, selon la
stratégie qu'elles adoptent, leurs secteurs d'activités et le fait
qu'elles soient ou non des valeurs sûres à dividendes élevées.
Pensez-vous comme moi qu'il s'agit d'une question très complexe et
délicate et ne pas se contenter de dire qu'il y a des entreprises
de haute technologie qui accordent des contrats d'option et que
l'on devrait les encourager, elles, sans se soucier des
conséquences pour les autres?
M. Don Drummond: Vous avez d'abord parlé de l'exemption des 100 000 $. Un certain nombre d'études ont été faites. Une évaluation a été réalisée par le ministère des Finances. D'autres par des universitaires. Je ne me souviens plus s'il y en avait qui étaient favorables, mais je pense que l'on peut dire que la majorité d'entre elles n'y étaient pas favorables.
Comme vous l'avez dit, beaucoup de gens s'en sont prévalus mais surtout pour des choses comme une résidence secondaire, comme les chalets. Quand nous l'avons éliminée—et je pense que c'était la seule formule équitable—nous avons permis aux gens de réévaluer leurs propriétés à une date donnée, et nous savons qu'un grand nombre de gens l'ont fait. Mais dans l'ensemble, il ne s'agissait pas de ce que l'on pourrait considérer être des placements productifs pour l'économie; il s'agissait essentiellement de résidences secondaires.
Je pense que le régime actuel est meilleur. On met l'accent sur la marge de chaque dollar au lieu d'imposer un plafond. Comme vous, je pense tout à fait que toute la question des gains en capital, le revenu du capital, le traitement des gains, celui des pertes, est effectivement très compliqué. Comme j'essayais de le dire quand j'ai répondu à M. Brison, il est difficile et peut-être néfaste de faire un cas d'espèce du revenu du capital et d'accorder un traitement fiscal différent à une source de revenu par rapport aux autres. Notre objectif est d'alléger le fardeau fiscal de toutes les sources de revenu. Quant à savoir si l'allégement doit se faire strictement en parallèle, la question est posée, mais j'hésiterais beaucoup à créer une énorme distinction où il y aurait une fiscalité différente et une forme de revenu distincte des autres.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
J'ai une question.
M. Paul Forseth: Moi aussi.
Le président: D'accord.
Lorsque le ministre a pris la parole devant le comité l'an dernier, il a déclaré que la communauté internationale avait une vision périmée de l'économie canadienne. Nous ne dépendons plus autant des richesses naturelles et des marchandises. L'économie est plus diversifiée.
Si la perception qu'on se fait du Canada est périmée, à qui la faute? Qu'est-ce que le ministère, le ministre, le secrétaire parlementaire ou même le gouvernement fait pour y changer quelque chose?
M. Roy Cullen: Je me souviens lorsque le Premier ministre est allé à Davos pour le Sommet économique mondial, pas cette année mais l'an dernier. Lors de cette rencontre avec certains groupes, il essayait de déterminer pourquoi le dollar canadien était aussi malmené qu'il l'était. Un acteur très connu du marché mondial a répondu que l'économie canadienne reposait trop sur les matières premières. À cela le Premier ministre a répondu, ou dit plus tard, «Regardez les chiffres; la part des matières premières dans l'économie canadienne a vraiment baissé.» J'ignore ce qu'elle est aujourd'hui, mais elle est d'environ 15 ou 20 p. 100, ou à peu près.
D'après ce que je sais, des efforts sont en cours avec Équipe Canada, Industrie Canada et d'autres ministères pour faire savoir à la communauté internationale que nous ne sommes pas seulement des bûcherons et des porteurs d'eau. Beaucoup de ces pays sont très surpris lorsqu'on leur parle de nos compagnies de haute technologie. Je vous dirai donc qu'il faut faire davantage de choses de ce genre et faire passer le message. On le fait, mais peut-être faut-il le faire plus intensément encore.
Le président: Je suis aussi surpris que, si je me rappelle—et corrigez-moi si je me trompe—pendant les années de lutte contre le déficit, le jour du budget, un certain nombre de ministres allaient à l'étranger pour parler du Canada. Je me demande pourquoi, aujourd'hui que nous avons un excédent, nous n'avons pas... Nous avons pris certaines mesures pour nous doter d'une fiscalité capable d'affronter la concurrence internationale, et je dis bien «certaines mesures». Pourquoi le gouvernement ne lance-t-il pas à nouveau une opération de ce genre?
