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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mai 2000

• 0913

[Traduction]

Le président suppléant (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)): Mesdames et messieurs, j'aimerais ouvrir la 66e réunion du Comité permanent des finances. Notre sujet aujourd'hui est la nouvelle économie.

Je tiens à souhaiter la bienvenue aux personnes suivantes: d'Industrie Canada: Ross MacLeod, directeur, Intégration de la politique; Frank Lee, directeur associé par intérim, Analyse de l'innovation/APME; Jeanne Inch, directrice, Innovation du marché; Martin Green, directeur, Politique des cadres économiques et Peter Ferguson, gestionnaire, Coordination des politiques et de la recherche. Je tiens à remercier aussi, de Digital Harbour Management, M. Michael Mailman.

Nous allons commencer par Industrie Canada.

Vous disposez chacun de dix minutes environ pour présenter votre exposé.

À la suite d'Industrie Canada, nous entendrons M. Mailman.

Monsieur MacLeod, voulez-vous commencer? Merci.

M. Ross MacLeod (directeur, Intégration de la politique, ministère de l'Industrie): Je tiens d'abord à vous remercier de l'invitation qui m'est offerte de venir m'adresser au comité à propos de l'économie du savoir. C'est un domaine auquel je travaille depuis plusieurs années déjà, pour les recherches économiques de base aussi bien que pour la recherche de politiques raisonnées que le gouvernement devrait instaurer dans cette nouvelle économie.

• 0915

Permettez-moi d'abord de formuler quelques observations pour situer le contexte. Ensuite, je crois qu'il serait utile d'esquisser les conséquences de la nouvelle économie pour les orientations gouvernementales—sans prescrire d'orientation à proprement parler, car je ne suis qu'un simple fonctionnaire et que les discussions sur les orientations de l'État relèvent en fait de la prérogative ministérielle.

Pour parler en termes généraux, l'économie du savoir est une économie où la valeur et la production prennent effectivement appui sur le savoir qui réside dans l'esprit des gens—pour une grande part—et qui est mis à exécution pour l'élaboration de produits et de services vendus sur le marché. Cela est fondamentalement différent de ce que les gens appellent la «vieille économie», qui repose davantage sur la production de biens, sur la production d'objets matériels. Dans l'économie du savoir, le produit est souvent une idée que vient mettre en oeuvre concrètement quelque chose comme un logiciel; c'est une façon de procéder, une façon de créer quelque chose ou de réunir des segments englobant ou incarnant diverses connaissances afin d'en arriver à un produit final.

Cette économie du savoir comporte quelques pièces clé, dont vous avez sûrement entendu parler. L'une d'entre elles est la mondialisation. Nous évoluons maintenant sur un marché mondial, où les obstacles sont moindres et où les produits sont vendus et achetés partout. Les travailleurs du savoir se retrouvent dans pratiquement tous les secteurs de l'économie. Ils sont partout, même dans ce que les gens appellent la vieille économie—et c'est un point sur lequel je vais revenir un peu plus tard: qu'est-ce que la nouvelle économie et qu'est-ce que la vieille économie, car il y a à ce sujet un brin de confusion.

Le troisième point que je souhaite faire valoir, c'est que l'autoroute de l'information est vraiment en train de transformer les entreprises et les marchés. C'est une façon nouvelle de procéder—une façon qui s'insinue dans tous les recoins de l'économie.

Le quatrième point que je souhaite expliquer, c'est que le niveau de vie est en fait fonction de la productivité. En dernière analyse, si vous étudiez ce qui permet aux gens d'avoir un bon niveau de vie, de bons emplois, de bons salaires, vous constatez que c'est vraiment la productivité—ce que chaque personne produit au sein de l'économie.

Enfin, je dirais que l'innovation est le principal facteur de croissance dans la nouvelle économie. J'aborderai les conséquences de cet état de fait. Le texte du discours du Trône renfermait quelques observations intéressantes sur le sujet, et j'en toucherai un mot.

Premièrement, à propos du thème de l'innovation, disons que, dans cette nouvelle économie, l'avantage appartient vraiment aux pays innovateurs qui fabriquent des produits nouveaux, qui prennent une idée, la développent et l'amènent pour ainsi dire au marché.

Les revenus élevés iront aux pays dont la productivité est élevée. La productivité tient à de nombreux facteurs, dont l'innovation, mais elle dépend aussi de la présence de personnes de grand calibre et de l'existence d'une économie qui s'adapte dans les domaines nouveaux, qui renonce aux plus vieux et qui peut compter à long terme sur un apport solide et ininterrompu de capital nouveau.

Les économies du savoir appelées à connaître du succès sont celles qui investissent massivement dans les compétences. Dans une économie fondée sur les idées, l'être humain représente en vérité la ressource capitale. Si vous étudiez les obstacles au succès économique, vous constatez que l'un des pires obstacles qui soient tient d'abord aux gens qui n'ont pas les connaissances nécessaires pour prospérer dans cette économie. S'il y a un élément qui restreint la croissance dans cette économie nouvelle, je crois que c'est probablement là le plus important: si les gens ne sont pas munis de ce qu'il faut pour y prendre leur place, ils seront moins en mesure de bénéficier des emplois rémunérateurs—et, de même, l'endroit où il vivent ne profitera pas des avantages que procure une forte croissance.

C'est une économie qui est toujours à l'affût de débouchés nouveaux. De nos jours, on dit que la vitesse compte. Si vous n'êtes pas là et si vous n'êtes pas toujours à la recherche d'une occasion nouvelle, d'un nouveau marché, d'une nouvelle façon de procéder, vous ne serez pas aussi concurrentiels que d'autres gens ou les autres pays qui, eux, sont en train de le faire.

Notre analyse nous amène à conclure que le Canada est très bien placé pour prospérer dans cette nouvelle économie. Il y aura des variations d'une région à l'autre, compte tenu des forces de chacune en ce qui concerne le savoir, l'esprit d'innovation, la capacité de base et ainsi de suite. C'est un phénomène qui tend à se manifester dans les zones urbaines, quoique pas de façon exclusive. L'économie du savoir ne se déploiera pas de la même façon tout à fait dans toutes les régions du pays, mais dans l'ensemble, nous serons très bien placés. Je crois qu'il existe des occasions à saisir dans toutes les régions et dans tous les secteurs. Le hic, c'est de repérer les occasions en question et de miser sur les attributs locaux pour les exploiter sur le marché.

Les tendances en question ont certainement, sur les orientations de l'État, une incidence qui prend la forme d'une contrainte à certains égards. Si nous envisageons le contexte mondial, par exemple, nous remarquons que la concurrence est partout. Le Canada vend ses produits partout dans le monde et les pays du monde entier vendent leurs produits au Canada. Bien sûr, nous entretenons des rapports importants avec les États-Unis, mais de plus en plus, la nouvelle économie du savoir permet d'élaborer des produits à des endroits où cela ne se serait pas fait de tradition, produits qui peuvent être transmis ailleurs par voie électronique, sinon assemblés ailleurs ou vendus ailleurs.

• 0920

Outre les possibilités énormes que cela recèle, il faut remarquer qu'il existe un certain nombre de contraintes pour les orientations de l'État, qui sont formulées dans le cadre d'accords commerciaux. Sous le régime d'accords comme le GATT, l'ALENA et ainsi de suite, nous devons nous acquitter de nombreuses obligations. Ce sont celles-ci qui, en fait, viennent encadrer l'action gouvernementale dans la nouvelle économie.

Nous devons rajuster nos politiques pour tirer profit des occasions nouvelles. Les occasions nouvelles se manifestent et s'évanouissent rapidement. Si l'entreprise ne parvient pas à s'adapter rapidement et à saisir l'occasion qui se présente sur le marché, le coup est manqué, et l'occasion est perdue. L'entreprise doit alors se mettre à l'affût d'une nouvelle occasion.

Pour revenir à la question des ressources humaines, ce sont les gens qui représentent le véritable avantage comparatif dans cette économie. Ils doivent être prêts à évoluer sur le marché. Ils doivent être capables d'y survivre et d'employer les outils de la nouvelle économie, et ils doivent être capables de changer leur façon de procéder, car l'économie nouvelle évolue très rapidement. Les compétences sont appelées à évoluer au fil du temps. On peut imaginer qu'au cours d'une vie professionnelle, les compétences que doit posséder la personne sont appelées à changer, pour qu'elle puisse tirer parti des occasions qui se présentent.

Enfin, je crois que nous devons reconnaître le rôle de l'autoroute de l'information dans pratiquement toutes les formes d'activités économiques. Elle est partout. Elle est un instrument pour les entreprises de tous genres et elle rapproche l'entreprise du consommateur, par la voie du commerce électronique, par exemple. Mais elle rapproche aussi les entreprises et modifie la façon dont elles interagissent,—sur le marché des biens intermédiaires, par exemple, pour la commande des stocks, pour la gestion de l'approvisionnement et ainsi de suite.

Cela change notre façon de procéder au sein des entreprises et, à mon avis, au sein des administrations publiques, quoiqu'il nous faudra comprendre comment cela fonctionne réellement pour tirer parti des occasions nouvelles qui se présentent. Nous ne comprenons pas encore à fond l'autoroute de l'information, qui évolue d'ailleurs à mesure que nous avançons, mais il est très important d'en apprendre sur elle et sur la façon dont elle fonctionne.

J'aimerais aussi vous toucher un mot de la productivité. En dernière analyse, dans cette nouvelle économie—et, jusqu'à un certain point, dans la vieille—, les revenus, les salaires et les possibilités d'emploi des gens dépendront de leur productivité. Ce n'est pas la première fois que vous entendez cela de la part de représentants d'Industrie Canada, mais c'est tout de même un défi économique important pour le Canada, comme pour l'ensemble des pays: trouver des façons d'élever nos niveaux de productivité pour nous assurer que nous touchons les revenus élevés auxquels nous nous sommes habitués et que, à mon avis, nous méritons. Mais les rigueurs du marché sont ce qu'elles sont, et si nous ne nous appliquons pas à élever encore et toujours notre niveau de productivité, nous ne pouvons nous attendre à voir s'accroître nos revenus.

Enfin, pour ce qui touche la distinction entre l'économie nouvelle et les anciennes économies, disons qu'il est dans l'air du temps de parler de la nouvelle économie, souvent caractérisée comme étant fortement tributaire de la technologie de pointe, du savoir spécialisé et ainsi de suite, puis de faire la comparaison avec la vieille économie. C'est une dichotomie qui repose sur une conception erronée, selon moi. C'est que la nouvelle économie est partout présente, en fait. Même dans les secteurs que nous associons à la vieille économie, les techniques nouvelles sont constamment appliquées, les travailleurs du savoir s'affairent, l'autoroute de l'information est utilisée, et le marché est mondial. La distinction a donc quelque chose de faux dans les faits. Il importe de se rappeler que les occasions que procure cette nouvelle économie peuvent être saisies partout au pays, mais aussi dans la plupart des industries—il existe même des occasions dans les industries que nous qualifions de traditionnelles.

Je terminerai là-dessus.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur MacLeod.

Monsieur Lee.

M. Frank C. Lee (directeur associé par intérim, Analyse de l'innovation, Analyse de la politique microéconomique, ministère de l'Industrie): Je tiens aussi à vous remercier de l'invitation qui m'a été faite.

Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de ce qui, à mon avis, constitue une nouvelle économie. Je vais diviser mes remarques en trois volets. D'abord, je vais définir ce qu'on entend par nouvelle économie. Ensuite, je brosserai un portrait historique de la question et, enfin, j'en aborderai les conséquences.

Vous avez devant les yeux un dossier intitulé «Are ICTs a Fad or are they General Purpose Technologies?», ou «Les nouvelles TIC: une mode ou des techniques universelles?» Aujourd'hui, je baserai mon discours sur le dossier en question, sans nécessairement suivre l'ordre des éléments qui y sont présentés.

Premièrement, le terme «nouvelle économie» peut avoir une signification différente d'une personne à l'autre. En termes généraux, disons qu'il existe au moins trois visions de l'économie nouvelle, bien qu'elles soient reliées entre elles.

Premièrement, la vision d'une croissance à long terme évoque une croissance soutenue de l'économie en l'absence de pressions inflationnistes. La croissance soutenue provient d'une croissance de la productivité résultant d'un recours plus grand à la TIC, la technologie de l'information et de la communication.

La deuxième vision ne voit pas de compromis entre l'inflation et le chômage, c'est-à-dire que la nouvelle économie permet la coexistence d'un taux de chômage et d'un taux d'inflation peu élevés. Cela suppose une expansion possible de l'économie en l'absence de pressions inflationnistes, grâce aux TIC et à la mondialisation.

• 0925

La dernière vision fait de la technologie de l'information le nouveau facteur déterminant de la croissance économique qui module notre façon de faire les choses. Les TIC sont à l'origine de retombées qui ont pour effet d'améliorer la productivité.

Les trois points de vue dont il est question ici ont en commun un élément qui les situe dans le cadre de la nouvelle économie. Les traits caractéristiques de la nouvelle économie sont les suivants: la croissance de la mondialisation et l'expansion des technologies de l'information en tant que facteurs d'évolution économique. Selon les trois versions, la mondialisation et l'informatisation sont considérées non pas comme des symptômes pour ainsi dire, mais plutôt comme l'élément moteur d'un mouvement qui transforme fondamentalement l'économie. Ce qu'il faut vraiment se demander, par contre, c'est si les changements en question sont d'une nouveauté vraiment significative et s'ils sont assez puissants pour vraiment modifier la façon dont fonctionne l'économie.

Il semble que ce ne soit pas la première fois que nous assistions à une transformation fondamentale de l'économie. Nous avons vécu la première révolution industrielle, puis la deuxième révolution industrielle, qui ont fondamentalement transformé notre économie. Chacun de ces changements de paradigme a donné lieu à ce que nous appelons une technologie universelle, par exemple la machine à vapeur et l'électricité. Ces technologies d'usage général comportent plusieurs attributs. D'abord, elles donnent beaucoup de place à l'amélioration au départ. Ensuite, elles peuvent s'appliquer à de grands pans de l'économie. Enfin, elles permettent à d'autres technologies de mieux fonctionner.

Autre trait caractéristique: il s'écoule un certain temps avant que l'introduction de techniques universelles puisse produire des bienfaits. Par exemple, au milieu des États-Unis du XIXe siècle, il a fallu attendre 40 ans avant que les centrales électriques ne débouchent sur des améliorations de la productivité. C'est que le fait d'apprendre une technique nouvelle et d'y trouver une application utile peut prendre du temps.

La technologie de l'information et des communication ne fait pas exception à la règle. Si nous l'examinons rigoureusement, nous constatons qu'elle répond à tous les éléments de la définition d'un procédé universel. Elle transforme la conception des produits, la production, le marketing, les finances et l'organisation des entreprises. Elle est à l'origine d'une panoplie de produits nouveaux. Elle provoque une réorganisation majeure de la direction des entreprises. La productivité du travail connaît une hausse rapide dans un grand nombre des industries touchées.

Nous commençons enfin à voir, du moins dans le cas de l'économie américaine, les bienfaits des TIC pour la productivité à l'échelle plus globale, Intel ayant commercialisé le microprocesseur en 1971. Selon une étude récente réalisée par deux économistes de la Federal Reserve, les deux tiers environ de la flambée récente de la productivité aux États-Unis peuvent être attribués aux TIC. Depuis 1995, les États-Unis affichent une croissance de la productivité du travail de l'ordre de 2,4 p. 100 par année, alors que le Canada connaît une croissance d'environ 1,2 p. 100 par année à ce chapitre—cela comporte des conséquences énormes pour notre niveau de vie, par comparaison à celui des Américains.

Mais ce ne sont pas là les seuls éléments de preuve. Une autre étude, celle de l'économiste de renom Dale Jorgenson, de Harvard, et de l'économiste Kevin Stiroh, de la Federal Reserve, a aussi déterminé que l'accélération de la croissance de la productivité aux États-Unis a pour élément moteur la technologie de l'information. De fait, avant cette étude, les chercheurs en question croyaient que les TIC n'ouvrent pas la voie à une croissance plus rapide de la production et de la productivité globale des facteurs. Ayant réalisé cette nouvelle étude, ils prétendent maintenant que «les statistiques relatives à la productivité, à compter de 1995, commencent à révéler un impact net de la technologie de l'information».

Tout de même, à l'échelle de l'économie, l'impact semble nettement moindre au Canada. Plusieurs raisons expliquent cela. Premièrement, la proportion du PIB que nous consacrons aux TIC est moindre qu'aux États-Unis. La proportion du PIB réel que nous consacrons aux TIC est également moindre. La part du secteur des TIC est nettement plus grande aux États-Unis. En même temps, la productivité du travail dans le secteur des TIC a connu une montée beaucoup plus rapide aux États-Unis.

Il ne faut pas en conclure pour autant que les TIC n'ont pas d'effet au Canada. Notre analyse systématique de la question démontre que les investissements faits dans les TIC sont à l'origine d'une part importante de la croissance de la productivité dans l'ensemble des industries canadiennes aussi.

• 0930

En guise de conclusion, je peux affirmer qu'il existe effectivement une nouvelle économie, qui a pour éléments moteurs la technologie de l'information et la mondialisation, phénomènes qui ont une incidence positive sur la productivité et sur le niveau de vie dans son ensemble.

Merci.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur Lee.

Nous passerons maintenant à Jeanne Inch.

Mme Jeanne E. Inch (directrice, Innovation du marché, ministère de l'Industrie): Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'être ici ce matin.

Je vais aborder l'innovation et l'économie du savoir dans une optique un peu différente. Je vais parler surtout du point de vue de l'entreprise et de l'innovation au sein de l'entreprise.

Innovation est un bien grand mot, et ce que j'aimerais faire, c'est de le définir avec précision pour que les gens comprennent bien ce que j'entends par là. C'est un processus où le développement de connaissances, d'idées nouvelles et de technologies nouvelles aboutit à l'amélioration ou à la création de produits, de procédés ou de services, puis à la commercialisation sur le marché. En termes simples, ce sont les connaissances mises en application.

