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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 8 novembre 1999

• 0904

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte et je souhaite la bienvenue à tout le monde à Toronto et plus particulièrement à Mississauga.

Je sais que deux députés, M. Szabo et Mme Guarnieri, qui se partagent la ville de Mississauga sont extrêmement heureux d'être ici aujourd'hui.

• 0905

Comme vous le savez, le Comité des finances se réunit aujourd'hui pour entendre des témoins dans le cadre de ses consultations prébudgétaires.

Nous allons commencer par l'Association canadienne des fabricants de produits de quincaillerie et d'articles ménagers.

Vaughn Crofford, bienvenue.

M. Vaughn Crofford (président, Association canadienne des fabricants de produits de quincaillerie et d'articles ménagers): Merci, monsieur le président.

L'Association canadienne des fabricants de produits de quincaillerie et d'articles ménagers, ACFPQAM, est une association nationale qui représente 260 entreprises fabriquant et distribuant des produits de quincaillerie et des articles ménagers. Le volume total des ventes dans ce secteur s'est élevé en 1998 aux alentours de 20 milliards de dollars. Nous employons environ 25 000 Canadiens.

Nous vous remercions de nous avoir invités à vous présenter le point de vue de nos membres concernant le budget. Nous avons déposé un mémoire combiné avec le Canadian Retail Building Supply Council, l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie et l'Association canadienne des professionnels de la vente.

L'ACFPQAM considère que la confiance des consommateurs est essentielle pour notre économie. Plus que tout autre facteur, nous sommes convaincus que la réduction générale du fardeau fiscal que supportent les Canadiens accroîtra leur confiance. Le déficit ayant été finalement éliminé, on estime en général que l'on a bien mérité des réductions d'impôt.

Le niveau de la dette du Canada et le rapport dette-PTB restent à notre avis dangereusement élevés. Ainsi, les intérêts que nous payons sur cette dette continuent à expliquer les impôts élevés que nous versons. L'ACFPQAM estime qu'il serait particulièrement inapproprié que le comité préconise tout un éventail de nouvelles initiatives de dépenses qui risqueraient de menacer cet excédent budgétaire et nos chances de diminuer la dette et le service de la dette inévitable qu'elle entraîne.

À la fin octobre, le gouvernement canadien a reconnu le bien-fondé de la position d'un nombre important d'employés actuels et à la retraite au titre de l'équité salariale. Il y a eu beaucoup de rumeurs selon lesquelles cela serait payé à même la réserve pour éventualité. On ne peut que féliciter le gouvernement d'avoir constitué cette réserve. Il ne faut pas oublier cependant que lorsqu'elle n'est pas utilisée, elle sert à réduire la dette.

Le gouvernement a déclaré qu'il entendait utiliser l'excédent pour d'une part financer des programmes et d'autre part réduire la dette. Étant donné l'incidence que risque d'avoir la décision sur l'équité salariale sur la réduction de la dette, le comité devrait envisager de réexaminer cette position.

L'ACFPQAM préconise des allégements fiscaux dans une perspective qui ne lui semble pas étroite. Statistique Canada a en effet soulevé trois points importants cette année.

Tout d'abord, nous avons appris que l'impôt sur le revenu personnel continuait à représenter la part la plus importante des dépenses des Canadiens en 1997, dernière année pour laquelle nous avons des chiffres.

Nous avons aussi appris que les revenus personnels des Canadiens avaient progressé de 3,8 p. 100 en 1998. Par contre, une augmentation de 5,8 p. 100 de l'impôt sur le revenu et d'autres transferts au gouvernement ont absorbé cette augmentation si bien que le taux de croissance du revenu disponible a diminué.

Enfin, dans son rapport le plus récent sur le commerce de détail, Statistique Canada nous apprend que la vigueur de ce secteur depuis l'automne 1998 repose davantage sur le crédit à la consommation que sur un revenu personnel supérieur. Entre le troisième trimestre de 1998 et le deuxième trimestre de 1999, le crédit à la consommation a progressé de 5 p. 100, presque deux fois plus que le revenu personnel qui n'a augmenté que de 2,6 p. 100 alors que l'emploi total s'accroissait de 2,1 p. 100.

Par ailleurs, l'ACFPQAM s'inquiète que l'économie cesse bientôt de croître. Le prix du pétrole et du gaz augmente rapidement et cela a un effet important sur l'indice des prix à la consommation ainsi que sur le coût des matières premières et des produits industriels.

Si le taux d'inflation continue à augmenter, la Banque du Canada n'aura peut-être pas le choix et finira par hausser les taux d'intérêt. Étant donné le niveau élevé du crédit à la consommation et sachant que dans une large mesure le secteur de la construction résidentielle dépend de taux d'intérêt hypothécaire faibles et stables, la confiance des consommateurs pourrait facilement se trouver ébranlée. La nécessité d'envisager des allégements fiscaux deviendra alors peut-être plus un impératif que semble le considérer actuellement le gouvernement.

• 0910

Merci encore de nous avoir invités à vous présenter notre point de vue. Je me ferai un plaisir de discuter de tout cela quand vous me poserez des questions.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Robert Elliot de l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie.

Allez-y.

M. Robert Elliott (directeur général, Association canadienne des détaillants en quincaillerie): Merci, monsieur le président, membres du comité.

Au nom des membres de l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités ce matin. C'est la première fois que nous comparaissons devant votre comité et nous nous réjouissons de cette occasion de discuter avec vous de nos réflexions prébudgétaires.

L'ACDQ est une association professionnelle nationale représentant 1 800 détaillants en quincaillerie, matériaux de construction et maisonnerie. Le total des ventes dans ce secteur a représenté l'année dernière environ 54 milliards de dollars et nous employons 45 000 Canadiens.

Bien que nos membres incluent les énormes chaînes de quincaillerie nationales, nous avons surtout des petits commerces indépendants qui servent leur clientèle locale. C'est la raison pour laquelle nous insistons beaucoup sur les questions touchant les PME dans notre exposé.

Nous avons aussi participé à l'élaboration du mémoire qui a été déposé par l'Association canadienne des fabricants de produits de quincaillerie et d'articles ménagers, la Canadian Retail Building Supply Council et l'Association canadienne des professionnels de la vente.

Nous nous faisons un plaisir de nous joindre à ce groupe car nous savons que ce mémoire exprime le point de vue de nos membres. Je n'ai pas de mal à l'affirmer car nos membres ont été officiellement sondés au sujet du budget.

Le comité devrait s'inquiéter du fait que seulement 4 p. 100 des membres interrogés s'attendent à ce que l'économie croisse de façon sensible en 2000. Le reste prévoit une croissance minime ou seulement modérée l'année prochaine. Autre sujet d'inquiétude, seuls 63 p. 100 des répondants estiment que les consommateurs canadiens ont suffisamment confiance dans l'avenir pour entretenir le rythme de croissance de notre économie cette année et l'année prochaine.

Quatre-vingt-douze pour cent de nos membres ont déclaré qu'une réduction du taux de l'impôt sur le revenu des particuliers de la TPS aurait un effet positif sur l'économie nationale. Nous attirons donc l'attention sur les diverses propositions d'allégements fiscaux qui pourraient relancer l'économie.

Une activité vigoureuse dans la construction résidentielle, les secteurs de la réparation et de la rénovation est essentielle au succès du secteur de la quincaillerie. Des recommandations précises visant à consolider ces secteurs figurent dans le mémoire. En les faisant siennes, le comité ferait un grand pas pour entretenir la croissance économique dans toutes les régions du pays.

En particulier, l'ACDQ estime qu'autoriser l'utilisation des économies réalisées dans les REER comme on le fait actuellement pour l'achat d'un premier logement serait une incitation importante à réparer ou rénover des logements. Cela aiderait d'autre part à payer les transformations coûteuses de résidences actuelles pour satisfaire aux besoins d'une population vieillissante.

Notre sondage a d'autre part fait ressortir très clairement que la discipline financière s'impose dans le prochain budget. Seuls 4 p. 100 des répondants estiment que l'utilisation la meilleure utilisation que l'on puisse faire du dividende budgétaire serait d'accroître les dépenses dans les programmes et services nationaux. Le reste des répondants préconisaient une réduction de la dette et des allégements fiscaux.

Si l'on doit engager d'autres dépenses, 64 p. 100 de nos membres estiment que celles-ci devraient viser un nouveau programme d'infrastructure ciblé précisément sur l'amélioration des routes et ponts dans tout le pays. Ces dépenses seraient un investissement valable dans l'économie et seraient particulièrement bénéfiques dans les régions du pays qui ne peuvent se permettre l'infrastructure nécessaire pour participer pleinement au développement économique.

Le discours du Trône nous a appris que le programme d'infrastructure pourrait aussi inclure un éventail plus large de travaux. À notre avis, c'est à éviter. Tant qu'il demeure une disparité économique entre les régions du Canada, les questions d'infrastructure économique devraient être prioritaires.

Je me ferai un plaisir de discuter de tout cela avec vous lorsque vous me poserez des questions.

Merci encore.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Elliott.

Nous entendrons maintenant l'Association canadienne de l'outillage et de l'usinage: M. Del Bruce, ancien président et président de Canadian Progressive Tool and Transfer Ltd., et M. Russell H. Gorham, directeur général.

Bienvenue.

M. Del Bruce (ancien président, Association canadienne de l'outillage et de l'usinage): Permettez-moi de commencer, monsieur le président, en vous remerciant ainsi que les membres de votre comité de nous avoir invités à prendre aujourd'hui la parole.

L'Association canadienne de l'outillage et de l'usinage, avec l'appui d'associations et d'entreprises étroitement liées, se félicite de pouvoir participer à cet échange avec votre comité en vous présentant son avis sur la stimulation de la formation professionnelle au Canada.

Nous sommes accompagnés par l'AFPAC, l'Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada, la Society of Plastics Institute, Magna International, Valiant Machine et plusieurs autres de nos membres.

• 0915

La proposition de l'ACOU intitulée Établir le bien-fondé de crédits d'impôt pour la formation en apprentissage a une portée nationale et englobe toutes les formes d'apprentissage au Canada.

Dans notre secteur, la pénurie de main-d'oeuvre dans les métiers de découpage de métaux est systémique. Élément clé de la base industrielle du Canada, les métiers de découpage de précision de métaux reposent essentiellement sur l'immigration de travailleurs qualifiés et l'apprentissage pour soutenir une croissance constante. L'immigration de gens de métier qualifiés, bien qu'importante, décline. L'apprentissage est maintenant considéré comme le troisième pilier de l'éducation, les deux autres étant les collèges et les universités; on notera toutefois une différence clé en ce sens que les apprentis contribuent au système pendant qu'ils suivent leur apprentissage. Beaucoup des entreprises membres de notre association ont lourdement investi dans cette forme d'étude et de formation.

Malgré la nécessité et l'importance de la formation par l'apprentissage, la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée persiste. La pénurie dans le secteur de la coupe précise de métaux est mondiale. On essaie d'aller chercher des travailleurs qualifiés dans d'autres pays et l'on commence à gonfler les salaires et les avantages sociaux. Le maraudage est devenu un gros problème et certains de nos membres de Windsor perdent ainsi des travailleurs qualifiés qui s'en vont aux États-Unis.

L'ACOU propose de stimuler une augmentation des investissements dans l'apprentissage partout au pays en offrant aux industries un programme d'incitatifs qui relèverait de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ce stimulant encouragerait les entreprises à accroître le nombre d'apprentis qu'elles forment. Celles qui n'en forment pas actuellement seraient encouragées à le faire. Celles qui en forment seraient encouragées à poursuivre leurs efforts même si elles perdent des éléments du fait du maraudage.

Un sondage récent de nos membres a révélé qu'avec les stimulants voulus, 86 p. 100 des répondants embaucheraient davantage d'apprentis, accroîtraient leurs investissements dans la formation de personnel qualifié. Le maraudage est un problème qui sévit au niveau national et international et nous estimons que les places d'apprentis supplémentaires peuvent et devraient être offertes à des jeunes Canadiens. Sinon, l'investissement, les contrats et les emplois connexes s'en iront dans une autre région du monde. Ces emplois iront à la jeunesse d'un autre pays.

La mobilité de ce type de main-d'oeuvre est un argument en faveur de la participation gouvernementale aux activités de formation d'apprentis dans notre secteur. La formation nécessaire y est en effet hautement spécialisée et peut être facilement transférable dans d'autres secteurs. Les fabricants de moules, les outilleurs-ajusteurs, les machinistes, etc., sont employés dans le monde entier dans différents contextes industriels. Statistique Canada indique actuellement que le taux de chômage canadien chez les compagnons outilleurs-ajusteurs est inférieur à 0,7 p. 100. Un outilleur-ajusteur sans emploi est quelqu'un qui est entre deux emplois. Cela confirme les données empiriques de pénurie que nous avons recueillies en sondant nos membres.

Vous vous demandez peut-être pourquoi des crédits d'impôt pour la formation en apprentissage plutôt que dans tous les genres de formation? L'ACOU estime que la pénurie de travailleurs qualifiés comporte une composante qui reflète la nature évolutive de notre secteur. Les changements technologiques rapides sont à l'ordre du jour. On continuera à exiger de plus en plus des travailleurs. Les membres de l'ACOU auront besoin de travailleurs plus instruits et plus qualifiés. La méthode la plus appropriée, qui a fait ses preuves, pour assurer des normes élevées de formation dans les métiers, ce sont nos programmes d'apprentis reconnus à l'échelle provinciale. La productivité accrue du secteur de la fabrication au Canada, due au changement technologique, exigera un accès facile à du personnel hautement qualifié. Dans un sondage récent auprès de nos membres, nous avons constaté que 92 p. 100 des répondants croient que leur entreprise est limitée par le manque de personnel qualifié. Les travailleurs qualifiés attirent le travail et l'investissement.

Pour résumer, la proposition de crédits d'impôt de l'ACOU s'appliquerait là où il y a pénurie systémique, telle que définie par DRHC, dans le cas des métiers où il existe un programme d'apprentissage accrédité à l'échelle provinciale et lorsqu'une entreprise s'engage à former des apprentis accrédités par la province. Le crédit d'impôt proposé représenterait 75 p. 100 de la rémunération de base de l'apprenti au cours de chaque année d'imposition. Notre proposition est semblable à celle des crédits à la R-D.

En terminant, nous aimerions souligner que le crédit d'impôt proposé par l'ACOU constitue un investissement dans les personnes. C'est un investissement dans la jeunesse canadienne. Il continuerait à relever le niveau de vie des Canadiens, aiderait à soutenir la croissance économique du Canada et améliorerait la qualité de vie des jeunes Canadiens. Les recettes fiscales tirées des travailleurs par suite de cette proposition permettraient au gouvernement de récupérer rapidement l'investissement initial. Merci beaucoup de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Bruce.

Nous allons maintenant passer au Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction représenté par le président, M. Steven Johns. Bienvenue.

M. Steven Johns (président, Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité. Je suis très heureux de pouvoir vous présenter les opinions prébudgétaires du Conseil canadien des détaillants de matériaux de construction.

• 0920

Le CCDMC est un organisme parapluie national qui représente les cinq régions du Canada et les associations provinciales de détaillants de matériaux de construction. Il y a l'Atlantic Building Supply Dealers Association;

[Français]

l'Association des détaillants de matériaux de construction du Québec;

[Traduction]

la Western Retail Lumber Association, la British Columbia Building Supply Dealers Association; et mon propre organisme, la Lumber and Building Materials Association of Ontario. Toutes nos associations constituantes ont été consultées étroitement en vue de l'élaboration du mémoire que nous présentons aujourd'hui.

Notre mémoire est présenté conjointement par l'Association canadienne des fabricants de quincaillerie et d'articles ménagers, et l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie, l'Association canadienne des professionnels de la vente. L'incidence de nos quatre industries sur l'économie canadienne est importante comme le montre notre mémoire. Les ventes au détail totales pour l'industrie ont représenté 10 milliards de dollars l'an dernier; nous employons quelque 50 000 Canadiens.

Nos cinq associations constituantes représentent au total 1 450 entreprises à l'échelle du pays. Une caractéristique que partage la majorité d'entre elles, c'est que nous sommes de petites et de moyennes entreprises. Notre mémoire reflète ce fait dans un grand nombre de recommandations qui touchent particulièrement le secteur de la petite entreprise.

En particulier, nous appuyons la suggestion formulée par le comité permanent voulant que le seuil du revenu imposable qui donne droit à la déduction pour petites entreprises soit réévalué. Nous vous exhortons également à recommander un examen semblable de l'exemption unique sur le gain en capital, si importante pour la survie à long terme des petites entreprises à propriété familiale à peu d'actionnaires.

Dans notre mémoire, nous qualifions également de discriminatoire l'incidence de la déduction de 50 p. 100 sur les repas d'affaires dans le cas de la petite entreprise, mesure qui favorise les grandes sociétés. Par conséquent, nous croyons qu'il faudrait remettre en place la déduction de 80 p. 100 pour les petites entreprises. Ou on pourrait permettre d'inclure les frais de repas d'affaires dans la déduction pour petites entreprises.

Au nom de mes collègues de notre coalition prébudgétaire, je m'en voudrais de ne pas vous présenter notre position la plus à jour sur quelques questions.

Dans notre mémoire, nous mentionnons une vérification effectuée l'année dernière par le vérificateur général relativement à l'Initiative de lutte à l'économie souterraine de Revenu Canada. On y critiquait Revenu Canada et on estimait que quelque 7 milliards de dollars de recettes fiscales avaient échappé au gouvernement canadien en 1997 en raison précisément de l'économie souterraine. Nous avons recommandé au comité permanent d'examiner sérieusement la question et nous maintenons notre demande. Toutefois, vous trouverez peut-être intéressant de savoir que j'ai récemment reçu la visite de représentants de Revenu Canada qui faisaient la promotion de leur initiative de lutte à l'économie souterraine, surtout en ce qui concerne les logiciels de vente installés et le Système de déclaration des paiements contractuels, et il est à souhaiter que ce soit là un pas dans la bonne direction.

Dans notre mémoire, nous avons aussi recommandé au comité permanent de prier instamment les ministres des Finances et du Développement des ressources humaines d'annoncer d'appréciables réductions des taux de cotisations d'assurance-emploi pour l'année 2000. Nous nous sommes réjouis de l'annonce qui a été faite récemment et selon laquelle des réductions seront accordées l'an prochain. Dans notre mémoire prébudgétaire, nous recommandions également d'annoncer comme on l'a fait auparavant dans le budget de février les taux d'assurance-emploi pour l'année suivante. Ce faisant, on aiderait les entreprises à établir leur budget chaque automne.

Enfin, je tiens à souligner que 1999 a été une assez bonne année pour le secteur de la vente au détail des matériaux de construction. Cela va de soi pour nos membres. Les mesures financières prudentes qu'a prises le gouvernement canadien au cours des dernières années ont permis dans une large mesure de revitaliser l'économie.

Les membres de notre Conseil estiment que cette vitalité économique nouvelle pourra être soutenue et étendue à toutes les régions, non pas par d'importantes augmentations des dépenses de programme, mais plutôt grâce à une combinaison de judicieuses mesures d'allégement fiscal et de stimulation de l'économie.

Je vous remercie de l'attention accordée à notre mémoire et à cette déclaration. J'ai hâte de répondre aux questions que vous voudrez bien me poser au cours de la période des questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Johns.

Nous accueillons maintenant les représentantes du Comité des employeurs de l'Ontario sur la santé: Mme Laurie Lowe, directrice, Recherche et conception des produits, prestations aux employés Clarica, et Mme Susan Bowyer, consultante. Soyez les bienvenues.

Mme Laurie Lowe (directrice, Recherche et conception des produits, prestations aux employés Clarica, Comité des employeurs de l'Ontario sur la santé): Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Nous voudrions d'abord remercier le comité de nous avoir invitées une fois de plus cette année à participer aux consultations prébudgétaires.

Le Comité des employeurs de l'Ontario sur la santé est un groupe de 25 des principaux employeurs de l'Ontario, qui sont déterminés à user de leur influence pour assurer l'efficacité et la solidité financière de notre système de soins de santé. Depuis notre fondation en 1994, nous avons fait un certain nombre de représentations au gouvernement de l'Ontario ainsi qu'à d'autres niveaux de gouvernement au sujet de la réforme de la prestation des soins de santé.

Les membres du comité emploient quelque 300 000 personnes en Ontario. Notre masse salariale totale est de l'ordre de 13 milliards de dollars en Ontario et de 22 milliards dans l'ensemble du Canada. Nous croyons qu'une main-d'oeuvre en santé et productive est importante pour une entreprise et pour l'ensemble de la société. Notre investissement dans la santé et les soins dentaires cette année dépassera 600 millions de dollars en Ontario et plus de 1 milliard de dollars dans l'ensemble du Canada. Nos programmes visant nos employés, retraités et beaucoup de leurs personnes à charge admissibles couvrent au total environ 9 p. 100 de la population de l'Ontario.

• 0925

On lit souvent que les employés sont protégés par des compagnies d'assurance, alors qu'en fait, c'est l'employeur qui fournit cette assurance et qui en assume le coût entier. Les coûts de fonctionnement ou d'exploitation, y compris la prestation de soins de santé pour nos employés, ont une grande incidence sur notre capacité à créer de l'emploi pour les Ontariens. Nous sommes donc des intervenants importants et nous devons être reconnus comme tels.

