FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 8 novembre 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.
Nous entendrons cet après-midi l'Association canadienne pour l'intégration communautaire, la Société Alzheimer du Canada, la Coalition ontarienne pour de meilleurs services de garde d'enfants et Citizens for Public Justice. Il y a également quelques personnes qui vont comparaître à titre individuel et nous entendrons aussi le Comité consultatif des personnes sans abris et socialement isolées.
Beaucoup d'entre vous ont déjà comparu devant le Comité des finances et vous savez donc comment nous fonctionnons. Vous avez environ cinq minutes pour faire votre exposé. Après quoi, nous pourrons avoir quelques échanges.
Nous allons donc commencer par l'Association canadienne pour l'intégration communautaire. Nous entendrons Cheryl Gulliver qui en est présidente et Connie Laurin-Bowie, directrice, Politiques et programmes. Allez-y.
Mme Cheryl Gulliver (présidente, Association canadienne pour l'intégration communautaire): Merci beaucoup, monsieur le président. Comme vous l'avez dit, je m'appelle Cheryl Gulliver et je viens de Mississauga. C'est toujours un plaisir de voir Paul Szabo, qui s'intéresse aux familles, et Albina de Mississauga, parmi les membres du comité.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): On est prêt à vous donner tout ce que vous voulez.
Mme Cheryl Gulliver: Merci, Paul.
Le président: Voulez-vous encore faire un exposé?
Mme Cheryl Gulliver: Certainement. Je vais vous dire exactement ce que nous souhaitons.
Albina Guarnieri nous a également beaucoup appuyés et connaît très bien les problèmes que nous rencontrons. Nous vous remercions beaucoup de cette invitation et... Mme Bennett n'est pas présente.
Je vais vous parler un peu de ma fille et de moi-même, mais surtout des familles qui ont des enfants handicapés et des problèmes que nous rencontrons. Cela représente des frais additionnels et des tensions connexes; des revenus que l'on ne peut gagner et la difficulté que l'on a à trouver des services de garde d'enfants appropriés.
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J'ai de la chance que ma fille ait maintenant 27 ans et
qu'autrefois l'argent coulait très vite si bien que nous avons été
beaucoup aidés. Nous devons maintenant faire face à une réalité.
Dans notre famille, nous avons choisi que je ne travaille pas à
l'extérieur du domicile parce que Margot devait subir de nombreuses
opérations et avait besoin de beaucoup d'aide. C'est quelque chose
que d'autres parents devraient reconnaître.
Vous avez prolongé le congé parental d'un an après la naissance et nous croyons que les parents devraient avoir quatre semaines de plus au maximum—selon leurs besoins—lorsqu'ils ont un enfant handicapé. Il y a les opérations, les rendez-vous chez le médecin, la recherche de thérapeutes et toutes les autres choses que nous devons faire pour maintenir une vie de famille.
C'est parfois extrêmement difficile lorsque les deux parents travaillent; ils ont toujours le sentiment qu'un incident peut se produire, qu'ils devraient peut-être être ailleurs, c'est un conflit constant entre le travail et les besoins de la famille. Nous avons des compétences qui sont très précieuses sur le marché du travail. Vous devriez en tenir compte. Les parents veulent avoir leur propre identité et contribuer à l'économie du Canada et à la société.
Nous avons trois choses à vous dire. Tout d'abord, nous recommandons de prolonger le congé parental de quatre semaines par an pour les cinq premières années lorsque les familles ont des enfants handicapés. C'est le moment où ces enfants doivent apprendre et se développer. Ces cinq premières années sont extrêmement importantes.
Deuxièmement, dans le contexte de la réforme fiscale à long terme, nous recommandons d'augmenter la déduction pour garde d'enfants des familles qui ont des enfants handicapés en majorant le montant et en reportant la limite d'âge à 18 ans. À l'heure actuelle, on ne peut obtenir de déductions que jusqu'à 12 ans, mais il arrive très souvent que les enfants handicapés et les jeunes adultes aient besoin d'aide jusqu'à 18 ans.
Troisièmement, nous aimerions que l'on réexamine la question des régimes de fiducie et d'épargne pour les familles qui ont des enfants handicapés parce que nous n'avons pas beaucoup de moyens actuellement d'aider nos enfants et de leur laisser de l'argent pour leur faciliter la vie lorsque nous ne serons plus là.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre la Société Alzheimer du Canada, M. Steve Rudin et Dale Goldhawk. Allez-y.
M. Stephen E. Rudin (directeur exécutif, Société Alzheimer du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de participer à ce processus très important. Je suis heureux d'être accompagné de Dale Goldhawk qui est un bénévole de notre société. Il est le président de notre comité des politiques et, surtout, il était autrefois soignant.
Nous représentons aujourd'hui plus de 300 000 Canadiens qui souffrent de la maladie d'Alzheimer ou d'autres formes de démence connexes. Considérant ce chiffre, je parle pour environ 1 000 personnes qui pourraient souffrir de cette maladie dans chacune de vos circonscriptions.
Aussi triste que cela puisse être, je parle pour certains d'entre nous ici qui seront inévitablement frappés par la maladie d'Alzheimer car, si nous ne faisons rien, ce ne sera plus 300 000 mais 750 000 malades que nous aurons dans 25 ans. Les Canadiens qui souffrent de la maladie d'Alzheimer méritent d'être entendus et nous remercions le comité qui essaie de se mettre à l'écoute.
La maladie d'Alzheimer est un gros problème de santé. Nous croyons que le gouvernement fédéral a différentes possibilités de contribuer de façon positive aux solutions qui aideraient et redonneraient espoir à ces malades.
Il est possible de trouver une cure mais il est injuste de le faire sur le dos de ceux qui assurent les soins. Nous devons faire les deux et c'est la raison pour laquelle mes observations portent sur les deux objectifs de notre organisation.
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Le premier est d'aider par des programmes et des services. Le
deuxième est de donner espoir par des recherches qui devraient
permettre de mettre fin à cette maladie pour toujours.
Que peut faire le budget pour ceux qui sont touchés par cette maladie? Nous suggérons trois choses. Tout d'abord, il peut augmenter le crédit d'impôt institué il y a deux ans pour les prestataires de soins. Deuxièmement, il peut suivre la recommandation du Forum national sur la santé et prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les Canadiens aient un programme national de soins à domicile. Troisièmement, il peut veiller à ce que des fonds soient consacrés à la recherche sur l'Alzheimer afin d'aider ceux qui sont actuellement frappés par cette maladie et de donner espoir à ceux qui le seront.
Je crois que ces trois initiatives s'inscrivent bien dans le cadre de travail exposé par le président du Comité des finances.
Dale va vous donner quelques précisions sur ces trois points.
M. Dale Goldhawk (membre du conseil et président, Comité des politiques publiques, Société Alzheimer du Canada): Merci, Stephen. Merci, monsieur le président.
À propos de l'allégement fiscal, le premier de ces points, nous croyons fermement que le gouvernement devrait cibler les prestataires de soins dans ces réductions d'impôt. Il y a énormément de monde qui sont obligés de renoncer à leur revenu, à leur emploi, et à toutes leurs économies pour s'occuper de membres de leur famille qui souffrent de la maladie d'Alzheimer. C'est quelque chose que l'on nous dit tous les jours à la Société Alzheimer et que je constate quotidiennement dans mon travail. En fait, nous avons à l'heure actuelle un cas où une famille a dû donner des centaines de milliers de dollars pour s'occuper d'une personne qui souffre depuis cinq ans de la maladie d'Alzheimer.
Suite au projet de loi d'initiative privée de Paul Szabo il y a deux ans, le gouvernement a pris l'initiative d'un petit allégement fiscal pour aider les prestataires de soins. C'est un bon début mais nous estimons que ce n'est qu'un début. Le gouvernement doit faire davantage. Il doit accroître la déduction d'impôt accordé aux soignants, non pas seulement pour des raisons financières mais également pour des raisons psychologiques.
Encore la semaine dernière, Statistique Canada a rendu publique une étude sur l'incidence des soins sur ceux qui les donnent. Environ 2,1 millions de Canadiens passent de trois à cinq heures par semaine à s'occuper de quelqu'un chez eux. C'est comme ajouter de quatre à sept semaines de travail à un emploi moyen, chaque année. Ce genre de charge de travail accroît le stress et a des répercussions sur le travail et sur la vie de famille.
Statistique Canada a également signalé que si soigner quelqu'un peut être dans un sens enrichissant, cela coûte également cher. Je cite le rapport:
-
Les prestataires de soins qui passent le plus de temps à offrir ces
soins supportent les plus gros fardeaux psychologiques et émotifs
et les plus fortes conséquences personnelles, notamment des
dépenses supplémentaires et une réduction des possibilités
professionnelles.
Accroître le crédit d'impôt pour les prestataires de soins est certainement un investissement utile.
Deuxièmement, un programme national de soins à domicile, qui développerait l'infrastructure sociale du Canada, correspondrait au caractère généreux du Canada. Nous ne négligeons ni nos responsabilités ni nos obligations. Nous occuper de ceux qui souffrent de la maladie d'Alzheimer devrait être une responsabilité nationale qui consolide cette infrastructure sociale.
Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer à cet égard. Par le budget, il peut indiquer l'importance et la priorité qu'il donne aux soins nécessités par ceux qui souffrent de la maladie d'Alzheimer.
Le discours du Trône a confirmé l'engagement du Canada à moderniser notre régime d'assurance médicale avec un investissement de 11,5 milliards de dollars. Cette modernisation devrait inclure un programme national de soins à domicile.
Ce programme est le moyen le plus important et le plus efficace d'améliorer les soins fournis à ceux qui souffrent aujourd'hui de la maladie d'Alzheimer. C'est un moyen tangible de développer l'infrastructure sociale du Canada. Aujourd'hui, la moitié de ceux qui sont touchés par la maladie d'Alzheimer vivent chez eux. Les éléments disparates de programmes de soins à domicile ne pourront suffire à répondre à la demande croissante que cette maladie exercera au cours des prochaines années.
Le gouvernement fédéral devrait mettre à son programme politique l'institution d'un programme national de soins à domicile. Le Forum national sur la santé a recommandé que le gouvernement fédéral donne l'exemple à cet égard. Nous sommes tout à fait favorables à cette recommandation parce que cela servira beaucoup ceux qui sont frappés par la maladie d'Alzheimer, mais également parce que cela montrera encore une fois que le Canada s'occupe de ceux qui sont dans le besoin.
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Nous comprenons évidemment qu'il y a un certain nombre de
considérations constitutionnelles et politiques à ne pas négliger
dans la mise sur pied d'un tel programme. Il est essentiel que tous
les ordres de gouvernement se mettent d'accord sur la répartition
des responsabilités. Nous savons aussi que la vie de ceux qui sont
frappés par cette maladie sera bien facilitée le jour où l'on aura
mis sur pied un programme de soins à domicile qui sera réellement
national et efficace. Cela améliorera du même coup énormément notre
infrastructure sociale.
Productivité: La maladie d'Alzheimer menace le niveau de vie non seulement de ceux qui sont frappés par cette maladie, mais inévitablement aussi de ceux qui s'occupent d'eux. Un nombre important de ces soignants sont des membres de la famille des malades. S'occuper d'eux prend du temps et de l'énergie—temps et énergie qui dans bien des cas auraient pu être consacrés à développer l'économie en exerçant des fonctions professionnelles. Comme je le disais tout à l'heure, d'après Statistique Canada, le prestataire de soins typique y consacre de quatre à sept semaines par an. Si on multiplie ce chiffre par le nombre de prestataires de soins qu'il faudra non seulement pour aider ceux qui souffrent de la maladie d'Alzheimer aujourd'hui, mais le nombre beaucoup plus important de victimes que l'on peut attendre dans la génération du baby-boom, il est facile de calculer l'incidence que cela pourra avoir globalement sur la productivité.
En termes purement économiques, la cure ne peut venir que de la recherche fondamentale. Aussi, il semble justifié du point de vue économique d'investir dans cette recherche. Vous devez lui accorder une plus grande priorité. À cet égard, la recherche biomédicale et psychosociale est essentielle. La recherche biomédicale permettra de découvrir la cause et la cure de la maladie d'Alzheimer. La recherche psychosociale permet d'améliorer les méthodes de diagnostic, de soins et de prestation de services.
Chaque forme de recherche nécessite des budgets accrus. Pour cela, il faut que le gouvernement fédéral donne une plus grande priorité à la recherche sur la maladie d'Alzheimer. La première étape pour trouver une cure serait de trouver les causes de cette maladie. La Société Alzheimer du Canada a joué un rôle moteur dans le financement de certaines recherches préliminaires qui ont permis d'identifier différentes causes possibles, génétiques et protéiques. Cela a donné des résultats. Le Canada est certainement l'un des chefs de file dans le monde en matière de recherche sur la maladie d'Alzheimer. Il nous faut toutefois faire davantage pour continuer sur cette lancée.
Les Instituts canadiens de recherche sur la santé qui seront créés par le projet de loi déposé la semaine dernière par le ministre Rock sont un premier pas très important. Le gouvernement devrait accroître sa participation à ces instituts et veiller ainsi à ce que la maladie d'Alzheimer, sa cure et la façon de soigner ceux qui en sont atteints fassent l'objet d'une recherche appropriée. Le gouvernement a déjà fait preuve de leadership en créant ces instituts. C'est un grand pas en avant, mais il faut faire encore plus. Au sein de ces instituts de recherche financés par le gouvernement fédéral, nous devons nous assurer que la maladie d'Alzheimer—je le dis et le répète—soit une priorité.
En conclusion, le Canada est une nation généreuse. Les Canadiens sont profondément attachés à leurs familles, leurs amis, et leur pays. Parcourant le pays justement, nous avons Steve et moi, pu constater qu'il y a énormément de Canadiens qui sont pris directement ou indirectement par une maladie terrible qui s'appelle la maladie d'Alzheimer. Je peux vous dire personnellement que cette maladie a tué mon père il y a quelques années. Cela a tellement épuisé ma mère qui s'est occupée de lui pendant ses dernières années qu'elle en est morte. J'ai perdu mes deux parents à cause de cette maladie terrible.
Je dirais qu'à titre de députés et de membres du Comité des finances, vous êtes privilégiés de plusieurs façons. Les Canadiens vous ont fait confiance pour les représenter et adopter des lois qui aident à faire de notre pays le meilleur pays du monde et, dans ce contexte, vous avez également la chance de pouvoir apporter des changements qui apporteront du secours et de l'espoir à ceux qui souffrent de la maladie d'Alzheimer.
En augmentant la déduction fiscale accordée aux prestataires de soins, vous pouvez réduire un peu le stress financier et psychologique énorme que supportent ces gens-là. En soutenant des initiatives visant à créer un programme national de soins à domicile, vous pouvez améliorer les soins dont pourront se prévaloir les Canadiens touchés par cette maladie.
Enfin, en appuyant les efforts visant à accroître le niveau de recherche sur la façon de soigner et de traiter ceux qui sont touchés par la maladie d'Alzheimer, vous redonnerez la santé et espoir à ceux qui souffrent aujourd'hui et à tous ceux qui souffriront demain.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci, messieurs Goldhawk et Rudin.
Nous entendrons maintenant, de la Coalition ontarienne pour de meilleurs services de garde d'enfants, Mme Mary-Anne Bédard.
Mme Mary-Anne Bédard (directrice exécutive, Coalition ontarienne pour de meilleurs services de garde d'enfants): Merci beaucoup de cette occasion que vous nous donnez cet après-midi de prendre la parole.
La Coalition ontarienne pour de meilleurs services de garde d'enfants existe depuis 1981. Nous regroupons tout un éventail de gens de tous les milieux et de différentes organisations. Nous sommes également un organisme de sensibilisation du public qui essaie de faire comprendre au grand public et aux décisionnaires l'intérêt que nous avons à insister sur l'éducation des jeunes enfants. Il y a des années que nous défendons les droits des enfants et nous en sommes arrivés à comprendre que ce dont les familles ont besoin pour mieux jouer leur rôle de parent est un mélange judicieux de prestations et de services—autrement dit une approche holistique durant les premières années car, comme nous le savons, l'enfant évolue dans une famille qui évolue elle-même dans une société.
Bien que les parents aient peut-être accès à des congés de maternité payés au cours des premiers mois très précieux de la vie, ils ont souvent beaucoup de mal à essayer d'accéder à des services extrêmement limités, qu'ils retournent travailler ou non. Face à ce dilemme, ils soupèsent les coûts, évaluent les services disponibles et s'inquiètent tout le temps du bien-être de leur enfant.
Cette situation intenable ne change pas pendant cinq ans, tant que l'enfant n'entre pas à l'école. Comme nous le savons maintenant, suite à toutes les recherches qui ont été faites à ce sujet, les premières années sont trop importantes pour être gaspillées. Je suis venue ici aujourd'hui précisément pour vous demander d'investir dans un système complet de services d'aide au développement des jeunes enfants qui inclut des services de garde d'enfants pour tous les enfants canadiens, et ce dans le prochain budget.
Pourquoi nous faut-il un système de services d'aide au développement des jeunes enfants? Parce que nous reconnaissons que quelle que soit la situation des parents, le développement des jeunes enfants est important pour tous les enfants, et que cela les aide à réaliser leur potentiel durant toute leur vie.
C'est bon pour la croissance économique. Ces services permettent aux parents de travailler ou de suivre une formation pour obtenir un emploi. Des services souples, fiables et abordables aident les parents à conserver ces emplois.
Cela permet de réduire la pauvreté chez les enfants. Des services d'aide au développement des jeunes enfants permettent aux parents de participer à la vie active et de gagner les ressources nécessaires pour subvenir aux besoins de leur famille. C'est un investissement dans la population active future parce que des services accessibles et de haute qualité pour les jeunes enfants leur donnent le meilleur départ possible dans la vie pour devenir des travailleurs compétents et qualifiés.
Il est beaucoup plus économique pour les gouvernements d'investir dans ces services de qualité aujourd'hui que de payer plus tard les conséquences de l'absence de tels services.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral n'a rien pour les enfants de zéro à cinq ans. Il n'y pas de directives générales et aucune somme n'est investie dans de tels services. Le gouvernement se lance toutefois dans des négociations sur un programme national visant les enfants avec les provinces qui financent et ont compétence sur ces services. Je crois que si le gouvernement fédéral veut jouer un rôle dans ces négociations et espérer faire adopter des normes nationales, il faut qu'il se donne les moyens financiers de le faire.
Une étude récente de l'Université de Toronto sur les coûts et bénéfices de services de garde d'enfants de qualité a conclu que pour chaque dollar investi dans ces services, la société tire 2 $ de bénéfices en productivité de la main d'oeuvre et en diminution de coûts sociaux. Un dollar pour aider les enfants et un dollar pour aider les parents.
Cela n'est possible que si l'on offre des services de garde d'enfants en même temps que des programmes de développement des jeunes enfants. On ne peut faire l'un sans l'autre et je n'insisterai jamais suffisamment là-dessus.
Nous croyons donc que si l'on adoptait les propositions suivantes dans le prochain budget, on pourrait commencer à espérer obtenir un véritable programme dirigé vers l'enfant—créer un fonds d'infrastructure nationale pour des services de développement des jeunes enfants incluant la garde d'enfants; prolonger d'un an les congés de maternité payés; mettre en oeuvre le troisième volet de la prestation nationale pour enfants et accorder ces prestations aux familles à revenu faible, modeste et moyen, notamment aux assistés sociaux.
Nos propositions s'inscrivent dans les lignes directrices indiquées par le premier ministre concernant la répartition de l'excédent budgétaire, à savoir réduction de la dette, les mesures fiscales et les nouvelles dépenses de programmes car, après des années de disette, il est temps que les familles réclament leur part.
Je conclurais sur cette réflexion: si vous ne savez pas où vous allez, peu importe la voie que vous suivez. Je dirais que nous savons où nous allons et que nous connaissons la voie qu'il nous faut suivre. Faisons donc route ensemble. Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame.
Nous allons maintenant entendre les Citizens for Public Justice, M. Greg Maggetti-deGroot, coordonnateur, Affaires socio- économiques, Gabrielle Mandell, National Social Action Committee et Wahida Valiante, vice-présidente, Canadian Islamic Congress. Allez- y.
M. Greg Maggetti-deGroot (coordonnateur, Affaires socio-économiques, Citizens for Public Justice): Merci, monsieur le président. Nous vous remercions de nous avoir invités. Je préciserai que Gabrielle est coordonnatrice du Comité d'action sociale du Canadian Council for Reform Judaism. Citizens for Public Justice est un organisme national qui regroupe des membres dont l'objectif est la justice dans les affaires publiques canadiennes et nous sommes essentiellement des groupes chrétiens et oecuméniques.
Les trois groupes représentés ici aujourd'hui ont collaboré à la réalisation des trousses que vous avez reçues et qui s'intitulent «Keeping Our Promise to Children: Realizing the Promise of Each Child».
Lorsque le ministre des Finances a fait son exposé sur la situation financière et économique, il a déclaré que le débat sur l'utilisation de l'excédent budgétaire est important et devrait porter sur les grandes valeurs que défend notre pays. Nous insisterons ainsi sur les valeurs sur lesquelles reposent nos recommandations. Dans les notes que vous avez reçues, vous trouverez nos cinq principales recommandations.
Premièrement, s'engager à réduire la fréquence et la gravité de la pauvreté chez les enfants de 50 p. 100 sur cinq ans et à adopter une stratégie nationale visant à éliminer complètement cette pauvreté—et c'est seulement reconfirmer l'engagement pris il y a dix ans, d'essayer d'éliminer la pauvreté chez les enfants au Canada.
Deuxièmement, s'engager à concentrer les avantages des réformes fiscales sur les familles à revenus faibles, modestes et moyens qui ont des enfants, sans oublier les assistés sociaux.
Troisièmement, s'engager à créer un fonds national pour l'éducation et le développement des jeunes enfants et à investir dans des programmes socioculturels qui favorisent la santé et le bien-être de tous les enfants et de leurs familles.
Quatrièmement, s'engager à investir dans la construction de logements abordables afin d'éliminer le problème des sans-logis au Canada.
Cinquièmement, s'engager à créer avec les provinces et les territoires une commission nationale d'enquête sur les stratégies nécessaires pour développer le nombre d'emplois rapportant un salaire suffisant.
Je demanderai maintenant à Wahida de lire certains commentaires.
Mme Wahida Valiante (vice-présidente, Canadian Islamic Congress): Merci. Le Coran a toujours insisté sur la justice et l'équité et en particulier sur la redistribution de la richesse et des revenus entre les pauvres, les orphelins et les assistés sociaux qui n'ont pas les moyens de subvenir à leur éducation, de se loger, de se nourrir et de se soigner.
D'après le Coran, le bien-être socio-économique de l'individu dépend du degré de justice et d'équité qui marque la distribution des revenus et de la richesse. Aussi, pour parvenir à son but ultime qui est de créer une société juste sur les plans social et économique, l'Islam assure la justice sociale en appliquant le principe de l'égalité de tous les individus devant la loi et en offrant des chances égales à tous, sans discrimination.
Toutefois, le Coran maintient que la justice sociale seule ne suffit pas. La justice économique s'impose aussi. Nous croyons donc que les pauvres ont droit à la richesse de la nation et de la collectivité, que la justice sociale ne signifie rien sans justice et équité économiques et que l'élimination des inégalités extrêmes dans le revenu et la richesse personnelle est nécessaire au développement humain. Chaque dollar dépensé par le public pour l'éducation d'un enfant est un dollar investi dans le bien-être social et économique de la société et du pays.
Si les gouvernements continuent à se désintéresser du bien-être des enfants, nous aboutirons à une catastrophe sociale et économique. Les enfants doivent bénéficier d'une sécurité financière pour se développer psychologiquement, émotivement, physiquement et socialement. La famille comme système social joue un rôle très important dans la vie d'un enfant. Elle doit pouvoir s'épanouir et être entretenue économiquement, moralement et spirituellement.
La richesse appartient en fait à Dieu qui l'a seulement confiée à l'humanité. Dans la religion islamique, les pauvres et les nécessiteux ont le droit de partager la richesse de la nation et des collectivités. L'Islam insiste donc sur le fait que le partage de la richesse doit reposer sur l'amour de Dieu et ne pas être considéré comme une faveur que l'on fait aux pauvres. Nous ne vous nourrissons que pour le plaisir d'Allah. Nous ne vous demandons ni récompense ni remerciements.
Nos politiques publiques doivent être guidées par le pragmatisme et par nos valeurs religieuses et sociales. Cela a bien servi nos enfants et notre pays par le passé, dans les périodes difficiles et dans les périodes d'abondance.
Comme conseillère familiale, je puis confirmer qu'il est très difficile pour des parents d'élever leurs enfants sans les ressources financières nécessaires. Il faut des familles en bonne santé et des ressources financières suffisantes pour instruire et élever de futurs citoyens bien équilibrés, moralement et éthiquement, productifs et conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de la société.
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Par conséquent, il nous faut une politique globale qui
s'attaque au problème principal de la pauvreté chez les enfants,
problème à dimensions multiples. Les solutions à court terme,
banques alimentaires, abris, efforts personnels des communautés
religieuses et des particuliers, n'offrent pas et n'offriront pas
la solution désirée à long terme.
Bien que le gouvernement fédéral ait récemment proposé des modifications encourageantes dans les domaines des garderies, des prestations fiscales pour enfants et du congé de maternité, il ne s'agit pas de solutions à long terme et en réalité, seules quelques familles en profiteront. Seront exclues les familles vraiment dans le besoin, y compris les parents qui choisissent de rester au foyer pour élever leurs enfants, les familles de travailleurs à faible revenu, les familles monoparentales, les familles qui ont des enfants aux besoins spéciaux, et les sans-abri, pour n'en nommer que quelques-uns.
Selon la vision islamique du monde, l'humanité est créée à partir d'une âme unique qui regroupe les meilleures qualités humaines, qui sert de vice-roi à Dieu et est dotée de facultés et de ressources suffisantes à l'intérieur de contraintes décrétées par Dieu. Par conséquent, l'État, comme symbole de la vice-royauté de Dieu et représentant du peuple reçoit des droits et des pouvoirs spéciaux en matière d'impôts et de richesses excédentaires de la nation afin d'assurer que personne ne se voit refuser sa juste part, qui répond à des besoins réels.
Le Canadian Islamic Congress a participé à la préparation du document Investissons dans l'avenir des enfants du Canada.
Merci.
M. Greg Maggetti-deGroot: Voici Gabrielle Mandell.
Mme Gabrielle Mandell (porte-parole, Comité national d'action sociale, Citizens for Public Justice): Merci de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant ce comité afin d'y expliquer certaines des valeurs qui définissent notre point de vue sur la politique sociale.
Selon la tradition juive, la recherche de la justice sociale est la responsabilité de chacun, des institutions sociales et des structures gouvernementales que nous mettons en place dans le cadre de la vie communautaire. Aider ceux dans le besoin n'est pas une question de choix, mais une question de justice. Donner volontairement à des organismes qui oeuvrent pour les pauvres et les défavorisés est une décision charitable personnelle, mais dans la tradition juive, ce genre de don fait partie d'un régime plus obligatoire et structuré de dons communautaires.
Le secteur public a un rôle essentiel à jouer dans la promotion de la justice économique et ce par des moyens équitables. Nous prétendons que le bien de la collectivité est la responsabilité de tous ses membres. Les désavantagés et les membres vulnérables de la société doivent être protégés et aidés. Chacun doit contribuer au bien-être de la collectivité selon sa capacité et son habilité. Il faut respecter la dignité humaine et s'en inspirer dans toutes les formes de services et de mesures communautaires. Il faut fournir aux individus les outils nécessaires pour avancer vers l'autonomie.
Voilà qui exprime certains de nos principes fondamentaux. Ils reposent sur la reconnaissance d'une dimension morale à la politique fiscale. Ils représentent également quelques critères de base pour évaluer les initiatives en matière de politiques sociales et pour chercher à répondre aux besoins humains.
Nous sommes ici aujourd'hui parce que comme société, nous avons échoué dans notre tentative de nous acquitter de nos responsabilités et de nos engagements à l'égard des enfants du Canada et de leur familles. Nous ne pouvons pas fermer les yeux pendant qu'un enfant sur cinq au Canada vit dans la pauvreté, pendant que les familles se passent du nécessaire pour assurer le développement sain de la prochaine génération. Nous avons l'obligation de réagir et de le faire d'une façon sensible, qui respecte la dignité humaine et aide à promouvoir le potentiel de développement humain.
Comme les autres groupes confessionnels, les membres du mouvement juif réformé participent à de nombreuses initiatives aux premières lignes de la lutte contre la faim et le manque d'abris—par exemple, collectes d'aliments, projets de logements abordables, abris et repas. Toutefois, nous savons que nous ne pouvons pas préparer l'avenir au moyen de banques alimentaires et d'abris, aussi importants que ces efforts soient, à court terme. Nous nous joignons à un très grand nombre d'autres groupes confessionnels et communautaires afin de réclamer un programme gouvernemental national et coordonné, ou, pour reprendre les paroles du ministre des Finances, M. Martin, il faut un effort national d'envergure pour soulager la pauvreté chez les enfants et améliorer les possibilités d'avenir des enfants canadiens.
Selon la perspective du judaïsme, investir dans les enfants c'est également affirmer sa foi dans l'avenir, c'est dire qu'il est possible d'apporter des changements positifs et que nous ne pouvons pas abandonner l'avenir ou nous laisser aller au désespoir. Lorsque les enfants souffrent, toute la société est menacée. Afin d'assurer un bon départ aux enfants d'aujourd'hui, il faut investir non seulement dans cette génération, mais prévoir le bien-être des générations à venir. Investir, cela signifie plus que de simplement répondre aux besoins de base; cela signifie créer des conditions et prévoir des ressources afin d'aider les familles à atteindre leur potentiel.
Nos politiques sociales canadiennes doivent être le reflet de nos valeurs et visions communes d'une société juste et équitable. Comme Canadiens et comme Juifs, nous croyons que le bien-être social et les services et programmes qui cherchent à assurer ce bien-être constituent un élément essentiel d'une société juste. On évalue l'aspect moral d'une politique sociale et on juge une nation selon la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables, ceux qui sont le plus dans le besoin. Nous espérons que vous prendrez l'initiative en mettant en oeuvre ces valeurs.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre Alexandra Humphrey. Je vous souhaite la bienvenue.
Mme Alexandra Humphrey (témoignage à titre personnel): Bonjour. Honorables députés et collègues témoins, je vous remercie d'avoir rendu possible ma participation ici aujourd'hui.
J'aimerais soulever quelques questions qui ont une incidence sur la vie des familles partout au Canada, ainsi que sur ma vie personnelle. Je vais vous les énumérer: le logement abordable; l'accès universel; des garderies de qualité, à prix abordable; des services de soutien pour les jeunes qui risquent de décrocher; l'accès équitable à l'enseignement postsecondaire; le soutien économique; et une rémunération adéquate et la sécurité d'emploi.
L'enthousiasme récent du gouvernement fédéral dans le domaine de la petite enfance est louable. C'est un pas dans la bonne voie. Toutefois, la capacité des familles d'aujourd'hui de créer un milieu positif et nourricier pour leurs enfants de tout âge est gravement compromise par les réductions et les contraintes financières. Il est temps de faire marche arrière et de promouvoir activement un milieu familial sein. Les personnes et les familles ont besoin de soutien, non pas de réductions qui créent des obstacles.
Il faut que l'on ait accès à des logements qui ne grugent pas la majorité du revenu mensuel. Il faut un système de garderies accessible, réglementé, de qualité et abordable afin de faciliter de bonnes expériences pendant la petite enfance ainsi que pour permettre aux parents de suivre des cours de formation et d'améliorer leurs perspectives d'emploi. Il faut des ressources de soutien pour les enfants de tout âge, y compris des services qui encouragent les jeunes à rester à l'école pour terminer leurs études. Il faut que l'on ait l'occasion d'obtenir une éducation postsecondaire afin d'acquérir des compétences et de préparer une carrière. L'accès devrait être facilité et non pas limité à ceux qui en ont les moyens. Il faut que les gens aient accès à un plus grand nombre de mesures de protection sociale telles que les places de garderie subventionnées, les crédits d'impôt pour enfants et les subventions pour les services de garderie de façon à ne pas avoir à rembourser en fonction de chaque dollar gagné, ni pour chaque programme. Les assistés sociaux ne doivent pas être pénalisés par les programmes de chaque palier de gouvernement.
Enfin, il faut des emplois dans tous les secteurs—des emplois à rémunération décente, à avantages sociaux complets qui ne disparaîtront pas et qui offrent des possibilités pour l'avenir. Je vais vous faire part des recommandations que j'ai à ce sujet.
Le gouvernement fédéral doit donner son soutien financier à des projets de logement et élaborer et mette en oeuvre un programme de «logements abordables pour tous».
Le gouvernement fédéral doit donner suite aux promesses données à nos enfants en formulant une politique nationale sur les services de garde d'enfants de façon à ce que les familles, partout au Canada, aient accès à de tels services qui soient réglementés, abordables et de qualité.
Le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative dans le domaine des services de mesures préventives de façon à encourager et à aider chaque jeune dans la réalisation de ses objectifs éducatifs. Le gouvernement fédéral doit faciliter l'accès à l'enseignement postsecondaire pour tous en offrant des subventions plutôt que de simples prêts et en créant un régime équitable de prêts et de remboursement de prêts.
Il faut que le gouvernement fédéral crée une zone de confort économique et s'assure que les différentes prestations ne sont pas annulées en tout ou en partie par d'autres prestations.
Il faut que le gouvernement fédéral soit en mesure de créer des emplois à rémunération adéquate, à avantages sociaux appropriés et qui offrent un avenir aux citoyens et aux familles du Canada.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Humphrey.
Nous allons maintenant entendre M. Joseph Polito.
M. Joseph Polito (témoignage à titre personnel): Merci. Tout d'abord, monsieur le président, j'aimerais remercier toutes les personnes associées et à votre ministère et au mien, le groupe de M. Allan Rock, surtout Tom Allison, d'avoir facilité ma présence ici aujourd'hui.
Monsieur le président, je suis ici pour proposer deux mesures qui, je l'espère, aideront à donner suite aux demandes tout à fait justifiées qui sont formulées ici aujourd'hui. D'abord, je propose de reproduire le miracle hollandais. Les Hollandais ont un taux de chômage de 3,2 p. 100 et un taux de pauvreté de 3 p. 100, comparé à environ 18 p. 100 aux États-Unis et au Canada.
