FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 3 mai 2000
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à toutes les personnes ici présentes. L'ordre du jour est une étude sur le plan de réduction des effets des catastrophes naturelles.
Je tiens d'abord à remercier tous les membres du comité qui ont accepté de relever ce défi. C'est une question que nous avons abordée lors des consultations prébudgétaires et nous avons jugé bon d'y consacrer une table ronde. Les membres du comité décideront ensuite s'ils produiront un résumé des témoignages ou un rapport qui sera remis à la Chambre des communes.
Nous avons hâte de vous entendre. Nous nous tournons vers les participants à la table ronde pour qu'ils nous disent, grâce à leur savoir-faire, quelle est la meilleure façon de faire face aux catastrophes naturelles au pays du point de vue du Comité des finances et de ses fonctions. Je vous souhaite la bienvenue.
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui les témoins suivants: Allan Bartley, directeur général, Politique, planification et état de préparation, Protection civile Canada; George Anderson, président et chef de la direction, ainsi que Paul Kovacs, premier vice-président, Élaboration des politiques et économiste en chef, Bureau d'assurance du Canada; James Anderson, directeur général, Conservation Ontario (Newmarket); James Bruce, associé principal, Global Change Strategies International; Roger Nicolet et Hubert Stéphenne de l'Ordre des ingénieurs du Québec; Son Honneur le maire Tom Euverman de la ville de Houston ainsi que M. Allan Davenport, président du Comité national canadien pour la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles.
Nous entendrons d'abord M. Anderson, président et chef de la direction du Bureau d'assurance du Canada.
Comme vous le savez, vous disposez de 5 à 10 minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions. Soyez le bienvenu.
M. George D. Anderson (président et chef de la direction, Bureau d'assurance du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Aujourd'hui est une journée importante pour nous. Je tiens à remercier tous les autres participants d'avoir accepté de comparaître également.
Je tiens aussi à souligner le leadership dont votre comité a fait preuve en abordant sérieusement la question de l'état de préparation aux catastrophes naturelles, y compris les tremblements de terre, et en l'abordant dans vos rapports prébudgétaires. C'est une initiative extrêmement importante pour le pays. Je vous remercie évidemment également d'avoir organisé cette journée d'audience.
Là où nous en sommes au pays sur cette question, c'est que le message de l'état de préparation et de la réduction des catastrophes est entendu. Le ministre des Finances, Paul Martin, considère maintenant que l'augmentation des secours aux sinistrés est un important défi budgétaire pour le gouvernement fédéral dans les années à venir. Dans une entrevue accordée au périodique Options Politique l'été dernier, il a déclaré ce qui suit:
-
Depuis trois ou quatre ans, les secours aux sinistrés se sont
révélés extrêmement coûteux. Cette activité sera onéreuse.
C'est l'essentiel de notre message d'aujourd'hui. Il faut reconnaître le problème et le gouvernement fédéral est bien placé pour faire quelque chose.
Les Canadiens comptent sur leurs élus, et plus particulièrement sur les membres du comité pour protéger la situation financière des générations futures en cernant les menaces pour notre bien-être financier et économique. Notre exposition aux risques de pertes attribuables à des catastrophes naturelles est une de ces menaces.
Au cours des quatre dernières années, les Canadiens ont été victimes de désastres naturels très coûteux et perturbateurs, qu'il s'agisse des inondations au Saguenay en 1986 et dans la vallée de la rivière Rouge en 1997 ou de la tempête de verglas qui a dévasté l'est de l'Ontario, le Québec et une partie du Nouveau-Brunswick en janvier 1998. Plus de 4 millions de Canadiens ont été directement touchés par des phénomènes météorologiques extrêmes au cours de cette période.
• 1540
Le montant des paiements de rétablissement à la suite d'un
sinistre a doublé tous les 5 ou 10 ans tout au long des années 80
et 90. Au cours des quatre dernières années, les gouvernements du
Canada, et en particulier le gouvernement fédéral, ont engagé
500 millions de dollars en moyenne pour réparer les dégâts
provoqués par des phénomènes météorologiques extrêmes.
Qui plus est, ces sommes ne sont rien en comparaison des pertes plus importantes encore que pourrait nous réserver l'avenir. Je l'affirme non seulement à cause des signes de détérioration du climat mais aussi à cause de la possibilité très réelle qu'un séisme important frappe un centre urbain comme Vancouver, entraînant des milliards de dollars de dégâts et un très grand nombre de morts.
Les scientifiques réunis autour de cette table et leurs collègues dans le monde sont d'avis que de nombreux facteurs font que les phénomènes météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquents et dévastateurs. Le changement climatique en est un, l'urbanisation en est un autre, auxquels il faut ajouter le vieillissement de l'infrastructure—un véritable problème au Canada actuellement—et la croissance démographique. Tous ces facteurs font que les conséquences de catastrophes naturelles sont de plus en plus graves.
Selon le plus récent rapport sur le programme environnemental des Nations Unies,
-
Il semble que les catastrophes naturelles deviennent plus
fréquentes et que leurs effets s'aggravent [...] Il est probable
que la montée des températures planétaires [...] augmente le nombre
des événements météorologiques extrêmes tels tempêtes, pluies
abondantes, cyclones et sécheresses.
Si vous avez regardé l'émission d'information matinale de CTV hier, vous saurez qu'une véritable menace de sécheresse plane sur les Prairies cet été, accompagnée de véritables tempêtes, de grêle notamment, dans la région de Calgary.
Comme l'ont reconnu votre comité et le ministre des Finances, les secours en cas de catastrophes naturelles constituent un passif non capitalisé croissant pour tous les pouvoirs publics, en particulier pour le gouvernement fédéral, et un risque de fardeau de plus en plus lourd pour le contribuable canadien.
Ce passif financier, sans parler de la menace qui pèse sur les vies humaines, peut être réduit considérablement si le Canada investit pour atténuer la vulnérabilité des collectivités face aux catastrophes naturelles. L'investissement dans des ouvrages essentiels peut avoir un effet spectaculaire et protéger les agglomérations contre les désastres naturels. J'en veux pour preuve le canal de dérivation de Winnipeg, qui a sauvé la ville du désastre lors de la crue de la rivière Rouge. Ces investissements permettent non seulement d'épargner des vies, mais ils créent des emplois, protègent et augmentent les revenus et ajoutent à notre prospérité dans l'immédiat.
Même si le rôle du gouvernement fédéral dans la réduction des effets des catastrophes naturelles fait que la question touche chacun de nous, chaque région se trouve exposée à des risques différents. Chaque région du pays est exposée au risque d'inondation, plus ou moins élevé selon l'endroit où l'on se trouve. Je crois que monsieur le maire en parlera dans son exposé et évoquera le cas de la Colombie-Britannique.
Ainsi, les provinces de l'Atlantique doivent composer avec des ouragans et des raz-de-marée dans la baie de Fundy, contenus par des digues érigées il y a 300 ans par les colons acadiens et qui n'assurent aucune protection en cas d'ouragan. Au Québec, en plus du risque d'inondation, il y a des risques réels de séismes à Montréal et dans la vallée du Saint-Laurent. L'Ontario est de plus en plus touché par des tempêtes de vent dans le couloir qui va de Windsor jusqu'au nord de Barrie. À Calgary, la menace vient surtout de la grêle. Chaque été, il y a plus de 40 tempêtes de grêle dans la région de Calgary; les députés de l'Ouest connaissent bien ce risque. La Colombie-Britannique, quant à elle, vit sous la menace réelle de tremblements de terre.
Les problèmes varient donc légèrement d'un endroit à l'autre du pays, mais la conclusion est la même. Nous ne sommes pas bien préparés à affronter ces difficultés. Le Canada a mieux fait que la plupart des autres pays pour aider ses habitants à rebâtir leur collectivités à la suite d'une catastrophe. Nous sommes même des leaders mondiaux. Par contre, pour ce qui est de la réduction des effets des catastrophes avant qu'elles ne se produisent, nous avons beaucoup à apprendre et à faire.
• 1545
Le Bureau d'assurance du Canada a proposé de créer un fonds de
750 millions de dollars financé par toutes les administrations au
cours des cinq prochaines années pour investir dans des projets
conçus pour rendre nos collectivités plus résistantes. Le programme
d'infrastructure annoncé dans le récent budget fédéral jouerait un
rôle très utile à cet égard.
Nous pressons donc le gouvernement de faire en sorte qu'en vertu des consignes qui encadreront le nouveau programme, la réduction des effets des catastrophes naturelles figure au nombre des objectifs des projets d'infrastructure admissibles à une aide financière. Plus particulièrement, nous proposons que les projets soient financés si l'on peut démontrer que les économies découlant de la réduction du risque de dégâts dépassent le coût de l'investissement en prévention. Autrement dit, nous ne demandons pas au comité ou au gouvernement d'accepter comme allant de soi que ces investissements seront efficaces, mais nous lui demandons de les assujettir à une rigoureuse analyse avantages-coûts.
Nous croyons également que le mécanisme actuel d'aide aux sinistrés—M. Bartley vous en parlera peut-être tout à l'heure—devrait être modifié pour que l'on puisse investir dans la réduction des catastrophes pendant la période de rétablissement. C'est souvent à ce moment que les meilleures idées sont lancées et que le soutien de la population est le plus solide. Si nous dépensons un peu plus pendant la phase de rétablissement pour déterminer ce qu'il faudra faire la prochaine fois qu'il y aura une catastrophe, nous préparerons mieux les collectivités à faire face à ces éventualités. La formule actuelle ne permet pas, semble-t-il, d'investir dans la réduction des désastres naturels.
Enfin, nous devons nous forger ensemble une culture dite «de préparation» pour que toutes les décisions de planification des autorités et des citoyens tiennent compte du risque croissant d'une catastrophe naturelle coûteuse.
Nous avons fait part de ces propositions aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Nous en avons parlé aux fonctionnaires municipaux et provinciaux, aux scientifiques, aux associations reliées à nous et je peux vous dire qu'elles ont obtenu des appuis vigoureux. L'idée de renforcer nos collectivités rejoint le vécu de tous les Canadiens.
En ce moment même, des fonctionnaires du Conseil du Trésor rencontrent leurs homologues provinciaux pour discuter des modalités du nouveau programme national d'infrastructure. En formulant une recommandation ferme, à ce moment critique dans le développement du programme, le comité ferait preuve de leadership et contribuerait à l'inclusion d'objectifs liés à la réduction des effets des catastrophes naturelles au nombre des modalités du programme.
Je vous enjoins également d'appuyer le prochain examen des mécanismes d'aide financière en cas de désastre pour faire fond sur les points forts existants du programme, évidents aux yeux de tous, et faire une place à la réduction des désastres pendant la période de rétablissement. Je vous presse en outre d'appuyer la mise en place d'une stratégie nationale de réduction pour créer une culture de réduction des catastrophes grâce à la sensibilisation, le rapprochement des parties, le dialogue et l'intégration de la réduction des pertes à l'examen courant de la politique publique au Canada.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson.
Nous entendrons maintenant M. Allan Bartley, directeur général de la Politique, de la planification et de l'état de préparation de Protection civile Canada. Bienvenue.
M. Allan Bartley (directeur général, Politique, planification et état de préparation, Protection civile Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.
Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la première semaine de mai est la Semaine de la protection civile au Canada et il nous semble donc tout à fait opportun que votre comité ait choisi cette semaine pour discuter des questions de préparation aux situations d'urgence et en particulier des mesures permettant de réduire les probabilités de risque.
La Semaine de la protection civile n'est qu'une des nombreuses initiatives en partenariat que Protection civile Canada coordonne avec nos collègues des provinces, des territoires, des organisations non gouvernementales et du secteur privé pour favoriser une meilleure préparation aux situations d'urgence. C'est un élément essentiel du mandat et de la mission de PCC.
• 1550
Comme vous le savez peut-être, PCC est une agence civile au
sein du ministère de la Défense nationale qui a pour mandat de
mettre en place et de maintenir un niveau approprié de préparation
civile aux situations d'urgence au Canada.
[Français]
Nous avons pour mission de protéger les vies et d'atténuer les dégâts en favorisant une meilleure préparation aux situations d'urgence. En cas d'urgence exigeant l'intervention du gouvernement fédéral, c'est à Protection civile Canada qu'il appartient de coordonner cette intervention.
[Traduction]
Avec votre permission, j'aimerais vous faire une description qui vous informera sur une question de politique publique qui revêt de plus en plus d'importance pour les Canadiens.
En termes de politique publique, la gestion des situations d'urgence est généralement considérée comme se composant de quatre piliers. Le premier de ces piliers est l'atténuation. Il s'agit de mesures prises pour réduire la probabilité de risque ou de limiter ses effets en cas de situations urgentes. Le deuxième est la préparation. Ce sont des mesures qui visent à mettre en place des politiques, des procédures et des plans efficaces pour gérer au mieux une situation d'urgence. Le troisième est l'intervention. Ce sont des mesures prises immédiatement avant, pendant ou directement après une catastrophe. Le dernier est la restauration. Ce sont des mesures visant à fournir des services essentiels ou un soutien essentiel aux particuliers et aux groupes qui s'efforcent de réparer et de restaurer leurs communautés après une catastrophe.