Le principal message de notre mémoire de l'année dernière était que la solution ne consiste pas à injecter plus d'argent dans le système de soins de santé. Un regard autour du monde permet de constater que les dépenses totales consacrées à la santé au Canada, en pourcentage du produit national brut, sont parmi les plus élevées au monde.

Nous insistons sur la nécessité de mettre l'accent sur un système intégré de prestation des soins de santé, au lieu de continuer à financer l'actuel système de fournisseurs/intervenants, qui est inefficace et d'un piètre rendement du point de vue avantages-coûts. Notre objectif est d'obtenir des soins de santé de la meilleure qualité au plus bas coût possible. Nous croyons d'ailleurs que cet objectif est partagé par tous les paliers de gouvernement.

Nous croyons qu'une meilleure intégration des services permettrait à l'Ontario et aux autres provinces de dispenser de meilleurs soins à même leurs budgets existants. Il faut limiter les futures augmentations de coût ou glissements de coût grâce à une meilleure gestion de la santé, si nous voulons maintenir les normes en matière de soins de santé et même les relever.

Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt le chapitre 5 du rapport publié par le comité permanent en décembre 1998. Nous convenons avec vous que la perception du public en est une de crainte et d'incertitude quant à l'avenir des soins de santé au Canada. Nous convenons qu'il est important de s'attaquer à cette perception.

Nous croyons que les craintes du public peuvent être dissipées en grande partie grâce à un plan de communication; il s'agit de donner aux Canadiens l'assurance que la Loi canadienne sur la santé demeurera intacte et que le partage de plus en plus étendu des renseignements d'ordre médical respectera leur vie privée. Les Canadiens doivent être mieux informés sur l'avenir d'un système de soins de santé amélioré.

Nous souscrivons à vos recommandations visant l'élaboration de principes directeurs pour garantir la qualité, et la mise en place d'un système pour contrôler et mesurer la qualité des soins. Et nous comprenons votre décision de pécher par excès de prudence et d'injecter des fonds additionnels dans le système de soins de santé. Nous avons bon espoir que votre recommandation d'investir dans la recherche est compatible avec le besoin de mettre au point des lignes directrices cliniques pour des solutions de rechange en matière de traitement, par opposition au simple fait de financer la croissance de la demande de services. Il est essentiel d'investir dans une infrastructure de partage de l'information afin de réaliser un système intégré de prestation des soins.

Nous vous renvoyons au rapport de juin 1999 de la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario, intitulé Plan d'action pour la gestion de l'information sur la santé en Ontario. La Commission a établi que la mise en place d'une infrastructure de l'information est la priorité absolue pour l'établissement d'un meilleur système de soins de santé, et nous sommes d'accord. Nous recommandons que tout financement additionnel serve à la mise en place de cette infrastructure d'information.

Nous réitérons qu'en tant qu'employeurs, nous ne recommandons pas de réduire nécessairement les coûts des soins de santé, pas plus que nous envisageons nécessairement une réduction de notre contribution au système. Nous reconnaissons que l'on attend des employeurs qu'ils continuent de financer en partie les soins de santé, par l'entremise de charges sociales ou de la fiscalité en général.

Dans notre esprit, les systèmes intégrés de prestation (SIP) des soins de santé permettent de dispenser ou de prendre les arrangements voulus pour dispenser toute la gamme des soins de santé, y compris les soins primaires et aigus; plus la promotion de la santé, la prévention des maladies, la rééducation et les soins palliatifs.

Le financement et l'administration sont centrés sur le consommateur; ils visent la santé de la collectivité. Les SIP ciblent les consommateurs de soins de santé, et non pas les fournisseurs. Les soins et les activités de prévention sont dispensés dans le cadre le plus approprié, qui peut être un centre communautaire, un hôpital ou un autre établissement, et par le fournisseur approprié. Les patients sont inscrits sur un rôle et le financement des SIP est fondé sur le nombre de personnes inscrites au rôle, avec pondération selon des facteurs généraux comme l'âge, le sexe et les statistiques de santé de la collectivité.

Tous les services, traitements et médicaments d'ordonnance sont payés par le SIP. Le financement peut venir de diverses sources, mais l'argent suit le consommateur inscrit. Les technologies de pointe dans le domaine de l'information et des prises de décision fondées sur les faits sont essentielles pour suivre à la trace les traitements et les résultats cliniques obtenus et pour élaborer les lignes directrices en matière d'ordonnances. Les SIP sont responsables, sur les plans clinique et financier, d'obtenir le meilleur équilibre entre les résultats, la rapidité et le coût.

• 0930

Pour pouvoir offrir les soins les plus efficaces et les plus complets possibles, nous ne recommandons pas de mettre sur pied des organisations de santé axées sur le fournisseur, ou encore les organisations de services de santé dont on propose la création dans certaines provinces et qui dispenseront seulement les services et les soins actuellement assurés par les gouvernements provinciaux. Nous ne préconisons pas non plus la mise en place d'organisations de gestion de la santé calquées sur celles qui existent aux États-Unis. Notre vision est plus globale et vise la mise en place d'un continuum pour la prestation de meilleurs soins de santé. Les systèmes intégrés de prestation établiront le contexte dans lequel on pourra mener à bien les réformes de la santé déjà entreprises, par exemple la restructuration des hôpitaux, des soins primaires et des soins communautaires et, dans trois ans, débouchera sur un examen complet de la rémunération des médecins.

À titre d'employeurs, nous constatons de graves lacunes dans l'infrastructure de l'industrie des soins de santé. En général, ce n'est pas le client qui paie le fournisseur; celui qui paie ne fait pas partie du système. La croissance de l'industrie a été dictée par l'offre et souvent par les fournisseurs. On n'insiste pas sur la responsabilité à l'égard des résultats ou des coûts.

En conclusion, et en réponse aux questions que votre comité pose dans le cadre du processus de consultation au sujet de la répartition du nouveau dividende financier, nous exhortons à nouveau le gouvernement à ne pas dépenser plus d'argent pour la santé, mais plutôt à trouver des moyens d'encourager et de promouvoir l'adoption d'un système intégré de prestation des soins de santé.

Merci pour votre attention.

Le président: Merci beaucoup pour cette consultation. Je suis sûr que la Dre Bennett aura une question.

Nous avons le temps pour des questions de dix à quinze minutes. Commençons par M. Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président. Merci à tous les témoins d'être des nôtres ce matin. Sachez bien que vous êtes arrivés ici à 6 h 30 ce matin, d'après ma montre, une montre de l'Alberta.

Je me réjouis de constater que vous nous avez remis des rapports approfondis. Je comprends bien que vous n'en avez donné que des grandes lignes et je m'empresserai de les lire dès ce soir quand je rentrerai chez moi. Je tiens à vous en féliciter.

Une des questions qui préoccupent les membres de ce côté-ci de la table a trait à la réduction d'impôt. Je crois que c'est M. Crofford qui a dit que nous devions réexaminer le plan qui consisterait à réduire les impôts et la dette avec la moitié des fonds et à augmenter les dépenses avec l'autre moitié.

Que voulez-vous dire par là? Nous suggérez-vous d'éviter complètement d'engager de nouvelles dépenses? J'aimerais que vous me le confirmiez, si c'est ce que vous voulez dire.

M. Vaughn Crofford: Oui, il est toujours bon de mettre un frein aux dépenses. Tout d'abord, si l'excédent sert de fonds de prévoyance pour d'autres programmes comme dans le cas dont on a entendu parler, cela limite les sommes disponibles pour accorder une réduction d'impôt. Il faut effectivement équilibrer les réductions d'impôt et les dépenses.

M. Ken Epp: Je ne sais plus lequel d'entre vous a mentionné la lourdeur du fardeau fiscal au Canada. Je me demande dans quelle mesure vous accorderiez la priorité à la réduction de la dette, ce qui réduirait nos paiements au titre des intérêts, plutôt qu'à l'octroi d'un allégement fiscal. Vous avez précisément mentionné que l'impôt sur le revenu des particuliers devait être étudié en priorité. Peut-être l'un des témoins pourrait-il se prononcer?

M. Vaughn Crofford: Il nous semble que ces deux objectifs ont la même importance, et que la formule gouvernementale des 50-50 est appropriée.

M. Ken Epp: D'accord, mais selon ces formules, la moitié est allouée à des dépenses et l'autre moitié à la réduction de l'impôt et de la dette. Ce que je vous demande c'est ceci: quelle proportion servirait à la réduction de la dette et quelle proportion servirait à la réduction d'impôt?

M. Vaughn Crofford: Sur les 50 p. 100 restants?

M. Ken Epp: Oui. Vous opteriez pour une proportion de 25 à 25?

M. Vaughn Crofford: De l'ensemble... oui.

M. Ken Epp: Monsieur Elliott, que voulez-vous dire quand vous recommandez que nous examinions le Programme d'accession à la propriété? Faudrait-il le renforcer? Faudrait-il le maintenir tel quel ou souhaiteriez-vous qu'on y apporte des changements?

M. Robert Elliott: Le Programme d'accession à la propriété est l'exemple que nous suggérons au gouvernement d'examiner en ce qui a trait à l'octroi d'une mesure d'encouragement pour les réparations de résidence, les rénovations et l'adaptation.

M. Ken Epp: Autrement dit, il ne faudrait pas toucher à ce plan.

• 0935

M. Robert Elliott: Oui. Nous ne faisons aucune suggestion en ce qui concerne l'acheteur d'une première maison. Cet exemple pourrait servir quand il est question d'accorder un allégement fiscal et d'évaluer la capacité de rénover.

M. Ken Epp: Vous dites donc en somme que si quelqu'un s'apprête à rénover sa maison ou à y ajouter une pièce ou une annexe quelconque, ces travaux pourraient être déductibles d'impôt?

M. Robert Elliott: Toujours selon le même exemple, il en serait tenu compte, de même que des travaux d'adaptation auxquels on procède dans le cas de certaines personnes âgées, dont il faut modifier la résidence.

M. Ken Epp: Le sujet suivant m'intéresse beaucoup car avant de devenir député, j'ai travaillé pendant des années dans un institut technique. La grande différence à l'époque, c'est que j'enseignais à des étudiants qui étudiaient vraiment alors que maintenant, je suis dans une grande classe où il est bien difficile d'enseigner—en fait, je voulais simplement plaisanter; oubliez tout cela.

Je m'intéresse beaucoup à la formation des travailleurs qualifiés. En tant que député, je rencontre des dirigeants d'entreprise, en particulier du secteur manufacturier, qui se disent très mécontents de ne pouvoir embaucher des travailleurs canadiens qualifiés, et lorsqu'ils en trouvent en Europe et qu'ils essaient de les faire venir, ils se heurtent à de graves difficultés auprès des services d'Immigration Canada. C'est un sujet dont j'entends constamment parler. Vous dites qu'il faudrait améliorer le programme d'apprentissage, mais ce n'est pas la seule façon de former des travailleurs qualifiés; ce n'est qu'une façon parmi d'autres.

Avez-vous d'autres propositions à faire pour améliorer nos instituts techniques et nos écoles industrielles afin que le Canada dispose d'un bassin de travailleurs hautement qualifiés?

M. Del Bruce: Si vous remontez au milieu des années 70, du moins en Ontario, le système scolaire assurait un courant très solide d'enseignement technique.

J'ai moi-même suivi un cours de cinq ans en sciences, technologie et métiers. Lorsque j'ai obtenu mon diplôme, j'ai pu entrer sur le marché du travail avec une formation d'outilleur ou de machiniste pour me mettre au service d'un employeur et j'étais productif dès le premier jour.

Malheureusement, pendant les années 80, les ministères de l'Éducation ont abandonné la formation technique et vous pouvez remarquer qu'il ne reste plus que quelques rares écoles capables aujourd'hui d'enseigner les métiers techniques. Encore une fois, je parle ici de l'enseignement secondaire, et non collégial.

De ce fait, on se retrouve avec une génération de diplômés qui, à la fin de leurs études, n'ont reçu ni information ni formation concernant les métiers techniques. Si l'on pouvait rétablir ce régime d'enseignement technique dans les écoles secondaires, on aiderait grandement l'industrie à trouver les travailleurs dont elle a besoin.

M. Ken Epp: Je suis sûr que vous ne voulez tout de même pas inciter le gouvernement fédéral à intervenir dans le fonctionnement de l'enseignement. Vous êtes certainement d'accord pour dire qu'il faut laisser cela aux provinces.

M. Del Bruce: Oui, je considère que c'est un domaine de compétence provinciale.

M. Ken Epp: À votre avis, est-ce que le programme d'apprentissage s'est affaibli au cours des 10 ou 15 dernières années?

M. Del Bruce: Oui. Comme les jeunes, en fin d'études, ne sont pas prêts à commencer un apprentissage, il est difficile de les intégrer à la main-d'oeuvre active. Tout d'abord, il y a des problèmes de santé et de sécurité en milieu de travail. Des jeunes arrivent dans un environnement auquel ils n'ont pas été formés, ils ne savent pas ce qui se passe dans un établissement manufacturier et les employeurs n'ont aucun avantage à les embaucher.

Aujourd'hui, les employeurs exigent que leurs apprentis aient suivi un cours de technicien-outilleur, un cours de machiniste ou un cours collégial complémentaire, et non pas qu'ils sortent tout simplement d'une école secondaire.

M. Ken Epp: Je suppose qu'à votre avis, la pénurie de travailleurs qualifiés est très répandue au Canada.

M. Del Bruce: Oui, elle est très répandue. L'AFPA, ou Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada, s'attend à une pénurie de 5 000 à 7 000 travailleurs au cours des quatre ou cinq prochaines années. Pour l'ensemble des métiers spécialisés, les chiffres indiquent une pénurie de 50 000 travailleurs au cours des cinq prochaines années.

M. Ken Epp: Vous dites dans votre proposition qu'il faudrait accorder un crédit d'impôt de 75 p. 100 pour les salaires versés à ceux qui suivent un programme d'apprentissage. Pensez-vous que ce soit vraiment nécessaire? Si l'on pouvait accorder un allégement fiscal général aux sociétés, elles auraient davantage de liquidités et participeraient volontiers au programme d'apprentissage, parce qu'elles y verraient leur intérêt.

• 0940

M. Del Bruce: Malheureusement, les chiffres nous indiquent que 90 p. 100 de la formation en apprentissage au Canada concerne des petits emplois axés sur le petit commerce. Ce sont des établissements qui emploient de dix à cinquante personnes. Nos grosses sociétés prennent très peu d'apprentis actuellement. En fait, elles ont même le tort d'aller marauder les apprentis qui ont été formés dans les arrière-boutiques.

Le coût de la formation d'un apprenti se situe aux alentours de 120 000 $ à 130 000 $ sur quatre ans. C'est un investissement considérable pour un petit commerçant, qui risque de voir son employé le quitter au bout de trois ou quatre ans pour passer au service d'une grosse société qui n'a pas eu à supporter un tel investissement, ce qui dissuade les employeurs de former des apprentis. Un petit commerçant ne peut pas se le permettre, et pourtant, c'est le petit commerce qui forme 90 p. 100 de nos apprentis.

M. Ken Epp: Voilà qui nous donne une excellente perspective, car nous parlons de l'augmentation du bassin des travailleurs qualifiés, mais il faut aussi que tout le monde partage les coûts et les avantages de l'apprentissage, au lieu de laisser les plus petits en supporter tout le poids.

M. Del Bruce: Oui. Notre proposition vise à une grande égalité des chances, de façon que les coûts soient répartis entre le plus grand nombre.

M. Ken Epp: J'ai une dernière question. Dans la situation actuelle, est-ce que les apprentis doivent signer un contrat et s'engager à rester avec leur employeur pendant un certain nombre d'années lorsqu'ils commencent leur apprentissage?

M. Del Bruce: Non. Il n'y a pas de contrats de ce genre, et je ne pense pas qu'on les accepterait dans le contexte de la Charte des droits.

Il y a des situations dans lesquelles les apprentis qui n'ont pas à payer pour leur formation peuvent être obligés de rester auprès de l'employeur pendant un certain temps. S'ils le quittent avant l'échéance prévue, ils doivent le rembourser. Mais ce n'est pas la norme.

M. Ken Epp: C'est intéressant. J'ai un proche parent qui suit un programme d'apprentissage à l'étranger, et qui a dû signer un contrat selon lequel il doit rester chez son employeur pendant au moins cinq ans.

M. Del Bruce: C'est ce que l'on rencontre en Europe et dans de nombreux pays étrangers, où cet usage est courant. Cependant, ce n'est pas un usage courant au Canada.

M. Ken Epp: Je vais maintenant passer à la question des soins de santé, qui me semble très intéressante. Je n'ai pas eu l'occasion de lire tout votre mémoire. Je l'ai parcouru pendant que je vous écoutais.

J'espère que je vous ai bien compris: vous dites qu'il faut laisser la libre entreprise investir le secteur de la santé. Est-ce bien cela?

Un témoin: On demande l'élimination du cloisonnement actuel et le renforcement de l'imputabilité grâce à la mise en place d'une infrastructure informatique qui permette le partage de renseignements sur les patients et la diffusion de lignes directrices éprouvées en thérapeutique. Je ne suis pas certain que la libre entreprise fasse partie des messages du mémoire.

M. Ken Epp: J'ai dû mal comprendre. Mais lorsque vous parlez de fournisseurs multiples et de payeurs uniques, c'est ce que je crois comprendre.

Dans ce cas, quel genre de système de soins de santé envisagez-vous? Un système entièrement géré par les gouvernements provinciaux? Est-ce que vous voulez que le gouvernement fédéral continue à participer au financement sans autre forme d'intervention? Voulez-vous que la responsabilité incombe aussi partiellement au gouvernement fédéral? Quelles sont vos perspectives dans ce domaine?

Un témoin: Idéalement, pour être efficace, le système devrait avoir un financement centralisé. Comme nous le disons dans notre document, nous ne proposons pas la cessation totale des contributions des employeurs, mais il serait intéressant d'avoir une liste des patients dans le cadre d'un système de prestation de soins intégré, le traitement appliqué étant choisi en fonction des meilleurs résultats obtenus, indépendamment de la prise en charge des frais. À notre avis, ce n'est pas ce qu'on obtient dans le système actuel.

• 0945

M. Ken Epp: À mon avis, le système actuel ne fonctionne pas bien. Il y a quelques semaines, j'ai eu directement affaire au système de soins de santé et quand j'étais dans la salle d'attente avec mes amis, je me suis dit que si nous étions dans un contexte de libre entreprise, j'irais immédiatement demander les services d'une autre société. Dans une situation d'urgence, il est inacceptable de devoir rester pendant huit heures dans une salle d'attente avant de voir un médecin.

Un témoin: Dans un système de prestation intégré, le consommateur aurait le choix et pourrait s'adresser aux services les plus appropriés, offrant la meilleure qualité. Avec des lignes directrices sur la qualité et des mesures des résultats, on obtiendrait, à notre avis, des soins de santé de qualité.

M. Ken Epp: Dans votre mémoire, que voulez-vous dire quand vous parlez de «restructuration des hôpitaux»?

Un témoin: À notre avis, il y a eu une restructuration des hôpitaux ces dernières années quand chaque hôpital s'est spécialisé dans certains traitements. Les fermetures d'hôpitaux ont modifié la prestation de services dans la collectivité.

M. Ken Epp: Est-ce que votre système réglerait le problème des gens qui déménagent d'un endroit à un autre? Je ne sais pas si vous le savez, mais à cause du régime fiscal plus avantageux que l'on trouve en Alberta, nous connaissons actuellement une croissance sans précédent. Des milliers de personnes arrivent chaque mois en Alberta et nous recevons de nombreuses plaintes de la part de ceux qui, sur le plan médical, se retrouvent dans les limbes pendant deux mois parce que leur province d'origine ne veut plus les prendre en charge après leur départ, alors que l'Alberta exige deux mois de résidence avant d'accorder les avantages de son régime d'assurance-santé.

Dans un cas dont je me suis occupé, la personne s'est félicitée d'avoir un régime complémentaire d'assurance-santé qui a assumé la différence entre le montant des frais et le montant pris en charge par le système public.

C'est comme ça que l'on se retrouve coincé. Comment pensez-vous résoudre ce problème? Est-ce que vous envisagez qu'une compagnie d'assurance privée puisse intervenir pendant la période de carence, ou pensez-vous que le système public doive éliminer cette période de carence?

Un témoin: Je ne suis pas sûr que notre document entre à ce point dans les détails. Nous souhaitons que les administrés soient couverts en permanence par un régime public et qu'on évite les situations de ce genre. Notre mémoire ne prétend pas non plus que les employeurs refusent d'y contribuer, mais on constate que leur contribution augmente sans cesse, et qu'un certain nombre de facteurs ont des conséquences très graves pour le système. Nous pensons qu'à l'avenir, on verra en permanence apparaître de nouveaux médicaments. On s'éloigne progressivement des soins hospitaliers. Quand on ne peut plus obtenir de soins hospitaliers, le patient doit de plus en plus souvent payer de sa poche les coûts d'invalidité et de maladie, et cela ne peut pas durer.

Les employeurs demandent plus de souplesse dans les comptes de dépenses et veulent trouver moyen de mettre une plus grande partie des coûts sous la responsabilité du consommateur.

De nombreux employeurs sont contraints de se retirer des fonds de retraite, qui leur coûtent beaucoup trop cher. Nous ne demandons pas que les employeurs cessent leur contribution, mais la situation est en train d'échapper à tout contrôle.

M. Ken Epp: Merci à tous de votre participation.

Le président: Merci.

Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais reprendre les questions posées par M. Epp.

• 0950

Monsieur Bruce, pourriez-vous nous parler spécifiquement de l'exode des cerveaux parmi vos membres? Pensez-vous qu'il y ait un déplacement du savoir-faire canadien vers les États-Unis? Dans ce cas, pensez-vous que le régime fiscal du Canada soit le principal responsable, ou serait-ce simplement une question de demande excédentaire? Pouvez-vous élucider ce problème?

M. Del Bruce: Je crois que le problème actuel tient à la demande excédentaire dans notre secteur d'activité et à la forte pénurie de travailleurs spécialisés qui en résulte. Un représentant de l'une de nos sociétés membres, Valiant Machine, qui nous accompagne aujourd'hui, me disait ce matin que sa compagnie connaissait un exode des cerveaux massif vers les États-Unis, à telle enseigne qu'elle a dû ouvrir un établissement aux États-Unis pour endiguer cet exode. La situation est telle que plutôt que de tout perdre, il faut absolument s'en occuper et garder notre main-d'oeuvre qualifiée. C'est un véritable problème.

Pour la région de Windsor, j'aurais bien du mal à vous dire si l'exode est imputable au régime fiscal ou à la pénurie de main-d'oeuvre. Je vis moi-même dans la région de Toronto et je peux vous dire que nous connaissons effectivement un exode des cerveaux vers les États-Unis, mais il y a aussi un exode d'une entreprise à l'autre, qui résulte du fait que nos sociétés n'ont pas toutes pour principe d'assurer la formation nécessaire à l'industrie.

Que le problème soit international ou national, il y a un exode des cerveaux d'une entreprise à l'autre à cause du manque de main-d'oeuvre disponible.

Mme Albina Guarnieri: Si je vous comprends bien, vous n'avez pas de statistiques indiquant l'existence d'un exode des cerveaux vers les États-Unis.

M. Del Bruce: Nos membres de Windsor ont sans doute des statistiques à ce sujet. Je ne sais quels sont les chiffres actuellement, mais il y a effectivement un exode des cerveaux dans la région de Windsor.

Mme Albina Guarnieri: Monsieur le président, le témoin aurait-il l'amabilité de faire parvenir la documentation pertinente au comité? Cela nous serait très utile.

M. Del Bruce: Certainement.

Mme Albina Guarnieri: Monsieur Crofford, en tant que fabricant de biens de consommation, vous êtes sans doute en mesure de nous parler des avantages relatifs des allégements fiscaux au niveau des taxes de vente et des allégements des charges sociales et de l'impôt sur le revenu. En outre, vous tenez compte des dépenses des consommateurs et de leur effet sur vos revenus. Est-ce que vous pensez qu'une augmentation des dépenses des consommateurs et une réduction des taux d'imposition pour la classe moyenne ou des taxes de vente seraient plus avantageuses qu'un rajustement des charges sociales dans votre secteur? Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Vaughn Crofford: Nous sommes dans un secteur d'activité qui mise sur un fort degré de confiance des consommateurs. Comme je l'ai dit, nous nous situons dans une branche où la récente relance de l'économie est très fragile. Par conséquent, l'augmentation des dépenses des consommateurs serait très bénéfique pour notre chiffre d'affaires et pour la production de biens. C'est exact.

Mme Albina Guarnieri: Dans tout allégement fiscal, il faut tenir compte de la compétitivité de notre régime fiscal par rapport au régime américain. En comparant la situation de vos membres à celle de leurs homologues américains, quels sont les éléments de la fiscalité qui les avantage et quels sont ceux qui les pénalise?

M. Vaughn Crofford: Du point de vue des manufacturiers, il faut parler des charges sociales. Les coûts de main-d'oeuvre dans la production de biens au Canada sont supérieurs à ce qu'on trouve dans de nombreuses régions des États-Unis; les charges sociales font donc obstacle à la création et à la préservation des emplois au Canada.

Mme Albina Guarnieri: Merci, monsieur Crofford.

Le président: Merci, madame Guarnieri.

De ce côté, tout le monde voudrait poser une question; je vous demanderais donc d'en tenir compte et d'être brefs.

Nous allons commencer par M. Gallaway, puis ce sera Mme Bennett, M. Szabo et M. Cullen.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais poser quelques questions au représentant de la quincaillerie, le Canadian Retail Building Supply Council. Votre dixième recommandation concerne les augmentations de la taxe fédérale sur l'essence. On parle beaucoup, dans ce pays, des engagements pris à Kyoto. Pourriez-vous nous présenter en résumé les effets d'une augmentation de la taxe sur l'essence dans votre secteur d'activité ou dans votre industrie?

0955

M. Steven Johns: Dans l'industrie des matériaux de construction et de la quincaillerie de détail, l'un des principaux coûts liés à l'exploitation d'un commerce de détail concerne l'entretien de la flotte automobile. L'une des principales activités qui fait partie intégrante du commerce au détail de matériaux de construction, c'est la livraison des marchandises aux lieux de travail ou aux bricoleurs dans le cadre d'un projet de rénovation ou de réparation.

Beaucoup de commerçants utilisent à l'heure actuelle la livraison—et, plus particulièrement, la livraison gratuite—comme forme d'avantage concurrentiel, mais cela nuit jusqu'à un certain point aux bénéfices nets, aux marges de profits. La raison, une fois de plus, c'est parce qu'il s'agit d'un aspect très coûteux de cette activité commerciale et que ces coûts sont évidemment exacerbés par les taxes sur l'essence. À notre avis, c'est une question qui exige par conséquent un examen très sérieux surtout à l'échelle régionale. Le problème devient particulièrement grave dans le nord de l'Ontario par opposition au sud de l'Ontario, par exemple.

M. Roger Gallaway: Deuxièmement, votre douzième recommandation porte sur ce que j'appellerais un programme relatif au réseau routier national. Cela devient un problème particulièrement grave surtout en Ontario, compte tenu du nouvel axe routier nord-sud pour les importations et les exportations. Ottawa a tendance à dire que ce n'est pas son problème, que c'est un problème provincial. Je me demande si vous pourriez nous dire de quelle façon la dégradation du réseau routier influe sur votre entreprise. Que se passe-t-il selon vous et pourquoi formulez-vous la recommandation 12? Je suis certainement d'accord avec cette recommandation et je suis heureux qu'elle ait été faite. Mais je me demande quel est l'impact de l'infrastructure routière sur vos activités commerciales ou l'impact que vous prévoyez qu'elle aura.

M. Robert Elliott: J'ai fait cette observation dans le mémoire présenté au nom de l'Association canadienne des détaillants en quincaillerie.

Tout d'abord, la recommandation était d'entreprendre cette initiative selon une formule de partage de coûts avec les autres paliers de gouvernement et non uniquement au niveau fédéral. Deuxièmement, et pour répondre plus précisément à votre question, je crois qu'il s'agit d'une question d'accessibilité. Dans certaines des régions plus éloignées en particulier, il est important de s'assurer que les gens ont accès aux commerces pour pouvoir faire leurs achats en vue de leurs travaux de rénovation ou de réparation. S'ils ne peuvent pas se rendre dans les commerces à cause de l'état des routes ou des ponts ou s'ils préfèrent ne pas le faire pour des raisons de sécurité, alors je pense que cela a effectivement des répercussions sur nos membres et sur leurs activités commerciales.

M. Roger Gallaway: C'est ma dernière question, monsieur le président.

En ce qui concerne le même groupe, votre première recommandation est d'adopter une démarche plus énergique en ce qui concerne la réduction du ratio de la dette au PIB. Comme vous le savez, lors des élections de 1997, le Parti libéral s'était engagé à dépenser les excédents selon la formule suivante: 50 p. 100 pour les programmes sociaux, 25 p. 100 pour la réduction de la dette et 25 p. 100 pour les réductions d'impôt ou une division de 50-50. C'était en 1997, mais nous sommes en 1999. Je me demande par conséquent si vous aimeriez commenter sur cette utilisation de 25 p. 100 de l'excédent pour réduire la dette. À votre avis, ce pourcentage devrait-il être plus élevé?

Un témoin: Idéalement, je suppose que ce serait probablement l'une des deux grandes questions que nos membres considèrent importantes. Si l'on revoyait cette grande question, une augmentation du pourcentage alloué pour la réduction de la dette et une diminution des impôts seraient bénéfiques à ce que nous considérons comme une économie fragile.

M. Roger Gallaway: Donc, si je vous comprends bien, vous êtes en train de dire que vous élimineriez la formule 50-50 et que vous opteriez peut-être pour la formule 70-30, 60-40, 75-25 ou une autre formule.

• 1000

Un témoin: Je n'ai pas de chiffre en tête, mais la dette serait une priorité.

M. Roger Gallaway: Je vous remercie.

Le président: Je vais simplement poursuivre sur cette question, parce que j'allais poser une dernière question. Le groupe pourrait-il me donner une idée de ce qu'il pense de cette formule 50-50? Préférez-vous que je procède de gauche à droite ou de droite à gauche?

Une voix: Monsieur le président, vous pourriez peut-être leur dire quelle est cette formule 50-50 dont vous parlez.

Le président: L'opposition a une opinion différente de la formule 50-50 de celle des Libéraux. Pour nous, la formule 50-50...

Une voix: N'avez-vous pas lu le livre rouge?

Le président: Il s'agit de réduction d'impôt et de la dette d'un côté, n'est-ce pas?

M. Ken Epp: Et les dépenses de l'autre.

Le président: Et d'investissements stratégiques pour répondre aux besoins économiques et sociaux des Canadiens, de l'autre côté.

Avez-vous une opinion à ce sujet, monsieur Elliott?

Un témoin: Il me semble que les membres de notre coalition vous indiqueraient qu'en ce qui concerne notre structure et nos taux d'impôt sur le revenu des particuliers en tant que pourcentage du PIB, par exemple, et en ce qui concerne notre dette et notre ratio de la dette au PIB, nous semblons avoir un problème relativement aux pays du G-7 dans les deux cas, et cela ne fait aucun doute.

Nous savons tout ce que comporte le service de la dette. Nous savons aussi le genre d'impact qu'a le fardeau fiscal sur la confiance du consommateur et de toute évidence sur le revenu disponible. À cet égard, il existe certainement un lien direct avec la santé financière de l'industrie des détaillants de matériaux de construction et de quincaillerie.

J'estime que c'est là où doivent se situer les priorités, ce qui risque peut-être de modifier quelque peu la formule 50-50.

Le président: Laissez-moi reformuler cette question. Vous êtes partisan d'augmenter le pourcentage consacré aux réductions d'impôt et à la diminution de la dette, n'est-ce pas?

M. Robert Elliott: Je serais certainement d'accord avec cette dernière déclaration, surtout compte tenu du dernier sondage que nous avons effectué auprès de nos membres. Dans ce sondage, 92 p. 100 d'entre eux estimaient qu'une réduction du taux d'impôt sur le revenu des particuliers ou de la TPS serait bénéfique à l'économie nationale. Je pense que les indications sont là, qu'une grande majorité de gens veulent que l'on prenne ces mesures... Ma réponse à votre question serait d'accorder un plus haut pourcentage aux réductions d'impôt et à la diminution de la dette qu'aux dépenses.

Le président: Monsieur Crofford.

M. Vaughn Crofford: Comme je l'ai déjà dit, nous serions favorables à une telle augmentation.

Le président: Monsieur Gorham.

M. Russell H. Gorham (directeur général, Association canadienne de l'outillage et de l'usinage): Notre association serait favorable au paiement de la dette, aux réductions d'impôt et au report des dépenses, sauf dans les secteurs où elles sont d'un intérêt stratégique pour le pays.

Le président: Monsieur Vickers.

M. Bill Vickers (directeur, Pension Administration and Variable Compensation, Sobeys Capital Inc.; Comité des employeurs de l'Ontario sur la santé): En tant qu'homme d'affaires indépendant, j'estime que notre priorité numéro un devrait être de rembourser la dette. Je considère que cette dette est un énorme fardeau pas tant pour notre génération que pour les générations futures. J'estime qu'il est de notre devoir de nous occuper de la dette dès maintenant.

Mme Susan Bowyer (experte-conseil, Comité des employeurs de l'Ontario sur la santé): Ceci est une opinion personnelle; je ne parle pas au nom du Comité des employeurs de l'Ontario sur la santé. Je considère que les réductions d'impôt représentent une mesure plus positive pour notre économie.

Le président: Madame Lowe, vous êtes du même avis?

Mme Laurie Lowe: Oui.

Le président: Très bien.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Ma question s'adresse au Comité des employeurs de l'Ontario sur la santé. Comme le président l'avait prévu, votre mémoire est excellent.

À votre avis, que peut faire le gouvernement fédéral réellement dans le cadre de nos consultations budgétaires. Je pense que vous savez que les nouveaux instituts canadiens pour la recherche en santé auront un impact assez important sur la recherche portant sur les systèmes de prestation des soins de santé, et nous espérons qu'ils joueront un rôle utile à cet égard. Nous avons investi dans la technologie de l'information sur la santé, ce qui à mon avis nous permettra de nous acheminer vers un système intégré et d'étoffer l'aspect relatif à la responsabilité.

Je crois que vous savez que tout ce que vous êtes en train de dire est vrai. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire l'excellente monographie préparée par l'Université d'Ottawa et l'Université Queen's intitulée «The Sustainability of the Health Care System», qui indique que si nous décidions d'adopter des pratiques exemplaires, nous économiserions 7 milliards de dollars par année dans ce pays dans le secteur des soins de santé.

• 1005

Compte tenu de la complexité du fédéralisme, pouvez-vous me dire quelles sont, à votre avis, les mesures supplémentaires que le gouvernement fédéral pourrait prendre afin de tâcher de favoriser les initiatives dont vous parlez en ce qui concerne l'établissement d'un système intégré et la reddition des comptes, et bien entendu les soins à domicile, l'assurance-médicaments et tous ces éléments qui font partie d'un système intégré?

La deuxième partie de ma question est la suivante. Certaines personnes ont pour ainsi dire une réaction allergique lorsque l'on commence à parler d'établissement de listes, de capitation et ainsi de suite. Les gens croient qu'ils auront moins de choix et que tout le monde en profitera sauf les patients, alors que vous et moi considérons que ce sera extrêmement bénéfique pour les patients. En tant qu'employeurs, quelles sont les mesures que vous prenez pour aider vos employés à comprendre ce que sera un système de santé intégré et pour qu'ils réclament un tel système?

Un témoin: En ce qui concerne ce que nous attendons du gouvernement fédéral, dans notre document, nous avons parlé du cloisonnement qui existe et des priorités provinciales, et nous en sommes conscients. Ce que nous attendons de vous, c'est peut-être une vision de ce que devrait être le système de soins de santé, et nous nous attendons à ce que vous l'appuyiez.

En ce qui concerne les investissements financiers, je ne suis pas sûr que vous soyez en mesure de déterminer comment cet argent sera dépensé, mais nous tenons à répéter qu'au lieu de le dépenser pour ajouter des services, il serait préférable de consacrer cet argent à l'infrastructure de l'information.

Quant à ce que les employeurs peuvent faire, nous comprenons que l'une des plus grandes préoccupations, c'est la crainte, et notre message c'est que la population canadienne doit comprendre que la Loi canadienne sur la santé demeurera intacte, qu'il ne s'agit pas de calquer le système de soins de santé américain. Les employeurs ont un vaste auditoire captif et peuvent aider à transmettre ce message à leurs employés et peuvent participer à des études pilotes des systèmes de prestation intégrés.

Ai-je répondu à votre question?

Mme Carolyn Bennett: Oui, mais le fonds de transition pour la santé a été établi pour les provinces afin de leur permettre de financer des projets pilotes. Vous voudriez donc que l'on prévoie plus d'argent à cette fin?

Un témoin: Pour l'infrastructure de l'information et les projets pilotes, oui.

Mme Carolyn Bennett: Et pour le fonds de transition?

Un témoin: Oui.

Mme Carolyn Bennett: Très bien, je vous remercie.

Un témoin: Nous sommes persuadés qu'il est impossible d'avoir un système de prestation intégré sans une bonne infrastructure d'information.

Mme Carolyn Bennett: Tout à fait. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, madame Bennett.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Une importante étude a été faite par le gouvernement et publiée en 1996 par Statistique Canada. Il s'agissait d'une étude longitudinale sur les enfants et les jeunes. Cette étude a conclu que 25 p. 100 des enfants au Canada arrivaient à l'âge adulte avec d'importants problèmes de comportement, d'apprentissage, de problèmes sociaux ou autres qui les suivraient tout au long de leur vie. Ce sont des données qui me perturbent beaucoup plus que l'impôt sur le revenu.

Comme le discours du Trône renfermait un engagement formel à investir dans les enfants et nos jeunes, je me demande, compte tenu de vos exposés, pour m'assurer que votre message soit bien compris, si vous considérez qu'il doit s'agir d'une priorité et qu'il existe un moyen de concilier cet aspect avec les autres besoins que vous avez cernés.

Un témoin: Je vais faire une observation personnelle. Je ne veux pas parler au nom de l'Association pour l'instant, parce que nous n'avons pas posé cette question. Personnellement, en tant que père de deux adolescents qui sont actuellement aux études, je renoncerais aux réductions d'impôt sur le revenu des particuliers à condition que cet argent puisse être utilisé pour assurer un avenir à la jeunesse du Canada.

M. Paul Szabo: Il n'y a pas d'autres commentaires à ce sujet? Très bien.

• 1010

Monsieur Johns, vous avez parlé de l'économie souterraine. Ce n'est pas une question dont on parle souvent au Comité des finances, mais de toute évidence c'est un problème auquel nous devons nous attaquer en tant que gouvernement de façon permanente. Avez-vous des opinions particulières sur la façon dont nous pourrions nous attaquer à ce problème de l'économie souterraine? Le gouvernement devrait-il prendre des mesures plus énergiques pour s'attaquer aux causes profondes de ce phénomène ou pour s'occuper de certains secteurs où les abus sont plus importants?

M. Steven Johns: Le gouvernement a déjà résolu, en janvier dernier, de s'attaquer plus vigoureusement à ce problème. On ne parle plus d'observation volontaire. Je crois qu'il est maintenant question d'un programme de déclaration obligatoire des paiements contractuels.

Manifestement, des sommes importantes sont détournées des coffres du gouvernement. De toute évidence, c'est un phénomène que l'on observe dans le milieu des entrepreneurs et des sous-traitants. Une des questions qu'il faut se poser dans ce contexte, c'est pourquoi les entrepreneurs et les sous-traitants se comportent-ils de cette façon? Le régime fiscal actuel encourage-t-il ce genre d'activités? Je ne suis pas sûr d'avoir réponse à cette question, mais c'est sans doute quelque chose qu'il faudrait examiner.

Le fait est que des sommes considérables sont détournées des coffres du gouvernement. Si l'on pouvait recouvrer une partie de ces recettes, cela aurait des retombées positives sur le plan fiscal. C'est la bonne vieille théorie des dominos.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Monsieur Cullen, une dernière question.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci aux conférenciers.

J'aimerais revenir à la recommandation au sujet des crédits d'impôt à l'apprentissage. Cela m'intrigue, et en principe, j'y serais favorable. Nous savons qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs. En fait, notre groupe de travail du caucus, sous la présidence de Lynn Myers, un de nos collègues, s'est penché sur la question l'année dernière.

On ne cessait de se heurter au problème des compétences provinciales. Le crédit d'impôt que vous proposez est d'une certaine façon un moyen de contourner le problème. Cependant, notre gouvernement a ni plus ni moins annoncé qu'il se retirait de la prestation directe de la formation. En fait, depuis juin, nous ne payons plus les frais de formation.

J'ai assisté au Collège Humber à des activités réussies impliquant de jeunes stagiaires, où notre gouvernement, grâce aux stages pour jeunes, a permis à des apprentis-outilleurs de faire leurs preuves. Le taux de réussite est phénoménal; 95 p. 100 d'entre eux décrochent un emploi dans l'entreprise où ils ont fait un stage. Des représentants du Collège Humber et d'autres intervenants m'ont dit qu'à partir du mois de juin, il sera beaucoup plus difficile qu'auparavant de placer de jeunes stagiaires.

J'ai donc quelques questions d'ordre général.

Premièrement, si notre gouvernement décidait d'offrir un crédit d'impôt à l'apprentissage—et c'est un problème qu'il faudrait régler de gouvernement à gouvernement, ce n'est pas le vôtre—je me demande comment cela s'inscrirait dans le contexte de l'union sociale et compte tenu que nous nous retirons de l'apprentissage et de la formation, ou que nous «déléguons» ces responsabilités.

Deuxièmement, avez-vous observé des changements en ce qui concerne les stages pour jeunes depuis juin? Allons-nous pouvoir continuer d'offrir des stages aux jeunes comme nous l'avons fait par le passé, par exemple dans l'industrie de l'outillage?

Troisièmement, en Europe et en Scandinavie, l'apprentissage est beaucoup plus valorisé et mis en oeuvre de façon très réussie. Est-ce que l'Allemagne et la Scandinavie offrent des incitatifs fiscaux pour favoriser l'apprentissage, ou est-ce simplement une question de culture?

Un témoin: Je vais essayer de me souvenir de toutes ces questions.