M. Roy Cullen: Je vais demander à M. Drummond de vous en dire davantage, mais des fonctionnaires sont allés à New York et à Londres pour en parler.
Monsieur Drummond, voulez-vous nous en dire plus?
M. Don Drummond: Je pense moi aussi tout à fait que les bonnes nouvelles devraient nous inciter davantage à faire ce genre de visites. En revanche, je dois dire que l'auditoire est moins réceptif qu'il ne l'était il y a cinq ans lorsque ces pays avaient d'énormes engagements au Canada et craignaient le pire pour leurs placements. L'auditoire était tout oreilles. Ce n'était peut-être pas le meilleur état d'esprit pour aller leur parler, mais si vous alliez à Londres ou à Tokyo à cette époque-là, il y avait des centaines d'investisseurs qui craignaient pour leurs placements.
Aujourd'hui, la plupart de ces investisseurs ont un pourcentage de leurs placements au Canada. Ils sont très confiants. Ils se sentent à l'aise. Il ne fait pas de doute que c'est à nous de les encourager à augmenter leur participation dans l'économie canadienne, mais ils ne se rongent pas les sangs à se demander ce qu'il va advenir de leur argent. Ils sont très confiants; c'est pourquoi ces rencontres suscitent moins d'intérêt.
Cela dit, comme M. Cullen l'a rappelé, nous avons envoyé des fonctionnaires dans tous les grands centres après le budget. Même si nous n'avons pas eu autant de participants qu'il y a six ou sept ans, l'intérêt et le nombre de participants étaient raisonnables. Il faut plutôt un programme à long terme pour maintenir l'intérêt à l'endroit du Canada, au lieu de tenir ces rencontres en état de crise.
Je voudrais préciser quelque chose. Lorsque l'on parle du secteur primaire au Canada, beaucoup de gens rappellent qu'il y a quelques années 60 p. 100 de nos exportations étaient des matières premières, aujourd'hui, le chiffre est inférieur à 30 p. 100. Mais je pense que cela va plus loin que cela. Cela revient un peu à dénigrer l'importance des matières premières au Canada. Il faut faire remarquer que la production de matières premières au Canada a changé du tout au tout. De fait, les industries du secteur primaire comptent parmi les plus développées et utilisent la technologie la plus récente.
Je vais vous en donner un exemple. Lorsque l'on a commencé à mettre en valeur les sables bitumineux, le prix du baril devait être de 25 $ US pour rentrer dans ses frais. Aujourd'hui, avec les progrès de la technologie, on rentre dans ses frais à 11, 12 ou 13 $. Il y a donc eu d'énormes changements.
Je pense que les arguments en faveur du Canada sont encore plus forts. Il y a deux mondes: un monde basé sur les matières premières et un monde qui ne l'est pas. Même dans l'univers des matières premières, le Canada aujourd'hui a une économie tout à fait moderne.
Le président: À propos de niveau de vie, je lis à la page 24, sous «Réduction du fardeau fiscal» que les «résultats escomptés» sont notamment «un soutien accru de la croissance économique, de l'esprit d'entreprise et de la productivité». Quelle importance votre ministère accorde-t-il à la productivité?
M. Don Drummond: Une importance extraordinaire. C'est notre pain quotidien. Le mot «productivité» a souvent des connotations négatives, et parfois ce n'est pas le mot que nous employons, mais au bout du compte le niveau de vie et la qualité de vie dépendent de la productivité. À longue échéance, c'est ce qui fixera les salaires et la rémunération et le niveau de l'emploi.
Nous avons obtenu un chiffre raisonnable en 1999. La productivité a progressé de 1,4 p. 100; une amélioration par rapport aux deux années précédentes. La poussée n'a pas été aussi forte qu'aux États-Unis, par contre. Nous estimons que nous pouvons faire mieux.
Si vous examinez presque tout ce que nous avons tenté de faire au fil des ans, notre objectif a été de faire progresser la productivité. Qu'il s'agisse de libre-échange, de réforme fiscale ou réglementaire, c'est le but. Mais la productivité n'est pas une affaire en soi, c'est le moyen de relever le niveau de vie au Canada.
Le président: Ce n'est pas le comité qui va vous contredire. Comme vous le savez sans doute, il y a un peu plus d'un an nous avons publié un rapport intitulé Stimuler la productivité pour relever le niveau de vie des Canadiens, dans lequel nous avons préconisé certaines mesures concernant la productivité.