L'autre mesure proposée est une stratégie fiscale qui aurait une plus grande incidence sur les priorités des Canadiens qu'une réduction d'impôt personnel—priorités dont un grand nombre ont été mentionnées ici. Cette réduction serait un cadeau national du millénaire de notre gouvernement national à tous les travailleurs et employeurs. Elle soulagerait les hôpitaux, les universités, les commissions scolaires et les municipalités à court d'argent. Cette réduction représenterait un changement de paradigme fiscal adopté partout au monde et nous en serions les chefs de file.
• 1400
Première mesure: éliminer les obstacles à la reproduction du
miracle hollandais. Dans sa mise à jour à l'intention du comité,
Paul Martin a tenté de modérer nos attentes en disant: «Personne ne
saurait prédire exactement quand l'économie ralentira, quelle sera
l'ampleur du ralentissement et combien de temps cela durera».
M. Martin a décrit les répercussions dévastatrices des deux dernières crises économiques. Il nous a rappelé qu'à cause de ces deux crises essentiellement, nous versons actuellement 42 milliards de dollars par année en intérêts qui ne peuvent servir: «à réduire les impôts, ni à investir dans l'éducation, l'environnement, les soins de santé ou la lutte contre la pauvreté chez les enfants».
Une autre crise économique dévastatrice, provoquée peut-être par l'an 2000, éliminerait les excédents prévus. Plus grave encore, le déficit grimperait et les paiements d'intérêts annuels passeraient à 52 milliards de dollars par année. Ces effets dévastateurs peuvent être contenus de façon marquée en adoptant la stratégie hollandaise de redistribuer le travail plutôt que le revenu.
En période de crise économique, les Hollandais maintiennent leur faible taux de chômage alors que des centaines de milliers de Canadiens perdent leurs emplois. Les Hollandais évitent l'énorme fardeau budgétaire qu'est le chômage, qui coûte, selon les spécialistes, entre 30 et 90 milliards par année aux contribuables canadiens. En réduisant de façon marquée de tels coûts, les Hollandais ne sont pas obligés de comprimer les dépenses de santé et d'éducation, ni d'augmenter les impôts, comme nous l'avons fait. Les Hollandais ont atteint l'objectif principal de M. Martin: «D'abord, nous devons construire une fondation à la croissance économique en nous fondant sur une saine gestion financière».
Deux rapports du gouvernement fédéral formulent des recommandations qui permettraient de reproduire le miracle hollandais au Canada, le rapport Donner et Réflexion collective sur le milieu de travail en évolution. Pourquoi ces rapports remarquables sont-ils toujours relégués aux oubliettes? Les auteurs de ces rapports nous disent que la structure des charges sociales du Canada empêche la mise en oeuvre des recommandations et la modification des lois normalisatrices de l'emploi aux paliers fédéral et provincial.
La revue d'affaires bien connue Barron's donne la façon d'éliminer l'obstacle que sont les charges sociales. J'aime me considérer comme animateur social, idéaliste, mais on dit la même chose dans le monde des affaires:
-
Éliminer les charges sociales sur les premiers 10 000 $ de
rémunération. Comme cette charge est particulièrement pénible pour
les travailleurs à faible revenu, c'est la charge la plus cruelle,
et en l'éliminant [...] on redonnerait plusieurs centaines de
dollars, par paye, à ceux qui en ont le plus besoin.
Ce résultat répond au premier critère de Paul Martin pour un allégement fiscal: «D'abord, il faut avantager ceux qui en ont le plus besoin—les travailleurs à faible et moyen revenu, surtout les familles avec des enfants».
La part de l'employeur de cette exemption donnerait un incitatif financier à la mise en oeuvre des stratégies formulées dans les deux rapports relégués aux oubliettes. Les employeurs réduiraient leurs dépenses de charges sociales en accordant un travail partagé et des congés, un facteur important dans la réussite hollandaise. Les employeurs réduiraient encore plus leurs coûts en période de marasme en offrant des cours de perfectionnement à leurs employés et en réduisant leurs heures plutôt qu'en les mettant à pied. Il est à noter que lors des deux dernières crises économiques, la pauvreté chez les enfants a grimpé en flèche parce que les jeunes parents ont perdu leurs emplois.
Deuxième mesure: une réduction d'impôt qui réponde au deuxième objectif principal de M. Martin. Nous devons promouvoir la croissance économique et une meilleure qualité de vie en réduisant les impôts. L'économiste bien connu du MIT, Lester Thurow, dans son récent livre sur la croissance économique, Building Wealth, préconise l'élimination des charges sociales. Les groupes du milieu des affaires qui comparaissent devant ce même comité demandent plutôt des réductions d'impôt personnel qui profitent à ceux qui ont réussi. Pourquoi?
Les réductions d'impôt aux États-Unis au début des années 80 n'ont pas empêché les déficits au cours de cette période. La productivité ne s'est pas améliorée pendant les années 80. Les réductions ont été en partie compensées par Bush et Clinton afin de régler le problème de déficit découlant du chômage élevé pendant la crise. En fait, l'essor économique des sept dernières années aux États-Unis a commencé lorsque M. Clinton a augmenté les impôts et Alan Greenspan a réduit les taux d'intérêt.
Une exonération fiscale importante, à l'heure actuelle, servirait d'assise à des réductions d'impôt sur le revenu futures et permanentes et à une croissance économique accélérée tout en répondant à la troisième priorité de M. Martin, une économie plus compétitive et innovatrice. Voici comment.
L'exonération de charges sociales réduirait les coûts de l'emploi, ce qui augmente la compétitivité mondiale. Cela réduirait le chômage, ce qui augmente la dépendance sur les investissements en immobilisations porteurs de gains en productivité. On augmenterait la recherche et le développement grâce aux économies budgétaires du gouvernement fédéral associées à un chômage inférieur. Cela réduirait les taux d'intérêt puisque la Banque du Canada constaterait des prix inférieurs grâce à des coûts inférieurs.
Il nous faut tous noter que le négociateur du libre-échange, un négociateur aguerri, Mickey Kantor, attribue l'essor américain et la productivité accrue à des taux d'intérêt réels très faibles de 1992 à 1995 aux États-Unis, ce qui a augmenté les investissements en capital pour finalement aboutir à une augmentation de la productivité.
L'exonération des charges fiscales répondrait à d'autres priorités canadiennes. Cette exonération améliorerait la santé, l'éducation, les transports, la recherche médicale, le logement, grâce aux économies réalisées par les employeurs. On pourrait ainsi protéger l'environnement, augmenter les investissements en capital, augmenter le recours à des technologies avares de combustible et écologiques. On réduirait ainsi l'exode des cerveaux. L'annexe A révèle que la cause réelle de l'exode des cerveaux, c'est le chômage et non pas les impôts élevés.
Une telle mesure favoriserait de l'unité de la nation, renversant les erreurs du passé avec les collectivités distinctes. Le chômage élevé exacerbe les problèmes des Autochtones et réduit la tolérance des Canadiens français face à la lenteur que prend la reconnaissance de leurs préoccupations distinctes.
Une telle mesure réduirait les taxes de vente. L'exonération des charges fiscales reviendrait à une réduction de la taxe de vente. Les économies réalisées par les employeurs seraient transmises aux contribuables.
• 1405
Enfin, cette mesure compenserait la montée en flèche des frais
de scolarité à laquelle font face les étudiants. À cause de ces
frais de scolarité, les étudiants n'ont pas de revenu imposable et
donc ne bénéficient pas de réductions d'impôt personnel. Ils
bénéficieront d'une exonération de charges sociales.
J'ai deux recommandations à formuler. La première vise la restructuration des charges sociales pour pouvoir appliquer les recommandations du rapport Donner et de l'autre rapport. Vous pouvez le faire en ramenant le taux à 3,07 $ et en vous servant des 6 milliards de dollars ou presque ainsi économisés pour accorder une exonération et en appliquer toute réduction future de ce taux de la même façon—c'est-à-dire en réduisant les charges sociales.
La deuxième recommandation vise à offrir une exonération de charges sociales avant de réduire l'impôt, ce que vous pourrez faire par la suite.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Polito.
Nous accueillons maintenant les représentantes du Advisory Committee on Homelessness and Socially Isolated Persons, représenté par Alison Kemper, coprésidente, et Sharole Gabriel.
Je vous souhaite la bienvenue.
Mme Alison Kemper (coprésidente, Comité consultatif des personnes sans abris et socialement isolées): Bonjour.
Je ne vais pas prétendre que je m'y connais et qu'aucun de vous ne sait ce qu'est être sans abri. Nous savons tous que cela existe partout au pays. Je vois qu'il y a ici des gens de l'Alberta, des gens de la Nouvelle-Écosse et d'ailleurs. Nous savons tous que ce phénomène existe dans toutes les circonscriptions du pays.
À Toronto, en 1995-1996, le conseil municipal a constitué un comité consultatif parce que nous avons constaté à quel point le nombre de sans-abri augmentait tout à coup dans notre ville.
Nos membres—et Sharole Gabriel en est une—incluent des personnes qui sont actuellement sans abri ou qui l'ont été par le passé, des conseils municipaux, des travailleurs de première ligne. Nous nous réunissons tous les mois afin que des personnes qui en ont une expérience directe puissent participer à la prise de décisions à l'échelon municipal.
Depuis 1996, le nombre de sans-abri, à Toronto, augmente de 11,6 p. 100 année. Notre réseau de centres d'accueil—et les gens de Toronto le savent probablement—héberge actuellement 1 716 familles avec enfants, et 408 jeunes et 1 790 adultes célibataires. Les familles avec enfants constituent la clientèle du réseau qui connaît la plus forte croissance.
Ainsi, le message que nous vous exprimons est assez uniforme. Ce sont les familles et les enfants qui sont en voie de devenir les plus vulnérables au Canada.
Les centres d'accueil municipaux fonctionnent à pleine capacité. La ville ouvre un nouveau centre à presque tous les mois. On estime que deux personnes par semaine éprouvent des problèmes de santé parce qu'elles vivent dans la rue.
Pourquoi le phénomène des sans-abri prend-il de l'ampleur? Il n'y a qu'une raison: le logement abordable—nous n'en avons aucun; et la pauvreté—nous en avons trop.
J'exhorte tous les membres du comité, de l'opposition et du gouvernement, à reconnaître que le retrait du leadership et du financement fédéral en matière de logement subventionné, a contribué à l'effondrement de la construction de logements abordables au Canada. En 1992, la dernière année où le gouvernement fédéral a participé au programme de logement, plus de 19 000 unités ont été construites. En 1998, ce nombre avait chuté de 90 p. 100, pour s'établir à 2 000.
Vous devez savoir que les compressions dans le programme de soutien du revenu—et c'était à la une des journaux de Toronto dernièrement—ainsi que la réduction de l'admissibilité et des niveaux de paiement ont appauvri des dizaines de milliers de Torontois. Uniquement à Toronto, on estime que les changements apportés au Régime d'assurance-emploi se sont traduits par une réduction annuelle d'un demi-milliard de dollars dans les prestations versées aux chômeurs.
Le phénomène ne touche pas que Toronto. Les chômeurs dans chaque circonscription de ce pays vont perdre un revenu auquel ils étaient admissibles en vertu de l'assurance-emploi. Ils n'arrivent pas à payer leur loyer. Ils deviennent sans-abri dans vos comtés et ici à Toronto—en fait, ils sont à Toronto; nous sommes à Mississauga.
• 1410
Que faut-il faire pour renverser cette tendance? Nous devons
construire 20 000 unités de logements par année, ce que l'on
faisait en 1992. La Fédération canadienne des municipalités a
beaucoup de renseignements pertinents à ce sujet.
Vous connaissez également le nombre de personnes qui appellent à vos bureaux en proie à la panique parce qu'elles sont sur le point de perdre leur logement. Elles habitent de petits appartements, et consacrent plus de 50 p. 100 de leurs revenus au loyer, et elles sont toutes sur le point de devenir sans-abri. Nous avons besoin de programmes fédéraux qui ciblent ces ménages avant qu'ils ne deviennent qu'un problème de plus dans votre circonscription, avant que le chérif ne frappe à leur porte, avant qu'ils vous appellent pris de panique en vous disant «Je dois quitter ma maison dans les 24 heures. S'il vous plaît, aidez-moi!» Le gouvernement fédéral doit prendre des mesures préventives. Vous pourrez ensuite vous attaquer à d'autres dossiers.
Beaucoup de personnes se sont penchées efficacement sur le rôle du gouvernement fédéral. Le comité consultatif s'est tourné vers deux organismes qui ont publié d'excellents rapports; la Fédération canadienne des municipalités et le Toronto Disaster Relief Committee. Ce dernier a recommandé que 1 p. 100 du budget du Canada soit consacré au logement, et nous vous exhortons à y donner suite. Je crois que ce comité sera ici demain pour vous inciter à le faire.
Nous aimerions que le gouvernement du Canada—et je compte sur l'opposition afin qu'elle exerce des pressions en ce sens—joue un rôle prépondérant en établissant un nouveau programme national de logement, en collaborant avec les provinces et les municipalités afin de construire 20 000 nouvelles unités abordables par année. Nous aimerions que vous convainquiez les différents services responsables de négocier avec les provinces afin de fournir un financement additionnel en vue de créer un programme national de centres d'accueil pour les 833 000 familles qui risquent de perdre leur logement.
Enfin, nous aimerions que vous modifiiez les critères d'admissibilité aux prestations de maladie de l'assurance-emploi jusqu'à ce que les personnes qui ont perdu leur emploi pour des raisons d'ordre médical, puissent faire l'objet d'une évaluation au titre de la pension du Canada. En ce moment, il y a une longue période entre les deux, et le gouvernement fédéral se doit de protéger ce maigre filet de sécurité—de le restaurer.
La raison pour tout cela est très claire, comme l'ont dit les représentants de Citizens for Public Justice, nous sommes un pays qui croit en ce genre de valeurs. Mais par ailleurs, même si vous n'y croyez pas, vous allez réduire tous vos autres investissements si vous pouvez loger ces gens. Cela coûte beaucoup moins cher d'administrer le pays si vous n'avez pas à payer des gens comme moi qui mettent en oeuvre des programmes s'adressant aux sans-abri.
Il en coûte 8 $ à mon organisme pour servir le petit déjeuner et le déjeuner à quelqu'un tous les dimanches. Si les gens avaient des logements et un réfrigérateur, ils compteraient beaucoup moins sur les deniers publics pour se nourrir et se loger, pour essayer de conserver leur santé mentale dans un monde très dur.
Peu importe comment vous vous y prendrez ou pourquoi vous le ferez, il faut le faire, et le comité consultatif de Toronto vous exhorte à le faire dans ce budget.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses, chaque député ayant cinq minutes. Nous allons commencer par M. Epp, suivi de M. McKay, et nous passerons ensuite à MM. Brison et Cullen.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous de vos exposés. J'aime bien quand le président dit que nous allons avoir une période de questions et réponses, car nous en avons une à la Chambre des communes. Je ne sais pas si vous avez remarqué ce qui manque.
Une voix: Nous avons une période de déclarations.
M. Ken Epp: J'aimerais poser quelques questions à plusieurs d'entre vous.
De combien de temps avez-vous dit que je disposais?
Le président: Cinq minutes, mais nous dépassons habituellement le temps alloué, mettons peut-être sept.
M. Ken Epp: Je vais légèrement les dépasser.
• 1415
Je vais m'adresser directement à la Société Alzheimer au sujet
des questions qu'elle a soulevées.
Beaucoup de Canadiens sont atteints d'autres maladies, outre l'Alzheimer. J'ai plusieurs amis qui souffrent prématurément de la maladie de Parkinson. Ils sont nombreux. Je suis donc convaincu que ce que vous avez dit à propos des gens ayant des parents ou amis souffrant de la maladie d'Alzheimer s'appliquerait tout autant à d'autres. Ai-je raison?
M. Stephen Rudin: Oui, monsieur. Je suppose, sans vouloir parler au nom d'autres organisations, que la situation est assez semblable et que les gens qui souffrent d'autres maladies seraient aux prises avec les mêmes problèmes.
M. Ken Epp: Vous m'intriguez lorsque vous affirmez qu'environ la moitié des personnes atteintes d'Alzheimer vivent encore à la maison, sous les soins de leurs conjoints, aussi longtemps que possible. Il s'agit sans doute de la situation la plus répandue.
Vous laissez entendre, et d'autres l'ont également dit, que nous devrions avoir un réseau national de soins à domicile. Croyez- vous qu'il devrait relever du gouvernement provincial, du ministère de la Santé et des différents ministères provinciaux de la Santé, ou croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait lancer un programme à l'échelle du pays qui contournerait en quelque sorte le réseau de la santé?
M. Stephen Rudin: Nous suggérons la création d'un programme national de soins à domicile, mais à l'instar de tous les autres programmes, il serait administré à l'échelle provinciale.
On observe des écarts dans de nombreux programmes au Canada. Il y a d'excellents exemples de programmes actuellement en place, alors qu'on note une absence de programmes dans d'autres provinces ou territoires. Nous réclamons une certaine uniformisation.
En réponse à la première partie de votre question, les chiffres que nous utilisons sont tirés de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada, selon laquelle 50 p. 100 des personnes atteintes de l'Alzheimer vivaient dans leur collectivité, et c'est pourquoi nous estimons important de leur fournir un soutien dans leur foyer suivant une approche universelle et uniforme.
M. Ken Epp: Bien sûr, vous savez peut-être que ma soeur cadette souffre de paralysie cérébrale. Elle a maintenant 55 ans; comme le temps file. Elle n'a jamais parlé ni été en mesure de prendre soin d'elle-même, et c'est pourquoi ma famille et moi-même sommes très heureux de pouvoir compter sur un système de soutien au Canada. Ma soeur est institutionnalisée depuis de nombreuses années. Nous avons estimé que c'était dans son meilleur intérêt.
Je crois évidemment—et peut-être que vous allez être d'accord avec moi, madame Gulliver—que la famille a son mot à dire quant aux soins à apporter. Êtes-vous en faveur du libre choix entre les soins à domicile et les soins en établissement, selon ce qui répond le mieux aux besoins du malade?
M. Stephen Rudin: Il n'y a pas de doute que dans le cas de la maladie d'Alzheimer, et de nombreuses autres affections, il y a des circonstances très personnelles, et nous appuyons la personne atteinte et les prestataires de soins dans leur décision. Dans certains cas, le placement en établissement est préférable, dans d'autres, il vaut mieux que le malade reste à la maison et continue de jouir du soutien familial.
Je crois que Dale aimerait ajouter quelque chose.
M. Dale Goldhawk: La maladie d'Alzheimer est unique en ce sens qu'elle compte plusieurs stades. Bien sûr, comme nous le savons, au cours des premiers stades, le malade peut rester à la maison sous les soins de son conjoint ou de sa conjointe ou d'un autre membre de la famille, mais lorsque la maladie atteint un stade avancé, le malade doit être placé dans un foyer de soins spéciaux et intensifs ou peut-être à l'hôpital. Il s'agit d'une décision des plus personnelles que doit prendre la famille lorsqu'il s'agit de déterminer quand le malade a besoin de soins différents.
• 1420
Plus tôt, j'ai fait allusion à une personne atteinte
d'Alzheimer dont les soins coûtaient des centaines de milliers de
dollars. Une partie de ce problème découle du fait que cette
province ne fournit aucun soin à domicile. C'est pourquoi cette
famille en particulier, qui assiste au dépérissement du soutien de
famille, est obligée d'épuiser son patrimoine familial limité pour
s'occuper de cette personne.
M. Ken Epp: Oui, il s'agit d'un grave problème.
J'ai de la difficulté à voir quel autre rôle le gouvernement fédéral peut jouer à part celui de bailleur de fonds. Lorsqu'on parle d'un réseau national de soins à domicile, je vois en quelque sorte le gouvernement fédéral établir tout un ensemble de règles et règlements, et vous allez donc recevoir de l'argent si vous faites ceci, mais pas si vous faites cela, et ainsi de suite. Je crois qu'il y a vraiment lieu de s'interroger, car non seulement s'agit- il d'un problème individuel pour les familles, mais également pour les gouvernements. Nous traitons les choses différemment, et j'espère que la participation éventuelle du gouvernement fédéral n'entraînera pas toute une pléiade de problèmes administratifs.
M. Dale Goldhawk: Je peux simplement vous dire que de notre point de vue nous aimerions que le gouvernement fédéral participe au dossier, en autant que le réseau fonctionne et que des soins équitables soient fournis d'un bout à l'autre du pays.
M. Ken Epp: Oui, d'accord.
J'aimerais maintenant m'adresser au Citizens for Public Justice. Vos exposés et vos points de vue m'ont vraiment intrigué...
Le président: Excusez-moi. Voulez-vous intervenir brièvement?
Mme Cheryl Gulliver: Oui. Nous aimerions enchaîner brièvement sur ce que vous venez de dire. Je vais laisser Connie commencer.
Mme Connie Laurin-Bowie (directrice, Politiques et programmes, Association canadienne pour l'intégration communautaire): J'aimerais établir une distinction en ce sens que je crois que les questions soulevées par la Société Alzheimer sont également cruciales pour nos membres, comme vous l'avez mentionné, et je crois que les solutions qu'elle propose sont très sensées pour de nombreuses collectivités.
Cependant, j'estime qu'il faut établir une distinction fondamentale entre l'invalidité et la maladie, et dans le cas de la maladie d'Alzheimer, la stratégie proposée par l'Association consiste à prévenir la maladie.
Pour les personnes ayant un handicap, en particulier un handicap intellectuel, je crois que les solutions sont beaucoup plus axées sur la communauté—bien, pas beaucoup plus—et de plus, des décisions sont prises à l'échelle communautaire.
Quant au choix relatif aux établissements, je suppose qu'il y a deux problèmes. Le choix n'en est pas vraiment un pour la plupart de nos membres et leurs familles. Choisir de placer un parent en établissement n'est en fait pas un choix pour la plupart des familles; c'est la seule solution, cela à cause du manque de soutien communautaire dans la plupart des collectivités canadiennes. Les familles n'ont pas le choix.
En tant qu'organisme, nous essayons d'offrir des solutions de rechange, mais des enfants sont encore placés en établissement. Il en est ainsi parce que les familles subissent le genre de pressions dont beaucoup de personnes ont parlé, et elles ne reçoivent aucun soutien dans la communauté, un soutien qui soit dit en passant serait beaucoup moins coûteux.
Mme Cheryl Gulliver: J'aimerais ajouter qu'habituellement les familles veulent assumer leurs responsabilités et obtenir de l'aide ou du soutien au besoin. Elles ne veulent pas avoir à choisir entre l'un ou l'autre, et une bonne partie de notre travail consiste à aider les familles à obtenir le soutien dont elles ont besoin pour conserver leur intégrité.
Ma mère aussi a—et je n'aime pas vraiment utiliser le terme «souffert» de la maladie d'Alzheimer, et fort heureusement nous étions en mesure d'y faire face. Le coût émotif était affreusement lourd, et pourtant nous étions à l'aise financièrement, ma soeur et moi ne travaillant pas à l'extérieur du foyer.
La situation est la même dans le cas des enfants handicapés. Parfois ils doivent déterminer ce qu'ils veulent, en particulier lorsqu'ils atteignent l'âge adulte, et nous devons leur proposer des choix éclairés sur la vie en société. Il faut que les familles vivent dans la dignité et qu'elles cessent de se sentir coupables de ne pas pouvoir être des héros.
M. Ken Epp: Peut-être quelqu'un d'autre veut-il contribuer à la discussion.
M. Stephen Rudin: Il est question ici de continuité. Souvent, une maladie devient un handicap ou un handicap devient une maladie, et alors l'élément de choix n'existe plus. Les chiffres que nous présentons ne sont plus que des statistiques—les larmes ont été essuyées.
Parfois, lorsqu'on rencontre des prestataires de soins, on se rend compte qu'ils ne peuvent plus continuer. C'est un choix qui leur est imposé, lorsque le conjoint du prestataire de soins a un accident cérébrovasculaire, se brise la hanche ou éprouve un autre problème physique du genre. La personne n'a alors d'autre choix que de placer son conjoint en établissement.
• 1425
Ce ne sont donc pas vraiment des questions qui s'excluent
mutuellement, mais qui évoluent, malheureusement, et qui parfois se
détériorent rapidement.
Mme Cheryl Gulliver: À tire d'exemple, mon père a eu un accident cérébrovasculaire il y a quelques années, et il est très vulnérable. Nous nous sommes démenés. Il avait l'habitude de dire qu'il était la voix et que ma mère était ses jambes, et qu'ensemble ils réussissaient à obtenir pratiquement tout ce dont ils avaient besoin, jusqu'à ce qu'elle devienne très vulnérable.
M. Ken Epp: Ce sont des problèmes qui à mon avis méritent toute l'attention des Canadiens. Comme vous l'avez tous dit, dans notre pays, nous nous soucions les uns des autres, et ma famille ayant grandement bénéficié de cet esprit d'entraide, j'y suis très favorable.
J'aimerais m'adresser au groupe Citizens for Public Justice. Je m'intéresse également de près à la question de la pauvreté infantile. J'ai deux petits-enfants qui vivent dans une famille dont le revenu familial est inférieur à 20 000 $ par année, car notre fils poursuit des études. Il a voulu retourner à l'école et ils éprouvent des difficultés financières, et pourtant je n'ai pas l'impression que mes petits-enfants vivent dans la pauvreté, car tous leurs besoins essentiels sont satisfaits. Ils mangent à leur faim, sont vêtus convenablement et ne souffrent pas du froid en hiver.
Pouvez-vous me dire approximativement combien d'enfants au Canada—le nombre réel—ne mangent pas à leur faim et se couchent littéralement le ventre vide. Pour replacer le tout dans son contexte, mon fils, dont je viens de vous parler, a travaillé pendant dix ans au sein d'organismes de secours chrétiens partout dans le monde. Je me souviens qu'il nous a écrit alors qu'il travaillait dans le sud du Soudan, nous disant que 150 enfants par jour mouraient d'inanition, et qu'il était très heureux d'avoir réussi à réduire ce nombre à 60. Puis il a ajouté, entre parenthèses, bien sûr, que selon les normes de Sherwood Park—une ville près de laquelle nous habitons—«Nous n'avons pas encore atteint l'objectif». Je n'arrive pas à m'imaginer 60 enfants mourant d'inanition chaque jour. Il s'agit d'une pauvreté extrême. Bien sûr, la pauvreté existe aussi au Canada, mais je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un mourant d'inanition au Canada, sauf lorsqu'une foule d'autres facteurs aggravants entraient en jeu.
En connaissez-vous? Mais nous ne devons pas nous arrêter là. Nous parlons de ceux qui ont faim et non pas de ceux qui crèvent de faim. Il est inacceptable que des enfants aient faim. Ils doivent être nourris, instruits, et bien entendu ils doivent pouvoir jouir de ces autres droits. Mais quelle est l'ampleur du problème en réalité?
M. Greg Maggetti-deGroot:Il n'est sans doute pas très utile de comparer notre situation au Canada à celle du tiers monde. Ce que vous avez dit à propos de la situation dans des pays d'Afrique ou d'Amérique latine confirme que le Canada, par l'intermédiaire de ses nombreuses organisations non gouvernementales, doit renouveler son engagement à soutenir les efforts de développement qui visent à soulager la pauvreté à l'étranger.
Au Canada, nous avons quantifié ce qui constitue un faible revenu. Cela identifie les familles et les ménages dont la situation économique est précaire et vulnérable. Nous savons qu'au Canada, 25 p. 100 des locataires consacrent 50 p. 100 ou plus de la moitié de leur revenu au logement. Dans ces conditions, il faut tenir compte des faibles revenus en même temps que du manque de logements abordables. Au Canada, ne pas avoir de toit signifie qu'on est pauvre, n'est-ce pas?
Cet après-midi, il est une chose dont nous n'avons pas vraiment discuté—car nous avons parlé du logement, des sans-abri, de la faim—et c'est celle de l'utilisation croissante des banques d'aliments au Canada. Nos églises, nos synagogues, nos mosquées offrent des petits déjeuners aux enfants car leurs familles n'ont pas assez de nourriture pour le leur fournir. Même dans la région de Waterloo où j'habite, qui est une région très prospère, les banques alimentaires ont du mal à répondre à la demande. Et pourtant nous sommes en période de prospérité.
Rappelez-vous qu'il y a 20 ans, les banques alimentaires n'existaient pas au Canada. Il faut voir ce que cache les chiffres. Quand nous disons que 19,8 p. 100 des enfants vivent dans des familles à faibles revenus, il faut approfondir et chercher à voir quelles tendances se dessinent. Une famille qui vit dans un motel ne vit pas dans un milieu sécurisant où un enfant peut s'épanouir, pas plus du reste que celle qui va d'abri en abri. Il en va de même pour les familles qui doivent compter sur les banques alimentaires ou dont les enfants vont à l'école l'estomac vide ou encore comme c'est souvent le cas, les familles dont la mère se prive de manger pour que ses enfants mangent à leur faim.
• 1430
Les enquêtes longitudinales nationales auprès des enfants et
des jeunes démontrent que dans une famille de quatre personnes,
dont le revenu est inférieur au seuil du faible revenu, les enfants
risquent davantage d'être atteints d'une maladie physique, ou
d'autres affections et, comme on le sait, les maladies infantiles
causent des séquelles à l'âge adulte. Pouvons-nous dire que cette
situation est semblable à celle qui existe en Afrique? Non, bien
entendu que non. Mais il faut aussi se demander quelles sont nos
ambitions pour le pays. Que souhaitons-nous? Souhaitons-nous le
stricte minimum, nous assurer que les enfants ne crèvent pas de
faim, ou voulons-nous réunir les conditions permettant à tous nos
enfants de s'épanouir? Nous pouvons envisager la chose sous cet
angle-là. Nous devrions donc nous fixer pour objectif ce que nous
souhaitons vraiment et non pas nous contenter de réduire au minimum
ce que les familles et les enfants auront à dépenser.
Mme Wahida Valiante: Puis-je ajouter quelque chose?
Le président: Oui.
Mme Wahida Valiante: Je peux vous faire part de mon expérience personnelle étant donné que je travaille en première ligne. La pauvreté peut être considérée comme une carence dans toutes les facettes du développement d'un enfant. Je constate une chose capitale: à cause de la pénurie de logements abordables pour les parents, pour les jeunes mères et leurs enfants, on constate une carence majeure sur le plan de la paix d'esprit et de la sécurité en l'absence d'un logis permanent où les enfants peuvent se sentir à l'abri. Les enfants ont besoin de repères permanents dans leur vie. Il n'est pas bon qu'ils soient logés dans un abri pendant quatre mois avant de devoir déménager encore une fois. Le plus difficile est de trouver des logements convenables et abordables permettant aux enfants d'aller à l'école à pied.
À mon avis, nous pouvons envisager une politique globale au niveau du logement. Nous devrions y songer, tenter de donner aux enfants l'enfance qu'il faut pour qu'ils développent un sentiment de sécurité, pour améliorer leur rendement, et d'autres aspects encore, car cette carence se reflète dans l'ensemble de leur comportement.
Greg nous a parlé de la pauvreté à l'échelle internationale et je suis d'accord avec ce qu'il a dit. Nous ne pouvons pas la mesurer suivant les normes de la société qui est la nôtre, où nous vivons. Il faut considérer quel devrait être le résultat final souhaitable.
M. Greg Maggetti-deGroot: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Vous avez évoqué la situation de votre fils et de votre famille. Quant à ma famille—et j'ai trois jeunes enfants—elle touche, littéralement, un revenu inférieur à ce qui est considéré comme faible. Cela veut-il dire que nous sommes pauvres? Non. Cela veut-il dire que nous avons faim? Non.
Il y a deux choses qu'il ne faut pas oublier. D'une part il y a le revenu, l'argent liquide qui entre de façon régulière. Effectivement, notre situation est telle que si nous rations un chèque de paye ou deux, nous serions en difficulté.
D'autre part il y a les actifs. Ils prennent des formes diverses. Ils peuvent être financiers. L'instruction est une autre forme d'actif. Ma femme et moi-même avons le privilège d'avoir fait des études supérieures de sorte que nous avons de bonnes chances de pouvoir trouver du travail au besoin. Il y a d'autres formes d'actifs. Le soutien de la famille est un actif, celui de la collectivité également. Bon an mal an, je ne pense pas que nous achetions pour plus de 100 $ de vêtements à nos enfants car des gens nous donnent les vêtements devenus trop petits pour leurs enfants. L'autre jour, en faisant la vaisselle, nous nous sommes demandé ce que signifierait pour nous de devoir acheter des nouveaux vêtements à nos enfants. Nous pouvons donc compter sur toute une gamme d'appuis, ce qui est un actif.
Raison de plus pour investir dans un fonds de puériculture et de développement de la petite enfance, car ainsi on crée un actif collectif qui devient une ressource. Nous en avons fait l'expérience dans notre collectivité. J'ai pu le constater quand mon fils était au niveau préscolaire—car il est inscrit à un programme coopératif préscolaire. Ce programme ne s'adresse pas à des gens à faibles revenus car les parents doivent contribuer de leurs poches et de leur temps pour sa réalisation. Je me souviens qu'à la fin de l'année certains parents, s'adressant à l'institutrice—qui est une excellente institutrice préscolaire—lui ont dit «Merci, Sandy. J'ai tant appris sur l'art d'être parent tout simplement en vous regardant travailler.»
Tout cet éventail d'actifs communautaires fait de notre pays un pays riche et permet de donner à nos enfants ce qu'il y a de mieux. C'est un investissement qui rapporte.
Le président: Merci, monsieur Epp.
M. Ken Epp: Je souhaiterais vivement disposer de plus de temps mais je cède la parole à mon collègue.
M. Greg Maggetti-deGroot: Je m'entretiendrai volontiers avec vous après la séance.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le président, ma question sera-t-elle considérée comme une question de l'opposition ou une question du parti ministériel?
Le président: Voyons tout d'abord la question. J'attends de l'avoir entendue.
M. John McKay: Je peux peut-être poser une double question.
Tout d'abord, je voudrais poser une question à Mme Kemper à propos de la question des sans-abri. Comme vous le savez, ma circonscription est Scarborough-Est, et environ la moitié des 1 700 familles avec enfants dont vous parliez se trouvent dans ma circonscription quotidiennement. Je suis très conscient du problème. Il est une chose qui m'exaspère: vous demandez des initiatives nationales et pourtant il est parfaitement évident selon moi que le troisième palier qui devrait être à la table de négociation n'est jamais présent pour rencontrer les autorités nationales. Manifestement, la municipalité de Toronto s'intéresse au plus haut point à la question. Manifestement, le gouvernement national comprend l'enjeu et le caucus du parti ministériel offre son soutien inconditionnel. Toutefois, le gouvernement provincial dans ce coin de pays ne s'intéresse absolument pas à la question.