Je vais commencer par le programme Jeunes stagiaires. J'ai participé personnellement au programme Jeunes stagiaires, qui a été mis en oeuvre au Collège Durham, en tant que président du Comité local d'apprentissage. Comme vous le savez, il s'agissait d'une initiative fédérale parrainée par DRHC et elle a remporté un énorme succès. Plus de 90 p. 100 de nos étudiants ont été placés dans l'industrie et sont demeurés au service des entreprises où ils ont fait leur stage.

Nous sommes en période de transition, les provinces ayant pris en charge ce programme, et nous constatons effectivement que la qualité du programme se dégrade. Les normes de prestation que nous observions depuis trois ans ne seront pas maintenues à cause de problèmes de financement. Les provinces, maintenant qu'il s'agit d'un dossier relevant de l'éducation, éprouvent des problèmes de financement et doivent assurer le transport vers un institut technique des étudiants provenant de différentes écoles.

• 1015

Ils essaient actuellement de nous convaincre de ramener ce programme à un an, plutôt que deux. Nous avons dit aux membres du réseau de l'éducation qu'en ce moment, la détérioration du réseau va entraîner une réduction des débouchés pour les jeunes dans le cadre du programme Jeunes stagiaires.

En ce qui concerne la proposition fiscale et le retrait du gouvernement fédéral de la formation, comme on l'a dit, nous ne croyons pas que le crédit d'impôt proposé soit directement lié à la formation. Nous croyons plutôt que cette proposition vise à créer une vision pancanadienne de la formation. Nous n'avons pas de vision rigoureusement définie en la matière au Canada en ce qui concerne la formation en apprentissage. Nous n'en avons jamais eu. Comme je l'ai dit plus tôt, tant que les règles du jeu n'auront pas été uniformisées pour toutes les industries, vous aurez des gens qui vont profiter de certaines industries. Le crédit d'impôt proposé nous apparaît donc comme un moyen d'y remédier.

En réponse à votre question sur le traitement fiscal de la formation en apprentissage en Europe, je sais que le régime allemand est fondé sur une taxe à la formation. Les industries doivent verser un impôt à la formation. Si vous participez à la formation, vous avez droit à un remboursement fiscal. Dans le cas contraire, vous n'y avez pas droit. C'est l'une des raisons pour lesquelles on met beaucoup plus l'accent sur la formation dans les pays européens qu'ici. Nous n'avons jamais élaboré de système comparable.

Le président: Puis-je enchaîner?

M. Roy Cullen: Bien sûr.

Le président: L'attitude entre cependant en jeu. Les programmes d'apprentissage en Europe ne sont pas vus sous un oeil aussi défavorable qu'au Canada.

Un témoin: C'est juste.

Le président: Deuxièmement, l'âge moyen d'un apprenti en Europe est de 18 ans; au Canada, il est de 26 ans.

Un témoin: C'est exact.

Le président: La question qui s'impose ici est de savoir combien coûte à l'employeur la formation d'un jeune de 18 ans, dont les besoins ne sont pas aussi grands que ceux d'une personne de 26 ans qui est peut-être mariée et qui a peut-être des enfants? C'est très coûteux. C'est peut-être trois fois le coût du programme d'apprentissage européen. Ainsi, à moins de changer l'attitude des gens au sujet des programmes d'apprentissage, il sera très difficile d'en faire la promotion.

Un témoin: Pour ce qui est du coût de la formation d'un apprenti qu'assument l'industrie et le pays, l'âge n'entre pas vraiment en jeu. Former un jeune apprenti ou former un vieil apprenti, c'est du pareil au même. Cependant, les besoins économiques d'un jeune qui suit un programme d'apprentissage ne sont pas les mêmes.

Je m'estime chanceux d'avoir commencé mon apprentissage à l'âge de 18 ans et de l'avoir terminé à l'âge de 21 ou 22 ans. C'était avant que je me marie et que j'achète une maison. La situation économique inhérente à l'apprentissage ne me dérangeait pas. Cependant, quelqu'un dans le milieu de la vingtaine, qui a peut-être déjà fondé une famille et qui a une hypothèque à payer, ne peut certainement pas se permettre d'entreprendre un programme d'apprentissage dans le système actuel.

J'aimerais encore une fois revenir aux commentaires que j'ai faits plus tôt. La conjoncture actuelle est attribuable au virage majeur qu'a pris le réseau de l'éducation dans les années 80, lorsque nous avons laissé tomber la formation technique dans les écoles secondaires. Nous n'avons pas de diplômés qui connaissent les métiers. Les parents ne sont pas non plus sensibilisés aux métiers. Si les jeunes n'y sont pas sensibilisés alors qu'ils sont à l'école, comment peut-on les encourager à se diriger vers ces métiers?

Le président: Que fait l'Association canadienne de l'outillage et de l'usinage pour sensibiliser les élèves dans les écoles secondaires?

Une voix: L'Association parraine actuellement différents modèles d'apprentissage. Nous en avons actuellement un en cours dans la région de Windsor où, à titre d'organisation, nous parrainons 40 apprentis inscrits à un programme d'un an comprenant des stages. Comme je l'ai dit, nous siégeons au Comité du programme d'orientation à la carrière chargé de ces programmes d'apprentissage et de stage. Nous avons participé de près aux discussions entourant le projet de loi 55 en Ontario à propos de la Loi sur l'apprentissage et la reconnaissance professionnelle, et nous continuons de participer à toutes les étapes de l'apprentissage.

Le président: Merci.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: C'est tout. Merci, monsieur le président.

• 1020

Le président: Au nom du comité, j'aimerais remercier tout le monde. Il s'agissait d'un groupe très intéressant.

Le comité présentera un rapport sur un plan quinquennal, et il est donc très important de comprendre les priorités des Canadiens. Comme vous le savez sans doute, chaque décision que nous prenons au comité entraîne habituellement des compromis, et c'est exactement le défi qui nous attend. Le fait que vous ayez exprimé vos opinions nous facilite évidemment la tâche, car nous comptons sur l'avis d'experts comme vous. Je vous en suis donc très reconnaissant.

Je vais suspendre la séance pendant environ 10 ou 15 minutes.

• 1021




• 1034

Le président: Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à tout le monde à l'occasion de notre deuxième séance.

J'aimerais présenter les représentants de Campagne 2000, de la Childcare Resource and Research Unit et de la Childcare Education Foundation. Nous entendrons également quelques particuliers qui vont faire des exposés à titre personnel.

• 1035

Nous allons commencer par entendre Laurel Rothman, coordonnatrice nationale de Campagne 2000. Soyez la bienvenue.

Mme Laurel Rothman (coordonnatrice nationale, Campagne 2000): Bonjour. Je dois vous signaler que nous représentons également un groupe avec qui nous collaborons, soit la Campaign Against Child Poverty, dont le nom est semblable au nôtre mais qui constitue un groupe distinct. Les représentants de cet organisme ne pouvaient assister à la réunion d'aujourd'hui, mais ils appuient essentiellement nombre de nos positions.

Comme certains d'entre vous le savent, Campagne 2000 est une vaste coalition regroupant plus de 70 partenaires nationaux, provinciaux et locaux qui s'engagent à promouvoir et à assurer la mise en oeuvre intégrale de la résolution prise par la Chambre des communes en 1989 et qui vise à éliminer la pauvreté chez les enfants au Canada d'ici l'an 2000.

Je vais simplement formuler quelques observations. Je crois que vous savez sans doute que nous sommes encore très loin de notre objectif. En fait, le taux de pauvreté infantile est passé de un sur sept à un sur cinq. Ce taux demeure élevé, ce qui nous préoccupe gravement quoique je devrais vous signaler bien sûr que lorsque notre bilan sera publié le 24 novembre—et certains d'entre vous ont peut-être vu les données statistiques—il révélera qu'on a observé une légère baisse d'environ 1 p. 100, le taux passant de 21,1 p. 100 à 19,8 p. 100. Cependant, pour les familles qui doivent se débrouiller chaque jour pour se nourrir et s'acheter des vêtements d'hiver adéquats, je crois que ces chiffres apportent peu de réconfort, pas plus qu'ils ne nous en apportent. Et comme vous le savez, une proportion de plus en plus importante de nos enfants vit dans des conditions économiques difficiles.

Une donnée frappante à mon avis, c'est que le pourcentage des enfants qui vivent dans une famille disposant d'un revenu annuel inférieur à 20 000 $—et c'est ce qu'on appelle des dollars constants—a pratiquement doublé depuis 1989.

Ainsi, le marché du travail n'est pas aussi efficace qu'on l'aurait espéré pour aider les familles à se sortir de la pauvreté. C'est pourquoi nous estimons particulièrement important que le prochain budget renferme des engagements pluriannuels plus significatifs en faveur des enfants et des familles à faible revenu, dont des mesures de sécurité du revenu et des mesures pour soutenir toute une gamme de services communautaires.

En fait, nous sommes d'accord avec bon nombre de nos collègues, y compris l'Institut Caledon, de façon générale, qui ont affirmé que le budget pouvait privilégier à la fois les enfants et l'allégement des impôts. À cette fin, nous proposons une série de points de repère, dont vous avez peut-être pris connaissance dans le mémoire que nous avons présenté.

D'abord et avant tout, nous voulons un plan d'investissement social de cinq ans. Et je tiens à insister sur les mots «investissement social». Il y a certainement eu davantage de recherches qui ont commencé à démontrer que, si l'on investissait aux différents stades du développement, en se fixant des objectifs bien précis, cela se répercutait sur de nombreux aspects de notre vie.

Je sais que je dispose de peu de temps. J'ajouterais qu'en ce qui concerne les services, Campagne 2000 a toujours proposé d'attaquer le problème sur tous les fronts, en offrant notamment des services d'éducation de la petite enfance et de garderie de bonne qualité, des logements abordables et des emplois décents en plus de politiques publiques et de mesures de transfert visant la sécurité du revenu.

Comme vous pouvez le voir, certaines activités publiques sont prévues aux alentours du 24 novembre, le dixième anniversaire de la résolution adoptée par tous les partis politiques. Dans une vingtaine de localités du pays, on observera des moments de silence ou on lancera des messages de relance pour montrer que les Canadiens veulent un investissement social important pour les enfants et leurs familles.

Nous proposons que le gouvernement fédéral s'engage à accroître ses investissements dans les enfants et leurs familles. Dans notre mémoire, nous parlons d'au moins 10 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Je crois que nous devrons réviser ce chiffre. Compte tenu de ce que le dernier énoncé économique nous a appris, ce sont des chiffres raisonnables, surtout si l'on tient compte de la diminution des paiements de transfert aux provinces au cours des années. Les transferts pour la santé ont été remplacés dans une certaine mesure, mais à notre connaissance, il n'y a pas eu de transferts importants pour l'aide sociale et l'enseignement postsecondaire.

Merci.

• 1040

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre la représentante de la Childcare Resource and Research Unit, Martha Friendly, coordonnatrice et professeure adjointe à l'Université de Toronto. Bonjour.

Mme Martha Friendly (professeure adjointe, Université de Toronto, coordonnatrice, Childcare Resource and Research Unit): Bonjour. Avez-vous reçu mon mémoire? Mon mémoire révisé vous a-t-il été distribué?

Le président: Oui.

Mme Martha Friendly: Comme vous avez mon mémoire, je voudrais faire quelques observations plus détaillées. Comme vous le constaterez, mon mémoire ne se contente pas de dire pourquoi nous devrions investir davantage de ressources dans les enfants, mais comment il faudrait investir les ressources publiques.

Je pars du principe que le budget fédéral prévoira des investissements importants dans les jeunes enfants, faute de quoi le gouvernement laissera complètement tomber de nombreux Canadiens. J'indique ensuite comment passer de la parole aux actes et j'ai quelques recommandations à formuler à ce sujet.

Depuis le discours du Trône, je crois nécessaire de réorienter légèrement mes propos. Je n'expliquerai même pas la teneur de mon mémoire étant donné qu'elle se passe de commentaires. Je voudrais parler un peu de la situation telle qu'elle se présente après le discours du Trône. Je me réjouis de constater qu'une partie du contenu du discours du Trône se rapportait à ce que j'ai écrit. Comme certains d'entre vous s'en souviendront peut-être, je suis venue l'année dernière pour demander une extension du congé parental et il semble que cela va se réaliser, ce dont je me réjouis.

Le discours du Trône contenait plusieurs choses qui m'ont paru très positives en ce sens qu'elles se rapportaient à un budget qui pourrait être orienté vers les enfants. Tout d'abord, le discours du Trône reconnaissait tous les problèmes dont j'avais parlé dans mon mémoire. Il parlait d'améliorer la prestation pour enfants, d'améliorer le congé parental ainsi que du développement de la petite enfance. Mais je tiens à souligner que, dans ces deux domaines, il est relativement facile pour le gouvernement fédéral d'agir. Les prestations que l'assurance-emploi accorde aux parents sont entièrement de son ressort et la prestation nationale pour enfants a déjà fait l'objet de négociations entre les deux niveaux de gouvernement et elle est déjà en place.

À mon avis, le ciment de la politique sociale pour les enfants se trouve dans les services de développement de la petite enfance. C'est là qu'il faut que le gouvernement fédéral fasse preuve de vision et de volonté politique pour que ces services soient mis en oeuvre. Je vous exposerai pendant quelques instants ma perspective de cette vision et ensuite je parlerai de sa mise en oeuvre.

Voyons tout d'abord la notion de services de développement de la petite enfance prodigués à tous les enfants et comment elle doit s'inscrire dans le budget fédéral et dans le programme d'action national pour les enfants.

Tout le monde reconnaît aujourd'hui que les services constituent le pivot de toute stratégie nationale pour les enfants; ces services doivent contribuer simultanément au développement de la petite enfance, à la prestation de soins pendant que les parents/mères sont au travail de même qu'au soutien des parents dans l'exercice de leur rôle. Dans mon mémoire, je préconise que des services organisés autour de ces trois objectifs soient mis à la disposition de tous les enfants à l'échelle du pays grâce à une stratégie nationale où les deux niveaux de gouvernements, fédéral et provincial, exercent le rôle qu'il leur incombe. Je n'aborderai pas la question de l'union sociale car une de mes collègues le fera mais cette notion soutient intégralement mon propos.

Je tiens à dire que le ciment des services de développement de la petite enfance est essentiel. Toutefois, ces services risquent d'aboutir à de piètres résultats s'ils ne sont pas orientés vers les besoins des parents qui travaillent, s'ils ne comportent pas de programmes adaptés pour garantir la préparation à la scolarisation, s'ils n'aident pas toutes les mères à se libérer de l'assistance sociale, s'ils ne soulagent pas la pauvreté, s'ils ne font pas progresser l'égalité des femmes et s'ils ne font pas la promotion de la santé. Ces objectifs sont déjà fixés. Voilà donc le rôle de ces services tel qu'il a été clairement décrit par le Conseil national du bien-être de votre gouvernement si l'on veut mettre en oeuvre un programme d'action nationale pour les enfants. Le Conseil national, tout en reconnaissant qu'un grand nombre de programmes sociaux profitent aux familles, considère que le programme des garderies en est l'armature et à mon avis, cela doit se refléter dans le budget fédéral.

Je voudrais revenir sur le contenu du discours du Trône et ce qu'il implique pour le budget fédéral. Je vois dans le discours du Trône un autre élément vraiment important car, pour la première fois, on y fixe un échéancier pour le programme d'action national pour les enfants. Les provinces sont invitées à négocier un programme national pour les enfants d'ici décembre 2000. Je ne vous dirai pas que c'est un délai plus long que je ne l'aurais souhaité car c'est tout de même un délai fixe.

Ainsi je vous dirai qu'il est absolument essentiel, puisqu'une date limite a été fixée, d'inclure les fonds nécessaires au développement de la petite enfance dans le budget fédéral de l'an 2000. À défaut de cela, les provinces pourraient en conclure que leur partenaire, le gouvernement fédéral, ne considère pas la chose avec tout le sérieux qu'elle mérite.

• 1045

Quand on regarde ce qui se passe du côté du programme d'action national pour les enfants—il se déroule actuellement et il comporte un processus de négociation fédéral-provincial-territorial—, il me semble évident que si le gouvernement fédéral s'engage à cet égard dans le budget, nombre de provinces viendront négocier. Dans le cas contraire, il me semble peu probable que les provinces négocient. C'est aussi simple que cela.

Je vous ai dit comment devaient se présenter les services de développement à la petite enfance si on voulait qu'ils soient efficaces et je pense que le gouvernement fédéral pourrait être tenté d'intervenir. Cela se fait déjà dans certains cas. Je vous exhorte à n'en rien faire. Ce serait non seulement une politique publique déplorable mais le grand public—non seulement nous les experts—ne verrait pas une telle initiative d'un aussi bon oeil que vous seriez portés à le croire.

Permettez-moi de vous suggérer deux solutions budgétaires qui permettraient d'éviter d'envahir les domaines de compétence provinciale et qui signaleraient en même temps votre intention ferme de travailler dans l'intérêt des enfants, comme le premier ministre en témoigne dans le discours du Trône.

Voici la première solution—je vous en propose deux mais il y en a peut-être d'autres. Votre engagement budgétaire pourrait peut-être prendre la même forme que la prestation nationale pour enfants.

Au cours des discussions fédérales-provinciales concernant cette prestation, le gouvernement fédéral s'est engagé à prévoir le financement nécessaire dans le budget de 1997 et c'est cela qui a permis d'aboutir à une issue favorable avec les provinces. Il serait certainement intéressant d'y songer dans ce cas-ci.

J'ai une deuxième solution à proposer: celle-là remonte dans le temps. On devrait examiner sérieusement le modèle qui a été proposé par le groupe de travail sur la garde des enfants constitué par le gouvernement Trudeau en 1984. Les membres du groupe de travail étaient parfaitement conscients de l'aspect délicat que comportaient des négociations fédérales-provinciales de programmes comme les services de développement de la petite enfance, qui relèvent des autorités provinciales. Le groupe de travail a fait une proposition intéressante pour engager des négociations fédérales-provinciales grâce à l'utilisation de ce qu'il a appelé «des subventions de bonne foi» accordées aux provinces, pour servir précisément à stabiliser les services existants pendant que les négociations se poursuivaient. C'est la formule qu'on a préconisée et je vous en ai donné la référence. Je pense que vous devriez y songer sérieusement.

Je voudrais dire une dernière chose tout en me gardant de prendre trop de temps. On peut se demander s'il existera bien en l'an 2000 un budget pour les enfants. Je suis ravie que vous soyez engagés à consacrer une partie de l'excédent aux enfants et nous avons appris grâce à l'exposé financier du ministre des Finances que cet excédent était énorme. Le discours du Trône et des déclarations ultérieures fournissent assez de détails pour porter à conclure que le budget de l'an 2000 risque de ne prévoir que des dépenses très limitées pour les enfants à moins que n'y soit élaboré un programme très précis de dépenses visant particulièrement les services de développement de la petite enfance dont j'ai parlé.

D'après mes calculs, les prestations améliorées versées aux parents, dont on a parlé, ne figureraient dans ce budget que pour un trimestre car la prestation pour enfants ne prendra effet que l'année suivante. Il en va de même pour le gros des prestations versées aux parents. Ainsi, on ne pourra pas vraiment parler d'un budget pour les enfants.

En terminant, je veux vous rappeler ce que je vous ai dit au début de mon mémoire écrit. Le budget de l'an 2000 est un outil de politique important pour vous. Il permettra de mettre en oeuvre avec bonheur l'accord-cadre d'union sociale et il s'agit d'une mesure manifeste permettant de faire passer le programme d'action national pour les enfants de la théorie à la pratique.

Les gouvernements fédéral et provinciaux nous ont demandé de penser à ce qu'il fallait pour les enfants au Canada et pour la plupart, nous savons ce qu'il faut pour le Canada. Et nous disons que cela comprend ce genre de programme à l'intention des enfants. Tout le monde sait que les enfants ne peuvent pas attendre davantage et qu'ils sont tributaires des mesures que nous prendrons cette année pour joindre le geste à la parole. Je vous exhorte à réfléchir sérieusement aux mesures budgétaires que vous pouvez prendre cette année, pour en faire un budget des enfants, et à retenir ce que nous vous avons dit.

• 1050

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Friendly.

Nous allons entendre maintenant les représentantes de la Childcare Education Foundation en la personne de sa directrice, Kerry McCuaig, et de sa directrice du Groupe de lutte contre la pauvreté des enfants, Christa Freiler. Bienvenue.

Mme Kerry McCuaig (directrice, Childcare Education Foundation): Merci. Christa et moi allons partager les cinq minutes qui nous sont allouées.

Comme ma collègue l'a signalé, les 95 milliards d'excédent budgétaire prévus au cours des cinq prochaines années offrent une chance unique aux Canadiens et à leurs gouvernements. Cela nous permet d'édifier un pays véritablement remarquable. À cette fin, je voudrais me joindre au premier ministre quand il reconnaît publiquement que les pays remarquables se mesurent à leur richesse collective et non pas à la richesse d'un petit groupe ou de particuliers.

J'aimerais également rappeler au comité que bien que le lobby pour la réduction des impôts puisse donner l'impression que les Canadiens ont abandonné toute responsabilité sociale, les sondages montrent que l'écrasante majorité de ceux-ci—dont beaucoup ne viendront pas témoigner—appuient l'objectif du gouvernement visant à une approche budgétaire équilibrée pour l'excédent budgétaire.

