FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 8 novembre 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tout le monde ici ce soir.
Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de l'Association of Municipalities of Ontario, du Centre for Social Justice, de la Gennum Corporation, de l'Université de Toronto et de l'Ontario Public School Boards Association. Il y a également quelques interventions individuelles.
Nous commencerons par M. Michael Power, président de l'Association of Municipalities of Ontario. Comme vous le savez, vous disposez de cinq à sept minutes pour présenter votre déclaration, puis nous passerons à une période de questions. Bienvenue, monsieur Power.
M. Michael Power (président, Association of Municipalities of Ontario): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. L'Association of Municipalities of Ontario est heureuse de pouvoir participer aux consultations du Comité permanent des finances relativement à la préparation du budget du millénaire du Canada.
Vous avez un exemplaire de notre mémoire, et je ne vais pas essayer de vous en donner lecture. Je me contenterai d'en résumer certaines parties afin que nous puissions avoir une bonne discussion. Ce mémoire met l'accent sur le fait qu'il faut que le gouvernement fédéral s'engage à mettre en place un plan national d'infrastructures pour construire et entretenir nos infrastructures physiques ainsi qu'un plan d'infrastructures sociales visant à fournir des logements à prix raisonnables et à venir en aide aux sans-abri ainsi qu'aux familles et aux enfants dans le besoin.
À notre avis, il existe un lien direct entre la force de notre pays et celle des pouvoirs publics et de la collectivité; c'est quand nous regroupons nos efforts que nous obtenons les meilleurs succès. À notre avis, nous pouvons constituer un tel partenariat pour répondre à nos besoins croissants en matière d'infrastructures sociales et physiques. Les différents paliers de gouvernement ont pour responsabilité de faire face aux nouveaux enjeux avant qu'ils ne deviennent d'énormes problèmes trop complexes et trop aigus pour qu'il soit possible de les résoudre facilement.
• 1910
Ces derniers temps, les municipalités ont dû combler le vide
et redresser la situation lorsque les mesures de gestion du déficit
ont entraîné une réduction des transferts fédéraux et provinciaux.
Or, nous savons tous qu'on ne peut pas utiliser l'assiette de
l'impôt foncier pour le faire. En fait, c'est le dernier moyen
auquel on devrait recourir, car cela ne fait qu'aggraver le
problème. Nous savons qu'un contribuable qui possède des biens
fonciers importants n'a pas nécessairement de gros revenus. En
outre, avec une société vieillissante et une population jeune plus
réduite, la capacité de l'assiette de l'impôt foncier devient
encore plus limitée au fil du temps. Ce n'est pas la source de
financement appropriée pour les programmes de redistribution du
revenu, pas pour remédier à l'insuffisance croissante de nos
infrastructures physiques. Il est erroné de présumer que les
municipalités peuvent financer tous leurs besoins d'infrastructures
sociales et physiques sans l'aide des provinces et du fédéral, à
moins que, bien entendu, ces instances gouvernementales ne soient
prêtes à approuver et à encourager une hausse des taxes foncières.
Il est évident que des systèmes de transport sûrs et de qualité, une offre suffisante de logements à prix abordable et la distribution d'une eau potable sont essentiels pour la santé économique, sociale et environnementale des collectivités canadiennes. Toutefois, l'investissement actuel dans les infrastructures est nettement inférieur au besoin. Il y a un déficit de l'investissement dans les infrastructures.
En Ontario, cette situation a été provoquée par de nombreux facteurs, mais il est certain que les coupures effectuées à un certain palier ont eu des répercussions sur d'autres paliers. Les municipalités fonctionnent en recevant un milliard de dollars de moins en transferts provinciaux depuis 1993. À cause de cela et des demandes qui s'exercent simultanément, les municipalités ne peuvent pas suivre la cadence des programmes de reconstruction et d'entretien. La croissance démographique, la migration interne, le vieillissement de la société et les nouvelles formes d'économie, notamment la livraison juste-à-temps et les entreprises à domicile, continueront d'exercer des pressions sur nos services sociaux et nos infrastructures physiques.
Nous aimerions saluer l'engagement pris par le gouvernement fédéral, dans le cadre de son budget du millénaire, en vue de réduire davantage les impôts pour les Canadiens et de faire des investissements stratégiques dans d'autres domaines. Nous appuyons les allégements fiscaux, mais nous encourageons également le gouvernement du Canada à réorienter une partie de son excédent budgétaire vers des investissements dans les infrastructures physiques et sociales. Un investissement immédiat est un plan à court terme qui bénéficiera directement à la population canadienne, mais un plan à plus long terme est également nécessaire.
Nous aimerions citer un ou deux exemples pour donner une idée de l'ampleur du problème. Dans la région métropolitaine de Toronto, il faudrait investir environ 1,37 milliard de dollars par an dans les infrastructures des transport en commun et des autres types de transport, mais les municipalités sont seulement en mesure de fournir actuellement environ 570 millions de dollars, soit un fossé d'environ 800 millions de dollars entre les dépenses réelles et le montant nécessaire pour assurer un programme efficace et soutenu d'entretien des immobilisations. Telle est la situation dans la zone qui a la plus grosse assiette fiscale et la plus forte croissance de l'Ontario.