L'innovation peut prendre la forme d'une percée dans le domaine scientifique, par exemple l'invention de l'ordinateur, ou encore d'une modification ponctuelle, par exemple la création du processeur Pentium. Elle peut se borner à un secteur industriel et avoir un effet limité sur la croissance économique, ou encore se révéler être une technologie habilitante—par exemple les technologies de l'information et des communications, la biotechnologie et les matériaux de pointe—qui produit un impact et s'applique dans tous les secteurs industriels, ce qui est à l'origine d'avantages énormes pour l'économie dans son ensemble.

Nous parlons des quatre éléments de l'innovation, qui sont liés entre eux. Ross en a fait mention au début de son exposé.

Le premier élément est l'infrastructure du savoir. C'est le canal d'idées, de recherches et de connaissances scientifiques nées du travail fait dans les universités, dans les centres de recherche fédéraux et dans le secteur privé.

Le deuxième est la commercialisation des connaissances en question, la transformation des recherches faites en produits, procédés et services nouveaux sur le marché. Nombre d'entreprises canadiennes commercialisent le fruit des recherches effectuées dans les universités aussi bien que les centres de recherche et laboratoires fédéraux. Et nombre de petites entreprises travaillent de concert avec les organisations et institutions en question, sans oublier que les grandes sociétés sont parties, elles aussi, aux partenariats du genre.

Selon les statistiques récentes de l'OCDE, le capital-risque disponible au Canada se compare avantageusement à celui dont on dispose aux États-Unis. Il faut donc conclure qu'il y a là, du point de vue financier, l'infrastructure nécessaire à la commercialisation des recherches.

Nous devons également nous assurer qu'il y a au Canada la capacité requise pour absorber les recherches en question. La création annuelle d'entreprises dérivées du travail universitaire connaît une croissance rapide depuis 20 ans, ayant passé de 5 durant les années 70 à 20-30 au cours des années 80, puis à 60-70 vers la fin des années 90. Il existe maintenant plus de 700 entreprises du genre au Canada; en 1997, des ventes de plus de 1,4 milliards de dollars et 11 000 emplois pouvaient leur être imputées.

Le troisième élément est une main-d'oeuvre fortement spécialisée. Dans l'économie du savoir dont il est question ici, comme vous avez pu l'entendre, les points forts du Canada résident non plus dans l'abondance des richesses naturelles qui s'y trouvent, dans les produits, mais plutôt dans le savoir de nos travailleurs—dans notre capital humain, dans la matière grise.

Il est beaucoup question, comme vous le savez sans doute, de l'exode des cerveaux et de sa contrepartie, l'importation de travailleurs intellectuels. Certes, il existe certaines entreprises dans des secteurs clé, notamment dans des entreprises de TIC qui éprouvent de la difficulté à recruter et à garder chez elles les techniciens dans des domaines clé. Nombre d'entreprises dans ce secteur nous parlent de la lutte impitoyable que leur font les sociétés américaines pour recruter les talents intéressants.

Certes, durant les dix prochaines années, nous allons faire face à certains défis. Si les occasions font défaut, des travailleurs spécialisés pourraient aller chercher du travail ailleurs. Essentiellement, nous remarquons que les compétences nécessaires pour fonctionner efficacement dans le contexte commercial extrêmement compétitif de l'économie du savoir nous font défaut—par exemple pour ce qui touche les communications, l'aptitude à résoudre des problèmes, le travail d'équipe et la gestion.

Le quatrième élément est l'environnement où évoluent les entreprises—il doit être favorable à des marché ouverts et compétitifs—les normes, la réglementation, les règles du marché qui permettent aux entreprises de concurrencer.

Les nouveautés techniques ne tardent pas à faire naître des défis nouveaux, par exemple la protection des formes de vie supérieures, la sécurité et la protection des renseignements personnels dans le cas du commerce électronique et la réglementation de la biotechnologie. Les défis en question ont une incidence sur l'infrastructure et peuvent ralentir une économie qui roule bien. La législation sur la propriété intellectuelle, par exemple, doit garantir que l'innovateur a droit à un rendement adéquat sur son investissement tout en encourageant la diffusion rapide des innovations.

• 0935

Du point de vue de l'innovation, la nouvelle économie se caractérise par une évolution rapide. Il est reconnu que l'innovation ne se limite pas à la technologie ainsi qu'à la R-D. L'innovation non technique est considérée comme indispensable à la commercialisation du savoir.

Dans le champ d'action de l'entreprise, l'innovation organisationnelle est un élément clé pour stimuler l'imagination créatrice et faciliter le développement des nouvelles idées, encourager la prise de risques et favoriser l'esprit d'entreprise. Les innovations touchant l'usage d'Internet pour les opérations du commerce électronique, par exemple l'installation de centres d'appel fonctionnant 24 heures sur 24, sont en train de transformer rapidement la vente, le marketing et le service à la clientèle.

Pour la petite entreprise, les progrès d'Internet et du commerce électronique représentent des occasions nouvelles de combiner ses points forts, c'est-à-dire la souplesse requise pour tirer parti des occasions nouvelles, aux économies d'échelle, déficience classique chez elle. Certes, la nécessité de disposer d'une expertise approfondie et d'avoir accès aux technologies dernier cri explique la tendance à la création d'alliances stratégiques, de coentreprises et d'autres formes de collaboration entre petites entreprises, mais aussi entre petites entreprises, fournisseurs et fabricants dans les grandes sociétés. De plus en plus, il est admis qu'une entreprise ne saurait faire cavalier seul, surtout dans une économie mondiale où la vitesse de mise en marché des produits nouveaux et améliorés est un élément critique du succès.

Voilà un peu le contexte où se situent nos travaux sur l'innovation «selon la perspective de l'entreprise». J'aimerais aborder maintenant certains des travaux que nous effectuons pour approfondir la situation et concevoir pour l'entreprise des réponses et des solutions.

La Direction générale de la politique d'innovation d'Industrie Canada, de concert avec Statistique Canada, a entrepris l'automne dernier de sonder 6 000 entreprises manufacturières et 800 entreprises du domaine des ressources naturelles. L'exercice visait à réunir des données sur l'activité innovatrice au Canada. Ce sont les directeurs généraux des entreprises, dans une proportion de 90 p. 100, qui ont répondu à l'appel. Nous disposons désormais d'une énorme banque d'information à partir de laquelle travailler.

Les indications préliminaires portent à croire à l'existence d'un taux très élevé d'innovations—des produits ou des procédés nouveaux ou sensiblement améliorés—81 p. 100 des entreprises manufacturières ayant adopté des éléments novateurs durant la période couverte par l'enquête, soit de 1997 à 1999. Les industries manufacturières semblent présenter un taux d'innovation plus élevé que les entreprises du domaine des ressources naturelles, dont le taux en question, selon les déclarations faites, se situe à 40 p. 100. Il n'est pas étonnant de constater que les innovations semblent être concentrées dans les industries de la technologie de l'information et des communications.

Les entreprises déclarent que l'innovation, pour elles, vise d'abord et avant tout à améliorer la qualité des produits. Les deux objectifs suivants consistent à accroître la capacité de production et à étendre la gamme de produits. Les entreprises s'adonnent à diverses activités liées à l'innovation. Au premier chef, il y a l'acquisition de machines et d'équipements, suivie de la formation et des activités de R-D—il s'agit ici non seulement de recherches internes, mais aussi de l'impartition et des partenariats conclus avec les universités et les instituts de recherche gouvernementaux.

Parmi les entreprises qui ont adopté des éléments innovateurs, 34 p. 100 faisaient partie d'une entente de coopération avec une autre entreprise pour l'élaboration des innovations. Les principales raisons citées pour justifier la collaboration sont l'accès à une expertise critique, l'accès à la R-D, et l'élaboration de prototypes.

Plus de 85 p. 100 des entreprises ont dû affronter des problèmes et des obstacles en ce qui concerne les innovations. Le principal obstacle est l'incapacité pour les entreprises d'affecter du personnel en permanence aux projets de création ou d'amélioration des produits et des procédés. Bon, il nous faudrait certainement analyser cela en profondeur, mais j'ai l'impression que la situation tient au fait que les entreprises ont besoin de mettre leurs produits en marché rapidement pour que cela rapporte rapidement, si bien qu'il y a une tendance à travailler du côté production, plutôt qu'à se consacrer à des travaux à long terme de R-D susceptibles d'aboutir à des produits et à des procédés nouveaux.

Parmi les autres obstacles à ce sujet, citons les coûts élevés, la pénurie de personnel spécialisé et le manque de financement. Tout de même, les entreprises ne considéraient pas le fait de ne pas être admissibles à l'aide de l'État ou de ne pouvoir accéder à l'expertise des universités et des laboratoires gouvernementaux comme étant des obstacles à l'innovation.

Nous avons les données et nous avons un plan d'analyse. Une des tâches les plus importantes que nous allons effectuer est de faire le lien entre les résultats d'enquête dont je vous ai parlé, l'enquête sur l'innovation et l'enquête annuelle sur le travail du secteur manufacturier. Nous pourrons ainsi faire le lien entre, d'une part, les entreprises qui déclarent adopter des éléments innovateurs et, d'autre part, la production, le rendement financier et la situation d'emploi en ce qui les concerne.

• 0940

Nous allons pouvoir comparer les activités innovatrices des entreprises canadiennes à celles des entreprises de l'Union européenne, où les enquêtes réalisées sont comparables. Malheureusement, nous ne pouvons procéder à une comparaison avec les États-Unis, car ils n'ont pas encore effectué d'enquête sur l'innovation, mais Statistique Canada et Industrie Canada entendent rencontrer les représentants américains cet automne pour discuter de la possibilité de mettre en commun les données des deux pays et de procéder à certaines comparaisons.

Nous avons confié au Conference Board du Canada la tâche d'examiner le contexte où s'inscrivent la collaboration et la coopération en ce qui concerne l'innovation. L'étude dont l'organisme est chargé permettra d'établir un profil de la coopération industrielle entre les diverses entreprises, entre les entreprises et les universités, ainsi qu'entre les entreprises et les centres de recherche gouvernementaux. Les exemples de collaboration seront examinés à l'échelle régionale, c'est-à-dire dans un rayon de 100 km, et à l'intérieur d'un territoire provincial, puis à l'échelle mondiale—les États-Unis, l'Europe et l'Asie. Une fois que nous aurons obtenu des réponses à nos questions, nous serons heureux de revenir vous révéler les résultats de notre enquête.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, madame Inch.

Nous allons maintenant entendre Martin Green.

M. Martin Green (directeur, Politiques des cadres économiques, ministère de l'Industrie): Merci.

Je tiens, mois aussi, à remercier le comité de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui.

Dans le débat sur la mondialisation et sur la nouvelle économie, il y a une question accessoire importante: les pressions incroyables que nous exerçons sur l'environnement et sur nos écosystèmes. Dans le contexte, j'aimerais vous parler aujourd'hui de l'écoefficacité et du lien qu'elle entretient avec la productivité et l'innovation.

L'écoefficacité est une pratique commerciale et un outil de gestion importants qui procure aux entreprises les moyens nécessaires d'accroître leur productivité et leur compétitivité, tout en faisant des progrès mesurables vers la réalisation d'un bilan environnemental meilleur.

Permettez-moi de parler d'abord de la question de la productivité.

La productivité est le plus important déterminant de notre niveau de vie. Seul un accroissement de la productivité peut assurer une croissance soutenue à long terme. Toutefois, depuis 20 ans, le Canada n'a pas crû au même rythme que la plupart de ses principaux concurrents pour ce qui touche la croissance de la productivité. Notre taux de croissance à cet égard est le plus faible parmi le groupe des pays du G-7.

L'innovation est un élément particulièrement important de l'amélioration de notre bilan de productivité. Or, les études de l'OCDE confirment que l'innovation et la productivité vont de pair. Nous croyons qu'il existe des liens importants entre l'écoefficacité et l'accroissement de l'innovation et de la productivité. En termes simples, l'écoefficacité revient à trouver des moyens novateurs d'utiliser plus efficacement des ressources—réduire le matériel requis, l'intensité énergétique, la dispersion de produits toxiques et ainsi de suite. C'est un baume pour la compétitivité aussi bien que pour l'environnement.

Les multinationales et autres chefs de file du milieu des affaires reconnaissent désormais que l'écoefficacité représente un élément clé pour qui souhaite se donner un avantage concurrentiel. Les stratégies d'écoefficacité qu'elles emploient supposent le plus souvent des innovations touchant la technologie, les procédés de production, la conception des procédés de fabrication, l'organisation de l'entreprise et les pratiques commerciales—ce qui peut susciter une meilleure productivité, réduire les coûts et réduire l'obligation de réparations en cas d'infraction à l'environnement. De fait, l'écoefficacité est désormais liée au bilan de nombre d'entreprises.

Prenons l'exemple de Millar Western, un grande société canadienne productrice de produits forestiers qui applique l'écoefficacité à l'étape la plus fondamentale qui soit: la conception de l'usine. Grâce à une conception améliorée, son usine à pâte de papier en Saskatchewan permet de fabriquer un produit de qualité sans utiliser de chlore ni rejeter quelque effluent que ce soit dans les cours d'eau. En outre, en trouvant un usage nouveau aux produits accessoires du procédé de production, l'entreprise est parvenue à mettre sur le marché le produit le moins cher qui soit.

De même, les établissements financiers semblent être de plus en plus convaincus que les entreprises dotées de solides outils de gestion de l'écoefficacité tendent à être mieux dirigées. Désormais, il arrive que les investisseurs et les conseillers financiers considèrent le bilan environnemental pour jauger les possibilités d'investissements.

Selon un article récent de Stephen Peck et Robert Gibson, intitulé Pushing the Revolution et figurant dans la revue Alternatives Journal,

    ... tout cadre digne de ce nom peut reconnaître des règles essentielles, mais simples qui permettent d'améliorer les gains économiques en améliorant le bilan environnemental: si, pour fabriquer le produit, vous utilisez moins de matériel et d'énergie, et que vous réduisez le gaspillage, vous réduisez les coûts; si dans l'éventualité d'une hausse des coûts liée à l'énergie, au matériel ou à la pollution, vous améliorez l'efficience des procédés pour compenser, vous vous donnez un avantage concurrentiel sur les concurrents moins novateurs qui ne font que réagir une fois la crise arrivée; si vous réduisez les risques pour l'environnement et les actions en justice éventuelles en cas d'infraction, vous réduisez le coût de vos emprunts et de vos assurances;

et, enfin,

    si vous démontrez que votre bilan environnemental s'améliore en réaction aux préoccupations écologiques de vos clients, vous pouvez obtenir une plus grande part du marché.

Pour parler de la progression des choses, nous croyons qu'il existe au Canada des occasions de progresser sur plusieurs fronts en ce qui concerne l'écoefficacité. Je décrirai quelques propositions et, bien sûr, je serai prêt à répondre à vos questions, observations et suggestions durant la discussion.

Les entreprises canadiennes sont les chefs de file du domaine des pratiques écologiques et de la gestion environnementale, mais nous continuons à faire face à de nombreux défis. Selon une étude récente entreprise par Industrie Canada sur la situation de l'industrie canadienne de l'écoefficacité, les grandes sociétés sont nombreuses à avoir adopté un certain nombre de pratiques écoefficaces, mais peu d'entreprises canadiennes sont à l'avant-plan de l'innovation dans le domaine. En particulier, l'idée de l'écoefficacité en tant qu'outil de gestion et les avantages qu'elle comporte sont méconnus, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises.

• 0945

Pour progresser dans l'utilisation des pratiques écoefficaces, il faudra démontrer à l'industrie et aux établissements les bienfaits mesurables de l'écoefficacité sur le plan économique et environnemental. Il faut les renseigner sur les cas fructueux vécus dans leur secteur ou ailleurs, et fournir les techniques nécessaires pour repérer les occasions qui se présentent pour que l'industrie s'engage davantage. Les entreprises de plusieurs secteurs différents qui ont participé à un atelier de consultation sur l'écoefficacité en janvier l'ont d'ailleurs confirmé. Depuis, nous avons commencé à mettre sur pied un site Web sur l'écoefficacité afin de faire connaître les pratiques exemplaires, de diffuser des études de cas et de décrire les outils propres au domaine.

Des mesures complémentaires de conscientisation—projets de démonstration avec instruments et produits d'information à l'appui—pourraient également être entreprises dans les secteurs industriels clé. Cela pourrait prendre la forme d'un partenariat réunissant les meilleurs praticiens de l'écoefficacité dans le domaine des affaires, les associations industrielles et le gouvernement fédéral.

Nous explorons actuellement la question au moyen d'un projet pilote réalisé dans le secteur de la fabrication des pièces automobiles avec le concours de Ressources naturelles Canada et d'autres ministères. Autre exemple: le projet pilote conjoint de programmes de vérification de l'écoefficacité du Conseil national de recherches du Canada et du Centre ontarien de l'avancement des techniques écologiques. Le but du projet consiste à aider les petites et moyennes entreprises à utiliser plus efficacement l'énergie et les matériaux, et à les rendre plus compétitives. L'essai se déroule actuellement dans un petit groupe d'entreprises. S'il se révèle fructueux, il pourrait être appliqué à un plus grand nombre.

Il est permis de croire aussi que les universités canadiennes pourraient jouer un rôle plus grand pour ce qui touche la recherche et l'enseignement dans le domaine de l'innovation. Par exemple, le système d'innovation du Canada souffre d'une pénurie d'ingénieurs d'études, particulièrement ceux qui connaissent bien l'aménagement dans un contexte environnemental.

Pour aborder la question, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie a financé récemment l'établissement de deux chaires en ingénierie d'études environnementales—une à l'Université de Calgary, en génie du cycle de vie des produits, et une autre à l'École polytechnique, en intégration des procédés papetiers. Mais il nous faut établir d'autres chaires concernant les pratiques écoefficaces et l'ingénierie d'études environnementales dans d'autres établissements d'enseignement.