Dans ce contexte, j'aimerais vous parler de l'objectif du programme d'action national pour les enfants. Comme nous le signalons dans notre mémoire, le bien-être des enfants et de leurs familles requiert un train de mesures globales, incluant des soutiens fiscaux et des soutiens au revenu qui reconnaissent qu'élever une famille, se loger, prendre un congé de maternité, etc., cela coûte de l'argent. J'aimerais prendre acte des mesures importantes énoncées dans le discours du Trône en matière d'action dans ces domaines et prendre acte du travail de nombreux députés, tous les partis confondus, qui ont tout fait pour que le prochain budget soit un budget pour les enfants.

Dans notre mémoire, nous réclamons un plan pluriannuel d'amélioration des perspectives pour les enfants canadiens. Vu l'excédent budgétaire prévu, ce serait véritable négligence de notre part, de la part de notre pays, de ne pas inclure un plan pluriannuel pour les enfants. Si nous pouvons nous engager dans ce sens à propos des impôts, nous pouvons certainement aussi le faire pour les enfants et, dans ce contexte, concrétiser l'engagement pris dans le discours du Trône sur un plan d'action fédéral-provincial de développement de l'enfance et ses implications pour le budget de février 2000.

Une majorité de Canadiens estiment qu'un programme national d'aide à l'enfance et de développement des enfants est un élément essentiel manquant dans le programme d'action sociale du Canada. Étant donné que dans ce domaine il y a chevauchement de compétences, j'aimerais rappeler les mécanismes prévus à la fois dans l'accord national sur les enfants et dans le pacte d'union sociale et leurs implications au niveau du budget.

Le pacte d'union sociale est en place depuis un an et fera l'objet d'une révision dans deux ans. Il incombera à tous les députés, fédéraux et provinciaux d'indiquer aux Canadiens si l'exercice s'est soldé de manière positive.

L'accord contient un certain nombre d'engagements vis-à-vis des Canadiens, surtout dans les domaines de l'égalité, de la dignité et de la responsabilité des personnes, de l'entraide, de nos responsabilités mutuelles, de l'égalité des chances pour les Canadiens, de l'aide apportée à ceux qui sont le plus dans le besoin, de la participation de tous les Canadiens à la vie sociale et économique du Canada. D'après nous, cela inclut nos enfants et leurs parents.

Deuxièmement, il garantit à tous les Canadiens, où qu'ils se trouvent au Canada, l'accès à des programmes et des services sociaux essentiels de qualité comparable. C'est un principe rigoureux qui a des implications pour les services d'aide à l'enfance et de développement de l'enfant. En dehors du Québec qui s'est engagé à faire de ce service une réalité pour les Québécois, il n'existe qu'un réseau fragile.

Plutôt que de déléguer les pouvoirs de dépenser du fédéral, l'accord prévoit un mécanisme permettant au gouvernement fédéral d'intervenir financièrement dans des domaines de compétence provinciale. Je vous rappellerai que lorsque l'accord sur l'union sociale a été dévoilé, l'engagement a été pris d'inverser une tendance à la baisse pour la remplacer par une forte tendance à la hausse en matière de programmes sociaux et de santé au Canada. D'où l'importance dans le discours du Trône de la proposition d'établissement d'un programme d'action pour les enfants contenant des programmes de développement de l'enfant.

Il faudrait noter que dans ces discussions, le gouvernement fédéral n'apporte rien sur l'aide à l'enfance et le développement de l'enfance. Toutes les dépenses dans ce domaine, à l'exception de la participation du gouvernement central au niveau du Programme d'action communautaire pour les enfants, viennent des provinces. Pour que notre gouvernement national puisse jouer un rôle dans ces discussions, il faudra que le courage de ses convictions soit financièrement soutenu. C'est à ce niveau que le budget fédéral entre en jeu car c'est ainsi que le gouvernement fédéral manifeste la réalité de son engagement à pousser le programme d'action national pour les enfants sur le devant de la scène et à honorer sa promesse aux Canadiens de ratifier un accord d'ici décembre 2000.

• 1055

Ma collègue vous décrira deux des manières de procéder mais il reste cette engagement de décembre 2000. Pour qu'il se passe quelque chose, il faut que les provinces et l'ensemble des Canadiens aient la preuve que le gouvernement fédéral est vraiment sérieux et c'est dans le budget qu'il pourra en faire la démonstration.

Le président: Merci.

Madame Freiler.

Mme Christa Freiler (directrice, Child Proverty Action Group/ Groupe de défense des enfants pauvres, Child Care Education Foundation): Merci beaucoup.

J'appuie ce que viennent de dire mes collègues. Je ne le répéterai pas, mais je crois qu'il importe d'insister sur l'importance d'investir dans les enfants; d'investir tout spécialement dans une combinaison de programmes de services et de soutien au revenu. J'appuie la notion, qui a déjà été énoncée, selon laquelle l'aide à l'enfance est centrale à tout système de soutien des familles.

Je tiens cependant à rappeler que même si le gouvernement fédéral a déjà beaucoup fait en investissant dans la prestation nationale pour enfants, ce n'est pas tout et il reste encore beaucoup matière à amélioration. Si le gouvernement fédéral et les provinces croient qu'avec les derniers investissements réalisés ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient faire sur le plan du revenu, ils se trompent.

Pour commencer, comme l'a dit Laurel Rothman, le marché du travail ne peut servir d'instrument à une stratégie antipauvreté. Nous avons dernièrement participé à une conférence où un spécialiste international de la pauvreté chez les enfants nous a dit que si autrefois c'était le chômage qui était la plus grande cause de la pauvreté infantile, aujourd'hui c'est la faiblesse des salaires. C'est le cas au Canada. C'est le cas aux États-Unis, encore plus même pour des raisons évidentes, et cela commence à être le cas en Europe. La faiblesse des salaires est le facteur le plus important de paupérisme dans le monde industrialisé.

Cela signifie qu'une stratégie antipauvreté pour les enfants et pour les familles ne peut compter sur un marché du travail, qui offre des salaires bien trop faibles. Un des problèmes de conceptualisation et d'utilisation de la prestation pour enfants est qu'elle est utilisée pour satisfaire des objectifs de réforme de l'aide sociale. Elle est utilisée pour attirer les parents sur un marché du travail aux salaires dérisoires. En fait, ce que j'aimerais proposer, ce n'est pas forcément une reconsidération de la stratégie mais une expansion de cette stratégie au-delà des simples prestations pour enfants.

J'appuie Compagne 2000 qui réclame une commission nationale sur l'emploi. Tant que nous ne réglerons pas la question des bas salaires sur le marché, nous ne réglerons pas le problème de la pauvreté chez les enfants.

Autre point important, j'aimerais insister sur le nombre d'organismes, y compris le Caledon Institute et Campagne 2000, qui réclament une majoration de la prestation pour enfants pour qu'elle atteigne 4 000 $, plutôt que les simples 2 500 $ exigés au niveau de l'assistance sociale provinciale. La prestation pour enfants pourrait ainsi atteindre un montant raisonnable analogue à ce que touchent les familles à revenu, faible, modeste et moyen des pays européens.

De plus, que ces familles soient ou non sur le marché du travail, je crois raisonnable de s'attendre à ce qu'aucune famille avec de jeunes enfants ait à les élever dans la pauvreté. En bref, la proposition faite par certains de fiscaliser les prestations accordées aux mères qui se retrouvent seules mérite probablement d'être repensée.

Dans le cas des mères de jeunes enfants pour lesquelles le marché du travail n'a rien à offrir, il semble absolument injuste et injustifié qu'elles ne bénéficient pas de l'accroissement de ces prestations. Il n'y a aujourd'hui que 15 p. 100 des mères seules qui bénéficient de cette augmentation. Selon moi, c'est un groupe très sous-représenté parmi les bénéficiaires de la prestation pour enfants.

Également, quand on parle de la prolongation du congé de maternité ou du congé parental comme l'a fait le discours du Trône, nous en sommes très heureux mais il ne faudrait pas oublier de l'étendre à un groupe souvent exclu, à savoir, les femmes prestataires de l'assistance sociale. Il n'y a aucune raison de ne pas avoir un régime de maternité qui inclut également les femmes qui touchent déjà des allocations d'assistance sociale pour élever de jeunes enfants. Il n'y a pas de raison que les nouvelles mères ne puissent être traitées de la même manière et si vous aviez un fonds spécial lié à l'assurance-emploi, vous pourriez étendre les prestations non seulement aux parents travailleurs indépendants mais également aux bénéficiaires de l'assistance sociale.

• 1100

Enfin, j'aimerais appuyer ce que certains de mes collègues ont dit sur la nécessité de balancer les mesures fiscales avec les investissements sociaux, plus particulièrement, pour rappeler—comme vous le savez déjà, mais je tiens à y revenir—qu'il y a mesures fiscales et mesures fiscales. Il y a les bonnes mesures fiscales et les mauvaises mesures fiscales. Il y a les mesures fiscales qui encouragent l'investissement social et les objectifs de cohésion sociale dont ce gouvernement n'a cessé de répéter qu'ils étaient des objectifs importants pour le pays, et il y a les mesures fiscales créatrices de division qui ne profitent qu'à l'élite économique.

Pour ceux d'entre vous qui ne sont pas de Toronto et qui n'ont peut-être pas lu le Toronto Star, il y avait un article très intéressant, hier, je crois, indiquant que contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire, les Canadiens ne sont pas surimposés par rapport aux Américains. C'est Statistique Canada qui le dit, pas des militants de gauche. Ceci pour répéter encore une fois qu'en matière de mesures fiscales, il faut chercher des mesures qui profitent à ceux qui en ont probablement le plus besoin plutôt qu'à ceux qui peuvent s'organiser pour réclamer des réductions d'impôt.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Freiler.

Nous passons maintenant à M. John Smithin, du département d'économie de l'Université York.

M. John Smithin (témoignage à titre personnel): Merci.

Je devrais commencer par dire que je ne comparais pas entièrement à titre personnel. En fait, c'est M. Nick Falvo, travailleur communautaire dans le quartier de Regent Park à Toronto, qui s'occupe surtout des sans abri, qui m'a demandé de venir témoigner.

M. Falvo et ses collègues pourraient vous parler en toute connaissance de cause des difficultés que connaissent dans le Canada d'aujourd'hui ceux qui pour une raison ou pour une autre sont économiquement désavantagés. Le bon sens nous dit que nombre de ces difficultés pourraient être résolues soit par une augmentation des dépenses fédérales soit par des décisions budgétaires fédérales soulageant les pressions que subissent d'autres paliers de gouvernement—et vous avez entendu aujourd'hui certaines propositions touchant à la pauvreté chez les enfants.

Vous pourrez peut-être penser que c'est facile à dire pour un professeur comme moi car en fin de compte c'est aux élus que revient la tâche de prendre ces décisions difficiles. Le nombre des bonnes causes est potentiellement illimité et c'est à eux de décider du bien-fondé de chaque dollar dépensé.

Je conviens que toutes les décisions doivent être prises après étude de chaque cas. Cependant, ce qui me trouble, et je vous incite à y réfléchir, c'est qu'au cours des dernières années les décisions budgétaires semblent ne pas avoir été prises en fonction du bien-fondé des cas mais simplement dans le but d'atteindre des objectifs financiers arbitraires.

Il semble me souvenir qu'à un certain moment le déficit n'était pas censé dépasser un certain pourcentage du PIB. Aujourd'hui, un excédent est considéré sans ambiguïté aucune comme une bonne chose dont nous devrions tous nous réjouir. La dette nationale doit être remboursée à tout prix. Toute théorie économique un tant soit peu raisonnable en démontre l'absurdité. Les excédents ne sont pas toujours une bonne chose pas plus que les déficits ne sont toujours une mauvaise chose et je crains qu'au cours des prochaines années nous aurons peut-être à le réapprendre à nos dépens. Il serait intéressant de voir ce qui restera de l'économie canadienne si le budget reste réellement excédentaire pendant cinq années consécutives.

Mon observation du processus budgétaire en ma qualité d'observateur universitaire me dit que nous sommes très loin des principes originels de finances fonctionnelles en vertu desquels les décisions de principe ne devraient être prises qu'en fonction de leurs conséquences réelles pour l'économie.

En termes de logique pure, un gouvernement souverain qui maîtrise sa devise ne devrait jamais être contraint par des considérations purement financières. S'il le prétend, c'est qu'il s'impose ces contraintes. Je parle ici d'un gouvernement national maître de sa devise.

Il est évident que ce n'est pas le cas des gouvernements provinciaux qui doivent faire face à des contraintes budgétaires authentiques. Ce n'est pas le cas des gouvernements nationaux de la nouvelle zone de l'euro qui ont volontairement adopté le statut de provinces. Cependant, cela restera le cas du gouvernement du Canada tant qu'il résistera aux appels d'abandon du dollar canadien par les partis de droite.

• 1105

Il est absurde pour le gouvernement du Canada de prétendre qu'il ne peut se permettre une initiative stratégique particulière par manque d'argent. Dans ce contexte il ne s'agit là que de dollars canadiens que la Banque du Canada peut imprimer à volonté si elle le veut.

Ce qui devrait être discuté, ce n'est pas ce que nous pouvons nous permettre, mais le bien-fondé des projets envisagés et aussi, inévitablement, l'impact de toute nouvelle création de masse monétaire sur la valeur des richesses actuellement existantes. Et bien entendu, tout est là. Toute nouvelle masse monétaire créée a un impact sur les richesses existantes, et c'est l'objet réel des politiques budgétaires et des discussions passionnelles par journaux interposés sur la dette, les déficits et l'inflation. Un financement accru des programmes sociaux peut fort bien dévaluer l'argent qui se trouve actuellement dans les comptes bancaires des sociétés et des riches particuliers.

Je ne conteste pas que tout projet gouvernemental soit souhaitable ou que le capitalisme puisse survivre comme système social si l'initiative n'est pas récompensée. Personnellement, cependant, j'estime qu'une politique monétaire plus intelligente que celle que nous sert la Banque du Canada depuis 20 ans en particulier et, surtout, qu'un objectif de plus grande stabilité et de réduction des taux d'intérêt réels nous ferait grandement progresser sur le chemin de la paix sociale et nous permettrait de financer certains des projets évoqués aujourd'hui.

S'agissant de décisions budgétaires, il me semble que les vraies questions économiques devraient être débattues sans verser dans la politique cocardière concernant les déficits et les excédents.

Merci.

Le président: Merci.

Nous entendrons maintenant les représentants de Valiant Machine & Tool Inc., M. Dan E. Usynski et M. Michael G. Solcz, le président.

Soyez les bienvenus.

M. Michael G. Solcz (président, Valiant Machine & Tool Inc.): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs.

Je n'ai pas de texte préparé à l'avance mais je tiens à revenir sur quelques-uns des sujets qui ont incité certains d'entre vous à poser des questions ce matin. Nous sommes installés à Windsor, c'est-à-dire tout près de Détroit. Des questions ont été posées en particulier sur la fuite des cerveaux.

J'aimerais tout d'abord revenir un petit peu en arrière à l'époque où j'ai terminé mes études. J'ai fait mon secondaire à l'école W.D. Lowe de Windsor. Je suis né à Hunt en Ontario. J'ai ouvert un petit atelier d'outillage après avoir travaillé pendant quatre ans comme apprenti. J'ai fini ma formation de technicien à Détroit et en 1959, muni de mon diplôme d'outilleur-ajusteur qualifié, je me suis lancé sur le marché. Aujourd'hui, nous employons 1 200 personnes et notre chiffre d'affaires à l'exportation est de 230 millions de dollars. J'ai commencé tout seul et maintenant j'en suis là.

Les représentants de la Canadian Tooling Manufacturers Association vous ont parlé de formation, de la nécessité d'offrir des stages et des crédits d'impôt qui pourraient en résulter. Nous n'en avons jamais bénéficié et cela coûte cher. Nous avons formé huit ou dix apprentis qui ont ouvert leur propre entreprise dans la région de Windsor, employant, encore une fois, au total probablement de 1 200 à 1 300 personnes. La formation doit être considérée comme un des moyens ultimes de développement de la technologie industrielle au Canada.

J'ai également entendu dire que le gouvernement fédéral, naturellement, essayait de se désengager de cette formation et de la faire assumer par les provinces, et ce de manière tout à fait justifiée. En revanche, c'est le gouvernement fédéral qui continue à contrôler les crédits d'impôt. Je crois que c'est le moment ou jamais de réexaminer avec soin nos besoins, de déterminer des modalités de crédits d'impôt du gouvernement fédéral qui orienteront la stratégie industrielle pour les années à venir.

C'est un problème éternel. On le retrouve dans tous les pays. Nous sommes implantés en Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni et le problème de la formation est tout aussi grave. Je ne sais pas exactement comment fonctionnent leurs régimes de crédits, etc., mais il est beaucoup plus difficile d'attirer des jeunes dans ces métiers qu'autrefois. On ne peut simplement pas leur donner de l'argent pour qu'ils quittent leur pays, l'Europe de l'Ouest, et qu'ils viennent chez nous. Ils ont tout ce qu'ils veulent et la demande sur le marché est très grande.

• 1110

La seule réponse à votre question sur le développement de la nouvelle technologie, c'est que la formation industrielle, telle que nous la connaissons, devrait être dispensée par l'industrie. Les collèges et universités font du bon travail, pour leur part, lorsqu'ils dispensent la formation dite générale. Toutefois, notre collège à nous a bien du mal à garder cette allure. Le peu d'heures que passe un étudiant chez nous ne suffisent pas dans le cas des apprentissages dont nous parlons.

Comme nous l'avons déjà dit, les écoles secondaires ne forment aucun apprenti dans le cadre de la formation professionnelle, ce qui est un obstacle de plus pour nous qui cherchons à attirer ces jeunes gens. Nous faisons notre part de notre mieux, en offrant des programmes qui cherchent à attirer les jeunes apprentis, qui visent à mettre à l'essai leurs compétences, notamment, et qui visent à les encourager à grimper dans l'échelle de la hiérarchie.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est que la formation des apprentis doit continuer. Nous nous en occupons, et ça nous coûte très cher pour nous en occuper, et c'est pourquoi nous demandons des crédits d'impôt.

Quant aux travailleurs qui quittent Windsor, ville frontalière, pour aller travailler à Détroit, c'est une simple question de taux de change, et je ne crois pas que le gouvernement y puisse grand-chose. Mais il est vrai que nous perdons beaucoup de nos gens, car nous sommes incapables de leur offrir un salaire aussi élevé que ce qu'on leur offre là-bas. Voilà pourquoi nous perdons nos gens de métier.

De plus, lorsqu'on en vient au niveau de compétence requise en génie des procédés opérationnels dans notre compagnie... Soit dit en passant, nous sommes des spécialistes de la robotique: nous assemblons les voitures pour General Motors, Chrysler et Ford. Dans le cas de l'équipement de portes que nous fabriquons, nous offrons des programmes que nous dispensons dans les usines de Ford du monde entier. Mais nous avons beaucoup de mal à aller chercher des gens qui puissent nous aider dans ces programmes. Nous ne savons comment faire pour empêcher les gens de nous quitter pour aller travailler à Détroit.

Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je répondrai avec plaisir à vos questions, si vous voulez d'autres précisions.

Le président: Merci beaucoup.

Passons maintenant à la période de questions et réponses. Monsieur Epp, vous avez droit à sept minutes.

M. Ken Epp: Vous m'enlevez toute marge de manoeuvre, monsieur le président.

Le président: C'est ce que je voulais.

M. Ken Epp: Commençons par le professeur d'économie, M. Smithin.

Je ne vous comprends pas vraiment lorsque vous affirmez qu'un gouvernement souverain qui contrôle sa propre devise n'est jamais en péril financier. Qu'entendez-vous par là? Cela va à l'encontre de tout ce que je crois comprendre. C'est la première fois que j'entends dire cela: pouvez-vous nous expliquer?

M. John Smithin: Il faut d'abord se demander qu'est-ce que c'est que de l'argent. L'argent, ce sont les dollars canadiens. C'est la Banque du Canada qui crée les dollars canadiens. Par conséquent, s'il s'agissait simplement de financer le déficit, dans le pire des scénarios, la Banque du Canada pourrait financer toutes les dépenses, quelles qu'elles soient, sans même que l'on impose des taxes. Il faut maintenant se demander si cette solution serait la bonne.

Cette solution ne serait pas la bonne car en créant plus d'argent, on créerait aussi de l'inflation. Par conséquent, la Banque du Canada ne le fait pas par crainte de créer de l'inflation. Donc, y a-t-il une position mitoyenne qui permettrait de créer plus d'argent tout en protégeant ceux qui souffriraient de l'inflation? Cette position mitoyenne existe: il suffit de garder les taux d'intérêt réels bas, tout en étant positifs.

En tant que théoricien de l'économie, il y a une chose qui m'inquiète réellement dans toute cette discussion au sujet des budgets: on semble croire que l'argent que nous devons dépenser ressemble à de l'or qui serait empilé dans le milieu de la pièce, et qu'il suffirait d'en donner à vous, puis à vous aussi. On n'a pas eu de masse monétaire comme celle-ci depuis 200 à 300 ans. L'or ne figure aucunement dans la masse monétaire. L'argent est créé par un phénomène endogène qui fait appel à la Banque du Canada, aux banques commerciales, et à d'autres entités.

• 1115

Ce qu'il faut comprendre dans la politique monétaire, c'est qu'il faut créer suffisamment d'argent pour que l'économie continue d'être stimulée, tout en évitant d'en créer trop pour que cela entraîne de l'inflation.