Monsieur le président, dans d'autres parties de l'Ontario où il n'y a pas de croissance, les besoins sont tout aussi impressionnants. Rien qu'entretenir correctement toutes les routes municipales de la province coûte plus de 400 millions de dollars par an. Si on ajoute à cela la nécessité d'entretenir les réseaux d'adduction d'eau et d'égouts vieillissants, il faut 50 milliards de dollars supplémentaires.
La situation économique des locataires et des sans-abri n'a cessé de se détériorer, au point où plus de 300 000 ménages locataires sont maintenant à deux doigts de se retrouver sans abri. D'après une enquête récemment effectuée en Ontario, plus de 100 000 attendent des logements sociaux.
Il incombe de plus en plus aux municipalités de résoudre de nombreux problèmes, mais la taxe foncière ne peut pas rapporter suffisamment pour financer les programmes sociaux nécessaires et ne devrait peut-être pas être utilisée à cette fin.
Quels sont donc les souhaits de l'AMO? Premièrement, nous souhaitons la création d'un programme national d'infrastructures pour appuyer les infrastructures physiques et, deuxièmement, un investissement renouvelé dans nos infrastructures sociales. Pour ce qui est des infrastructures physiques, nous sommes en faveur d'un programme national d'infrastructures tripartite auquel les trois paliers de gouvernement seraient associés.
L'AMO insiste sur le fait que les administrations municipales, si elles sont appelées à financer les projets, doivent participer à la conception d'un programme Canada-Ontario. Notre association pense que, si on établit clairement les priorités pour les investissements dans les infrastructures physiques, les immobilisations admissibles concerneront principalement le réseau routier, les transports en commun, les réseaux d'adduction d'eau et d'égout, ainsi que la gestion des déchets solides et les technologies correspondantes.
Nous sommes tout à fait en faveur du programme national d'infrastructures quinquennal proposé, mais nous aimerions que le financement de nos infrastructures physiques de base soit assuré durablement au moyen de crédits spécialement consacrés à cela. On pourrait notamment recourir à cette fin au partage des revenus tirés chaque année des secteurs en rapport avec les infrastructures, comme les taxes sur l'essence et les carburants. Monsieur le président, membres du comité, l'AMO a dit exactement la même chose au gouvernement provincial.
• 1915
La croissance économique est de nature cyclique, mais la
nécessité d'investir dans les infrastructures est permanente. Pour
être francs, les gens que nous représentons les uns et les autres
croient que les taxes sur les carburants sont bien utilisées pour
les routes et les ponts, et ils sont tout à fait stupéfaits quand
ils découvrent que ce n'est pas le cas.
Les municipalités sont d'avis que le temps est venu de consacrer une partie raisonnable de ces taxes à la construction et à l'entretien des routes et des réseaux de transport en commun, parce que c'est un moyen sûr d'avoir un engagement durable envers nos réseaux de transport, qui sont indispensables pour la croissance économique et la création d'emplois, dont nous sommes si fiers au Canada.
Les municipalités sont régulièrement confrontées à divers problèmes sociaux: l'accroissement du nombre d'enfants vivant dans la pauvreté, le prix trop élevé des logements, les sans-abri, le besoin croissant de services pour les personnes handicapées, ainsi que les foyers et les centres d'accueil pour les personnes âgées, maltraitées ou mentalement déficientes. Les deux paliers de gouvernement ont pris récemment plusieurs initiatives en matière de logement, mais un engagement plus ferme reste nécessaire. Nous énonçons dans notre mémoire plusieurs mesures immédiates que le gouvernement fédéral peut prendre pour améliorer l'accès au logement, monsieur le président. Un renouvellement des investissements fédéraux consacrés au logement améliorera également le soutien aux familles et aux enfants et permettra de contribuer au développement des jeunes enfants.
Je me contenterai de donner un très bref aperçu de plusieurs critères qui, à notre avis, doivent être pris en considération pour l'élaboration de tout programme d'infrastructures.
Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent s'engager à fournir un financement stable et prévisible à long terme afin de permettre une planification à longue échéance et des expansions, des améliorations et des remplacements graduels. L'identification des projets admissibles aux dépenses d'infrastructures doit provenir du palier de gouvernement responsable du financement, de l'établissement du calendrier, de la coordination et de la construction du projet. Les dépenses d'infrastructures doivent être approuvées par une entité représentant tous les partenaires. La planification des infrastructures doit tenir compte de la maintenance et de l'entretien des infrastructures actuelles ainsi que de l'expansion ou du remplacement futur de leurs composantes. Des sources adéquates de revenu doivent être offertes par les entités responsables. Les recettes tirées d'un secteur particulier doivent être réinvesties dans ce secteur pour en garantir la viabilité et la stabilité à long terme. Et le financement des infrastructures de transport et de transport en commun doivent inclure une partie de ce que rapportent les carburants et les véhicules en taxes et autres revenus pour subventionner les réseaux de transport. Un partenariat réunissant les trois paliers de gouvernement est nécessaire pour satisfaire les besoins humains et les exigences en matière d'infrastructures physiques.
Nous constatons avec plaisir que le gouvernement du Canada est à l'écoute, monsieur le président, et nous sommes impatients de voir quelles mesures vont être prises. Nous conservons l'espoir que, dans les programmes que le gouvernement va concevoir au cours des prochaines semaines, vous vous pencherez sur ces déficits en matière d'infrastructures municipales qui ont une importance cruciale. Nous espérons certainement que l'Ontario en fera autant, et nous continuons à faire pression auprès de notre gouvernement à cet égard.