L'industrie a un rôle important à jouer lorsque vient le temps de cerner les possibilités de recherche et, de concert avec le gouvernement, de financer les travaux. Il est également essentiel d'encourager l'élaboration et la diffusion des produits et techniques écoefficaces pour que le Canada réussisse la transition vers une économie qui serait plus viable à long terme. Le renforcement des réseaux de recherche et des liens entre les établissements d'enseignement, les organismes fédéraux et provinciaux et le secteur privé est un élément nécessaire du processus. D'autres possibilités se présentent dans le cas des mesures volontaires comme le renouvellement du programme accéléré de réduction ou d'élimination des substances toxiques et de nouveaux protocoles d'entente, donc aussi bien sûr conclus avec les principaux secteurs industriels.

Ce ne sont là que quelques exemples des choses qui se font ou qui pourraient se faire.

Je crois qu'il faut, principalement, faire passer deux messages au sujet de l'écoefficacité. Le premier: c'est que nous accusons bel et bien un retard de productivité au Canada, et le deuxième, c'est que l'écoefficacité nous paraît être un moyen à prendre pour rattraper le retard et améliorer notre bilan environnemental. Si l'industrie canadienne adopte une approche systématique d'adoption des pratiques et technologies écoefficaces, les avantages au chapitre de la compétitivité et des risques pour l'environnement seraient importants. Nous croyons que les pratiques écoefficaces s'inscrivent naturellement dans notre politique de productivité. De même, elles pourraient constituer un élément clé de la politique de développement durable du gouvernement fédéral.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur Green.

Peter Ferguson.

M. Peter Ferguson (gestionnaire, Coordination des politiques et de la recherche, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur le président, de l'occasion qui m'est offerte de me trouver parmi vous aujourd'hui.

J'aimerais parler du commerce électronique et d'Internet, ainsi que de la croissance future au Canada.

Internet et le commerce électronique obtiennent une attention incroyable de la part des médias de nos jours. Si je remonte cinq ans dans le temps, à l'époque du premier rapport du Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, en 1995, je constate que le rapport est né avant que n'apparaissent les premières indications selon lesquelles Internet était appelé à devenir une sorte de plaque tournante de l'économie mondiale. C'est à ce moment-là que M. Manley a convoqué le comité à nouveau.

Dans le deuxième rapport, produit deux ans plus tard, soit en septembre 1997, plus de la moitié des recommandations du comité consultatif traitent de l'importance d'Internet et du commerce électronique comme sources de croissance et de développement. Le phénomène a le potentiel de tout transformer: le monde des affaires, le milieu de l'enseignement, l'administration gouvernementale, la Santé et le monde du spectacle. Ce n'est pas un phénomène qui se cantonne au secteur des technologies de pointe. C'est un phénomène qui touche tous les secteurs de l'économie, y compris les services gouvernementaux et l'accès du citoyen à l'information, aux produits et aux services.

• 0950

Il est intéressant de savoir qu'en cinq années à peine Internet a atteint une masse critique pour ce qui est de la pénétration des économies des pays développés. Je crois que cela vaut la peine de noter ce qui s'est passé sur cinq ans, tout comme ce qui s'annonce dans les années à venir. Alan Greenspan et Lou Gerstner, qui est à la tête d'IBM, ont indiqué tous deux que nous n'en sommes vraiment qu'à la cinquième année de ce qui représente probablement une période importante de transformations technologiques et économiques qui s'échelonnera sur trente ans. Nous en sommes donc au début.

La croissance énorme prévue pour le commerce électronique est bien signalée par les médias, par la presse d'affaires et par les penseurs du domaine—nous avons tendance à nous fier aux pronostics d'IDC et de Forrester Research. Selon les prévisions les plus prudentes, d'ici l'an 2003, l'activité entourant Internet et le commerce électronique représentera quelque 1,8 trillion de dollars à l'échelle mondiale. Pour les optimistes des deux sociétés de recherche, cela pourrait s'élever à presque 4 trillions de dollars durant la même période.

Soit dit en passant, il est intéressant de savoir que, dans le contexte canadien, Noël 2003 tend à être considéré comme la date critique à partir de laquelle les Canadiens sont censés adopter avec enthousiasme l'usage d'Internet et l'achat au détail par la voie du commerce électronique—le point auquel la masse critique sera atteinte.

Les opérations inter-entreprises dominent le commerce électronique, dont elles représentent de 80 p. 100 à 90 p. 100 de l'ensemble. Le commerce électronique s'adressant directement au consommateur est visiblement important lui aussi, et il produit des effets importants sur les canaux de distribution, particulièrement dans le domaine de la vente au détail, comme je l'ai fait remarquer.

Les communications gouvernement-entreprise et gouvernement-consommateur suscitent beaucoup d'intérêt du côté de l'État, qui peut envisager de s'occuper en direct d'informations, de traitement de formulaires, de services, de programmes et d'achats. Par contre, il s'agit là d'un projet distinct au sein de notre ministère et du gouvernement du Canada.

Je crois que la source de motivation dans tout cela—à commencer par l'exercice de 1993 entourant l'autoroute de l'information—et mes collègues en on fait mention—c'est le sentiment d'urgence de la nécessité d'aller rapidement de l'avant pour que les entreprises, les citoyens, les pays, et notre pays en particulier, puissent capitaliser, croître et prospérer. Industrie Canada a pris pour cible 5 p. 100 environ du marché mondial du commerce électronique d'ici 2003. Il est intéressant de savoir que l'une des deux grandes sociétés de recherche dont je vous ai parlé a indiqué, il n'y a pas très longtemps, que nous allons peut-être obtenir 6 p. 100 du commerce électronique mondial.

En fin de compte, j'aimerais maintenant traiter un peu de certains des changements importants qui sont survenus dans l'économie. Encore une fois, mes collègues vous en ont déjà touché un mot dans certains cas.

Le premier élément, bien sûr, prend la forme de nouveaux modèles d'affaires habilitants. Traditionnellement, la chaîne d'approvisionnement était linéaire du fait de restrictions diverses: son ampleur, la géographie, les canaux de distribution, les conditions du marché local et les voies d'information et de communication relativement limitées. Avec l'avènement des technologies nouvelles, la chaîne d'approvisionnement classique perd de son sens. De fait, nous sommes passés d'un environnement linéaire à un environnement profondément cybernétique. Le producteur peut traiter directement avec le client ou le détaillant, et faire fi du grossiste; le grossiste, quant à lui, peut traiter avec le client et faire fi du détaillant.

C'est le client qui y trouve son compte. Soit dit en passant, encore une fois, la dernière période des Fêtes donne à penser que la souris commence réellement à s'activer chez les Canadiens. Les détaillants qui ne procurent pas un service adéquat disparaissent de l'esprit du client de la même façon qu'une émission disparaît lorsque le télespectateur use de la manette—et disparaissent pour de bon, dit-on. Nous allons surveiller les données produites à ce sujet durant les deux ou trois prochaines années.

Le client peut trouver n'importe quoi, n'importe quand, n'importe où, de sorte qu'il a plus de choix, que c'est plus commode, que c'est plus rapide et, bien sûr, qu'il peut comparer les prix. Ce que nous observons donc, c'est en vérité un transfert du pouvoir du côté de l'offre à celui de la demande.

Cela veut dire aussi que les liens d'affaires sont mieux intégrés le long de la chaîne d'approvisionnement. Les grandes sociétés comme les fabricants d'automobile peuvent donner pour consigne à leurs fournisseurs de soumissionner en ligne et de répondre aux normes établies s'ils souhaitent continuer à être les fournisseurs. Les appels d'offre en ligne, qui ont déjà permis à des fournisseurs d'obtenir des contrats énormes, sont désormais un phénomène mondial. Il n'est plus question d'un marché national.

• 0955

Autre phénomène: le délai de mise en oeuvre et l'avantage d'être premier. C'est là un élément clé. Raison de plus d'être rapide dans ce nouvel environnement. Vous m'excuserez de vous donner l'exemple qui est devenu un cliché, celui d'Amazon.com, mais c'est un classique; une capitalisation boursière de 23 milliards de dollars, deux fois celle de Sears et 11 fois celle de Barnes and Noble, mais la rentabilité future de l'entreprise n'est pas encore certaine. L'avantage d'être premier sur le marché est donc énorme.

Les fusions, alliances et restructurations constituent un autre point saillant. Les secteurs traditionnels se transforment par la voie du partenariat, de l'acquisition et de la restructuration, de manière à concurrencer sur Internet. Des entreprises innovatrices voient le jour et indiquent la voie à suivre à l'industrie et menacent les entreprises traditionnelles. On peut observer une évolution sur le marché chez les entreprises de transport—les FEDEX et UPS de ce monde—qui ne se contentent plus de transporter des biens et d'assurer des services. Elles s'engagent massivement dans le domaine de la gestion des stocks.

Les entreprises de TIC fusionnent avec les entreprises d'autres secteurs pour exploiter les points forts de chacun. Bien sûr, le cas de AOL-Time Warner est classique. Nous croyons que le Canada sera témoin de fusions du genre durant les années à venir.

L'accent est mis sur l'immatériel—encore une fois mes collègues y ont fait allusion—c'est-à-dire les idées, le talent, les marques et l'innovation, sans oublier tout de même la base de clientèle. Le fait de disposer d'un effectif hautement spécialisé est un des facteurs clés pour les grandes entreprises de TIC qui veulent attirer des investissements. Dans l'économie locale, Nortel constitue un exemple classique de cela. Cette année, nous croyons que la main-d'oeuvre du secteur privé dans la région de la capitale nationale dépassera, pour la première fois, celle du gouvernement du Canada.

Le troisième et dernier point saillant que je souhaite faire ressortir concerne les avantages significatifs du commerce électronique. Citons parmi ceux-ci un délai de mise en oeuvre réduit, une meilleure gestion des stocks, une meilleure coordination de l'impartition, une meilleure coordination entre le fabricant et le distributeur, et des possibilités d'améliorations chez le client—satisfaction, soutien et rétroaction. Il y a également l'incertitude moindre résultant des améliorations touchant la quantité, la fiabilité et la rapidité de transmission de l'information. Le Boston Consulting Group a déterminé que les principaux secteurs touchés par le commerce électronique sont les suivants: les services financiers, les télécommunications, la vente au détail, le transport et l'entreposage, les services publics et, bien sûr, les véhicules automobiles.

La firme Goldman Sachs, dans un rapport exclusif remontant à janvier, estime que les économies réalisées grâce au commerce électronique inter-entreprises dans divers secteurs, sur une période d'un an, par rapport aux modèles commerciaux traditionnels employant le téléphone, le télécopieur et le service de messagerie se chiffre comme suit. Les économies estimatives sont très importantes: 11 p. 100 à 20 p. 100 dans le domaine informatique, 15 p. 100 à 20 p. 100 dans le domaine du fret et du transport—et ceux qui lisent la presse d'affaires populaires le savent bien; 10 p. 100 dans le secteur des produits chimiques; 11 p. 100 dans l'aérospatiale; et, comme un de mes collègues vient de le dire, la proportion tout à fait significative de 15 p. 100 à 25 p. 100 dans l'une de nos industries traditionnelles, celle des produits forestiers. Nous n'avons pas de données canadiennes. Nous cherchons à les établi.

L'orientation stratégique pour le Canada, bien entendu, consiste à se présenter comme étant le chef de file mondiale des technologies qui mobilisent les possibilités d'Internet et à encourager l'usage des TIC et du commerce électronique dans tous les secteurs de l'économie, en travaillant de concert avec le secteur privé, les citoyens et les autorités provinciales à mettre en place une politique-cadre propice au développement et à la diffusion du commerce électronique.

Notre politique-cadre comporte en fait quatre volets. Premièrement, il s'agit de susciter la confiance des gens à l'égard du marché numérique, c'est-à-dire traiter de la question des renseignements personnels, ce que le gouvernement fédéral a fait, au moyen de la cryptographie, pour laquelle nous avons une politique depuis octobre 1998, et de la protection du consommateur, où nos lignes directrices s'apparentent à celles de l'OCDE.

Deuxièmement, il s'agit de préciser les règles du marché au moyen du cadre juridique approprié. Encore une fois, nous venons d'adopter des dispositions législatives autorisant l'utilisation de signatures numériques dans les ministères et organismes fédéraux. Nous travaillons à mettre en place des règles commerciales; la machine de l'OMC s'est mise en marche encore une fois. Nous révisons et mettons au point les politiques régissant la propriété intellectuelle.

Le troisième volet consiste à renforcer les infrastructures d'information—processus permanent au Canada—c'est-à-dire améliorer l'accessibilité du réseau et, bien sûr, établir des normes. Si j'étais doué de préscience, j'affirmerais que les normes constitueront l'un des enjeux internationaux de l'heure au cours des trois à cinq prochaines années, tandis que nous chercherons des façons communes de faire passer les opérations d'un territoire national à l'autre.

• 1000

Enfin, il reste la réalisation des avantages et le développement du marché, autrement dit l'adoption et l'usage dans le secteur privé et le secteur public du commerce électronique et des TIC.

Il reste tout de même des défis à relever. En 1999, une enquête réalisée auprès de dirigeants d'entreprises canadiens a laissé voir que nous accusons un certain retard lorsqu'il s'agit de prévoir l'intégration du commerce électronique et de la technologie de l'information dans nos affaires. Ce retard vient expliquer directement la création de la table ronde sur les possibilités des affaires électroniques canadiennes. John Roth, directeur général chez Nortel, et le Boston Consulting Group a organisé la table ronde et demandé à Industrie Canada de prendre part à la planification et à l'organisation de l'exercice. En janvier, ils ont produit un rapport. La table ronde poursuit ses travaux par l'entremise de ses six sous-comités, et organise des tables rondes régionales, partout au pays. La première a eu lieu à Halifax il y a de cela une semaine.

Notre programme pour l'avenir comporte trois parties.

Premièrement, nous voulons toujours nous assurer que le Canada sera le chef de file dans le monde sur le plan des politiques gouvernementales. Nous travaillons au sein de l'OCDE avec l'Union européenne, au sein de l'APEC et au sein de la ZLEA, pour nous assurer que c'est bien le cas et aussi pour influer le plus possible sur les politiques qui seront adoptées à l'échelle internationale.

Le deuxième élément de notre programme pour l'avenir consiste à accélérer l'adoption et l'utilisation de la technologie de l'information et du commerce électronique. Mes collègues vous ont donné des exemples de ce genre d'activités.

Le troisième élément consiste à renforcer l'expertise et l'innovation au Canada. Un des défis pour nous au Canada, c'est d'établir un programme de recherche sur le commerce électronique dans le domaine universitaire, parmi les chercheurs. Nous travaillons avec plusieurs universités, mais principalement avec l'université Dalhousie, pour essayer de donner le coup d'envoi à ce genre d'activités. Nous attendons la rétroaction d'universitaires et de dirigeants du secteur privé qui travaillent à l'élaboration d'un tel programme de recherches.

Je vais m'arrêter là. Je suis ouvert aux questions.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Roy Cullen): Merci, monsieur Ferguson.

Merci à tous les représentants d'Industrie Canada.

Maintenant, nous cédons la parole à M. Michael Mailman de Digital Harbour Venture Management.

M. Michael Mailman (témoignage à titre personnel): Comme tout le monde, je tiens à vous remercier du temps que vous m'accordez. J'apprécie l'invitation. J'espère sincèrement que mes propos auront quelque valeur pour vous et que vous en tirerez quelque chose, sinon nous aurons tous perdu notre temps.

Je vais simplement confirmer certaines des choses que j'ai entendues de la part des gens d'Industrie Canada et qui me paraissaient extrêmement importantes.

Par exemple, selon M. MacLeod, nous ne devrions pas vraiment essayer de différencier la nouvelle économie de la vieille. Je crois qu'il a tout à fait raison. Laissons simplement porter les choses, comme les gens l'ont fait ailleurs et contentons-nous de les favoriser. C'est d'ailleurs le titre de mon exposé: Favoriser l'avènement de la nouvelle économie.

J'ai entendu à peu près tout le monde ici dire à quel point la vitesse compte. Au sein de la petite entreprise où je travaille, nous avons un slogan pour cela: «Closer, faster and better», ou, si vous préférez: «Proximité, rapidité, qualité». Vous vous rapprochez du marché, vous accélérez le délai de mise en marché, vous améliorez la qualité de la mise en marché—voilà l'essentiel.

Je vais traiter rapidement de cinq choses: le Canada contre les États-Unis, le Canada contre lui-même; constituer une grappe; le capital de début de croissance; et les impératifs que nous devons respecter, si nous voulons avoir du succès, dans l'ensemble, en tant que pays.

Mon exposé reviendra en fait à résumer tout ce que les autres témoins ont dit. Cela me donne au moins l'impression que je suis sur la bonne voie, mais en même temps, je pourrais peut-être brosser ici et là quelques petits tableaux qui sont susceptibles de vous éclairer.

Comme je l'ai dit, on m'a demandé de venir présenter ici un exposé sur la question suivante: est-ce qu'il y a une nouvelle économie? Pour être bien franc, cela m'inquiète que nous nous posions cette question. Il y a une nouvelle économie, et elle croît partout dans le monde.

Je passe beaucoup de temps avec les représentants d'entreprises qui souhaitent faire des affaires aux États-Unis, que ce soit par la voie d'un partenariat, d'une acquisition ou d'un financement. Cela me permet vraiment de comprendre pourquoi, encore une fois, les Américains sont les chefs de file d'une industrie et les artisans d'un boom économique. Comme j'estime avoir la fibre du patriote, cela m'irrite, cela me rend fou, même, d'y penser. Et je crois que les possibilités pour nous d'en être le chef de file sont innombrables.

J'estime donc qu'il importe que nous ayons cette discussion—c'est sûr.