Lors du dernier transfert canadien en matière de santé et de services sociaux, nous avons versé 3,5 milliards de dollars au titre de la santé, et pas un sou noir n'a servi à régler le problème des sans-abri. On ne peut pas nier qu'un grand nombre de sans-abri soient dans une situation difficile. En mars dernier, nous avons versé un milliard de dollars supplémentaires au titre du transfert canadien, et pas un sou noir n'a servi à des solutions au problème des sans-abri.
Je serais curieux de savoir si vous voyez comment nous pourrions attirer la province à la table. Vous demandez qu'on prenne les choses en main. Manifestement, le gouvernement fédéral est tout à fait prêt à prendre les choses en main, et je prévois que le travail de la ministre Bradshaw produira de bons résultats d'ici un mois environ. Mais comment faire?
Mme Alison Kemper: Je ne suis pas experte en relations fédérales-provinciales. On peut dire que je suis fédéraliste. Notre pays est une fédération où un grand nombre de pouvoirs sont partagés. Le gouvernement fédéral doit trouver le moyen de négocier avec une province qui refuse de s'occuper d'un problème.
L'automne dernier, nous sommes allés réclamer qu'on restaure notre dignité. À cette occasion, des gens ont montré l'incidence que les politiques de la province d'Ontario et du gouvernement fédéral avaient eu sur la pauvreté. Aux Nations Unies, on a dit essentiellement: «Peu nous importe qui Mike Harris est—ça nous indiffère. Le sort que vous faites subir à la population pauvre au Canada mérite l'opprobre des autres nations.»
Je pense que les relations fédérales-provinciales sont la pierre d'achoppement, le gros problème. Je n'ai pas de solution à proposer. Je dirais tout simplement que les pauvres de Toronto ne peuvent pas attendre que toutes ces difficultés soient aplanies, car ils sont en train de mourir dans les rues. Dans votre circonscription, les enfants vivent dans des motels—et vous savez dans quelles conditions peu reluisantes.
Peu m'importe le genre de mesures législatives qui s'imposent, car les gens ont besoin d'aide et cela presse. Je sais qu'on n'a cessé de vous répéter que le transfert canadien, cela n'allait pas, que le RAPC convenait mieux, mais vous n'avez rien voulu entendre.
Je ne peux donc pas vous donner de solution. Je vous conseillerais de revenir au RAPC. Je ne suis pas à la hauteur pour vous en expliquer les nuances, car je suis simplement une travailleuse de première ligne dans une agence. D'après ce que je vois, croyez-moi, les choses ne sont pas roses. Ne pouvez-vous pas compter sur des gens très intelligents à Ottawa?
Une voix: De quel côté de la table souhaitez-vous être?
Mme Alison Kemper: Peu m'importe. Les fonctionnaires connaissent les subtilités fédérales-provinciales. Chaque fois que l'on annonce une conférence fédérale-provinciale, les sans-domicile fixe, les gens qui travaillent en première ligne dans les agences, frémissent car cela signifie inévitablement que le Canadien moyen qui doit pouvoir compter sur un programme perd du terrain. Chaque fois que vous négociez, vous autres, nous perdons des programmes.
Je ne peux donc pas vous donner des solutions. Je veux bien vous accompagner lors de la prochaine rencontre avec les provinces, pour leur dire ma façon de penser, mais à mon avis, cela ne fera guère avancer les choses.
M. Joseph Polito: Seuls les gouvernements provinciaux qui engageraient certaines dépenses auraient droit à l'exception d'impôt sur la masse salariale. Il faudrait exiger d'eux qu'ils ne touchent pas au financement des hôpitaux. Ainsi, l'argent épargné grâce à l'exemption d'impôt sur la masse salariale serait versé aux hôpitaux, aux commissions scolaires, aux municipalités, et les gouvernements provinciaux eux-mêmes dépenseraient cet argent pour le logement. En d'autres termes, l'exemption d'impôt sur la masse salariale équivaut pour les provinces à une augmentation des transferts fédéraux.
M. John McKay: Savez-vous quelle somme le gouvernement provincial verse au gouvernement fédéral en impôts sur la masse salariale? C'est une somme appréciable, si je ne m'abuse.
M. Joseph Polito: Je pense qu'à l'échelle nationale, cela représente environ 40 millions de dollars. Il faut diviser cela par un tiers et ensuite par... Je dirais que cela représente environ deux milliards de dollars.
Mme Alison Kemper: Je voudrais dire quelque chose de moins facétieux.
M. John McKay: Je ne voulais pas être facétieux.
Mme Alison Kemper: Pas vous, mais moi si.
J'ai parlé à Anne Hertz, responsable des programmes de logement pour la ville de Toronto. Elle essaie de négocier avec le gouvernement fédéral. Dans notre quartier, Caroline et Bill Graham travaillent très dur pour que soit maintenu le logement coopératif que nous avons manqué de perdre.
Le gouvernement fédéral peut de diverses façons réunir le capital nécessaire pour que des logements se construisent. Je ne suis pas fonctionnaire. Je ne connais pas grand-chose à tout cela. La Fédération canadienne des municipalités a quantité de bonnes idées à offrir. Consultez-la.
M. John McKay: Mais nous l'avons fait.
M. Greg Maggetti-deGroot: Permettez-moi de vous parler de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine. Cette association a préparé une proposition de création d'une fondation nationale du logement qui pourrait très bien être une assise permettant au gouvernement fédéral de s'occuper de nouveau de la construction de nouveaux logements abordables. Les municipalités, nous le savons, sont acquises à l'idée.
Je comprends votre frustration. Dans la région de Kitchener- Waterloo, nous avons tenu des réunions de citoyens auxquelles participaient tous les paliers de gouvernement. Karen Redman et Lynn Myers ont toutes deux apporté une aide et un soutien solides à cette initiative. Au cours des nombreuses réunions que nous avons tenues, nous avons été contrariés, car aucun de nos députés à l'Assemblée législative n'y a participé.
Toutefois, on peut songer qu'un projet comme celui de la fondation pourrait être l'occasion pour le gouvernement fédéral d'appuyer de nouveau de façon positive la construction de logements abordables, parce que dans la province il se trouve déjà des personnes intéressées prêtes à se mettre à la tâche.
M. John McKay: Je trouve intéressant que l'on soit unanime—car je constate qu'on exprime un point de vue intéressant—à réclamer l'intervention directe du gouvernement fédéral car tout compte fait, que ce soit par l'intermédiaire d'une agence ou autrement, on ne préconise certainement pas le recours au Transfert social canadien.
Le président: C'est le mot de la fin et nous passerons ensuite à M. Brison.
Mme Sharole Gabriel (porte-parole, Comité consultatif des personnes sans abri et socialement isolées): J'ai quelques mots à dire sur la situation du logement. Je suis une réhabilitée car j'étais autrefois alcoolique, droguée et prostituée. Si des services sociaux me fournissant un logement, de la nourriture et un peu de vêtements de même que de l'argent de poche pour des articles divers n'avaient pas existé, il y a longtemps que je serais morte. Sans logement, il n'existe pas de sécurité car on ne peut se sentir à l'abri nulle part et on se demande constamment... C'est une question de survie et on se demande constamment d'où viendra le prochain repas, etc. C'est extrêmement important, je ne le répéterai pas assez souvent.
Le Canada a signé la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies. Le logement est une première nécessité et nous enfreignons ce droit.
J'exhorte le gouvernement fédéral à faire preuve d'intégrité et de responsabilité et à prendre les devants dans ce dossier-là. Je ne comprends pas bien les relations fédérales-provinciales. De toute façon, je ne pense pas qu'il soit nécessaire que je les comprenne. Je sais que mes compatriotes ont des droits fondamentaux et qu'ils méritent de recevoir ce qui est de première nécessité. Nous sommes un pays riche. Personne ne me fera croire que nous n'avons pas assez d'argent pour loger les gens—dans des logements abordables. A-t-on besoin de faire tant de compressions dans les programmes d'assistance sociale, ce qui ne fait que rendre les choses plus difficiles pour mes compatriotes? Il est malveillant d'intensifier la souffrance des pauvres et c'est ce qui se produit.
Ce gouvernement doit rendre des comptes sur le plan moral et éthique et devant Dieu. Qu'on croie en Lui ou non, croyez-moi, Il surveille ce qui se passe ici-bas.
J'exhorte nos dirigeants à prendre les choses en main. Vous pourriez prendre l'initiative et être des chefs de file dans le monde en raison du traitement réservé aux pauvres. Il est temps d'agir.
Le président: Merci.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci beaucoup.
Madame Gabriel, il est difficile de marcher dans vos traces, après avoir entendu un plaidoyer aussi flamboyant.
Vous avez tous présenté des arguments très percutants pour convaincre le gouvernement fédéral de prendre des initiatives de politique publique. Je pense percevoir une certaine frustration concernant le manque de volonté politique fédérale- provinciale—dans certain cas il est nécessaire que le gouvernement provincial prenne les devants—pour améliorer les choses.
J'ai une petite question pour M. Polito. Je veux revenir au modèle hollandais.
Pour ce qui est du marché du travail, vous proposez d'éliminer les cotisations à l'assurance-emploi pour ceux qui gagnent moins de 10 000 $.
M. Joseph Polito: Oui. Le programme serait d'application progressive. Le montant proposé dans Barron's était de 10 000 $, ce qui représente, soit dit en passant, 15 000 $ canadiens.
M. Scott Brison: Je crois que l'exemption personnelle de base aux États-Unis est de 11 000 $ canadiens; ce montant semble donc raisonnable. Vous parlez donc de 15 000 $ canadiens.
M. Joseph Polito: Ce serait effectivement la tranche qui serait exonérée des charges sociales. Au Canada, nous payons environ 40 milliards de dollars de charges sociales, et l'exonération de la première tranche de 15 000 $ serait l'équivalent de 15 à 20 milliards de dollars, si bien qu'il faudrait que la mesure soit appliquée progressivement. Je dis que cette exonération des charges sociales devraient être notre première priorité, et il serait ensuite possible de réduire les impôts de façon permanente parce c'est la façon intelligente de faire les choses.
Je me souviens qu'à l'école de commerce on nous parlait du cas de l'expert qui avait observé deux briqueteurs au travail sur une période de plusieurs jours. Chacun mélangeait son propre ciment, montait l'échelle, apportait ses briques et les posait. L'expert a constaté que le simple fait de confier à un des deux briqueteurs la tâche de mélanger le ciment et de monter et descendre l'échelle avec le matériel pendant que l'autre ne faisait que poser les briques permettait d'accroître leur productivité de façon importante.
Autrement dit, il est possible d'avoir une fiscalité intelligente. Au Canada, nous avons déjà réduit les cotisations à l'assurance-emploi de 6 milliards de dollars. Si nous nous y prenions de façon différente en exonérant plutôt une tranche de revenu de ces cotisations, il en découlerait des retombées, comme celles dont parlent Arthur Donner et d'autres, tandis que si nous conservons le régime tel quel, ces retombées ne se produiront pas.
William Scarth, qui est professeur à l'Université McMaster, a produit un document pour l'institut C.D. Howe. Le document s'intitule A Job-Creation Strategy for Governments with No Money. Le document a été rédigé il y a de cela plusieurs années, à l'époque où l'endettement et le déficit faisaient toujours problème. Il préconisait simplement de restructurer d'abord les charges sociales et c'est ce que je vise dans ma première recommandation. La deuxième recommandation serait d'accroître le montant exonéré, ce qui aurait le même effet que de réduire encore davantage les impôts.
M. Scott Brison: La question de la progressivité est importante étant donné que les cotisations à l'assurance-emploi et les charges sociales au Canada sont très régressives, parce qu'elles plafonnent à 39 000 $. Ainsi, celui qui gagne 200 000 $ par an paie exactement les mêmes cotisations à l'assurance-emploi ou les mêmes retenues salariales que celui qui gagne 39 000 $ ou moins, ce qui est inacceptable. J'aimerais pouvoir discuter plus à fond de cette question avec vous après. Je suis d'accord pour dire que, comme elles ont pour effet d'accroître le coût de la main- d'oeuvre, les charges sociales ont forcément un effet négatif sur l'emploi. Il n'y a pas à sortir de là.
M. Joseph Polito: Et sur la compétitivité mondiale.
M. Scott Brison: Oui. Merci beaucoup, et merci à vous tous pour vos témoignages.
Le président: Nous passons maintenant à M. Cullen, suivi de M. Szabo.
M. Roy Cullen (Etibocoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci aussi à nos invités.
J'ai une question en ce qui concerne le logement à des prix abordables et les sans abri, puis j'ai une autre question pour M. Polito. Je vais poser mes questions et, étant donné le peu de temps dont nous disposons, nous pourrions peut-être en discuter plus tard ou vous pourriez remettre quelque chose au comité si nous manquons de temps.
Sur la question du logement à des prix abordables et des sans abri, je crois que beaucoup des députés de l'Ontario s'entendent pour dire qu'il y a un lien entre le logement à prix abordable et l'itinérance, que l'absence de logements à prix abordable n'explique pas tout.
Nous pourrions peut-être nous entendre sur un certain nombre de prémisses, notamment que le gouvernement fédéral se retire du logement social et que le manque de logements à prix abordable est un problème dans certaines villes, mais qui ne l'est pas dans d'autres. Ainsi, c'est manifestement un problème à Toronto, mais pas à Montréal, semble-t-il. Si l'on voulait prévoir des incitatifs dans notre politique fiscale, comment ferait-on pour les cibler afin qu'ils permettent de régler le problème du manque de logements à prix abordable et qu'ils viennent en aide aux villes qui en ont vraiment besoin?
Merci, monsieur Polito, pour votre exposé bien réfléchi. Comme j'habite pas loin d'ici, je le lirai très attentivement.
J'ai une question pour vous. J'ai été très intéressé par le modèle hollandais et son faible taux de chômage. Il y a déjà une coalition syndicale-patronale-gouvernementale qui s'est penchée sur le partage des emplois et sur d'autres incitatifs. Or, l'exemple de l'Ontario, à l'époque célèbre du gouvernement Ray, ne semble pas avoir donné de très bons résultats.
Je n'ai pas les chiffres pour la Hollande, mais par rapport aux autres pays du G-7, le Canada est celui qui a les charges sociales les plus basses. Elles sont plus basses que celles du Royaume-Uni, des États-Unis, du Japon, de l'Italie, de l'Allemagne et de la France.
• 1450
Comment concilier alors votre recommandation selon laquelle il
faudrait commencer par s'attaquer aux charges sociales avec ces
données-là qui montrent que nous avons déjà les charges sociales
les plus basses?
Je ne sais pas si nos témoins du logement à prix abordable veulent commencer. Combien de temps avons-nous, monsieur le président?
Le président: Nous allons simplement continuer.
M. Roy Cullen: Ce sont là mes questions. Voulez-vous commercer par le logement à prix abordable?
Mme Alison Kemper: Je vais parler rapidement. D'abord, il faut savoir que, pour la plupart des familles à faible revenu, il est absolument impossible de payer les loyers exigés sur le marché. Ainsi, les incitatifs fiscaux, comme l'élimination de la TPS sur le matériel de construction destiné aux logements à prix modique, ne suffiront pas à répondre à la demande de logements à prix abordable. On ne peut pas abaisser le coût de la construction de logements assez pour que les logements soient abordables sans une aide en immobilisation semblable à celle que le gouvernement fédéral accordait autrefois.
Je crois qu'il y a beaucoup de Canadiens qui n'acceptent pas encore votre première prémisse, à savoir que le gouvernement fédéral se retire du logement social. Bien des gens disent que le gouvernement ne peut pas faire cela, qu'il y aura ainsi bien des gens dans la rue partout. On le voit déjà. Les conséquences sont déjà manifestes.
M. Roy Cullen: Vous parlez d'abaisser le coût des immobilisations. Dans le Star d'il y a quelques semaines, il y avait un article sur un plan de construction d'une maison sans rien de superflus qui permettait de la rendre abordable. Si nous avions des incitatifs fiscaux pour les prometteurs, si nous pouvions rendre ces incitatifs assez attrayants, serait-il alors possible de faire construire des logements abordables?
Mme Alison Kemper: Je crois qu'il est possible de construire une multitude de types de logements à prix modique qui conviendraient à divers niveaux de revenu. Il reste tout de même une proportion importante de Canadiens qui n'ont pas les moyens d'acheter les logements comme ceux dont on parlait dans le Star. Il faudrait que le gouvernement manifeste son intérêt et sa détermination à l'égard de programmes comme ceux qui ont permis chaque année d'ajouter 20 000 logements au parc d'habitations, car c'est là le nombre de personnes qui se retrouvent chaque année dans la rue.
M. Roy Cullen: Nous savons qu'il a été question d'infrastructure sociale dans le contexte du nouveau programme d'infrastructure, mais je ne sais franchement pas ce qui pourrait y avoir de plus. Notre gouvernement a indiqué assez clairement quel était son intention, et nous livrons la marchandises.
Enfin, pourquoi ne pas passer maintenant à M. Polito? Pourriez-vous répondre à ma question?
M. Joseph Polito: M. Martin a confié au comité une tâche prioritaire. Il a dit que l'allégement fiscal devait profiter d'abord à ceux qui en ont le plus besoin. Ce ne sera pas facile à faire.
Supposons, par exemple, qu'on accorde en chiffre rond quelque 5 milliards de dollars d'allégement fiscal aux travailleurs canadiens. Comme ils sont environ 15 millions, cela revient à quelque 300 $ par travailleur. Ce n'est vraiment pas beaucoup. Cela ne fait pas une énorme différence dans leur vie.
Si nous options pour la formule américaine ou pour celle de Mike Harris, les multimillionnaires pourraient voir leurs impôts réduit de millions de dollars alors que les travailleurs à faible revenu ne bénéficieraient que d'une réduction minime. Quel type d'impôt peut alors nous permettre d'assurer une répartition égale, nous permettre de partager équitablement le dividende de tous les sacrifices au cours des dix dernières années? J'arrive pour ma part à la conclusion que l'exonération des charges sociales est la meilleure solution, et je crois que le type de l'Economist et de Barron's, de même que M. Thurow, y ont beaucoup réfléchi.
Vous soulevez toutefois un point tout à fait valable: nos charges sociales au Canada sont très minces, alors pourquoi en faire une priorité? Je le répète, c'est la seule taxe que j'ai pu trouver qui permette de répondre à l'objectif, et ces spécialistes s'y connaissent beaucoup mieux que moi.
Ce qui est plus important encore toutefois, ce sont les nombreuses retombées qui en découlent. C'est ce qui a rendu possible le rapport Donner et le rapport intitulé Changing Workplace. C'est aussi un moyen d'aider les hôpitaux, les municipalités et les conseils scolaires, tous ces employeurs qui paient des charges sociales. Cela permettrait à ces organisations à court d'argent d'avoir plus de liquidités. Cela conduirait à un accroissement de la productivité. Cela profiterait aux entreprises; ce serait une réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés dont nous avons besoin. C'est là autre chose que recherchait M. Martin, c'est-à-dire de réduire l'impôt des sociétés. La réduction des charges sociales permettrait également d'atteindre cet objectif.
Elle présente tellement d'avantages par rapport aux autres solutions. Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas la solution parfaite, et l'argument que vous soulevez rend son attrait moins discernable, mais c'est le mieux que j'ai pu trouver.
M. Roy Cullen: Merci.
Le président: Le dernier intervenant sera M. Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous nos témoins. Vous nous avez certainement donné matière à réflexion. Je peux vous dire que je suis particulièrement ému par le sens de solidarité sociale dont vous faites preuve.
• 1455
Quand nous avons étudié la productivité, nous en sommes
arrivés au plus bas dénominateur commun. Le but de l'exercice était
essentiellement d'améliorer la qualité de vie des Canadiens. Les
témoins que nous avons entendus aujourd'hui nous ont parlé de la
façon d'améliorer la qualité de vie des Canadiens qui sont aux
prises avec un obstacle social ou avec la pauvreté.
Je suis un fervent défenseur des aidants naturels qui doivent s'occuper d'un membre de leur famille, qu'il s'agisse d'un enfant, d'une personne handicapée, d'une personne âgée ou de quelqu'un qui, pour une raison quelconque, ne peut pas s'occuper de lui-même. Nous avons instauré une prestation fiscale pour les aidants. Le montant étant de 400 $, soit un crédit d'impôt qui vaut environ 100 $ de plus dans la poche des contribuables. À vrai dire, monsieur le président, cela représente une réussite importante et un pas géant que de commencer enfin à parler de cette question. Il faut toutefois faire beaucoup plus pour intervenir concrètement dans ce dossier. À mon avis, le montant de 400 $ est terriblement insuffisant, et j'inviterais les témoins à nous dire ce qu'ils pensent de la prestation pour les aidants. Que pourrions-nous apporter comme changement équitable à notre régime fiscal qui tiendrait compte de toutes les autres dépenses qui doivent être financées par le trésor public?
Mme Connie Laurin-Bowie: Nous avons pris assez au sérieux les questions que le ministre Martin a posées au Sous-comité sur la condition des personnes handicapées. Les voici: Que pouvons-nous faire sur le plan de la fiscalité? Que pouvons-nous faire sur le plan d'une intervention strictement fédérale? Que pouvons-nous faire également en collaboration avec les provinces? Nous avons pris au sérieux ces questions et nous nous sommes creusé les méninges pour essayer d'en arriver à un ensemble de réformes fiscales.
Il me semble que le gouvernement fédéral a diverses mesures qui s'offrent à lui—la réduction des impôts en est une, bien entendu—et il y en a certaines dont nous n'avons pas parlé. Le crédit fiscal pour les employeurs est une proposition fascinante, mais nous avons aussi remis en question diverses dispositions qui se trouvent déjà dans notre régime fiscal.
La question des aidants naturels se trouve justement abordée dans les réformes que nous proposons. Nous sommes toujours en train de les mettre au point, mais l'idée serait de prendre les divers crédits pour personnes à charge qui se trouvent répartis ici et là et de les combiner. L'idée serait de prendre tout ce qui touche aux aidants naturels pour créer une seule déduction pour adulte à charge.
Je ne suis pas fiscaliste, mais nous travaillons avec des fiscalistes qui nous proposent diverses options. Ainsi, on pourrait abroger la déduction pour personnes à charge, la déduction pour personnes à charge infirmes et la déduction pour les aidants naturels et les remplacer par une seule déduction de 6 694 $—ne me demandez pas d'où vient ce montant—pour tenir compte de ce qu'il en coûte pour venir en aide à un adulte âgé à charge ou à une personne handicapée. La déduction pourrait être demandée pour le soin des personnes âgées ou des adultes handicapées, peu importe la relation avec l'aidant en question, car nous savons qu'il s'agit parfois de parents qui s'occupent de leurs enfants, mais qu'il y a toutes sortes de familles et qu'il faut respecter cette réalité.
Cet investissement gouvernemental permettrait peut-être d'obtenir des résultats plus concrets. Je sais que l'idée aurait besoin d'être étoffée et qu'il faudrait sans doute quelques jours pour en discuter et déterminer quelles en seraient les conséquences, mais c'est une des propositions auxquelles nous travaillons dans le cadre d'une réforme en profondeur du régime fiscal.
Le président: Y a-t-il d'autres observations? Monsieur Maggetti-deGroot.
M. Greg Maggetti-deGroot: Au sujet des soins aux enfants, en tant que parent, je trouve que la proposition du gouvernement d'accroître la prestation fiscale pour enfants pourrait être très utile, surtout s'il s'agit d'un accroissement qui prendra de l'ampleur avec les années. Jusqu'à maintenant, cette prestation vise presque exclusivement les familles de gagne-petit, si bien que les familles à revenu modeste ou moyen, comme la mienne, n'ont pas vraiment pu en profiter. Si l'application en était élargie, on reconnaîtrait davantage l'importance des soins que tous les parents, que leur revenu soit faible, modeste ou moyen, apportent à leurs enfants.
Je voudrais aussi revenir à ce que vous avez dit au sujet des valeurs et des questions qui se posent à cet égard. Depuis 20 ans environ, la politique gouvernementale au Canada, aux États-Unis et dans bien des pays du monde est motivée par la conviction profonde que, si nous prenons les mesures nécessaires pour favoriser la croissance économique, nous réglerons les vieux problèmes, comme le dit M. Martin. Il est utile de se rappeler que c'est justement ce que nous faisons depuis 20 ans. On nous dit que les gouvernements doivent réduire leurs champs d'action, qu'ils doivent être moins présents dans l'économie, qu'ils doivent limiter le soutien qu'ils accordent à la population et qu'il sera ainsi possible de stimuler la croissance et de régler les problèmes qui se posent. On nous dit que les impôts, plus particulièrement les impôts progressifs qui exigent des riches une contribution plus importante au bien commun, sont un obstacle à la croissance. On les a donc réduits au Canada, tout comme dans d'autres pays.
• 1500
Quelles ont été les conséquences de cette réduction des
impôts? Depuis 1979, le PIB réel par habitant au Canada a augmenté
de 50 p. 100, mais nous savons aussi que nous avons maintenant des
banques alimentaires qui n'arrivent pas à nourrir tous ceux qui ont
faim. Nous savons qu'il y a tous ces problèmes. Nous savons que,
même s'il y a une croissance de l'emploi—dans notre région, celle
de Kitchener-Waterloo, nous avons le plus bas taux de chômage au
pays—il y a de plus en plus de gens qui ont recours aux banques
alimentaires. Il y a donc un autre ensemble de valeurs qui est en
cause, et c'est ce à quoi nous avons cherché à vous sensibiliser.
Si nous veillons à respecter les principes de la justice sociale,
à assurer aux pauvres ce dont ils ont besoin pour vivre dans notre
société, à permettre aux plus vulnérables de participer pleinement
à la société, nous connaîtrons alors la prospérité et la sécurité.
Il s'agit d'un ensemble de valeurs différent.
Je sais que c'est s'exposer au ridicule que de nier que la croissance devrait être une priorité. Mais est-ce si ridicule que cela, étant donné notre expérience passée? Je crois que, si nous relevons le défi que nous a lancé M. Martin et que nous réexaminons nos valeurs fondamentales, le ministre ne sera peut-être pas ridiculisé quand il déposera un budget qui constitue un effort concerté pour réduire l'écart entre riches et pauvres. Si nous reconnaissons pleinement la valeur de l'économie des soins que nous avons au Canada, si nous consacrons de nos ressources publiques aux logements abordables et à la mise en place d'une infrastructure communautaire en faveur de toutes les familles qui ont des enfants, le ministre ne sera peut-être pas ridiculisé et nous pourrons commencer à repenser, de façon radicale, la façon de gérer nos finances publiques en fonction de ce qui nous tient vraiment à coeur, en fonction de ce qui est dans l'intérêt supérieur de notre société.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Il y a deux autres personnes qui ont des observations à faire.
Mme Wahida Valiante: Merci.
S'agissant de croissance, je dirais que même la croissance peut être stimulée par des politiques qui se fondent sur des valeurs. Il y a croissance que j'accumule les richesses en trichant autrui ou que je gagne ma vie honnêtement, par mon travail. Je crois que même les politiques sociales doivent se fonder sur certaines valeurs. Ces valeurs permettront ensuite d'assurer une répartition équitable de la richesse. Je suis heureuse de constater que vous en êtes conscients, et je vous remercie.
Le président: Monsieur Rudin, une dernière observation.
M. Stephen Rudin: Question de renchérir sur ce que vous avez dit, il ne faut pas considérer nos critiques comme le signe de notre ingratitude, car nous étions très heureux que vous instituiez ce crédit fiscal. Comme nous l'avons dit dans notre exposé, nous croyons toutefois qu'il ne s'agit vraiment que d'un premier pas. N'étant pas comptable, je ne saurais dire quel devrait être le montant du crédit, mais nous savons qu'il doit être suffisamment important pour tenir compte du fait que les gens assurent ces soins bien souvent au péril de leur santé mentale, comme l'a dit Dale. Si le gouvernement s'engageait à étudier la question et s'il commandait des études plus approfondies pour déterminer quel devrait être le montant ou la formule, nous considérerions qu'il s'agirait déjà d'un progrès très important.
Le président: Oui, monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Je tiens à remercier les témoins pour leurs observations. Il est important, à mon avis, de se rappeler que les Canadiens ne vivent pas tous dans des milieux urbains. Ils n'ont pas tous accès, dans leurs régions respectives, à des soins de qualité, qui sont abordables et accessibles. Parfois, ils n'ont pas de choix. Je crois que, de plus en plus, les Canadiens demandent, non pas la charité, mais l'occasion d'assurer des soins qui profitent à tous les Canadiens.
Le président: Bien dit.
Y a-t-il d'autres observations?
Mme Cheryl Gulliver: Merci, monsieur Szabo.
Je tiens à rappeler qu'il est très important que nous nous occupions de tout le monde. Il est très important de constater que les témoins qui sont ici présents ne sont pas là en rivaux. L'ACIC ne veut pas obtenir quelque chose aux dépens des victimes de l'Alzheimer ou de la pauvreté ou du logement abordable. Nous croyons tous qu'il faut nous assurer un avenir meilleur et ce sont les enfants qui sont notre avenir. Nous voulons qu'ils grandissent en santé, car ils devront s'occuper de moi quand je serai vieille, vous comprenez? Je m'en remets à vous pour faire cela, monsieur le président.
Merci.
Le président: Je crois que ce n'est pas trop nous demander.
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement. La journée que nous avons passée ici à Mississauga a été très intéressante jusqu'à maintenant. Ce qui est formidable, c'est que nous avons pu entendre tous les sons de cloche. Il y a ici des personnes qui représentent différents secteurs. Néanmoins, ce qui ressort clairement de tous vos témoignages, à mon avis, c'est que nous cherchons tous à améliorer la qualité de vie et le niveau de vie de tous les Canadiens. Cela nécessitera des concessions, bien entendu. La vie est ainsi faite. Il y a des décisions difficiles à prendre, surtout quand on a un excédent et que chacun en réclame une part, mais si nous nous laissons guider par le bon sens—si vous me passez l'expression; c'est la seule et unique fois que vous l'entendrez dans ma bouche, mais je n'arrivais pas à trouver un autre terme et je m'en excuse—je crois que nous pourrons effectivement formuler des recommandations que le ministre prendra au sérieux.
Nous suspendons la séance pendant cinq minutes pour que le groupe suivant puisse venir s'installer.
Le président: Nous reprenons la séance, et je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont ici cet après-midi.
• 1515
Nous avons l'honneur d'accueillir des représentants de la
Chambre de commerce de Kitchener-Waterloo, de l'Association de
ventes directes, du Toronto Board of Trade, de l'Association
canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, du
Conseil des métiers de la construction et du groupe Canadian
Pensioners Concerned Inc.
Comme beaucoup d'entre vous participent régulièrement aux audiences du Comité des finances, vous savez comment nous fonctionnons. Vous savez donc que pour cette partie de nos délibérations, vous disposez de cinq minutes pour faire votre exposé. Nous aurons ainsi plus de temps pour la période de questions.
Nous commencerons par la Chambre de commerce de Kitchener- Waterloo.
Madame Linda Korgemets.
Mme Linda Korgemets (présidente, Sous-comité sur l'imposition, Comité des affaires fédérales et provinciales, Chambre de commerce de Kitchener et Waterloo): Merci, mesdames et messieurs, de votre présence ici aujourd'hui et de l'occasion que vous donnez à la Chambre de commerce de Kitchener et Waterloo de se faire entendre.
Je tiens à ce que vous le sachiez: dans cette ville qui se trouve un peu à l'ouest d'où nous sommes, nous sommes la deuxième chambre de commerce de l'Ontario, si bien que nous avons un assez grand nombre de membres, soit plus de 1 600.
L'exposé que nous vous présentons cette année est très semblable à celui que nous vous avons présenté l'an dernier. Nous faisons une enquête auprès de nos membres environ deux fois par an. Nous leur envoyons par télécopieur un questionnaire d'une page, où nous leur demandons leur avis sur certaines questions liées aux consultations prébudgétaires. L'enquête la plus récente a été faite en août 1999. Les points que nous abordons dans notre mémoire sont ceux sur lesquels nous avons sondé nos membres; ce sont là les points que nous voulons porter à votre attention.
Il y en a six. Il y en a un dont je ne parlerai pas ici parce qu'on a déjà annoncé que les cotisations à l'assurance-emploi baisseront encore cette année. C'est une des choses que nous demandions, alors nous sommes heureux qu'on ait pris cette décision. Les cinq autres points dont je veux vous parler sont la réduction de la dette, la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, les dépenses publiques, le financement des soins de santé et la réduction de l'impôt des sociétés.
En ce qui concerne la dette, je reprends l'argument que je vous ai présenté l'an dernier et qui tient compte de l'évolution démographique. Au fur et à mesure que nous créons ces excédents, nous sommes dans une situation rêvée pour en consacrer une partie au remboursement de la dette.
Pourquoi devrions-nous rembourser notre dette? Pourquoi ne pas simplement laisser l'économie croître et nous permettre ainsi de réduire notre endettement, puisque la dette devient ainsi moins importante par rapport au PIB? J'estime qu'il nous faut essayer de réduire notre endettement à cause des sommes faramineuses que nous consacrons chaque année au service de la dette et qui pourraient atteindre, d'après les prévisions, 45 milliards de dollars par an. Si nous arrivions à réduire le service de la dette, nous aurions tellement plus d'argent à consacrer à d'autres programmes valables, ceux-là mêmes dont vous ont parlé les personnes qui m'ont précédé. Nous sommes fermement d'avis que le fardeau que représente le service de la dette doit être abaissé—rapidement. Je ne peux pas trop insister sur l'importance de l'évolution démographique. Nous n'en entendons plus beaucoup parler—du moins, je n'en entends plus parler—mais j'estime qu'il faut en tenir compte.
En ce qui concerne la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, beaucoup d'entre vous savent ce que propose la Chambre de commerce du Canada. En juillet dernier, la Chambre de commerce du Canada a présenté ses propositions à cet égard aux médias et aux élus. Notre chambre de commerce locale appuie essentiellement la position de la Chambre de commerce du Canada. La Chambre de commerce du Canada estime qu'il faut s'attaquer à la dérive fiscale. Nous appuyons cette position.