Les municipalités sont déterminées à faire en sorte qu'il en soit ainsi afin d'investir dans la santé et la sécurité de nos collectivités et de notre pays. Nous avons eu la preuve de ce qu'une véritable relation tripartite peut permettre de réaliser, et nous pouvons entrer ensemble dans les XXIe siècle en oeuvrant pour assurer une saine égalité et une qualité de vie enviable.
Le moment venu, je m'efforcerai certainement de répondre à toute question que vous pourrez vouloir me poser.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Power.
Nous allons maintenant entendre M. David Langille et M. John Anderson, du Centre for Social Justice. Bienvenue.
M. David Langille (codirecteur, Centre for Social Justice): Merci.
Le Centre for Social Justice est un groupe de réflexion progressiste qui cherche à renforcer le mouvement en faveur de la justice sociale par ses activités de recherche et d'éducation.
Nous regroupons des gens des universités, des syndicats, des groupes qui s'occupent de la sécurité de la population ou militent en faveur des personnes à faible revenu, du milieu du développement international et d'autres organisations communautaires. Nous avons à notre tête un conseil d'administration composé de 20 membres représentatifs de ces groupes. Nous existons également depuis très peu de temps. Nous avons été fondés en 1997 pour effectuer une grande partie du travail que réalisait l'ancien Jesuit Centre for Social Faith and Justice.
L'an dernier, nous avons entendu avec grand plaisir le ministre des Finances, l'honorable Paul Martin, déclarer «La prochaine priorité du gouvernement fédéral doit être de remédier à l'écart croissant entre les riches et les pauvres», parce qu'une grande partie de notre travail est concentrée sur ce problème: rassembler les preuves des disparités croissantes de revenu et de richesse, examiner le rôle joué par le gouvernement pour atténuer ou renforcer ces inégalités et présenter un ensemble de nouvelles options politiques.
Je vous ai remis des exemplaires de notre rapport, Growing Gap, dont la publication l'automne dernier a attiré une attention considérable de la part des médias. La réaction des médias et ce que nous avons constaté lors de notre tournée ultérieure dans l'ensemble du pays nous ont montré que ce rapport semblait être en phase avec ce que pensent les Canadiens. Il parlait de ce dont ils font quotidiennement l'expérience—le sentiment croissant d'insécurité et la frustration que ressentent de nombreux Canadiens quand ils voient que certains sont de plus en plus riches alors que d'autres sombrent de plus en plus dans la misère.
• 1920
Pour vous citer simplement quelques-unes de nos constatations,
nous savons qu'au cours des quelques dernières années, les salaires
des PDG ont augmenté très rapidement, les dix les mieux payés
gagnant plus de 10 millions de dollars par an. Les 10 p. 100 de
familles les plus riches gagnaient 21 fois plus que les 10 p. 100
de familles les plus pauvres en 1973. Les premières gagnent
aujourd'hui 314 fois plus que les deuxièmes. Nous sommes donc
passés d'un rapport de 21 à un rapport de 314 entre le décile
supérieur et le décile inférieur.
Pendant ce temps, le groupe des gens à revenu moyen diminue. Au cours des deux dernières décennies, ce groupe est passé de 60 p. 100 des familles à 44 p. 100 maintenant. Il est donc passé de 60 p. 100 à 44 p. 100 en deux décennies.
Il y a une fracture qui se creuse de plus en plus entre les jeunes gens, ceux de moins de 35 ans, et les gens de plus de 35 ans. Ceux de moins de 35 ans, en particulier les jeunes de moins de 24 ans, sont dévalorisés. Leurs revenus diminuent depuis 1980. Les travailleurs âgés de 15 à 24 ans gagnaient en moyenne 8 000 $ en 1995, soit 20 p. 100 de moins qu'en 1990. Comme M. Prichard va bientôt vous le dire, cela ne leur permettra plus de payer les frais de scolarité. Les plus durement touchés sont les jeunes hommes.
Et le rôle du gouvernement? Eh bien, dans le passé, les gouvernements ont fait un énorme travail pour stabiliser la distribution des revenus, mais, entre 1980 et 1996, 60 p. 100 des familles ayant des enfants ont vu leurs revenus diminuer. Ce sont les transferts d'argent effectués par le gouvernement qui ont empêché nombre de ces familles d'être totalement démunies. Sans l'aide du gouvernement, les familles pauvres auraient eu en 1996 un revenu moyen de 6 000 $. Avec cette aide, il a été de 17 000 $.
À quoi est dû ce problème? Nous avons identifié trois facteurs: l'accès à l'emploi—c'est-à-dire la possibilité de trouver du travail; deuxièmement, la valeur du travail, le revenu qu'on gagne, le fait de savoir si on gagne un revenu honnête, un salaire horaire honnête; et, troisièmement, ce que les gouvernements font ou ne font pas. Comme je l'ai dit, les gouvernements peuvent contribuer à réduire cet écart.
Je vais demander à M. Anderson de parler de cette question.
M. John Anderson (membre du conseil d'administration, Centre for Social Justice): Je parlerai très brièvement de certains des moyens qui peuvent permettre de réduire cet écart. Le moment est particulièrement opportun pour signaler cela, puisque M. Martin a récemment annoncé qu'il y a de l'argent dans les coffres du gouvernement fédéral qui permettra de s'occuper de certains de ces problèmes.
Le rôle du gouvernement est extrêmement important. Il ne s'agit pas principalement d'une question d'impôt, même si, à cet égard, il faut plutôt une réforme fiscale que des réductions d'impôts.