• 1005

Au chapitre de la croissance économique réelle du Canada par rapport aux États-Unis, j'aimerais traiter d'une étude récente de l'Organisation de coopération et de développement économiques qui montre que les industries productrices de technologies de l'information on compté pour 35 p. 100 de la croissance économique réelle aux États-Unis de 1995 à 1998, comme mon graphique le laisse voir. Le Canada, quant à lui, a produit 19,3 p. 100 durant la période de 1996 et 1997. Comme je viens de le dire il y a quelques secondes à peine, non seulement elle existe visiblement, la nouvelle économie, mais en plus, elle joue un rôle de plus en plus grand au sein de l'économie mondiale dans son ensemble.

M. Lee a parlé de mon prochain graphique. Je crois que son exposé était excellent. Cette illustration renforcera peut-être aussi ce dont il a parlé. Pendant que le monde s'installe dans une nouvelle économie, que le commerce électronique relie les individus et les entreprises et que, bien sûr, les réseaux interentreprises s'entrecroisent, le Canada, malheureusement, n'est pas producteur de technologies et de services d'information et de communication. Par exemple, les industries de l'information et des communication représentaient seulement 2,9 p. 100 du produit intérieur brut du Canada en 1997, soit la même proportion qu'en 1980, si vous pouvez imaginer cela—17 années se sont écoulées sans qu'il n'y ait d'accroissement du PIB pour les TIC. Aux États-Unis, cette industrie compte pour 4,4 p. 100 du PIB.

Ma prochaine diapositive, je crois, illustre bien la situation: j'aimerais faire voir que si le Canada avait le même ratio de production de l'industrie de l'information et des communications—essentiellement, le rapport des TIC au PIB—que les États-Unis—c'est ce que j'appelle une part de la nouvelle économie—le pays aurait une industrie de 37 milliards de dollars plutôt qu'une industrie de 25 milliards de dollars. Voilà qui me paraît être un facteur énorme.

Le prochain sujet, c'est le Canada contre lui-même. En fait, nous pouvons nous installer et nous comparer aux États-Unis, nous comparer à l'Union européenne, et je crois que c'est là une bonne chose—il nous faut des repères—, mais je crois qu'il nous faut aussi regarder le coeur même de notre activité, le découvrir, déterminer ce dans quoi nous pouvons, en tant que pays, exceller.

Dans la production de produits relevant des technologies de l'information et des communications, par exemple les microordinateurs, les téléphones sans fil, l'équipement de télécommunications, les magnétoscopes—tout ce qui vous sert à la maison—, le Canada vient au quinzième rang dans le monde au chapitre du PIB même s'il s'agit là de l'un des segments de marché dont la croissance est la plus rapide dans le monde en ce moment, le commerce à cet égard comptant pour 6,4 p. 100 des biens transigés dans le monde en 1990, puis—hausse spectaculaire—10,4 p. 100 en 1998. Comme mes données sur le commerce le laissent voir, le Canada accuse un déficit commercial de 20 milliards de dollars dans ce secteur.

Le Canada a quand même présenté un léger excédent commercial pour les communications, l'informatique et les services d'information, ce qui témoigne de l'habileté d'un grand nombre de nos PME exportatrices. Cet excédent se chiffre à 900 millions de dollars. Ce n'est pas énorme, mais il est bien de voir un peu de vert au lieu du rouge.

Je vais parler rapidement du fait que le succès engendre le succès. Je vais insister sur ce que M. Ferguson a dit à propos de la table ronde sur le commerce électronique.

Comment prendre ces PME productrices de logiciels et de systèmes et utiliser leurs compétences énormes, comment traduire cela de manière à obtenir des entreprises dont le succès est plus grand globalement et un avantage concurrentiel plus grand pour le Canada? Dans un rapport récent publié par la firme Boston Consulting pour la table ronde sur les possibilités d'affaires électroniques canadiennes, il est admis que la création et la croissance rapides au sein de la nouvelle économie s'est concentrée «traditionnellement» en grappes d'activités dans une région particulière comme San Francisco—nous connaissons tous la vallée—New York—nous connaissons tous Sillicon Alley—et Boston.

Pour nous qui sommes originaires de Halifax, il est naturel de regarder du côté du marché de Boston et de celui du marché de New York, ce que nous ne faisons tout simplement pas assez.

Si le Canada compte bien certaines grappes naissantes—Ottawa est en voie de se réaliser à ce sujet, et c'est très intéressant d'y être pour ressentir l'exaltation qui y est ressentie et tout le tralala—, il y a encore pénurie de fonds de début de croissance à investir dans les entreprises de la nouvelle économie.

Des liens: j'ai entendu quelqu'un parler de liens entre les universités, les entreprises et les établissements financiers. Ces liens existent chez nous, mais ils sont beaucoup plus faibles et moins fréquents qu'aux États-Unis. C'est un peu gênant de le dire, mais l'université Dalhousie—de fait, la région de l'Atlantique elle-même—a reçu l'une des plus grandes parts de crédit d'impôt pour la R-D au pays l'an dernier tout en figurant parmi celles qui contribuent le moins à la commercialisation. C'est tout à fait scandaleux. Je crois que la commercialisation l'an dernier a donné 21 000 $—au total. Par comparaison, le laboratoire du MIT à Boston est à l'origine de produits commercialisés valant 5 milliards de dollars tous les ans.

J'aimerais parler aussi un peu des sociétés pivots. Nous avons bien certaines sociétés pivots, mais cela ne donne pas la masse critique nécessaire pour donner des entreprises satellites, pour essayer d'élargir le bassin de talents. Newbridge a créé quelque chose d'excellent avec son programme d'affiliés. Newbridge n'est plus là. Newbridge a été vendu à une société européenne. Celle-ci va probablement réduire, réduire même au minimum le programme d'affiliés et, encore une fois, nous n'aurons pas d'entreprise satellite.

Comme je le dis, pourquoi se donner tant de peine à concevoir un plan de déploiement rapide? Des modèles existent déjà; cela a déjà été fait. Nous n'avons pas à réinventer la roue. Allons-y donc, simplement.

• 1010

Je crois que... et, de fait, ce n'est pas que moi qui pense comme cela; il en est question dans le rapport du Boston Consulting Group, et dans ma petite entreprise, nous avons un conseil d'administration très chevronné qui est du même avis. Le facteur le plus important dans la croissance de la nouvelle économie est le manque de capital canadien de début de croissance, capital participatif, prêt à être investi dans l'espace de la nouvelle économie. Le Canada a besoin de fournir à ses entrepreneurs plus que du simple capital—le capital qu'il faut, c'est du savoir. Le capital du savoir, pour parler ainsi, c'est L'expertise en gestion, les ressources stratégiques, l'accès aux partenariats et bien plus encore.

Jetons maintenant un coup d'oeil rapide sur la prochaine diapo. Le graphique ici, comme vous le voyez tous, illustre quelque chose de proprement scandaleux. En règle générale, il y a une pénurie extrême de capital-risque sur ce marché, au Canada dans son ensemble, le capital-risque qui n'est pas offert indépendamment de l'État.

Les fonds de l'État sont très passifs, L'État n'accepte pas beaucoup de risques, il ne recherche pas le risque; par conséquent, il n'y a pas grand-chose là pour inciter l'entrepreneur. Nous constatons aussi que les fonds de l'État ne procurent pas beaucoup de capital de savoir. Il fournit de l'argent. Il ne procure pas ce qu'il faut pour l'inscription à la bourse NASDAQ. Il n'établit pas les alliances stratégiques ou ententes de recherche nécessaires avec les entreprises d'Europe. C'est un simple apport d'argent.

Aux États-Unis, le capital-risque provenant de l'État représente moins de 1 p. 100 de l'ensemble. Au Canada, la proportion s'élève à 64 p. 100. Voilà une statistique éloquente.

Ce qu'il nous faut faire, c'est corriger la réglementation sur l'impôt et les valeurs mobilières de manière à accroître la participation dans le capital de début de croissance. Nous devons inciter les individus et les institutions à investir, plutôt que de voir l'État investir directement ou par l'entremise de l'une de ses organisations. Il doit y avoir un facteur incitatif. Malheureusement, je ne suis pas fiscaliste. Je ne dirai pas ce qui me semblerait être les meilleures mesures incitatives. Je vous en décrirai quelques-unes, mais c'est quelque chose qu'il faut développer et utiliser rapidement, sinon nous n'aurons pas de succès.

Nous avons besoin d'investissements étrangers. Essentiellement, il nous faut modifier le régime des gains en capital de manière à permettre aux fonds de capital-risque d'attirer des investissements étrangers. Nous avons besoin d'investissements étrangers pour l'expérience et les rapports que procure le capital en question. Je crois que nous avons besoin d'instaurer un scénario à long terme/à court terme, comme aux États-Unis, pour ce qui touche les gains en capital. Aux États-Unis, les gains en capital à long terme jugés admissibles pour plus de un an sont imposés à 28 p. 100. Dans le cas du court terme, c'est 39 p. 100. Nous savons tous ce que sont les gains en capital ici au Canada. Vous avez adopté quelques mesures, par exemple en accroissant les possibilités de report du réinvestissement au bout de six mois, ce qui est merveilleux, mais ce n'est toujours pas suffisant.

De fait, nous présentons déjà depuis un certain temps le genre d'exposé auquel vous avez droit aujourd'hui. J'ai présenté celui-ci avant le budget de février: rajustez le traitement fiscal des options sur actions pour reporter l'imposition au moment de la vente de l'action. Vous l'avez fait. C'est merveilleux. C'est un pas dans la bonne direction. Je suis toujours d'avis que le chiffre pourrait être plus bas, mais c'est à vous de décider de la façon dont nous allons y arriver.

Enfin, je crois que si nous ne faisons pas tout cela, si nous n'abattons pas tous ces murs qui ont été érigés et ne permettons pas aux gens de saisir ce qui représente peut-être la plus grande occasion que le pays a jamais eue, alors nous aurons simplement regardé passer le train dans ce pays—encore une fois.

Voilà.

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Merci, monsieur Mailman.

M. Michael Mailman: De fait, je devrais vous dire que si vous notez l'adresse Web ici, vous allez pouvoir aller consulter mon exposé.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à la séance de questions.

Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Merci.

D'abord, je tiens à m'excuser d'un fait: un grand nombre d'entre vous sont venus ici, ont fait tout ce travail pour préparer un exposé, mais voilà que très peu de membres du comité sont présents, comme vous avez pu le constater. Je m'excuse du fait qu'il n'y ait pas plus de gens ici pour vous écouter.

Cela dit, je vais vous parler d'un appel téléphonique que j'ai eu.

Vous provenez tous d'Industrie Canada, à l'exception de M. Mailman, n'est-ce pas?

Des voix: Oui.

M. Gary Lunn: Je vous ai écouté parler de cette nouvelle technologie, de la nouvelle économie. Hier, j'ai reçu un appel d'un homme qui réside dans ma circonscription. Je suis originaire de Victoria, en Colombie-Britannique. L'homme en question est propriétaire et directeur général de Northwest Marine Holdings, société qui fabrique des logiciels pour l'industrie hôtelière. Il a une masse salariale de 28 millions de dollars et emploie 400 personnes annuellement. Je ne l'ai jamais rencontré avant. Ce gars-là ne fait pas de politique du tout. Il m'a téléphoné hier et il était tout à fait en furie contre, je vais le dire, le gouvernement, à cause de ce que le gouvernement fédéral l'avait empêché de faire.

Il était en route pour Seattle, où il voulait acheter un immeuble afin d'aller y installer toute son entreprise, et je lui ai dit: écoute, est-ce qu'on peut dîner ensemble pour que je puisse me renseigner un peu plus? Il m'a dit que si je voulais dîner avec lui, je devais aller à Seattle. Ce gars-là était frustré bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer.

• 1015

Bon, nous entendons tous des histoires du genre. Je n'ai jamais connu de gars qui était si près de moi; l'homme en question habite à trois coins de rue de chez moi et il procure énormément de choses à la collectivité où j'habite. Victoria, bien sûr, compte un quart de millions de résidents, et j'habite moi-même à Sidney, ville qui compte 5 000 âmes. Son entreprise est située à l'aéroport, qui se trouve à Sidney.

Selon lui, il n'y a aucun espoir pour le Canada ni pour cette nouvelle économie—aucun—qu'il s'agisse d'impôt ou de certaines des questions dont M. Mailman vient de parler. Il est assez paradoxal que certaines des choses que nous devons faire... vous avez tous cerné certains des défis que nous devons relever, et j'apprécie tout l'effort que vous avez mis dans vos exposés à propos de ce que vous faites, mais je n'ai pas entendu parler suffisamment de solutions.

C'est paradoxal: cinq d'entre vous provenez d'Industrie Canada, mais personne n'est arrivé avec une diapositive où il est dit: voici ce que nous devons faire si nous voulons être chef de file là-dedans. Je crois que nous voulons tous cela. Nous voulons tous être considérés... je crois que l'un d'entre vous a affirmé que nous ne pouvons être premier. Je crois que c'est peut-être M. Mailman, qui a affirmé l'idée—proximité, rapidité, qualité—que cela l'irrite au plus haut point de savoir que les États-Unis sont les chefs de file, qu'il n'y a absolument aucune raison pour laquelle le Canada ne pourrait l'être. C'était son idée: il n'y a absolument aucune raison pour laquelle nous ne pourrions être au tout premier rang. Mais évidemment, nous ne le sommes pas, il est très clair que nous ne le sommes pas, et nous devons changer si nous voulons être au premier rang.

Je veux donc vous demander précisément, pour M. Kelly qui habite à Sidney, ce que nous pouvons faire afin de pouvoir lui dire qu'il n'a pas besoin de s'en aller, qu'il y a de l'espoir pour son entreprise ici? Vous avez tous parlé d'un grand nombre des obstacles que nous devons relever devant cette chose qui évolue plus vite que nous pouvons évoluer. Certains d'entre vous ont parlé d'études que vous avez faites et d'études qui sont en cours, dont vous voulez nous faire part à l'avenir. Fait encore plus important, quelles raisons pouvez-vous donner à ce gars-là pour qu'il demeure ici, sur ce que nous pouvons faire en tant que gouvernement—je présume qu'Industrie Canada ferait probablement partie intégrante de cela—si nous voulons avoir du succès?

Il est paradoxal de constater que les cinq personnes d'Industrie Canada ont passé beaucoup de temps à faire ressortir les défis qu'il faut relever—et je suis d'accord avec vous dans nombre de cas—, mais la seule personne provenant du secteur privé qui est arrivée avec des solutions, des solutions claires et nettes, en disant: voici des suggestions, par exemple changer les gains en capital pour permettre aux fonds de capital-risque d'attirer des investissements étrangers. Je sais que l'une des raisons pour lesquelles l'Irlande connaît tant de succès et est en voie de devenir un chef de file mondial dans cette industrie concerne les options sur actions—on peut y attirer la crème de la crème.

Mais je suis très inquiet. La raison pour laquelle je me suis lancé en politique en 1997, c'est que nous perdions la crème de la crème au profit de nos voisins du Sud. Or, nous n'avons pas besoin de cela, et j'aimerais entendre l'un d'entre vous donner des solutions sur la façon dont nous pouvons être numéro un—pas d'essayer de faire la moitié de ce que font les États-Unis—des solutions, c'est-à-dire ce que nous devons faire précisément, pas le programme du gouvernement, mais ce qui, selon vous, devrait arriver. Ensuite, il faut faire des pressions pour que cela se fasse.

Merci, monsieur le président. J'adresse la question à quiconque aimerait bien y répondre.

Le président: Allez.

M. Ross MacLeod: Comme je l'ai dit au début de mon exposé, il est un peu difficile pour un représentant qui vient témoigner devant un comité d'affirmer ce que la politique gouvernementale devrait être. Mais je crois que je peux esquisser les points d'intérêt.

Je crois que le traitement fiscal en est certes un. Nous avons vu les mesures adoptées au moment du dernier budget, je crois, pour que l'on commence à régler ces questions.

Les ressources humaines représentent un enjeu, évidemment: il faut s'assurer que nous avons les personnes qu'il faut pour faire les choses qu'il faut, et nous assurer que l'environnement est propice à l'innovation—le droit de la propriété intellectuelle, les cadres pour le marché et ainsi de suite.

Les dimensions de la nouvelle économie sont telles que si vous n'êtes pas à l'avant-garde dans l'un quelconque de ces secteurs ou si vous n'êtes pas compétitif dans l'un quelconque de ces secteurs, vous n'y êtes tout simplement pas. Et...

M. Gary Lunn: Est-ce que je peux faire un tour de table là-dessus?

M. Ross MacLeod: Bien sûr.

M. Gary Lunn: Nous avons parlé de questions comme la propriété intellectuelle, les lois et règlements nouveaux, l'adoption de ces mesures et le fait de nous assurer que nous sommes à l'avant-garde. Tout cela est très important, et j'abonde dans votre sens. Les choses changent si vite. Mais nous semblons nous attacher davantage à la réglementation qui a... je ne sais pas si ce sera suffisant. Est-ce que cela fera en sorte que les gens vont rester ici ou est-ce qu'il faut vraiment démonter la machine pour voir comment faire? Comment cela nous permettra-t-il de garder au Canada la crème de la crème? Parce que c'est là la ressource fondamentale dont vous aurez besoin si vous voulez avoir du succès. Comment cela pourra-t-il aider—de quelque façon que ce soit—à garder chez nous la crème de la crème?

M. Ross MacLeod: Peter, veux-tu répondre à cette question?

M. Peter Ferguson: J'aimerais répondre de plusieurs façons différentes.

Dans la liste des caractéristiques du nouvel environnement—je remonte à 1994, au moment où tout cela a commencé à bouillonner—il y avait l'idée selon laquelle les économies d'échelle n'importaient plus et que le nouvel environnement allait libérer les individus et les entreprises, pour qu'ils aient du succès quel que soit le lieu géographique où ils se trouvent. Il a fallu attendre deux ans pour savoir que cette notion était l'un des dix mythes les plus courants sur l'ère de l'autoroute électronique.