La législation d'exception au Canada couvre principalement la préparation et l'intervention tant au niveau fédéral que provincial. Il en va de même pour la majorité des programmes de préparation aux situations d'urgence ou de mesures en cas de situations d'urgence. La focalisation de ces programmes a fait en sorte qu'au cours des deux dernières décennies, le niveau de préparation et d'intervention dans tout le pays est de plus en plus global et d'une qualité généralement supérieure.
[Français]
Comme vous le savez, par mesures d'atténuation, on entend les mesures qui se prennent avant que ne survienne une situation d'urgence afin de diminuer ou d'atténuer les incidences des catastrophes d'origine naturelle ou dues à l'erreur humaine. Les mesures visant à atténuer les risques de danger, à réduire les pertes occasionnées par les catastrophes et à créer des collectivités... [Note de la rédaction: Mot inaudible] ...s'inscrivent bien dans un processus de gestion des risques publics.
[Traduction]
Quels sont les facteurs qui affectent le risque au Canada? M. Anderson en a déjà cité certains. L'un de ces facteurs est la superficie et la diversité géographique de notre pays. La concentration géographique de plus en plus forte de la population signifie que les collectivités canadiennes sont de plus en plus vulnérables aux catastrophes. Les risques supplémentaires posés par le changement climatique, le vieillissement ou l'inadéquation des équipements collectifs et l'augmentation de la dépendance envers la technologie augmentent encore plus la diversité déjà existante de danger.
[Français]
L'atténuation des dégâts causés par les catastrophes est un domaine auquel on s'intéresse davantage au Canada et à l'étranger, cela pour des raisons évidentes et importantes. S'il nous est possible, comme gouvernement et comme Canadiens et Canadiennes, d'aider à atténuer les incidences des catastrophes, il nous incombe de le faire.
Le gouvernement du Canada a contribué dans une certaine mesure à rassembler les intéressés et les intervenants en vue d'un débat préalable sur cette question.
[Traduction]
Depuis la fin de 1997, Protection civile Canada, de concert avec l'industrie de l'assurance, fait une évaluation auprès de tous les groupes potentiels d'intervenants des critères nécessaires à une mise en place coordonnée de mesures d'atténuation. À l'automne 1998, plus de 400 personnes ont participé à des discussions sur la préparation aux catastrophes dans des ateliers et lors d'une conférence nationale sur les mesures d'atténuation coparrainée par Protection civile Canada et l'Institute for Catastrophic Loss Reduction. Ces participants regroupaient un large éventail d'intervenants, y compris des représentants d'organismes à but non lucratif, de groupes des Premières nations, de l'industrie, de l'université et de tous les paliers de gouvernement.
Depuis cet événement, nous continuons à consulter les autres gouvernements et toutes les parties intéressées. Cependant, notre travail sur ce dossier a été mis en veilleuse lorsque, avec tous les autres responsables du gouvernement canadien, nous avons participé à la mise en place de mesures d'atténuation des risques potentiels du passage à l'an 2000. Maintenant que cette transition à l'an 2000 est dernière nous, PCC a repris ce travail important, notamment en proposant une méthode plus intégrée de mise en place de mesures d'atténuation des catastrophes au Canada. Plus précisément, nous réexaminons actuellement notre rôle au sein d'un vaste éventail de partenaires et d'intervenants au niveau des mesures d'atténuation des catastrophes, y compris le rôle que le gouvernement du Canada lui-même devrait jouer au sein de ce cadre de gestion des situations d'urgence.
• 1555
C'est donc avec grand intérêt que nous suivons vos audiences.
Il est clair que pour faire avancer cette initiative importante, il
est nécessaire de très bien comprendre toutes les questions
corollaires et les points de vue de nos différents et divers
partenaires. J'écouterai donc, encore une fois, avec beaucoup
d'intérêt ce qui se dira aujourd'hui.
C'est la conclusion de mes remarques. Je me ferai un plaisir d'essayer de répondre à vos questions quelles qu'elles soient.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bartley.
Nous allons tous vous entendre d'abord puis nous passerons à la séance de questions et de réponses.
Représentant Conservation Ontario (Newmarket) nous avons M. James Anderson, directeur général.
M. James S. Anderson (gérant général, Conservation Ontario (Newmarket)): Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, je vous remercie de nous offrir la possibilité de participer à vos délibérations sur la gestion et l'atténuation des désastres.
Conservation Ontario est l'organisation qui regroupe 38 offices de protection de la nature de l'Ontario. Cela fait 55 ans que nous assurons la protection des bassins hydrographiques au niveau local.
À la fin des années 30 et au début des années 40, l'état des ressources naturelles de l'Ontario inquiétait les autorités publiques. L'érosion, les inondations et la sécheresse n'étaient parmi beaucoup d'autres que quelques-uns des symptômes de l'utilisation inconsidérée et abusive des ressources. Une des stratégies retenues pour remédier à cette situation malheureuse a été l'adoption de la Loi sur les offices de protection de la nature. Cette loi permettait aux collectivités locales de constituer des offices de protection de la nature et d'établir des programmes de conservation bassin hydrographique par bassin hydrographique. Si les collectivités locales étaient disposées à former ces entités, le gouvernement provincial s'engageait à les soutenir financièrement et techniquement.
Depuis, 38 offices de protection de la nature ont été constitués, couvrant 90 p. 100 de la population de l'Ontario et offrant des programmes d'une valeur de 100 millions de dollars par an. À cause de leur domaine unique de compétence, les offices de protection de la nature dans les bassins hydrographiques concentrent la majeure partie de leurs efforts sur l'eau et sa gestion.
En 1954, l'Ontario a été frappé par l'ouragan Hazel qui a tué six personnes et provoqué d'importants dégâts matériels. Les décisionnaires et le public lui-même ont réellement pris conscience du potentiel dévastateur d'événements de cette nature. Le fait que le plus fort de la tempête ait frappé la rivière Humber à la limite ouest de Toronto nous a clairement montré que nos développements urbains étaient mal préparés et improprement planifiés pour de tels événements.
Les deux paliers de gouvernement qui cherchaient une solution ont conclu que les offices de protection de la nature de l'Ontario forts de leur mandat de conservation, de leur compétence sur les bassins hydrographiques et de leurs relations communautaires feraient un partenaire idéal. Ce partenariat a été aussitôt créé et les années suivantes ont vu la création de nombreuses nouvelles structures de contrôle des inondations: barrages, digues et canaux. Le barrage et le bassin de retenue des eaux Fanshawe sur la rivière Thames et le Claireville sur la Humber ne sont que deux des exemples de nombre d'installations qui ont été construites pour lutter contre les dangers d'inondation. Aujourd'hui, lorsque vous vous promenez à la limite de Toronto ou de ce qui était la limite de Toronto, vous pouvez toujours voir les traces matérielles des nombreux canaux de contrôle des inondations construits à l'époque.
L'objectif à l'époque était de protéger la population contre les inondations et la technologie était fondée sur le contrôle physique. Cependant, avec le temps, d'autres stratégies ont été adoptées par les gouvernements en coopération avec les collectivités pour lutter contre les dangers d'inondation, en plus des simples contrôles physiques. On a conféré aux offices de protection de la nature le pouvoir de réglementer l'urbanisation dans les zones à risque d'inondation, les plaines inondables comme on les appelle et de plus, on leur a donné les ressources pour cartographier ces zones par anticipation.
Des politiques provinciales relevant de la Loi sur l'aménagement du territoire qui établit les plans d'occupation des sols de l'Ontario faisaient spécifiquement référence aux dangers d'inondation et énonçaient les critères de plaines d'inondation. Ces politiques exigeaient des municipalités qu'elles s'assurent que les plans d'occupation des sols respectent les dangers d'inondation. La province de l'Ontario y déléguait sa responsabilité d'aide aux municipalités dans ce domaine aux offices de protection de la nature.
Ces pouvoirs non structurels interdisaient toute urbanisation dans les plaines inondables. De plus, le gouvernement offrit d'assumer une partie du coût du déplacement de projets d'urbanisation dans des zones à risques extrêmes d'inondation. Dans de nombreuses vallées de l'Ontario, les zones urbaines sont le fruit de ces efforts. Nous avons inventé un nouveau terme pour les promoteurs à l'intention du public: les lotissements sous-marins.
En 1978 les gouvernement du Canada et de l'Ontario ont ratifié le programme Canada/Ontario de réduction des dégâts dus aux inondations et un budget financé par les deux gouvernements a permis de cartographier les zones sujettes à inondation. Ces efforts n'ont pas toujours été sans problème. Nombre de promoteurs et d'officiels municipaux considéraient cette intrusion dans l'aménagement du territoire comme une expropriation sans indemnisation et la polémique sur l'opportunité de réserver les plaines inondables aux rivières a duré pendant des années.
Aujourd'hui, ces outils de planification sont utilisés et acceptés et de nouvelles stratégies encore plus anticipatrices sont appliquées. La gestion des eaux fluviales et des nappes souterraines permet d'éviter que les nouveaux projets d'urbanisation ne provoquent en aval des dangers d'inondation.
• 1600
Ces stratégies à multiples facettes fonctionnent-elles? En un
mot, oui. Je me propose de vous citer trois exemples démontrant que
les mesures d'atténuation et le système de prévention d'inondation
en Ontario fonctionnent jusqu'à un certain point.
Premièrement, Environnement Canada a analysé les conséquences d'une succession de précipitations importantes pendant les mois d'août et de septembre 1986. Il se trouve que ces précipitations sont tombées à cheval sur la frontière entre le Michigan et l'Ontario. En tout, 17 bassins hydrographiques étaient concernés et ils étaient d'une similarité remarquable. Les précipitations étaient légèrement supérieures en Ontario et ont provoqué des débits de crue plus importants. La comparaison des dégâts d'inondation a montré que le Michigan avait subi pour près de 500 millions de dollars de dégâts avec pertes de vie alors qu'en Ontario ces dégâts s'étaient montés à moins 500 000 $ et sans aucune perte de vie.
Dans son analyse, Environnement Canada concluait que les inondations de 1986 démontrent que lors d'inondations importantes, les avantages à long terme de stratégies de gestion non structurelles des plaines d'inondation peuvent être énormes, pouvant atteindre des centaines de millions de dollars. Toujours selon cette analyse, la raison majeure des différences au niveau des dégâts entre les deux pays correspondait au niveau d'aménagement dans la plaine inondable directement lié aux méthodes de gestion.
Le deuxième exemple que je vous citerai est tiré d'un article publié en septembre 1999 dans le Boston Globe. Cet article faisait remarquer que la U.S. Federal Emergency Management Agency (L'Agence américaine de gestion des situations d'urgence) se bat contre des décennies de politiques d'aménagement qui ont permis aux Américains de s'installer à demeure dans des lieux dangereux. En conséquence, le Congrès doit continuellement affecter de plus en plus de fonds publics à leur protection. Selon le président du Centre John Heinz, groupe de réflexion non partisan, il faut que les États-Unis changent de politique, adoptent une politique de prévention des dégâts d'inondation, ou se fassent à l'idée que les inondations leur coûteront de plus en plus cher.
Comme dernier exemple, je citerai celui qui a déjà été cité, celui du Saguenay. Qui peut l'oublier? L'inondation du Saguenay au Québec en 1996 a coûté près de 800 millions de dollars et dix vies. Un de nos offices de protection de la nature, l'Office de protection de la nature de Grand River, a transposé la tempête du Saguenay, le phénomène météorologique qui a provoqué cette inondation, sur son bassin hydrographique. Selon l'analyse qu'il en a faite, cette tempête aurait entraîné des dégâts d'inondation d'environ 11,5 millions de dollars, et ce, dans les centres connus de dégâts d'inondation. Sans nos programmes, les dégâts se seraient montés à 150 millions de dollars.
Nous croyons que notre système de programmes communautaires structurels et non structurels fonctionne mais il a besoin d'aide. Il a besoin de fonds supplémentaires et de modernisation. Il faudra qu'il puisse résister aux tempêtes plus intenses et plus dévastatrices que fait prévoir le changement climatique. En plus, il faut également l'adapter en vue de périodes de précipitations limitées mais plus longues. Même si ce système fonctionne, il a besoin d'être recapitalisé. Les avantages dont nous jouissons, les dangers que nous écartons, sont dus aux investissements passés et à la clairvoyance des deux paliers de gouvernement.
Il faut investir au niveau de la cartographie des plaines inondables pour s'assurer que toutes les zones sujettes à inondation sont connues et que l'aménagement tient compte du potentiel d'inondation. Ces programmes reposent sur un système efficace mais cette efficacité dépend d'une information précise. Si le coût de développement de cette information est totalement laissé à la charge du niveau local, comme c'est le cas actuellement, l'investissement restera limité. En plus, il devient évident que les zones les plus critiques à cartographier, protéger et réguler sont celles en amont des rivières et les marais. Nombre de ces zones n'ont pas encore été cartographiées.