M. Ken Epp: Laissez-vous entendre que le Canada aurait actuellement une masse monétaire insuffisante?

M. John Smithin: Je crois que les taux d'intérêt réels sont beaucoup trop élevés en ce moment au Canada. Contrairement à ce qu'en disent les journaux, avoir un excédent budgétaire ne me semble pas une bonne chose, car cet excédent budgétaire, si important soit-il, a pour effet de retirer de l'économie tout l'argent qui constitue l'excédent. D'ailleurs, le gouvernement le sait de façon implicite, puisqu'il se demande ce qu'il peut bien faire de son excédent budgétaire. Il cherche soit à réduire les impôts, soit à dépenser ailleurs.

M. Ken Epp: Pourquoi pas rembourser la dette?

M. John Smithin: Dans ce cas, pourquoi vous êtes-vous donné la peine au départ d'avoir un excédent?

M. Ken Epp: Êtes-vous d'accord pour que l'on garde la dette actuelle à 580 milliards de dollars?

M. John Smithin: La hauteur actuelle de la dette n'a rien à voir avec la question. Après les guerres napoléoniennes, la dette nationale de la Grande-Bretagne était quatre fois plus élevée que celle du Canada par rapport à son PIB. Je dis bien quatre fois plus élevée que son PIB.

Or, qu'est-il ressorti de tout cela? La Révolution industrielle, et c'est à ce moment-là que la Grande-Bretagne a connu son ère la plus prospère.

Il faut comprendre que pour pouvoir générer des profits dans une économie capitaliste, quelqu'un quelque part doit s'endetter. De tous temps, quelqu'un a dû accepté d'emprunter afin qu'il soit possible de générer les profits nécessaires. On peut y parvenir en faisant trois choses.

D'abord, on peut laisser les autres entrepreneurs emprunter. Supposons que j'ouvre une manufacture de bébelles et que j'emprunte pour constituer ma masse salariale: si je veux pouvoir vendre mes bébelles, il faut que quelqu'un d'autre, par exemple dans une autre supermanufacture de bébelles, emprunte deux fois plus de façon que ses travailleurs et les miens aient les moyens d'acheter mes bébelles.

Deuxième possibilité: les consommateurs peuvent s'endetter, comme c'est actuellement le cas aux États-Unis. Les États-Unis ont également des excédents budgétaires, mais ils ont réussi à s'en tirer, car les consommateurs ont accepté de s'endetter, ce qui a conduit à la désépargne.

Dans le capitalisme que nous avons connu, ce sont les gouvernements qui de tous temps ont été ceux qui dépensaient et qui ont toujours accepté de s'endetter. Ils ont donc accepté par la même occasion de préserver leurs profits, mais si vous...

M. Ken Epp: Je me dois de vous interrompre, car nous manquons de temps.

M. John Smithin: Tout cela est très complexe.

M. Ken Epp: Je voudrais comprendre une chose. Nous avons entendu plusieurs témoins aujourd'hui, qui viennent tous présenter des requêtes légitimes au ministre des Finances, à qui ils demandent de résoudre leurs problèmes.

Il se trouve qu'ils ont une solution particulière à suggérer au ministre: il s'agirait de prélever sous forme de taxes de l'argent dans la poche des salariés canadiens.

Il y a une chose que je voudrais savoir, et je vais poser la question à tous les témoins, qui peuvent commencer à y réfléchir dès maintenant. Ne doit-on pas tenir compte du fait que le gouvernement prélève 6 milliards de dollars par an sous forme de taxes dans la poche de Canadiens dont le revenu familial n'atteint pas 20 000 $ par année?

Restons avec M. Smithin pour l'instant. Actuellement, pour toutes les dépenses gouvernementales, 30c. par dollar servent à payer l'intérêt. Cela représente à toutes fins utiles un transfert de richesse des pauvres vers les riches. Les pauvres doivent emprunter parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent et les riches, qui en ont trop, sont en mesure de le prêter. Trente cents de chaque dollar constitue de l'argent transféré des pauvres aux riches.

Ne vaudrait-il pas mieux éliminer complètement la dette de façon à ce qu'il ne soit plus nécessaire de transférer l'argent aux riches?

M. John Smithin: Non, car le montant de l'intérêt versé sur la dette est dicté entièrement par la Banque du Canada qui fixe les taux d'intérêt au pays. Si la dette a grimpé, c'est qu'au départ la Banque du Canada a fait traverser à notre pays deux graves récessions au début des années 80 et 90 en faisant grimper les taux d'intérêt.

Vous vous tirez dans le pied lorsque vous affirmez ne pas vouloir payer l'intérêt sur votre dette tout en applaudissant M. Thiessen de la Banque du Canada, chaque fois qu'il hausse les taux d'intérêt.

M. Ken Epp: Comment pouvez-vous emprunter sans payer de l'intérêt? Qui acceptera de vous prêter?

M. John Smithin: La Banque du Canada est celle qui fabrique les billets canadiens.

M. Ken Epp: Si je vous comprends bien, il faudrait demander à la Banque du Canada de fabriquer suffisamment de billets pour rembourser les 580 milliards de dette...

M. John Smithin: Non, je ne vois pas vraiment pourquoi il faudrait rembourser toute la dette.

M. Ken Epp: Mais on ne cesse de verser de l'intérêt à ceux qui ont déjà trop d'argent.

M. John Smithin: On peut évidemment réduire le paiement de l'intérêt sur la dette en réduisant les taux d'intérêt. D'ailleurs, plusieurs milieux ont demandé que l'on réduise les taux d'intérêt, et ce jusqu'à tout récemment.

Rappelez-vous que le processus budgétaire est un phénomène endogène. Au début des années 90, si nous avons connu des déficits et des dettes aussi élevés, c'est qu'au départ, la Banque du Canada s'était fixé comme politique monétaire de faire grimper les taux d'intérêt, ce qui a eu pour effet de faire ralentir l'économie. Si nous avons aujourd'hui un excédent budgétaire, c'est parce que les taux d'intérêt sont un peu plus bas, ce qui a permis de relancer l'économie. Si l'économie a pu être relancée, c'est aussi parce que le dollar canadien était faible. Tout cela se tient.

• 1120

Mais vous ne devriez pas vous préoccuper de ces considérations lors de vos délibérations. Ce que vous devriez vous demander, c'est si ces dépenses sont souhaitables, et si elles seront profitables pour l'économie ou pas, sans avoir à vous préoccuper de toutes ces autres considérations financières tout à fait arbitraires.

Cela pose évidemment une question politique. Si j'ai un million de dollars en banque et que je fabrique de nouveaux billets—comme, par exemple, un million de dollars de plus—pour abriter les sans abri, il va de soi que ce million de dollars de plus que je viens de fabriquer n'en vaut en réalité que la moitié. Voilà ce qu'il faut comprendre, et c'est ce qui explique que l'on se préoccupe des déficits.

Le président: Allez-y, prenez tout votre temps.

M. Ken Epp: Merci.

J'aurais encore beaucoup de questions à vous posez, mais le temps me presse.

J'aimerais m'adresser aux autres témoins. Ma femme et moi avons trois enfants et aussi quatre petits-enfants. Or, ce qui préoccupe le plus aujourd'hui les parents et les grands-parents—puisque j'en suis un aujourd'hui—c'est de pouvoir répondre aux besoins des enfants. J'ai dressé ma propre liste de ce que je considère être comme des besoins essentiels chez les enfants. Avez-vous fait votre liste à vous?

Mme Kerry McCuaig: Nous avons proposé un train de mesures qui inclut le soutien du revenu et des mesures fiscales qui reconnaissent ce qu'il en coûte d'élever des enfants. Nous avons demandé...

M. Ken Epp: Je vous interromps, car vous n'avez pas compris ma question. Vous me proposez ici des solutions, alors que je vous demande pour ma part de définir les besoins des enfants.

Ni mes enfants ni mes petits-enfants n'ont besoin de soutien du revenu. Mon petit-fils Noah, qui n'a que trois ans, n'a pas besoin d'argent.

Mme Kerry McCuaig: Les enfants ont besoin d'être nourris, réchauffés, logés et instruits.

M. Ken Epp: Avec l'aide de leurs parents, n'est-ce pas?

Mme Kerry McCuaig: Non, l'instruction se fait par des moyens qui comprennent l'intervention des parents et des systèmes publics d'éducation. L'instruction a cessé de se faire dans la famille il y a plus de 100 ans.

Il faut des quartiers sûrs pour nos enfants...

M. Ken Epp: D'accord.

Mme Kerry McCuaig: ...et il leur faut passer du temps avec leurs parents. Pour cela, il faut accorder aux parents des congés de maternité, des congés familiaux, et que les politiques du travail reconnaissent que les travailleurs sont également des parents.

M. Ken Epp: Vous n'avez pas dit qu'il leur fallait manger. J'aime beaucoup manger.

Mme Kerry McCuaig: Si, j'ai dit qu'ils avaient besoin de nourriture, de chaleur et d'un toit.

M. Ken Epp: Résumons: nourriture, chaleur et logement, de même qu'un milieu sain, l'instruction et les soins de santé au besoin...

Mme Kerry McCuaig: Et il faut que les parents soient en mesure de combiner le temps passé au travail avec le temps passé avec leurs enfants.

M. Ken Epp: D'accord. Les autres veulent-ils ajouter quelque chose? Cette liste est-elle complète?

Mme Laurel Rothman: Cela dépend jusqu'où on veut décrire les besoins des enfants. Les besoins des enfants dépendent énormément de ceux de leurs parents. En fait, pour pouvoir répondre à long terme à certains des besoins énumérés, les parents ont besoin d'un emploi convenable. Lorsque je dis «convenable», je parle de salaires qui leur permettront d'assurer leur subsistance.

M. Ken Epp: Bien. Diriez-vous aussi que les emplois convenables doivent s'accompagner d'un taux d'imposition moindre, particulièrement pour les familles dont le revenu n'atteint pas 20 000 $, 25 000 $ ou 30 000 $ par an?

Mme Christa Freiler: Pardon, mais c'est la question à laquelle nous espérions pouvoir répondre. Nous n'avions pas compris que ce qui précédait menait à cette question.

Deux choses: d'abord, un des objectifs du régime fiscal, c'est de redistribuer les revenus, et c'est pourquoi nous avons un système d'impôt progressif. Comme nous avons un système d'impôt progressif, il faut que tous paient leur juste part. La progressivité du système implique qu'il existe déjà une certaine redistribution, de sorte que ceux qui gagnent 20 000 $ paient moins d'impôt que ceux qui gagnent 100 000 $. On est tous d'accord là-dessus.

En second lieu, le régime fiscal existe pour fournir au gouvernement des recettes qu'il pourra utiliser à des fins convenues par l'ensemble de la société, autrement dit pour investir. Nous, nous disons qu'au cours des cinq prochaines années, vous devriez investir dans les enfants et leurs familles. Il vous faut donc une assiette fiscale adéquate pour pouvoir le faire.

• 1125

Enfin, s'il se trouve que les familles dont le revenu est de 20 000 $ paient trop d'impôts, il y a plusieurs façons utiles de redistribuer l'argent aux petits salariés, comme on l'a déjà fait avec le programme de la prestation fiscale pour enfants.

M. Ken Epp: Si je vous comprends bien, il est bon que le gouvernement retire de l'argent à ceux qui font 15 000 $ ou 16 000 $ par année pour leur en redonner une partie par le truchement d'un programme gouvernemental, malgré les coûts administratifs et autres?

Mme Kerry McCuaig: Il ne s'agit pas de charité.

Mme Christa Freiler: Je ne propose pas d'éliminer tout impôt. Le prix d'une société civilisée et universelle, c'est le système d'imposition. Il y a des impôts partout dans le monde. Suggérez-vous qu'il n'y en ait pas chez nous?

M. Ken Epp: Non, mais vous me comprenez mal. Ce que je dis, c'est que le seuil minimal d'imposition pour les Canadiens devrait être relevé considérablement de façon que ceux que l'on définit comme étant pauvres soient retirés des rôles d'imposition, contrairement à ce qui se passe actuellement. Il y en a des milliers qui figurent actuellement sur la liste des contribuables, et ces gens-là viennent me voir pour se plaindre. Ils me disent: «J'ai gagné 800 $ en deux semaines, et on m'a retiré 200 $ en impôts, alors que j'ai besoin de cet argent.»

Mme Christa Freiler: Je suis d'avis personnellement que tous les Canadiens devraient payer de l'impôt.

M. Ken Epp: Vraiment.

Mme Christa Freiler: Que chacun contribue et en profite.

M. Ken Epp: Et vous fixeriez l'exemption de base à zéro?

Mme Christa Freiler: Non, je n'y toucherais pas. Vous abordez la question sous l'angle technique, et vous mélangez les arguments techniques et les arguments de principe. Si vous voulez que je vous donne une réponse technique, posez-moi une question technique.

M. Ken Epp: Non.

Compte tenu de l'exemption de base, on peut gagner environ 7 000 $ avant de payer des impôts. J'estime que ce seuil est beaucoup trop bas, que les Canadiens qui ont des revenus de cet ordre arrivent à peine à survivre et qu'ils ne devraient pas payer d'impôt du tout.

Le président: C'est une bonne question.

M. Ken Epp: Mon temps est probablement écoulé. Je comprends ce que vous dites et j'espère que mes collègues vous poseront d'autres questions à ce sujet.

Le président: Jusqu'à quel niveau de revenu ne devrait-on pas payer d'impôt au Canada? Voilà la question.

Mme Laurel Rothman: En fait, nous n'estimons pas être des experts de la fiscalité. En principe, nous croyons que les gens devraient payer des impôts raisonnables mais qu'ils ne devraient pas pour autant devenir vulnérables. L'une des façons de perfectionner le régime c'est de payer l'impôt d'une part et d'obtenir d'autre part un crédit. Ce n'est pas parfait, loin de là.

Il y a également d'autres types d'impôt. Une réduction de l'impôt sur le revenu est moins avantageuse pour les personnes à faible revenu qu'une augmentation du crédit de la TPS, par exemple, qui touche de plus près les familles à faible revenu.

C'est donc une question complexe dans un domaine dont je ne suis pas experte.

Le président: C'est peut-être le cas, mais ce que vous préconisez a des conséquences fiscales et c'est pourquoi nous devons en discuter.

Mme Martha Friendly: Puis-je poser une question à M. Epp? Dites-vous qu'il vaut mieux laisser plus d'argent aux familles à faible revenu pour qu'elles puissent se procurer leurs choses elles-mêmes? Est-ce l'orientation que vous préconisez?

M. Ken Epp: Oui, c'est cela. Si quelqu'un gagne 800 $ par deux semaines, je ne crois pas que le gouvernement devrait aller chercher 200 $ de ce montant.

Mme Martha Friendly: Permettez-moi de répondre à un élément de cet énoncé. Je voyais où vous vouliez en arriver.

J'estime que dans certains domaines, entre autres celui où je travaille, c'est-à-dire les services à la petite enfance, c'est sans rapport. Il y a des services qui peuvent être offerts collectivement aux parents de façon plus efficace, s'ils veulent avoir accès à ces services. Si c'est ce que vous préconisez, je tiens à y répondre.

M. Ken Epp: Ce ne fait aucun doute, et je ne m'oppose en rien à ce que nous modifiions notre assiette fiscale pour rendre la société meilleure et plus saine. Mais pour moi, cela touche tous les citoyens, et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour éliminer la pauvreté.

J'ai toutefois cette idée folle que la meilleure façon d'éliminer la pauvreté, c'est d'éduquer les gens et de leur donner du travail. Voilà comment je vois la lutte à la pauvreté. J'aimerais placer un jeune homme pauvre dans un programme d'apprentissage, lui donner la formation afin qu'il puisse gagner sa vie et apporter sa contribution à la société. Voilà ce que je crois.

De toute façon, mon temps est écoulé, monsieur le président. Merci.

Le président: Oui, merci, monsieur Epp.

• 1130

Mme Kerry McCuaig: Je tiens à souligner que cela n'a pas été confirmé... [Note de la rédaction: Difficultés techniques]... dans le cas du soutien du revenu. Si l'on tient compte du nombre de familles salariées qui vivent néanmoins en deçà du seuil de pauvreté parce qu'il y a trop d'emplois mal rémunérés—et c'est particulièrement vrai des familles dont la mère est le chef—, il doit bien exister une possibilité de combiner de bons emplois et un soutien au revenu des familles, parce que ceux qui élèvent des enfants ont un fardeau différent à assumer de ceux qui n'en ont pas.

M. Ken Epp: Et réduire les impôts pour ces mêmes personnes.

Le président: Ce que vous dites, en fait, c'est que vous êtes en faveur d'une augmentation de l'exemption personnelle de base, mais que vous vous opposez à une réduction des services.

Mme Kerry McCuaig: Nous ne sommes pas en faveur d'une réduction générale des impôts. Nous n'appuyons pas non plus l'augmentation des fourchettes fiscales. L'augmentation des fourchettes fiscales profite particulièrement à ceux qui gagnent le plus. Nous ne sommes pas non plus en faveur d'un taux fixe. Nous sommes toutefois en faveur de mesures fiscales, dont la prestation fiscale pour enfants. Voilà une mesure fiscale qui profite directement aux familles à faible et moyen revenu. C'est un moyen de combler les besoins des gens qui ont des enfants et qui ont de la difficulté à élever leurs familles.

Le président: Permettez-moi de poser une dernière question, avant de passer à autre chose.

Qui a-t-il de mal à réduire les impôts de ceux qui en paient?

Mme Kerry McCuaig: Pourriez-vous répéter votre question?

Le président: Vous opposeriez-vous à ce qu'on réduise les impôts de quelqu'un qui gagne 65 000 $ par année?

Mme Laurel Rothman: Oui.

Mme Martha Friendly: Oui.

Mme Christa Freiler: C'est un vaste domaine. Il ne faut pas confondre mesure fiscale et réduction d'impôt. Qu'entendez-vous par réduction d'impôt?

Le président: L'augmentation de l'exemption personnelle de base, la réduction ou l'élimination de la surtaxe, par exemple—nous avons éliminé la surtaxe de 3 p. 100—sont des mesures qui bénéficient à certains. Qui a-t-il de mal à réduire les impôts de ceux qui en paient? Voilà ma question.

Mme Martha Friendly: C'est qu'on réduit ainsi les montants... Le problème, c'est entre autres que les enfants reçoivent une trop petite partie des ressources, au Canada, comparativement aux personnes plus âgées ou aux gens de notre âge qui ont en fait de bons emplois. Cela dépend évidemment de l'utilisation du surplus. Le surplus est maintenant très important. Pendant des années, on nous a dit que si nous ne pouvions avoir les services pour enfants ou les services de garderie qui existent dans les autres pays, c'est qu'il n'y avait pas d'argent pour cela. De l'argent, il y en a maintenant. Si la situation était plus équitable, il en irait sans doute autrement.

Si nous nous opposons à des réductions générales d'impôt ou à des réductions d'impôt pour les personnes qui ont des revenus plus élevés, c'est que nous nous inquiétons de ce que nous n'aurons pas les programmes pour enfants dont nous avons vraiment besoin. C'est une question d'équilibre. Si je devais choisir entre certaines mesures qui ne sont pas offertes collectivement—c'est-à-dire l'une des choses que nous faisons avec l'argent des impôts—ou remettre l'argent à tous les contribuables, j'opterais pour la première solution, comme bon nombre de Canadiens sans doute.

Le président: D'accord.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Pour votre gouverne, le dernier rapport de Revenu Canada sur les contribuables, le rapport de 1997, indiquait que 19,1 p. 100 des contribuables canadiens gagnent plus de 50 000 $ par année. Ces contribuables paient 59,3 p. 100 de tous les impôts et font 52,5 p. 100 de tous les dons de charité. D'une certaine façon, cela montre que les Canadiens ne gagnent pas beaucoup d'argent. Mais faut-il aller jusqu'à dire qu'il ne faut pas donner de réduction d'impôt à ceux qui gagnent plus de 50 000 $... Ils ont le choix, et s'ils paient plus d'impôt qu'ils ne le souhaitent, l'un de ces choix est de réduire leurs dons de charité, ce qui nous touche tous. Il y a toutes sortes de façons de régler ces difficultés.

Je ne crois pas que nous devrions discuter de la structure fiscale, car nous disposons de tout un ministère des Finances qui est chargé de définir les façons les plus équitables d'accorder des réductions ciblées d'impôt. J'aimerais toutefois demander à la représentante du groupe des enfants—et merci, vous avez fait de l'excellent travail.

• 1135

Dans le régime de prestations fiscales pour enfants du Canada, la prestation nationale pour enfants est l'un des éléments assujetti à cette récupération qui vous préoccupe. Nous en avons beaucoup discuté durant le dernier tour de table. J'aimerais savoir si vous avez tenu compte de ce que les gens qui renoncent à l'aide sociale pour entrer sur le marché du travail dans des emplois rémunérés au salaire minimum, ou dans des emplois de cet ordre, sont en fait plus mal-en-point économiquement une fois salariés que quand ils vivaient de l'aide sociale. Le but de la prestation nationale pour enfants était d'aider les Canadiens à quitter l'aide sociale pour joindre les rangs des travailleurs, car leur situation s'en trouvait empirée et qu'il fallait les aider.