Le problème est de taille, mais je n'ai pas le sentiment que... Même si, comme vous, je pense que lorsqu'on analyse chaque point, chacun est relié au niveau de vie ou à la productivité, je dois vous dire que comme président du Comité des finances je ne vois pas la passion qui a animé, par exemple, la lutte contre le déficit. Je pense que le niveau de vie et la productivité sont les vraies questions. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. J'ai la conviction inébranlable que si l'on ne règle pas la question, nous aurons de graves problèmes dans l'avenir.
• 1010
Je me demande pourquoi, du point de vue des communications,
puisque vous-même en avez parlé dans ce document sur les plans et
les priorités en la matière, la question n'occupe pas plus de place
dans le plan de communications du ministère.
M. Don Drummond: Encore une fois, je vous dirai qu'il y a autant de passion au ministère à propos de la productivité qu'il y en avait à propos du déficit. Je dirais même que la principale raison pour laquelle la lutte contre le déficit a été aussi passionnée n'était pas pour réduire le déficit en soi, mais pour améliorer la productivité et donc le niveau de vie. En un certain sens, l'élimination du déficit était un facteur du niveau de vie et non une affaire en soi.
Vous ne vous attendrez sans doute pas à un gros effort de communication à propos de la productivité en soi à cause des connotations négatives de ce mot et du fait que pour certains cela signifie travailler plus dur pour moins. C'est pourquoi vous constaterez que beaucoup de nos messages, comme celui que vous avez tiré du Budget principal des dépenses, parlent de niveau de vie. Mais le Canada ne s'est pas très bien tiré d'affaire sur le plan du niveau de vie au cours des 10 dernières années et ce qui anime tout le travail au ministère des Finances, de chacun des employés, du ministre et de M. Cullen, c'est de le relever. C'est notre objectif numéro un.
Je pense qu'il faudra faire un plus gros effort en communications parce que le message ne passe pas, mais je pense que toutes nos politiques, dans le budget de 2000, sont axées sur le relèvement du niveau de vie.
Le président: C'est ce qui me chicote. Je pense que vous intervenez sur ces points, mais j'ai l'impression, comme élu, quand je rentre dans ma circonscription, que la question du niveau de vie est un problème pour l'électorat, mais que celui-ci a le sentiment que... Pourquoi est-ce que le gouvernement n'en parle pas? Honnêtement, nous avons certains outils: le budget, la politique monétaire, la fiscalité. On investit dans les gens. Il y a sept ou huit mécanismes que l'on peut utiliser pour améliorer le niveau de vie. Moi, je pense que le message ne parvient pas aux gens. Je pense qu'il faudrait être plus dynamique. Je pense m'être fait comprendre.
M. Don Drummond: C'est un message qui est plus difficile à faire passer. Même si le gouvernement ne peut pas maîtriser le déficit, il exerce une grande influence sur lui. Vous avez des mécanismes qui influencent assez directement le déficit. Si vous faites un examen de programmes, comme nous l'avons fait en 1995 et 1996, vous avez assez bon espoir que cela fera sentir ses effets sur le déficit. Vous pouvez dire que vous avez pris telle ou telle mesure et montrer les résultats.
À propos du niveau de vie, comme vous l'avez dit, vous pouvez adopter toute une gamme de politiques pour l'influencer, mais de façon indirecte. Ce n'est pas comme si vous disiez que nous allons faire telle chose et que les effets sur le niveau de vie seront telle autre chose. C'est donc plus difficile à le faire comprendre aux gens et plus compliqué de suivre le progrès des politiques que vous avez adoptées.
Le président: Ce que j'ai vu... Vous avez raison à propos du mot «productivité». Dès que vous prononcerez ce mot, vous allez perdre un grand nombre de Canadiens parce qu'ils auront une réaction négative. Si vous ne pouvez pas gagner les gens à la productivité, vous pouvez sûrement les gagner à ses avantages: des revenus plus élevés, des salaires plus élevés, de meilleurs débouchés, etc. On devrait peut-être se concentrer plus sur les avantages réels plutôt que sur le mot.
M. Roy Cullen: Et puis, les gens ont tendance à faire correspondre cela à la productivité du travail, la production par travailleur ou quelque chose de ce genre, alors que c'est beaucoup plus compliqué que cela. C'est la façon dont nous utilisons toutes nos ressources, le capital, les gens, la technologie, etc., pour améliorer la qualité de vie. Et puis, quand vous examinez la qualité de vie des Canadiens, mesurez-vous cela strictement en termes économiques? Quel prix accordez-vous au système de santé, à l'éducation, à la criminalité...