Il reste un certain nombre de zones habitées où la population continue à vivre sous la menace d'inondations. Ce sont des zones aménagées dont la valeur est considérable, où les risques de dégâts d'inondation sont tout autant considérables et dont la protection est économiquement bénéfique.
Quant aux systèmes de surveillance, nous n'avons toujours pas dans la province de système global de surveillance des eaux de surface et souterraines. L'absence de ces informations rend difficile sinon impossible une gestion efficace des systèmes hydrographiques. Il nous faut maintenir suffisamment d'eau dans le bassin pour limiter les impacts de la sécheresse tout en contrôlant les crues subites pour éviter les inondations. Il faut absolument investir dans les systèmes de surveillance.
Enfin, il nous faut maintenir en très bon état les éléments structurels—nos barrages, nos canaux et nos digues. Si nous ne les entretenons pas de manière à produire les avantages désirés, en cas d'inondation, d'atouts, ils se transformeront en charges.
En guise de conclusion, je vous laisserai les messages suivants.
• 1605
Je crois que nous avons en Ontario un programme efficace de
prévention et de réduction des dangers d'inondation dans nos
bassins hydrographiques. Ces systèmes peuvent être adaptés et jouer
un rôle aussi important en période de pénurie d'eau. Cependant, il
faut que vous sachiez qu'il faut investir dans ces systèmes pour
qu'ils restent efficaces.
Certains d'entre vous se souviendront peut-être d'une publicité à la télévision il y a un certain nombre d'années vantant les filtres à huile pour automobiles Fram. Cette publicité mettait en scène un garagiste et un dépanneur avec une voiture sur son camion sous-entendant que si le propriétaire avait régulièrement changé son filtre à huile, son moteur n'aurait pas rendu l'âme. Le trait final c'était: «Vous pouvez me payer maintenant ou vous pouvez me payer plus tard.» Je crois que c'est ça mon vrai message. Le bon sens commercial dicte d'investir maintenant pour éviter les inondations, les dangers de pénurie d'eau et les coûts résultant de restauration. Payez un peu maintenant pour éviter de payer beaucoup plus tard.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson.
Nous entendrons maintenant le représentant de Global Change Strategies International, M. James Bruce, associé principal. Bienvenue.
M. James Bruce (associé principal, Global Change Strategies International): Merci, monsieur le président.
Comme les activités de prévention de pertes dues aux catastrophes relèvent d'un grand nombre de ministères gouvernementaux—et j'ai d'ailleurs travaillé dans l'un d'entre eux autrefois—, je trouve vraiment réconfortant de voir une entité représentative comme votre comité examiner, d'une manière générale, le problème de l'atténuation de pertes dues aux catastrophes. Il faut que le regard posé sur ce problème soit interministériel. Les pertes dues aux catastrophes augmentent rapidement dans le monde, et au Canada, comme M. Anderson et même l'honorable Paul Martin l'ont fait remarquer.
Pourquoi? Il y a trois raisons: il y a plus de monde; les collectivités sont plus riches, si bien qu'il y a plus d'exposition aux risques; et nous avons de plus en plus la preuve qu'il y a augmentation de la fréquence et de la sévérité de nombreux événements liés au climat—tempêtes, inondations et sécheresses. Par exemple, la compagnie Munich Reinsurance qui comptabilise les pertes totales provoquées par les catastrophes naturelles dans le monde entier, ainsi que les pertes assurées, estime qu'à l'échelle mondiale, les pertes dues aux catastrophes liées au climat se sont multipliées par 7,9 entre les années 60 et les années 90. Ils ne peuvent expliquer cette augmentation sur la base d'une exposition accrues aux risques. En d'autres termes, les tendances climatiques sont en partie responsables. Ces tendances se poursuivront pendant un certain nombre de décennies, même si le monde commence à réduire les émissions de gaz à effet de serre—et les signes dans ce sens ne sont toujours pas très encourageants.
Selon certaines études récentes, par exemple, il semblerait que le Canada subira plus de précipitations en hiver mais moins en été. Si ce scénario s'avère, nous pourrons nous attendre à encore plus d'inondations au printemps et à des sécheresses encore plus fortes à l'été et à l'automne.
Que devrions-nous faire vis-à-vis de ces tendances aux catastrophes naturelles au Canada et globalement, dans le monde? Répondre simplement aux catastrophes n'est plus considéré comme une politique suffisante. Les obligations fédérales d'indemnisation en cas de catastrophes et les souffrances humaines considérables continueront d'augmenter à cause des trois facteurs que j'ai mentionnés si nous n'adoptons pas une culture de prévention des pertes.
Il est nécessaire de rappeler un certain nombre de mesures pour réduire les pertes dues aux catastrophes: le renforcement des systèmes d'alerte et de préparation; la mise au point de meilleurs systèmes d'évaluation du risque pour guider les priorités dans les projets; la limitation des aménagements dans les zones dangereuses comme les plaines d'inondation dont Jim Anderson a parlé et les zones à risque de glissements de terrain; le renforcement des codes de construction; et la mise au point de meilleurs plans communautaires de prévention des catastrophes.
Au passage, il faudrait encourager un organisme comme l'ACDI à veiller à ce que les projets qu'elle entreprend aux quatre coins du monde contribuent à une réduction de la vulnérabilité des communautés et non pas le contraire. Malheureusement, ce n'est pas toujours vrai.
Fort de mon expérience, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, du gouvernement, j'aimerais suggérer comment, peut-être, y arriver, et par quels moyens.
Un élément que n'a pas vraiment précisé Jim Anderson dans son exposé, c'est que le gouvernement fédéral a joué un rôle actif et a assumé sa part de tous les coûts des mesures d'atténuation des effets des catastrophes en Ontario, que ces mesures soient structurales ou non, et a pris part financièrement à la construction du canal de dérivation de Winnipeg, des digues du fleuve Fraser, etc.
• 1610
Il est tout à fait possible d'atteindre les objectifs que nous
nous fixons en optant pour des mesures non structurales qui ne
coûtent pas trop cher. Il est à noter que la Federal Emergency
Management Agency des États-Unis s'est vue enjoindre de consacrer
15 p. 100 des sommes qu'elle verse en secours en cas de catastrophe
pour les consacrer à l'atténuation des dégâts, c'est-à-dire à des
mesures de prévention des pertes en cas de désastre. Votre comité
pourrait peut-être envisager quelque chose de ce genre pour le
Canada.
Si vous mettiez sur pied un groupe d'étude avec des représentants de tous les ministères intéressés, et que ce groupe soit dirigé par Protection civile Canada ou par une autre agence centrale, et que vous lui adjoigniez un secrétariat auquel vous donneriez des fonds correspondant à environ 15 p. 100 des versements totaux en cas de catastrophe, je crois que vous pourriez rouvrir ces importantes ententes fédérales-provinciales dont la plupart ont été abandonnées faute de fonds du gouvernement fédéral; ainsi, des ententes de partage des coûts permettraient d'aller très loin dans l'atténuation des effets des catastrophes et de réduire la responsabilité du gouvernement fédéral dans les versements aux sinistrés.
Si le gouvernement mettait sur pied un fonds de ce genre ou créait un groupe d'étude interinstitutions, il aurait peut-être intérêt à aller chercher un groupe d'étude consultatif de l'extérieur. La Société royale du Canada, par exemple, en se fondant sur les travaux du comité mis sur pied après la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles, pourrait établir les priorités en consultant le secteur privé, les universitaires et le grand public.
Laissez-moi vous remercier à nouveau de m'avoir invité. Tous les milieux préoccupés par les désastres naturels et par leurs effets sont rassurés de voir votre comité à l'oeuvre, dans une optique aussi généralisée. Je vous exhorte à recommander au gouvernement fédéral de prendre des mesures très musclées dans ce domaine.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bruce.
Nous entendrons maintenant Roger Nicolet et Hubert Stéphenne à qui je souhaite la bienvenue.
[Français]
M. Roger Nicolet (président, Ordre des ingénieurs du Québec): Monsieur le président, mesdames et messieurs, l'Ordre des ingénieurs du Québec, que je représente ici aujourd'hui accompagné de notre secrétaire et directeur général, l'ingénieur Hubert Stéphenne, tient à vous remercier de l'occasion que vous lui offrez de participer aux travaux du Comité permanent des finances de la Chambre des communes du Canada.
Le sujet que vous abordez dans le cadre de vos délibérations d'aujourd'hui nous apparaît d'importance primordiale dans le contexte d'incertitude qui entoure l'évolution climatique que nous traversons. Par souci de rigueur, vous nous permettrez de souligner que, même si la mise aux normes contemporaines de résistance sismique de l'ensemble du domaine bâti dans les régions à risques nous préoccupe vivement, les remarques que nous vous adressons aujourd'hui ne visent que les désastres causés par des événements météorologiques extraordinaires. En effet, même si les conséquences de séismes, pour les sinistrés, se répercutent de manière similaire, c'est-à-dire par des pertes financières importantes, les mécanismes compensatoires ainsi que les mesures palliatives financées par l'État sont susceptibles de différer et devraient continuer de le faire. Il faut rappeler qu'il existe une différence significative entre les deux types de phénomènes.
La récurrence de séismes, leur origine et leur déroulement sont de mieux en mieux connus, tandis que les phénomènes météorologiques, même si les scientifiques y consacrent une attention croissante, sont difficiles à cerner dans des modèles intelligibles et crédibles, puisque l'analyse probabiliste est viciée par l'incertitude associée aux changements climatiques.
Puis-je rappeler qu'en 1996, la région du Saguenay était soumise à des précipitations de pluie à un niveau sans précédent qui ont provoqué un sinistre majeur avec destruction d'équipements publics et privés? En 1998, la région de Montréal et une partie de la Vallée du Saint-Laurent se sont retrouvées sous des précipitations verglaçantes qui ont causé des dommages importants aux réseaux électriques et de télécommunication, perturbé le fonctionnement d'un grand nombre d'entreprises et même occasionné des pertes de vie. On se rappellera aussi les inondations de la rivière Rouge au Manitoba, où une vaste région a été perturbée pendant plusieurs semaines, ainsi que la neige abondante de l'hiver dernier dans les montagnes Rocheuses.
• 1615
Ajoutons à cela que la décennie qui se termine a été la
plus chaude des 100 dernières années. Le niveau d'eau
du fleuve Saint-Laurent en 1999 et les prévisions
pour l'été 2000 indiquent une carence en eau qui menace
le patrimoine naturel et la navigation avec ses
conséquences possibles sur l'activité économique.
Malgré l'incertitude sur les causes et l'ampleur potentielle du changement climatique, il semble y avoir convergence des données climatologiques indiquant un réchauffement du climat. De récentes études sur le phénomène font part de la possibilité de voir se multiplier les phénomènes météorologiques extrêmes en comparaison du comportement du climat au cours du dernier siècle. L'inquiétude que tout cela suscite est suffisamment importante pour que les Nations Unies s'y intéressent déjà depuis quelques années, notamment avec la création du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Les discussions internationales ont d'ailleurs conduit au protocole de Kyoto en 1997.
Dans le cadre de ce bref survol de la problématique, nous ne reviendrons pas sur l'ensemble des mécanismes d'indemnisation des dommages encourus lors de sinistres. Parlons donc du mécanisme économique traditionnel que constitue le marché de l'assurance. Son rôle est de protéger chaque détenteur de police à l'égard de son risque propre. Comment? En faisant jouer l'effet du nombre et de la non-corrélation des risques individuels, principe selon lequel les assurés malchanceux constituent une petite minorité. Mais ce marché subit de nombreuses distorsions qui peuvent survenir tant du côté de l'offre que de la demande d'assurance en matière de sinistres naturels.
L'offre se bute à des problèmes d'incertitude entourant l'ampleur des dommages éventuels et à des problèmes découlant de la forte corrélation des risques individuels. Il est donc difficile d'établir a priori des primes raisonnables qui garantissent à la fois la compensation des sinistres et la survie des compagnies d'assurances.
L'offre se heurte également aux problèmes classiques de l'assurance, qui résultent des différences d'information entre l'assureur et l'assuré. Dans ce contexte, les assureurs préfèrent soit ne plus offrir de police, soit limiter le nombre de polices disponibles afin de ne pas couvrir uniquement des assurés à mauvais risque, même à prix élevé. Cela revient à dire qu'ils se montrent fort prudents dans le contrôle de l'admissibilité à certaines de leurs polices. Ensuite, chaque assuré jouit d'une certaine discrétion dans les efforts de prévention, ce qui génère un risque supplémentaire, appelé risque moral: la personne ou l'entreprise diminue sa prévention des risques éventuels parce qu'elle est assurée.
Du côté de la demande, les victimes potentielles sous-estiment fréquemment la probabilité d'un sinistre et leurs pertes éventuelles. Moins de gens s'assurent donc contre des sinistres naturels. Les frais de transactions dus, par exemple, à la complexité des polices d'assurance produisent un effet similaire. À l'inverse, la demande d'assurance est souvent gonflée immédiatement après un sinistre, surtout dans le cas d'un sinistre très médiatisé.