Ce sont les provinces qui décident si l'argent sera ou non versé aux prestataires d'aide sociale. On a fait remarquer que dans certaines provinces, il y a peu de chance de trouver de l'emploi. À Terre-Neuve, par exemple, on pourrait dire que les chances d'avoir un emploi sont si faibles qu'il vaut mieux donner l'argent aux prestataires d'aide sociale; dans d'autres marchés, il y aura des emplois, et il est important d'aider les personnes à faire la transition de l'aide sociale au marché du travail pour leur éviter des pertes économiques. En quittant l'aide sociale, elles n'ont plus d'assurance pour les soins dentaires et les soins médicaux. Elles se retrouvent sans rien. Ces personnes subissent donc une perte économique.

Voulez-vous examiner les raisons qui justifient la récupération de la prestation nationale pour enfants et nous dire s'il devrait y avoir, à votre avis, un mécanisme pour aider les Canadiens à faire la transition de l'aide sociale vers un emploi rémunéré.

Mme Christa Freiler: Bon nombre d'organismes appuient cet objectif d'aider les parents à faire la transition. C'est bien logique, mais il faut situer cela dans son contexte. Le Canada est le seul pays du monde qui fait le lien entre la promotion de la participation au marché du travail et une prestation pour enfants. Dans tous les autres pays, les prestations pour enfants ont toujours existé pour aider les enfants. Ces prestations n'ont rien à voir, et ne devraient avoir rien à voir, avec ce que font les parents.

Il y a d'autres moyens d'aider les parents et de les encourager à retourner sur le marché du travail. Il existe des suppléments de revenu pour les petits salariés—il y a toutes sortes d'autres programmes. Le Canada est le seul pays du monde qui fait ce lien avec la prestation pour enfants. On peut se demander, de ce fait, à quoi sert la prestation pour enfants. Cette prestation ne devrait pas être utilisée comme elle l'est ici. Même en 1993, lorsqu'on a créé le supplément du revenu, bon nombre d'organismes ont ouvertement critiqué la mesure pour cette raison, mais cela va maintenant encore plus loin. Voilà pour la première réponse.

Deuxièmement—et cela répond également à ce que disait M. Epp—personne ne doute que la meilleure façon pour les parents d'obtenir des revenus pour payer leur subsistance et celle de leurs enfants, c'est le travail. C'est très clair. Mais le marché du travail n'est plus ce qu'il était. Il ne donne plus suffisamment de revenus aux parents pour les faire vivre. Il faut donc en tenir compte. C'est particulièrement vrai des mères chef de famille, qui ont un taux de pauvreté d'environ 60 p. 100; il est probablement irréaliste, injuste et même cruel de s'attendre à ce qu'elles puissent travailler à plein temps tout en s'occupant de leurs enfants sans garderie convenable. Cela soulève divers arguments.

Dans bon nombre de pays, on s'attend à ce que les parents qui élèvent seuls leurs enfants travaillent, mais pas à ce qu'ils travaillent à plein temps. Dans une telle situation, il est impossible de travailler à plein temps et d'être parent à plein temps. Il faut couper quelque part. Il est donc nécessaire de tenir compte des réalités des prestataires d'aide sociale et de voir s'il leur est possible de faire ce que l'on attend d'eux.

Je ne dis pas que c'est une bonne chose pour les mères de vivre d'aide sociale jusqu'à ce que leurs enfants aient 18 ans. Personne ne préconise ce genre de chose. Mais il faut néanmoins reconnaître que les exigences peuvent être différentes. Elles devraient peut-être pouvoir travailler à plein temps et recevoir un supplément de revenu, même si elles travaillent. En tout cas, elles devraient disposer de garderies convenables afin de ne pas avoir à s'inquiéter de leurs enfants pendant qu'elles préparent des hamburgers chez McDonald.

Mme Martha Friendly: Permettez-moi d'ajouter quelque chose.

• 1140

Les gens qui travaillent aux politiques sociales destinées aux enfants ont beaucoup essayé, au cours des deux dernières années, de voir comment la politique sociale pour les enfants et les familles pourrait être réformée. On pensait toujours que ces politiques visaient les femmes qui ont des emplois rémunérés. Ce n'est pas vrai. Nous avons essayé d'adopter une approche plus large, plus uniforme et plus holistique. Vous constaterez sans doute que nous avons tous insisté sur le fait que vous ne pourrez pas résoudre les problèmes de la pauvreté des enfants, du travail et des familles, ou du revenu familial ou d'autres choses de ce genre, avec une seule politique—quand je dis nous, je ne sais pas qui d'autres vous avez entendus.

L'un des problèmes de la prestation pour enfants—et cette prestation pose un certain nombre de problèmes—c'est qu'on essaie d'en faire une panacée. En fait, si elle vise à encourager les parents à participer au marché du travail et que cette partie de la prestation est récupérée dans le cas des parents qui ne travaillent pas, il ne s'agit donc pas uniquement d'une mesure de lutte contre la pauvreté. Nous avons tous fait valoir qu'il est essentiel de mettre en place un régime de garderies convenable, comme Christa l'a dit, pour que les gens puissent quitter l'aide sociale.

Dans la région du grand Toronto, les parents de très jeunes enfants ne sont pas assujettis à des exigences en matière de travail, comme c'est le cas en Alberta, par exemple. Ces parents peuvent recevoir des subventions au titre des frais de garde dans le cadre du programme l'Ontario au travail. La moitié des personnes qui reçoivent ces subventions à Toronto sont des parents qui ne sont pas obligés de travailler. Cela signifie donc qu'une proportion importante de ces parents aimeraient bien participer au marché du travail mais sont en butte à divers obstacles. L'un de ces obstacles, bien sûr, c'est le service de garderie, entre autres.

C'est la première fois que j'entends votre comité dire qu'il est d'accord pour que soit mise en place une politique publique intelligente à l'intention des enfants et des familles, une politique qui les aide de façon plus uniforme. Le fait de se concentrer uniquement sur le régime fiscal, ou seulement sur la prestation pour enfants, illustre bien ce qui ne va pas. Il faut examiner la situation de l'emploi, des marchés du travail et du logement. Pour avoir une politique sociale intelligente, il faut tenir compte de toute une gamme de facteurs, sinon, cela ne peut pas marcher.

Le président: À ce sujet, je tiens à faire remarquer que notre comité n'a qu'un but, et c'est d'examiner comment nous pouvons améliorer la qualité de vie de tous les Canadiens. Nous estimons également, à vrai dire, qu'une stratégie de création de richesses, de réduction des impôts et d'augmentation de la productivité n'exclut pas nécessairement un plan d'action à l'intention des enfants. En fait, ces choses-là vont de pair à mon avis.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président. Je remercie également tous nos témoins de leurs interventions.

La première question s'adresse à M. Smithin. Depuis 1993, la valeur du dollar canadien a diminué de 10c. Compte tenu de ce que nous avons un taux de change flottant, cette diminution a eu des effets négatifs directs pour les Canadiens, puisque nous achetons 40 p. 100 de nos produits et de nos services à l'étranger. Croyez-vous qu'il n'y pas de perte...?

M. John Smithin: Pour combien vendons-nous? Nous vendons plus que cela. L'augmentation des exportations est évidemment avantageuse, et les exportations ont augmenté. L'avantage d'une devise flottante, c'est qu'elle laisse suffisamment d'autonomie pour mettre en oeuvre des programmes sociaux, entre autres.

Je suis convaincu qu'une devise souveraine confère une plus grande marge de manoeuvre dans ces questions budgétaires. Contrairement à ce qui semble être discuté ici, il ne s'agit pas de déposer une pile de billets au milieu de la salle et de dire que ce qui est donné à l'un, l'autre en est privé. Cela n'a rien à voir avec la nature de l'argent. L'argent se crée chaque fois que les banques font un prêt et il se détruit chaque fois que le prêt est remboursé. C'est très simple.

Lorsque vous parlez de cette grosse dette, elle s'exprime en dollars canadiens et elle s'élève à je ne sais combien de billions. Qui est en mesure de sortir des dollars canadiens? La réponse est la Banque du Canada ou le gouvernement canadien. Si cette dette était contractée en dollars américains, à ce moment-là effectivement, il y aurait problème parce qu'il faudrait trouver des dollars américains pour la rembourser. Si le Canada était dans la même situation que le Mexique et s'il ne pouvait emprunter qu'en dollars américains, il est évident que sa marge de manoeuvre serait limitée.

• 1145

Je pense qu'il est très important de comprendre la différence. Vous êtes des politiciens fédéraux, non? En principe, le budget fédéral est très différent du budget provincial. Le gouvernement ontarien est effectivement limité sur le plan budgétaire parce qu'il traite toujours en dollars canadiens, comme si c'était... des dollars étrangers. Dans la zone euro, les devises ont vraiment fait un grand saut. Les gouvernements européens, la France, l'Allemagne et ainsi de suite, ont abandonné leur souveraineté nationale. Ils se sont mis dans une situation semblable à ce que le comité croit être celle du gouvernement canadien. Ce que je veux faire valoir ici, c'est qu'aussi longtemps que le gouvernement canadien peut compter sur une devise indépendante, il ne sera pas dans la même situation. Il aura davantage de souplesse.

M. Scott Brison: Une devise indépendante est effectivement une devise souveraine, mais sa valeur dépend énormément de facteurs externes ainsi que des flux monétaires. Certains de ces facteurs sont fonction, par exemple, de la fiscalité, ce qui a un impact. Depuis une vingtaine d'années, le Canada affiche des rendements relativement positifs et des taux d'intérêt supérieurs à ceux des États-Unis. Pendant la même période, l'économie canadienne s'est relativement bien tenue, et notre dollar aussi. Depuis six ans, nous avons perdu 10c, et une partie de cette perte est peut-être attribuable au fait que les taxes et les impôts absorbent 38 p. 100 de notre PIB, ce qui est une grosse augmentation, alors qu'aux États-Unis, ils ne représentent que 28 p. 100, et tout cela a un effet néfaste sur notre économie.

M. John Smithin: Il est certes vrai que si votre économie doit se démarquer d'une autre économie à plusieurs égards, par exemple en ayant un niveau d'imposition différent et des programmes différents, le dollar doit être lui aussi différent pour pouvoir procéder à des choix d'orientation. Peut-être est-il vrai qu'un choix différent au niveau des programmes sociaux conduise à un dollar plus faible dans l'état actuel des choses. Supposons un instant que le Canada adopte le dollar américain. Ce serait très simple. Les programmes sociaux, la fiscalité, les considérations budgétaires, tout serait alors dicté par...

M. Scott Brison: Et le mécanisme directeur pourrait être le chômage, de sorte que si un secteur de l'économie venait à être attaqué, nous le sentirions au niveau du chômage. Je suis d'accord avec vous. Je ne serais pas favorable à une devise commune.

M. John Smithin: Pour revenir à la question d'un dollar plus faible, il ne faut pas oublier que le dollar canadien a repris beaucoup de valeur depuis deux ou trois ans. Pour y arriver, on aurait pu demander à la Banque du Canada de relever les taux d'intérêt. J'imagine que cette dernière, lorsqu'elle était dirigée par le gouverneur Crow, aurait catapulté les taux d'intérêt dans la stratosphère. Cela aurait raffermi le dollar, ce qui était le cas alors, et bien sûr, comme vous le disiez vous-même, le taux de chômage aurait emboîté le pas.

M. Scott Brison: Et nous aurions probablement au Canada une augmentation des taux d'intérêt de l'ordre de 25 ou de 50 points de base.

M. John Smithin: En effet, ce qui est pire encore que le problème que pose le taux d'intérêt pour porter la dette du Canada.

M. Scott Brison: J'avais déjà entendu cet argument, et nous pourrions peut-être en parler plus longuement à une autre occasion, mais le corollaire logique de votre argument veut que si nous faisions passer la valeur de notre dollar à zéro, nous pourrions devenir le plus gros exportateur du monde, puisqu'alors nos produits et nos services deviendraient...

M. John Smithin: Pas du tout.

M. Scott Brison: En toute honnêteté, je ne pense pas que la voie de la prospérité doive passer par la dévaluation.

M. John Smithin: Pas du tout, vous décrivez les choses de façon trop catégorique, car en fait, il y a bel et bien une marge de manoeuvre.

M. Scott Brison: Selon vous, la dette n'a pas d'importance, cette affirmation est tout aussi catégorique.

M. John Smithin: Pour ce qui est de ce que nous pouvons nous permettre, non. Bien sûr, vous pouvez vous permettre tout ce que vous voulez. C'est incontestable. Mais si les gens ne sont pas d'accord, c'est parce que cela risque d'être une source d'inflation. La question qui se pose n'est donc pas de savoir si vous pouvez vous permettre d'intervenir sur le front de la pauvreté des enfants, si vous pouvez vous permettre de donner un toit aux sans abri. Bien sûr, vous en avez les moyens. Le débat politique porte plutôt sur l'effet que cela aurait sur l'argent des autres. C'est cela qui compte.

M. Scott Brison: L'argent des autres, mais qui sont mobiles.

M. John Smithin: En effet, des gens qui sont mobiles, qui sont plus riches, et ainsi de suite. Y a-t-il une autre solution? Oui, il y en a une. Comme je le disais un peu plus tôt, il faudrait que les taux d'intérêt réels restent bas mais positifs.

M. Scott Brison: Peu importe qu'il s'agisse de politique, d'économie ou de problématiques sociales, je ne pense pas en fait qu'on puisse faire la distinction entre les dossiers économiques et les dossiers sociaux. Il s'agit en l'occurrence d'un des volets les plus intéressants d'une discussion comme celle-ci, étant donné que lorsque nous parlons d'un programme pour les enfants ou d'investir dans ce domaine, il s'agit manifestement à la fois d'un dossier économique et d'un dossier social.

Madame Friendly, vous nous avez dit que cela causerait du tort aux banques, mais n'est-il pas vrai que 7,5 millions de Canadiens sont, directement ou indirectement, actionnaires de ces mêmes banques qu'il y en a aussi beaucoup qui travaillent pour celles-ci. Les banques et les gens qui travaillent pour les banques, ou encore les gens qui gagnent par exemple dans la fourchette de plus de 60 000 $... Il y en a beaucoup qui sont mobiles au Canada. Lorsqu'ils s'en vont—et le nombre d'émigrants augmente à cet égard—, ils emportent avec eux leurs gains futurs, mais également les recettes fiscales futures que produiraient ces gains futurs. Je ne pense pas que nous puissions proposer une politique tant soit peu durable si nous ignorons leurs intérêts, si nous ignorons les intérêts d'un groupe quel qu'il soit. Je pense qu'il faut vraiment un juste milieu.

• 1150

M. John Smithin: Ne vous en déplaise, vous omettez de dire que si le gouvernement adoptait les politiques économiques adéquates, c'est-à-dire des taux d'intérêt plus bas, une augmentation des dépenses de l'État... il faut bien admettre que cela aurait également pour effet d'améliorer l'économie nationale.

Cela, c'est tout à fait le contraire. Je comprends fort bien les conventions qui ont cours autour de cette table. L'une des raisons qui pousserait les gens à rester au Canada serait une augmentation de leur revenu réel. Des mesures de ce genre qui, selon moi, seraient plus rationnelles par rapport à la politique budgétaire, ne nuiraient en rien à l'économie. Bien au contraire.

Le président: Madame Rothman.

Mme Laurel Rothman: Je voudrais simplement dire un mot sur la question que vous semblez aborder en parlant de l'exode des cerveaux. Je ne suis pas experte, mais tous les chiffres dont j'ai eu connaissance portent à conclure que la fiscalité n'est pas la raison principale qui pousse les gens à partir. Il y a toute une série d'autres raisons, relatives par exemple aux possibilités de recherche et aux potentialités de carrière...

M. Scott Brison: Les taux de rémunération.

Mme Laurel Rothman: Peut-être, oui.

L'autre réalité est qu'il est grand temps que nous cessions de nous comparer aux États-Unis. Je pense que c'était Madelaine Drohan du Global and Mail qui disait qu'il fallait être réaliste et se comparer aux pays intermédiaires prospères plutôt qu'à la plus grosse économie de la planète—ce qui est ridicule—même si nous avons des défis de taille à relever, comme celui d'être un partenaire commercial de première importance.

M. Scott Brison: J'en conviens, nous devons plutôt nous comparer à d'autres pays que les États-Unis. D'ailleurs, nous sommes une nation plus gentille et plus bienveillante, pour paraphraser Peggy Noonan, mais nous sommes un peu, si vous voulez, une société distincte. La réalité est par contre que, si nous nous comparons à tous ces autres pays, c'est nous qui, parmi tous les pays du G-7, avons le taux d'imposition des particuliers le plus élevé et, parmi les pays de l'OCDE, notre taux d'imposition des sociétés se situe au deuxième rang. L'an dernier, nous étions au troisième rang, mais l'Allemagne a diminué le taux d'imposition des sociétés, de sorte que nous sommes maintenant au deuxième rang. Les ratios de la dette par rapport PIB étaient extrêmement élevés.

Avec une monnaie flottante, je pense que nous respectons les paramètres ou les contraintes de... si nous voulons réussir sur la scène mondiale, il faut créer des économies à peu près de même taille. On ne peut pas passer ces problèmes sous silence. Même sans nous comparer aux États-Unis, nous ne réussissons pas très bien dans certains de ces domaines essentiels.

M. John Smithin: Vous me permettez? Il me semble encore une fois...

Le président: Excusez-moi. Pourrait-on laisser quelqu'un d'autre répondre?

Madame McCuaig.

Mme Kerry McCuaig: D'autres études de l'OCDE montrent qu'au Canada, quand on parle de l'impôt sur le revenu des particuliers au milieu de l'échelle, lorsqu'on examine nos charges sociales, on s'aperçoit qu'elles sont moins lourdes qu'aux États-Unis. L'impôt des sociétés, lui, se situe à peu près au tiers du bas de la liste. Nous ne sommes pas exagérément taxés.

Nous recevons aussi beaucoup de choses en échange de nos impôts. Je peux vous donner un exemple. Je donne des conseils aux syndicats et aux fabricants automobiles lorsqu'ils négocient le volet famille de leurs conventions. Chaque travailleur verse 6c. de l'heure au fonds de garderie. Ils paient aussi 3c. de l'heure au fonds des frais de scolarité universitaire. Si vous considérez cela comme un manque à gagner salarial, c'est 9c. de l'heure de moins en salaire. L'autre possibilité c'était de le verser dans les fonds. C'est la même chose pour les impôts, n'est-ce pas?

Ce sont les 60 000 travailleurs qui font ce versement horaire dans le fonds, qu'ils aient des enfants ou pas, que leur enfant aille ou non à l'université. Ils se sont rendu compte qu'il est préférable pour eux d'avoir accès à un programme lorsqu'ils en ont besoin plutôt que de toucher 9c. de l'heure. Tous ces travailleurs cotisent également à un régime de retraite pour tous les travailleurs. Voici donc ici un exemple de solidarité entre les générations. Cela est très...

Autre chose, c'est qu'aussi bien la compagnie que les travailleurs s'en enorgueillissent. J'en ai parlé au président de Ford. La compagnie aime bien que l'on voit qu'elle accorde des avantages aux familles de ses travailleurs. Les travailleurs aussi en sont heureux. À l'assemblée de ratification, c'est de cela qu'ils ont discuté. Qu'ils aient ou non un enfant qui a besoin d'aller à la garderie, cela leur faisait du bien. Ils étaient heureux de voir qu'ensemble, ils avaient admis la nécessité de répondre aux besoins des enfants de leurs camarades. C'est une leçon que l'on pourrait appliquer à l'échelle nationale.

• 1155

M. Scott Brison: Mais nous ne payons pas des impôts plus élevés au Canada parce que nous avons des dépenses sociales plus élevées que celles des États-Unis, par exemple, ou des dépenses médicales, par exemple. Le fait est que le gouvernement des États-Unis consacre plus d'argent à la santé par habitant que...

Mme Kerry McCuaig: Le gouvernement.

M. Scott Brison: Le gouvernement... en fait, le gouvernement le fait aussi. Il y a une inefficacité implicite dans le système des organisations de soins intégrés de santé et nous n'en voulons pas au Canada, mais le fait est qu'il y a des investissements de l'État qui, par habitant, dépassent ceux du Canada. Nous ne payons pas plus d'impôt parce que le gouvernement investit davantage, mais nos investissements ne sont pas aussi élevés dans le domaine de la défense, par exemple, que ceux des États-Unis, et cela s'explique pour des raisons historiques.

Mais nos impôts sont plus élevés parce que notre dette par habitant est nettement plus élevée. M. Smithin ne pense pas qu'il est important de la réduire, mais un des éléments du programme pour les enfants serait de réduire la dette que ces jeunes devront assumer comme membres productifs de la société dans l'avenir. Peut-être devrions-nous étudier, dans leur intérêt, la question de la réduction considérable de la dette ou de la réduction du fardeau fiscal de leurs parents, qui ont vu une chute de 8 p. 100 de leur revenu personnel disponible dans les années 90 en raison de l'augmentation des impôts pendant une période où les Américains ont vu le leur augmenter de 10 p. 100.

Mme Kerry McCuaig: Et tout au long des années 80...

M. Scott Brison: C'était pendant les années 80.

Mme Kerry McCuaig: ...nous n'avons pas voulu imposer ce déficit à nos enfants, si bien que les familles canadiennes ont subi coupure après coupure et vu les programmes sociaux disparaître les uns après les autres. Elles ont payé pour se débarrasser du déficit et elles ont payé pour obtenir un surplus, et pendant tout ce temps, le taux de pauvreté des enfants a augmenté.