Le président: Oui. Pour être juste, je pense que la qualité de vie est un problème mais, bien honnêtement, les gens pensent bien davantage à leur revenu. Ils disent, eh bien... Imaginons que le fossé se creuse entre les États-Unis et le Canada. Cela les inquiète s'ils gagnent 7 000 $ de moins. Il faut aussi être pratique à propos de ce genre de choses.
Cela dit, faut-il essayer de combler l'écart ou pas? Parfois je pense qu'il faut seulement essayer de faire de son mieux parce qu'il y a aux États-Unis une dynamique qui n'existe pas ici. Mais si en fait le fossé se creuse depuis 20 ou 30 ans, alors je crois que le problème ne cesse de grossir.
M. Paul Forseth: Je regarde l'ordre du jour et je vois que nous sommes censés discuter de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et des crédits connexes. J'ai des questions précises et bien senties à poser à ce propos.
Il est intéressant que les citoyens de la région d'Ottawa qui viennent de remettre leurs déclarations d'impôt sur le revenu aient noté que l'adresse sur l'enveloppe est à Shawinigan. Des gens m'ont parlé des difficultés que des citoyens d'Ottawa ont eu à communiquer avec ce centre. Les difficultés de s'exprimer en anglais à l'autre bout du fil ou même le refus d'aider un interlocuteur anglophone—une sorte d'expression politique—font partie des plaintes que j'ai entendues. J'espère que le message à la direction est bien entendu.
Aussi, il y a eu des interprétations particulières de la loi fiscale applicable au Québec qui ne le sont pas pour l'Ontario et cela a causé de véritables difficultés.
Tout d'abord, j'aimerais savoir quelle est la grandeur de ce centre de traitement? Combien y a-t-il d'employés? Je veux aussi savoir quels sont les projets de ces centres de traitement des déclarations du revenu? Quels sont les projets de croissance? Vers quoi se dirigent-ils? Parallèlement à cela, je veux savoir où est le nouveau centre de transmission électronique des déclarations. Où sont les administrateurs et quels sont les projets d'avenir? Au lieu de payer quelqu'un pour faire la transmission électronique pour vous, beaucoup de Canadiens ont été invités à se rendre sur un site Web pour transmettre directement leurs déclarations.
Ma question porte sur la perception des impôts par l'Agence des douanes et du revenu du Canada, au sujet de certains chiffres à propos de Shawinigan, et à propos du plan plus général et aussi certaines questions à propos de la transmission électronique.
Le président: Avant de répondre à la question, je signale pour votre information que même si l'ordre du jour porte sur les crédits 1, 5, 10 et 15 sous Agence des douanes et du revenu du Canada, le comité ne se penche que sur les crédits 1, 5, L10, 15 et 35 sous Finances. C'est pourquoi les fonctionnaires du ministère des Finances sont ici.
Je suis certain qu'ils peuvent répondre à d'autres de vos questions.
M. Roy Cullen: Oui, les autres questions suffiront. J'imagine que nous pourrions les prendre en délibéré ou peut-être...
Le président: Non. Le comité a décidé d'étudier les crédits 1, 5, L10, 15, 30 et 35 et ce n'est donc pas nécessaire. Si vous voulez y répondre, libre à vous.
M. Roy Cullen: Non, je préfère ne pas y répondre parce que je ne sais pas si j'ai les réponses ici.
M. Paul Forseth: Entendu. Est-ce que je peux poser une autre question?
Le président: Tout à fait.
M. Paul Forseth: Quelqu'un a parlé du faible taux de participation au programme de recherche et développement même s'il est très généreux par rapport aux autres pays. Les députés ministériels s'en sont beaucoup vantés. Ce qui me laisse perplexe, c'est donc le faible taux de participation. Je pense que cela s'explique peut-être par ce à quoi peuvent raisonnablement s'attendre ceux qui y participent, par rapport à d'autres impôts et à d'autres règlements. Y a-t-il eu des études sur la question? Beaucoup de représentants du gouvernement ont parlé du faible taux de participation à la recherche et au développement, même si le programme est très généreux. Pourquoi est-ce ainsi? Que se passe-t- il ici? Pouvez-vous nous répondre?