Cette situation se complique encore davantage aujourd'hui en raison des réserves croissantes des réassureurs face à l'expérience, à l'échelle mondiale, en matière de sinistres associés aux événements météorologiques extraordinaires.
Comme vous le savez fort bien, tant aux États-Unis qu'en Europe, l'État se trouve interpellé par les difficultés que soulève la compensation des dommages causés par de tels sinistres et surtout par la fréquence accrue de récurrence qui est appréhendée.
Le gouvernement du Canada devra donc inévitablement prévoir un engagement plus important face aux sinistres de cette nature. Cette implication publique comprendra, bien évidemment, une réflexion en profondeur sur la problématique des mécanismes du marché de l'assurance et des mécanismes privés dits complémentaires, mais aussi une réévaluation, inévitablement à la hausse, des sommes consacrées au programme fédéral d'aide en cas de catastrophe.
Selon notre analyse de la situation à laquelle nous devons faire face, l'État devra également étudier l'opportunité de se doter d'un programme de préparation à des sinistres de causes naturelles. Nos travaux à la commission, à la suite des inondations du Saguenay, ont mis en évidence les problèmes associés au vieillissement d'une multitude d'équipements, tant privés que publics. Le sinistre du verglas souligne le même type de vulnérabilité. En contrepartie, le Manitoba peut servir d'exemple de politique préventive, par la construction d'ouvrages de détournement des crues pour protéger la ville de Winnipeg. La nécessité de programmes de réfection, de modernisation, voire de construction d'ouvrages de protection semble évidente.
• 1620
De façon ponctuelle, le gouvernement du Canada peut
intervenir de manière préventive par de nombreuses
interventions moins coûteuses mais néanmoins fort
significatives dans une perspective de diminution des
pertes associées à de tels sinistres.
À titre d'exemple, mentionnons qu'il y aurait lieu d'améliorer nos connaissances sur les changements climatiques à l'échelle régionale dans le but de mieux cerner la récurrence des phénomènes météorologiques extrêmes comme des précipitations, sous forme de pluie ou de verglas, ou des tempêtes de vent inhabituelles.
Il faudrait également mieux cerner les mesures d'adaptation qui devraient être adoptées à l'échelle régionale dans le but de réduire les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes et d'encourager la recherche afin de mieux concevoir les infrastructures qui assurent le fonctionnement de l'économie. Ces mesures touchent, entre autres, les ouvrages de retenue des eaux, les réseaux électriques et de communication.
Finalement, il y aurait lieu de développer des modèles qui intègrent la météorologie, la conception des ouvrages et des équipements, et leur gestion. Cet effort doit être fait dans plusieurs domaines, notamment en gestion des ouvrages de retenue des eaux et de transport d'énergie électrique.
Pour réaliser ces travaux, il faudrait que les ministères concernés disposent de budgets spécifiques au cours des cinq prochaines années. Il faudrait aussi que les experts des ministères, des universités et des entreprises privées puissent réaliser les travaux préconisés et mieux coordonner leurs efforts. La mise sur pied du Secrétariat du changement climatique et la création d'un fonds sont des pas dans la bonne direction. Mais nous croyons que, si les actions en vue de réduire les gaz à effet de serre sont indispensables, il est tout aussi nécessaire de s'intéresser plus particulièrement aux catastrophes naturelles et aux sinistres technologiques qu'elles peuvent engendrer.
Mais attention, et nous ne saurions trop insister: l'ensemble de l'effort financier consenti, tant au titre de l'amélioration de nos équipements qu'à celui de la recherche et de l'amélioration de notre capacité de gestion de changements climatiques ne permettra pas de réduire l'engagement de l'État pour compenser les populations et les entreprises canadiennes qui seraient touchées par de futurs sinistres.
Comme nous avons tenté de l'illustrer dans ce bref exposé, les incertitudes sont trop importantes et l'effet de mesures préventives est trop difficile à chiffrer pour que l'on puisse établir des relations crédibles et scientifiquement fondées entre des investissements correctifs et une diminution des pertes associées à des événements météorologiques extrêmes dont personne aujourd'hui ne peut établir la récurrence.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Merci, monsieur Nicolet.
[Traduction]
Nous accueillons maintenant Son Honneur le maire Tom Euverman de la ville de Houston. Soyez le bienvenu, monsieur le maire.
M. Tom Euverman (maire de Houston): Merci, monsieur le président. C'est un grand plaisir pour moi que de m'adresser cet après-midi aux membres du comité. Comme je suis un peu désorienté, je vous demanderai de faire preuve de patience à mon égard.
Le problème dont nous parlons est bien petit dans le grand ordre des choses, mais très grave pour une petite ville. Laissez-moi vous expliquer un peu qui nous sommes: notre petite localité est située entre Prince George et Prince Rupert dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Nous sommes incorporés depuis 1957, et nous sommes devenus une municipalité de district en 1969. Notre population atteint aujourd'hui 4 300 habitants, dont quelque 2 000 résident dans la région rurale.
L'économie locale de Houston dépend de la coupe du bois, des mines et, dans une moindre mesure, du tourisme. Les deux scieries de notre localité sont bien administrés, et sont des usines modernes à la fine pointe de la technologie. Elles sont rentables.
Pour ce qui est de l'historique des inondations, sachez que le lotissement urbain original de la ville de Houston et une bonne partie de sa zone commerciale et résidentielle sont situés sur la plaine alluviale ou le périmètre d'inondation du ruisseau Buck, qui a été arpentée et cartographiée par le gouvernement provincial en 1981. Les rapports isolés des personnes âgées et de ceux qui résident depuis longtemps dans la région fournissent des comptes rendus historiques des inondations à Houston. D'après ces comptes rendus et d'après des dossiers plus récents du ministère de l'Environnement, Houston a été inondé au moins sept fois depuis 1938. Nous subissons une inondation majeure tous les 7 à 10 ans, et la plus récente remonte à 1997.
• 1625
Suite à ces inondations persistantes et aux menaces qu'elles
posaient, nous avons érigé un système de digues autour de Houston.
Ces digues ont été mises en place petit à petit en réaction aux
inondations et aux dommages causés aux propriétés par celles-ci.
Les digues les plus récentes ont été terminées en 1999, après la
grande inondation de 1997.
Laissez-moi vous donner un peu d'information sur nos réseaux locaux de digues: pour l'instant, nous avons cinq systèmes permanents de digues à l'intérieur et autour de notre localité. Nous avons une digue de 1 400 mètres de longueur qui protège la zone résidentielle du centre-ville, au sud de la rivière Bulkley, depuis l'amont de l'avenue Benson jusqu'à la bretelle de l'autoroute 16. Nous avons également une digue de 700 mètres qui protège la zone industrielle, au sud de la rivière Bulkley, depuis l'amont de l'endroit où on traite les eaux usées de la ville par lagunage, jusqu'au ruisseau Buck. Trois kilomètres de digues ont également été construites le long des rives du ruisseau Buck, à partir des deux digues qui sont déjà installées sur la rivière Bulkley. Nous avons également construit une autre digue qui suit généralement parlant le sud de la rivière Bulkley à partir du rail en U du côté est de la ville, et en amont sur une distance de 1,5 kilomètre, jusqu'à ce qu'elle soit reliée au mur de la vallée. La digue d'East Valley, de 600 mètres de longueur, a également été construite en 1998-1999, à la suite de l'inondation de 1997. Outre les digues permanentes, nous avons également construit deux systèmes privés de digues.
Passons maintenant aux coûts et aux répercussions de l'inondation de 1997: l'inondation la plus récente remonte à mai 1997 et est due à un enneigement record et à une crue printanière record dans le ruisseau Buck et dans la rivière Bulkley. Les rivières de l'endroit ont atteint leur crête à peu près en même temps, causant ainsi une grave inondation en amont dans la rivière Bulkley et dans la région d'East Valley. Les niveaux de ces rivières ont monté de plus de trois pieds en trois jours à peine.
Pour réagir contre l'inondation, toute la collectivité s'est serrée les coudes, et les efforts déployés ont été coordonnés par le comité d'intervention d'urgence du district et par le programme provincial d'intervention en cas d'urgence. Des bénévoles ont aidé les employés de la ville à remplir et à disposer plus de 150 000 sacs de sable, tandis que d'autres bénévoles coordonnaient la construction de quelque 2,5 kilomètres de digues temporaires. En quatre jours à peine, 2 800 camions de roches et de graviers ont été transportés de carrières locales et déversés afin de former des digues temporaires.
Les dommages dus à l'inondation ont été limités, grâce aux efforts des travailleurs qui ont édifié une digue temporaire dans la région d'East Valley, qui fut remplacée plus tard par une digue permanente. La digue permanente d'East Valley a été construite en 1998-1999 et a coûté environ 600 000 $, montant que se sont partagés le gouvernement provincial et le district de Houston. Ces coûts de construction qui ont représenté environ 30 à 40 p. 100 de la totalité de ce qu'il en a coûté en 1997 pour protéger la ville contre l'inondation de la rivière Bulkley.
On chiffre à environ 1,5 million de dollars au total ce qu'il en a coûté pour d'abord lutter contre l'inondation en 1997, puis nettoyer et réparer les propriétés privées. Ce chiffre estimatif représente le montant de 1 million de dollars qu'ont dû assumer le district de Houston et la province de la Colombie-Britannique, auquel s'ajoute une évaluation de ce qu'il en a coûté aux assureurs privés, aux bénévoles, à l'industrie locale et aux propriétaires privés pour les dommages à la propriété qui n'étaient assurés ni par la province ni par les assureurs privés.
J'aurais une recommandation à faire au comité. Une grande partie des dommages à la propriété privée ainsi que les coûts de lutte contre l'inondation de 1997 auraient pu être évités si la zone de Houston dans East Valley avait été protégée par un réseau local de digues.
Le district de Houston recommande fortement aux gouvernements fédéral et provinciaux de collaborer avec les gouvernements locaux et le secteur privé, y compris les compagnies d'assurances, pour cibler les zones à risque élevé et pour construire des digues de protection avant qu'il n'y ait inondation et que les propriétés soient endommagées.
J'ai ici avec moi des documents qui vous expliquent en détail ce qui s'est passé lors de l'inondation. Si votre comité le souhaite, je peux laisser l'ensemble de ces documents au président.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le maire.
Si vous entendez la sonnerie, c'est que nous devrons aller voter sous peu. Il nous reste environ 27 minutes, ce qui nous donne à peu près 25 minutes pour terminer la séance, puisque nous devrons nous rendre à la Chambre.
Notre dernier témoin sera le président du Comité national canadien pour la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles. Bienvenue au professeur Allan Davenport.
M. Allan Davenport (président, Comité national canadien pour la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles): Monsieur le président, nous en sommes déjà arrivés à la fin de la décennie dont il est question ici, et j'aimerais vous remercier de nous permettre de nous adresser au comité.
• 1630
Le Comité national canadien a vu le jour il y a une quinzaine
d'années, quand un scientifique américain de renom, le professeur
Frank Press, alors président de l'Académie nationale des sciences
des États-Unis, a proposé de nommer ainsi une décennie, dans son
allocution d'ouverture d'une réunion internationale d'ingénierie
antisismique. L'idée qu'il a lancée a été accueillie avec grand
enthousiasme par les ingénieurs antisismiques et reprise par un
vaste groupe de spécialistes techniques et d'ingénierie. Toutefois,
même si l'idée de départ visait l'aspect technique, on s'est vite
rendu compte qu'il était impossible de contrer l'ensemble des
problèmes que posaient les catastrophes naturelles d'un simple
point de vue technique. On a alors reconnu que l'ensemble de la
société avait un rôle à jouer et que le milieu social, les médias
et l'industrie de l'assurance, notamment, pouvaient apporter leur
contribution dans l'évaluation du problème.
J'ai eu le privilège de collaborer avec M. Press au cours des premières étapes de son projet, et j'ai été impressionné par celui-ci. Dans la foulée de ce qu'on avait fait aux États-Unis, j'ai proposé au départ que la Société royale du Canada ainsi que l'Académie canadienne du génie servent de catalyseur et parrainent cette décennie au Canada. Ces deux organismes l'ont fait avec l'aide de plusieurs ministères gouvernementaux, des gouvernements provinciaux et municipaux, la Croix-Rouge et le Bureau d'assurance du Canada. Ensemble, ils ont formé ce qui a fini par s'appeler le Comité national canadien pour la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles. La raison d'être de cette décennie internationale, c'était de réagir à l'augmentation exponentielle des pertes découlant des catastrophes naturelles, particulièrement celles qui étaient dues aux inondations, aux tempêtes de vent et aux tremblements de terre; on pourrait ajouter à cette liste de causes, les blizzards, les tempêtes de verglas et les feux de friches. Les pertes dues à ces catastrophes doublaient tous les cinq ans environ. En 1988, le mauvais temps a causé autant de dommages que dans tout le reste des années 80.
La majeure partie du fardeau relatif des coûts était assumée par les pays les plus pauvres, ce qui avait malheureusement et souvent pour conséquence de détourner vers la reconstruction des fonds qui au départ devaient servir à des projets de développement. Cette situation se poursuit malheureusement. Toutefois, les pays riches, notamment le Canada, ont eux aussi dû assumer des pertes colossales.