Nous proposons essentiellement d'accroître le niveau de revenu à partir duquel s'appliquent les divers taux d'imposition, et nous proposons une diminution du taux marginal d'imposition. Ces mesures coûteront quelque 3 milliards de dollars la première année et 4 milliards de dollars la deuxième année. Étant donné l'excédent qui est prévu, nous estimons qu'il sera quand même possible de continuer à rembourser la dette tout en instituant ces réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers.
Pourquoi réduire l'impôt sur le revenu des particuliers? Nous sommes d'avis qu'il est important de redonner aux familles canadiennes une plus grande part de leur argent pour qu'elles puissent décider de l'utilisation qu'elles veulent faire de leur revenu après impôt. Nous étudions, tout comme votre comité, la question de l'équité de l'impôt sur le revenu familial.
J'ai lu le rapport sur ce sujet pendant l'été. J'en ai été abasourdi. Une des propositions contenues dans ce rapport m'a beaucoup troublé. Vous savez, bien entendu, quelle est cette proposition: faire passer la durée des prestations d'assurance- emploi à 12 mois. Quand cette idée a été lancée et rendue publique—et je ne parle pas ici au nom de la Chambre de commerce du Canada ni de la Chambre de commerce de Kitchener—je me suis dit: de toutes les idées qu'on aurait pu retenir, c'est finalement celle-là qu'on a retenue. J'ai été très déçu.
Nous étions à une assemblée publique à Kitchener-Waterloo. Karen Redman a vraiment le tour de nous amener à discuter des questions d'actualité. Un autre membre, du milieu syndical, a dit qu'il aimerait donc que le gouvernement cesse de jouer avec l'assurance-emploi.
• 1520
Je vous demande simplement de ne pas toucher à
l'assurance-emploi. Donnez aux familles suffisamment d'argent pour
qu'elles puissent vivre leur vie dans la dignité et laissez-les
choisir elles-mêmes de placer leurs enfants en garderie ou de s'en
occuper à la maison, peu importe, mais ne faites pas de petites
ponctions pour donner un peu plus d'argent aux parents au nom de
l'équité fiscale pour les familles. Adoptez une approche plus
globale par le biais de l'impôt sur les particuliers.
Pour ce qui est des dépenses gouvernementales, notre chambre s'oppose depuis le début à la formule 50-50 appliquée par le gouvernement. Cela m'inquiète un peu parce que je ne sais jamais comment cette formule est appliquée. Nous avons demandé à Karen d'y réfléchir sérieusement. Nous avons eu une réunion avec Karen, Janko Peric et Andrew Telegdi. Nous les avons suppliés de nous expliquer comment cette formule est appliquée parce qu'elle semble tout le temps bouger et nous n'arrivons pas à appliquer cette formule de 50-50 aux chiffres que nous voyons.
Mais je commence à comprendre un petit peu mieux car je crois qu'en fait c'est une formule cumulative sur la durée du mandat du gouvernement. Je crois commencer à comprendre comment cette formule est appliquée. Mais c'est un peu dangereux car nous pourrions connaître un ralentissement de l'économie et alors cette formule ne pourrait plus être appliquée correctement. Non pas que nous sommes en faveur de cette formule, mais nous sommes encore moins en faveur de son application cumulative sur cinq ans.
Selon nous, les dépenses devraient suivre l'inflation et la croissance démographique. Avant de mettre en place de nouveaux programmes, il faudrait passer les anciens au microscope, déterminer s'ils sont efficaces et prendre l'argent de ceux qui ne le sont pas pour l'injecter dans ceux qui le sont. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire et je ne sais pas comment vous devriez procéder, mais c'est ce que nous aimerions que vous fassiez.
Pour ce qui est du financement de la santé, encore une fois, que puis-je dire? Je peux simplement répéter ce que notre chambre fait dans notre région. Nous manquons de généralistes. Nous organisons des activités de financement dans notre propre collectivité, non pas pour verser une prime aux médecins mais pour promouvoir notre communauté auprès du milieu médical et des écoles de médecine afin d'attirer les médecins ou les futurs médecins chez nous.
Ensuite, il y a quelque chose dont on n'entend pas beaucoup parler mais que la Chambre de commerce de Kitchener-Waterloo tient à rappeler, à savoir qu'à moyen terme il faut faire quelque chose à propos de la réduction de l'impôt sur les sociétés. Le document que je vous ai distribué comporte une annexe assez longue qui vous donne les chiffres sur les taux d'imposition actuels des principaux pays européens et de l'OCDE. Le taux d'imposition canadien est de 44 p. 100; le taux moyen pour les pays de l'OCDE est de 35 p. 100. Au cours des trois dernières années, le taux canadien n'a pas bougé alors que celui de beaucoup d'autres pays a diminué.
Le marché mondial est tellement compétitif que j'ai des craintes pour le Canada si nous ne réduisons pas ces chiffres. Nous allons perdre notre compétitivité. Je suis fiscaliste d'entreprise et dans le cadre du travail quotidien que je fais pour gagner ma vie, aussi déloyal que cela puisse paraître, nous conseillons aux sociétés les meilleurs pays où s'installer en fonction de la fiscalité. Nous suggérons aux compagnies de s'installer dans des pays comme l'Irlande ou la Grande-Bretagne à cause de leur fiscalité plus avantageuse.
C'est ce qui arrive de plus en plus. Avec l'avènement des transactions électroniques, cela arrivera de plus en plus. Grâce aux transactions par ordinateur, les compagnies pourront s'installer n'importe où où elles voudront. Il faut que le Canada envoie un message aux compagnies pour leur dire qu'il est en train d'examiner notre fiscalité à moyen terme.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant M. Paul Thériault au nom de l'Association de ventes directes.
M. Paul Thériault (président, Association de ventes directes): Merci, monsieur le président.
Je suis le président de l'Association de ventes directes, la Direct Sellers Association of Canada. Avant de commencer, j'aimerais vous présenter les autres représentants de notre association qui sont ici présents: M. Murray Smith, président du conseil d'administration de l'AVD, et Jack Miller, notre conseiller fiscal.
Monsieur le président, c'est avec plaisir que je note que c'est la sixième comparution de l'AVD devant le Comité des finances. L'AVD souscrit au processus de consultation prébudgétaire et apprécie l'occasion offerte aux Canadiens de faire connaître leurs opinions sur la politique fiscale.
[Français]
Monsieur le président, l'Association des ventes directes du Canada, l'AVD, a été fondée en 1954. Cette association nationale regroupe des compagnies canadiennes de ventes directes et leurs représentants de ventes indépendants. L'AVD a pour mission d'accroître la confiance des consommateurs envers l'industrie canadienne de la vente directe, ainsi que de promouvoir sa croissance par l'autoréglementation et une conduite éthique.
L'AVD et ses 50 compagnies membres se sont engagées à observer les normes rigoureuses de l'industrie stipulées par le Code d'éthique et le Code de pratiques commerciales.
• 1525
Au-delà de 1,5 million de représentants indépendants
au Canada ont vendu pour plus de 1,6 milliard de
dollars de produits et de services au détail au cours
de la dernière année.
Les représentants mettent en marché et distribuent une grande variété de produits et services directement aux consommateurs, habituellement à leur domicile plutôt que dans des établissements de vente au détail. Il faut souligner que 75 p. 100 des représentants sont des femmes et qu'environ 50 p. 100 d'eux travaillent à temps partiel ou ont un autre emploi.
Les produits et services vendus par ces personnes sont diversifiés: produits de beauté et de soins personnels, appareils ménagers, articles de maison spécialisés, produits de nettoyage ménager, bougies, produits naturels, jouets, produits éducatifs et services de télécommunication, pour n'en mentionner que quelques-uns. Généralement, ces produits et services sont vendus lors de présentations en groupe ou de consultations personnelles.
La valeur de la vente directe se caractérise par sa tradition d'indépendance, sa simplicité et son engagement envers un système de marché libre qui offre des occasions d'affaires et de carrière aux gens sans restriction quant au sexe, à l'âge, à l'éducation ou à l'expérience. Ces petites entreprises sont accessibles aux femmes et aux hommes partout au Canada, qu'ils habitent dans des communautés urbaines ou rurales. La vente directe est une occasion d'affaires relativement économique qui peut augmenter le revenu familial moyennant des arrangements et un investissement minimes.
L'AVD partage son expertise avec tous les paliers de gouvernement. Par exemple, elle a formé des liens avec les organismes gouvernementaux de protection du consommateur d'un bout à l'autre du Canada, principalement en vue de promouvoir l'harmonisation de la législation provinciale sur la vente directe et pour faire connaître les principes établis par la Loi sur la concurrence, par le biais de son lien avec le Bureau de la concurrence.
Sur le plan international, l'AVD a demandé aux représentants canadiens de l'APEC au forum ministériel pour les petites et moyennes entreprises d'appuyer l'initiative d'éducation et de protection du consommateur dans toutes les économies de l'APEC. Cette initiative a été entérinée par l'APEC cette année.
[Traduction]
Monsieur le président, nous avons trois recommandations précises à faire. Elles sont résumées aux pages 2 et 3 de notre mémoire.
La première concerne la création d'emplois et les mesures de transition pour l'indépendance. Nous estimons pour commencer que des mesures de transition plus généreuses devraient être accordées aux Canadiens qui souhaitent passer d'un régime d'assurance-chômage et d'assistance sociale à un régime indépendant pour leurs propres petites entreprises.
L'industrie de la vente directe est un élément vital du secteur canadien de la petite entreprise. Nous avons une énorme capacité à générer des emplois indépendants et à offrir des possibilités d'accès à des gains à un vaste éventail de Canadiens et de Canadiennes. Cependant, le régime actuel d'assurance-emploi et les règlements en matière d'aide sociale créent un obstacle à l'entrée dans l'industrie de la vente directe et, d'une manière générale, à la création de petites entreprises. Nous exposons ce problème par le détail aux pages 5 et 6 de notre mémoire.
Pour l'essentiel, nous recommandons une mesure supplémentaire d'allégement transitoire au-delà du plafond fixé à 25 p. 100. Plus particulièrement, nous recommandons qu'une fois que les gains d'un particulier propriétaire d'une petite entreprise dépassent le niveau d'allégement transitoire prévu de 25 p. 100, on offre un allégement supplémentaire proportionnel, en ne soustrayant que 50 p. 100 des revenus supplémentaires des prestations d'assurance- emploi. Nous estimons que cette mesure encouragerait, au lieu de les décourager, les Canadiens à passer d'une dépendance des programmes sociaux à l'indépendance offerte par leurs propres petites entreprises.
Monsieur le président, l'AVD a déjà collaboré dans le passé avec le ministère du Développement des ressources humaines et se ferait de nouveau un plaisir de travailler avec lui sur les modalités d'application de cette recommandation importante.
Notre deuxième recommandation concerne l'épargne-retraite et la fiscalité inflationniste. Comme nous l'avons indiqué précédemment, plus de un million et demi de Canadiens ont leur propre entreprise de ventes directes. Ces Canadiens sont des travailleurs indépendants et beaucoup d'entre eux n'ont ni régime de pensions gouvernemental ni régime de pensions de société pour assurer leur retraite. En conséquence, nous faisons deux recommandations pour restaurer la confiance: premièrement, que la limite des cotisations aux REER soit relevée pour passer du maximum actuel de 13 500 $ à 15 500 $; deuxièmement, que la tranche d'impôt soit pleinement indexée sur l'inflation.
Notre troisième recommandation concerne la TPS et la méthode simplifiée facultative pour les démarcheurs et les représentants de commerce. Cette recommandation concerne uniquement notre industrie. La méthode simplifiée facultative est un exemple classique de collaboration entre le gouvernement et les entreprises pour mettre au point des règles dont profitent autant le gouvernement que les compagnies de ventes directes et leurs vendeurs indépendants. Non seulement cette méthode a permis de supprimer le fardeau de la TPS pour un grand nombre de petites entreprises de vendeurs indépendants, mais elle a également représenté un avantage en liquidités importantes pour le gouvernement puisque la TPS est perçue sur le prix de vente au détail simultanément à la vente aux ISC.
• 1530
Cependant, le problème est que cette méthode, sous sa forme
actuelle, ne s'applique qu'au cas où les vendeurs indépendants
achètent et revendent des biens. Elle ne s'applique qu'à 20 à
25 p. 100 des entreprises de ventes directes qui recourent à des
vendeurs indépendants. Ces compagnies et leurs représentants de
commerce ont indiqué qu'ils s'estimaient victimes d'une
discrimination puisqu'ils ne peuvent profiter des avantages de la
méthode simplifiée facultative.
Étendre les avantages de cette méthode aux 20 à 25 p. 100 des entreprises de ventes directes permettrait d'appliquer les mêmes règles de TPS à toute l'industrie; cela n'aurait pratiquement aucun impact sur les recettes du gouvernement. Cela supprimerait la paperasse de la TPS pour les petites entreprises des représentants de commerce; et cela réduirait d'autant les frais administratifs de Revenu Canada puisque les représentants indépendants n'auraient plus à avoir de numéro de TPS.
Par conséquent, notre association recommande au comité de modifier la loi sur la TPS pour qu'elle s'applique à la méthode simplifiée facultative, et pour que cette méthode soit accessible aux entreprises de ventes directes et à leurs vendeurs. Tout comme nous l'avons fait pour la MSF au début des années 90, nous serions heureux d'aider le ministère des Finances à rédiger les amendements en ce sens.
Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, l'Association de ventes directes vous remercie de nous avoir donné l'occasion de vous présenter nos recommandations. Nous serons heureux de prendre part à la discussion de la table ronde.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Thériault.
Nous accueillons maintenant la présidente-directrice générale du Toronto Board of Trade, Mme Elyse Allan. Soyez la bienvenue.
Mme Elyse Allan (présidente-directrice générale, Toronto Board of Trade): Merci beaucoup. J'ai grand plaisir à me retrouver à nouveau ici.
Je vous présente Terri Lohnes, notre économiste principale et la personne qui s'occupe des dossiers économiques au palier fédéral et provincial.
Le Toronto Board of Trade est la chambre de commerce locale de Toronto. Elle est également la plus grande chambre de commerce du Canada. Nombreux sont ceux qui croient qu'en raison de l'emplacement de notre siège social au centre de Toronto, nous comptons beaucoup de grandes entreprises parmi nos membres, mais ce n'est pas vrai: quelque 60 p. 100 de nos membres sont des petites et moyennes entreprises et les 40 p. 100 qui restent pourraient être appelées, en effet, des grandes sociétés mères. Vous voyez que nous avons des membres dans toutes les sortes d'entreprises, et que nos membres représentent à peu près tous les secteurs d'affaires, du secteur manufacturier aux services financiers.
Nous sommes heureux de pouvoir vous présenter nos priorités en vue du budget de l'an 2000 du gouvernement fédéral.
J'espère que vous avez tous eu l'occasion d'examiner notre mémoire prébudgétaire qui décrit de façon détaillée nos recommandations. Je ne parcourrai pas nos propositions dans le détail, mais nous pourrons vous en reparler plus longuement au moment de la discussion. Laissez-moi surtout vous expliquer pourquoi nous espérons que vous les adopterez.
Pour être clair, la qualité de vie exceptionnelle et reconnue dans le monde entier dont nous jouissons au Canada est aujourd'hui menacée. Notre gouvernement doit choisir judicieusement comment répondre aux demandes nombreuses de financement qui lui sont adressées. Il faut néanmoins reconnaître la position tout à fait unique dans laquelle se trouve notre gouvernement aujourd'hui. La semaine dernière, le ministre fédéral des Finances a dévoilé aux Canadiens des prévisions du surplus budgétaire imposant, voire croissant, annoncé à grand renfort de publicité. Une nouvelle ère de stabilité financière attendue depuis longtemps s'ouvre désormais au gouvernement.
Nombreux sont ceux qui clameront qu'une période aussi faste pour le gouvernement en termes de possibilités de dépenses est inédite. Mais rien ne saurait être plus faux. Le gouvernement aura beau annoncer la fin des déficits, rappelons-nous qu'il a déjà connu une ère d'excédents budgétaires; toutefois, l'extravagance de ses dépenses conjuguée à une conjoncture économique plus difficile et, dans une certaine mesure, a des investissements dans des programmes et projets dont les retombées économiques se sont avérées minimes et même négatives, ont eu pour effet de vider les coffres du gouvernement de tous leurs surplus et d'amasser une dette énorme. La dette d'aujourd'hui est l'héritage de l'irresponsabilité financière d'hier et doit servir à alerter le gouvernement et les Canadiens devant l'importance de se fixer des priorités en vue du XXIe siècle. Nous ne pouvons nous permettre de retomber dans le même piège.
Nous vous lançons le défi suivant: soyez des novateurs économiques et fixez-vous un cadre pour votre prochain budget et pour au-delà encore de façon non seulement à renforcer notre économie mais aussi à stabiliser notre qualité de vie.
La première étape, la plus importante, c'est de reconnaître que notre excédent budgétaire n'en est pas vraiment un. En effet, notre dette publique reste énorme si on la compare à celle de nos grands concurrents. Vingt-sept cents de chaque dollar perçu par le gouvernement dans la poche de chacun d'entre nous ici servent à rembourser l'intérêt de la dette. Notre ratio d'endettement par rapport à notre PIB continue de dépasser le ratio minimum des pays qui veulent faire partie de l'Union européenne, qui regroupe certains de nos plus grands concurrents économiques.
• 1535
La semaine dernière, le ministre indiquait que le fonds pour
éventualités mis de côté dans chaque budget continuerait à être
imputé à la dette, mais seulement si les sommes ne servaient pas à
des dépenses imprévues.
Bien que nous soyons tout à fait d'accord pour que le fonds serve à réduire la dette, cette méthode ne constitue pas un plan de réduction de la dette musclé et ne laisse aucunement entendre que le gouvernement est sérieux dans sa démarche. On ne peut pas compter uniquement sur ce qui reste dans des fonds d'urgence en espérant qu'on ne réclame pas ces sommes ailleurs. Le gouvernement doit s'engager à réduire la dette d'un montant fixe chaque année.
Ce n'est qu'en s'engageant à le faire que le gouvernement pourra réduire les obligations de sa dette et envoyer un message clair au reste du monde pour lui faire comprendre que le Canada veut continuer à être concurrentiel. Une fois cela fait, nous pourrons commencer à investir de façon à ce que les Canadiens en profitent tous. Voilà ce que nous appelons agir avec autorité.
Le gouvernement a pourtant envoyé des messages clairs au sujet des taxes, la semaine dernière. Nous avons été encouragés d'entendre M. Martin invoquer avec tant de ferveur les allégements fiscaux.
Vous savez sans doute que notre chambre de commerce, de concert avec de nombreux autres groupes des quatre coins du pays, a prôné avec conviction la nécessité de réduire considérablement les taxes. Nous croyons intimement que regarnir les poches des Canadiens est une des meilleures façons d'utiliser les excédents budgétaires. Les contribuables canadiens sont ceux qui ont permis au gouvernement d'amasser ce surplus, et ils méritent de pouvoir le dépenser.
Les Canadiens ont vécu une érosion considérable de leur taux d'épargne. Les niveaux d'endettement personnel n'ont cessé de grimper. Beaucoup de Canadiens ont décidé de quitter leur pays pour trouver des emplois plus payants à l'extérieur et pour payer moins d'impôt. Les taxes grugent au Canada une part beaucoup trop élevée des revenus personnels. Notre taux d'imposition empêche les Canadiens de participer pleinement à l'économie et, dans certains cas, les oblige même à s'en retirer complètement.
En ayant une plus grande marge de manoeuvre financière, les Canadiens pourront alors consommer plus et investir plus encore, et être ainsi incités à demeurer au Canada, ce qui profiterait à tous.
La semaine dernière, le gouvernement lançait un message très clair au sujet d'une réforme fiscale. Nous ne dirons jamais assez à quel point il importe de traduire dans la réalité dès février prochain les allégements fiscaux et de proposer une réforme fiscale musclée qui corresponde à ce que nous proposons dans notre mémoire.
Ce n'est pas tant que le milieu des affaires s'y attende, mais plutôt que les Canadiens et leurs familles le méritent.
Je voudrais terminer en parlant des pressions qui s'exercent sur le gouvernement pour qu'il augmente ses dépenses. Nous reconnaissons que l'élimination du déficit n'a pas été chose facile. Juguler les dépenses de programmes n'était certainement pas une démarche populaire chez certains Canadiens, et nous vous félicitons des efforts qui ont été déployés en vue d'aboutir à des excédents budgétaires. Toutefois, abandonner aujourd'hui votre politique et revenir au fiasco des dépenses d'hier, c'est agir à courte vue et saper tout le travail effectué avec acharnement par tous les Canadiens.
Nous ne dirons jamais assez à quel point il faut limiter les dépenses de programmes. Bien que le ministre n'ait pas annoncé la semaine dernière de grandes initiatives de dépenses, nous avons cru deviner néanmoins qu'il voulait recommencer à dépenser. Or, l'heure n'est pas aux nouvelles dépenses. Les surplus budgétaires doivent être rendus aux Canadiens sous la forme d'allégements fiscaux.
Pour avoir écouté attentivement ce que disaient les intervenants précédents, je m'en voudrais de ne pas commenter sur un autre secteur en regard duquel nous vous demandons d'agir dans notre mémoire: il s'agit de l'infrastructure. Dans notre mémoire, nous définissons l'infrastructure de deux façons. D'abord, nous parlons de l'infrastructure physique, mais nous parlons aussi d'une stratégie nationale sur le logement que nous demandons au gouvernement d'annoncer. Ce qu'ont dit les derniers intervenants m'ont incité à signaler que même si eux et nous semblons représenter des secteurs différents de la société canadienne, nous nous entendons parfaitement sur cette question-là.
Nos priorités à nous sont très claires: ce sont la réduction de la dette et la réforme fiscale. Nous espérons qu'elles coïncideront avec vos priorités à vous.
Le Toronto Board of Trade est ravi de toutes les perspectives qu'offrira le prochain budget. Toutefois, la façon dont ces perspectives se concrétiseront exigera du gouvernement qu'il prenne des décisions en se fondant sur la promesse de montrer du leadership économique.
Nous vous avons expliqué quelles décisions pourraient traduire clairement ce leadership, et nous espérons que vous agirez en conséquence.
Merci de nous avoir écoutés.
Le président: Merci beaucoup, madame Allan.
Nous accueillons M. Michael Ferrabee de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires.
M. Michael Ferrabee (vice-président, Affaires gouvernementales, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Michael Ferrabee et je suis vice-président de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. M'accompagne aujourd'hui Joyce Reynolds, directrice principale aux Affaires gouvernementales de notre association, et notre spécialiste des charges sociales.
Dans notre mémoire, vous trouverez ce qui nous préoccupe par rapport au régime fiscal canadien, et vous verrez que nous suggérons un examen exhaustif de ce même régime fiscal et de revoir de fond en comble ce régime fiscal et la façon dont il s'applique aux particuliers et aux entreprises. Nous suggérons également au gouvernement de se fixer des objectifs spécifiques et d'entreprendre d'alléger le fardeau fiscal des Canadiens tout aussi sérieusement qu'il a entreprit sa lutte contre le déficit.
Ma collègue consacrera le peu de temps que nous avons à vous parler des charges sociales, mais j'aimerais d'abord vous expliquer le rôle important que joue le revenu disponible des Canadiens dans l'économie de notre pays et dans le chiffre d'affaires de notre industrie.
• 1540
Depuis 1989, on assiste à un déclin réel de 5 p. 100 du revenu
disponible des Canadiens. Au cours de la dernière décennie, les
Canadiens se sont appauvris en grande partie à cause de la ponction
fiscale croissante par les gouvernements tout au long des années
90.
Contrairement à nous, au cours de la même décennie, nos voisins du Sud ont vu leur revenu disponible par habitant augmenter de 9 p. 100. Ce contraste est le plus évident dans notre industrie, parce que la diminution du revenu disponible personnel s'est accompagnée d'une diminution dans la part du revenu consacrée à la restauration.
En 1989, notre industrie allait chercher 42c. par dollar, comme les Américains. Dix ans plus tard, cette proportion a chuté au Canada à 39 p. 100, alors qu'elle atteint 45 p. 100 aux États- Unis. Des politiques fiscales discriminatoires telles que la TPS peuvent expliquer une partie de ce déclin, mais le plus grand coupable, c'est la diminution, depuis 10 ans, de la somme que les Canadiens peuvent consacrer à des articles facultatifs tels que les services de restauration.
J'aimerais aussi vous parler d'autre chose, savoir des frais de carte de crédit qui s'appliquent à la TPS et aux autres taxes sur les ventes au Canada. Vous ne le savez peut-être pas, mais notre industrie doit payer une commission aux organismes émetteurs de cartes de crédit, chaque fois qu'un consommateur utilise une carte de crédit. Cette commission va de 1 p. 100 à 4 p. 100 par achat, selon la carte que l'on utilise. Cette commission est prélevée non seulement sur le repas, mais aussi sur la taxe que nous devons percevoir.
C'est toute une aubaine pour les organismes émetteurs de cartes de crédit, et nous aimerions bien que votre comité s'y intéresse. À elle seule, notre industrie a versé l'an dernier plus de 10,5 millions de dollars aux organismes émetteurs de cartes de crédit pour avoir le privilège de percevoir la TPS et environ 8 millions de dollars en commission sur les taxes de vente provinciales. Cela représente plus de 18 millions de dollars au total que les organismes émetteurs de cartes de crédit absorbent en commission, étant donné que les gouvernements obligent les restaurants à percevoir les taxes de vente.
Je cède maintenant brièvement la parole à Joyce Reynolds qui vous parlera des charges sociales.
Mme Joyce Reynolds (directrice principale, Affaires gouvernementales, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires): Merci.
Si nous vous parlons autant des charges sociales, c'est parce que nos 14 600 membres représentant 45 000 restaurants nous ont fait savoir, lors de sondages, que c'était pour eux un grave problème sur lequel devrait se pencher le gouvernement. La question des charges sociales intéresse au plus haut point nos membres, et ce pour deux ou trois raisons.
D'abord, leur marge de profit est très mince. En second lieu, pour chaque dollar gagné, 30c. servent directement à la main- d'oeuvre. D'après notre recherche, les bénéfices avant impôt représentent seulement 6 p. 100 du chiffre d'affaires de nos exploitants. Cela peut peut-être vous sembler rentable, mais si vous prenez un restaurant moyen, dont les revenus nets sont de 386 000 $, cela représente des profits de moins de 25 000 $ avant impôt. Il ne nous est certainement pas possible de refiler ces coûts aux consommateurs. Comme vous l'a expliqué mon collègue, nous avons perdu une certaine part du marché au profit du marché de la vente d'aliments consommés à la maison.
Depuis 1989, le fardeau des charges sociales a augmenté de plus de 50 p. 100 pour le restaurant moyen. Les petites réductions progressives auxquelles on a assisté dans les cotisations d'assurance-emploi depuis 1994 ont été réduites à néant par les augmentations marquées des cotisations au RPC et par les changements législatifs apportés à l'exemption de base du Régime de l'assurance-emploi en 1996 et du Régime du RPC en 1997. Cette année, nous devons assumer à nouveau une augmentation des cotisations sociales. La réduction de 15c. annoncée la semaine dernière aura pour effet que les employeurs verseront 21c. de plus par tranche de 100 $ de cotisation sociale, puisque les cotisations au RPC grimperont à nouveau de 40c. en janvier.
Je ne vous parlerai pas aujourd'hui de tous les avantages qu'il y aurait à réduire les cotisations sociales, comme je le fais chaque fois que je m'adresse à votre comité, car nous savons tous que ces cotisations sociales tuent les emplois. Nous savons tous qu'elles sont régressives et nuisent surtout aux petits salariés, aux sans métier et aux non-instruits.
Je me dois de commenter l'utilisation que fait le gouvernement du programme d'assurance-emploi comme s'il s'agissait de recettes fiscales. La Loi sur l'assurance-emploi porte que le programme d'assurance-emploi doit être géré de façon à ce que les cotisations génèrent suffisamment de recettes pour pouvoir répondre aux besoins du programme et assurer la stabilisation des taux de cotisation au cours d'un cycle économique donné. Toutefois, ce programme a été converti en un programme général de perception d'impôts, c'est-à- dire un programme auquel cotisent de façon disproportionnée les petits salariés ainsi que les industries et entreprises à forte densité de main-d'oeuvre.
Pour comprendre pourquoi la situation est à ce point injuste et décourageante pour notre industrie, demandons-nous qui n'a pas de cotisations à payer à l'assurance-emploi. La plupart des Canadiens sont surpris de découvrir qui fait partie de ce groupe de la société trié sur le volet qui n'a pas à payer de cotisations. Ce groupe inclut le premier ministre, les députés et les travailleurs autonomes tels que médecins, avocats, comptables et architectes. Cela représente 18 p. 100 de la population.
• 1545
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Paul Szabo: ...travailleur autonome.
Mme Joyce Reynolds: Ce groupe inclut également les retraités, segment de la société canadienne qui comprend certains de nos citoyens les plus riches. Voilà pourquoi nous nous opposons à ce que 500 millions de dollars par mois de plus que ce qui est nécessaire au programme soient prélevés et versés au fonds des recettes générales. Nous savons qu'il n'existe pas vraiment d'excédent budgétaire accumulé de 25 milliards de dollars. Cet argent a été versé dans différents comptes et est déjà dépensé.
Ce qui nous inquiète, c'est que dès qu'il y aura une véritable récession économique, le gouvernement sera bien obligé d'augmenter les cotisations ou d'emprunter, et que tout cela se produira dans la pire des conjonctures. L'actuaire en chef de même que le vérificateur général ont déjà tiré le signal d'alarme, mais rien n'y fait.
Nous avons certaines idées à vous suggérer sur ce qui devrait être fait pour aider non seulement notre industrie, mais aussi les jeunes canadiens qui ont besoin d'acquérir une première expérience de travail.
En premier lieu, nous vous encourageons fortement à faire adopter une augmentation supplémentaire du taux de cotisation à l'assurance-emploi. Le taux devrait être doublé, à notre avis, pour compenser pour toute conséquence économique néfaste que pourrait avoir l'augmentation de la cotisation au RPC.
Ensuite, nous vous encourageons à appuyer les efforts visant à protéger à nouveau le RPC contre l'inflation...
M. Paul Szabo: Pardon, avez-vous dit doubler le taux ou le réduire?
Mme Joyce Reynolds: Le fixer au moins à 30c., au lieu de 15c., ce qui représenterait 42c. de la part des employeurs.
M. Paul Szabo: Ce n'est pas ce que vous avez dit.
M. Ken Epp: Si, c'est ce que je l'ai entendu dire, et je l'écoute attentivement.
Mme Joyce Reynolds: Ah bon. Pardon.
En troisième lieu, remettre en vigueur la protection contre l'inflation pour l'exemption annuelle de base dans le Régime de pensions du Canada. C'est une disposition qui a toute son importance pour notre secteur, en raison du grand nombre de travailleurs que nous employons à temps partiel. L'accord de 1997 du RPC entre le gouvernement fédéral et les provinces a gelé l'exemption à 3 500 $. Un autre examen de la loi est en cours, et on a même proposé au ministre des Finances d'envisager de réduire encore plus l'exemption annuelle de base.
L'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a commandé cette année une recherche exhaustive qui démontre clairement comment l'industrie des services alimentaires, et les jeunes en général, sont désavantagés par le gel de l'exemption annuelle de base. Ce rapport recommande que l'on augmente graduellement l'exemption annuelle de base, et il propose même un mécanisme de financement qui n'a pas d'incidence sur les prestations ni sur les cotisations. Il s'agirait de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour faire tomber la limite de 20 p. 100 applicable aux placements en biens étrangers des fonds de pension, car cela permettrait d'augmenter le taux de rendement du fonds d'investissement du RPC au point où il serait possible de rajuster à la hausse l'exemption annuelle de base.
Je vais déposer auprès du comité un exemplaire de ce rapport, de même qu'une copie du mémoire que nous vous avions fait parvenir plus tôt.
J'ajoute que nous avons été abasourdis d'entendre annoncer récemment que les prestations parentales seraient prolongées de 25 à 52 semaines, ce qui coûtera 1,25 milliard de dollars au gouvernement. Alors que la moindre réduction aux cotisations d'assurance-emploi est difficile à obtenir, comment ne pas sursauter lorsqu'on apprend qu'une somme aussi importante sera prélevée du compte de l'assurance-emploi, sans même que l'on ait consulté les entreprises, voire même la Commission d'assurance- emploi en ce sens. Or, une telle décision n'a évidemment pas tenu compte des répercussions que la mesure peut avoir sur des entreprises comme la nôtre.
L'absence d'un employé pendant un an peut être pénible pour un gros employeur du secteur privé ou une administration gouvernementale, mais pour un petit restaurant, cette même absence peut être un véritable désastre. Un restaurant qui n'a que dix employés et dont le chef s'absente pendant un an pourrait très bien être acculé à la faillite.
Il y a de nombreux coûts et de nombreuses conséquences sur le plan de l'emploi qui doivent entrer en ligne de compte, et je le répète, nous sommes renversés de voir à quel point le système d'assurance-emploi s'est détourné des objectifs qu'il avait au départ, c'est-à-dire le soutien du revenu en cas de perte involontaire et temporaire d'un emploi. Le système actuel est disloqué.
Par exemple, c'est un système qui est destiné exclusivement aux employés, et pourtant, les employeurs versent 60 p. 100 des cotisations. Cette année, les cotisations se sont élevées à 18,5 milliards de dollars, et pourtant, 13 milliards seulement ont été versés sous forme de prestations, et sur 13 milliards, 8 milliards seulement étaient de véritables prestations de chômage, conformément aux objectifs premiers du programme.
Voilà donc un programme qui soutire 18,5 milliards de dollars aux travailleurs et aux employeurs canadiens, mais qui ne verse que 43 p. 100 de cette somme sous forme de prestations de chômage. Pour nous qui sommes un des plus gros employeurs au Canada, il existe de meilleures solutions.
• 1550
Pour commencer, puisque ce programme est destiné aux
travailleurs canadiens, nous pensons qu'ils devraient assumer
50 p. 100 des frais du programme, et que le gouvernement devrait
aligner les contributions des employeurs sur celles des employés.
Le moment semble bien choisi, puisqu'on est en train d'élargir les
prestations parentales. Toutefois, l'élargissement des prestations
parentales relèvent de la politique sociale, de même que le
financement des garderies et des déjeuners scolaires, et ce genre
de programme devrait être financé par le trésor public, et non pas
être traité comme une charge sociale.