M. Roy Cullen: Je vais commencer. D'après un certain nombre de théories—M. Drummond pourra peut-être parler de certaines études—nous souffrons peut-être du syndrome de l'économie de succursale, si vous me passez l'expression. Certaines petites entreprises font face à des difficultés administratives, de la paperasserie que l'Agence du revenu essaie de corriger. Mais pour avoir parlé à des compagnies qui songent à s'établir au Canada, je sais que pour certaines d'entre elles c'est quelque chose de très important.
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Don, avez-vous des études là-dessus?
M. Don Drummond: Oui. Il y a un certain nombre d'études tant au ministère que par des universitaires. Les deux constatations les plus courantes, dont une a été mentionnée par M. Cullen, sont qu'il s'agit de succursales. Beaucoup de R - D se fait au siège de l'entreprise, souvent aux États-Unis, et c'est pourquoi le Canada est très fort pour ce qui est de l'adaptation de nouvelles technologies et moins pour ce qui est du développement, qui se fait d'ordinaire au siège de la société.
Le deuxième facteur, comme beaucoup d'autres choses, c'est que nous nous comparons aux États-Unis et que notre R - D dans son ensemble est beaucoup moins important que le leur. Une grosse partie de la R - D aux États-Unis est reliée à l'industrie de la défense, dont une grande partie se fait directement ou indirectement grâce aux fonds du gouvernement fédéral. Évidemment, c'est très peu le cas ici. Si vous excluez le volet défense des deux pays, la comparaison ne joue pas tant en défaveur du Canada.
Je ne serais pas étonné si le troisième facteur était celui que vous avez relevé: le taux d'imposition des sociétés plus élevé au Canada. C'est un facteur dissuasif. Cela ne rapporte pas autant et c'est une des raisons pour lesquelles dans le budget nous avons proposé de faire passer le taux d'imposition général des sociétés de 28 p. 100 à 21 p. 100. Additionné au taux provincial moyen, cela nous mettrait à peu près à égalité avec les taux des sociétés aux États-Unis. À tout le moins, il ne sera donc plus avantageux de faire quelque chose aux États-Unis plutôt qu'au Canada à cause d'un taux de rendement après impôt plus avantageux là-bas.
M. Paul Forseth: Si on compare, d'abord en chiffres absolus, comment cela nous coûte-t-il de percevoir nos impôts? Nous devons sûrement faire une analyse comparative de notre productivité: ce que cela coûte pour ce que nous percevons, l'utilisation de la technologie et la transmission électronique. Où nous situons-nous? D'abord, avons-nous des chiffres sur ce que cela coûte de percevoir l'impôt fédéral? Et comment notre productivité se compare-t-elle à celle du G-7 ou des pays de l'OCDE?
M. Don Drummond: Encore une fois, vous voudrez peut-être poser la question à l'Agence, mais le budget de l'Agence est d'environ 2 milliards de dollars et elle perçoit en tout pour le gouvernement fédéral 160 milliards de dollars. Il ne faut pas oublier toutefois qu'elle perçoit aussi la plus grande partie des recettes des provinces et qu'elle fait bien davantage que de percevoir les recettes. Elle administre beaucoup de programmes d'avantages sociaux, comme la prestation fiscale pour enfants et le crédit de TPS.
Si vous réunissez tout ce qu'elle fait en matière de politique sociale, ce qu'elle perçoit pour le gouvernement fédéral et ce qu'elle perçoit pour les provinces, pour un budget d'environ 2 milliards de dollars, elle fait pour environ 300 milliards de dollars d'activités. Les frais généraux sont donc très bas. Ce budget, malgré l'augmentation de sa charge de travail, tant en perception de sommes plus importantes que pour l'augmentation énorme du trafic transfrontalier, a à peine changé ces dernières années. C'est parce qu'elle tire profit des gains d'efficacité rendus possibles.
En particulier, une de vos questions portait sur la transmission électronique des données, et il est évident que l'adoption de cette méthode ces dernières années va se généraliser, ce qui va davantage abaisser les coûts. Par rapport à d'autres pays, c'est donc une activité très peu coûteuse et son efficacité augmente nettement depuis quelques années.
Le président: Au nom du comité, je tiens beaucoup à vous remercier, messieurs Cullen, Drummond et Bujold d'avoir répondu à nos questions. Nous vous remercions aussi de vos réponses et de vos exposés.
J'informe les membres du comité que cet après-midi nous discuterons des crédits du budget à 15 h 30.
Merci à nouveau, monsieur Drummond.
M. Roy Cullen: Merci beaucoup.
Le président: La séance est levée.