Nous avons présenté toute une série de mesures pour combler cet écart. Un chapitre entier de notre rapport examine certaines d'entre elles de façon détaillée. Aujourd'hui, j'aimerais examiner certaines de celles sur lesquelles vous mettez l'accent ce soir. Elles ont une importance décisive, et le gouvernement fédéral peut les mettre en oeuvre.
La première est un programme national de garderies pour assurer l'éducation et le développement des jeunes enfants. Il est clair que c'est un des éléments clés permettant, d'une part, aux femmes de participer pleinement à notre économie et, d'autre part, aux enfants de recevoir une éducation de base correcte, ce qui leur permettra d'être à l'avenir des citoyens à part entière. Nous savons que la plupart des études montrent qu'il en est ainsi. Dans d'autres pays, comme la France et la Suède, cela fait déjà partie de l'infrastructure. Nous accusons un fort retard par rapport à eux.
Deuxièmement, il s'agit de rétablir notre système d'assurance- emploi, qui a subi de très fortes réductions. Nous savons aujourd'hui que la plupart des personnes au chômage ne reçoivent pas d'assurance-chômage. Un important changement s'est produit à cause de la réduction de l'assurance-chômage par le gouvernement. Nous ne pensons pas que c'était justifié dans le passé, mais maintenant, avec l'énorme excédent de la caisse d'assurance-emploi, rien ne justifie financièrement le prélèvement de ces cotisations alors que la plupart des chômeurs ne bénéficient pas du régime d'assurance auquel ils ont cotisé.
• 1925
Troisièmement, un programme national de logement est
extrêmement important. C'est quelque chose que vous entendrez dire
ce soir par de nombreuses personnes ici présentes ainsi que, j'en
suis sûr, lors de réunions ultérieures. Il est clair que la
tragédie des sans-abri peut être réglée, le gouvernement n'a
absolument aucune excuse de ne pas mettre en oeuvre un programme
conjoint avec les provinces pour construire des HLM. Nous savons
qu'en Ontario, par exemple, on n'a pratiquement pas construit d'HLM
l'année dernière, ni l'année précédente. Et on se demande pourquoi
il y a ce problème de l'écart grandissant. Eh bien, si on ne
construit pas d'HLM, il en résulte nécessairement un problème.
Quatrièmement, une des façons d'augmenter les salaires qui ne coûte pas très cher est de modifier les règles concernant la syndicalisation des employés relevant de la juridiction fédérale pour que les milliers de travailleurs qui occupent des emplois faiblement rémunérés dans les banques, par exemple, puissent plus facilement adhérer à un syndicat. Là encore, c'est ce qui se passe dans la plupart des pays européens. En Suède, au Danemark et d'autres pays de ce genre, le taux de syndicalisation est deux ou trois fois plus élevé qu'au Canada. C'est une des façons de réduire cet écart qui ne coûte rien au gouvernement.
Cinquièmement, les paiements d'assistance sociale doivent être ramenés à leurs niveaux antérieurs. Ils ont été terriblement réduits en Ontario au cours des cinq dernières années, si bien que les gens qui vivent de l'assistance sociale ne pourraient pas survivre sans les banques d'alimentation. Le gouvernement fédéral peut faire quelque chose à ce sujet, parce qu'il peut contrôler la façon dont les fonds fédéraux sont distribués aux provinces et revenir à un système prévoyant l'affectation de cet argent à des besoins spécifiques, comme l'assistance sociale.
Sixièmement, il y a la question de la durée du travail. Une des façons de créer plus d'emplois, et de bons emplois, est de réduire la semaine de travail. C'est ce qui se fait en France, où on va adopter la semaine de 35 heures. C'est ce qui se fait en ce moment même en France. Et de nombreux autres pays européens s'engagent dans la même voie. Là encore, c'est quelque chose que le gouvernement fédéral peut faire pour donner l'exemple. Il y a toutes sortes de façons de réduire la durée du travail, ce qui crée automatiquement davantage d'emplois.
Septièmement, il y a l'augmentation du salaire minimum. Au Canada, le salaire minimum est très, très bas. En Grande-Bretagne, il n'y en avait pas; le gouvernement vient juste de l'introduire. Il est d'environ 2 $ plus élevé que le salaire minimum canadien. Nous devrions suivre ce genre d'exemple au niveau fédéral en augmentant le salaire minimum. Cela donnerait aux provinces un exemple à suivre.
Enfin, il y a le rétablissement du financement des services publics, en particulier en matière de santé et d'éducation, aux niveaux d'autrefois.
On peut faire diverses choses pour réduire cet écart. On peut prendre des mesures. Le gouvernement fédéral n'a plus la possibilité de dire qu'il n'a pas assez d'argent pour le faire. Cet argent est maintenant là, et cela doit être une priorité. Nous ne pouvons pas vivre dans une société que les Nations Unies placent au premier rang et dans laquelle il y a de plus en plus de pauvres, un problème qui se pose avec de plus en plus d'intensité chaque année. Notre société devrait avoir honte de cela. Nous avons la capacité de régler ce problème. Nous pouvons prendre des mesures à propos de certaines de ces questions à l'avenir, et nous espérons que le gouvernement cherchera précisément à le faire.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Anderson et monsieur Langille.
Nous allons maintenant entendre Mme Margaret Dinsdale. Bienvenue.