Pour conclure, les charges sociales sont une forme d'imposition régressive, elles détruisent des emplois, et c'est probablement la pire forme d'imposition pour les entreprises, si vous voulez vraiment favoriser l'emploi.
Le président: Merci beaucoup, madame Reynolds et monsieur Ferrabee.
Nous allons maintenant entendre le représentant du Conseil des métiers de la construction, M. John Cartwright, directeur administratif. Nous vous souhaitons la bienvenue.
M. John Cartwright (directeur administratif, Conseil des métiers de la construction): Merci. C'est la première fois que notre conseil comparaît devant ce comité, je vais donc vous expliquer un peu qui nous sommes. Nous représentons 42 000 travailleurs de la construction, tous ces hommes et ces femmes qui construisent nos villes, nos villages, nos usines et les installations publiques du grand Toronto. Ce qui nous inquiète beaucoup à l'heure actuelle, c'est qu'on parle beaucoup d'argent, et comme nous le savons tous, qui dit argent dit politique.
Nous avons un exposé que nous avons distribué aux membres du comité. J'espère que vous aurez la chance d'y jeter un coup d'oeil plus tard. Nous sommes venus vous expliquer à quel point il est essentiel de construire sur une bonne base, même si la définition a quelque peu changé par rapport à celle que vous utilisiez jusqu'à maintenant. Pour nous, construire sur une bonne base signifie quatre choses: de bons emplois, un environnement sain, des logements décents pour tous et le développement d'une économie véritablement durable.
C'est un plaisir d'entendre les représentants du Toronto Board of Trade mentionner au moins deux choses sur lesquelles nous pouvons être d'accord. D'une part, le gouvernement fédéral doit recommencer à s'intéresser à la construction de logements nouveaux et abordables; d'autre part, il importe de s'occuper du problème de la réduction de la dette. Avant de procéder à des réductions d'impôt généralisées, il faut absolument se débarrasser de cette dette, car c'est cette même dette qu'on a invoquée pour sabrer dans les programmes sociaux un peu partout dans le pays.
Notre exposé porte principalement sur les moyens financiers et réglementaires dont dispose ce gouvernement pour prendre des mesures positives. Cela dit, nous sommes heureux de pouvoir dire que la Fédération canadienne des municipalités, dans le cadre de son programme d'infrastructure pour améliorer la qualité de vie, a déjà élaboré un certain nombre de mesures excellentes.
Notre expérience dans le secteur de la construction dans la région du grand Toronto métropolitain au cours des dernières années nous a montré que les technologies et les processus environnementaux constituaient un véritable catalyseur pour la création de nouveaux emplois et de débouchés dans tous les secteurs de l'économie. Au début des années 90, nous avons traversé la pire récession qu'on aie jamais vue. Pendant près de six ans, le chômage parmi les travailleurs spécialisés a oscillé entre 35 et 50 p. 100. Pendant cette même période, personne ne construisait plus en hauteur, et c'était la même chose partout à l'est des Rocheuses, pas seulement en Ontario ou à Toronto.
Nous avons donc essayé de trouver de nouveaux débouchés pour nos membres, des débouchés qui leur permettent d'utiliser leurs compétences d'une façon utile. En effet, c'est un moyen de donner du travail aux gens et de conserver une certaine activité économique. Nous avons découvert que nous pouvions nous associer au secteur de l'environnement et du génie environnemental, et nous pensons que cela pourrait se faire un peu partout dans le pays. À Toronto, cela nous a conduits à quelque chose que nous appelons le Better Buildings Partnership. C'est un document qui a été publié par la ville de Toronto pour expliquer en quoi consiste ce partenariat.
Cela a été possible après que nous ayons expliqué au gouvernement fédéral et à la ville qu'une partie du dernier budget fédéral-provincial-municipal pour l'infrastructure, un programme lancé en 1993 par le nouveau gouvernement fédéral, devrait être consacrée à l'infrastructure environnementale et à la modernisation d'immeubles existants. Il ne s'agissait pas de dépenser ces 12 millions de dollars, mais de les utiliser pour garantir des emprunts dans le secteur public et le secteur privé pour moderniser leurs immeubles. Les résultats sont étonnants.
Depuis que Better Buildings Partnership a commencé en 1993, les émissions de CO2 ont diminué de 72 000 tonnes par année, les coûts des immeubles ont baissé de 6 millions de dollars chaque année, 3 000 emplois permanents ont été créés—ce qui, évidemment, nous intéresse directement—et 155 immeubles ont été modernisés, dans les secteurs public et privé.
• 1555
Cela vous montre qu'on a toujours avantage à démarrer sur de
bonnes bases, à partir du bon pied. Depuis cette époque, d'autres
secteurs nous ont imités avec d'excellents résultats.
Tout récemment, le SCFP, le Syndicat canadien de la fonction publique, a soumis ce document, un projet pour réduire les déchets que nous devons gérer, à la ville de Toronto. Aux termes de ce projet, on canaliserait 72 p. 100 des déchets de la construction, on créerait 900 nouveaux emplois et, pendant les 20 prochaines années, on permettrait aux contribuables d'économiser 600 millions de dollars. Pour ce faire, nous devons penser vert et revoir la façon dont nous fonctionnons, nos procédures, et cela, dans les secteurs public et privé.
Avec tout le respect que j'ai pour mes collègues qui sont ici, nous voulons vous apportez ce message: il importe de faire une différence entre le commerce intelligent et le commerce stupide, et il faut éviter de récompenser le commerce stupide à coup d'allégements fiscaux et de crédits d'impôt. Considérez toutes les activités des secteurs privé et public et demandez-vous ce qui offre le plus de possibilités pour les processus environnementaux. Cela fait, récompensez-les en déplaçant le fardeau fiscal grâce à des subventions, grâce à des investissements gouvernementaux, grâce à des règlements.
Dans notre mémoire, nous mentionnons un certain nombre de suggestions. Comme je l'ai dit, la Fédération canadienne des municipalités a réussi à mettre sur pied un excellent programme d'infrastructure favorisant la qualité de vie, un programme qui donne des solutions pour la gestion des déchets solides, des eaux, usées et autres, pour l'énergie, la rénovation d'immeubles, la décontamination et la protection des terrains écologiquement fragiles et du patrimoine.
On y parlait également de transport, de la nécessité de construire des systèmes de trains de banlieue et de transport public. Nous considérons que ce n'est pas seulement la responsabilité des municipalités, comme c'est le cas habituellement depuis que la province s'est déchargée de toutes ses responsabilités, mais également du gouvernement fédéral. À l'heure actuelle, 30 p. 100 de toutes les émissions de CO2 sont produites par des véhicules, et 16 000 Canadiens meurent prématurément chaque année à cause de la pollution de l'air.
Nous sommes donc un des seuls pays au monde où le gouvernement fédéral ne s'occupe pas des transports publics.
Il n'y a pas longtemps à Toronto, la ville de Toronto ou la TTC ont dû décider si elles avaient les moyens d'économiser des millions de dollars en commandant de nouveaux autobus. Le débat n'est d'ailleurs pas terminé car depuis que la province a tourné le dos, il n'y a plus d'argent.
Le premier ministre fédéral et celui de la province étaient en ville la semaine dernière pour annoncer la merveilleuse vision du maire pour l'aménagement du bord du lac dans le grand Toronto. Un des éléments était une liaison rapide avec l'aéroport. Quand on veut payer un verre aux gens, cela coûte de l'argent, et si le fédéral insiste pour applaudir à ces initiatives, il va devoir fournir de l'argent également, investir dans ces projets.
En ce qui concerne le logement, nous sommes le seul pays du G- 7 où le gouvernement fédéral ne s'occupe pas activement de la construction de logements abordables. Nous prions instamment le gouvernement de reprendre ses activités dans ce secteur, comme cela était le cas pendant 30 ou 40 ans, car vous aurez beau agiter un potager entier de carottes sous le nez du secteur privé, celui-ci ne réussira pas à loger les éléments les plus pauvres de notre population. Nos travailleurs sont très qualifiés, ils gagnent actuellement un bon salaire, mais il y a cinq ou six ans, beaucoup d'entre eux auraient aussi bien pu se retrouver au bien-être.
Nous ne voulons pas avoir l'air de nous occuper exclusivement de nos propres intérêts; à cause de nos compétences, nous avons une contribution importante à faire et nous tenons à la faire. Mais pour cela, le gouvernement fédéral doit être prêt à l'action et quelqu'un doit réveiller la province de l'Ontario à coups de bâton—un gros bâton—pour la convaincre de s'intéresser de nouveau à ce secteur.
J'aimerais aborder deux autres éléments fondamentaux; l'assurance-emploi est une plaisanterie. Un tiers seulement des Canadiens chômeurs sont actuellement couverts par ce système, et pourtant, on continue à prétendre que c'est un programme social universel, ce qui n'est évidemment pas vrai.
Au lieu de gaspiller les excédents en réductions d'impôt, il importe de reconstruire ce programme de fonds en comble et de rétablir les niveaux de prestations fondés sur les qualifications, comme c'était le cas avant 1990, lorsque le gouvernement conservateur d'abord, puis le gouvernement libéral, ont démoli ce programme qui n'est certainement plus aujourd'hui un programme social universel.
Le Congrès du travail du Canada réclame une norme selon laquelle un minimum de 70 p. 100 des chômeurs seraient couverts. À notre avis, tous les Canadiens qui n'ont pas d'emploi devraient être couverts par le programme.
• 1600
D'autre part, il faudrait envisager d'élaborer un fonds de
réserve qui permettrait au gouvernement de compenser la nature
cyclique du secteur de la construction. Ce que nous ne voulons pas,
c'est que les gouvernements fédéral, provinciaux ou municipaux
accordent des contrats mirobolants en période de boom de la
construction et qu'en période de récession, faute d'argent, il n'y
ait plus rien à faire. Nous voulons donc que vous mettiez de
l'argent en réserve et que vous l'utilisiez pour régulariser le
cycle.
De cette façon, les gens pourraient continuer à travailler et nous ne perdrions pas des milliers d'apprentis, comme cela a été le cas lors de la dernière récession. Des quantités de jeunes ont tourné le dos à ce secteur où ils ne voyaient aucun avenir.
Nous devons donc les convaincre de rester et d'acquérir les compétences nécessaires. En même temps, vous dépenserez l'argent du contribuable à meilleur escient en faisant des appels d'offres pendant des périodes où la concurrence est particulièrement forte.
Nous avons préparé un résumé en sept points: les investissements directs sous forme d'instruments financiers pour mener à bien les programmes d'infrastructure pour améliorer la qualité de vie préparés par la FCM; construction de nouveaux logements et de logements locatifs abordables avec participation du gouvernement fédéral; financement des transports publics, y compris l'achat non taxé de véhicules, cartes d'abonnement d'autobus fournies par les employeurs—un système qui a été approuvé par la Chambre il y a environ quatre mois et que nos amis du syndicat des transports développent très activement—ainsi qu'une liaison rapide avec l'aéroport Pearson; déplacer le fardeau fiscal pour encourager les activités économiques favorables à l'environnement; créer un fonds atmosphérique national sur le modèle de l'excellent Toronto Atmospheric Fund, un système qui peut s'appliquer à la fois au secteur privé et au secteur public; rétablir le programme d'assurance-emploi qui existait avant 1990 en ce qui concerne les qualifications et les prestations, et enfin, créer un fonds de réserve dans lequel on pourrait puiser pendant les ralentissements du cycle de la construction.
Voilà une brève description de ce que nous voudrions que vous fassiez.
Le président: Merci, monsieur Cartwright.
Nous recevons maintenant Mae Harman, ex-présidente de la section ontarienne, et Ray McLeod, président du Comité sur les pensions de la Corporation canadienne des retraités intéressés.
Bienvenue.
Mme Mae Harman (ex-présidente, Corporation canadienne des retraités intéressés): Merci, monsieur le président. J'espère que notre exposé mettra en relief certains des enjeux décrits si éloquemment par les témoins précédents.
La Corporation canadienne des retraités intéressés s'inquiète depuis longtemps de la pénurie de financement et d'autres ressources pour les programmes sanitaires, sociaux et éducatifs, et du fait que les efforts déployés pour réduire la dette nationale ont fait passé au second plan ces services sociaux. Étant donné cette réalité et les messages stridents de certains groupes qui souhaitent que dans le prochain budget fédéral la priorité soit accordée à la réduction des impôts, nous avons adressé une lettre au ministre des Finances, l'honorable Paul Martin, le 4 octobre pour lui faire part de notre position.
L'exposé que nous vous livrons aujourd'hui au nom de l'organisation nationale et de la section ontarienne reprend les arguments que nous avons fait valoir dans cette lettre.
La Corporation canadienne des retraités intéressés, fondée en 1969, est une organisation non partisane dont les membres sont des Canadiens d'âge mûr voués à la préservation et au renforcement d'une philosophie de vie axée sur l'humain pour tous les citoyens peu importe leur âge.
La CCRI se soucie tout particulièrement de la qualité de vie des personnes qui, en raison de leur âge, d'une maladie, de troubles physiques ou psychologiques ou de besoin économique, sont particulièrement vulnérables dans une société totalement acquise aux lois du marché et aux valeurs axées sur l'économie, souvent au prix des autres valeurs sociétales qui tendent à créer un ordre social juste et équitable où chacun a sa place. Voilà pourquoi nous croyons fermement que tout excédent budgétaire doit servir à régler les problèmes sociaux et sanitaires très criants dont souffrent de nombreux Canadiens avant que l'on envisage de réduire l'impôt.
Nous admettons l'importance de rembourser la dette mais il faut répondre en priorité aux besoins que nous venons de décrire.
La réduction des crédits fédéraux et des paiements de transfert aux provinces au fil des ans a sérieusement ébranlé notre système de soins de santé public à tel point que dans certaines régions, c'est l'état de crise qui menace. L'érosion du système public a encouragé ceux qui souhaitent un système privatisé à deux vitesses à intensifier leurs pressions et à devenir plus stridents.
Malgré tout cela, la grande majorité des Canadiens ont à coeur le maintien de leur système de santé et insistent pour que le gouvernement fédéral réponde de la responsabilité qu'il a de le défendre et de l'améliorer.
• 1605
Les récentes augmentations des transferts fédéraux, si elles
sont les bienvenues, ne suffiront pas totalement à rétablir à leur
niveau d'antan les transferts réduits par le gouvernement Mulroney
puis encore plus profondément par les Libéraux.
Comme l'a dit récemment notre ministre de la Santé, l'honorable Allan Rock, il est généralement admit depuis de nombreuses années que parmi les déterminants de la santé, il faut inclure les soins de santé eux-mêmes mais aussi d'autres facteurs économiques et sociaux dont un logement adéquat, la sécurité du revenu, l'éducation, et un certain contrôle sur nos vies. Malheureusement, on a prit pour prétexte la «lutte au déficit» pour mettre fin ou réduire les programmes sociaux pourtant bien nécessaires dans ces secteurs. Il est maintenant urgent de rétablir le financement et il faut que ce soit une priorité.
En 1990, le rapport du groupe de travail que présidait M. Martin et M. Fontana reconnaissait la nécessité du soutien fédéral au logement:
-
Le logement est un droit humain fondamental. Tous les Canadiens ont
le droit à un logement acceptable, dans des quartiers acceptables,
à des prix abordables. L'hébergement est l'une des nécessités de la
vie et un hébergement adéquat constitue un droit individuel et
collectif pour tous les Canadiens. Le problème des sans abri est le
signe le plus visible de l'existence d'une crise du logement au
Canada. C'est une réalité symptomatique d'une pénurie de logements
abordables.
La crise des sans abri a pris énormément d'ampleur depuis la publication du rapport du groupe de travail du parti libéral en 1990. Il faudrait augmenter de 1 p. 100 la part du budget national total consacrée au logement. C'est l'une des recommandation du Toronto Disaster Relief Committee et elle jouit d'un soutien considérable dans tout le Canada.
L'étude Mustard-McCain met en relief l'importance de l'éducation pour le développement des jeunes enfants qui sont la plus précieuse ressource et le plus grand espoir de la société. Les réductions précédentes des transferts fédéraux aux provinces au titre de l'éducation ont été répercutées, ici en Ontario, aux collectivités, sous la forme de réduction des programmes et des services; on demande en plus aux enseignants de faire plus avec moins. Les enfants en difficulté, ceux qui ont des troubles d'apprentissage, de comportement, des invalidités ou qui ne possèdent pas l'anglais, ont été particulièrement négligés. On a créé un milieu hostile à l'enseignement créatif et à la stimulation de l'apprentissage. De nombreux enseignants d'expérience ont choisi la retraite anticipée. D'autres ont été déclarés surnuméraires.
En règle générale, les jeunes qui poursuivent des études postsecondaires se retrouvent avec d'énormes dettes en raison des montants élevés des frais de scolarité et ces derniers transforment nos collèges et universités en établissements réservés à l'élite qui elle seule a les moyens de poursuivre des études.
Dans l'ensemble, il faut davantage de formation et de recyclage pour que les gens puissent se trouver des emplois valorisants et durables. Le fort taux de chômage chez les jeunes et le fort taux de roulement de tous les employés de tous les groupes d'âge dont l'usine a fermé ou dont l'emploi cesse d'exister démontrent bien la nécessité de solutions créatrices à tous les niveaux si nous voulons aider les candidats à l'emploi à se trouver un poste valorisant et à contribuer à l'économie et à la vie de la nation.
Il y a de bonnes raisons de croire que la majorité des Canadiens préféreraient une augmentation des dépenses au titre de la santé et des programmes sociaux à des réductions d'impôt dont ne profiteront pour l'essentiel que ceux qui ont des revenus élevés. L'écart de revenu entre les riches et les preuves ne cesse de se creuser.
Notre organisation favorise un régime fiscal plus progressiste avec plus de tranches d'imposition et où les revenus les plus élevés sont assujettis à des taux d'imposition plus élevés. Le taux d'imposition de 17 p. 100 pour la tranche d'imposition la moins élevée est excessif et devrait être ramené à 7 p. 100. Il convient de signaler qu'en ramenant ce taux d'imposition à 7 p. 100 pour ceux qui ont les plus faibles revenus imposables entraînera légèrement à la baisse aussi l'impôt sur les revenus les plus élevés.
• 1610
Les sociétés doivent être tenues de payer leur juste part
d'impôts et il faudrait supprimer les échappatoires qui existent.
Il faudrait exiger le paiement des impôts différés. D'aucuns disent
que certaines sociétés ne paient un cent d'impôt même lorsqu'elles
déclarent d'énormes bénéfices.
Le jour où nous serons en mesure de réduire l'impôt, nous pourrions commencer par la TPS, taxe très impopulaire auprès de ceux qui doivent la payer aussi bien que ceux qui doivent la percevoir. La TPS touche tous les Canadiens mais frappe plus durement ceux qui ont les revenus les moins élevés.
La récupération fiscale des prestations de sécurité de la vieillesse constitue une taxe spéciale injuste sur les personnes âgées qui paient les mêmes impôts que les autres Canadiens. Il est inapproprié et inacceptable que l'on exige des personnes âgées une contribution spéciale. Il faut mettre fin totalement à cette récupération fiscale. Comme mesure provisoire, on pourrait relever le montant du revenu à partir duquel se pratique la récupération fiscale.
On a souvent dit que la réduction du fardeau fiscal permettrait de freiner l'exode des cerveaux vers les États-Unis et de stimuler l'économie.
On peut lire dans le Toronto Star de samedi que la situation n'est guère plus reluisante aux États-Unis. Le taux d'imposition global du Canada, toutes taxes confondues, se compare très bien à celui des autres pays. Par ailleurs, les Américains assument en totalité ou en partie les coûts de l'assurance médicale pour des soins de santé alors que nous avons une couverture universelle. Ce prétendu exode des cerveaux est attribuable en large partie au fait que nos diplômés sont attirés aux États-Unis par une rémunération plus élevée, de plus larges perspectives d'avenir et un meilleur soutien de la recherche. En outre, nous avons la malheureuse habitude de vendre nos sociétés canadiennes à des propriétaires étrangers qui très souvent ramènent leurs sièges sociaux et leurs cadres et leurs agents de maîtrise sur leur propre territoire.
Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, madame Harman.
Nous passerons maintenant aux questions. Ce sont des questions de cinq minutes.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs exposés.
Puisque le président m'accorde très peu de temps, je vais aller droit au vif du sujet. J'aimerais que vous me parliez un peu de l'assurance-emploi.
L'un de vous—je ne me rappelle plus qui au juste—a dit que vous étiez très heureux que le gouvernement ait décidé cette réduction. Par après, un autre témoin nous a déclaré que cette réduction aurait dû être au moins deux fois plus élevée.
L'actuaire en chef du régime nous dit pour sa part que le taux de cotisation pourrait descendre jusqu'à 2,05 $ sans compromettre l'intégrité du régime.
L'autre jour, j'ai demandé à mon adjointe de faire le total de tout ce que le gouvernement avait engrangé depuis 1992, je pense que c'est cette date-là, et tout ce qu'il avait décaissé en prestations. La différence entre les deux totaux s'établit à 50 milliards de dollars. C'est cela qui a été prélevé.
À mon sens, il s'agit là à tout le moins d'une question qui, sur un plan législatif, doit relever de la caisse d'assurance- emploi et non pas du Trésor public en général. Certains d'entre vous y ont d'ailleurs fait allusion. J'aimerais savoir dans quelle mesure on pourrait s'accorder pour dire que les cotisations à l'assurance-emploi devraient être réduites, et réduites de façon radicale.
J'aimerais également savoir si, à part celui d'entre vous qui en a fait mention, à savoir l'Association des restaurateurs et des services alimentaires, les autres témoins estiment également que les cotisations de l'employeur et de l'employé devraient être égales.
Mme Linda Korgemets: Je serai heureuse de commencer, monsieur le président.
La Chambre de commerce de Kitchener-Waterloo a effectivement dit qu'elle se félicitait de l'annonce de la réduction qui a été faite la semaine passée. Pendant les années précédentes, nous avions été beaucoup plus rigoureux dans nos interventions en réclamant des réductions de cotisations plus rapides. Cette année-ci, conscients de l'importance qu'il y a de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, nous n'avons pas jugé pouvoir continuer à demander également des réductions dans le cas de l'assurance-emploi. Nous voulions que la diminution de la fiscalité sur la masse salariale se poursuive.
Nous souscrivons à toutes les études que nous connaissons, et que connaissent d'ailleurs également les autres témoins réunis ici, dont la conclusion était que les taxes sur la masse salariale étaient mortelles pour l'emploi. Chaque année, c'est manifeste, nous faisons campagne pour que les cotisations à l'assurance-emploi diminuent, et qu'elles diminuent jusqu'au niveau qui serait jugé acceptable par l'actuaire du régime.
Nous ne sommes pas favorables à l'idée que ce soit la caisse d'assurance-emploi qui finance le Trésor public comme elle l'a fait jusqu'à présent, mais nous avons également le sentiment qu'au fil du temps, grâce à ces importantes réductions dont nous bénéficions chaque année, nous en arriverons à un point où les comptes de la caisse seront en équilibre et où cette dernière ne servira donc plus à alimenter le Trésor public.
Mme Terri Lohnes: Je voudrais à mon tour marquer mon appui à ce qui vient d'être dit. Comme vous l'avez constaté dans notre mémoire, nous avons fait la comparaison entre des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers et des réductions des charges sociales, et nous avons également réclamé une diminution de l'impôt sur le revenu des entreprises. Nous savons qu'il y a des priorités, de sorte que nous avons effectivement réclamé une réduction de 15c., ce dont nous nous sommes également félicités lorsque le ministre en a fait l'annonce la semaine dernière. Nous aurions demandé davantage, mais nous ne voulions pas compromettre la possibilité qu'il puisse y avoir cette fois-ci une plus forte réduction au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers. Nous espérons que la tendance à la baisse des cotisations à l'assurance- emploi se poursuivra au fil des années et que les cotisations continueront à baisser jusqu'à atteindre le niveau mentionné par l'actuaire en chef.
Pour ce qui est de l'égalité des cotisations de l'employeur et de l'employé, nous n'avons pas fait de recommandation à ce sujet dans notre exposé.
Le président: Quelqu'un d'autre?
M. John Cartwright: Oui, je voudrais ajouter un mot.
Une étude qui a été effectuée récemment à Toronto a conclu que près de la moitié des sans-abri de cette ville sont des gens qui, si les règles n'avaient pas changé au détriment de leur admissibilité à certaines prestations, toucheraient actuellement l'assurance-emploi ou une prestation d'assistance publique. Ces gens auraient donc un toit au lieu de devoir dormir dans la rue. Tous ceux là qui piaffent d'impatience en attendant que les programmes sociaux soient encore davantage restreints, de sorte qu'il y ait de moins en moins de Canadiens sans travail qui puissent y avoir droit, se trompent de cible.
Il est certain que nous n'avons aucune hésitation à réclamer une réduction des cotisations, parce que cela s'inscrit tout à fait dans le cadre d'un glissement de la fiscalité qui soulagerait les éléments que nous jugeons souhaitables, comme le travail, pour pénaliser davantage les éléments dont nous ne voulons pas, comme les industries polluantes et toute l'économie basée sur les hydrocarbures. Mais de là à continuer à insister sur cette notion de l'amputation du système peu importe qui en fait les frais... Vous avez beau parler de l'excédent, cet excédent vient de quelque part. Il vient des travailleurs au chômage qui, depuis huit ou neuf ans, se sont vu refuser toute prestation.
M. Michael Ferrabee: J'aurais peut-être quelque chose à ajouter moi aussi.
J'ai trouvé que la question de M. Epp était intéressante. Pour ce qui est des réponses données par les milieux d'affaires, je pense que vous constaterez qu'elles dépendent dans une large mesure de la concentration d'emplois dans le secteur en question. Dans un secteur comme le nôtre, là où 30 p. 100 des frais généraux d'un restaurant sont constitués par les salaires, il est évident que les cotisations à l'assurance-emploi nous préoccupent beaucoup plus parce qu'elles représentent une fraction beaucoup plus importante de nos frais généraux et une fraction beaucoup plus importante aussi de nos frais de main-d'oeuvre.
Un secteur comme le nôtre est précisément la porte d'entrée de l'emploi. Ce secteur peut donner du travail à tous ces gens dont parlait M. Cartwright, c'est dans ce secteur qu'on peut pénétrer sur le marché du travail. Ainsi donc, nous estimons qu'une diminution du taux de cotisation à l'assurance-emploi est quelque chose d'extrêmement important pour nous, du point de vue des gens qui travaillent pour nous.
M. Ken Epp: Je pense que mon temps d'intervention est écoulé et ma conclusion n'appellera pas, du moins je l'espère, de possibilité de répartie.
Je voudrais adresser un message au secteur de la restauration, et ce message est celui-ci: pourquoi ne pas ajouter au prix d'un repas au restaurant 15 p. 100 qui serait versé sous forme de salaire aux employés, afin que ceux-ci puissent en profiter par la suite lorsqu'ils toucheraient leur pension de retraite, par exemple?
Mme Joyce Reynolds: La clientèle répugne trop à payer plus cher pour que nous puissions envisager cette solution. Elle a d'autres choix.
M. Ken Epp: Il suffirait d'avoir une pancarte disant que les pourboires sont illégaux. Et voilà.
Une voix: De toute façon, Ken ne donne jamais de pourboire.
M. Ken Epp: Pas du tout. Regardez-moi faire, mon pote. Je ne veux pas que ces types soient fâchés contre moi car ce sont eux qui me nourrissent et qui font de moi ce que je suis.
Une voix: Ils sont fâchés contre vous.
M. Paul Szabo: On a également pas mal abordé la question du congé parental, et j'aimerais encore une fois entendre l'avis des chambres de commerce à ce sujet, étant donné qu'on a maintenant la preuve irréfutable que la première année du développement de l'enfant, et en particulier de son développement neurologique, est extrêmement importante, étant donné que le raisonnement abstrait, la logique et la faculté de solutionner des problèmes sont tous fixés pendant la première année, et également que la qualité des soins offerts à l'enfant pendant ces périodes de formation est l'élément le plus déterminant pour la santé future de cet être humain. Puisque 25 p. 100 de nos enfants entrent dans la vie adulte affligés d'un problème grave, d'ordre physique, mental, comportemental ou d'apprentissage, et vu que les recherches révèlent que tout investissement fait dans ce domaine produira un dividende allant du double au septuple pour ce qui est des soins de santé, des programmes sociaux, de la justice pénale et de l'instruction...
• 1620
Je sais par exemple que l'Association des restaurateurs
n'aimerait pas qu'un chef cuisinier puisse prendre congé pendant un
an, mais à l'heure actuelle, le programme lui permet six mois de
congé. S'il s'agit là d'une préoccupation légitime, cette
préoccupation existe déjà. Il n'en demeure pas moins que ce qui est
proposé, c'est de remédier à une situation très préoccupante en
permettant aux parents qui en ont besoin de pouvoir s'occuper de
leurs enfants.
Une voix: De façon partagée.
M. Paul Szabo: J'aimerais encore une fois vous demander ce que vous pensez de l'utilité qu'il y aurait à permettre aux parents de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants en cas de besoin.
Le président: Qui voudrait dire un mot à ce sujet?
Mme Linda Korgemets: Je le ferai bien volontiers. Je pense que nous pourrions d'ailleurs intervenir dans le même ordre que celui de nos exposés.
Nous estimons qu'il ne faudrait pas utiliser la caisse de l'assurance-emploi pour financer le congé parental. J'en conviens, il est important qu'un petit enfant puisse compter sur la présence d'un de ses parents à la maison. Je sais que les études ont conclu que c'était surtout important jusqu'à l'âge de trois ans et que ce sont ces trois premières années qui sont fondamentales pour le développement futur de l'enfant. Notre position à ce sujet est qu'il doit y avoir un moyen d'offrir aux parents une rémunération complémentaire d'un genre ou d'un autre grâce à des réductions des charges sociales et de l'impôt sur le revenu, afin précisément de leur offrir ce choix selon qu'ils pourront se le permettre ou non.
Ma famille ne peut compter que sur un seul salaire, mais je suis de toute évidence fort bien payée grâce à mon métier. Nous avons une fille de huit ans, mais, lorsque nous avons décidé que l'un de nous resterait à la maison, nous travaillions tous les deux dans le secteur bénévole. C'est un choix que nous avons donc fait malgré des difficultés financières extrêmes. C'était néanmoins un choix personnel. À mon avis, nous devons admettre qu'il faut donner aux familles la possibilité de faire des choix. Il faut leur donner davantage de moyens financiers parce que nous sommes déjà suffisamment taxés. Mais je dirais aussi que ce serait une grossière erreur de financer le congé de maternité ou de paternité à même la caisse d'assurance-emploi.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): À ce moment-là, je vais simplement vous poser une question. Revenons si vous voulez bien à la question du congé de maternité ou de paternité. Lorsque nous affinerons la formule, l'une des questions qui va se poser sera de déterminer la souplesse qu'il faudra donner à la chose. En Europe, tous les pays que nous avons étudiés jusqu'à présent et qui ont un bon régime de congé parental ont fixé la barre à un an. Mais quelle est la souplesse permise dans ce créneau d'une année, par exemple l'un des deux parents peut-il prendre les six premiers mois et l'autre les six autres, ou alors l'un des parents peut-il prendre congé pendant six mois, puis ne prendre qu'une heure par jour pendant les six prochains mois ou jusqu'à ce que l'enfant puisse aller à l'école, simplement de quoi aller le conduire à la garderie et aller le rechercher? Il est possible de concevoir un système assez souple, en concertation avec l'employeur, de manière à essayer de voir comment y parvenir.
Nous pourrions peut-être demander l'avis des chambres de commerce et de l'Association des restaurateurs, étant donné que là aussi, ce sont des choix qui sont faits par les familles. Si vous êtes, mettons, un chef cuisinier étoilé, peut-être sera-ce votre conjoint qui prendra congé parce que ce sera préférable dans votre cas. Nous voulons laisser le choix à la famille, mais je pense également que nous avons entendu des arguments fort convaincants l'an dernier dans le cadre des travaux du Sous-comité sur l'enfance à risque par rapport à ce que nous devrions faire dans ce créneau d'un an, compte tenu de ce qui se fait à l'étranger. C'est la question que je pose à ceux qui se sont déjà exprimés au sujet du congé parental.
L'autre question s'adresse au secteur de la vente par démarchage, qui représente somme toute une excellente transition entre l'assistance sociale et le plein emploi. À part l'assurance- emploi, faudrait-il donner plus de souplesse au régime d'assurance- invalidité en vertu du RPC? Là aussi, lorsque nous siégions au Comité des handicapés, nous avons entendu qu'un cas d'invalidité partielle ou un procès, par exemple, présenterait les mêmes risques si nous tentions de faire quelque chose dans votre secteur. Devrions-nous faire, du côté du RPC, un peu la même chose que ce que vous préconisez au sujet de l'assurance-emploi?
Mme Terri Lohnes: Nous n'attendons que cela.
Mme Elyse Allan: Juste une observation, si vous voulez bien. Tout d'abord, lorsque vous parlez des travaux de recherche, permettez-moi d'aborder un peu la question sous deux angles différents.
• 1625
En premier lieu, la Chambre de commerce n'est pas seulement
une organisation de membres, c'est également une petite entreprise.
Nous représentons un chiffre d'affaires de 16 millions de dollars
et nous avons 350 employés. Nous exploitons trois restaurants et
nous avons beaucoup d'employés à temps partiel. Nous ne sommes pas
encore dans le créneau du démarchage, mais nous travaillons déjà
dans le domaine du télémarketing.
Je dirais qu'il y a ici deux points de vue. Tout d'abord, pour ce qui est de la position officielle de la Chambre de commerce, nous ne nous sommes pas interrogés quant à la provenance des fonds nécessaires. Nous n'avons pas étudié la chose, mais je vais laisser Terri en parler au cas où j'aurais oublié ou mal exposé quoi que ce soit.
Je pense que nous en avons parlé dans le contexte de cette souplesse qui est nécessaire plutôt qu'en pensant à la provenance des fonds. Je ne veux pas pour autant réfuter les travaux de recherche pour ce qui est des constats que nous pouvons faire et de ce que souhaitent les employés, qui veulent pouvoir rester à la maison pendant cette période. Du point de vue de la petite entreprise, du point de vue de ceux de nos membres qui sont dans ce secteur, je pense qu'il s'agit de savoir comment donner à ces entreprises la souplesse nécessaire pour trouver une solution lorsqu'un employé indispensable veut prendre congé, doit prendre congé ou souhaite prendre congé pour élever des enfants, un bébé ou un enfant adopté.