• 1020

Dans le cas des États-Unis, les économies d'échelle importent bel et bien, et elles ont une importance extrême. Je ne crois pas que cela importe qu'on soit au Canada ou en Suède, autre économie très fructueuse, ou encore en Irlande, la puissance et le dynamisme de l'économie américaine sont là, et c'est attrayant.

Et nous pouvons avoir du succès au Canada, mais nous n'allons jamais, probablement, ravir le premier rang. Que vous aimiez cela ou non, quelles que soient les politiques fiscales que nous mettons en place, les transformations que nous faisons, il n'est pas possible, compte tenu des économies d'échelle, de dominer l'économie américaine. Voilà un facteur.

Nous avons eu des réunions hier avec les gens de Singapour. Ils étaient ici. Nous comparions...

M. Gary Lunn: Je vais vous arrêter là pour un instant.

Premièrement, nous allons devoir nous mettre d'accord sur le fait que nous ne sommes pas d'accord. Si votre objectif est le deuxième rang, vous savez quoi? Vous ne ferez jamais mieux.

L'Irlande est une fusée en ce moment, son ascension est vertigineuse, et elle est en voie d'être reconnue comme chef de file mondial pour cette technologie, pour la nouvelle économie. Et elle n'est pas dans la même ligue que les États-Unis. Enfin, si on parle des énormes économies d'échelle, elle ne peut rivaliser, mais elle attire des entreprises du monde entier, y compris des entreprises du Canada. Les entreprises s'installent en Irlande.

Alors, cet argument, vous savez... je crois que vous devez dire, non, nous pouvons bel et bien être au premier rang, sinon comment diable...

M. Peter Ferguson: Je crois que notre politique se fonde sur l'idée d'avoir le plus de succès possible. Je crois que c'est l'approche que nous appliquons. Je ne crois pas vraiment que le fait de dire que nous allons, on ne sait trop comment, damer le pion aux États-Unis, aujourd'hui ou, raisonnablement, au cours des deux à cinq prochaines années, représente un but réaliste.

Les autres économies qui ont du succès? Il y en a un grand nombre à part celle de l'Irlande, un grand nombre, dont celle de Singapour, à laquelle je viens de faire allusion.

M. Gary Lunn: Tout à fait.

M. Peter Ferguson: Il y a aussi Hong Kong et d'autres avec lesquelles nous travaillons.

M. Gary Lunn: Tout à fait.

M. Peter Ferguson: Alors, selon ce qu'on étudie, ce que l'on mesure, notamment le fait d'attirer des entreprises, le Canada est extrêmement bien coté.

J'attire votre attention sur un article paru dans la section affaires du Globe and Mail d'hier. On y comparait le point de vue donné sur le Canada dans les médias, dans le cas de la presse étrangère, notamment The Economist, mais aussi d'autres périodiques ayant une réputation raisonnable, pour voir comment le Canada était coté, comment le Canada allait. Notre cote est très bonne pour ce qui est de la perception qu'ont les gens du degré de succès du Canada dans ce nouvel environnement.

M. Gary Lunn: Je vais laisser à quelque d'autre l'occasion de poser une question, monsieur le président.

Le président: Nous pouvons peut-être raccourcir l'entrée en la matière pour obtenir plus de réponses de la part des témoins eux-mêmes.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Merci à tous d'avoir pris le temps de venir nous expliquer un peu aujourd'hui les enjeux de la nouvelle économie, à nous qui devons façonner des politiques à ce sujet.

J'aimerais poser quelques questions rapides. Premièrement, aux gens d'Industrie Canada: jusqu'à quel point le gouvernement sert-il à générer de l'activité pour cette nouvelle économie? Par exemple, est-ce qu'il y a une stratégie en ce qui concerne les achats? Nous sommes tous au courant d'entreprises comme fleamarket.com et des diverses entreprises qui utilisent les techniques dernier cri.

Une des choses que j'ai constatées une fois arrivé à Ottawa, par exemple, c'est que même les services d'information de la Chambre des communes... il semble que le gouvernement lui-même n'utilise pas vraiment la meilleure des technologies. Cela me frappe de constater que le gouvernement lui-même est un élément du puzzle, s'il devait vraiment embrasser la nouvelle économie...

En deuxième lieu, pendant qu'il y a un débat sur la réforme de la santé, par exemple, il faut savoir si nous devons tenir compte des biotechnologies. Est-ce que nous sommes en train de créer un environnement plus propice à la biotechnologie dans le contexte de la réforme de la santé?

Ma première question concerne donc le rôle de l'État non pas pour ce qui touche le financement direct, mais plutôt pour ce qui touche une nouvelle économie qui est en vogue.

Mme Jeanne Inch: Je ne peux certainement pas parler de la réforme de la santé, puisque cela relève de Santé Canada. De même, mes collègues du secteur de l'industrie de la biotechnologie à Industrie Canada ne sont pas ici. Mais nous pouvons certainement faire suivre le renseignement.

• 1025

Je ne peux pas parler directement non plus du projet de gouvernement en ligne et du recours au commerce électronique pour les approvisionnements, mais je travaille pour Travaux publics et services gouvernementaux Canada et pour le Conseil du Trésor à une mesure de réforme touchant les approvisionnements, et je sais qu'il y a un effort global de la part du gouvernement visant à simplifier l'approvisionnement pour que cela facilite la vie des sous-traitants.

M. Scott Brison: Envisage-t-on... par exemple, l'idée de confier à une agence d'approvisionnement électronique du secteur privé les achats du gouvernement pour essayer, encore une fois, de réduire le coût de livraison et d'accroître l'efficience?

Je sais qu'il y a un mouvement en faveur de l'impartition, mais de plus en plus, cela me semble être un élément très important qui pourrait être réalisé. Cela pourrait aider à engendrer des activités propres à la nouvelle économie.

Mme Jeanne Inch: L'impartition est certainement une façon de s'occuper des approvisionnements. Il y a des services offerts.

M. Scott Brison: Je parle du fait d'impartir l'approvisionnement.

Mme Jeanne Inch: Ah, je vous demande pardon.

M. Scott Brison: Oui, je parle de confier l'impartition à des sous-traitants.

M. Peter Ferguson: Encore une fois, je ne suis pas un expert en approvisionnement, mais nous devons comprendre qu'il existe des processus électroniques élaborés de concert avec le secteur privé. Autrement dit, ce n'est pas comme si le gouvernement faisait cavalier seul.

De plus, le gouvernement est aussi muni de systèmes internes de catalogues totalement électroniques pour les ministères responsables. Je sais qu'on a déjà discuté de la possibilité de recourir à l'impartition. Je ne suis pas certain que cette option soit envisagée activement.

M. Scott Brison: D'accord.

M. Peter Ferguson: En passant, cette notion fait aussi l'objet de discussions à l'échelon international, car on cherche à uniformiser ces processus et à favoriser l'accès des marchés internationaux. Cela renvoie donc aussi à un enjeu stratégique commercial.

M. Scott Brison: Très bien.

Ma deuxième question touche le Canada atlantique. Je suis heureux que Michael soit présent à titre de participant actif dans la nouvelle économie de la région atlantique du Canada. Il y a beaucoup d'effervescence à cet égard.

M. Ferguson a souligné que l'université Dalhousie où j'ai fait mes études, avait joué un rôle à ce chapitre. L'université Mount Allison est une autre bonne école locale, qui jouit d'une excellente réputation à l'échelle nationale.

L'un des avantages que nous avons dans les Maritimes—je viens de la Nouvelle-Écosse, berceau des études supérieures au Canada—c'est une excellente infrastructure d'enseignement postsecondaire. Compte tenu de l'importance des universités américaines parmi les principales zones d'incubation pour la technologie, que pouvons-nous faire pour améliorer le volet «transfert technologique» de nos universités. Comme l'a signalé Michael, c'est un élément crucial.

À l'heure actuelle, une partie de notre problème avec les universités au Canada atlantique ou ailleurs tiens à un esprit de clocher bien ancré. Ne serait-il pas possible d'adopter une démarche uniforme de transfert technologique dans le cadre d'une stratégie régionale de développement ou d'une stratégie nationale de commerce électronique ou de développement technologique?

Dans diverses universités américaines, de grands experts du transfert technologique pourraient être attirés par la qualité de vie que procure le Canada. Pourquoi ne tentons-nous pas d'attirer ces gens au Canada en vue d'élaborer une meilleure stratégie sur la question?

Le président: Monsieur Ferguson.

M. Peter Ferguson: Je crois que Michael a désigné l'une des caractéristiques de ce que nous appelons des «grappe», c'est-à-dire la très nécessaire combinaison de l'université, de la capacité de recherche, de la main-d'oeuvre spécialisée et des sociétés de pointe. Boston est l'exemple le plus évident, et du point de vue de Dalhousie—qui, je suppose, n'est pas sans envier Boston—c'est tout près. Nous voyons les mêmes possibilités dans des grands centres comme Toronto, évidemment, Montréal, peut-être Calgary et probablement sur la côte Ouest.

Je crois qu'il est très difficile d'imaginer une approche uniforme. Premièrement, les compétences varient d'un établissement à l'autre, et deuxièmement, la nature des secteurs de pointe a tendance à varier d'un centre à l'autre.

M. Scott Brison: Mais on pourrait adopter une approche régionale. Par exemple, il pourrait y avoir collaboration entre les universités Acadia et Dalhousie, ou entre Dalhousie et l'UCCB, qui fait du travail intéressant dans ce domaine.

M. Peter Ferguson: D'après ce que j'ai compris, c'est ce que prévoit le concept de Dalhousie.

M. Scott Brison: Certainement.

M. Michael Mailman: Parallèlement, Scott, j'aimerais souligner que je crois, franchement, qu'une participation gouvernementale ralentirait le processus et le retarderait.

M. Scott Brison: C'est juste.

• 1030

M. Michael Mailman: Je ne veux pas jouer les cowboys, croyez-moi, mais j'estime effrayant que nous ayons dû attendre d'obtenir le quorum pour parler d'une des démarches les plus révolutionnaires au pays à l'heure actuelle. C'est effrayant. Si nous voulons adopter cette approche et privatiser une activité qui pourrait sauver quelqu'un du cancer...

Pourquoi ferions-nous cela? Offrons un incitatif à l'industrie privée, au gars qui partira pour s'établir à Seattle. Offrons-lui quelque chose qui l'incitera à le faire lui-même. Vous savez pourquoi? Il travaillera d'arrache-pied tous les jours parce qu'il doit mettre du pain sur la table pour ses enfants et pour lui-même. C'est ce qui le poussera à réussir.

M. Scott Brison: J'ai déjà entendu parler de cowboys urbains, mais jamais de cowboys de l'Est.

M. Michael Mailman: Non, mais je veux dire que...

M. Scott Brison: Non, je suis d'accord. L'une des choses que nous devrions envisager... Et Gary a mentionné les comparaisons avec l'Irlande. Remarquez, la comparaison entre le Canada et l'Irlande n'est pas tout à fait à propos, car on doit tenir compte des liens de l'UE avec l'Irlande. Cependant, si on compare, par exemple, le Canada atlantique avec l'Irlande et la relation du Canada atlantique avec le reste du pays par rapport au contexte irlandais au sein de l'UE, je crois que nous pouvons tirer des parallèles plutôt intéressants sur la question du transfert.

Lorsque je parle à des personnes qui oeuvrent au sein de secteurs technologiques, les cinq mots que j'entends le plus souvent concernant l'APECA et la BDC sont les suivants: «Ils ne comprennent tout simplement pas». Les gens des secteurs technologiques sont convaincus que l'APECA et la BDC—organismes gouvernementaux qui financent le secteur technologique ou y consentent des prêts—ne comprennent tout simplement pas. C'est ce que me disent les gens.

Une stratégie possible pourrait consister, selon moi, à créer des dispositions fiscales au Canada atlantique, ou une zone fiscale, par exemple, fondée sur l'imposition des sociétés, ce qui est probablement la meilleure option au chapitre de la croissance, même si cette idée est moins intéressante sur le plan politique, car elle favoriserait la réduction de l'impôt.

Deuxièmement, je suis vraiment préoccupé par le fait que nous accusons, d'après ce qu'on m'a dit, un retard d'environ deux ans sur les États-Unis au chapitre du commerce électronique. Je crois que c'est environ deux ans.

Ce retard de deux ans constitue un problème à l'heure actuelle en raison de la turbulence que connaît le marché des capitaux, et il est fort possible qu'on assiste, pendant une certaine période de temps, à un ralentissement sur le marché des premiers appels publics à l'épargne. Les États-Unis sont en avance de deux ans. Au moment même où le commerce électronique canadien commence à atteindre une masse critique potentielle, nous pourrions maintenant être confrontés à une réduction des occasions d'accès au capital.

À mon avis, l'une des solutions qui devraient être envisagées dès maintenant consiste à procurer un avantage aux Canadiens, aux sociétés financières d'innovation et aux investisseurs de début de croissance du Canada. J'estime que nous devons prendre les devants par rapport aux États-Unis. Ce serait peut-être un bon point de départ que d'éliminer l'imposition des gains personnels en capital au Canada, et pour une fois, de prendre de l'avance au lieu d'accuser un retard. Cela occasionnerait une baisse annuelle du revenu fiscal fédéral de l'ordre de 900 millions de dollars, mais j'estime que cela procurerait des avantages très importants au chapitre de la fluidité du capital et permettrait réellement aux Canadiens de jouir d'un avantage à un moment très crucial.

J'aimerais donc entendre vos commentaires sur les deux aspects suivants: premièrement, la comparaison entre l'Irlande et l'Atlantique et l'idée selon laquelle on pourrait éliminer certains organismes de développement régionaux qui sont mal adaptés à la nouvelle économie et adopter une stratégie fiscale; et deuxièmement, l'idée selon laquelle on pourrait procurer un avantage fiscal au chapitre des gains de capital au Canada afin de compenser le désavantage auquel nous serons confrontés à la suite du ralentissement des marchés des capitaux pendant un certain temps. Nous ne savons pas pendant combien de temps ce ralentissement durera, mais la situation actuelle est vraiment médiocre.

Merci.

Le président: Monsieur MacLeod.

M. Ross MacLeod: Je crois que cette question s'adresse à moi.

En ce qui concerne l'exemple de l'Irlande, nous l'avons étudié un peu. Nous avons récemment rencontré Brendan Walsh, qui enseigne dans l'une des universités irlandaises. Il est en quelque sorte un expert sur le sujet de cette renaissance irlandaise. Il a mis en relief plusieurs aspects, et ils s'assimilent à ce que j'ai dit plus tôt à l'égard du besoin que le gouvernement agisse en fonction de la croissance dans l'économie du savoir.

M. Walsh affirme que le succès économique de l'Irlande tient à un certain nombre de facteurs. Premièrement, le pays a procédé à une réforme plutôt vaste de l'éducation, au cours des années 70 et 80; deuxièmement, la politique fiscale est avantageuse. Troisièmement, l'Irish Development Agency s'est montrée très dynamique au chapitre de la promotion des investissements; et quatrièmement, le pays est membre de l'UE, résultat, bien sûr, d'une décision stratégique réfléchie. L'appartenance à l'UE a procuré plusieurs avantages à l'Irlande, dont des subventions. Cela lui a aussi permis d'être une tête de pont anglophone dans la zone euro.

• 1035

Comme vous le savez, le Royaume-Uni ne s'est pas joint au marché de la monnaie commune de l'Union européenne. L'Irlande l'a fait. C'était plutôt bien connu très tôt dans le processus, et cela a beaucoup aidé le pays. Les sociétés américaines, en particulier, en raison de la langue et de certains liens culturels avec l'Irlande, se sont montrées très intéressées à y investir.

À l'époque, l'Irlande offrait aussi une main-d'oeuvre hautement qualifiée et peu coûteuse,—car, jusqu'aux années 80, l'économie irlandaise était plutôt déprimée—et sa population, jeune et compétente, était prête à travailler.

M. Scott Brison: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais je tenais à souligner quelques points communs entre votre description d'un pays et ma description d'une région du Canada. Vous parlez d'une dépendance à l'égard des transferts—un élément commun—et d'une main-d'oeuvre fortement scolarisée. Halifax est actuellement la ville canadienne qui s'illustre le plus au chapitre de l'éducation postsecondaire, de sorte qu'on y trouve une main-d'oeuvre forte et instruite. Vous mentionnez aussi la qualité de vie... Et sans vouloir promouvoir cet aspect à titre d'avantage, c'en est vraiment un. Du point de vue du coût de la vie et de son rapport avec les salaires, les avantages sont énormes. Puisque la distance n'est plus un facteur déterminant au chapitre du coût des télécommunications, j'estime que le Canada atlantique est très comparable à l'Irlande d'il y a quelques années. Je crois simplement que cette question doit être examinée plus en profondeur.

Je crois que les organismes de développement régionaux, pour une foule de raisons, n'arrivent pas vraiment à stimuler les activités de la nouvelle économie aux niveaux où ils devraient. L'enfer est pavé de bonnes intentions, et je suis certain que la stratégie se fondait sur de bonnes intentions. À titre de Canadien de la région atlantique, je crois tout simplement que nous devrions passer à autre chose.

Le président: Est-ce une question?

M. Scott Brison: Non, ce n'est qu'un commentaire qui s'ajoute à la discussion.

M. Ross MacLeod: Je pourrais peut-être ajouter quelques commentaires de clôture à cela.

M. Scott Brison: Je ne fais que commencer, monsieur le président.

Le président: Oui, ça peut prendre du temps.

Allez-y.

M. Ross MacLeod: Sur le plan économique, il est probablement plus approprié de percevoir l'Irlande non pas comme un pays indépendant, mais bien comme une région de l'Europe. Le pays a adopté la monnaie commune. Il a fondu une partie de sa politique étrangère dans celle de l'Union européenne et ainsi de suite. Il a joint les rangs d'un marché commun. C'est probablement un exemple approprié.