Mme Margaret Dinsdale (témoignage à titre personnel): Je voudrais vous remercier, monsieur le président, de m'avoir invitée à prendre la parole devant le comité ce soir.
Certains d'entre vous me connaissent peut-être comme journaliste; je ne suis toutefois pas ici ce soir à ce titre. Je ne fais pas partie d'un groupe militant pour une cause particulière ni d'un parti politique quelconque. Je suis ici ce soir en tant que simple citoyenne préoccupée et inquiète à propos de ce vers quoi se dirige notre pays. Pour illustrer mes préoccupations, je voudrais vous citer quelques anecdotes.
La première concerne Blinky, dont le vrai nom était Findlay Gillis. C'était un homme âgé de constitution fragile, qu'on appelait ainsi parce qu'il clignait constamment des yeux à cause de je ne sais quel trouble neurologique. Il vivait dans le centre de Toronto, en fait, dans la circonscription de M. Tony Ianno. Il recevait je ne sais quelle pension d'invalidité. Sa vie sociale consistait principalement à aller deux fois par semaine dans une taverne du quartier pour boire deux verres de bière bon marché avec ses contemporains, comme il le faisait depuis des années.
C'est alors que les prestations sociales ont été réduites, et il n'a plus pu se permettre sa petite gâterie hebdomadaire. En fait, il n'avait plus les moyens de rester dans son logement.
• 1930
Le propriétaire de la taverne l'a aidé à trouver une chambre
dans une maison de chambres voisine et à déménager, et il a fait en
sorte que ses chèques de pension soient envoyés à la nouvelle
adresse. Toutefois, pour une raison quelconque, il n'a pas reçu son
chèque. Trop timide ou trop fier—ou peut-être les deux—pour
demander encore de l'aide, il est mort seul dans sa chambre. Il a
été établi officiellement qu'il était mort de faim. Le Toronto Star
et le Toronto Sun en ont fait état.
Comment avons-nous laissé tomber Blinky? Les réductions des services sociaux qui ont commencé au niveau fédéral en 1995 avec l'élimination du régime d'assistance publique du Canada? L'absence totale de politique du logement social de la part du gouvernement fédéral?
La prochaine anecdote que je vais vous raconter concerne John et Shirley Cheshire d'Ancaster, en Ontario. Il ont 70 ans, sont de la classe moyenne, ont travaillé dur, possédaient leur propre maison et ont élevé trois enfants maintenant adultes. Il y a plusieurs années, Shirley donnait l'impression de commencer à avoir la maladie d'Alzheimer. Mais ce dont elle souffre est une maladie rare du cerveau qu'on appelle la maladie d'Arnold Pick, qui ronge littéralement le cerveau. On pense maintenant que c'est ce qui a tué son père et que ses enfants et ses petits-enfants pourraient aussi en être atteints. Au moment où nous parlons, Shirley, du point de vue émotif et mental, est comme un enfant de deux ans, et ses organes internes commencent à se bloquer.
Les seuls soins à domicile qu'elle reçoit lui sont fournis par quelqu'un qui vient deux fois par semaine faire quelques heures de petit travail ménager et emmène Shirley faire une promenade. John est atteint de colite, il ne peut pas conduire son automobile le soir et a d'autres problèmes de santé. Mais c'est lui qui doit changer les couches de Shirley, faire la lessive et lui administrer divers médicaments, et contrôler ce qu'elle fait durant toute la journée. La seule autre solution qui lui reste est de placer dans un établissement psychiatrique celle qui est son épouse depuis près de 50 ans et qui est la mère de ses enfants. Où sont les soins à domicile que le gouvernement a promis si solennellement au cours de la dernière élection? Pourquoi n'y a-t-il pas d'autres formes d'aide pour les soins de santé dont ont besoins les Cheshire?
Je vais maintenant vous raconter l'histoire de Jane Smith et de ses enfants, qui ont respectivement 12 ans, 10 ans et sept ans. Jane Smith n'est pas son vrai nom, mais l'histoire est véridique. Jane a passé sa vie entière à Toronto et avait un emploi stable dans un bureau, mais son poste a été supprimé il y a plusieurs années. Depuis lors, elle a occupé une série d'emplois temporaires, ce qui veut dire qu'elle n'a droit à aucune prestation dentaire ou médicale, ni à l'assurance-emploi, et n'a certainement pas de sécurité d'emploi. Elle consacre plus de 50 p. 100 de son revenu au loyer d'une petite maison, mais arrive néanmoins je ne sais comment à respecter les consignes du guide alimentaire du Canada.
Il y a un an, un de ses enfants est tombé malade. Jane a souvent dû s'occuper de lui au lieu d'aller travailler. Elle s'est mise à avoir un peu de retard dans le paiement de ses dettes et a été à deux doigts de devenir sans-abri. Je n'ai malheureusement pas le temps de vous raconter toutes ses difficultés, mais je vous parlerai de la fois où elle a été invitée à participer à une discussion publique dans une église locale. Elle était heureuse de pouvoir dire aux gens ce que c'est réellement que de faire face à des difficultés, mais quand elle est arrivée là, tout ce que les gens voulaient faire était lui donner des conseils sur la façon d'acheter des produits alimentaires et de mieux gérer ses finances. «J'étais gênée et humiliée», dit-elle. «Ils ne savaient rien de moi. J'aurais pu être veuve. J'aurais pu avoir fuit la violence conjugale. J'aurais pu avoir mis à la porte un mari qui était alcoolique, drogué ou joueur. Ils m'ont traitée comme si j'étais une femme stupide de moralité douteuse.»