Comment procéder dans le cadre d'une organisation? Lorsqu'il s'agit d'un petit employeur, qui a 10, cinq ou trois employés seulement, c'est un vide qui n'est pas facile à combler. Tous ceux d'entre nous qui sont dans ce cas savent à quel point il est difficile de faire fonctionner un bureau lorsqu'un employé indispensable prend un an de congé alors même qu'on n'a aucune souplesse pour trouver une solution et pour l'accommoder.
Je comprends fort bien l'importance que vous accordez à la souplesse. Nous n'avons pas arrêté de position officielle qui vous aiderait à trouver une réponse, mais c'est quelque chose que plusieurs de nos comités—sur la fiscalité, la législation ouvrière ainsi que la qualité de la vie—ont déjà abordé et sont en train d'étudier.
Mme Carolyn Bennett: Mais la population active n'est-elle pas un peu plus malléable qu'elle ne l'était auparavant? Je dirais personnellement qu'il doit être beaucoup plus facile maintenant d'engager quelqu'un à titre contractuel pour un an, par exemple.
Mme Elyse Allan: Vous avez raison. À certains endroits, c'est effectivement le cas. Comme vous le dites, il y a davantage d'accommodements. Le marché de l'emploi est très différent de ce qu'il était il y a une vingtaine d'années, c'est certain, mais je pense que cela dépend aussi surtout des qualités, de l'expérience, de la compétence et des gens qui peuvent en profiter.
Le président: Monsieur Ferrabee, voudriez-vous ajouter un mot?
M. Michael Ferrabee: Effectivement, et j'aimerais vous faire une mise en garde lorsque vous examinerez cette question. Peut-être faudra-t-il écouter les gens qui ont leur propre entreprise.
Mme Carolyn Bennett: Généralement, nous n'avions que cinq employés au bureau. Lorsque j'exerçais la médecine, parfois il n'y avait que le patient et moi, mais nous nous en tirions.
M. Michael Ferrabee: Je pense qu'il y a tout un tas de métiers qui sont dans ce cas, il y en a probablement beaucoup aussi dans notre industrie. Moi, j'ai cinq employés. Une de mes employées a été en congé de maternité pendant quatre mois. La situation était alors gérable. «Gérable» voulait dire que c'est moi qui faisais son travail, mais en tant que gestionnaire, j'arrivais à m'en tirer.
Mme Carolyn Bennett: J'aurais cru que vous auriez pu engager quelqu'un.
M. Michael Ferrabee: Dans cette situation en particulier, je n'aurais probablement pas pu le faire. Cela aurait sans doute signifié que j'aurais dû le faire pendant un an. Si j'ai cinq ou six employés, avec deux ou trois personnes en congé, je ne sais pas ce que je pourrais faire. Voilà les véritables problèmes, et c'est quelque chose que je vous signale comme un cas personnel tiré de mon expérience dans le domaine des politiques publiques.
Dans le cas d'une petite entreprise ou activité économique, comme le disait Joyce en parlant du chef cuisinier qui a été formé et avec qui on a commencé à travailler, si vous êtes fin prêt à commencer mais que vous apprenez tout d'un coup que votre chef cuisinier va être absent pendant un an, il faut quand même penser au fait que non seulement cette personne sera absente pendant un an, mais également que vous êtes obligé de lui garder son poste, non? Vous essayez alors de combler un poste pour remplacer quelqu'un qui a peut-être des connaissances ou des compétences très particulières.
Mme Carolyn Bennett: Le cas d'un restaurant exotique, par exemple.
M. Michael Ferrabee: Comme un restaurant asiatique. Le chef en question est peut-être celui qui prépare les sushi, si vous voyez ce que je veux dire. Vous devez alors essayer de trouver quelqu'un qui puisse le remplacer, mais il y a pénurie. Vous devez donc engager un remplaçant mais en l'avertissant que cet emploi ne durera que 12 mois.
Mme Joyce Reynolds: Ou trois mois, ou six mois, ou sept mois et demi. Il est impossible de savoir combien de temps vous pourrez le garder. Ça, c'est autre chose. C'est le fait que vous ignorez si vous engagez quelqu'un à titre temporaire pour trois mois, six mois, neuf mois ou maintenant un an.
M. Michael Ferrabee: Effectivement, et pour l'employé, cette souplesse s'inscrit dans le cadre très général des choses. L'ingénieur social pique une crise lorsque vous lui parlez de plusieurs centaines d'employés dont le travail est plus ou moins interchangeable. Mais lorsque vous réduisez l'équation au niveau d'un nombre x de petites entreprises, il n'y a qu'un seul responsable, un responsable qui a acquis un savoir particulier au fil des ans, il n'est pas toujours possible de le remplacer par un contractuel.
Mme Carolyn Bennett: Si vous n'offrez pas à votre employé un congé parental dans de bonnes conditions, il va vous quitter pour de bon et, à ce moment-là, vous allez perdre tout le bénéfice de la formation que vous lui aurez dispensée. En Europe, on offre de plus en plus de formation spécialisée dans les domaines de ce genre de sorte que, lorsqu'une employée part en congé de maternité, il y a toujours quelqu'un pour la remplacer. Je pense que c'est ce que nous ont appris les travaux de recherche qui ont été portés à la connaissance du comité.
Le président: Merci, madame Bennett.
Monsieur Millar.
M. Jack Millar: Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est de l'assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada, le grand axe du mémoire présenté par l'Association de ventes directes fait valoir que les gens qui travaillent dans ce secteur sont des indépendants. Bon nombre de gens qui sont sortis du marché de l'emploi salarié cherchent d'autres possibilités pour gagner leur vie. Depuis toujours, c'est ce secteur-là qui les attire. Son paradigme, c'est la femme; la majorité des travailleurs de ce secteur sont des femmes, et souvent elles recherchent un horaire de travail souple mais qui leur permet néanmoins de gagner un revenu. Il n'est pas possible de les contraindre à un horaire de 9 à 5.
• 1630
Ce que nous avons appris, c'est que la façon dont le programme
d'assurance-emploi est conduit est discriminatoire pour les
Canadiens et les Canadiennes qui essaient de lancer une petite
entreprise, et j'entends par là les décisions prises au cas par cas
un peu partout au Canada en ce qui concerne le maintien du droit
aux prestations. Que se passe-t-il pour ceux qui essaient de gagner
leur vie, qui se trouvent bloqués à un certain niveau et qui
finissent en réalité par ne plus vouloir du tout faire le saut pour
se sortir entièrement du système de l'assurance-emploi ou de
l'assistance publique?
C'est la même chose pour le RPC. D'après ce que nous savons, même si c'est beaucoup plus limité, le programme est tellement centré sur l'élément emploi, sur la réinsertion dans le marché du travail, qu'il ne s'occupe pas du tout de ceux et celles qui tentent de devenir indépendants pour gagner leur vie.
Le président: Nous avons un dernier intervenant.
Monsieur Brison
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président.
Monsieur Ferrabee, un chef cuisinier qui prépare des sushi ne passe pas beaucoup de temps au-dessus d'un fourneau, de sorte que...
M. Michael Ferrabee: Si cela vous intéresse, la demande est telle qu'il est presque impossible de trouver un bon préparateur de sushi. À tel point qu'on en fait venir régulièrement d'Asie. Il y a au Canada des hôtels et des restaurants qui ne parviennent pas à ouvrir un restaurant spécialisé...
M. Scott Brison: Si vous connaissiez le sushi aussi bien que moi...
Une voix: Oh, oh!
M. Scott Brison: Merci.
J'ai une question au sujet des changements apportés à l'assurance-emploi. Samedi, j'étais à Saskatoon et j'y ai rencontré des représentants de la Chambre de commerce. Ils m'ont fait valoir que ces changements risqueraient d'avoir une incidence sur la politique d'embauche des PME. Il pourrait en fait même y avoir des conséquences inattendues en ce sens que tous ces changements pourraient effectivement produire un genre de discrimination à l'endroit des femmes dans certains secteurs. Les petits commerçants en question m'ont signalé cette possibilité, me disant que cela risquerait de les pousser à éviter d'engager des femmes. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
En second lieu, le fait d'offrir ces prestations pendant un an ne pourrait-il pas aggraver le degré de subordination de celui des deux qui gagnent le moins? Il est certain qu'en l'occurrence, le couple devrait prendre une décision. De fait, lorsque tous deux tiennent à leur carrière, et je ne parle pas ici de leur désir d'élever un enfant, leur décision risque d'être conditionnée par le niveau de revenu de chacun. D'ailleurs, j'imagine que ce serait normal. À ce moment-là, cette décision risque d'avoir un effet peut-être injuste pour celui des deux qui gagne le moins et qui se trouverait ainsi subordonné à l'autre. Cela pourrait également nuire aux femmes pendant une période de transition.
Mme Joyce Reynolds: Il est certain que nous n'avons pas les réponses à ces questions. Nous ignorons quels seront les effets en question. Ce qui nous inquiète, c'est que le ministère l'ignore également. Ce sont là toutes sortes de choses qui doivent être prises en considération.
Il faudrait peut-être un phase d'introduction très longue pour pouvoir l'essayer à différents niveaux de congé. Il faudrait peut- être faire intervenir d'autres considérations, par exemple l'obligation de dire à l'employeur exactement quand on va revenir si le congé se prolonge pendant une année entière. C'est quelque chose qui préoccupe les employeurs: ils veulent savoir pendant combien de temps ils vont remplacer la personne. Ils n'en ont aucune idée pour l'instant, parce que certaines personnes ne vont pas pouvoir se permettre de prendre ce congé ou ne vont pas vouloir ou ont tellement investi dans leur carrière qu'elles ne peuvent pas prendre une année entière.
On n'a pas vraiment examiné une foule de questions de ce genre. Je tiens à répéter que ce qui nous préoccupe, c'est qu'on finance cela au moyen d'une taxe rétrograde et mortelle pour les emplois. C'est cela qui nous préoccupe avant tout.
• 1635
Nous n'avons pas les réponses à toutes les autres questions,
mais ce sont là nos inquiétudes et nous pensons qu'il serait bon de
les examiner avant de plonger dans tout cet exercice.
Mme Linda Korgemets: J'ai une remarque à formuler à l'intention du groupe aussi, Scott. Ce n'est pas la position de ma Chambre, mais à notre réunion municipale il y a 10 jours, j'étais accompagnée d'un petit homme d'affaires extrêmement prospère de notre région qui s'occupe de planification financière, de courtage d'assurances et de ce genre de choses. Il a dit que cela aurait certainement des répercussions sur la façon dont il recrute ses employés et gère son entreprise.
Premièrement, il ne relève pas de la loi fédérale, donc il n'est pas obligé de garder un poste ouvert pendant un an si un de ses employés obtient cette durée avec l'assurance-emploi. Il va lui dire: C'est très bien, vous prenez la bonne décision parce que votre enfant est plus important que ce que vous pouvez faire pour moi, mais j'ai une entreprise à gérer, donc je ne vais pas vous conserver votre place mais je vais engager quelqu'un d'autre. Voilà ce qu'il m'a dit. Je sais que c'est ce qu'il ferait.
Nous n'avons pas sondé nos membres sur cette question, mais j'aimerais bien le faire. Je travaille pour une très grosse entreprise, mais je pense que nous sommes tous bien conscients que ce sont les petites entreprises qui constituent l'ossature même de notre pays. J'aimerais savoir combien de petits bureaux pourraient continuer à fonctionner avec des employés qui s'absenteraient pendant un an. Je répète aussi que nous ne sommes pas d'accord pour que cela soit prélevé sur la caisse d'assurance-emploi; à notre avis, c'est une mauvaise politique.
M. Scott Brison: Merci.
Madame Harmon, vous avez parlé de la question des impôts et de l'impôt sur les sociétés. Je voulais simplement vous signaler que les taux d'imposition sur les sociétés au Canada viennent au deuxième rang pour l'ensemble des 31 pays de l'OCDE.
Vous avez dit que certaines entreprises ne payaient pas d'impôt. On les laisse quelquefois reporter une dette, mais dans l'ensemble, leur contribution fiscale est assez considérable, je voulais vous le signaler.
En revanche, pour ce qui est de l'assiette fiscale d'ensemble, le revenu disponible, le revenu des particuliers après impôt a diminué de 8 p. 100, alors qu'au cours de la même période le revenu des Américains après impôt augmentait de 10 p. 100. Cette situation a en partie entraîné le taux d'endettement personnel le plus élevé de toute notre histoire. De tous les pays du G-7, c'est le Canada qui enregistre la croissance la plus rapide du taux d'endettement des particuliers.
Par conséquent, si les finances du pays sont exceptionnellement saines actuellement, les Canadiens en revanche sont dans le rouge. Je pense personnellement qu'un allégement des impôts permettrait aux Canadiens de remettre de l'ordre dans leurs finances personnelles, car c'est une situation qui devient inquiétante, surtout avec un taux d'épargne négatif.
M. Ray McLeod (président, Corporation canadienne des retraités intéressés): Puis-je répondre à cela?
M. Scott Brison: Certainement.
M. Ray McLeod: Quelqu'un a dit tout à l'heure que notre endettement avait été provoqué par l'irresponsabilité financière du précédent gouvernement.
Je suis surpris de voir que vous êtes tous si jeunes. Notre dette vient en grande partie du fait que John Crow avait décidé en 1988 que notre taux d'inflation était trop élevé. Il était à l'époque de 3,8 p. 100 alors que la moyenne mondiale des pays industrialisés était d'environ 4 p. 100. Nous étions donc assez proches de la moyenne. Il a tout de même décidé d'en finir avec l'inflation en haussant les taux d'intérêt bancaires. Cette décision a eu des effets dévastateurs. En 1989-1990, le Canada a plongé dans la récession. À l'époque où le reste du monde ne faisait qu'entrer dans la récession, nous étions déjà en pleine dépression et la situation ne faisait que s'aggraver.
C'est écrit dans un livre intitulé Shooting the Hippo, de Linda McQuaig. Le sous-titre du livre est: Death by Deficit and other Canadian Myths.
Pour illustrer les retombées de cette décision—tous ces chiffres figurent dans son livre et un économiste les a aussi présentés—on estimait en 1992 que 20 milliards sur les 49 milliards de déficit de l'ensemble du gouvernement étaient dus à la baisse des recettes fiscales qui avaient résulté de la hausse du chômage provoquée par la récession de Crow. Autrement dit, ce sont 20 milliards de dollars de manque à gagner; d'impôts sur le revenu qui n'ont pas été payés. À cela s'ajoutent 10 milliards de dollars liés à l'augmentation des coûts de l'aide sociale. Il ne s'agissait pas d'irresponsabilité gouvernementale; il s'agissait d'argent versé à des gens qui étaient au chômage parce qu'ils étaient victimes d'une récession lamentable et que cet argent leur servait simplement à survivre. Ce n'était pas de l'irresponsabilité financière. Cela faisait tout de même un total de 20 milliards d'un côté plus 10 milliards encore.
• 1640
Près des deux tiers de notre déficit était en fait dû à la
récession. Une bonne partie du troisième tiers était attribuable
aux paiements d'intérêts excessivement élevés imposés aussi par la
Banque du Canada. Ce n'était pas de l'irresponsabilité
gouvernementale.
Je pense que nous payons encore cette dette. Quand vous dites que nous sommes en déficit comparativement au reste du monde, c'est de cette dette que nous remboursons que vous parlez. Nous commençons maintenant à revoir la lumière du jour.
Je vous invite vivement à lire Shooting the Hippo, de Linda McQuaig. Si vous ne voulez pas lire le livre tout entier, vous pouvez vous reporter à une étude sur son livre rédigée par quelqu'un que vous allez peut-être tous reconnaître, John Ralston Saul. Il mentionne aussi certains des chiffres que j'ai ici. Pour avoir une meilleure idée de notre dette et de notre déficit, je pense qu'il n'est pas mauvais de prendre le temps de lire cela.
M. Scott Brison: La question n'est pas de savoir comment nous en sommes arrivés là, mais de savoir ce que nous faisons face à notre endettement actuel. À mon avis, les Canadiens sont aussi pénalisés par des taux d'endettement individuel extrêmement élevés, un endettement qui est dû en partie à l'alourdissement des impôts et à la diminution des dépenses ces dernières années, dans le but de réduire le déficit. D'une certaine façon, il est moins important de savoir comment nous en sommes arrivés là que de déterminer comment nous allons nous sortir de cette situation.
M. Ray McLeod: Je pense que je suis d'accord avec vous. Il s'agit de savoir ce que nous allons faire maintenant, mais il faut tout de même constater la situation actuelle. Si vous regardez les automobiles superbes que vous voyez sur la route quand vous allez au Sheraton Four Points... Je ne me plains pas; j'ai une Taurus de 1994 qui marche très bien, mais je suis entouré d'automobiles superbes. Je vis à Thornhill depuis une quarantaine d'années. Les maisons qui se construisent dans mon coin sont à peu près cinq fois plus grosses que la mienne, qui me paraissait grande quand je l'ai construite. Donc, si l'on plaint les gens d'être endettés, je dis personnellement qu'en fait, ils sont endettés parce qu'ils ont voulu se construire des maisons trop grosses.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McLeod.
Merci beaucoup pour votre question, monsieur Brison.
Au nom du comité, je vous remercie tous d'être venus nous donner votre point de vue sur les éléments qui devraient être prioritaires dans le budget de 2000.
Nous allons lever la séance cinq minutes. Nous reprendrons avec l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, l'Association des banquiers canadiens, le Multi- Employer Benefit Plan Council of Canada, l'Institut des fonds d'investissement du Canada et la Canadian Ecumenical Jubilee Initiative.
Le président: Nous reprenons nos travaux. Bienvenue à tous.
C'est notre dernière séance de l'après-midi. Comme je l'ai dit il y a quelques instants, nous accueillons les représentants de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, de l'Association des banquiers canadiens, du Multi- Employer Benefit Plan Council of Canada, de l'Institut des fonds d'investissement du Canada et de la Canadian Ecumenical Jubilee Initiative.
• 1650
Nous commencerons par les représentants de l'Association
canadienne des administrateurs des régimes de retraite; nous
accueillons la présidente du Comité des relations gouvernementales
et directrice de la Direction des pensions et des politiques
relatives aux avantages sociaux, à la CIBC, et M. Malcolm Hamilton,
membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des
administrateurs des régimes de retraite et actuaire chez William
M. Mercer Ltée.
Bienvenue.
Mme Gretchen Van Reisen (présidente, Plaidoirie et Comité des relations gouvernementales, Association canadienne des administrateurs des régimes de retraite): Merci.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous tenons à vous remercier de nous avoir offert cette occasion de nous adresser à vous aujourd'hui. Nous avons déjà eu l'occasion de témoigner devant des comités parlementaires et nous sommes toujours heureux de pouvoir le faire.
Je suis présidente sortante de l'Association et présidente de notre comité des relations gouvernementales. J'aimerais vous dire quelques mots sur l'ACARR avant de céder la parole à Malcolm. Nous sommes le porte-parole national de plus de 1 000 répondants des régimes de retraite au Canada; les avoirs de cette caisse de retraite se chiffre à plus de 266 milliards de dollars. Les membres de l'ACARR s'occupent de régimes de retraite dont les avoirs vont de 2 à 53 milliards de dollars. De plus, l'ACARR regroupe des représentants des principales sociétés de gestion des placements actuariels, de sociétés comptables et études d'avocats qui offrent des services consultatifs aux répondants, conseils d'administration et administrateurs des régimes de retraite.
Ces commentaires étaient en guise d'introduction. Je céderai maintenant la parole à Malcolm.
M. Malcolm Hamilton (porte-parole, conseil d'administration, Association canadienne des administrateurs des régimes de retraite): Avant la réunion, nous avons distribué notre mémoire. Je ne vais pas le lire puisqu'il s'agit pratiquement de la même chose que nous avons proposé au cours des dernières années. Je ne sais pas si les autres groupes présentent les mêmes recommandations d'année en année parce qu'après tout on ne donne jamais suite à ces recommandations. Tout au moins c'est ce que nous pensons.
Plutôt que de perdre du temps à vous faire la lecture de ce document puisqu'il est déjà tard, je vais passer en revue brièvement les sept ou huit recommandations que nous y formulons. Nous proposons d'abord de publier le Livre sur le vieillissement. En 1994, le ministre M. Martin nous a dit que le gouvernement libéral allait publier un livre sur le vieillissement. C'était important. La population canadienne vieillit. Les gens s'inquiètent de cette situation. Ils voulaient savoir comment le gouvernement allait s'attaquer au problème du vieillissement de la population; ils voulaient d'ailleurs savoir ce qu'ils devaient faire pour s'y préparer. On a reporté cette étude, et en fait, aucun document n'a jamais été produit. Nous sommes d'avis que ce livre est absolument nécessaire. Selon nous, aucun des problèmes dont avait fait état le ministre en 1994 n'a disparu. En fait, les choses ne font qu'empirer et le problème doit être absolument étudié.
La deuxième recommandation porte sur la progression par tranches. Chaque année les impôts des Canadiens augmentent. Chaque année nous conservons les mêmes tranches et en raison de la poussée inflationniste, tout le monde doit payer des impôts plus élevés. Puis on essaie de prétendre que les impôts supplémentaires payés en raison de la progression par tranches ne sont en fait qu'un dividende fiscal. Ce n'est pas le cas; il s'agit d'une augmentation d'impôts. C'est une surimposition, et il faudrait utiliser la bonne terminologie; de plus, à une époque où le gouvernement a un excédent, il ne faudrait pas se demander si une augmentation d'impôt doit être utilisée pour réduire les impôts ou accroître les dépenses.
Si cet argent provient des impôts payés et que l'on n'a pas besoin d'augmentation d'impôts, cet argent devrait être rendu aux contribuables.
La troisième question que nous abordons est le traitement juste des gagne-petit. Le système canadien de prestations sociales et d'imposition comporte certaines caractéristiques plutôt étranges. Les gouvernements fédéral et provinciaux promettent à un couple à la retraite au Canada qui n'a aucun revenu et qui ne travaille pas 18 000 $ par année; ce couple reçoit donc supposément 18 000 $ par année parce que quelqu'un dit que c'est ce dont il a besoin pour une existence convenable.
Un couple où les deux conjoints travaillent toute l'année pour gagner 18 000 $ n'a pas le droit de garder cet argent. On s'attend à ce que ces contribuables paient quelque 2 000 $ en impôts alors que les retraités qui reçoivent le même montant ne sont pas tenus d'en payer.
Il y a quelque chose qui cloche dans une société lorsque certaines personnes reçoivent 18 000 $ pour ne rien faire alors que d'autres qui ont un revenu de 18 000 $ n'ont pas le droit de conserver cet argent. Nous croyons donc qu'il faut essayer d'être logique et la façon d'y parvenir c'est d'alléger le fardeau fiscal des Canadiens à faible et à moyen revenu. On a amélioré un peu les choses dans le dernier budget; cela est encourageant, et nous espérons qu'on multipliera les efforts à cet égard.
Nous proposons également d'augmenter les limites d'épargne- retraite. Il suffit aux députés de me regarder pour constater que je ne suis plus très jeune. Je travaille déjà depuis pratiquement 25 ou 26 ans, et dans pratiquement toute cette période la limite des cotisations par un employé canadien au régime enregistré d'épargne-retraite n'a pas changé. Le plafond a été établi en 1976 et il est toujours le même. Je crois que nous avons triplé ou quadruplé les prestations de sécurité de la vieillesse, les prestations offertes dans le cadre du Régime de pensions du Canada, mais les limites d'épargne-retraite sont toujours gelées. D'après nos calculs, le plafond canadien représente à peu près un tiers de la limite établie aux États-Unis ou au Royaume-Uni, et le temps est donc venu de changer cette limite.
• 1655
Nous formulons également des propositions à l'égard de la
règle de propriété étrangère de 20 p. 100. Nous faisons la même
recommandation chaque année. Je ne sais pas pourquoi cette limite
existe toujours. Elle ne semble avantager personne. Je ne connais
aucune personne bien informée qui ait quoi que ce soit de bon à
dire sur cette limite. Je ne crois pas qu'il en coûte très cher au
gouvernement ou à qui que ce soit d'autre de modifier la limite, et
je crois que cela permettrait d'aider les Canadiens qui essaient
d'épargner en vue de leur retraite.
Nous formulons également une recommandation sur l'harmonisation de la réglementation. Si vous administrez un régime de retraite au Canada, vous devez essayer de composer avec une série de règles fort complexes et non uniformisées qui varient d'une province à l'autre. Il est très frustrant d'essayer d'administrer un régime national de retraite au Canada. Vous gaspillez beaucoup de temps et d'énergie à essayer de respecter des règles qui sont semblables mais pas identiques.
À notre avis, cela empêche d'assurer une meilleure couverture par les régimes de retraite; nous exhortons le gouvernement fédéral à prendre l'initiative à cet égard. Nous savons qu'il le lui est pas possible de faire cavalier seul, mais il suffit de prendre l'initiative pour encourager les provinces à assurer l'harmonisation des règles afin d'avoir un régime réglementaire plus efficace pour les régimes de retraite au Canada.
Enfin, nous signalons qu'il faut préparer les Canadiens pour leur retraite. Je prononce souvent des conférences sur le système de retraite au Canada. Je peux vous assurer que pratiquement personne au Canada ne comprend le système, y compris les personnes âgées qui reçoivent des prestations.
Normalement, une personne âgée recevra trois ou quatre chèques du gouvernement. Il y a les chèques de pension, les REER, et les revenus provenant d'investissements. Tous ces plans sont complexes et changent constamment. Les gens ne peuvent pas se préparer à la retraite s'ils ne comprennent pas ce que l'État fait pour eux et ce qu'ils doivent faire pour eux-mêmes. À notre avis, les Canadiens ne comprennent pas la situation et le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative et aider les Canadiens à mieux comprendre ces programmes.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hamilton, madame Van Riesen.
Nous entendrons maintenant des représentants de la Table nationale sur l'environnement et l'économie, soit le directeur exécutif et directeur général, M. David McGuinty, et le président, M. Stuart Smith.
Bienvenue.
M. David McGuinty (directeur exécutif et directeur général, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais présenter quelques commentaires liminaires puis céder la parole au président, M. Stuart Smith, qui parlera aux députés plus en détail des certaines des recommandations que nous formulons encore une fois cette année.
Vous vous souviendrez qu'il y a six ans, le ministre des Finances, M. Paul Martin, et Mme Sheila Copps, qui était alors ministre de l'Environnement, ont constitué un comité, un groupe de travail national chargé d'étudier les obstacles à de saines pratiques environnementales. Lorsque ce comité a terminé ses travaux, la Table ronde nationale a commencé à intervenir lors de consultations prébudgétaires. Nous le faisons de nouveau cette année.
J'aimerais apporter d'entrée de jeu quelques précisions. Il faut se rappeler que les recommandations que nous formulons ne proviennent pas d'un seul groupe d'intérêts. Nous procédons à un processus de consultation national sur une période d'un an pour en venir à ces recommandations. Plus de 50 associations professionnelles, ministères, groupes environnementaux, syndicats, établissements d'enseignement supérieur et autres intervenants participent à ces délibérations.
Ainsi, à notre avis, le document dont vous êtes saisis doit avoir un certain impact puisqu'il est appuyé par nombre d'intervenants, représentant divers secteurs, qui ont tous été consultés avant qu'on en arrive aux recommandations définitives.
À notre avis, le budget de l'an 2000 doit annoncer l'adoption par le gouvernement fédéral d'un projet intégré de bien-être économique, communautaire et écologique. Vous retrouverez dans notre document un ensemble d'encouragements fondés sur le marché et de règlements qui, de notre point de vue, nous permettront de réaliser cet équilibre.
J'aimerais citer un seul passage du discours du Trône qui, à notre avis, révèle l'intention du gouvernement d'agir dans le domaine du développement durable. On a fait allusion au développement et à l'environnement à plusieurs reprises dans le discours du Trône; mais l'aspect important c'est qu'on a signalé dans ce discours qu'il faut adopter des pratiques novatrices et des technologies vertes, faire avancer le dossier de la technologie environnementale et les pratiques respectueuses de l'environnement, ainsi que créer des débouchés sur les marchés étrangers.
Cela dit, j'aimerais demander à M. Smith de vous fournir de plus amples détails.
M. Stuart Smith (président, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie): Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je peux vous assurer que si vous adoptez les recommandations qui ont découlé du processus de consultation que vous a décrit David McGuinty, personne ne s'en prendra à vous, personne ne s'y opposera, parce que même si chaque terme et chaque recommandation n'ont pas nécessairement été approuvés par chaque personne qui a été consultée, nous savons pertinemment que toutes ces recommandations recueillent l'appui général de tous ceux qui ont participé au processus de consultation. Si vous donnez suite à ces recommandations, je peux vous assurer que personne ne vous le reprochera.
On nous a dit qu'il pourrait y avoir un programme d'infrastructure. Le cas échéant, nous croyons qu'il devrait insister sur les questions écologiques. Même si quelqu'un se livre à des activités comme la construction d'une route, il peut le faire en tenant compte de l'environnement. Nous croyons que cela est très important et à notre avis s'il y a un programme d'infrastructure, l'environnement devrait entrer en ligne de compte.
Voici les six mesures que nous proposons. Tout d'abord, nous parlons de l'approvisionnement en énergie verte du gouvernement fédéral. Nous proposons que le gouvernement fédéral s'engage à obtenir 20 p. 100 de l'électricité qu'il utilise de source verte. Nous signalons également que d'ici l'an 2005, 50 p. 100 de la superficie en bureau contrôlée par le gouvernement fédéral devrait être chauffée et refroidie grâce à du matériel écoénergétique. Nul besoin de vous expliquer pourquoi un tel approvisionnement en énergie donnerait le bon exemple à la société et à l'ensemble de l'économie.
Notre deuxième recommandation vise une déduction pour amortissement accéléré applicable aux investissements dans les technologies axées sur l'écoefficacité. Bref, nous disons que si les gens peuvent mettre au point des technologies qui sont de 30 p. 100 ou plus supérieures aux technologies habituelles, ils devraient être admissibles à des déductions pour amortissement accéléré. Ça ne coûte rien au gouvernement, mais évidemment cela reporte dans une certaine mesure l'imposition pour ce type de matériel. Cependant, cela représente un encouragement important pour ceux qui fabriquent ce genre de matériel, parce qu'on pourra ainsi leur permettre de trouver un marché, ce qui fait toute la différence du monde quand les gens s'achètent du nouvel équipement.
Troisièmement, nous proposons de créer un programme canadien pour une économie durable appliquée. Cette question a fait l'objet de longues consultations. On a demandé à la Table ronde nationale de prendre sous son aile un tel programme canadien pour une économie durable appliquée. Ça ne veut pas dire que nous serions l'institution qui en serait responsable. Il s'agirait plutôt d'un centre virtuel, un peu comme les réseaux de centres d'excellence, qui permettrait d'assurer que ce travail serait effectué par des experts de toutes les régions du pays.
Nous parlons ici tout compte fait de la nouvelle économie. Nous savons que la réforme financière écologique s'en vient. Nous savons que d'aucuns proposent de faire payer les méchants plutôt que les gentils, mais nous ne comprenons vraiment pas les détails de ces propositions; nous ne comprenons pas quelles seraient les répercussions de telles politiques, comment on pourrait en fait procéder.
Beaucoup d'experts dans nos universités et ailleurs dans le monde se penchent sur la philosophie de l'environnement, à savoir comment on protège le patrimoine naturel quand celui-ci n'a aucune valeur par rapport au PNB. Les choses qui ont de la valeur dans la vie semblent être jugées comme étant gratuites. Mais ce n'est pas le cas, elles sont simplement gratuites en raison de la façon dont nous évaluons les choses. Parler des nouvelles façons de faire la comptabilité, la nouvelle économie, qui traite l'environnement comme ayant une valeur, une valeur supérieure à zéro, c'est facile à faire, mais difficile à réaliser. Certains des gens les plus férus du pays se penchent sur la question et nous croyons que ces gens doivent être appuyés pour pouvoir en venir à des propositions.
Quatrièmement, nous proposons la création d'un réseau de solutions durables.
Il y a une erreur dans le texte que vous avez reçu. Je ne sais pas si vous avez le même texte que moi, peut-être que non... le texte ne comporte pas d'erreurs, mais s'il y a un tableau, ce n'est pas le bon. Cependant, je pense qu'on n'a pas inclus le tableau dans le document qu'on vous a remis et cette précision n'était donc pas nécessaire.
Le réseau de solutions durables serait chargé de consacrer cinq millions de dollars par année pendant cinq ans à la création de centres à la fois pour l'industrie et pour les municipalités de sorte que les meilleures pratiques utilisées par ces deux secteurs soient retenues—pour ce qui est de l'industrie cela serait au CNRC; pour les municipalités, à la Fédération des municipalités canadiennes—de sorte que ces meilleures pratiques soient présentées comme exemples à retenir par les autres intervenants de l'économie.
Cinquièmement, nous proposons de réduire l'impôt sur les gains en capital applicable aux dons de terre écologique. Vous avez déjà prévu des mesures en ce sens pour ceux qui donnent des titres. Comme vous le savez, si vous donnez des titres, il s'agit d'un gain en capital présumé qui n'est imposé qu'à la moitié du taux d'imposition prévu habituellement pour les gains en capital.
• 1705
Pour ce qui est des biens culturels, la taxe sur les gains en
capital est éliminée complètement. Le gouvernement perd beaucoup
d'argent à cet égard parce qu'il est possible de faire évaluer un
bien culturel à un niveau plus élevé que proposeraient certains
évaluateurs. C'est pourquoi le gouvernement a de tels problèmes à
l'égard des biens culturels.
Nous sommes d'avis, en ce qui a trait aux dons de terre écologique, que celui qui donne la terre devrait s'en tirer tout aussi bien que s'il avait vendu cette terre puis avait donné le produit net de cette vente. Si vous vendez cette terre et donnez le produit net après impôt, vous vous trouvez dans une certaine situation financière; si vous réduisez de moitié les gains en capital, vous vous trouverez dans une situation identique. En d'autres termes, il n'y aura aucun avantage à vendre la terre et à en donner le produit. Celui qui en fait le don se trouve dans la même situation, il n'est donc pas pénalisé parce qu'il a donné cette terre.