Bien que la décennie ait ciblé au début les problèmes scientifiques et techniques, on a dû bientôt reconnaître qu'il fallait inclure à la problématique les conséquences sociales des catastrophes. Certaines des conclusions ont déjà été rendues publiques dans des rapports de fond, mais il est important de reconnaître que la décennie internationale a permis de faire accepter de façon généralisée que l'augmentation des pertes à l'échelle mondiale et au Canada était due à trois facteurs. Il s'agit en premier lieu de l'augmentation de la population vivant dans les régions vulnérables que sont les plaines littorales et inondables de même que les pentes à forte inclinaison. En second lieu, il s'agit du nombre croissant d'infrastructures vieillissantes, qui sont de moins en moins capables de faire face à des stress. Enfin, il s'agit des changements climatiques susceptibles d'entraîner un nombre accru de phénomènes météorologiques extrêmes.
On s'entend pour dire que prévenir, ou limiter les pertes est la clé de toute atténuation des effets des catastrophes. L'aide humanitaire joue un rôle essentiel, mais ses bienfaits sont sapés par l'augmentation des besoins d'aide.
Comme il s'écoule un certain temps entre les catastrophes extrêmes, on semble les oublier d'une fois à l'autre, ce qui a pour effet d'émousser graduellement le sentiment qu'il faut se protéger contre ces catastrophes. Il est très important d'inclure dans les critères de développement durable la prévention contre les catastrophes naturelles, car cela sert à créer la culture de la prévention dont on reconnaissait l'aspect essentiel dès le début de la décennie internationale.
Il est devenu de plus en plus évident qu'il vaut mieux prendre à l'échelle locale les décisions concernant les mesures destinées à atténuer les catastrophes naturelles. Les collectivités locales ont cependant besoin d'information sur les résultats de la recherche et d'outils. Autrement dit, il faut jeter les bases d'un réseau élargi à l'échelle nationale pour pouvoir soutenir les initiatives locales. Il faut tenir des banques de données exactes sur les conditions météorologiques afin de pouvoir en évaluer les dangers et les vulnérabilités.
• 1635
J'aimerais vous citer en exemple des cas ou des mesures
d'atténuation des catastrophes ont porté fruit. On a parlé à
plusieurs reprises des inondations, qui ne sont qu'un seul des
nombreux exemples de catastrophes qui ont été scrutés à la loupe au
cours de la décennie internationale. L'exemple que je connais le
mieux à titre personnel, c'est celui de nombreux édifices
industriels en métal construits en Jamaïque et ayant survécu à
l'ouragan Gilbert. Ces bâtiments métalliques, au nombre d'une
vingtaine, ont été construits avec grand soin par un concepteur
canadien. Quant à l'ouragan Gilbert, il a frappé avec des vents
d'une intensité qui en faisait la tempête la plus grave du siècle.
Les bâtiments ont été construits tels que dessinés et les étapes de la construction ont été suivies de près. Contrairement à la majorité des bâtiments construits là-bas, aucun de ceux-ci n'a été endommagé; cependant, tous ceux qui les entouraient avaient été considérablement touchés par l'ouragan, ce qui constituait un grave problème pour la collectivité. En effet, non seulement la perte de ces structures porte atteinte à l'économie, mais elles rendent extrêmement périlleuses les opérations de rétablissement. Vous comprenez donc que la survie de ces bâtiments est très importante pour l'économie et pour la viabilité de la localité touchée.
Prenons un autre exemple qui touche, lui aussi, l'aspect structurel des mesures: il s'agit de simples changements à apporter dans la technique de conception des toits. La plupart des localités canadiennes ont l'habitude de construire avec des toits à pignons, et construisent parfois avec des toits à comble en croupe. Le suivi des catastrophes laisse croire que les toits à comble en croupe seront deux fois plus résistants que les toits à pignons, pour la même quantité de matériaux utilisés. Or, cette simple technique n'est pas très connue.
Le professeur Arya, membre actif de la décennie internationale et président d'une école de génie exceptionnelle en Inde, nous fournit un autre exemple de mesures d'atténuation des catastrophes ayant porté fruit. M. Arya s'inquiétait des pertes de vie et des blessures causées par la destruction des maisons construites par les paysans en murs de moellons et arbalétriers. En effet, les tremblements de terre endommageaient très sérieusement ce type de structure. Le professeur Arya a donc travaillé sur une structure de linteaux, de poutres annulaires et de fiches en béton qui permettaient de relier murs et toit de façon beaucoup plus efficace. Le professeur Arya a décidé de faire encore plus et il a préparé des réunions d'information qu'il pouvait présenter aux villageois pour démontrer comment il était possible de renforcer simplement la structure déjà existante. Il a pris soin particulièrement de montrer les techniques de rattrapage des ouvrages de construction aux villageoises, puisqu'il savait que c'était elles qui se préoccupaient surtout de la sécurité de leur foyer.
Les instruments permettant d'atténuer les effets des catastrophes relèvent en gros de cinq catégories: l'aménagement du territoire; les avertissements; les normes d'ingénierie et codes de bâtiments; l'assurance; et les nouvelles technologies.
Nous avons déjà dit à quel point il était important de bien aménager le territoire, et il faut reconnaître que c'est l'une de nos armes les plus puissantes pour atténuer les effets des catastrophes naturelles.
• 1640
Les avertissements peuvent être diversifiés et ont permis
l'évacuation et l'instauration des mesures de protection pour
réduire le nombre de pertes de vie et les blessures. Les systèmes
d'avertissement existent pour presque tous les dangers naturels, à
l'exception peut-être des tremblements de terre. Ainsi, l'imagerie
satellite peut servir à détecter les changements d'élévation des
surfaces, comme détecter les inondations ou les dommages dans les
bâtiments. La propagation des ondes de surface permet également de
détecter les tsunamis ou les raz de marée, de même que les
tremblements de terre.
Les méthodes de prévision par ordinateur servent à déterminer le point d'arrivée sur terre des ouragans et l'apparition de conditions météorologiques graves. Le plus grand défi, c'est d'utiliser ces signaux pour faire réagir les populations. Il faut réfléchir sérieusement à tous ces besoins des populations et à la façon de surmonter les obstacles que constituent la langue, l'âge, la santé et même la situation géographique.
Une des premières causes de désastres, ce sont les défaillances des structures dues à une conception, une construction ou des matériaux de faible qualité. Les codes du bâtiment et les normes d'ingénierie sont évidemment censés corriger ces failles. S'ils ne le font pas, c'est peut-être parce que les travailleurs de la construction sont mal formés, qu'ils utilisent des matériaux de piètre qualité ou qu'ils suivent des codes inadéquats. Dans beaucoup de pays, industrialisés comme moins développés, il est urgent d'améliorer la formation dans l'industrie de la construction.
Les nouvelles technologies font partie des moyens les plus prometteurs de réduire les désastres. Dans les 20 dernières années, on a mis au point divers systèmes de communication reliés par ordinateur, entre autres les systèmes d'information géographique, des systèmes de télédétection et des méthodes d'analyse des risques. Ces nouvelles technologies et les possibilités en matière d'enseignement ouvrent la voie à de nouvelles approches pluridisciplinaires et à des méthodes durables de réduction des catastrophes.
Permettez-moi d'en tirer deux ou trois grandes conclusions. Ces conclusions visent pour la plupart à réduire les risques de pertes catastrophiques.
Le Comité national canadien recommande fortement au gouvernement fédéral d'adopter une politique nationale de réduction des catastrophes comme celle que préconise l'Institute for Catastrophic Loss Reduction dans son enquête et dans son rapport.
Dans la foulée des travaux entrepris au cours des 10 dernières années pour réduire les catastrophes naturelles, le Comité national canadien recommande la mise sur pied d'un comité national qui succéderait au premier et auquel participeraient des représentants des trois ordres de gouvernement. Le Comité national canadien a créé un groupe de travail qui a été invité à présenter son rapport en novembre. Les objectifs du nouveau comité seraient de favoriser la recherche, l'enseignement et la sensibilisation en matière de réduction des catastrophes naturelles pour accroître la sécurité des collectivités. Nous serions reconnaissants que le gouvernement appuie la création d'un comité de suivi.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Davenport.
Nous allons maintenant permettre aux députés de poser leurs questions et nous demanderons aux témoins de répondre à ces questions. Je demande aux députés de poser des questions précises, concises et claires.
Monsieur Harris.
M. Richard M. Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Vous ne nous octroyez pas de temps, nous ne pouvons poser qu'une question?
Le président: Oui, si vous êtes d'accord.
M. Richard Harris: D'accord. Mais nous ne pouvons poser qu'une question?
Le président: Votre question peut en contenir plusieurs.
M. Richard Harris: Je vais essayer de faire cela.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Vous avez déjà posé votre première question.
Le président: Allez-y, monsieur Harris.
M. Richard Harris: Merci à tous nos témoins de nous avoir décrit l'absence de plans d'atténuation des effets des catastrophes naturelles, et de plans d'infrastructure.
• 1645
En fait—et je pose la question à M. Bartley—j'ai été très
étonné de constater que le gouvernement fédéral ne disposait
d'aucuns fonds de réduction, quand j'ai travaillé avec le maire
Euverman, pour essayer de trouver du financement pour la digue la
plus récente, que le gouvernement de la Colombie-Britannique a
finalement dû payer lui-même. Mais en écoutant les témoins, il me
semble qu'à une certaine époque, le gouvernement fédéral offrait
une aide financière, comme lorsqu'on a construit le déversoir de
Winnipeg, et comme le montrent certains des autres exemples qui ont
été mentionnés.
Quand le gouvernement fédéral a-t-il décidé de ne plus offrir ce genre de financement? Pourquoi, à votre a vis? Il me semble qu'à l'heure actuelle, le gouvernement ne fait plus que réagir aux catastrophes.
M. Allan Bartley: Je dois avouer que je ne suis pas en mesure de vraiment répondre à cette question. C'est une question d'ordre plutôt historique. Je devrai faire des recherches et vous fournir les détails à ce sujet.
Du côté de la Protection civile, certaines activités pourraient être considérées comme des mesures d'intervention d'urgence, mais il ne s'agit pas de projets semblables à des travaux publics structuraux à grande échelle.
J'examinerai les raisons historiques qui ont motivé le gouvernement.
Le président: Monsieur Bruce.
M. Richard Harris: Oui, je peux peut-être lui adresser la question.
M. James Bruce: Permettez-moi d'ajouter à cette réponse. C'est le ministère de l'Environnement qui mettait en oeuvre le programme de réduction des dommages causés par les inondations, un programme dont les frais étaient partagés entre le gouvernement fédéral et les provinces et dans le cadre duquel une aide était accordée, dans certains cas, pour la construction de digues ainsi que pour la cartographie et le zonage des plaines d'inondation.
En raison des grandes compressions de son budget—de plus de 30 p. 100—que le ministère a subies au cours des dernières années, il a fallu faire des choix difficiles et puisqu'il ne versait pas de fonds de secours aux victimes de catastrophes, il a peut-être jugé qu'il valait mieux réduire le financement de ce programme de réduction des dommages causés par les inondations. Le financement a effectivement été aboli au cours des trois ou quatre dernières années. Environnement Canada n'offre plus les fonds qui étaient auparavant disponibles pour prévenir les pertes causées par les inondations—ces fonds n'existent plus non plus ailleurs au gouvernement, d'après ce que je sais.
M. Richard Harris: A-t-on fait une estimation des sommes qui pourraient être épargnées en indemnisation grâce à l'argent investi dans la prévention?
M. George Anderson: Pas vraiment, mais nous savons, par exemple, que l'investissement dans le déversoir de Winnipeg a été repayé environ 10 fois jusqu'à maintenant.
Ce que nous proposons entre autres, monsieur le président, c'est de faire une analyse des coûts et des avantages avant que ces projets soient mis en oeuvre. Les résultats vont varier, je suppose, mais il ne fait aucun doute que ces investissements sont très rentables et qu'ils sont récupérés à peu près immédiatement, bien sûr, dès que se produit une inondation ou une grande catastrophe quelconque.
Le président: Merci.
Madame Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je vous remercie, messieurs, d'être venus ici, au Comité des finances. Tous et chacun, vous m'avez donné le goût de vous poser des questions parce que vous en avez suscité plusieurs.
Permettez-moi de m'adresser directement à M. Nicolet, qui a été mandaté par le gouvernement du Québec, lors des deux désastres qui se sont produits au Québec, pour créer la commission Nicolet au Saguenay—je suis du Saguenay—et également prendre charge de l'étude sur le verglas.
Monsieur Nicolet, pour l'occasion, vous aviez un double mandat: identifier les causes et rencontrer des gens aux fins de la rédaction d'un rapport, mais aussi ouvrir des perspectives sur les meilleures façons de procéder quand cela se reproduira. Pourriez-vous nous donner un aperçu de vos conclusions, mais également de vos suggestions?