Par quoi commencer l'énumération de tout ce que nous avons fait pour laisser tomber Jane et ses enfants—le logement social, l'accès à l'assurance-emploi, les soins de santé?
Ce sont bien des histoires très tristes, mais je sais que le Canada et les Canadiens sont capables de nombreuses choses remarquables et merveilleuses. Nous aidons les gens du Kosovo et du Timor oriental, et c'est notre devoir. Nous avons contribué à la mise en oeuvre d'un traité sur l'interdiction de l'utilisation des mines terrestres dans le monde. Nous allons consacrer beaucoup d'argent pour aider à revitaliser le bord du lac à Toronto. Mais nous avons abandonné les personnes les plus vulnérables dans notre propre pays. Je n'ai même pas parlé des sans-abri et des difficultés auxquelles sont confrontés, entre autres, nos agriculteurs.
Ce que je ressens quand je pense au sort de gens comme les Blinky et les Cheshire, et Jane Smith et ses enfants, me rappelle les paroles d'un blues du delta du Mississipi: «Seigneur, je suis si dégoûtée et si déçue».
Sur cette note, je voudrais faire les recommandations suivantes au sujet du budget de l'an 2000. En ce qui concerne le logement social, 10 villes du Canada ont dit que la situation des sans-abri était une catastrophe nationale. Les Nations Unies ont vivement critiqué le Canada pour avoir ainsi perdu le contrôle de la situation. Il y a beaucoup d'autres gens, des femmes et des hommes comme Blinky, comme Jane Smith et ses enfants, qui risquent de devenir des sans-abri, surtout depuis qu'on a supprimé le contrôle des loyers en Ontario. J'invite les membres du comité à se procurer et à lire l'excellent rapport d'Anne Golden sur les sans- abri et à mettre en oeuvre immédiatement ses recommandations.
Deuxièmement, il y a l'assurance-emploi. Je trouve choquant que seulement quelque 30 p. 100 des gens qui demandent des prestations les reçoivent, et que les femmes reçoivent des prestations inférieures. J'exige que l'excédent de ce fonds soit utilisé pour les chômeurs, que 70 à 75 p. 100 de ceux qui en font la demande reçoivent des prestations, et que les femmes reçoivent le même taux que les hommes. Je demande que les gens qui sont en chômage temporaire ou saisonnier ou travaillent à temps partiel aient moyen d'avoir accès à ce fonds afin que, quand l'enfant de Jane Smith est malade, elle ne soit pas exposée à une catastrophe financière.
• 1935
Troisièmement, il y a les soins de santé. Où sont les soins à
domicile qu'on nous a promis? C'est trop tard pour John et Shirley
Cheshire. Que se passera-t-il quand un ou plusieurs des enfants ou
des petits-enfants de Jane auront cette maladie? Dans quatre ans et
demi, le financement des soins de santé supprimé il y a quatre ans
sera rétabli si la politique gouvernementale ne change pas d'ici
là. La plupart des spécialistes conviennent que ce n'est pas
suffisant.
Quatrièmement, il y a la TPS. Le gouvernement, qui disait autrefois qu'il allait abandonner ce régime fiscal agressif quand il serait en mesure de le faire, dit maintenant qu'il va le conserver. Où est l'aide consistant à abaisser cette taxe d'un ou deux points de pourcentage? Pourquoi doit-on encore payer cette taxe sur des articles comme les livres et les produits sanitaires féminins?
Cinquièmement, il y a l'impôt sur le revenu. Le gouvernement a promis des réductions d'impôts, ce qui pourrait améliorer pendant un certain temps le sort des contribuables qui ont un faible revenu ou un revenu moyen. J'exige une indexation totale et permanente de l'impôt afin que les Canadiens qui travaillent dur paient des impôts d'un niveau raisonnable au lieu de subir l'érosion constante de leur revenu réel.
Sixièmement, il y a la question de donner la priorité aux Canadiens. Nous sommes en train de devenir une société méchante, dans laquelle on méprise ou néglige tous ceux qui, pour une raison quelconque, n'arrivent pas à vivre comme les autres. Ce n'est pas ainsi qu'on construit une société saine. Tous les Canadiens méritent d'être pris en considération et de se sentir estimés.
Je suis convaincue que l'application des mes suggestions ferait clairement comprendre à tous les habitants de notre pays que nous faisons tous partie de la même société, et je suis convaincue que cela permettra de construire une société bien meilleure.
Je vous remercie à nouveau, monsieur le président, de m'avoir permis de prendre la parole devant le comité.
Le président: Merci beaucoup, madame Dinsdale.
Nous allons maintenant entendre Douglas Barber, président- directeur général de Gennum Corporation. Bienvenue.
M. H. Douglas Barber (président-directeur général, Gennum Corporation): Merci, monsieur le président.
Je porte deux chapeaux ici ce soir, mais ils ne sont pas réellement différents. Je suis ici en tant que dirigeant d'une petite entreprise et que représentant d'un secteur industriel plus vaste, et je suis aussi ici pour appuyer le mémoire présenté par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie en tant que membre de ce conseil. J'appuie l'ensemble de son exposé, mais M. Brzustowski vous a peut-être avertis que vous alliez peut-être entendre quelqu'un qui plaiderait plus vivement en faveur de la technologie de l'information et des communications. C'est pour faire cela que je suis ici ce soir.