Nous proposons simplement d'éliminer ce qui est en fait un obstacle au don de terre écologique; de cette façon ceux qui donnent ces terres, pour que les bassins versants soient mieux aménagés et des choses de ce genre, se tireront tout aussi bien d'affaire que s'ils avaient vendu ces terres. Je peux vous assurer que si vous faites les calculs, et je pourrai vous en parler tout à l'heure, si vous le désirez, vous constaterez que j'ai parfaitement raison. Vous vous trouvez dans exactement la même position que si vous réduisiez de moitié les gains en capital présumés. Nous croyons qu'il s'agit là d'une proposition extrêmement importante.
Il y a la Société canadienne pour la conservation de la nature qui fait un travail merveilleux pour notre pays. Comme vous le savez, avec l'aide du gouvernement, cette société a récemment acheté l'île du Lac Érié. Elle a beaucoup de beaux projets. Elle a trouvé des gens disposés à donner des terres, mais qui seront toutefois pénalisés ce faisant.
Enfin, nous recommandons la création d'un fonds d'intendance pour la conservation des habitats. C'est notre seule recommandation dont le coût est élevé. Nous recommandons que 100 millions de dollars soient versés dans un fonds de dotation; le fonds d'intendance serait constitué des intérêts provenant du fonds de dotation et de toute autre somme provenant de sources privées. L'industrie accuse un grand retard à cet égard. On souhaite sincèrement la création d'un tel fonds en dotation dont seuls les intérêts seraient utilisés, avec les sommes provenant de l'industrie et de particuliers, pour prendre soin des habitats et des espèces menacées d'extinction. Le fonctionnement de ce fonds est décrit en détail dans notre recommandation. Ce fonds jouirait d'une grande popularité. Il s'agirait d'une dépense ponctuelle qui permettrait de constituer le fonds en dotation. Vous savez mieux que moi comment on tient les livres au gouvernement, mais je crois pouvoir dire que le gouvernement n'en souffrirait pas beaucoup, puisque cet argent ne serait pas dépensé et n'aurait pas à être déduit des montants en caisse du gouvernement.
Ce sont là nos recommandations. Je le répète, elles ne proviennent pas uniquement de la communauté des environnementalistes; elles proviennent aussi des industriels, des municipalités, des syndicats, des Premières nations, etc.
Merci beaucoup de votre attention.
Le président: Merci, monsieur Smith et monsieur McGuinty.
Nous entendrons maintenant les représentants de l'Association des banquiers canadiens: M. Robert Wells, président du Comité des affaires financières, et M. Mark Weseluck. Soyez les bienvenus.
M. Robert Wells (président, Comité des affaires financières, Association des banquiers canadiens): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de nous accueillir aujourd'hui.
Nous avons trois documents: un mémoire prébudgétaire daté du 10 septembre, qui énonce en détail nos positions; une dizaine de diapositives qui résument notre mémoire ainsi qu'un résumé d'une page, le document que je préfère. Vous avez donc toutes les diapositives et la version abrégée d'une page.
Puisque nous avons peu de temps, comme les autres, je ne lirai pas ces documents; je vais plutôt tenter de les résumer.
Essentiellement, nous avons deux messages à vous communiquer. Le premier porte sur l'orientation d'ensemble du programme budgétaire que vous passez en revue et le deuxième, sur l'application de ces idées au secteur bancaire. Je traiterai de ces deux sujets.
Premièrement, dans la lettre qui nous a été envoyée, on nous a demandé de faire des observations sur cinq grands thèmes. Ayant examiné la déclaration du ministre Martin et la volumineuse mise à jour économique et financière du 2 novembre, nous en avons extrait quatre concepts, que nous louons, appuyons et encourageons. Ces quatre concepts sont les suivants: premièrement, la réduction des impôts pour tous les Canadiens; deuxièmement, une saine gestion des finances; troisièmement, l'accent sur la productivité; et le dernier mais non le moindre, un régime fiscal concurrentiel à l'échelle internationale. Nous recommandons que l'on conserve ces orientations. Elles nous apparaissent justes, tout à fait indiquées et même nécessaires.
• 1710
Pour ce qui est de l'application de ces concepts au secteur
bancaire, j'aimerais d'abord aborder le thème du régime fiscal et
concurrentiel à l'échelle internationale, le quatrième thème de
l'examen d'ensemble et l'appliquer aux banques plus
particulièrement. Le problème que connaissent les banques
canadiennes, c'est qu'elles paient environ un quart de plus en
impôt que les banques de pays semblables, tels que les États-Unis
et le Royaume-Uni. De même, nous payons environ un quart de plus en
impôt, en moyenne, que les autres secteurs du Canada. Nous estimons
donc être hautement imposés. Nous recommandons donc que le taux
d'imposition des banques canadiennes soit abaissé afin qu'elles
puissent être concurrentielles, du point de vue fiscal, à l'échelle
internationale.
Voici comment nous justifions cette recommandation: nous sommes d'avis—comme d'autres, je crois, d'après les divers rapports qui ont été rendus public ces dernières années—que les impôts influent sur la compétitivité des banques, comme dans tout autre secteur. Plus particulièrement, en matière d'intermédiation financière, les impôts moins élevés que paient les banques étrangères ou, inversement, les impôts plus élevés que paient les banques canadiennes font en sorte que le coût pour les consommateurs canadiens est supérieur au coût pour les consommateurs de ces autres pays. Le niveau élevé d'imposition des banques réduit les possibilités d'investissement et, en dernière analyse, le nombre d'emplois au Canada par rapport aux organisations semblables à l'étranger. Nous recommandons donc que l'on prenne des mesures en vue d'en arriver graduellement à un régime fiscal concurrentiel à l'échelle internationale pour les banques canadiennes.
À ce chapitre nous avons trois suggestions particulières à faire. Nous proposons d'abord de supprimer la surcharge temporaire sur le capital qui avait été instaurée en 1995. À l'époque, elle avait été imposée en guise de «contribution à la lutte au déficit». Nous estimons qu'elle a rempli sa fonction et qu'elle peut maintenant être abolie.
Deuxièmement, nous recommandons d'intégrer l'impôt sur le capital à l'impôt sur le revenu en général. Notre pays est pratiquement le seul à avoir conservé un impôt sur le capital. Les autres pays l'ont éliminé. C'est une taxe supplémentaire régressive qui devrait tout simplement être incluse dans l'impôt sur le revenu.
Troisièmement, nous suggérons d'abaisser les niveaux d'imposition sur le revenu au niveau de ceux qui s'appliquent aux banques internationales, telles que celles des États-Unis et du Royaume-Uni. Cela permettrait aussi de faire en sorte que les niveaux d'imposition des banques canadiennes soient les mêmes pour les autres secteurs du Canada.
Ce sont là nos trois recommandations précises découlant de l'application des concepts que vous avez suggérés aux banques canadiennes. Merci beaucoup.
Le président: Merci à vous, monsieur Wells.
Nous entendrons maintenant les représentants du Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada, M. Mel Norton, vice-président, et Joan Tanaka, vice-présidente. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Mel Norton (vice-président, Multi-Employer Benefit Plan Council of Canada): Merci beaucoup. Joan Tanaka est vice-présidente et directrice du MEBCO, mais elle est aussi présidente et PDG d'une entreprise de tiers administrateur nationale qui dessert le secteur des régimes inter-entreprises. Je suis aussi premier vice-président d'une entreprise d'experts-conseils internationale en matière de ressources humaines, d'actuariat et de prestations aux employés. Nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui.
L'approche générale du MEBCO est décrite dans un mémoire exhaustif. Vous serez heureux d'apprendre que je ne le lirai pas, que ce soit mot à mot ou paragraphe à paragraphe. Essentiellement, MEBCO préconise la réduction de la dette, la baisse des impôts et le soutien aux programmes de prestations clés.
Le MEBCO verse des prestations de retraite et autres à plus de 700 000 personnes; si vous incluez les retraités, les conjoints et les enfants à charge, environ trois millions de personnes profitent d'un programme dans le cadre d'un régime inter-entreprises de prestations et de retraite.
Nous jugeons que ce processus de consultation est très utile, et nous y participons depuis quelques années. En gros, nous allons nous attarder aux domaines que nous connaissons, les soins de santé, le vieillissement et la retraite. Nous croyons sincèrement aux trois piliers que constituent les prestations versées par le gouvernement, les prestations liées à l'emploi et les prestations individuelles incluant les prestations de retraite, les prestations de survivant, les prestations d'invalidité et les prestations de santé.
• 1715
Nous mettrons l'accent sur les soins de santé et le
vieillissement. En matière de soins de santé, de plus en plus, les
régimes privés de soins de santé s'inquiètent de la possibilité que
l'on modifie leurs conditions fiscales privilégiées. Nous voulons
nous élever contre cette possibilité. Ce n'est peut-être pas une
mesure qui est envisagée actuellement, mais elle est proposée
régulièrement. Nous croyons que les régimes privés de soins de
santé, qui prévoient l'hospitalisation en chambre à deux lits, les
médicaments, la chiropractie, les soins dentaires et d'autres soins
pour les Canadiens, sont essentiels si on veut s'assurer que les
Canadiens jouissent de bons soins de santé conjointement avec les
programmes publics.
Nous sommes inquiets de voir que le gouvernement fédéral réduit les sommes affectées aux soins de santé ou, ce qui serait probablement plus juste du point de vue mathématique, n'augmente pas les sommes affectées aux soins de santé comme il devrait le faire compte tenu du vieillissement de la population.
Ce que nous craignons, c'est que les sommes fédérales ne servent pas à combler les besoins, que les sommes provinciales n'y suffisent pas non plus et que les provinces, qui dispensent les services de santé, comptent de plus en plus sur le secteur privé pour assumer une part de ces coûts liés aux soins ophtalmologiques, aux soins dentaires, aux médicaments, etc. Nous avons constaté que graduellement, mais de façon constante, les prestations qui, autrefois, étaient offertes dans le cadre de régimes financés par le gouvernement le sont maintenant dans le cadre de régimes privés de soins de santé tels que ceux de nos membres.
En ce qui concerne le vieillissement, il ne fait aucun doute que nous comprenons l'évolution démographique du Canada et que nous savons que la population vieillit. Nous savons aussi que les Canadiens ne semblent pas économiser suffisamment d'argent pour pouvoir maintenir leur niveau de vie à la retraite. Pour faire écho à ce qu'a dit Malcolm, plus particulièrement, nous ajoutons que le document sur le vieillissement, un document fédéral-provincial qui a été mis en veilleuse, devrait reprendre du service, afin que nous puissions déterminer précisément la nature des problèmes. Nous appuyons l'ACPM dans sa position concernant les régimes enregistrés de retraite. Ces régimes sont extrêmement compliqués; quelqu'un devrait prendre l'initiative d'harmoniser ces régimes à l'échelle du pays et de les simplifier.
Nous sommes d'avis que le régime enregistré de retraite est la meilleure façon de s'assurer que les Canadiens font un usage efficace de leur épargne-retraite, surtout parce que les coûts associés aux régimes enregistrés de retraite sont moindres que ceux d'un régime individuel. Il faut donc encourager la croissance de ces régimes. Or, la loi complexe qui les régit ne permettra pas la croissance; plutôt, elle entraînera la décroissance.
Nous sommes aussi préoccupés par le fait que le Bureau du surintendant des institutions financières et certains organismes provinciaux de réglementation souhaitent que les régimes de retraite interentreprises soient surfinancés. Ils veulent que ces régimes disposent de suffisamment d'argent pour verser toutes les prestations promises, mais partent de la prémisse selon laquelle ce sont les prestations maximales et non les prestations attendues lors de la liquidation de ces régimes.
Ce que nous craignons, c'est que, si l'on exige d'un régime de retraite interentreprises plus particulièrement ou de tout régime enregistré de retraite qu'il conserve plus d'argent que ce qu'il lui faut pour verser les prestations promises, la génération qui aura cotisé à ces régimes de retraite n'en retirera pas les bénéfices.
Nous avons d'autres questions à soulever. J'ai promis de m'en tenir à mes cinq minutes alors, j'espère pouvoir les soulever pendant la période de questions. Mais avant de terminer, très rapidement, je voudrais mettre en relief deux ou trois enjeux dont nous traitons plus en détail dans notre mémoire.
Le groupe qui finance les régimes interentreprises de prestations et de retraite est très préoccupé par l'ampleur de l'économie souterraine et par le fait qu'une proportion significative de la population ne paye pas sa part d'impôts. Nous voulons continuer d'encourager la création d'emplois et, bien sûr, nous sommes préoccupés par les questions touchant à l'assurance- emploi, plus particulièrement par la taille considérable de l'excédant du compte d'assurance-emploi. Nous estimons essentiellement que la réduction de cette taxe n'est pas assez rapide et les prestations ne sont pas récupérées convenablement par l'économie.
Sur ce, je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Norton.
Nous passons maintenant à l'Institut des fonds d'investissement du Canada représenté par M. Peter Bowen et M. J. Thomblison. Soyez les bienvenus.
M. Peter Bowen (président, Comité directeur de la fiscalité, vice-président et trésorier des fonds, Fidelity Investments; président en 1998-1999, Institut des fonds d'investissement du Canada): Merci.
Mesdames et messieurs, tous les Canadiens ont le droit d'épargner suffisamment d'argent pour jouir d'un niveau de vie convenable pendant leur retraite. Aujourd'hui, nous avons trois suggestions qui, à notre avis, aideront les Canadiens à cet égard.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter à votre comité un résumé du mémoire de l'Institut des fonds d'investissement du Canada. L'IFIC compte parmi ses membres des entreprises de fonds mutuels qui gèrent plus de 350 milliards de dollars d'actifs. Ces actifs représentent les épargnes de millions de Canadiens.
Comment le gouvernement peut-il donner aux Canadiens la possibilité d'accroître la valeur de leurs épargnes? Premièrement, et c'est le plus important, il pourrait éliminer ou, à tout le moins assouplir la règle de la propriété étrangère, accroître les limites de cotisation au REER et réduire le taux d'inclusion des gains en capital.
Comme les membres du comité le savent sans doute, l'IFIC se préoccupe depuis années déjà de la règle sur la propriété étrangère. La limite actuelle de 20 p. 100 sur les avoirs étrangers dans les régimes déductibles d'impôts est inutile et même nuisible pour le Canadien moyen. L'an dernier, votre comité a recommandé l'assouplissement de cette règle et je vous renvoie à votre rapport de l'an dernier pour un excellent résumé de la question.
Cette limite a empêché les Canadiens de bien diversifier leurs fonds de retraite, que ce soit par région ou par secteur. Cette contrainte a coûté des milliards de dollars aux Canadiens au fil des ans.
Depuis quelques années, il est possible de contourner la règle sur la propriété étrangère en faisant un emploi novateur des instruments dérivés. Récemment, cette tendance s'est intensifiée. De nombreux fonds communs de placement sur le marché ont attiré des sommes considérables d'investissements dans des REER. Ces fonds emploient les instruments dérivés pour accéder à un fonds sous- jacent tout en respectant la règle du contenu canadien. Ainsi, les investisseurs peuvent accroître le contenu étranger de leur portefeuille au-delà de la limite des 20 p. 100.
Cela permet dans les faits une diversification à l'étranger au-delà de la limite des 20 p. 100, mais cela implique un coût accrut pour l'investisseur. On estime que ce coût dans les REER est chaque année de 0,4 p. 100 à 0,8 p. 100 supérieur au coût du fonds sous-jacent. Cela signifie des millions de dollars chaque année pour les Canadiens et entraîne une diminution non négligeable de la valeur des REER des Canadiens au moment de leur retraite—en fait, des milliers de dollars pour un investissement de 10 000 $ sur 20 ans. Cela ne devrait pas se produire.
En outre, il est difficile pour les investisseurs de comprendre ces instruments dérivés. Ne serait-il préférable que les Canadiens achètent des produits qu'ils connaissent bien? Les Canadiens ne méritent-ils pas mieux que ça?
Nous croyons que l'assouplissement de cette règle ou, encore mieux, son élimination, ne sera nullement préjudiciable pour le Canada. Dans une étude, le Conference Board du Canada a indiqué que les marchés canadiens n'avaient pas souffert du relèvement de la limite de 10 p. 100 à 20 p. 100.
Le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a appuyé cette recommandation l'an dernier, et nous espérons que vous le ferez encore une fois. Manifestement, les Canadiens veulent pouvoir diversifier leurs portefeuilles. Le temps est venu de mettre fin au préjudice que cette règle restrictive fait subir aux Canadiens.
La deuxième question dont nous voulons vous entretenir est celle de la cotisation maximale à un REER. À l'heure actuelle, les Canadiens qui font des économies en vue de leur retraite en investissant dans un régime de pension à prestations déterminées obtiennent un meilleur rendement que ceux qui investissent dans un REER. La proposition initiale de relever la cotisation maximale à un REER à 15 500 $ visait à égaliser les chances pour tous les Canadiens. Augmenter les cotisations maximales à un REER serait une mesure juste.
Enfin, le taux d'inclusion des gains en capital de 75 p. 100 est trop élevé. Afin d'encourager les investissements et une affectation efficiente du capital, nous recommandons que le taux d'inclusion soit fixé à 50 p. 100. Cela permettrait une affectation plus efficiente du capital et accroîtrait la productivité de l'économie, ce dont nous profiterions tous.
En terminant, le gouvernement a l'occasion d'aider les Canadiens à épargner davantage pour leur retraite; à cette fin, nous demandons au comité d'appuyer nos recommandations. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant le représentant de l'Initiative oecuménique canadienne pour le jubilé, le révérend David Pfrimmer.
Le révérend père David Pfrimmer (président, Commission sur la justice et la paix, Conseil canadien des églises, Initiative oecuménique canadienne pour le jubilé): Merci beaucoup. Je suis heureux d'être ici. Il vous faut beaucoup de patience pour rester assis ici toute la journée, et nous vous savons gré de l'occasion que vous nous donnez de partager avec vous nos vues sur les orientations budgétaires.
Je m'appelle David Pfrimmer. Je représente la Commission sur la justice et la paix du Conseil canadien des églises. Je suis accompagné de Dennis Howlett, de l'Initiative oecuménique canadienne pour le jubilé. Notre directrice des communications, Sara Stratton, est également avec nous.
• 1725
J'aimerais d'abord vous toucher quelques mots de l'Initiative
oecuménique canadienne pour le jubilé. Cette initiative s'inscrit
dans un mouvement mondial; quelque 30 églises, ordres religieux,
organismes et coalitions du Canada l'appuient. Elle se fonde sur le
concept juif et chrétien du jubilé qu'on trouve dans le Lévitique
et ailleurs dans les écritures hébreuses et selon lequel tous les
50 ans, on doit se donner l'occasion de rétablir les liens au sein
de la société.
Les saintes écritures nous donnent bon nombre d'indications sur ce qui doit être fait. Dans le Lévitique, on trouve trois thèmes: la libération de l'esclavage, la redistribution des richesses et le renouvellement de la terre. De nos jours, les Églises jugent que c'est une métaphore toute indiquée et une bonne façon d'examiner le monde dans lequel nous vivons où l'on constate une insécurité, une aliénation, une frustration et une polarisation croissante.
Je souligne que, dans le cadre de cette initiative, on mène la campagne pour l'annulation de la dette des 50 pays les plus pauvres. Déjà, 635 000 Canadiens ont signé la pétition. C'est probablement l'une des pétitions portant le plus de noms qui ait circulé au Canada.
Nous sommes ici pour parler de budget. À nos yeux, les budgets sont des documents profondément moraux. Il s'agit d'un énoncé moral sur nos valeurs et sur ce que nous estimons important. À l'aube du prochain millénaire, nous avons l'occasion d'établir de nouvelles priorités et de nouvelles orientations pour repartir à neuf en élaborant ce que nous décririons comme le budget du jubilé. Le temps est venu de rétablir certains des liens qui se sont effrités.
Je demanderai maintenant à Dennis de vous parler un peu de nos recommandations.
M. Dennis Howlett (membre, comité de direction, Initiative oecuménique canadienne pour le jubilé): Il existe un écart considérable et croissant entre les riches et les pauvres et c'est malheureusement caractéristique non seulement du Canada et de notre société, mais de la communauté mondiale. Cette mauvaise distribution des richesses menace notre capacité de créer des collectivités interdépendantes et compatissantes.
Le message essentiel du jubilé, c'est que, lorsque certains membres de la société souffrent de la pauvreté, de l'endettement et de l'oppression alors que d'autres ont plus de richesses qu'ils n'en ont besoin, il est temps de redistribuer la richesse de façon délibérée. Le temps est maintenant venu de s'attaquer de façon décisive au gouffre scandaleux qui existe entre ceux qui vivent dans l'abondance et ceux pour qui chaque jour est une lutte pour la survie. C'est pour cette raison que nous demandons que le budget fédéral de l'an 2000 soit le budget du jubilé.
Il n'y a pas que la pauvreté inacceptable qui soit un problème, mais aussi la richesse obscène et injustifiable qui existe d'autre part et qui menace la démocratie et la viabilité écologique en raison de la surconsommation. Dans ce contexte, parler de réduction d'impôts pour les riches afin qu'ils puissent s'acheter des voitures luxueuses ou prendre des vacances coûteuses à l'étranger alors que des enfants, autant au Canada qu'ailleurs dans le monde, ont faim est tout à fait immoral. Nous devons nous demander quels sont les choix que nous devons faire.
En raison des réductions de l'aide extérieure—au Canada, le budget de l'aide extérieure n'est plus que de 0,27 p. 100 de notre PIB, soit le niveau le plus bas depuis 1965—et parce que les paiements sur la dette du tiers monde ne cesse de croître, et même si nous aimons à nous dire généreux, à l'heure actuelle, le Sud, qui est pauvre, consacre huit dollars au remboursement de sa dette pour chaque dollar d'aide. C'est un chiffre modéré. La Banque mondiale, dans une de ses études, a avancé un ratio de 13 pour 1.
Ainsi, près d'un adulte zambien sur cinq est porteur du VIH et d'ici 2010, deux millions en seront morts. Or, la Zambie consacre quatre fois plus d'argent au remboursement de la dette qu'aux soins de santé. La Zambie attend du Canada qu'il annule sa dette afin de pouvoir utiliser ses ressources pour répondre aux besoins de son peuple.
Nous pouvons donner un nouveau départ à un milliard de gens en annulant la dette des pays les plus pauvres et en augmentant la qualité et la quantité de notre aide extérieure.
• 1730
Nous avons rédigé un mémoire qui donne des détails sur les
sommes que nous demandons. Nous estimons que notre pays, qui est
riche, peut très bien se permettre ce genre de dépenses,
particulièrement maintenant qu'il y a un excédent budgétaire.
Le père David Pfrimmer: J'aimerais aussi vous toucher quelques mots de ce que devrait être la priorité budgétaire du Canada d'après nous.
Nous sommes d'avis que les besoins de nombreux Canadiens qui ont été oubliés doivent primer les désirs de ceux qui ont déjà beaucoup plus que ce qu'ils pourront jamais utiliser ou dépenser. C'est un principe fondamental qui doit guider tous les ordres de gouvernement au pays dans l'établissement des budgets.
Nous sommes extrêmement préoccupés par l'ampleur que prend la pauvreté chez les enfants. Il ne s'agit pas seulement du développement des jeunes enfants. Il s'agit d'enfants qui se couchent le ventre vide. Il s'agit d'enfants qui, avec leurs parents, sont de plus en plus nombreux à devoir vivre dans des refuges. Il s'agit d'enfants dont les parents ne peuvent trouver d'emploi à un salaire leur permettant de faire vivre leur famille. C'est moralement inacceptable.
À notre sens, la pauvreté chez les enfants est le symptôme de trois choses. Premièrement, elle témoigne de l'inégalité croissante au pays et de la perte du sentiment d'appartenance à une communauté. Deuxièmement, c'est un symptôme de l'exclusion sociale croissante, dont nous devrions tous nous inquiéter, car notre sécurité dépend en grand partie de la sécurité des autres. Cela révèle aussi les souffrances de plus en plus grandes que vivent bien des gens chaque jour, pas très loin d'ici.
Je sais que vous n'avez pas le temps d'entendre de nombreuses histoires, mais j'ai apporté un livre que je serais ravi de vous remettre. Nous avons écouté les histoires de plus de 400 personnes qui vivent dans la pauvreté et en avons fait un livre. Si vous en voulez un exemplaire, je serai heureux de vous en donner un. Il ne faut pas oublier l'histoire de ces gens-là.
J'aimerais aussi vous parler un peu des réductions d'impôt, encore une fois, auxquelles Dennis a déjà fait allusion. La pauvreté est une crise de l'esprit. Nous sommes tous pauvres lorsque la pauvreté prend une telle ampleur dans notre pays. Je vous dirai tout simplement ceci: je ne peux être moi-même dans ce pays, être un citoyen, être un Canadien si tous les autres ne peuvent être eux-mêmes. C'est fondamental, cela va au coeur même de la communauté nationale que nous appelons le Canada.
En ce qui concerne les réductions d'impôt, donc, nous devons nous demander qui paie et qui en profite. Cela devrait être le critère fondamental lorsqu'on veut déterminer qui obtiendra quelle part de la richesse nationale.
En terminant, j'attire votre attention sur nos six recommandations. J'aime bien citer Lester Thurow qui replace le gouvernement dans son contexte. Thurow est un économiste du MIT—nous ne faisons pas fi des aspects économiques—qui a déclaré: «Le rôle du gouvernement est de représenter les intérêts de l'avenir dans le présent.»
Les enfants du pays et ceux qui croulent sous le fardeau des dettes sont en fait l'avenir dont les intérêts doivent représentés maintenant.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup Révérend Pfrimmer et monsieur Howlett.
Nous passons maintenant à la période de questions. Chacun aura 10 minutes. Nous commençons par M. Epp.
M. Ken Epp: Je remercie le président ainsi que tous les témoins.
Ce processus me rend perplexe, en raison du grand nombre de points de vue divergents qui sont ici représentés. Je crois que personne ici ne s'opposerait à l'idée d'aider les pauvres, mais la façon de le faire est loin de faire consensus. Peut-être devrions- nous poursuivre ce dialogue sur une plus longue période.
J'ai une question, que je vais poser au dernier groupe et qui porte sur l'annulation de la dette des pays du tiers monde.
J'écoute avec beaucoup d'intérêt quand je vous entends dire—et je l'ai déjà lu ailleurs—que ces gens-là dépensent de l'argent qu'ils devraient en fait consacrer à répondre à leurs besoins en matière de services de santé et d'éducation. Ils envoient cet argent à ces pays riches qui leur ont consenti des prêts avec intérêt, et ils ont aujourd'hui du mal à rembourser ne serait-ce que l'intérêt. Certains d'entre eux prennent du retard tous les ans sur ces paiements, ce qui est très regrettable.
• 1735
Pourtant, je m'inquiète du manque de responsabilité qu'on
constate dans certains de ces pays, où l'argent qui est envoyé—et
je suppose que c'est un peu comme les fonds que le gouvernement a
dépensé dans notre pays—ne parvient pas aux groupes cibles. Il se
perd dans la jungle bureaucratique et les gens qui en ont besoin ne
le reçoivent pas.
Chez nous, les Autochtones en sont un bon exemple. Nous dépensons près de 20 000 $ par an par Autochtone, ce qui devrait représenter au moins de 40 000 $ à 60 000 $ pour une famille moyenne—et, selon toute vraisemblance, plutôt 80 000 $ ou 100 000 $, pour une famille de deux parents et deux ou trois enfants—et pourtant, ces gens-là vivent dans une pauvreté innommable. Ils ne peuvent pas remplacer une fenêtre cassée. Ils ont des systèmes d'égout qui ne fonctionnent pas. Toute personne qui gagnerait 100 000 $ dans notre pays serait en mesure de réparer cela.
Il est évident que les fonds ne parviennent pas aux intéressés. Cela saute aux yeux. Ils sont dilapidés quelque part par quelqu'un d'autre.
Il doit en aller de même dans bon nombre de pays étrangers. En fait, d'après certains renseignements que nous avons reçus, il semble que ce soit le cas.
Lorsque vous parlez de radier la dette de ces pays étrangers—et en principe, je suis d'accord—envisagez-vous également de prévoir une certaine obligation de rendre compte pour s'assurer que les fonds sont utilisés à bon escient?
M. Dennis Howlett: Pour ce qui est des dégrèvements d'impôts, je tiens à préciser que nous ne sommes pas contre le principe, mais nous estimons que toute réduction d'impôts doit être ciblée de façon à profiter aux familles à revenu faible et modeste—autrement dit, contribuer à redistribuer la richesse et faire face au problème de la pauvreté.
Quant à la dette du tiers monde et à la façon de s'assurer que les ressources débloquées servent à répondre aux besoins des gens les plus pauvres, c'est une question délicate. Ce qui est paradoxal, c'est que pour que les pays aient droit à un allégement de la dette, ils doivent avoir mis sur pied jusqu'à six ans de programmes d'ajustement structurel. Ce sont des conditions fixées par le FMI et la Banque mondiale pour que ces pays obtiennent un allégement de dette.
Le problème, c'est que les programmes d'ajustement structurel ont souvent obligé les pays à réduire leurs dépenses dans les domaines de la santé et de l'éducation. Pour avoir droit à cet allégement de la dette, ils doivent donc effectuer des coupures dans les secteurs de dépenses les plus importants pour eux. Ce sont des conditions qui ont été imposées par le FMI et la Banque mondiale.
Ce que nous demandons, en échange, c'est que non seulement les pays créanciers, les gouvernements du Sud et ceux du Nord, mais également les mouvements de citoyens joignent leurs efforts pour trouver une façon d'exiger que les gouvernements rendent des comptes. Certaines suggestions précises ont été faites sur la façon d'y parvenir, et il existe des mécanismes onusiens et autres qui obligent les pays à rendre des comptes, tout comme le Canada a dû rendre compte de la mise en oeuvre de ses conventions internationales. On pourrait procéder de la même façon pour demander des comptes aux pays et s'assurer ainsi que les ressources débloquées grâce à l'allégement de la dette sont canalisées vers les personnes qui en ont besoin.
Ce n'est pas un problème que nous pourrons résoudre en demandant simplement aux pays créanciers d'imposer leurs conditions. Ce système n'a pas donné de résultats par le passé. Il n'a pas permis de garantir que les fonds allaient à la santé et l'éducation.
M. Ken Epp: Je ne voudrais pas m'étendre indûment sur cette question, mais peut-on dire sans exagérer que nous accorderons une remise de dette sous condition, disons, qu'une petite équipe de vérificateurs aille sur place vérifier comment le gouvernement en question dépense cet argent, tout comme notre vérificateur général examine nos comptes?
M. Dennis Howlett: C'est une chose sur laquelle nous nous penchons dans le cadre d'un mouvement international du jubilé. Les initiatives du jubilé dans le Sud ont débouché en fait sur certaines méthodes novatrices afin d'atteindre cet objectif.
Par exemple, en Zambie, dont j'ai parlé plus tôt, le mouvement de jubilé a pris l'initiative de réunir le gouvernement, les syndicats, les églises, les organisations féminines, et d'autres groupes de citoyens pour élaborer conjointement une proposition sur l'utilisation à faire dans ce pays des ressources libérées grâce à la remise de la dette. Des initiatives semblables sont en cours au Mozambique, en Ouganda et dans d'autres pays.
C'est le modèle que nous préconisons d'adopter, au lieu de laisser simplement le FMI et la Banque mondiale fixer les conditions.
• 1740
Le Canada a joué un rôle de chef de file pour essayer de
résoudre ce problème. Nous espérons que le groupe des 20 qui vient
d'être constitué à la suite de la réunion de septembre du FMI et de
la Banque mondiale, sous la présidence de Paul Martin, pourra se
pencher sur certaines de ces questions et trouver des moyens
originaux de procéder, pour garantir que les groupes de citoyens et
les pays du Sud ont un mot à dire dans cette décision.
M. Ken Epp: Très bien, mais personnellement, je me doute qu'une bonne partie des fonds que nous avons prêtés à bon nombre de ces pays ont servi simplement à l'achat d'armes pour les gouvernements en cause, ou pour les groupes qui avaient besoin d'armes à ce moment-là. Cet argent n'a pas été utilisé à bon escient à ce moment-là. Je crois qu'il faudrait au moins faire en sorte que cela ne se reproduite plus à l'avenir.
Voilà ma position sur cette question.
M. Dennis Howlett: C'est un problème qui se pose dans d'autres pays. Pour le Canada, la plupart des fonds ont servi à l'achat de blé et à l'octroi de financement par la Société pour l'expansion des exportations. C'est à cet égard que la dette a été contractée. Je ne pense pas qu'une partie importante de cet argent ait servi à l'achat d'armements, dans le cas du Canada. À l'échelle mondiale, il faut dire qu'il y a eu des problèmes d'utilisation à mauvais escient des prêts consentis au départ.
M. Ken Epp: J'ai un fils qui a travaillé sur le terrain dans certains de ces pays. En fait, le blé est très souvent converti en fusils...
M. Dennis Howlett: D'accord.
M. Ken Epp: ...si vous le vérifiez. C'est ce que je veux vous faire comprendre.
J'aimerais parler maintenant à ces gestionnaires financiers. J'entends dire à maintes reprises qu'il faudrait relever la limite des 20 p. 100, car elle est injuste pour les Canadiens, qui n'obtiennent pas un rendement satisfaisant sur leurs placements. J'ai une question: si l'on me dit, bon, on peut investir n'importe où dans le monde, en fixant une limite supérieure ou aucune limite du tout, comment faire pour garder les investissements au Canada?
C'est une question de portée très vaste.
M. Peter Bowen: Nous avons fait faire des études qui prouvent que les capitaux vont se rééquilibrer si le prix des valeurs diminuent au Canada parce que les fonds quittent le pays. Or, nous ne croyons pas que cela va se produire, mais des étrangers vont investir au Canada. Des étrangers investissent des milliards de dollars dans des valeurs canadiennes tous les ans. Cela maintient les marchés tout en permettant une distribution efficace du capital.
M. Ken Epp: Très bien.
Quelqu'un d'autre veut-il répondre à cette question?
M. Mel Norton: Je vais y répondre en partie, si vous le permettez.
Ce qu'il ne faut pas oublier, surtout lorsqu'on parle de régimes de pensions, c'est que le passif des régimes de pensions canadiens est libellé en dollars canadiens. Un régime de pensions qui respecte des principes de prudence ne va pas investir tous ces fonds à l'étranger, mais il doit en tout cas être en mesure de se diversifier au-delà du marché canadien. C'est nécessaire pour procurer des rendements aux cotisants des régimes.