Pour ce qui est des politiques gouvernementales, je crois qu'il est important de veiller à ce que chacun fasse ce qu'il lui incombe de faire. Il y a certaines choses que le gouvernement ne peut pas faire, et qui devraient être faites par le secteur privé. Nous ne sommes tout simplement pas équipés pour le faire.

Évidemment, nous pouvons créer des incitatifs—règles relatives à la PI, taux d'imposition, etc.—qui pourraient aider les gens à assurer la croissance d'une entreprise, à prospérer et à mettre des produits innovateurs sur le marché.

Le président: Monsieur Brison, avez-vous d'autres questions?

M. Scott Brison: J'aimerais entendre des commentaires sur les solutions que nous pourrions adopter pour contrer les effets du ralentissement éventuel du marché des capitaux à une étape cruciale du développement du commerce électronique au Canada, de façon à réduire les répercussions. J'aimerais aussi entendre des commentaires sur la possibilité d'un avantage fiscal touchant les gains en capital.

À l'heure actuelle, même si on tient compte du dernier budget, les Canadiens doivent composer avec un désavantage fiscal de 13 p. 100. Une telle mesure procurerait un avantage réel de 20 p. 100 dans un des secteurs d'imposition cruciaux de la nouvelle économie. Il suffit de constater l'ampleur du recours aux options sur actions à titre d'actifs compensatoires: c'est un élément majeur.

Ce n'est qu'une idée du genre de mesures qui pourraient stimuler l'activité pendant la période de ralentissement que nous traversons actuellement.

M. Peter Ferguson: Je crois essentiellement que cette question, qui touche la politique fiscale et d'autres types de politique financière, devrait être posée au ministère des Finances.

M. Scott Brison: Bien sûr, mais vous pouvez me dire comment Industrie Canada percevrait une politique qui proviendrait du ministère des Finances, de toute évidence.

M. Peter Ferguson: Je ne peux pas vous répondre...

M. Scott Brison: D'accord: je devrai peut-être m'en remettre à Michael sur cette question.

M. Peter Ferguson: ...mais mon ministre voudrait peut-être y répondre.

Ce que je peux vous dire, toutefois, à titre d'exemple, en vue de mettre à contribution les discussions tenues hier avec les représentants de Singapour, c'est que l'un des défis—et les représentants de Singapour reconnaissent le problème—est la probabilité de ralentissement, à tout le moins, de la disponibilité du capital. À Singapour, l'une des idées qu'on envisage consiste à convertir la notion de prêt en investissement, dont le traitement fiscal est différent, particulièrement dans le cas des petites et moyennes entreprises.

• 1040

Je ne sais pas si ce type de mesures serait réalisable dans le contexte économique canadien, et j'ignore ce que cela supposerait sous le régime de la Loi sur les banques, mais sur le plan conceptuel, c'est certainement une idée que Singapour examine. On nous a donné à croire que la Malaysia et d'autres économies asiatiques se penchent aussi sur la question.

Le président: Avez-vous d'autres commentaires, Michael?

M. Michael Mailman: Je donnerai un petit exemple à ce sujet, Scott. Je crois que c'est un enjeu important.

Puisque nous tentons activement de promouvoir un fonds de capital-risque et de recueillir 25 millions de dollars, nous croyons qu'une part importante de cette somme devrait provenir du marché américain. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous croyons qu'il s'agit d'une occasion pour des investisseurs avisés, pas de doute là-dessus.

L'un des directeurs généraux de notre fonds est un ancien associé principal chez Kider Peabody, qui, à un moment donné, a investi dans une petite entreprise du nom de Summit Capital Partners. Il s'agit maintenant de la plus grosse entreprise de capital-risque aux États-Unis, avec plus de 200 milliards de dollars d'actifs. Dans le monde du capital-risque, on investit, non pas tant dans l'idée, mais bien plus dans les gens, car ce sont les gens qui trouvent les idées.

Nous avons communiqué avec le partenaire fondateur de Summit pour l'inviter à investir dans notre fonds, à peut-être investir quelques millions de dollars. Nous l'avons invité à venir jouer sur le marché canadien.

Il a ri très longtemps et très fort en raison du taux d'imposition qui serait appliqué à ses gains de capital... Il m'a répondu: «Écoute, Peter, tu m'as prêté de l'argent pour lancer mon entreprise, et je suis devenu multimillionnaire, mais je ne suis pas stupide. Je n'investirai pas dans ce pays».

Fin de la discussion. Il n'avait tout simplement pas l'intention de se faire imposer, imposer et imposer de nouveau.

Je ne suis pas fiscaliste. Hier, j'ai consulté notre fiscaliste afin d'obtenir son point de vue pour voir si l'idée avait du bon, et il m'a répondu que, du point de vue fiscal, c'était une bonne chose à faire.

Malheureusement, alors, je ne peux pas dire comment nous allons procéder, mais en même temps, je crois que c'est un aspect très important. Je crois que la modification des politiques canadiennes en matière d'investissements étrangers est LE facteur le plus crucial. Je ne crois pas que nous devrions les modifier de façon à ce qu'elles ressemblent au traditionnel Programme d'immigration des investisseurs. Je ne crois pas que c'est ce que nous devons faire. Je crois que nous devons nous assurer d'attirer des investisseurs institutionnels avisés.

C'est peut-être tout simplement une question de comparaison entre les gains de capital à court terme et les gains de capital à long terme, comme on le fait aux États-Unis. Le fait de maintenir son investissement pendant plus d'un an permet de réaliser une économie de 16 p. 100.

Les Américains aiment ça. Il suffirait peut-être seulement d'une démarche simple et rapide en une ou deux étapes pour appliquer une telle mesure ici.

Le président: Monsieur Mailman, en tant qu'homme d'affaires, qu'est-ce qui vous attire au Canada?

M. Michael Mailman: Honnêtement, c'est purement et simplement une question de qualité de vie. Je suis un enfant des Maritimes. J'ai introduit une société en bourse à l'âge de 23 ans et je me suis établi à Toronto, mais le rythme de vie était insupportable. Je suis retourné à Halifax, le plus gros centre de la région, afin de me procurer un niveau et une qualité de vie, notamment d'être à l'aise, d'être avec ma famille et d'autres choses du genre.

En vérité, c'est la raison pour laquelle je suis là-bas. Mais en raison du contexte canadien, je dois me démener, me mettre en quatre pour réussir et atteindre le même niveau de richesse que mes partenaires de l'entreprise, ce que j'aimerais faire.

Est-ce que cela signifie que je dois prendre mes affaires et m'en aller? Non, mais je crois qu'il y a effectivement un problème, car en général, tout le monde le fait. Nombre de mes amis se sont rendus aux États-Unis parce que les impôts sont moins voraces. Ils s'y rendent, touchent 250 000 $US et ne paient qu'environ... Vous savez, c'est à ce point-là, et non pas au seuil de 62 500 $, qu'ils finissent par atteindre la fourchette d'imposition supérieure.

Mais je ne ferai pas cela. Je veux essayer d'apporter des changements. C'est pourquoi j'ai décidé de prendre un jour de congé lorsqu'on m'a invité à témoigner. Avant que vous n'arriviez, je me disais que j'espérais réellement contribuer à quelque chose d'important, car le temps que je passe ici ne me rapporte pas d'argent. J'espère que nos discussions entraîneront des changements.

Le président: Comme vous le savez probablement, notre comité mène des consultations étendues auprès des Canadiens. Je sens un peu de frustration, et je vous comprends, mais je peux vous garantir que l'impôt sur les sociétés baissera. Je peux vous le dire maintenant.

M. Michael Mailman: D'accord.

Le président: Et je peux même ajouter que l'impôt sur le revenu baissera davantage.

M. Michael Mailman: Honnêtement, comme l'a déclaré Scott—je me contente d'introduire cet élément dans la discussion, quoique je ne sais pas si cela correspond à votre façon de diriger le processus—, l'impôt des sociétés est l'élément clé. Je crois que l'impôt des sociétés passe avant l'impôt sur le revenu des particuliers. C'est l'élément clé

Vous avez donné l'exemple de cet homme à Sidney... et nous avons parlé de la position avantageuse du Canada par rapport à... Je crois que nous devons repérer des sociétés qui peuvent être LE chef de file dans leur domaine, et de là nous pourrons multiplier les retombées.

Et nous en avons des chefs de file. Nous avons Research In Motion. Nous avons Nortel.

Le président: Mais je tiens à souligner qu'en 1993, comme vous le savez probablement, nous devions composer avec un déficit de 42 milliards de dollars. Nous devions éliminer ce déficit, mettre de l'ordre dans nos finances. Ce que j'essaie de dire, c'est que, même si je comprends les préoccupations...

De fait, je fais partie des personnes qui, parallèlement à notre comité, prônent des réductions d'impôt plus rapides, pour les sociétés et les particuliers.

• 1045

Je veux aussi signaler qu'un vent d'optimisme souffle au pays...

M. Michael Mailman: Je suis tout à fait d'accord.

Le président: En ce qui concerne la croissance économique et la confiance des consommateurs et des entreprises, certaines personnes viennent peut-être tout juste de découvrir des problèmes sur le plan fiscal, mais nous en parlons depuis de nombreuses années.

Pour revenir à ce que disait M. Ferguson, le débat national sur la croissance économique, les gains de productivité et de nombreux autres enjeux doivent s'inscrire dans un cadre réaliste.

M. Michael Mailman: Je ne veux pas être celui qui ne cesse de se plaindre de l'impôt, car honnêtement, ce n'est pas mon objectif. Nous devons payer des impôts. J'aime le fait que je peux me rendre à l'hôpital et obtenir des soins. Je ne veux pas que cela change. J'aime le fait que je peux conduire sur des routes que je considère comme raisonnablement sûres. Je ne veux pas que cela change. Cependant, je crois que nous devons changer la façon dont le gouvernement participe à l'établissement des mandats et à la répartition du capital. Cela occasionnera la naissance de nouvelles occasions et générera plus de richesse.

Je crois que le succès engendre le succès. Vous savez, à Silicon Valley, on trouve un panneau d'affichage le long de la route qui indique le nombre de personnes qui y sont devenues millionnaires. Il affiche vraiment le nombre de millionnaires qui ont été créés à Silicon Valley. Je suis passé devant ce panneau pendant cinq jours consécutifs, et le chiffre a changé chaque jour.

Silicon Valley a fait boule de neige en tirant avantage de chaque occasion, et c'est ce que nous devons faire. Il faut que le gouvernement se retire de la répartition du capital, et qu'on laisse le marché libre évoluer de lui-même, et ensuite, vous pourrez nous imposer et obtenir tout l'argent dont vous avez besoin pour faire ce genre de choses.

Je n'ai donc rien contre le régime fiscal.

Le président: Mais vous dites, cependant, que le gouvernement joue un rôle.

M. Michael Mailman: Oui, le gouvernement joue un rôle. Toutefois, je ne suis pas certain de la nature de ce rôle.

Je ne sais pas si vous avez vu la diapositive—vous êtes arrivés en retard—selon laquelle 66 p. 100 du capital-risque au Canada reçoit de l'appui du gouvernement. Je ne crois pas que c'est le rôle du gouvernement. Aux États-Unis, moins de 1 p. 100 du capital-risque jouit d'un soutien gouvernemental.

M. Scott Brison: J'aimerais seulement ajouter un point: le financement gouvernemental ne marginalise-t-il pas parfois, de fait, l'argent du secteur privé? Par exemple, si votre fonds fait concurrence à des fonds jouissant d'un soutien gouvernemental...

M. Michael Mailman: Il n'y a pas de doute là-dessus.

M. Scott Brison: ...on pourrait avoir tendance à choisir la source d'argent la moins coûteuse.

M. Michael Mailman: Eh bien, pourquoi un entrepreneur du Canada atlantique—et ce n'est là qu'un seul exemple—choisirait-il de renoncer à 20 p. 100 de son entreprise pour un investissement de 1 million de dollars qui s'assortit d'une gestion expérimentée et qui ouvre la porte à un prêt de 1 million de dollars sans intérêt s'il dispose de dix ans pour rembourser la somme et n'a pas besoin de céder ces capitaux?

M. Scott Brison: De plus, les gestionnaires expérimentés auxquels vous faites référence peuvent jouir d'un bon dossier et de bonnes relations avec les banques d'investissement...

M. Michael Mailman: Absolument.

M. Scott Brison: ...qui peuvent faciliter...

M. Michael Mailman: La prochaine étape ou la suivante...

M. Scott Brison: Lorsqu'elles envisagent les antécédents et d'autres facteurs du genre, j'imagine que des sociétés comme Goldman Sachs, Yorkton Securities ou Dominion Securities préfèrent que le capital de début de croissance provienne d'une entreprise du secteur privé, au lieu de l'APECA.

M. Michael Mailman: Nombre des entreprises et des banques avec lesquelles nous faisons affaire refusent de s'associer à des entreprises qui touchent du financement gouvernemental.

M. Scott Brison: Je crois comprendre qu'il y a une différence considérable entre les méthodes des banques d'investissement américaines et celles des banques d'investissement canadiennes, que le modèle d'entreprises comme Goldman Sachs ou Bear Stearns qui assure une participation active dès le début, n'est pas répandu au Canada, et que, de fait, les banques d'investissement canadiennes sont très prudentes à l'égard de la nouvelle économie.

L'idée d'Industrie Canada a peut-être du bon, et celle de Michael aussi. J'aimerais entendre vos commentaires quant à l'étendue des répercussions que pourraient avoir ce climat et cette structure ultra-prudente des banques d'investissement sur la compétitivité de la nouvelle économie canadienne.

M. Ross MacLeod: Je pourrais peut-être commenter cette question.

Tout récemment, j'ai rencontré Bradford DeLong, de Berkeley. Il s'agit d'un expert sur le développement de Silicon Valley. Il m'a précisé, entre autres, que les sociétés de capital-risque de cette région s'attendent à ce qu'un requérant ait échoué quatre ou cinq fois déjà. Elles perçoivent ces échecs comme une expérience d'apprentissage au lieu de punir le requérant.

C'est une observation très intéressante. Leur point de vue se résume comme suit: «Ces entreprises ont échoué, mais cet homme a de bonnes idées et beaucoup d'énergie, et nous l'appuierons».

Incidemment, j'ai entendu dire que cela ne correspond pas exactement à notre façon de faire ici.

Le président: Monsieur Green.

M. Martin Green: L'automne dernier, à Boston, j'ai assisté à une conférence accueillant surtout des entrepreneurs oeuvrant dans des domaines de pointe. Maintenant, ce n'est pas chose certaine, mais je crois que j'étais le seul fonctionnaire dans la pièce; lorsqu'on disait cela à quelqu'un, on nous regardait d'un air perplexe.

• 1050

La joie débridée que procure l'entrepreneuriat aux États-Unis est très différente de ce que l'on trouve ici. Ces gens se levaient, l'un après l'autre, pour raconter leurs échecs. Par exemple: j'ai perdu mon entreprise l'an dernier, mais je suis revenu à l'assaut, j'ai fait ceci ou cela. C'était absolument incroyable.

Un certain nombre de personnes oeuvrant dans le domaine du capital-risque m'ont épaté par leur dynamisme. Si une jeune entreprise ouvre ses portes au Minnesota ou ailleurs, leur équipe s'y rend par avion le lendemain. Ils analyseront la direction de l'entreprise, et s'ils sont prêts à bouger, en moins de quarante-huit heures, ils investiront.

C'est frappant. Je suppose que cela tient partiellement aux économies d'échelle et autres avantages, mais la différence est frappante.

M. Michael Mailman: Encore une courte intervention. Je ne crois pas que nous devions nous comparer avec les États-Unis en ce qui concerne les économies d'échelle. Je crois que c'est une question de mentalité.

Nous avons assorti notre fonds, le marketing de notre fonds, d'une méthodologie d'investissement prévoyant que l'on présentera une offre de souscription à l'entrepreneur dans les dix jours. Habituellement, les fonds de capital-risque, surtout ceux qui jouissent d'un soutien gouvernemental, mettent de deux à trois mois avant de présenter une offre de souscription qui dit: «D'accord, nous investirons tel montant dans cette entreprise.»

Fast Lane Technologies, filiale de Newbridge, en est un bon exemple. Ce fonds a recueilli bien au-delà de 55 millions de dollars de capital-risque, dont seulement 2 millions au Canada atlantique; le délai n'était pas assez long pour permettre qu'on investisse davantage. Et maintenant que les 2 millions sont placés, on arrête les investissements, car le gouvernement, qui possède 51 p. 100 du fonds, a déterminé que les investissements s'arrêteront là.

Donc, ce qui sera probablement une des plus grandes réussites du pays, avec une capitalisation boursière de 500 à 600 millions de dollars lorsque la société sera inscrite en bourse, n'aura vraiment pas bénéficié d'une grande participation canadienne.

Encore, je raconte probablement plus d'anecdotes que je ne donne d'information... Mais il s'agit de bonnes anecdotes, et il est important de les comprendre. C'est la réalité. Ça existe. Cela tient davantage à la mentalité qu'aux économies d'échelle.

Le président: Monsieur Ferguson.

M. Peter Ferguson: Je voudrais seulement formuler une observation sur des points communs. Nombre des exemples que nous donne Michael concernent l'industrie de pointe ou des domaines connexes. Certaines des grandes sociétés d'experts-conseils nord-américaines qui s'intéressent au démarrage d'entreprises de commerce électronique nous ont laissé savoir que, sur le marché de la petite entreprise, généralement à l'extérieur des domaines de pointe, du commerce de détail, etc., le Canada et les États-Unis éprouvent les mêmes problèmes, et les États-Unis ne sont pas en tête. Les petites entreprises américaines se démènent dans ce nouvel environnement. Nous devons tous chercher à pousser, à comprendre, à sensibiliser.