Nous mettons surtout l'accent—et quand je dis cela, je parle au nom de notre entreprise et d'un groupe d'entreprises du secteur de la technologie de l'information et des communications du Canada, en particulier en ce qui concerne le matériel—sur les gens très qualifiés dont nous avons besoin pour appuyer notre croissance, et c'est pourquoi nous sommes ici pour appuyer le mémoire présenté par le CRSNG.
L'industrie de la technologie de l'information et des communications a actuellement dans le monde un chiffre d'affaires d'environ un trillion de dollars, qui augmente de près de 15 p. 100 par an. Le secteur du matériel, c'est-à-dire les micro-circuits, a une croissance plus proche de 20 p. 100 par an depuis 25 ans, et je pense qu'elle se maintiendra au cours des 25 prochaines années ou plus. Ce sera certainement le principal moteur de l'amélioration de la production et de la création de richesse au cours du prochain quart de siècle. Nous ferons les choses plus intelligemment grâce aux capacités de la technologie de l'information et des communications.
Mais cette industrie repose principalement sur l'existence d'apprenants possédant des connaissances extrêmement poussées—et je parlerai d'apprenants parce que c'est à ce niveau qu'intervient l'aspect de la recherche—et, dans le monde entier, cette industrie est actuellement limitée par le nombre de ces gens qui sont disponibles.
Les pays qui ont ces gens-là sont ceux où cette industrie est florissante, et le Canada est bien placé pour être un de ces pays.
Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de Gennum. Nous sommes spécialisés dans les micro-circuits. Nous concevons, fabriquons et vendons des puces électroniques que nous produisons dans notre usine de Burlington et que nous vendons dans le monde entier. L'Amérique du Nord n'est pas notre plus gros marché.
• 1940
Notre entreprise aura 26 ans dans trois semaines. Cela fera
26 ans de croissance cumulative de 21 p. 100 chaque année et
310 mois de bénéfices sans interruption. Nous avons commencé avec
22 employés, et nous en avons maintenant 450; nous avons une
filiale au Royaume-Uni et une autre au Japon.
Nous consacrons environ 28 p. 100 de nos recettes à la R-D et à la commercialisation en fonction de laquelle nous pratiquons cette R-D. Nous dépensons presque autant d'argent pour cela que pour la fabrication.
Cela vous donne une idée du besoin que nous avons de gens de ce genre dans cette industrie. Notre croissance est déjà limitée par la pénurie de gens dans ce secteur.
Nous sommes heureux de dire que nous faisons partie d'un groupe de Canadiens qui s'efforcent depuis quelque temps de chercher à régler ce problème. Nous avons eu des réussites considérables. Nous avons progressé au Canada.
Voilà pourquoi je suis ici. Certains de ces progrès ont déjà été réalisés, mais il manque encore un élément réellement important.
Premièrement, trois provinces ont déjà dit qu'il fallait doubler le nombre de gens recevant une formation en technologie de l'information et des communications. Nous allons recevoir une aide importante de la part des nouvelles chaires fédérales qui ont été créées pour faire venir de nouveaux professeurs, parce qu'on ne peut pas former plus de gens de ce genre si on n'a pas les enseignants et si on n'a pas les installations nécessaires pour le faire. La FCI jouera un rôle utile à cet égard.
Le gouvernement fédéral a lancé il y a quelques années une initiative importante, dirigée avec compétence par John Manley, en vue d'attirer des spécialistes des micro-circuits au Canada. Je pense que ce sera une réussite. Nous avons appris bien des choses à propos des bons côtés du Canada.
Néanmoins, même si nous pouvons peut-être avoir assez d'étudiants de premier ou de deuxième cycle, nous n'avons aucun moyen de trouver les professeurs ou les étudiants de troisième cycle dont nous avons besoin. Ceux d'entre nous qui dirigent ces entreprises sont tous issus de programmes de troisième cycle canadiens, nous savons donc bien comment ces choses-là fonctionnent.
Le gouvernement fédéral finance les programmes de recherche qui représentent la plus grosse partie du financement des études de troisième cycle dans les universités. Ce sont les programmes de recherche des professeurs. C'est là que ces jeunes gens apprennent à apprendre, apprennent à apprendre de nouvelles choses, et c'est de ce genre de gens que nous avons besoin.
En fait, je peux vous faire part de certaines propositions dont on parlera énormément d'ici peu.
À notre avis, il faut à peu près tripler le nombre d'étudiants de troisième cycle dans ce genre de domaine au cours des cinq à six prochaines années. Ce n'est pas une mince entreprise. Il faut environ 160 millions de dollars pour simplement financer les activités de recherche pendant cinq ans. La recherche sur le matériel coûte beaucoup plus cher que le développement de logiciels ou de systèmes. Il faut vraiment cibler beaucoup ce travail, parce qu'il n'a pas le prestige dont jouissent les logiciels et les systèmes. Mais c'est très nécessaire, parce qu'un logiciel est simplement une langue qui dit au matériel ce qu'il doit faire.
L'autre chose que je voudrais dire est que nous avons les étudiants. Il y a probablement quelque chose comme 92 p. 100 des élèves sortant du secondaire et désireux d'entrer dans ce secteur qui ne parviennent pas à le faire. Il y a beaucoup d'autres élèves qualifiés qui veulent étudier cette discipline et qui s'inscrivent à leur deuxième et troisième choix dans des endroits comme l'Université de Toronto.