M. Roger Nicolet: C'est un sujet très vaste que vous abordez. Pour sauter aux conclusions, je crois qu'il faut en venir à la constatation que le gouvernement ne peut se soustraire à l'obligation d'être présent et dans la mitigation, pour employer l'expression anglaise, et tout au long du déroulement des événements. La présence gouvernementale devient incontournable et va malheureusement croître plutôt que se réduire parce que nous devrons faire face à une nouvelle problématique associée aux changements climatiques que personne ne peut prédire aujourd'hui avec quelque assurance ou quelque certitude.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je siège aussi au Comité de l'environnement. La problématique que vous abordez m'interpelle énormément.
Monsieur Anderson, comme un autre d'entre vous, vous avez dit que certains de vos travaux avaient été mis de côté. Je ne sais pas lequel de vous a été mêlé à cela. C'est l'un de vous deux. Je voudrais savoir pourquoi des travaux qui étaient en cours ont été mis de côté et dans quel secteur ils ont été faits. Je ne sais pas lequel de vous deux a dit cela.
M. Roger Nicolet: Ce sont probablement les travaux de cartographie des zones inondables. C'était un programme conjoint, financé par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Le financement de ce programme a pris fin il y a trois ans. Maintenant, chaque province ne doit compter que sur ses propres ressources. Dans certains cas, la poursuite du programme se partage entre la province et les corporations municipales suivant les besoins.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous disiez tout à l'heure, monsieur Nicolet, qu'il fallait améliorer les connaissances météorologiques dans chaque région. Qu'est-ce que vous vouliez dire par cela?
M. Roger Nicolet: Chaque région du Canada a des particularités climatiques. Les changements climatiques auront un impact différent sur chacune des régions, et on ne peut pas, à partir de statistiques pancanadiennes, développer des tendances et prédire l'impact des changements climatiques sur des microclimats, «micro» étant utilisé entre guillemets en opposition à l'échelle canadienne. Donc, on ne peut pas prédire ce qui va advenir.
Donc, il faut faire un effort approprié non seulement pour étudier la problématique globale, planétaire, mais aussi pour poursuivre l'étude à l'échelle des régions et des provinces.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Si je vous demandais ce que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral devraient faire tout de suite, immédiatement, pour prendre le virage, et si je vous demandais ce que vous attendez du Comité des finances devant qui vous venez témoigner, quelle serait votre réponse? C'est une énorme question.
[Traduction]
M. George Anderson: Je vais essayer d'y répondre. C'est une recommandation avec laquelle bon nombre de gens sont d'accord, bien que je ne prétende pas parler au nom de tous ceux qui sont ici présents. Dans les consultations que nous avons tenues partout au pays, nous avons constaté que les gens appuient très fortement l'idée d'offrir aux collectivités ce genre d'investissement et de préciser des critères d'admissibilité dans le cadre du nouveau programme fédéral d'infrastructure.
On appuie également l'idée de négocier, dans les attentes fédérales-provinciales, une reconnaissance de ce que de tels travaux sont aussi importants que certains autres dont le gouvernement fédéral a dit qu'il nécessitait des investissements. Les gens que nous avons consultés ont dit qu'il fallait accroître la résistance des collectivités et négocier, dans les accords d'aide financière en cas de catastrophe, une proposition d'investissement dans la prévention lorsqu'une catastrophe se produit. Lorsqu'une collectivité se remet d'une catastrophe, il est normal qu'elle prenne des mesures pour se prémunir contre les catastrophes futures.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci.
Le président: Merci, madame Girard-Bujold.
Madame Leung.
[Traduction]
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos excellents exposés. Nous n'avons pas beaucoup de temps.
Ma question s'adresse au maire de la Colombie-Britannique. Bienvenue. Dans votre recommandation, vous proposez que tous les ordres de gouvernement et le secteur privé identifient les zones où existent des risques élevés en vue de construire des digues de protection. Êtes-vous actuellement en mesure d'identifier ces zones à risque élevé ou faudrait-il pour cela faire une étude quelconque?
M. Tom Euverman: Merci. Nous avons inclus cette recommandation dans notre témoignage, car nous avions identifié depuis quelques années qu'il s'agissait d'un risque élevé et nous n'avons pas été en mesure d'obtenir de financement. Si nous avions pu obtenir des fonds, nous aurions pu économiser beaucoup d'argent.
Si l'on demandait à chaque collectivité quelles sont ses priorités et où sont les risques les plus élevés, on obtiendrait de nombreuses réponses.
Mme Sophia Leung: Avez-vous identifié des zones à risque reconnu? Il faudrait probablement pour cela une étude technique en matière de santé. Comment cela pourrait-il être fait?
M. Paul Kovacs (premier vice-président, Élaboration des politiques et économiste en chef, Bureau d'assurance du Canada): Permettez-moi d'ajouter que le secteur de l'assurance et Protection civile du Canada ont consulté un grand nombre d'experts dans le domaine dans tout le pays. Ces consultations ont permis de souligner l'importance de la collaboration entre le gouvernement fédéral, les provinces et les autorités locales. Il y a des compétences locales. Les gens savent où ont eu lieu les inondations antérieures, mais il faut trouver les solutions qui ont bien fonctionné ailleurs au pays et partager les ressources financières à l'échelle nationale.
Il s'agit de l'un des rares partenariats où les conseils peuvent venir de l'échelle locale, mais il faut une coopération pleine et entière. Sinon, il faut revenir aux systèmes antérieurs qui n'existent plus. Nous avons examiné conjointement l'expérience d'autres pays qui ont adopté cette solution. Cela peut être fait, cela existe. L'Australie, les États-Unis et d'autres pays que nous avons étudiés ont trouvé le moyen d'adopter cette solution et de l'appliquer efficacement.
Le président: Merci.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Merci.
Ma question porte sur l'indemnisation après la catastrophe. Cela n'enlève rien à l'importance de la prévention. Le message a été bien clair.
Ma question s'adresse aux représentants du secteur de l'assurance. Je sais que les cotisations aux régimes d'assurance sont calculées en fonction d'estimations actuarielles des coûts prévus, des coûts d'exploitation de la société d'assurances, des bénéfices, en plus d'un facteur d'imprévus au cas où les pertes seraient supérieures à ce qui est prévu—et puis on double le tout.
M. George Anderson: De nos jours, on serait plus près de la vérité si on parlait de projections.
M. Ken Epp: C'est la question que je pose. Dans quelle mesure êtes-vous certains des projections actuelles de vos pertes, dans le secteur de l'assurance privée?
M. George Anderson: Nous avons relativement confiance dans ces chiffres. Il existe des modèles qui nous permettent de faire des projections assez précises. Ces modèles se fondent sur une longue expérience, sur plusieurs décennies, dans certains cas, et ils semblent bien fonctionner.
Le meilleur exemple de ce que nous sommes préparés à réagir aux catastrophes, c'est la façon dont nous avons réagi à la tempête de verglas à Montréal. Nous n'aurions pas pu prédire la catastrophe elle-même, mais dans un autre pays, dans une autre industrie, une catastrophe de cette ampleur aurait été fatale au secteur de l'assurance. Avec l'aide des gouvernements, nous avons réagi extrêmement bien. En fait, notre réaction est un modèle de la façon d'agir dans de tels cas. Plus de 700 000 réclamations ont été présentées et elles ont été traitées très rapidement en grande majorité. Évidemment, dans un tel nombre de réclamations, il y en a toujours quelques-unes qui sont plus difficiles. Mais dans l'ensemble, cela montre bien à quel point nous sommes prêts.
Nous sommes également persuadés de ce que nous pourrions également réagir à un tremblement de terre de force raisonnable en Colombie-Britannique. Ce n'était pas le cas il y a sept ans, mais nous avons maintenant des modèles qui nous permettent, grâce à notre propre expérience et à celle de la Californie, de prévoir quelle serait probablement la conséquence pour nous. Nous sommes relativement satisfaits de notre capacité de résoudre un tel problème.
Ce qui nous inquiète, c'est ce qui relève du secteur public dans tout cela—c'est-à-dire qu'il n'existe pas de mesures appropriées pour régler les dommages causés aux ponts, aux routes, aux écoles et à l'infrastructure de base. En cas de catastrophe, les gens ne pourront pas se rendre au travail. Certaines des installations qui ont été créées pour réagir aux urgences en cas de tremblement de terre vont s'effondrer parce qu'elles n'auront pas été consolidées.
À Vancouver, par exemple, on dit aux gens de se rendre à leur école locale. Mais cela ne sert à rien si l'école s'est effondrée. C'est ce qui nous inquiète à l'heure actuelle. Je dois avouer que le risque en matière d'assurance ne nous préoccupe pas autant. Nous estimons être en mesure de gérer ce risque. Ce qui nous inquiète, c'est le risque d'ordre public.
M. Ken Epp: D'accord. Examinons cette question. Généralement, une catastrophe, c'est une énorme perte; les sociétés d'assurances doivent régler la somme de milliers de petites pertes. Êtes-vous en coassurance, ou collaborez-vous avec le gouvernement fédéral, de façon à ce que, si vous manquez d'argent, il y ait une source de fonds disponibles qui vous permettent d'indemniser tous ceux qui ont payé des primes?
M. George Anderson: Je dois dire que nous serions très heureux, surtout maintenant, de compter le gouvernement fédéral parmi nos partenaires financiers. Mais il existe partout au monde des sociétés de réassurance grâce auxquelles un tel risque est couvert par de plus grandes mises en commun de capitaux. C'est ainsi que l'on peut se protéger contre de telles catastrophes.
• 1700
En outre, la réglementation est très stricte au Canada, pour
ce qui est des réserves qui doivent être faites. Récemment, grâce
aux travaux que votre comité a effectués au cours des dernières
années, on a adopté une disposition qui nous permet de profiter de
certains avantages fiscaux au titre des réserves en cas de
tremblement de terre. Nous pouvons donc traiter ces risques de
diverses façons, mais malheureusement, nous ne pouvons pas
simplement présenter la facture au gouvernement fédéral.
M. Ken Epp: À titre de défenseur de la libre entreprise, je n'aime pas beaucoup que le gouvernement se mêle de telles affaires, mais à cause de la façon dont l'infrastructure est construite et consolidée pour résister aux catastrophes éventuelles, inondations, tremblements de terre, etc., je me demande s'il ne devrait pas y avoir une collaboration quelconque entre les sociétés d'assurances et le gouvernement de façon à inciter le gouvernement à investir dans des programmes d'infrastructure qui puissent résoudre ce problème, puisqu'il préviendrait des pertes éventuelles pour lui.
L'autre question est bien sûr de savoir si des sociétés d'assurances sont prêtes à payer le coût de la prévention. Je sais qu'elles le font déjà. Par exemple, le fait d'avoir un système d'alarme chez moi me permet d'avoir une réduction de mes primes d'assurance. Si j'habite dans la plaine d'inondation du Manitoba et que je construis une digue de huit pieds autour de chez moi, ma société d'assurances réduira-t-elle mes primes? Est-elle prête à contribuer de cette façon?
M. George Anderson: En général, les sociétés d'assurances réagissent aux mesures de prévention que vous prenez pour accroître votre sécurité personnelle. Il y a toutefois certains risques auxquels les sociétés d'assurances ne peuvent souscrire, et l'inondation en est le principal exemple, car de par leur nature, ils obligeraient à fixer des primes tout à fait déraisonnables. Les seules personnes qui achèteraient une assurance contre l'inondation seraient celles qui se préparent à être inondées. Par conséquent, il y aurait des réclamations pour chaque police et le total serait énorme.
C'est dans un tel domaine qu'il est très important d'avoir une collaboration entre les organismes publics et les sociétés d'assurances qui indemnisent certains types d'inondation, comme par exemple les refoulements d'égout. Les sociétés privées ne peuvent pas s'occuper d'elles-mêmes si l'infrastructure qui les entoure n'est pas suffisamment solide pour régler les problèmes causés par une catastrophe. Il est donc nécessaire d'accroître la collaboration entre les gouvernements et nos sociétés dans ce domaine. C'est ce que nous sommes venus préconiser aujourd'hui.
Le président: Monsieur Bruce.
M. James Bruce: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Il faut se rendre compte qu'au cours des 15 dernières années, les sommes que doivent verser les gouvernements en indemnisation après les catastrophes ont augmenté beaucoup plus rapidement que celles que doit payer le secteur des assurances.
M. Ken Epp: Pourquoi?
M. James Bruce: C'est en partie dû au fait que, comme on vient de le dire, il est très difficile aux sociétés d'assurances d'offrir une protection contre les inondations et que cela ne se fait pas habituellement au Canada.
Le président: Monsieur Hilstrom.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Permettez-moi de répéter ce qu'on a dit déjà ici aujourd'hui, c'est-à-dire que le gouvernement fédéral ne saurait se soustraire à son obligation de participation. On pourrait peut-être intituler ce thème «prêcher par l'exemple».