Les familles canadiennes ont déjà écopé. Maintenant nous avons un surplus et les familles canadiennes s'entendent dire qu'elles ne devraient pas imposer ce fardeau à leurs enfants, c'est bien ça? Il y a une proposition en faveur d'un dosage. Des mesures doivent être prises pour réduire la dette et pour ce qui est des impôts, il doit y avoir un pourcentage—la moitié du surplus budgétaire—mis de côté pour répondre aux besoins des Canadiens. En tête de cette liste, selon nous, figurent les enfants et les familles.

Le président: Y a-t-il des observations?

Mme Martha Friendly: Je voudrais dire quelque chose à propos des raisons qui poussent les gens à déménager et ce que cela signifie. Moi, j'ai quitté les États-Unis pour venir m'établir au Canada. C'est le cas de beaucoup d'entre nous. Un des attraits n'avait rien à voir avec les impôts; c'est parce qu'il s'agit d'une société plus douce, plus compatissante, et c'était il y a presque 30 ans.

J'ai encore des liens très étroits avec les États-Unis parce que j'y ai de la famille, et je suis vraiment étonnée du peu de cas que les Canadiens font du fait que leur société est plus douce et plus compatissante. Si vous regardez le déficit social que nous avons accumulé et pour lequel les familles et les enfants ont payé le prix, alors que le surplus a grossi et que l'écart des revenus s'est creusé, j'estime quant à moi que nous prenons du retard.

Quand vous dites que le social et l'économique sont liés, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais malheureusement vous examinez la structure. Vous avez dit qu'il faut regarder le structurel, monsieur Brison. Vous parlez des éléments structurels qu'il faut examiner et moi je vous parle d'une autre structure: la structure sociale.

Nous parlons des enfants et de l'éventualité d'effacer une partie de la dette. Je vois où cela va vous mener. Au cours des quatre dernières années, les frais de scolarité universitaire en Ontario ont augmenté d'environ 35 p. 100; il y a donc des jeunes qui ont des dettes personnelles. Il y a tout le déficit social des enfants dont la mère occupe un emploi rémunéré. La plupart des mères de jeunes enfants occupent un emploi rémunéré, pour toutes les raisons que nous avons énumérées, et nous sommes l'un des rares pays, avec les États-Unis, pays moins doux et moins compatissant, à ne rien faire pour eux, ce qui fait que tout le monde, les parents et les mères, sont ceux qui écopent.

Oui, l'économique et le social sont liés. Les gens déménagent pour quantité de raisons. Certaines d'entre elles sont sociales.

• 1200

Je pense que l'on ferait mieux de voir où l'on s'en va sur le plan social si nous voulons pouvoir rivaliser avec les pays de taille moyenne, parce que je vois un déficit social grandissant pour lequel nous allons payer et nos enfants aussi.

Le président: Ce groupe de témoins a suscité beaucoup d'intérêt, comme vous pouvez le voir par le nombre de personnes qui veulent encore poser des questions et qui sont toujours ici à midi, mais voici comment nous allons procéder. Nous allons laisser M. Brison avoir le dernier mot, très brièvement, après quoi je donnerai la parole à M. Gallaway, Mme Guarnieri puis M. McKay. Tous, vous poserez vos questions, puis les témoins répondront.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci beaucoup. J'attache beaucoup de prix à toutes vos interventions.

J'aimerais faire une dernière observation. Je crois savoir que récemment, l'Organisation internationale du travail a produit un rapport sur la pauvreté chez les enfants dans le monde et le Canada est arrivé en avant-dernière place, devant le Japon, pour ce qui est de la pauvreté des enfants en fonction des critères que l'OIT a utilisés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Laurel Rothman: Je connais assez peu la question, mais je crois qu'ils n'ont pas utilisé les mesures traditionnelles dont nous nous servons, c'est-à-dire les seuils de faible revenu. Bien que cela ne constitue pas une mesure de la pauvreté selon Statistique Canada, c'est néanmoins la mesure qu'utilisent les grands groupes de recherche et d'universitaires de ce pays, et je dirais en fait que le rapport du BIT est tout à fait singulier dans ce qu'il dit sur le Canada. Il existe des rapports de l'OCDE ou le rapport de l'expert Tim Smeeding, sur l'étude des faibles revenus au Luxembourg, dont on a parlé mon collègue, et qui est une étude comparative d'au moins 40 pays du monde entier, et pas seulement du monde occidental.

Très brièvement, je dirais donc que l'OIT a utilisé un système de mesures très différent et que ses conclusions n'ont rien à voir avec les autres conclusions de recherche.

Le président: Merci.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Merci. J'ai deux questions.

Madame Friendly, vous avez parlé de services de développement pour la petite enfance. Qu'est-ce que cela signifie? Pourriez-vous me décrire très brièvement cette notion?

Mme Martha Friendly: Dans mon mémoire, que je serais très heureuse de... Je pense que ces services pour la petite enfance doivent avoir trois composantes, trois fondements, trois fonctions.

Il s'agit d'abord d'assurer l'éducation ou le développement dans la petite enfance, au jardin d'enfants, c'est-à-dire que les enfants doivent recevoir ce que les parents souhaitent qu'ils reçoivent quand ils vont au jardin d'enfants ou à l'école pré-maternelle, c'est-à-dire de bons soins, de bons rapports avec leurs pairs, ce genre de choses.

Deuxièmement, si les parents travaillent ou suivent une formation ou font des études, il faut que ces services remplacent les soins des parents en leur absence.

Troisièmement, ces services doivent aider les parents à élever leurs enfants, de façon directe ou plus discrète.

Je dirais que les services de développement de la petite enfance englobent ces trois éléments de manière simultanée. Si on les assure, on retirera les fruits économiques et sociaux de ces programmes.

M. Roger Gallaway: Bien. Voici ma dernière question. Madame McCuaig, vous avez parlé de richesse collective, et certains d'entre vous ont parlé de bonnes et de mauvaises mesures fiscales. Vous avez parlé de groupes organisés qui réclament des réductions d'impôt. Je dois vous dire que vous-mêmes, qui comparaissez devant nous, vous êtes très organisés et vous avez un programme différent, et que je vous considère exactement au même titre que les autres groupes qui ont comparu avec un programme différent du vôtre.

Cela dit, il est clair que les sondages qui ont été effectués dans ce pays, certains par le ministère des Finances, montrent que, et je ne veux pas dire... J'en ai eu la confirmation dans ma circonscription, car j'estime que mon opinion ne doit pas être uniquement celle d'un membre de ce comité, mais celle d'un représentant élu qui discute avec les habitants de sa circonscription... Ce que me disent ces personnes, qui se retrouvent dans les sondages, c'est que la population souhaite une réduction des impôts, souhaite une réduction de la dette, souhaite avoir des soins de santé, qu'elle s'intéresse à l'éducation postsecondaire, mais en revanche cette notion de programmes pour l'enfance... Je n'ai pas l'impression que beaucoup de personnes en fassent leur cheval de bataille.

Vous nous parlez ce matin de milliards de dollars et de programmes sociaux. Mais dites-moi ce que nous devons répondre à ces personnes, qui ne sont pas des groupes organisés mais de simples particuliers, à ce vaste éventail de personnes qui constituent peut-être la majorité des Canadiens et qui nous disent: «C'est mon argent que je verse au gouvernement fédéral; vous avez un excédent et je veux donc le récupérer, et je n'ai pas envie de financer un programme de 10 ou 14 milliards de dollars qui sera consacré aux enfants.»

• 1205

Mme Martha Friendly: Tout d'abord, vous savez bien qu'en matière de sondages d'opinion, tout dépend des personnes à qui vous posez la question. Nous avons nous aussi des sondages d'opinion sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Les domaines qui nous intéressent ont été mentionnés, par exemple, dans les sondages d'opinion publique et les recherches d'Ekos. Je ne vais pas m'engager dans une discussion sur les sondages d'opinion avec vous, car je suis certaine que vous savez très bien que l'on fait dire ce que l'on veut aux sondages d'opinion. Il y avait d'ailleurs une émission intéressante sur ce sujet à la chaîne anglaise de Radio-Canada hier soir.

Pour répondre à votre question sur ces milliards de dollars, je dirais tout d'abord que pour construire le genre de programme dont je parle, il faut mieux utiliser l'argent public. Cet argent est très mal utilisé actuellement. Ce serait déjà un bon départ.

Quand je vous parle de tous ces éléments qui nous permettraient d'avoir un meilleur programme province par province, voici ce que je veux dire. Collectivement, les provinces consacrent plus d'un milliard de dollars par an aux garderies d'enfants réglementées. Elles dépensent une somme inconnue pour les maternelles et pré-maternelles, car personne ne sait vraiment quel est le montant de ces dépenses. Il n'y a aucune donnée là-dessus. Il y a d'autres dépenses au niveau du gouvernement fédéral. Les parents eux-mêmes consacrent aussi beaucoup d'argent à ce genre de programmes. Alors pour commencer, essayons d'avoir une politique publique qui coordonnera mieux tout cela.

Pour répondre à votre question sur ce que souhaite vos électeurs, je pourrais vous trouver un million de personnes de ma circonscription et d'autres circonscriptions de tout le pays qui vous diront que c'est quelque chose de vraiment important pour eux. Tout dépend de la façon dont on pose la question. Je serais très heureuse de vous présenter des personnes qui vous diront que pour elles, c'est une priorité absolue.

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri: Merci, monsieur le président.

Comme vous le voyez, votre exposé a suscité de nombreuses questions, et j'en ai moi-même quelques-unes.

Madame Friendly, vous venez de dire qu'il faudrait mieux utiliser l'argent que nous dépensons actuellement. Dois-je en conclure qu'il faudrait, à votre avis, réorganiser les priorités de dépenses du gouvernement plutôt que de puiser dans des fonds excédentaires?

Mme Martha Friendly: Je ne suis pas sûre que nous nous comprenions bien toutes les deux.

Ce que j'ai dit, c'est qu'en matière de services de développement de la petite enfance, une notion que j'ai défini à l'intention de M. Gallaway et qui est définie aussi dans mon mémoire, si vous regardez ce qui se passe au Canada, vous constatez que les dépenses provinciales, fédérales et privées sont très éparpillées. De nombreux parents et contribuables paient pour une foule d'éléments de programmes et d'arrangements privés, mais très peu d'entre eux obtiennent vraiment ce qu'ils souhaitent.

Je ne dis pas qu'il ne faudrait pas plus d'argent pour avoir un programme pour tout le monde, je dis simplement que pour commencer, il nous faudrait un processus de politiques publiques reposant sur l'union sociale qui nous permettrait de présenter ces services de manière plus cohérente, afin de permettre aux parents de faire des choix qu'ils ne peuvent pas faire actuellement.

Mais effectivement, il faudrait plus d'argent.

Mme Albina Guarnieri: Je vais essayer de vous poser mes questions, car j'ai l'impression que le président est prêt à vous laisser plus de liberté qu'à moi.

Le président: Oh non! C'est bon. Nous allons sauter le déjeuner. Nous allons écouter Albina. Je n'ai pas faim.

Des voix: Oh, oh!

Mme Albina Guarnieri: Je connais bien notre président.

J'aimerais répondre au dernier échange. J'ai l'impression que si le nombre d'enfants pauvres à Toronto et ailleurs est aussi élevé que le montre des statistiques récentes, c'est parce que beaucoup de ces enfants ont des parents qui travaillent mais dont le revenu est insuffisant compte tenu du coût que représentent les enfants, si je vous ai bien comprise. Quelle recherche avez-vous faite sur le fardeau fiscal de ces familles dont les enfants vivent dans la pauvreté? Cela nous aiderait dans nos délibérations. Plus précisément, pensez-vous qu'il y ait beaucoup d'enfants qui vivent dans la pauvreté alors que leurs parents paient trop d'impôt?

Mme Kerry McCuaig: Il n'existe pas de recherche démontrant que les parents des familles à faible revenu paient trop d'impôt. En revanche, de nombreuses études montrent que ces parents s'en sortiraient mieux s'ils avaient un logement à prix abordable, s'il y avait des garderies abordables, et si on leur versait un complément de revenu lorsqu'ils ont des salaires de misère.

Voilà pourquoi nous avons cette position sur les grandes orientations publiques. Ce n'est pas une position idéologique d'opposition aux réductions d'impôt. Nous disons simplement que si l'on veut améliorer la vie des enfants et de leurs familles, il est préférable et plus efficace de leur proposer des programmes et des services. C'est pour cela que j'ai mentionné à titre d'illustration le règlement auquel sont parvenus les TCA. Un programme sera plus utile à ces familles qu'une augmentation de 9c. de l'heure sur leur chèque de paie.

• 1210

Mme Albina Guarnieri: Je tiens à bien comprendre le point de vue proposé par ce groupe à notre comité, et je vous demande de me pardonner de souligner ceci. Dans le Wall Street Journal d'aujourd'hui, on peut lire:

    Le taux de chômage du Canada tombe à 7,2 p. 100.

    Le taux de chômage du Canada a fortement baissé en octobre pour le deuxième mois consécutif, et il est tombé à 7,2 p. 100 alors que notre économie forte continuait de créer rapidement des emplois. Ce taux de chômage est le plus bas enregistré depuis neuf ans. Il a baissé de 0,3 p. 100, exactement comme en septembre où il était tombé à 7,5 p. 100. Selon Statistique Canada, 308 000 nouveaux emplois ont été créés cette année, soit une augmentation de 2,6 p. 100, et la progression la plus importante est enregistrée dans les emplois à plein temps et chez les femmes.

Je cite ce rapport parce que je voudrais dire que si 30 p. 100 ou plus des enfants de Toronto vivent dans la pauvreté et que le taux de chômage tourne autour de 7 p. 100, il doit y avoir beaucoup d'enfants dans des familles qui paient trop d'impôts pour pouvoir répondre aux besoins de leurs enfants. Peut-être pourrait-on proposer d'aider ces familles au moyen d'allégements directs de leurs impôts. Mais je pense que l'on peut dire—et j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec moi—que la plupart des mesures concernant la pauvreté sont en fait fondées sur le coût des produits de base en pourcentage du revenu brut, ce qui veut dire qu'un changement d'imposition ne modifiera en aucune façon le taux de pauvreté chez les enfants que l'on mentionne actuellement. Est-ce que cela vous semble juste?

Mme Christa Freiler: Puis-je essayer de répondre?

Le président: Oui.

Mme Christa Freiler: C'est une question plutôt dense.

Mme Albina Guarnieri: J'essaye simplement d'avoir des arguments concrets.

Mme Christa Freiler: Vous vous souvenez peut-être de la Commission de l'équité fiscale qui s'occupait des contribuables à faible revenu en Ontario il y a quelques années. Il y a donc eu pas mal de recherches qui ont sans doute été mises à jour depuis, mais au moins, vous pourriez obtenir les documents de cette commission. Ils montrent qu'au cours des dernières années, ce sont les familles économiquement faibles qui ont été le plus durement pénalisées par la fiscalité. C'est incontestable. La Commission de l'équité fiscale a constaté que c'était ces familles qui avaient souffert le plus, si vous voulez.

Je pense que c'est une des raisons pour lesquelles diverses organisations, dont Campagne 2000, nous, et Caledon, soutiennent qu'il serait logique de prendre des mesures d'allégement fiscal au profit des familles à revenu faible et modeste. Nous pensons qu'il faudrait investir plus dans les prestations fiscales pour enfants, mais je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Ce n'est pas que ce soit une question négligeable, mais disons simplement que les prestations fiscales pour enfants sont probablement le bon moyen de permettre à des familles à revenu faible et modeste de bénéficier de mesures d'allégement fiscal.

Je crois que les statistiques que vous avez mentionnées au sujet de l'augmentation du nombre d'emplois et de la pauvreté vont dans le même sens que l'étude sur les revenus réalisée au Luxembourg, qui dénonce les faibles salaires. Ce n'est pas en octroyant des allégements fiscaux ou en réduisant les impôts qu'on réglera le problème des salaires de misère.

Mme Albina Guarnieri: Mais vous reconnaissez aussi qu'un enfant coûte cher à élever? Vous reconnaissez...

Mme Christa Freiler: Vous voulez dire à Toronto? C'est encore plus...

Mme Albina Guarnieri: N'importe où.

Mme Christa Freiler: Cela coûte encore plus cher à Toronto. De la naissance à l'âge de 18 ans, un enfant coûte 160 000 $ à élever. C'est énorme. Donc, même une prestation fiscale de 4 000 $ est encore loin du compte. Une prestation pour enfants de 4 000 $, c'est-à-dire ce que demandent beaucoup de personnes, ne couvre qu'une partie des coûts, car il est évident que les parents doivent aussi en assumer une partie. La prestation pour enfants représente la part de la société, pas la totalité.

Mme Albina Guarnieri: Madame Rothman, je vois que vous...

Mme Laurel Rothman: Je voudrais ajouter quelque chose à ces données sur l'emploi, comme c'est un point important, et nous ne saurons pas avant un certain temps comment cela affecte les gens à faible et à moyen revenu. J'ai d'ailleurs vu ces chiffres, et les répercussions sont difficiles à prévoir. Il y a une chose, par contre, qu'il ne faut pas oublier. En mai 1998—et ces données viennent d'une nouvelle étude de Statistique Canada sur les revenus du travail—38 p. 100 des mères seules au Canada gagnaient moins de 10 $ de l'heure, et la plupart d'elles n'ont pas accès à des services de garde d'enfants de bonne qualité ou à un logement abordable.

• 1215

Il est donc inexact de penser que les impôts sont la question la plus importante. Les contraintes du marché du travail sont certainement une question importante.

Mme Albina Guarnieri: Merci.

Monsieur le président, est-ce qu'il me reste assez de temps pour poser une question brève à M. Solcz?

Le président: Absolument.

Mme Albina Guarnieri: Il attend très patiemment. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de comparaître devant le comité aujourd'hui.

Le Congrès américain a publié une étude selon laquelle 90 millions de personnes qui participent à la force active américaine devront se recycler au cours des cinq à sept prochaines années. Bien sûr, nous reconnaissons tous qu'un trop grand nombre de travailleurs vivront une crise personnelle parce que leurs compétences sont désuètes ou parce qu'ils seront au chômage ou sous-employés, à long terme. Je me demande si vous êtes d'accord que la meilleure façon de préserver ou de protéger les revenus, c'est de mettre en place des programmes pour encourager et subventionner les initiatives de travailleurs qui veulent acquérir ou mettre à jour leurs compétences pendant qu'ils ont encore un emploi et un revenu. Est-ce une approche que le gouvernement devrait adopter? Devrions-nous songer à quelque chose du genre?

M. Michael Solcz: C'est une très bonne question. C'est quelque chose qui se fait beaucoup dans notre ville, avec Chrysler et General Motors qui sont situés tout près, etc. À l'heure actuelle, les programmes de recyclage sont nécessaires et sont offerts par les collègues communautaires. Le recyclage vise surtout les opérateurs d'équipement que nous, les fournisseurs, fabriquons; quand nous vendons de l'équipement, nous devons former un petit nombre de techniciens. Pour les besoins de la production, il faut des programmes permanents de formation et de recyclage. C'est là le rôle des collèges. Ils peuvent envoyer des gens dans les compagnies pour les aider.

Mais c'est loin d'être suffisant pour les métiers spécialisés, c'est-à-dire la formation de A à Z des outilleurs, des moulistes, etc. Nous fabriquons de l'équipement avec l'aide des outilleurs et des ingénieurs, et ensuite quelqu'un doit faire fonctionner et entretenir la machine. On commence par mettre des petites annonces. Devinez qui perd ces employés spécialisés? C'est l'industrie qui fabrique l'équipement. Jusqu'ici, nous avons perdu au moins une douzaine d'employés dans la région au profit des grosses entreprises qui utilisent cet équipement, mais nous devons continuer à en assurer la fabrication. Les commandes ne cessent pas d'arriver, et nous devons parfois en refuser. Les compagnies doivent ralentir la mise en oeuvre de leurs programmes parce que nous ne pouvons pas leur fournir l'équipement nécessaire. Ce ne sont pas les employés ordinaires qui peuvent faire ce travail. Comme j'ai déjà mentionné, il faut des compétences spécialisées.

Il faudrait mettre sur pied et lancer une stratégie au Canada pour remédier à cette situation. Cela se fait aux États-Unis et dans le reste du monde. Pourquoi ne pourrions-nous pas devenir les chefs de file dans ce domaine en élaborant une sorte d'approche stratégique pour enfin créer des programmes convenables de formation en apprentissage afin de promouvoir la croissance?

Comme on l'a déjà dit, la majorité des impôts perçus par le gouvernement proviennent des 19 p. 100 environ de la population qui gagnent plus de 50 000 $. Je peux vous dire que le salaire minimum d'un outilleur est sans doute de 50 000 $, et il peut atteindre 90 000 $ ou 100 000 $ par année.

Mme Albina Guarnieri: Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Guarnieri.

Monsieur McKay, vous aurez l'occasion de poser une question cet après-midi. Nous sommes un peu en retard.

Au nom du comité, je voudrais vous remercier sincèrement de vos exposés. Comme vous avez pu le constater, ils ont suscité beaucoup d'intérêt.

Si je peux vous laisser un message pour conclure, un message tout simple, c'est que nous allons faire tout en notre pouvoir pour que notre rapport soit le reflet des vraies priorités des Canadiens. Il faut souligner que vous avez tous ajouté de la valeur au débat qui va se poursuivre au cours des prochains mois, et je suis convaincu que vos opinions se retrouveront dans le rapport aussi. Merci beaucoup.

Je vais maintenant suspendre la séance. Nous reprendrons à 13 h 20.