Je tiens à mentionner particulièrement le défi qui consiste à présenter de nouveaux modèles d'entreprises à ces gens, qui, en général, au chapitre de l'entrepreneuriat, ne sont pas capables de repérer et de comprendre à la fois les modèles d'entreprises qui sont appropriés et les technologies qui les accompagnent. C'est un défi qui doit être relevé des deux côtés de la frontière.

Il y a donc des exemples inspirants dans le domaine des technologies de l'information et des petites entreprises aux États-Unis, mais, en ce qui concerne la petite entreprise, nous partageons des problèmes.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Vous savez, la conclusion qui semble s'imposer, c'est que le gouvernement est le problème, qu'il fait obstacle au lieu de faire partie de la solution.

Depuis plusieurs années, le comité entend constamment parler de productivité, du retard que nous accusons à ce chapitre. On nous le répète sans cesse. Puisqu'il n'y a pas vraiment de secret technologique dans le G-7 et au Canada—nous avons l'infrastructure, nous avons une main-d'oeuvre qualifiée, nous avons tous les éléments—il y a lieu de se demander ce qui cloche. C'est certainement le cadre fiscal et réglementaire du gouvernement.

On nous a dit aujourd'hui que le problème est non pas entre nos mains, mais bien dans notre tête, et qu'au bout du compte le problème tient au gouvernement. C'est ce que j'ai cru comprendre.

C'est pourquoi nous faisons appel à votre aide aujourd'hui. Nous payons un prix élevé pour obtenir vos conseils, mais nous devons recevoir des conseils sensés, forts et clairs, entendre non pas ce que vous supposez que nous voulons entendre, mais bien ce que vous savez. Vous devez décrire clairement des solutions. Cela s'inscrit dans ce que nous disions aujourd'hui sur les mentalités.

J'aimerais seulement vous citer un article du journal d'aujourd'hui sur cette question de mentalité. À la page A17, on parle du fait que, même si la notion de complexe de commerce électronique est douteuse, le gouvernement québécois a, tout comme le gouvernement fédéral, annoncé cette semaine son plus récent mégaprojet, un complexe de commerce électronique de 700 millions de dollars au centre-ville de Montréal. On compte offrir 1,5 milliard de dollars d'incitatifs fiscaux dans l'espoir d'attirer 20 000 emplois au site. Mais les pontes de la presse ne voient pas l'idée d'un bon oeil. Et pourquoi?

Voici ce qu'on lit dans un éditorial de la Gazette de Montréal:

    Le Québec a toujours été prodigue en ce qui concerne les subventions aux entreprises, mais, maintenant, ils se surpasse.

    Le rôle du gouvernement devrait consister non pas à choisir des gagnants et des perdants, mais bien à créer des conditions équitables et concurrentielles pour tous. Au lieu de dépenser des milliards de dollars de subventions sélectives aux entreprises, le Québec devrait réduire les impôts pour tout le monde.

Et le reste de l'article poursuit dans la même veine.

• 1055

M. Brison avait tout à fait raison, lorsqu'il a décrit une partie de l'histoire du Canada atlantique, de mentionner que si les mesures gouvernementales sélectives apportées au Canada atlantique au fil des décennies devaient donner quelque chose, cette région serait l'endroit le plus riche du monde. Mais ce n'est pas le cas, en grande partie, en raison du comportement du gouvernement.

Vous, qui témoignez devant nous aujourd'hui, connaissez les réponses, mais j'ai l'impression que vous ne voulez pas les révéler. Je crois que vous pourriez nous fournir, à la lumière de votre expérience à Industrie Canada, une liste très courte et pointue de mesures prioritaires que le gouvernement devrait prendre très rapidement, peut-être même dans le cadre d'un mini-budget pour l'automne, simplement pour changer les règles et nos mentalités, car nous avons tout ce qu'il faut pour réussir.

J'aimerais vous entendre dire quelque chose de fort. Sortez des sentiers battus et offrez-nous de bons conseils fondés sur ce que vous savez.

Le président: Nous ne devons pas perdre de vue que les fonctionnaires du gouvernement ont un certain rôle à jouer...

M. Paul Forseth: Je comprends, bien sûr.

Le président: ...et je crois que nous devons respecter cela aussi.

M. Paul Forseth: Oui.

Le président: Monsieur Green.

M. Martin Green: J'aimerais être à la place de Michael aujourd'hui, et pouvoir m'exprimer devant le comité, et nous serions ravis de répondre aux commentaires de M. Brison et des autres témoins. Je suis certain que nous avons, tous les cinq, des opinions très, très fortes sur les questions soulevées. Au risque de dire une sottise, nous sommes des fonctionnaires, nous évoluons au sein d'un système où nous prodiguons nos conseils à l'interne, dans le contexte du gouvernement.

Il est certain qu'Industrie Canada se penche sur toutes ces questions—la réforme fiscale, la productivité, l'innovation, le débat sur les compétences. Les organismes régionaux font partie d'Industrie Canada, et nous envisageons une foule de nouvelles formules pour le fonctionnement de ces organismes au cours des prochaines années. Nous émettons des opinions plutôt fortes, mais nous le faisons au sein du régime parlementaire établi.

Comme je l'ai déjà dit, nous cernons les enjeux. Ce ne sont pas des non-réponses que nous vous offrons aujourd'hui; essentiellement, nous jouons notre rôle à titre de fonctionnaires du gouvernement.

M. Paul Forseth: Je tiens seulement à ajouter que notre comité est indépendant. Il suffit de regarder certains des rapports antérieurs du comité pour constater qu'il a produit une foule de rapports fantastiques. Les recommandations sont assez bonnes, je crois, assez claires, et pourtant, il semble y avoir un écart entre le moment où le comité se rassemble et rédige son rapport et celui où on présente le budget; au bout du compte, certains éléments ne se concrétisent pas. On met en oeuvre peut-être 25 p. 100 des mesures, au lieu de les appliquer toutes.

Je crois qu'il est clair que, lorsqu'on est ici, il faut donner...

Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]... privilèges peut faire bien mieux que ça.

Des voix: Oh, oh!

M. Paul Forseth: Eh bien, j'espère seulement que vous pouvez être un peu plus disposé à prodiguer des conseils... Vous savez, il y aurait peut-être raison de se poser une question fondamentale, à savoir si Industrie Canada n'est pas trop gros. Le ministère est peut-être trop gros.

Le président: Monsieur Mailman.

M. Michael Mailman: Je ne sais pas si, dans le contexte des consultations, je peux vous poser une question.

Non, je ne croyais pas.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael Mailman: En réalité, quand je me suis engagé à participer aux consultations, je croyais qu'un certain nombre de personnes du secteur privé y participeraient. C'est ce qu'on anticipait, je crois.

M. Paul Forseth: Et nous en avons.

M. Scott Brison: Un certain nombre de personnes ont été invitées.

M. Michael Mailman: Mais ce que je dis, c'est que ces personnes n'accordaient pas assez de valeur au processus pour y participer, de toute évidence, et je ne sais pas pourquoi.

M. Scott Brison: Eh bien, ils sont ailleurs, en train de faire de l'argent.

Le président: J'ignore quelles sont leurs raisons, mais je suis heureux que vous soyez ici. Vous présentez votre point de vue, et c'est ça qui est important.

Allez-y

M. Ross MacLeod: Je pourrais peut-être fournir une réponse un peu plus étoffée à M. Forseth.

Nous sommes dans une position difficile pour ce qui est d'offrir des conseils ou de parler des politiques, ce qui est le rôle du ministre, mais nous avons décrit la structure de cette nouvelle économie.

Sans aller trop loin sur le sujet des politiques, voici quelques points essentiels que nous devrions soulever. Premièrement, il y a les incitatifs. S'il n'y a pas d'incitatifs dans votre économie, il ne se produira rien, et les gens iront ailleurs ou feront autre chose. Je crois que c'est plutôt clair. Vous pouvez définir les incitatifs comme vous voulez. Cela touche quelques enjeux, comme les taxes et les impôts et le cadre régissant la PI.

• 1100

Dans le domaine de la biotechnologie, par exemple, la propriété intellectuelle est un enjeu crucial. Si votre investissement dans un projet de recherche particulier ne peut procurer une récompense, vous n'allez pas faire cet investissement. Vous allez investir ailleurs.

Il faut effectuer les bons investissements dans les gens. Je crois que c'est un grand rôle du gouvernement—par exemple, de veiller à ce que les bonnes personnes se trouvent au bon endroit, au bon moment, avec les bonnes compétences. Nous avons besoin de marchés financiers qui fonctionnent, de procurer du capital aux personnes qui ont des idées, et de sociétés offrant de bons produits. Je crois que le marché canadien des capitaux est plutôt lent à cet égard.

Deuxièmement, il faut des gens qui investissent au bon endroit au bon moment, et l'industrie doit jouir d'une souplesse accrue afin de tirer avantage de ces nouvelles occasions. Dans le secteur des TIC, la rapidité de l'évolution des États-Unis par rapport à celle du Canada est frappante.

Et, Mike, vos tableaux se sont révélés très utiles à cet égard.

Mais nous n'y arrivons tout simplement pas. Je ne suis pas certain que le gouvernement a un rôle à jouer à ce chapitre, mais nous pouvons, d'après moi, jouer un rôle assez évident à l'égard des autres éléments que j'ai décrits.

Le président: Je crois qu'il est assez clair que notre gouvernement dispose de certains leviers, mais que d'autres doivent encore être améliorés.

J'aimerais vous demander de commenter, si vous voulez bien, le portrait que Michael Porter a brossé des dix dernières années, particulièrement en ce qui concerne aussi le secteur privé. Ce n'était pas seulement le gouvernement qui devait changer. Il a consacré pas mal de temps au rôle du secteur privé et à la façon dont ce rôle devrait changer.

M. Ross MacLeod: M. Martin, de l'Université de Toronto, travaille beaucoup sur le rôle du leadership privé au chapitre de la croissance économique. Je crois qu'il estime—et je crois que M. Porter sera d'accord avec lui, car leurs travaux respectifs sont plutôt liés—, que le secteur privé doit assurer ce leadership. Il faut se lancer dans les nouvelles technologies et prendre ces risques. Si la culture organisationnelle de votre société est marquée par la réticence face aux nouvelles occasions, vous les perdrez.

Nous avons mentionné plus tôt que la rapidité est un facteur important. C'est vrai. Si vous n'êtes pas là, l'occasion vous glisse entre les mains, et quelqu'un d'autre en profite.

Le président: Lorsque nous faisons référence aux Américains et à l'économie américaine, nous nous attachons toujours à leurs réussites, mais il ne faut pas perdre de vue qu'ils sont aussi beaucoup plus tolérants face à l'échec.

Monsieur Gallaway, et ensuite madame Guarnieri.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci.

J'ai appris beaucoup de choses ce matin, mais ce qui m'a le plus fasciné, c'est l'idée selon laquelle la Nouvelle-Écosse fait partie de la dérive continentale de l'Irlande.

En tout cas, je veux donner suite aux commentaires de M. Forseth, car je crois que cela renvoie à un facteur sous-jacent. J'ai bien aimé les déclarations de M. Mailman. J'ai l'impression que les gens d'Industrie Canada—et j'ai récemment eu affaire à des gens du ministère tout récemment—savent certainement ce qui se passe sur le terrain, dans des régions spécifiques. Je proviens de ce que j'appelle le «Grand Sud» de l'Ontario, qui n'est pas visé par un organisme comme l'APECA. Industrie Canada fait sa propre affaire.

Cela dit, j'entends des commentaires selon lesquels on ne peut commenter telle question, parce qu'elle relève du ministère des Finances ou de la Santé. C'est à l'intérieur du gouvernement.

J'aimerais donc savoir quel type de groupe de travail interministériel—je crois que c'est le terme utilisé—se charge de l'élaboration des politiques. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de bonnes idées et de personnes très intelligentes qui travaillent au gouvernement et qui peuvent générer des politiques et des idées, mais, si cela occasionne des conflits avec des personnes d'autres ministères où les compétences chevauchent celles de votre ministère, vous devez tenter de partager vos connaissances avec ces personnes.

Je crois que la lenteur du gouvernement énerve la plupart des Canadiens.

Voulez-vous commenter?

M. Peter Ferguson: Vous soulevez un point valide en ce qui concerne le fonctionnement du gouvernement et sur sa capacité de faciliter la coopération.

À titre d'exemple, je vous renvoie à l'exercice entrepris en 1993, sur l'autoroute de l'information, et au fait que le conseil avait formulé des recommandations au gouvernement et essentiellement demandé une réponse. Cela exigeait la création d'un processus très officiel. Au bout du compte, nous avons engagé sept ministères, sept ministres et nous avons présenté un mémoire au Cabinet portant sept signatures.

Le processus s'est révélé utile, car il a poussé le gouvernement à réagir et a favorisé une coopération permanente notamment à l'égard du commerce électronique et de l'élaboration d'une politique dans ce domaine. Jusqu'à maintenant, la structure de la coopération interministérielle a été moins officielle, ayant lieu davantage au niveau du directeur des opérations, et à l'occasion, du directeur général. J'essaie seulement de montrer que cette coopération est constante, même si elle n'est pas toujours visible.

• 1105

Donc, si je reviens à la période qui s'étendait de novembre 1997 jusqu'à l'initiative de l'OCDE sur le commerce électronique, qui s'est tenue à Ottawa, toutes les activités visant à déterminer la position du Canada était de nature interministérielle. Et ce travail se poursuit.

M. Roger Gallaway: Maintenant, monsieur Green, vous avez parlé, dans le cadre de votre exposé, de l'écoefficacité du point de vue de l'entreprise. On pourrait supposer que, lorsqu'il s'agit d'une entreprise plutôt petite, l'écoefficacité favorise la compétitivité. Et pourtant, chaque jour, je reste perplexe devant les lois ou les politiques environnementales qu'on propose, qui s'opposent directement à celles qu'on adopte aux États-Unis. Une entreprise pourrait devenir le modèle même de l'écoefficacité et faire concurrence sur un marché nord-américain, et le gouvernement peut tout simplement éliminer tout avantage concurrentiel éventuel en raison d'un règlement quelconque.

Maintenant, je sais que cela échappe à votre contrôle, mais laissez-moi vous poser la question suivante, car, je suppose qu'à Industrie Canada, vous entretenez certains liens avec le ministère de l'Environnement. Vous dites que la conformité volontaire est la meilleure solution. Laissez-moi vous donner un exemple.

Il y a environ un an et demi ou deux ans, l'industrie du raffinage de l'essence diesel créait un régime de conformité volontaire sur la réduction des émissions de soufre. Les sociétés de l'industrie ont atteint les cibles visées, et tout a bien fonctionné. Par contre, cela dit, nous sommes dotés d'un régime d'objectifs relatifs à la réduction des émissions de soufre liées à l'essence qui... Vous savez, on a beau adopter toutes les lois qu'on veut, et les cabinets ont beau adopter des règlements, l'industrie n'est pas en mesure de les respecter. Alors, nous sommes confrontés à un désavantage concurrentiel en ce qui concerne le coût de l'essence, dont 60 p. 100 influent sur le coût des marchandises.

Quels sont les pouvoirs d'Industrie Canada en ce qui concerne ces lois qui, apparemment,—et elles peuvent être fondées sur des faits scientifiques—proviennent du ministère de l'Environnement? Avez-vous un mot à dire dans tout cela?

M. Martin Green: Oh, nous avons certainement joué un rôle à l'égard de toutes ces questions, en faisant valoir les intérêts de l'industrie. Je crois que vous avez probablement eu vent de quelques débats qui ont eu lieu au cours des dernières années, concernant, par exemple, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ou la LCPE, qui, comme vous le savez, a été plutôt contestée lorsqu'elle a été promulguée. Le ministère de l'Industrie a joué un rôle très fort sur cette question, surtout en ce qui concerne la compétitivité de l'industrie.

De plus, lorsqu'on envisage ces choses en fonction de nos règlements environnementaux, on s'embarque dans ce qui est probablement le débat public le plus polarisé, avec, d'une part, les environnementalistes qui font valoir que la réglementation est à peine adéquate et qui fournissent parfois pas mal de preuves que nos écosystèmes ne se portent pas aussi bien qu'ils le pourraient, et, d'autre part, l'industrie qui joue la carte de la compétitivité. Ces débats mènent à des solutions, qui reflètent probablement la mentalité canadienne, où l'on tente de faire des compromis législatifs et réglementaires.

Par contre, sur la question de l'écoefficacité, Industrie Canada estime d'abord et avant tout que c'est l'occasion parfaite d'engager l'industrie, car l'industrie s'attache surtout à la rentabilité. Avec l'écoefficacité, nous pouvons aborder les entreprises et leur dire: «Si vous envisagez l'écoefficacité à titre d'outil de gestion, vous constaterez que cela influera de façon positive sur votre rentabilité.»

C'est un merveilleux début pour les entreprises, de commencer à mieux comprendre les enjeux et, peut-être, d'obtenir des résultats environnementaux positifs. Notre approche consiste donc à faire avec l'industrie ce qui est faisable dès maintenant.

Quant aux autres sujets que vous avez abordés, comme la réduction des émissions de soufre, nous jouons, en coulisse, un rôle très dynamique au nom de l'industrie.

M. Roger Gallaway: On a soulevé la question de la propriété intellectuelle, qu'on pourrait qualifier de nouvelle économie, et, pourtant, au sein du gouvernement, les compétences touchant la propriété intellectuelle sont réparties entre les ministères de l'Industrie et du Patrimoine. Il y a environ cinq ans que cette situation dure.

• 1110

Je fais référence à certains aspects, comme la radiodiffusion, qui relève de Patrimoine Canada, alors que tous les autres aspects—comme les marques de commerce et ce genre de choses—relèvent d'Industrie Canada.

Je me demandais si vous avez des commentaires quant au fonctionnement de cette répartition.