Dans la vallée du Fraser, il y avait un programme à coûts partagés pour la construction de digues de Hope jusqu'à Steveston. Ce programme n'existe plus, mais il a permis de mettre en place un très bon réseau de digues tout le long du Fraser. Nous ne voulons pas revivre l'inondation de 1948, c'est certain. Mais dans les réserves indiennes longeant le Fraser, c'est-à-dire sur des terres qui relèvent entièrement de la compétence fédérale, il n'y a pas de digues ou presque. Cette situation, dans la vallée du Fraser, est une sorte de bombe à retardement. Il s'agit d'une obligation fédérale.
La principale catastrophe, dans les basses terres intérieures, ce sont les infiltrations d'eau dans les condos. La Commission Barrett a tenu de nombreuses audiences à ce sujet et a essayé de comprendre ce problème très complexe. Cela me ramène à mon thème, c'est-à-dire l'échec dans tout le système des sociétés d'assurances, des autorités municipales, du gouvernement fédéral et des provinces.
Dans cette situation, il ne semble pas que les sociétés d'assurances aient fait grand-chose. La Commission Barrett a estimé que la catastrophe était de l'ordre de 900 millions de dollars. Les gens ne tiennent pas compte de ce problème, mais si je fais la comparaison avec la situation au Québec et l'inondation de Winnipeg, cela m'amène à avoir une opinion différente.
Quelles observations pouvez-vous faire au sujet de la crise des infiltrations d'eau dans les condos en Colombie-Britannique et comment pourrait-on régler cette crise? C'est une question de prévention mais il y a aussi la question des antécédents.
Le président: Monsieur Anderson.
M. George Anderson: Monsieur le président, il faudrait être plus certain que nous ne le sommes maintenant des causes de ce problème. Je dois me montrer prudent dans mes observations, mais je crois que nous pouvons tirer des leçons de cette situation.
La difficulté réside en partie dans le fait que le système de garantie ne fonctionne pas comme il le devrait pour les gens qui ont de l'assurance. Une autre partie du problème vient peut-être, à mon avis, de l'absence d'application stricte de certaines normes de sécurité de construction quand l'économie est en ébullition et que les gens construisent très rapidement.
Je pense qu'il y a là des leçons à tirer. Lorsqu'on a des régimes publics comme les programmes de garantie qui sont conçus pour protéger les gens, il faut certainement nous assurer qu'ils vont survivre à une catastrophe comme celle qui a frappé les propriétaires de condominiums en Colombie-Britannique. Je pense que M. Epp en a parlé.
Il faut aussi nous assurer que les normes de sécurité de construction que nous avons sont respectées. Nous avons parlé de la question de l'aménagement du territoire et de l'importance d'un tel aménagement et d'une gestion des crues, mais si l'on a un plan et qu'on ne l'exécute pas, si l'on a des normes de sécurité de construction mais qu'on ne les respecte pas, s'il y a des endroits comme Toronto où l'on construit présentement dans des secteurs qui commencent à dépasser le périmètre d'inondation, ou si l'on fait la même chose dans la région Atlantique, on s'expose à une répétition de la catastrophe qui a déjà frappé.
C'est une réponse très générale, mais je pense que c'est tout ce que je peux dire pour l'instant.
M. Paul Kovacs: Si me permettez d'ajouter quelque chose au sujet du respect des normes, nous disposons des résultats de beaucoup de recherches sur d'autres cas et nous pouvons vous en faire part, mais nous deux ne connaissons pas les détails de l'affaire des condominiums dans lesquels la pluie s'infiltrait en Colombie-Britannique.
Si vous me le permettez, je vais vous parler à titre d'exemple de la Floride, où l'ouragan Andrew a fait d'énormes ravages au début des années 90. Une étude a été faite avant l'événement et elle avait permis de conclure qu'on ne semblait pas faire respecter les normes de sécurité de construction. Après l'événement, il semblait que de 30 à 40 p. 100 des structures endommagées auraient dû survivre. Elles n'avaient tout simplement pas été construites conformément aux règles convenues par la société.
Il y a des exemples dans d'autres endroits et les recherches montreront peut-être qu'il en était également ainsi pour les condominiums où la pluie s'infiltre. Dans notre société, nous concevons et édictons des règles, mais si nous ne les faisons pas respecter comme il se doit, elles ne donneront pas les résultats escomptés.
Le président: Avez-vous d'autres questions, monsieur Nystrom?
M. Lorne Nystrom: Je me demande seulement si quelqu'un d'autre voudrait faire des commentaires spécifiquement sur cette affaire des condominiums, car elle est certainement extrêmement importante pour la viabilité économique de la collectivité. Normalement, le volume des transactions immobilières est de 25 p. 100 par année; 25 p. 100 des adresses de l'annuaire téléphonique change. Mais cette affaire a entraîné presque une stagnation économique de la collectivité, y compris dans le secteur de la vente de meubles et d'autres secteurs, et elle a évidemment touché un grand nombre de personnes âgées, qui se trouvent coincées dans des logements inadéquats.
C'est comme dans le cas de ces drames humains dont nous avons été témoins lors des inondations de Winnipeg, et pourtant, on avait pris là-bas des mesures visant à atténuer les inondations. Dans le périmètre d'inondation de Winnipeg, on a offert 60 000 $ aux gens pour qu'ils déménagent leur maison ou prennent d'autres mesures pour réduire les risques d'inondation, que leur maison ait été inondée ou non. Mais au palier fédéral, en ce qui concerne l'affaire des condominiums où la pluie s'infiltre, en dépit de toutes les instances présentées, il n'y a eu essentiellement aucune réaction de la part du gouvernement fédéral, qui n'a même pas fait preuve de leadership au sujet de cette question, bien qu'on puisse parler d'un échec à tous les niveaux, tant dans le secteur privé qui comprend les promoteurs, les concepteurs et d'autres, jusqu'aux inspections municipales, au manque de prévoyance du gouvernement provincial, au manque de respect des normes fédérales et de sécurité de construction, et jusqu'à la complicité de la SCHL, notamment.
Je me demande si quelqu'un d'autre pourrait nous donner des avis au sujet de ce problème.
Le président: Vous semblez avoir une opinion sur cette affaire. Est-ce vrai?
M. Ken Epp: Puis-je poser une question?
Le président: Certainement.
M. Ken Epp: Étant donné que je siège de ce côté-ci de la table... Il ne s'agit pas d'une catastrophe naturelle. C'est une catastrophe causée par l'homme.
Une voix: Non.
M. Lorne Nystrom: C'est ainsi qu'on se défile; c'est la première sorte de réponse que nous avons eue du ministre quand il a ri de moi...
M. Ken Epp: Voulez-vous m'inscrire?
Des voix: Oh, oh!
M. Lorne Nystrom: ... et quand il a découvert que certains de ses propres investissements étaient peut-être concernés.
Le président: Voulez-vous un droit de réplique, monsieur Epp?
M. Ken Epp: Oh non, nous en resterons là.
Le président: M. Discepola a une question à poser. Monsieur Discepola.
M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): J'ai été tenté de leur céder mon tour.
Comment a-t-on déterminé la somme de 750 millions de dollars pour ce fonds? Est-ce fondé sur un inventaire des besoins et des projets envisagés? Qui contribuera à ce fonds? Est-ce seulement une aide fédérale que vous demandez? Les gouvernements provinciaux et municipaux participent-ils? S'ils le font, dans quelle mesure le font-ils? J'ai vécu l'expérience du Québec et je peux vous dire que mon premier ministre ne s'est pas empressé de dire à tous ceux et celles qui ont reçu une indemnisation que 90 p. 100 de la somme reçue provenait du gouvernement fédéral. Si le premier ministre d'une province a conclu une entente avec le gouvernement fédéral en vertu de laquelle ce dernier paiera jusqu'à 90 p. 100 de la note de toute façon—c'est une formule plus compliquée que cela—pourquoi se préoccuperait-il de faire des plans en cas de catastrophe, par exemple?
J'ai une autre question à poser, à propos d'un sujet abordé par M. Epp. Si l'on utilise ce fonds pour des mesures préventives plutôt que pour toute autre intervention, comment se fera la répartition des fonds? Je veux parler du gouvernement fédéral. Vous avez évoqué l'utilisation du programme d'infrastructure. Je pense que la première phase du programme d'infrastructure a très bien fonctionné dans l'ensemble du Canada. Dans le cadre de cette phase, les petits hameaux des différentes collectivités de ma circonscription et de ma ville ont reçu une somme proportionnelle à leurs besoins. Dans le cadre de la phase deux, le gouvernement provincial a utilisé tous les fonds pour effectuer des travaux relevant de la compétence de la province. Quels conseils faut-il donner au ministre qui négocie l'établissement des secteurs prioritaires pour l'attribution de ces fonds? Il me semble que le secteur le plus prioritaire dépendrait des besoins, c'est-à-dire là où l'on pourrait optimiser l'utilisation des ressources disponibles. Je pense que c'est une proposition compliquée. Je vous demande votre aide.
Le président: Monsieur Anderson.
M. George Anderson: La répartition des crédits fédéraux n'a jamais été chose facile dans le contexte de la Confédération, comme vous le savez fort bien.
Pour répondre à la question concernant la répartition, nous sommes d'avis qu'on pourrait partager les coûts entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les municipalités, à parts égales. Dans le passé, on a réalisé beaucoup de programmes sur cette base et nous pensons que ce serait une bonne formule à essayer. En ce qui concerne les municipalités, qui sont dans une situation financière difficile, comme tous les gouvernements le sont dans une certaine mesure de nos jours, je pense qu'elles verraient d'un bon oeil la possibilité d'obtenir 2 $ ou 3 $ pour chaque dollar investi.
Pour ce qui est du degré de participation du gouvernement provincial, vous ne serez pas non plus surpris d'apprendre que nos recherches révèlent qu'il n'y a pas unanimité quant à la volonté de participer ou au degré de participation dans les différentes parties du pays, mais curieusement c'est généralement positif. De fait, nous avons des lettres d'engagement de la part du premier ministre de la Colombie-Britannique et du ministre concerné au Nouveau-Brunswick, et nous sommes tout à fait persuadés, je pense, de recevoir des lettres d'appui semblables de toutes les régions du pays, quand le Conseil du Trésor aura terminé ses négociations et ses pourparlers au sujet du nouveau programme d'infrastructure. Il est juste de dire, je pense, qu'on a discuté de ce problème particulier dans tous les entretiens avec les représentants des provinces.
L'évolution du programme avec les années dépend beaucoup, à mon avis, de la négociation d'ententes secondaires dans le cadre des accords, de la façon de dégager les priorités parmi les divers projets. J'estime qu'il faut choisir de façon très délibérée les types de projets d'atténuation des risques qu'on est prêt à financer ainsi que les plus grandes priorités, et cela peut seulement se faire région par région, selon moi. Comme je l'ai dit, ces problèmes varient dans les différentes régions du pays. Il y a des gens à Calgary qui sont aux prises avec des dommages causés par la grêle, tandis qu'en Nouvelle-Écosse, le phénomène est rare, et je ne pense donc pas qu'on puisse élaborer des critères nationaux. J'estime cependant que dans chaque entente fédérale-provinciale on peut mentionner quelles sont les priorités, et les projets pourront être jugés de cette façon, et accessoirement en fonction d'une formule coûts-avantages.
M. Kovacs est également directeur administratif de l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques et il a donc peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
M. Paul Kovacs: Pour ce qui est du chiffre de 750 millions de dollars, nous pensons que le gouvernement fédéral a payé la plus grande partie de la note d'environ 500 millions de dollars par année, ces dernières années. Nous tentions seulement de trouver un chiffre raisonnable. Nous croyons que les gens peuvent proposer un grand nombre de très bons projets. Nous en avons entendu proposer aujourd'hui par des personnes ici présentes. La restriction serait qu'il faudrait définitivement pouvoir prouver à l'avance que les projets en question permettraient des économies beaucoup plus grandes que leur coût. S'il est impossible de le prouver, il ne faut pas accorder le financement. Nous estimons qu'on proposera un grand nombre de projets lorsque le programme sera mieux connu.
• 1715
Les 750 millions de dollars représenteraient 10 p. 100 ou
15 p. 100 des crédits annoncés pour le programme d'infrastructure.
Il ne s'agirait pas de sommes qui viendraient d'ailleurs comme par
magie. Le programme d'infrastructure vise un certain nombre
d'autres objectifs également et nous pensons que les ressources
disponibles seraient suffisantes pour réaliser ces autres objectifs
tout en laissant des fonds disponibles pour un investissement
réaliste sur ce front.
Nous sommes convaincus que les expériences précédentes dans le domaine des infrastructures ont réussi. On a trouvé la bonne façon de déterminer les priorités des provinces ainsi que les priorités locales, et de les intégrer dans un programme national, de sorte qu'on ne s'est pas retrouvé dans une situation où des gens avaient une bonne idée, sans qu'on ait l'argent nécessaire pour les aider aujourd'hui.
Le président: Merci, monsieur Discepola.
La parole est maintenant à M. Harris, qui sera suivi de Mme Girard-Bujold.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Madame, j'ai dit que M. Harris avait d'abord la parole et que ce serait ensuite votre tour.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je m'excuse.