Personne ne prétend qu'il ne faille fixer aucune limite à l'investissement étranger dans le cadre des régimes de pensions enregistrés, mais je pense que les gens affirment clairement que le plafond actuel de 20 p. 100 est insuffisant et qu'il faut le relever.
Mais souvenez-vous, tous les administrateurs de tous les régimes de pensions comprennent que l'argent qu'ils doivent verser aux cotisants est en dollars canadiens, et il leur faudra des dollars canadiens. Il n'y a pas lieu de craindre que l'argent soit entièrement investi à l'étranger. Il faut toutefois faciliter la tâche aux Canadiens pour leur permettre d'économiser de façon plus rentable.
Il y a également beaucoup d'argent qui est investi sur ces marchés. Le fonds du Régime de pensions du Canada y est investi et il y a beaucoup de régimes de pensions du secteur public qui vont investir sur les marchés. Pour le moment, notamment, il y a une grande marge de manoeuvre et des possibilités énormes d'accroître le plafond visant le contenu étranger, mais je ne pense pas qu'il faille supprimer certains plafonds.
M. Ken Epp: Je vous remercie.
Ai-je terminé, ou puis-je poser une autre question?
Le président: C'est terminé.
M. Ken Epp: Juste une petite question?
Le président: D'accord.
M. Ken Epp: Il vient de parler du Régime de pensions du Canada. Je voulais demander aux banquiers et aux autres personnes qui s'occupent d'investissements s'ils craignent le déséquilibre, la concentration des nombreux placements du RPC. Cela va représenter un énorme fonds à côté duquel les autres auront l'air ridicule.
M. Malcolm Hamilton: Je peux peut-être répondre à cette question.
Le fonds n'est pas aussi important que vous le pensez. Ce sera un fonds énorme si l'on cible 100 milliards de dollars d'ici cinq à huit ans, mais il y a aujourd'hui dans le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario 65 milliards de dollars. Quant aux Régimes de pensions des fonctionnaires fédéraux, qui vont désormais investir sur le marché, même si cela se fait peu à peu, ils représentent plus de 100 milliards de dollars.
Ce ne sera donc pas un fonds gigantesque qui dominera tout le marché canadien. Ce ne sera qu'un d'un certain nombre de fonds importants. Tout le monde s'inquiète un peu à l'idée que les responsables gouvernementaux veuillent faire main basse sur ce fonds, mais je crois que les choses ont l'air bien parties. S'il y a des tripotages, les Canadiens s'en rendront compte très vite et les responsables devront payer le prix de leurs erreurs.
Voilà mon opinion.
Mme Gretchen Van Riesen: J'ajoute que certains craignent toutefois que, si la règle visant le contenu étranger n'est pas levée, même pour le Régime de pensions du Canada, il y aura une surévaluation, si vous voulez, des valeurs canadiennes, car il y aura trop de fonds investis sur le marché canadien. La règle de la propriété étrangère s'applique également au RPC, à mon avis.
Le président: Si je peux ajouter quelque chose qui fait suite à votre question, combien le Canada représente-t-il sur le marché mondial, 2,4 ou 2,5 p. 100, disons?
M. Peter Bowen: Oui.
Le président: Ce n'est pas très sage d'avoir 80 p. 100 de vos...
M. Peter Bowen: Et cela ne représente pas de nombreux secteurs d'activités. Nous sommes une économie essentiellement primaire. Si l'on veut acheter des actions dans la technologie, à l'heure actuelle, on est très limité par la règle du contenu étranger.
Le président: Merci, monsieur Epp.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leurs exposés. J'ai trois questions à poser, pour obtenir des précisions.
Monsieur Smith et monsieur McGuinty, vous avez dit dans votre mémoire qu'il faut permettre une déduction pour amortissement accéléré à l'égard des investissements dans les technologies très efficaces du point de vue écologique.
L'autre jour, nous avons rencontré les représentants de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques et certains intérêts du monde industriel ont laissé entendre que dans le contexte—je suppose qu'il s'agit notamment de Kyoto—ils ne sont pas à la recherche de gros incitatifs ou d'instruments économiques, et que pour bon nombre des investissements qui ont été faits et qui le seront à l'avenir, le bon sens commercial l'emportera. Ce qu'ils recherchent, en fait, c'est plus d'allégements fiscaux généraux, ce qui les aidera encore à justifier leurs initiatives.
Vous parler de compétence exportable dans le domaine technologique, et c'est peut-être là qu'est la distinction, ou je n'ai peut-être pas bien compris.
M. Stuart Smith: Nous ne sommes en aucun cas opposés au principe d'un allégement fiscal général, car ce qu'il va falloir faire dans notre pays, entre autres choses, c'est réinvestir de fortes sommes non seulement pour respecter les normes de Kyoto, mais aussi pour accroître notre productivité tout en protégeant l'environnement. N'allez donc pas croire, monsieur Cullen, que nous sommes contre cette idée. Nous comprenons l'utilité d'une telle mesure.
Nous disons simplement qu'il existe beaucoup de technologies qui, si elles étaient utilisées, contribueraient à améliorer la productivité des entreprises et les économies d'énergie. Le problème, c'est que le prix des carburants n'est pas très élevé, et si vous fabriquez du matériel qui vous permet d'économiser en matière de coûts d'énergie, il faut habituellement plus de temps pour rentabiliser cet investissement que ce que voudraient normalement les entreprises qui disposent de très peu d'argent.
S'il était possible d'établir une déduction pour amortissement accéléré ou une déduction pour amortissement pour le matériel de pointe qui est nettement supérieur à la norme, soit plus de 30 p. 100, l'entreprise qui l'achète prend des chances avec ce matériel qui n'est pas généralement accepté dans son secteur en raison de l'économie d'énergie possible et de la possibilité de rentabiliser son investissement plus rapidement. Pour le gouvernement, cela veut dire qu'il faut reporter les taxes pendant une certaine période.
Le choix est clair; il faut prévoir un dégrèvement fiscal général ou aider les fabricants de nouvelles technologies de pointe qui améliorent la productivité et l'environnement; pour ma part, je crois que nous choisirions le dégrèvement fiscal général.
Nous ne cherchons pas à critiquer l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. En fait, son ancien président, M. Jean Bélanger, fait partie de la table ronde. Il est d'ailleurs président du comité qui en est venu à ces conclusions. Nous ne contestons donc pas la position de cette association, mais il y a beaucoup de nouvelles technologies qui, si elles sont vraiment supérieures, présenteraient des avantages pour l'économie et pour l'environnement. Cependant, il faudrait que ces investissements deviennent rentables plus rapidement, surtout quand les prix des combustibles ne sont pas très élevés.
M. Roy Cullen: Est-ce que la déduction pour amortissement accéléré serait équivalente à la durée de vie utile, ou s'agirait- il simplement d'une déduction pour amortissement accéléré pour aider l'entreprise?
Je pose cette question parce que certains disent que le gouvernement devrait rapprocher les déductions pour amortissement à des durées de vie utile. Pour toutes sortes de raisons, les taux de la DPA varient énormément et, par exemple, dans le secteur de l'informatique, certains créateurs qui ont de nouvelles technologies disent que ce n'est pas assez rapide tandis que les sociétés ferroviaires disent que ça ne reflète pas vraiment la durée de vie économique réelle.
• 1750
Ceux dont vous parlez qui ont des déductions pour
amortissement accéléré, ont-ils une déduction qui reflète la vie
utile ou s'agirait-il simplement d'un incitatif?
M. Stuart Smith: Cela ne refléterait pas la durée de vie utile. La durée de vie utile serait beaucoup plus longue. Nous disons simplement qu'il faut poursuivre dans la même veine, soit intervenir pour les produits qui sont souhaitables et les rendre rentable plus rapidement pour que l'on obtienne au même moment des avantages économiques et environnementaux. Si quelqu'un s'oppose pour des raisons philosophiques à ce genre d'intervention, vous n'appuierez pas cette proposition, parce que vous direz que peu importe la qualité du produit, il faudra se limiter à la durée de vie utile.
Je comprends cette position, mais le groupe que nous avons constitué a conclut qu'il serait bon pour le Canada d'avoir ces nouvelles technologies super efficaces. Vous savez, c'est en fait un échec du marché si les gens ont tendance à se fier aux produits qui ont déjà fait leurs preuves, qui sont disponibles depuis déjà un bon moment; il est difficile de les convaincre de se procurer un nouveau produit même si celui-ci est beaucoup plus efficace que ceux qui existent sur le marché. Si l'investissement devient rentable plus rapidement, cela avantage quelque peu le producteur de produits novateurs.
M. Roy Cullen: Très bien. Merci. Je ne suis pas ici pour appuyer une position ou l'autre, mais simplement pour écouter ce que vous avez à dire.
J'aimerais passer maintenant à Mme Van Riesen et à M. Hamilton. Vous dites à la cinquième proposition de votre mémoire que ceux dont la rémunération est supérieure à la limite des REER, soit 75 000 $ actuellement, ne disposent pas d'occasions réelles d'épargner. Certaines sociétés importantes sont venues nous parler des limites imposées aux régimes enregistrés de retraite, et vous n'en parlez pas, et elles ont signalé que le montant qu'une société peut déduire aux fins de l'impôt est limité par la Loi de l'impôt sur le revenu. Je n'ai pas les chiffres à la portée de la main; peut-être pouvez-vous m'en dire un peu plus long.
Quelles sont les limites actuelles? Que devraient-elles être? Votre association appuie-t-elle une augmentation des limites prévues pour les régimes enregistrés de retraite?
M. Malcolm Hamilton: Bien qu'elle soit imparfaite, la Loi de l'impôt sur le revenu essaie de placer sur un pied d'égalité les régimes de retraite et les REER. Les deux régimes sont abordés de façon différente, et il existe une limite de 13 500 $ pour les REER, limite qui est accordée à ceux dont le revenu s'élève à 75 000 $ par année. On a dit que ce montant devrait passer à 15 500 $. La limite équivalente pour les régimes de pensions part du principe selon lequel vous devriez avoir à la retraite 60 000 $ par année si vous avez travaillé 35 ans au même endroit. Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, on part du principe qu'une pension de retraite de 60 000 $ est l'équivalent de 13 500 $ ou 15 500 $ investis chaque année dans un REER pendant toute une carrière. Ces mécanismes sont une très bonne façon pour les Canadiens qui ont un revenu de 75 000 $ ou moins de mettre à gauche, ou pour leurs employeurs de leur offrir une bonne pension.
Lorsque vous allez au-delà de ces limites, si par exemple quelqu'un a un revenu de 100 000 $, 125 000 $ ou 150 000 $ par année, il n'existe aucun moyen d'économiser pour la retraite à l'abri de l'impôt. Si vous faites tous les calculs, vous constaterez que pour mettre de côté un dollar de revenu pour le régime de retraite lorsque votre revenu est supérieur à 75 000 $ coûte deux fois plus que lorsque votre revenu est inférieur à 75 000 $.
M. Roy Cullen: Permettez-moi de vous interrompre; cela veut-il dire que vous voulez qu'on augmente les limites pour les cotisations au Régime enregistré d'épargne-retraite?
M. Malcolm Hamilton: Oui.
M. Roy Cullen: À combien devraient s'élever ces limites?
M. Malcolm Hamilton: Nous ne nous opposerions pas à ce qu'on double la limite des régimes enregistrés d'épargne-retraite et celle des régimes enregistrés de retraite.
M. Roy Cullen: Très bien.
Monsieur Bowen, permettez-moi de me faire l'avocat du diable en ce qui a trait à la règle sur la limite de propriété étrangère de 20 p. 100; vous proposez que cette limite passe à 30 p. 100. D'aucuns ont dit que cela pourrait avoir un impact sur la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain, et que cette situation explique peut-être déjà la différence entre la valeur de ces deux devises. En d'autres termes, si la limite passe à 30 p. 100, il y aurait plus d'argent qui serait investi à l'extérieur du Canada et cela ferait baisser la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain. Qu'en pensez-vous? Croyez-vous que c'est vrai?
M. Peter Bowen: À mon avis, ces craintes ne sont pas fondées. Le Conference Board of Canada a étudié l'impact d'une augmentation de cette limite de 10 à 20 p. 100 et a conclu que cela ne nuisait aucunement au marché canadien. De plus, cela permettrait en partie de rétablir l'équilibre. Les Canadiens ont signalé qu'ils désiraient investir une partie de leur épargne-retraite à l'extérieur du Canada à des fins de diversification. On peut y parvenir par l'entremise de fonds mutuels qui ont recours à des produits dérivés. On peut s'adresser aux banques et acheter des CPG qui sont liés aux indices des bourses de valeurs étrangères. En fait, un des intervenants importants sur ce marché est le gouvernement fédéral. La Société pour l'expansion des exportations émet chaque année des billets qui sont liés à des valeurs étrangères, mais tout cela est interprété comme un contenu canadien.
• 1755
Tout cela a entraîné un mouvement vers l'étranger. Les gens
ont investi leur argent à l'étranger. Or, nous les forçons à payer
des montants supplémentaires; il ne faut pas se demander simplement
si des montants supplémentaires seront investis à l'étranger. Les
gens assument des coûts très importants justement à cette fin. Ils
continuent de le faire, et cela a un impact sur leur épargne-
retraite. Il faut qu'ils agissent en fonction de règles fort
complexes et alambiquées, et ils ne comprennent pas la situation.
M. Roy Cullen: Avez-vous établi des modèles—en fait ce serait la responsabilité du gouvernement—pour déterminer quel impact, s'il en est, ces règles sur la propriété étrangère ont eu sur la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain?
M. Peter Bowen: Encore une fois, je dois signaler que la dernière fois que ce taux a été augmenté il n'a eu aucun impact sur les marchés. Les montants dont nous parlons ne sont pas très élevés au regard des échanges commerciaux mensuels entre le Canada et les États-Unis—les investissements que font tous les mois les étrangers dans les valeurs canadiennes. Des milliards de dollars entrent et sortent tous les mois. Le montant total des REER, je crois, s'élève à quelque 350 ou 400 milliards de dollars. Une augmentation de 2 p. 100 représenterait 7 ou 8 milliards de dollars. Et ce n'est pas ce montant qui sera investi à l'étranger. Ce n'est pas tout le monde qui profitera de cette augmentation. Il y a des investisseurs qui sont à la veille de la retraite dont tout l'argent est investi dans des CPG, ce qui est parfaitement approprié. Le montant dont on parle ici n'est pas très élevé.
Le président: Madame Van Riesen.
Mme Gretchen Van Riesen: Le Conference Board n'est pas seul à avoir publié un rapport sur la règle limitant à 20 p. 100 les placements en titres étrangers. Si je ne m'abuse, au moment de notre comparution l'an dernier nous avions mentionné un rapport préparé par Keith Ambachtsheer pour l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite. Le rapport présente plusieurs modèles. Je ne me souviens pas si on y analyse l'impact sur le dollar, mais le rapport démontre et confirme la position que nous avons exprimée ici devant vous—la règle sur les biens étrangers constitue un facteur de dissuasion. Si nous devons forcer nos résidents à se tenir à une règle, que disons-nous aux autres pays au sujet de l'investissement au Canada, et au sujet du Canada comme endroit où investir?
M. Mel Norton: N'oublions pas que notre proposition—et tout le monde a une proposition—n'exige pas que cette limite soit éliminée, dès le début. Nous demandons simplement qu'elle soit augmentée de façon progressive, comme on l'a augmentée de 10 p. 100 à 20 p. 100. Notre proposition a beaucoup de points en commun avec d'autres. Il faudrait hausser la limite à 30 p. 100. Quand la limite sera de 30 p. 100, vous déciderez peut-être de la relever encore, mais cela se fera dans cinq ans ou plus. Les changements abruptes inquiètent les gens—de telles mesures feraient beaucoup pour diminuer leurs craintes.
Le président: Certains contournent déjà cette règle, n'est-ce pas? Pourquoi permet-on aux gens qui en ont les moyens de contourner ces règles tandis qu'on empêche ceux qui veulent simplement faire un bon investissement...
M. Mel Norton: Les règles du jeu ne sont pas équitables. Les fonds les plus importants contournent cette règle, et le font déjà depuis longtemps. Des décisions prouvent qu'ils peuvent faire ce qu'ils font. L'exemple classique est celui du fonds des enseignants de l'Ontario, qui ont placé à peu près 70 p. 100 de leur argent à l'extérieur du Canada—ou l'équivalent.
Le président: Madame Guarnieri.
Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Vous avez plus ou moins répondu à la deuxième partie de ma question. Êtes-vous tous d'avis qu'il serait prudent d'augmenter cette limite de façon progressive, pour arriver à une optimisation de la performance des fonds canadiens? Êtes-vous d'accord? Je vous vois hésiter.
M. Peter Bowen: Nos opinions ont évolué depuis l'arrivée des produits dérivés sur le marché. Nous recommandons que cette limite soit haussée à raison de 2 p. 100 par année, jusqu'à ce qu'elle atteigne 30 p. 100. On pourrait aussi éliminer complètement cette limite. A l'heure actuelle, les gens qui veulent investir leur argent à l'extérieur du Canada le font, et paient beaucoup pour le faire. Pourquoi forcez-vous les gens à payer ce prix-là? D'après- nous, il serait temps d'éliminer cette limite.
Mme Albina Guarnieri: Je sais qu'il me reste très peu de temps...
Mme Gretchen Van Riesen: Puis-je ajouter un commentaire?
Mme Albina Guarnieri: Bien sûr.
Mme Gretchen Van Riesen: Mon association étudie cette question depuis des années. Nous sommes convaincus que tous les Canadiens et les Canadiennes bénéficieront de l'élimination de cette limite. Elle n'a même pas besoin d'être éliminée de façon progressive. Nous comprenons les enjeux politiques. Si la seule façon d'éliminer cette limite serait de le faire de façon progressive, alors bon. A l'heure actuelle, cette règle punit les investisseurs. Leurs mains sont liées. Chaque jour qu'on attend avant de l'éliminer représente une érosion des revenus de retraite que les Canadiens pourraient recevoir à l'avenir.
Le président: Madame Guarnieri.
Mme Albina Guarnieri: J'aimerais donner le temps qui nous reste au Dr Smith pour qu'il ajoute un peu de détails à sa proposition. Il a dit qu'il aimerait réduire l'impôt sur les gains en capital pour les dons de terres écologiques. Nous cherchons toujours à promouvoir l'efficacité.
M. Stuart Smith: Merci beaucoup, madame Guarnieri. Nous devons encourager les gens à donner des terres qui sont fragiles sur le plan écologique à la Société canadienne pour la conservation de la nature—à la Couronne. A l'heure actuelle, il y a une entrave: si le prix de base rajusté d'un tel terrain est inférieur à sa valeur au cours du marché, le gouvernement prélève un impôt sur les gains en capital.
Nous demandons simplement que le gouvernement accorde le même traitement aux dons de terres écologiques et aux dons de titres. Si vous faites un don de vos titres à un organisme de bienfaisance enregistré, par exemple, le taux d'imposition sur les gains en capital réputés n'est que la moitié du taux ordinaire pour les gains en capital. Par conséquent, il n'est pas dans votre intérêt de vendre les titres d'abord puis de faire le don du montant net réalisé.
Tout ce que je demande, c'est qu'on accorde le même traitement aux terres écologiques. Ce n'est pas si différent. Nous ne demandons pas l'élimination totale de l'impôt sur les gains en capital, comme c'est le cas aux États-Unis, soit dit en passant. Tout Américain qui fait un don de ses terres écologiques ne paye aucun impôt sur les gains en capital. Mais ce n'est pas ce que nous revendiquons.
Il n'est pas aussi facile d'estimer la valeur d'un terrain que d'un titre. Par contre, il est infiniment plus facile d'estimer la valeur d'un terrain que celle d'une peinture. Comme je l'ai dit plus tôt, lorsqu'on fait don d'une oeuvre et qu'il n'y a aucun gain en capital, il est possible que le gouvernement ne reçoive pas sa juste part. Mais dans le cas d'un terrain, il est quand même possible d'en estimer la valeur. Si on a surévalué la valeur du terrain, le gouvernement ne perd pas grand chose, puisqu'on ne peut réclamer que la moitié de l'impôt sur les gains en capital.
Ainsi, cela encouragerait les gens à faire don de leurs terrains. Je ne veux pas prendre le temps du comité pour vous donner un exemple et en faire le calcul, mais je peux vous assurer que les calculs ont bel et bien été faits. Ce que je propose revient à vendre le terrain d'abord, payer les impôts, faire don du reste et obtenir le reçu aux fins de l'impôt pour le reste. Le résultat est le même. Voilà donc ce que nous recommandons.
Le président: Supposez que votre terrain se trouve dans la ceinture de verdure et qu'on n'ait pas le droit de l'exploiter. Sa valeur sera inférieure à celle d'un terrain destiné à être loti.
M. Stuart Smith: Évidemment.
Le président: C'est quand même intéressant. S'il s'agit d'un terrain écologique, on ne devrait pas avoir le droit de l'exploiter. Sa valeur s'en trouve fort réduite.
M. Stuart Smith: Naturellement. La valeur est ce qu'elle est. Nous ne demandons pas à ce que cela soit changé. Si vous êtes propriétaire d'un marécage ou d'une île dans le lac Érié et que vous pensez en faire don au Centre pour la conservation de la nature ou au gouvernement, votre propriété aura une certaine valeur. Si la valeur change à cause du zonage, soit.
Nous ne disons pas qu'il faudrait en changer la valeur. Si vous avez payé le terrain 40 000 $ et qu'il est évalué à 100 000 $, compte tenu des restrictions, du zonage et des autres facteurs, vous deviez payer l'impôt sur 60 000 $. Si vous êtes dans une tranche d'imposition de 50 p. 100 et que vos gains en capital s'élevaient à 75 p. 100, vous paieriez l'impôt sur 45 000 $. Bref, vous perdriez 22 500 $, mais vous auriez droit à un crédit de 50 000 $ pour avoir fait don de votre terrain. Vous auriez donc un gain de 27 500 $.
• 1805
Bref, si vous vendez le terrain 100 000 $, vous payez l'impôt
sur des gains de 60 000 $, puis vous faites don du reste pour
obtenir un reçu aux fins de l'impôt, et le résultat est le même. Si
vous n'avez versé que la moitié des gains en capital, ça revient au
même. Si vous devez payer l'impôt sur les gains en capital au taux
actuel, il est à votre avantage de vendre le terrain. Celui-ci sera
donc vendu à quelqu'un qui l'exploitera à des fins commerciales, ou
qui n'en fera rien, peu importe; mais si un jour l'acheteur veut
l'exploiter à des fins commerciales, il sera trop tard pour le
gouvernement ou pour le Centre pour la conservation de la nature.
Le président: Si c'est un terrain écologique, il ne devrait jamais être exploité.
M. Stuart Smith: En effet, monsieur le président, si le zonage est le bon. Si le zonage interdit toute exploitation commerciale, inutile de faire don du terrain, puisqu'il est protégé. Tant pis. Mais, malheureusement, une bonne partie des terres écologiques ne sont pas protégées par le bon zonage. Ils sont nombreux à vouloir exploiter la moraine d'Oak Ridges, qui se trouve dans votre coin de pays.
Je veux simplement dire qu'on ne peut pas toujours compter sur le zonage. Il existe beaucoup de régions qui sont écologiquement fragiles, et le gouvernement lui-même a coopéré avec le Centre pour la conservation de la nature pour acheter cette île dans le lac Érié. Alors, à mon avis, c'est une initiative valable.
J'aimerais simplement souligner que c'est une façon d'assurer des règles du jeu équitables et donc d'encourager des dons de parcelles de terre. Comme nous l'avons fait pour les valeurs mobilières, ce serait exactement la même chose. Nous demandons la moitié du gain en capital.
Le président: D'accord.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président. J'aimerais reprendre ce point, monsieur Smith. Selon toute probabilité, notre gouvernement déposera un projet de loi concernant les espèces menacées d'extinction. Je pense que c'est certain.
À ce propos, j'ai regardé la carte et je crois qu'elle est convenable. Une des dimensions que j'explorais avec eux... Le ministre Anderson nous dit qu'il préfère des mesures incitatives plutôt que des mesures coercitives en ce qui concerne l'habitat. Croyez-vous que votre proposition concernant des terres écologiquement fragiles pourraient être inclue comme une mesure incitative, afin d'encourager quelqu'un qui possède une parcelle de terre qui constitue un habitat pour une espèce en péril...?
On parle également de compensation. Alors je ne sais pas si les incitatifs pourraient être ajustés de la bonne façon. Croyez- vous qu'on pourrait en faire une série de mesures qui viseraient à encourager les propriétaires à céder leurs terrains à des fins de conservation pour se soustraire à l'impôt sur les gains en capital?
M. Stuart Smith: Oui. J'aimerais proposer quelques éléments de réponse, et ensuite, je demanderais à M. McGuinty de parler de notre fonds de gérance.
Il y a toutes sortes d'habitats qui ne font pas l'objet d'un zonage approprié, pour répondre à votre question et à la question du président. Évidemment, cela offre... enfin, cela enlève un effet dissuasif. Cela constitue un incitatif parce que si une personne est généreuse et désire donner un terrain afin de protéger son habitat, au moins, cette personne ne se sent pas dupée parce qu'elle aurait tiré un plus grand profit si elle avait vendu le terrain et ensuite donné une somme au Centre pour la conservation de la nature. C'est au moins plus équitable.
Cependant, nous proposons de contribuer au travail du ministre Anderson afin de protéger les habitats, surtout les habitats des espèces en péril, par le moyen d'un fonds de gérance. M. McGuinty voudrait peut-être vous en parler.
M. David McGuinty: J'aimerais simplement mentionner un des résultats intéressants des sondages effectués par le Bureau du Canada pour le millénaire au cours des deux dernières années: l'environnement se situe toujours parmi les trois premières préoccupations. Et si l'on considère que, selon l'analyse de David Foot et d'autres, il s'agira du plus grand transfert de richesse dans l'histoire de ce pays dans les prochains quinze à vingt ans, il faut conclure qu'un certain nombre de personnes possèdent beaucoup de biens. Un des problèmes liés aux questions écologiques, au projet de loi concernant les espèces en péril, c'est que nous n'évaluons pas les avantages économiques des systèmes écologiques en santé. Quelle est la valeur du cycle nutritif de notre système écologique? Combien vaut sa capacité de contrôler les inondations et le climat? Combien valent la productivité des sols, la santé des forêts, la vigueur génétique, la pollinisation et le contrôle parasitaire naturel, par exemple?
Nous savons qu'il y a une valeur économique considérable attachée à cette capacité, mais nous ne l'avons pas vraiment évaluée, bien qu'un estimé qui vise à quantifier la biodiversité sauvage au Canada est de l'ordre de 70 à 90 milliards de dollars.
• 1810
Tous les intervenants réclament que ce fonds pour la
conservation des habitats soit assujetti à la discipline du marché.
Tous les organismes avec lesquels nous avons travaillé
reconnaissent l'utilité d'un mécanisme à la fois public et privé
qui permettrait de former des partenariats afin de déterminer la
valeur de la biodiversité.
On parle ici d'une subvention d'amorçage de 100 millions de dollars pour lancer ce fonds de dotation, mais on pourrait y associer d'autres modalités. D'après notre expérience des cinq dernières années, nous n'avons pas vu un tel degré de réceptivité, surtout de la part du secteur privé, à l'idée de commence à traiter de ces questions.
Une des raisons, bien sûr, c'est qu'il s'agit d'une mesure volontaire que l'industrie peut prendre pour répondre au problème.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison: Merci, monsieur le président, et merci pour toutes vos interventions.
Pour revenir à la règle des 20-80, c'est-à-dire la règle de 20 p. 100 de contenu étranger, sommes-nous en train d'enrichir les conseillers financiers et ceux qui étudient les façons de contourner cette règle? En fait, on réussit à tourner la règle en utilisant des produits dérivés. Ne fait-on que créer des conditions favorables aux fonds mutuels et aux conseillers financiers? Si la règle n'est pas autrement utile, elle doit au moins faire profiter des gens comme vous, n'est-ce pas?
M. Peter Bowen: Vous avez tout à fait raison de dire que la règle fait profiter un certain nombre d'intervenants.
En tant que société de fonds mutuels, nous aimerions de toute évidence pouvoir vendre l'investissement direct, un produit que les gens comprennent bien et qui coûte moins cher aux investisseurs, aux Canadiens.
Les coûts associés à cette règle découlent de deux aspects. D'abord, il faut tenir compte des heures de travail consacrées par les avocats, les banquiers d'investissement, les banquiers et le personnel de la société de fonds mutuels. Ces divers intervenants investissent beaucoup de temps et d'énergie, ce qui donne lieu à des coûts énormes. Alors, si on veut avoir une économie productive, il faut s'y prendre autrement.
M. Scott Brison: On pourrait se demander—c'était la question de M. Cullen—si le fait de changer la règle aurait des répercussions négatives sur la valeur de notre dollar. Dans les faits, depuis 1993, notre dollar a perdu environ 10 cents par rapport au dollar américain. La règle n'apporte donc pas beaucoup d'avantages de ce côté-là.
Je dirais pourtant que la richesse est une chose relative et qu'en bout de ligne, si la règle réduit les prestations de pension et la richesse des Canadiens, ce qui est évidemment le cas, notre dollar subira sans doute des conséquences négatives à long terme.
M. Peter Bowen: Je suis d'accord avec vous. Il faut examiner les coûts associés à tout cela, et d'autres coûts afférents.
M. Paul Szabo: Il s'agit de la disponibilité des capitaux.
M. Scott Brison: Oui, mais c'est un mécanisme anachronique. Il ne devrait pas exister. C'est comme l'agence d'examen de l'investissement étranger. Nous avons éliminé ce genre de chose.
Le président: Voulez-vous ajouter autre chose, monsieur Brison?
M. Scott Brison: En tout cas, je passerai maintenant à la question de la déduction accélérée pour amortissement dans le cas d'investissements écologiques.
Ne serait-il pas préférable, et aussi plus transparent au niveau du système fiscal, de créer un instrument fiscal à part—un crédit d'impôt écologique ou quelque chose comme ça—pour que la déduction pour amortissement reste telle quelle? On devrait la baser sur la dépréciation et non sur d'autres facteurs. Ne serait- ce pas plus transparent d'établir un crédit d'impôt à part?
Un crédit d'impôt à cet effet pourrait aussi être plus facile à vendre sur le plan politique, puisque vous dites, et je suis d'accord avec vous, que les questions écologiques intéressent beaucoup le public en ce moment. J'aimerais entendre votre réaction à cette proposition.
M. Stuart Smith: Vous avez tout à fait raison. Un crédit d'impôt à l'investissement pourrait atteindre le même objectif sans irriter ceux qui croient que la déduction pour amortissement s'applique déjà à trop de choses et sert à bien d'autres fins que la perception d'impôts. Je pense que ceux qui voudraient que la fiscalité soit plus transparente seraient d'accord avec vous. Et je ne dis pas que vous avez tort.
En d'autres mots, trouvez un moyen pour raccourcir la période de récupération, ce qui occasionnera des retombées positives et pour l'économie et pour l'environnement.
M. Scott Brison: Je crois qu'il est important que vous soyez parmi nous au Comité des finances aujourd'hui puisque, depuis un certain temps, nous avons eu tendance à séparer les questions économiques des questions touchant à l'environnement. Il ne faut pas oublier que tout argument économique qui ne tient pas compte des questions environnementales sera erroné si l'on ne tient pas compte des facteurs externes, si l'on néglige les vrais coûts pour l'environnement. C'est très important.
Il y a un domaine que vous ignorez peut-être. Il y a un endroit où l'impôt sur les gains en capital a eu des répercussions négatives sur le plan de l'environnement, et c'est dans les provinces maritimes. Par exemple, je représente une circonscription en Nouvelle-Écosse. J'imagine que la même situation existe dans d'autres parties rurales du Canada; c'est un facteur important sur le plan des pratiques de foresterie. La coupe à blanc devient une question de plus en plus importante, sur le plan politique ainsi qu'environnemental, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Bon nombre de familles dans les régions rurales du Canada sont propriétaires d'un boisé qui peut représenter 50 ou même 100 acres; et pour ces familles c'est un atout assez important. L'impôt sur les gains en capital les empêche cependant de léguer ce boisé à un héritier. Il ne leur a presque rien coûté, mais il a pris de la valeur, et ni les propriétaires ni leurs héritiers n'ont les moyens de payer l'impôt sur les gains en capital.
Depuis quelques années nous préconisons une politique qui accorderait aux propriétaires de boisés les mêmes exemptions sur les impôts sur les gains en capital qui sont accordées aux propriétaires de petites exploitations agricoles. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Stuart Smith: Tout à fait. Le transfert intergénérationnel de boisés privés ne devrait pas être susceptible d'impôts sur les gains en capital; on encouragerait ainsi les propriétaires à faire un usage correct de ces boisés, à les maintenir et à en assurer la durabilité environnementale.
La Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie a été chef de file dans ce domaine. Nous avons publié un rapport, il y a quelques années, sur la situation de ces boisés privés, et nous avons insisté sur le fait qu'ils étaient mal gérés. Dans ce rapport nous avons dit que si on peut démontrer qu'on a un plan environnemental agréé par un expert, à ce moment-là le boisé devrait recevoir un traitement différent de la part de Revenu Canada, y compris lors d'un transfert intergénérationnel. De plus, nous avons suggéré un traitement fiscal différent en accordant la déduction des dépenses encourues pour le maintien du boisé, par exemple les dépenses nécessaires pour assurer l'entretien et la bonne gestion; ces sommes seraient déductibles contre un autre revenu. La plupart de ces propriétaires ne vivent pas seulement de leurs boisés; ils ont un autre revenu. Il faut leur permettre de déduire ces dépenses contre l'autre revenu afin de les encourager à bien entretenir ces boisés.
M. Scott Brison: Il faut aussi tenir compte du temps nécessaire pour réaliser un rendement. Il faut attendre longtemps avant de toucher un bénéfice d'un boisé.
M. Stuart Smith: Vous avez raison. Absolument.
M. Scott Brison: Merci.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Au nom du comité, je vous remercie sincèrement pour votre contribution. Nous nous inspirons de ce que disent les experts comme vous afin d'établir les priorités pour le prochain budget.
Le budget de l'an 2000 sera intéressant. Nous nous préparons en gardant une chose à l'esprit. Peu importe ce que nous recommanderons, l'objectif principal est d'améliorer le niveau et la qualité de vie de tous les Canadiens, et c'est ce qui nous inspire. Nous vous remercions pour vos efforts.
Nous allons suspendre la séance, et reprendre à 19 heures.