Mme Jeanne Inch: Je ne peux commenter son fonctionnement, mais à la lumière de mon expérience de la propriété intellectuelle—et je travaille dans ce domaine, surtout en ce qui concerne la gestion de la propriété intellectuelle générée et financée par le gouvernement, par l'entremise des universités—la division est non pas ministérielle, mais bien législative, ce qui renvoie à des documents...

M. Roger Gallaway: Oui, la division est de nature législative.

Mme Jeanne Inch: Il y a certainement des discussions à l'heure actuelle concernant l'évolution de l'économie au chapitre du commerce électronique et de la distribution par Internet, des méthodes de gestion de la propriété intellectuelle et de protection de l'inventeur et du créateur. C'est l'une des répercussions de la nouvelle économie.

M. Roger Gallaway: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Guarnieri.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Laissez-moi tout d'abord commencer par m'excuser: certains d'entre nous ont été indisposés par la pluie de ce matin.

J'aimerais revenir à une question soulevée plus tôt, celle de l'exode des cerveaux. Quelle est l'ampleur de l'exode des cerveaux au pays? Est-ce un problème?

Nous entendons des anecdotes. Les experts nous disent qu'il y a des problèmes. Un certain nombre de témoins qui comparaissent devant le comité laissent entendre qu'il y a des problèmes. Michael Mailman a mentionné quelques exemples. Est-ce que le gouvernement perçoit cette situation comme un problème grave?

M. Ross MacLeod: Nous effectuons actuellement des recherches sur l'exode des cerveaux. Par exemple, les données nous laissent croire que davantage de gens vont travailler aux États-Unis au moyen de visas temporaires, qui ont fait l'objet de négociations avec les Américains dans le cadre de l'ALENA.

Les recherches sont incomplètes. Il y a, bien sûr, beaucoup de renseignements non scientifiques qui mettent en relief ce problème.

Pour ce qui est de la croissance économique, je crois que nous devons d'abord nous demander si nous perdons le genre de personnes qui apporteront de nouvelles idées sur le marché, qui innoveront, qui lanceront des entreprises qui stimuleront l'économie au cours des prochaines décennies. Je ne suis pas certain que nous soyons en mesure de déterminer cela pour l'instant.

Il y a beaucoup de renseignements non scientifiques sur le sujet. Nous savons que des gens tirent avantage de visas temporaires et d'autres mesures. Cependant, nous ne possédons pas suffisamment de preuves pour déterminer si le problème est aussi grave que certains commentateurs le laissent entendre. J'ai peur que si les entrepreneurs dynamiques qui créeront la croissance de demain s'en vont, à ce moment-là, nous aurons un problème. Toutefois, nous n'avons pas vraiment assez de preuves systématiques pour déterminer si c'est le cas.

Mme Albina Guarnieri: Quels sont les obstacles à la collecte d'information pour les recherches? Mon mari travaille dans l'industrie des satellites, et il me dit tous les jours que certains de ses meilleurs éléments lorgnent les États-Unis et sont attirés par les occasions qu'on y offre.

Quels sont les obstacles à la collecte de renseignements? On entend un exemple chaque jour. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi nous éprouvons de la difficulté à recueillir de l'information sur le sujet?

M. Ross MacLeod: Certainement. Je crois que le problème tient en partie au fait qu'il est difficile de déterminer qui est où et quelles sont les méthodes de collecte de données. Nous avons des données, par exemple, sur les visas temporaires. Nous avons aussi des données sur les déclarants. Mais ces données ne permettent pas de conclure que nous perdons effectivement ces chercheurs, que nous perdons ces programmeurs et autres, car nous ne recueillons pas ces données. Nous ne les avons pas à portée de la main.

Nous utilisons les données que nous avons. Certaines données sur les déclarants peuvent nous donner une idée du type de personnes que nous perdons, par exemple, en ce qui concerne la fourchette salariale et autres données du genre, mais c'est à peu près tout ce qu'on peut recueillir à l'heure actuelle.

Mme Albina Guarnieri: Monsieur Ferguson, j'ai l'impression que vous avez quelque chose à dire sur le sujet.

M. Peter Ferguson: Eh bien, oui. Je crois que l'adoption récente du projet de loi C-6 complique le jumelage de certains de ces renseignements très personnels permettant de mieux décrire les personnes qui quittent le pays. Effectivement, nous possédons peut-être de l'information sur un certain nombre de personnes, mais contrairement à ce que peuvent laisser entendre les médias, nous ne recueillons pas d'information permettant de déterminer d'où ils viennent, quelle université ils ont fréquentée et, au bout du compte, qui ils sont.

Mme Albina Guarnieri: Devrions-nous recueillir cette information?

M. Frank Lee: Je tiens seulement à signaler que le gouvernement américain nous divulgue le nombre de visas temporaires accordés par le gouvernement américain à des Canadiens qui s'établissent aux États-Unis. L'Université de la Colombie-Britannique mène actuellement une étude afin de déterminer si ses diplômés titulaires de doctorats et de maîtrises sont partis aux États-Unis et d'évaluer leur rendement sur le marché américain. Cela pourrait nous éclairer sur les enjeux touchant l'exode des cerveaux.

• 1115

Mme Albina Guarnieri: À votre avis, notre incapacité de bien saisir cet enjeu est-il un problème?

M. Ross MacLeod: Oui, le fait de ne pas connaître l'ampleur d'un enjeu stratégique est difficile pour nous.

Mme Albina Guarnieri: Est-ce que cela ne nous empêche pas quelque peu de formuler une politique cohérente... pour régler un problème qui, nous le savons, existe?

M. Ross MacLeod: D'une certaine façon, je crois que la question stratégique qui s'impose, s'il y a effectivement un enjeu, c'est de déterminer quels sont les facteurs qui incitent une personne à partir ou à rester. Nous possédons probablement un peu plus d'information à ce sujet que les États-Unis ou d'autres pays.

Au niveau stratégique, je crois que c'est davantage notre préoccupation: pourquoi rester ici? Offrons-nous les bons incitatifs, et s'agit-il de facteurs sur lesquels le gouvernement peut effectivement jouer pour veiller à ce que des personnes comme Michael restent ici? Pour nous, c'est probablement un enjeu plus important.

Bien sûr, il est certainement difficile de cerner le problème et d'en déterminer la source, et nos recherches n'en sont tout simplement pas là encore.

M. Michael Mailman: Je tiens seulement à ajouter rapidement qu'à mon avis, les vrais leaders, les personnes que nous voulons garder, restent ici. C'est en toute franchise que je dis cela. Nous recevons 60 plans d'affaires par mois. Le gros de ces plans d'affaires provient de personnes qui sont au pays. Les leaders sont ici. Nous croyons que les gens qui procurent presque toute la main-d'oeuvre dans le secteur technologique sont des personnes qui font de la programmation, qui sont encore des éléments clés pour stimuler la nouvelle économie. Ce sont ces gens-là qui s'en vont, mais je crois que les dirigeants restent ici, car ils estiment pouvoir réussir n'importe où.

Je ne crois pas que ce sera vraiment important, que...

Le président: Bien sûr, monsieur Mailman, vous ne voyez pas les plans d'affaires des personnes qui s'en vont.

M. Michael Mailman: De fait, oui, nous voyons les plans de personnes qui s'en vont. Nous recevons encore des dossiers de Boston, de personnes avec lesquelles nous avons tissé des liens au Canada et qui se sont établies à Boston. Vous savez, la finance tient aux relations, et on investit de l'argent dans ces relations, alors cela se produit encore plutôt fréquemment. Nous entretenons des relations stratégiques avec une société de Boston, et elle reçoit des offres de Canadiens.

Le président: Alors, vous voyez des gens partir?

M. Michael Mailman: Nous voyons des gens partir, mais encore une fois, je ne crois pas nécessairement que ce sont les vrais leaders, des personnes qui changeront les choses, qui créeront le prochain Research In Motion ou le prochain Open Text. Je crois que ces personnes-là restent.

Mme Albina Guarnieri: Alors vous ne croyez pas que l'exode dont on entend parler est un problème. Vous croyez que notre perception des gens qui s'en vont tient davantage du mythe que de la réalité.

M. Michael Mailman: Oui. Encore une fois, je souligne que la situation de ma région est probablement différente. Je réside dans la région atlantique du Canada, où les gens restent parce qu'il fait bon y vivre. En toute franchise, je crois que c'est probablement différent ailleurs.

Hier soir, à Toronto, j'ai soupé avec un diplômé de la London School of Economics et titulaire d'un MBA de Harvard qui revient au Canada pour travailler. Il est ici pour une raison. C'est un jeune homme de 27 ans qui est voué à de grandes choses. Il veut rester au Canada.

Mme Albina Guarnieri: Qu'est-ce qui l'a incité à revenir au pays? Lui a-t-on offert quelque chose d'intéressant?

M. Michael Mailman: Oui. De fait, il aurait pu se joindre à une banque d'investissement américaine, mais il a décidé de revenir ici et de travailler pour une banque d'investissement canadienne. Il travaillera peut-être pour une banque d'investissement américaine, mais il le fera au Canada.

Vous savez, je crois que c'est le propre de l'être humain de vouloir rester chez lui. Je le crois vraiment. Malheureusement, je ne peux vous donner une réponse à ce sujet.

Je crois qu'il y a un exode des techniciens, mais j'ai l'impression que les vrais leaders resteront. Et ces personnes attireront les bons techniciens. Les personnes auxquelles nous consentirons du financement se rendront à Boston et se feront si convaincant, que ceux qui sont partis voudront revenir à Halifax et y travailler. Et ça arrive. Ce sont vraiment les leaders qui ont de l'influence.

Mme Albina Guarnieri: Votre optimisme est inspirant, mais...

Je vois que M. Ferguson a quelque chose à ajouter.

M. Peter Ferguson: Je veux seulement placer le débat dans son contexte historique. En feuilletant une biographie de Frederick Banting, rédigée par Michael Bliss, de l'Université de Toronto, je suis tombé sur le chapitre où il fait sa grande découverte, et en 1923, le problème est le même. C'est un nouveau domaine de recherche, et les offres proviennent des États-Unis. Même à l'époque, le gouvernement ontarien et Ottawa cherchaient à trouver des moyens de maintenir un tel niveau de recherche médicale au Canada.

Le problème ne date pas d'hier. Ça va et ça vient, mais, comme l'a souligné Ross, le phénomène est difficile à mesurer.

Mme Albina Guarnieri: Y a-t-il raison de s'inquiéter? Êtes-vous préoccupé par cette situation? Si le problème es cyclique, y a-t-il un problème?

M. Peter Ferguson: Je ne peux parler pour le ministère.

Mme Albina Guarnieri: Et quelle est votre opinion personnelle?

Une voix: Il ne peut pas non plus.

Mme Albina Guarnieri: Je suis d'accord avec M. Forseth; Nous voulons que vous sortiez de votre coquille et que vous vous exprimiez.

M. Peter Ferguson: Me permettez-vous d'ajouter une autre nuance au débat?

Mme Albina Guarnieri: Nous cherchons la vérité ici.

M. Peter Ferguson: C'est une anecdote personnelle. Mes activités touchent l'APEC et l'OCDE. L'une des choses que les représentants du secteur privé américain qui participent au processus—et il s'agit de grandes sociétés américaines—envient au Canada, c'est le niveau très étroit de coopération et de soutien entre le gouvernement et le secteur privé. Dans le contexte américain, davantage axé sur l'entrepreneuriat, on ne peut y arriver, car on se méfie du gouvernement à un point qui, à mon avis, n'existe pas au Canada.

• 1120

Nous jouissons donc de relations qui font l'envie non seulement des États-Unis, mais aussi d'un certain nombre d'économies asiatiques. C'est le genre de contexte qui incite les entreprises à rester ici et qui en attire d'autres. J'ai entendu cela plusieurs fois.

Mme Albina Guarnieri: Merci beaucoup.

Le Canada dispose manifestement de nombreux atouts, et, Michael, je salue votre optimisme à l'égard de notre pays.

Le président: Merci, madame Guarnieri.

J'aimerais revenir à l'exemple de l'Irlande. Si nous sommes capables de nous y mettre et d'améliorer nos conditions et de favoriser l'adoption d'une culture qui favorise les occasions et la réussite, l'exemple irlandais nous montre aussi que l'émigration des États-Unis vers l'Irlande a monté en flèche. Nous pouvons donc récupérer un grand nombre de Canadiens si nous améliorons certains éléments de notre économie.

Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Ross MacLeod: Oui, je crois bien. Je trouve très intéressant que vous fassiez référence au retour des Irlandais en Irlande. M. Walsh, que j'ai mentionné plus tôt, a beaucoup écrit sur le sujet. L'Irlande a fait l'objet d'une exode énorme au cours des années 60, 70 et 80, et la vague d'Irlandais compétents qui sont revenus, bien souvent avec du capital et de l'expérience en affaires, a contribué d'une manière considérable à la relance économique.

Donc, oui, je crois que nous pouvons récupérer des Canadiens et attirer des gens de l'étranger. On m'a récemment demandé de communiquer avec le commissaire du développement économique pour la région de la baie de San Francisco, qui s'était rendu récemment à Ottawa et qui reviendra à la tête d'une mission commerciale visant à mettre en rapport des sociétés américaines et des sociétés canadiennes en vue de tirer avantage d'occasions au pays. Les entreprises de la région de la baie et de la vallée s'aperçoivent qu'elles manquent de main-d'oeuvre. Les coûts sont élevés, les immobilisations coûtent cher, et ainsi de suite. Elles envisagent la possibilité d'étendre leurs activités à Ottawa, en raison de la qualité de vie qu'on y trouve. De nombreux Canadiens possèdent les mêmes compétences, le niveau des salaires est quelque peu différent de ce qu'il est dans la vallée, et il y a d'autres avantages encore. Donc, avec les bonnes conditions, l'exode pourrait s'inverser.

Le président: Essentiellement, vous dites que les Canadiens s'établissent aux États-Unis pour accumuler du capital et reviennent ici? C'est ça?

M. Ross MacLeod: Ce serait fantastique.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison: J'aimerais seulement ajouter rapidement quelques points, monsieur le président.

L'un des problèmes que pose notre régime de taxe de départ, c'est que l'on porte à croire qu'il vaut mieux partir rapidement si on compte faire beaucoup d'argent. Je crois que c'est un facteur.

Michael est unique, car...vous savez, les gens des Maritimes sont très... il est probablement plus tentant de revenir dans les Maritimes que dans toute autre région au pays, peu importent les raisons.

Il y a quelques semaines, Tom Axworthy a pris la parole à l'occasion de la réunion du Conseil canadien des chefs d'entreprise, à Toronto. Il parlait à titre d'ancien professeur à Harvard. Il a dit qu'en quelques années, le pourcentage de ses étudiants canadiens diplômés qui retournaient au Canada s'est écroulé, passant de 100 p. 100 à presque zéro p. 100. La dernière promotion n'avait pas l'intention de rester au Canada. J'ai entendu la même chose de la part d'autres diplômés de Harvard, et c'est, bien sûr, troublant.

Mais il y a une autre chose. Je sais qu'on a soulevé plusieurs fois la question de l'opportunisme, tout comme l'entrepreneuriat inné, plus répandu aux États-Unis qu'au Canada. On a mentionné ce facteur. Nous ne pouvons changer ce facteur spécifiquement, mais nous pouvons nous pencher sur d'autres obstacles.

J'ai une très bonne anecdote, qui pourrait peut-être vous être utile à un moment donné. Dans un vieux restaurant de fruits de mer, à St. Steven, au Nouveau-Brunswick, un client a envie de manger du homard. Lorsqu'il demande du homard au serveur, ce dernier lui demande s'il veut un homard américain ou un homard canadien. Et le client de lui demander: «Qu'est-ce que ça change?»

Le serveur lui explique que les homards américains sont placés dans un vivier couvert, et que les homards canadiens sont placés dans un vivier sans couvercle. Le client lui demande donc pourquoi on recouvre le vivier de homards américains, mais pas l'autre: «Qu'est-ce que ça change?»

Le serveur s'explique: si on ne recouvre pas le vivier contenant les homards américains, les homards sortiront, se traîneront sur le plancher et dérangeront et pinceront les clients, de sorte que c'est très embarrassant. Quant aux homards canadiens, si l'un d'eux tente de sortir du vivier, les autres l'accrocheront et l'empêcheront de sortir.

• 1125

Des voix: Oh, oh!

M. Scott Brison: Je crois que notre perception de la réussite et de l'échec est peut-être un peu différente au Canada, mais même si nous ne pouvons pas nécessairement influencer ces différences culturelles, nous pouvons nous pencher sur la fiscalité, sur la stratégie de développement, ou autre chose.

Je vous remercie de votre participation.

Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Scott Brison: Je crois que notre président s'est fait pincer.

Des voix: Oh, oh!

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.

Le président: C'est tout?

M. Scott Brison: C'est tout.

Le président: C'était votre contribution?

M. Scott Brison: C'est ma dernière histoire de crustacés de la matinée.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Non, j'ai terminé.

Le président: Madame Guarnieri? Monsieur Forseth?

M. Paul Forseth: Nous avons terminé.

Le président: D'accord.

Je tiens à vous remercier tous. Cette séance s'est certainement révélée intéressante.

Il est très difficile, je suppose, de trouver des réponses à certains problèmes clés. Cela dit, je crois que certaines des mesures que nous avons prises et que certains des aspects que nous examinons, à titre de gouvernement, risquent certainement de défavoriser modestement une plus grande croissance.

Même sur la question de l'emploi—j'en parlais justement avec Mme Guarnieri hier—, je découvre qu'il y a une évolution au pays. Avec la baisse du chômage, la question du niveau de vie devient plus importante, et le revenu disponible devient plus important. Les politiques gouvernementales doivent, de fait, refléter cette évolution.

Les défis sont nombreux, et vous les avez signalés clairement. Nous chercherons des solutions, à l'occasion non seulement au cours des présentes tables rondes, mais aussi dans le cadre des consultations budgétaires pour notre prochain rapport au ministre des Finances. Encore une fois, merci.

La séance est levée.