[Traduction]
Le président: C'est bien. Ils se chamaillent pour poser des questions. C'est bon signe.
M. Richard Harris: Est-ce une proposition inventée au Canada, ou existe-t-il des exemples dans d'autres pays de propositions semblables qui ont donné de bons ou de mauvais résultats? J'imagine que dans la plupart des cas les résultats sont bons, s'il existe des exemples. Autrement, vous ne seriez pas ici. Dans quel pays pourrions-nous examiner un tel régime fédéral-provincial-municipal dont on a fait l'expérience?
M. George Anderson: Nous pouvons trouver des modèles dans certains pays qui ont pris des mesures d'atténuation. Naturellement, ces modèles varient selon le type de structure politique et gouvernementale des pays en question. Certains des exemples les plus frappants existent aux États-Unis, où nous avons trouvé l'idée de ces investissements initiaux d'atténuation, par l'entremise de la Federal Emergency Management Agency (FEMA). De fait, après la tempête de verglas, qui a touché une partie du nord-est des États-Unis, comme vous le savez, on a fait des investissements de cette nature. La FEMA y a participé financièrement. Dans le contexte canadien, il n'existe pas de mécanisme permettant une telle chose. C'est donc un exemple. Les États-Unis ont un programme assez actif. L'Australie a formé un groupe intergouvernemental pour examiner la question des mesures d'atténuation. La France a un très bon programme. Il existe donc dans le monde des modèles qui fonctionnent. J'aimerais pouvoir soutenir que nous avons inventé tout cela nous-mêmes, mais comme c'est notre habitude au Canada, nous avons fait nôtres quelques éléments des exemples que nous donnent tous les autres pays. Il y a des modèles concrets dans le monde de programmes de cette nature qui réussissent à sauver des vies et à protéger des collectivités.
M. Paul Kovacs: J'ajouterai que le milieu des assurances a cofinancé avec le gouvernement fédéral, avec Protection civile Canada, des ateliers réunissant des spécialistes de différentes parties du monde qui sont venus échanger ces idées. Nous tentions de mettre en oeuvre un processus aussi transparent que possible afin que les meilleures idées concernant certains de ces autres programmes, ainsi que leurs lacunes, soient prises en considération dans notre réflexion au sujet de ce qui fonctionnerait ici.
La plus grande différence entre l'expérience australienne et l'expérience américaine réside dans le fait qu'en Australie, l'intervention se fait beaucoup plus au niveau des états ou des provinces, tandis qu'aux États-Unis, cette intervention se fait davantage au niveau fédéral. Je pense que les modalités et les détails spécifiques de l'intervention ne sont pas tellement différents. Ce serait plutôt dans la façon dont les choses fonctionnent.
Nous avons fait notre gros possible pour réunir ici des spécialistes qui connaissent ces expériences internationales et pour participer ensemble au financement et à la recherche. La plupart de ces renseignements étaient disponibles sur Internet et ailleurs, de sorte que d'autres spécialistes pouvaient commenter les conclusions.
Le président: Ainsi, monsieur Kovacs, il n'était pas nécessaire que le comité se déplace. Est-ce bien cela que vous dites?
Des voix: Oh, Oh!
M. Richard Harris: Les 750 millions de dollars seraient pour chacun des trois participants, de sorte qu'il est question ici de 1,5 milliards de dollars plus...
M. George Anderson: Non, il s'agit de 750 millions de dollars au total pour tous les participants.
M. Richard Harris: C'est pour tous les participants. Très bien.
M. Nick Discepola: Il s'agit de trois fois 250 000 $.
M. Richard Harris: Je vois.
J'ai peur de le dire en présence de certains libéraux, mais il me semble que ce n'est pas beaucoup d'argent pour répondre à tous les besoins en matière d'atténuation. Êtes-vous certain que cette somme est suffisante pour constituer une amorce de solution?
M. George Anderson: Non, mais il faut faire quelques pas avant de pouvoir courir. Nous pensions seulement qu'il n'était pas pratique de venir vous suggérer que chaque dollar prévu pour le programme d'infrastructure soit consacré aux mesures d'atténuation, quand nous savons qu'il y a d'autres besoins dans le pays.
Nous essayons de vous faire comprendre que nous pouvons apprendre en réalisant certains projets et en tablant sur notre expérience, et que nous pouvons du moins commencer en nous occupant de certains des secteurs plus manifestement névralgiques. Cela serait un bon départ. Nous ne devons pas toujours résoudre tous les problèmes avec toutes leurs ramifications pour apporter une amélioration. C'est ainsi que nous voyons la situation présentement.
M. Paul Kovacs: Si le gouvernement adoptait comme nous l'avons proposé le critère selon lequel il faut prouver dans le cas de chaque projet que les économies réalisées à long terme dépasseront les coûts, s'il fallait plus de 750 millions de dollars pour mettre en oeuvre des projets qui permettraient nettement d'économiser beaucoup d'argent, je pense qu'il serait relativement facile de décider d'ajouter la somme nécessaire; elle serait remboursée tellement rapidement. Si l'on ne propose pas plus d'idées, il ne faut pas investir plus d'argent, il faut peut-être même en investir moins.
M. Richard Harris: L'analyse coûts-avantages est absolument essentielle à la réussite d'un programme de cette nature.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Mme Girard-Bujold posera la dernière question.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur Anderson, j'ai sursauté en entendant ce que vous venez dire. Vous êtes venu nous dire que nos équipements sont vieillis, qu'on a eu des catastrophes et qu'on a dû tirer des conclusions de ces catastrophes. Mais vous dites aussi que vous voulez avoir 750 millions de dollars pour faire des choses. Personnellement, je pense qu'avant de vouloir faire des choses, il faut commencer par le début.
Je pense qu'il faudrait que les municipalités et les gouvernements provinciaux et fédéral s'assoient avec vous pour établir un plan d'action qui va faire en sorte qu'on ne recommencera pas à chaque année, un plan d'action qui va nous faire progresser dans la restructuration de nos structures matérielles.
Est-ce que vous avez un plan à suggérer à ces trois paliers de gouvernement plutôt que de demander simplement de l'argent pour pallier les catastrophes? Je voudrais bien qu'on abandonne les palliatifs pour faire des choses qui vont demeurer. Vous citiez tout à l'heure des expériences faites en Europe et aux États-Unis. Vous avez donc des exemples qui peuvent servir de bases.
En tant que gouvernement responsable, j'aimerais vous dire que je vous donne carte blanche, qu'on va se contenter de faire du rapiéçage et qu'on envisagera l'avenir seulement plus tard, mais vous savez que l'argent est très rare. Alors, je pense qu'il va falloir commencer à progresser.
[Traduction]
M. George Anderson: Nous sommes d'accord là-dessus. De fait, je ne pense pas, et je serais fautif si c'est ce que vous avez compris, que nous proposions d'aborder ces investissements sans aucune planification. Je pense qu'il existe au niveau municipal et au niveau régional des plans concernant la façon d'aborder ces problèmes.
Je regarde par exemple un article de la ville de Vancouver où l'on trouve un plan concernant les séismes, un plan à long terme, mais sans aucun crédit. Nous avons entendu parler plus tôt de cas où des gens avaient des plans, savaient ce qu'il fallait faire, mais ne pouvaient obtenir l'argent nécessaire.
Je pense que pour pouvoir obtenir de l'argent, il ne faut pas avoir un projet isolé dans une collectivité pour qu'elle se prémunisse contre des catastrophes possibles, il faut que le projet fasse partie d'une stratégie coordonnée. C'est possible seulement si tous les paliers de gouvernement et le secteur privé travaillent de concert. Je crois que nous avons tous une occasion splendide de montrer ce que nous pouvons faire dans un secteur très important, car au cours des quatre dernières années, la vie de 4 millions de Canadiens a été menacée.
Je pense que la volonté d'agir existe et que les plans existent également. À l'heure actuelle, il manque un élan politique et l'attribution de fonds par tous les paliers de gouvernement.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: C'est la volonté qu'il faudrait. C'est ce que tout le monde est venu nous dire.
J'ai vécu au Saguenay. Ma soeur a perdu sa maison dans la rivière. J'ai vécu tout cela, monsieur. Je ne voudrais pas que vous veniez tous nous dire aujourd'hui qu'on n'apprendra rien de ces expériences.
M. Nicolet a remis de belles conclusions. Alors, je ne comprends pas que vous veniez nous dire que les gouvernements ont cela. Est-ce que personne ne s'assoit à la même table? Ou, si vous vous assoyez à la même table, qu'est-ce que vous venez nous dire? À quoi vous attendez-vous après tout ce qui est arrivé?
[Traduction]
M. George Anderson: Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la nature de cette question.
• 1725
À la suite du genre de désastres que nous avons subis, je
m'attends à ce que nous commencions à discuter de nos expériences
respectives d'une région à l'autre. Ainsi, nous pourrions tirer des
leçons de ce qui s'est passé sur la rivière Rouge ou au Saguenay,
et en plus de partager, comme les Canadiens le font si
généreusement, l'aide au moment où un désastre frappe, nous
pourrions commencer à partager nos idées sur la façon de les
prévenir.
Nous, les assureurs, nous travaillons déjà avec le gouvernement pour édifier cette infrastructure. De concert avec la province de l'Ontario et d'autres intervenants, nous avons consenti des fonds à l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques afin qu'il se penche sur la façon dont on pourrait diffuser ces renseignements d'une couche de la société à une autre afin que l'on ne constate pas que les leçons tirées du désastre du Saguenay sont demeurées lettre morte autant pour cette région précise que pour d'autres régions du pays. Je dirai donc que je pense que c'est là l'occasion pour nous tous de participer à une entreprise qui va profiter aux habitants des localités d'un océan à l'autre et si nous sommes ici, c'est pour lancer une exhortation à cet égard.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: C'est ce que je voulais vous entendre dire, monsieur. Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Epp.
M. Ken Epp: J'ai une anecdote intéressante à vous raconter. Autrefois, j'habitais Edmonton en Alberta. Une magnifique vallée traverse la ville. C'est splendide. Un conseil municipal prévoyant a décidé, en raison d'inondations qui surviennent tous les 15 ans, de racheter les vieilles habitations qui se trouvaient au fond de la vallée au fur et à mesure que les gens voulaient s'en départir, et la ville pouvait ainsi constituer un espace qui deviendrait un vaste parc. En cas d'inondations, l'assèchement de l'espace se ferait à un coût minime car il s'agirait essentiellement d'arbres et d'herbes, autrement dit, de la végétation à replanter.
En l'occurrence, à un moment où l'objectif était à la moitié ou aux deux tiers atteint, le conseil municipal a changé et a décidé de stopper le projet car il perdait en impôt foncier. Ainsi, cet espace est offert de nouveau aux constructeurs. Les vieilles habitations ont été démolies et de magnifiques maisons valant un million de dollars bordent maintenant la vallée. C'est magnifique. C'est un très bel endroit où vivre. Tous les 15 ans toutefois, les contribuables comme ceux qui versent les primes d'assurance doivent verser ce qu'il faut pour construire une nouvelle habitation, car on a raté une belle occasion.
Je n'ai pas de question à poser mais j'ai songé à cet exemple pour illustrer comment une solution véritablement bon marché aurait pu être choisie et comment on l'a ratée.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: [Note de la rédaction: Inaudible].
[Traduction]
M. Ken Epp: Je suppose que cela fait maintenant partie du compte rendu officiel. J'aurai sans doute droit à un article dans les journaux.
De toute façon, c'est un bon exemple de stupidité, et je ne me cacherai pas pour le dire.
Le président: C'est noté.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier. Étant donné le nombre de questions qu'on vous a posées, et étant donné que nous avons choisi de ne pas aller voter, inutile de vous dire quelle importance nous accordons à cette question qui correspond à un besoin considérable.
Selon moi, le plus fascinant dans tout cela est le fait que les avantages sont évidents et que l'investissement dans la prévention est crucial.
On ne pense jamais que cela peut nous arriver, la nature humaine étant ce qu'elle est. On ne pense jamais que cela peut arriver dans notre région ou dans notre localité, ou à notre famille. Mais ces choses-là arrivent et ce, plus fréquemment qu'on le pense. Sincèrement, je pense que la responsabilité en matière fiscale nous dicte d'être prêts, et ce sans compter les avantages qu'une telle préparation représente pour les citoyens.
Je pense que ce comité doit saisir l'occasion de faire oeuvre de chef de file à cet égard, et lors de notre prochaine rencontre, nous devrons discuter de la possibilité de présenter un rapport à la Chambre, sur cette question en particulier, et espérons-le, cela va peut-être être le coup d'envoi pour réaliser précisément ce que disait M. Anderson, à savoir une coopération entre les trois paliers de gouvernement dans les plus brefs délais, surtout quand on sait qu'un nouveau programme d'infrastructure est envisagé sérieusement par les trois paliers de gouvernement.
• 1730
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier. À
ceux qui sont de l'extérieur d'Ottawa, je souhaite un excellent
séjour, et qu'Ottawa vous plaise autant qu'il nous a plu de vous
écouter.
La séance est levée.