Peut-être M. Prichard va-t-il me contredire à ce sujet—ou appuyer mes propos.
Je suis donc ici pour dire que nous appuyons ce que fait le CRSNG et que nous voulons renforcer son exigence en matière de technologie de l'information et des communications. Nous considérons que c'est une partie très importante de notre type d'industrie et des activités qui se font actuellement au Canada, et je veux vous remercier de m'avoir donné la possibilité d'exprimer ce point de vue.
Le président: Merci, monsieur Barber.
Nous allons maintenant entendre des représentants de l'Université de Toronto, M. Robert Prichard et Mme Heather Munroe-Blum. Bienvenue.
M. J. Robert S. Prichard (président, Université de Toronto): Monsieur le président, merci beaucoup.
Comme toujours, c'est un honneur d'avoir la possibilité de comparaître devant votre comité et de participer à la vie publique de notre pays. Au nom de ma collègue, Mme Heather Munroe-Blum, je vous remercie une fois de plus de m'avoir fait cet honneur.
Mme Munroe-Blum est vice-présidente à la recherche et aux relations internationales de l'Université de Toronto. Elle est épidémiologiste de formation. C'est une vice-présidente extrêmement brillante de l'université. Le gouvernement du Canada l'a nommée au Conseil de recherches médicales du Canada. Elle est aussi conseillère spéciale sur l'innovation et la recherche universitaire auprès du gouvernement de l'Ontario.
Je parlerai en premier, et Mme Munroe-Blum complétera mon intervention.
Nous sommes tous deux ici pour représenter l'Université de Toronto, qui, d'après un numéro du magasine Maclean's que j'ai vu ce matin, est classée au premier rang des universités canadiennes spécialisées dans la recherche pour la sixième année consécutive. Nous sommes très fiers de la représenter ici ce soir.
Je veux parler de trois questions—premièrement, le rôle du gouvernement national dans la recherche; deuxièmement, les transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces; et, troisièmement, le traitement fiscal des dons de biens d'investissement à des organisations à but non lucratif.
Deux phrases me suffiront pour parler de chacune de ces deux dernières questions.
En ce qui concerne la justification d'une augmentation des transferts du gouvernement fédéral aux provinces, l'Université de Toronto appuie totalement le mémoire du 17 septembre 1999 que l'Association des universités et collèges du Canada a remis à votre comité. Ce mémoire demande une augmentation des transferts fédéraux aux provinces spécifiquement affectés au soutien à l'éducation postsecondaire afin d'aider nos universités et nos collèges à faire face à la croissance extraordinaire de la demande que nous prévoyons au cours des dix prochaines années.
En ce qui concerne le traitement fiscal des dons de biens d'équipement à des organisations à but non lucratif, l'Université de Toronto soutient également pleinement et avec enthousiasme la proposition d'éliminer totalement l'imposition des gains en capital sur la base de l'initiative prise il y a trois ans pour réduire de moitié leur imposition. Comme beaucoup d'autres, nous pensons qu'il faudrait l'éliminer complètement.
Nous appuyons le mémoire qui vous sera présenté demain par M. Don Johnson, qui est le principal partisan de ce changement fiscal au Canada. À notre avis, le changement fiscal déjà mis en place a amélioré la situation. À notre avis, l'élimination complète des gains en capital, en nous mettant sur un pied d'égalité avec les États-Unis, améliorerait considérablement les perspectives de toutes les organisations à but non lucratif, des groupes communautaires aux groupes de Centraide, aux collèges, aux universités, aux hôpitaux et aux fondations communautaires. Pour nous tous, cela améliorerait énormément la situation.
Maintenant que j'ai parlé de ces deux questions, je peux me concentrer exclusivement sur celle de l'appui du gouvernement fédéral à la recherche. Comme le président le sait, j'ai comparu devant ce comité un plus grand nombre de fois qu'il ne souhaite se le rappeler, et je pense que, chaque fois, j'ai demandé de l'aide. Ce soir, toutefois, je veux principalement dire merci et célébrer ce que je considère comme un extraordinaire pas en avant pour le Canada—l'annonce par le premier ministre de la création des chaires d'excellence en recherche du XXIe siècle.
J'ai l'honneur d'être président de l'Université de Toronto depuis maintenant près de 10 ans, et il ne fait aucun doute pour moi que, depuis que je suis à ce poste, le progrès le plus important concernant l'aide publique à la recherche et à l'innovation est l'annonce que le premier ministre a faite il y a une quinzaine de jours. Son engagement à créer initialement 1 200 chaires, dont le nombre passera ensuite à 2 000, est un pas en avant extraordinaire. C'est un engagement national remarquable qui améliorera beaucoup la situation d'un océan à l'autre dans toutes les universités du pays pour ce qui est de notre capacité à attirer et à conserver les jeunes gens les meilleurs et les plus brillants du Canada, à attirer au Canada des gens exceptionnellement talentueux de l'étranger et à créer une atmosphère d'innovation et d'excellence dans nos campus.
Je ne peux pas dire en termes trop forts à quel point, à l'Université de Toronto, conjointement avec nos institutions soeurs de l'ensemble du pays, nous avons l'impression que c'était la bonne décision au bon moment—une décision audacieuse et énergique à laquelle nous tenons à accorder notre appui et nos applaudissements sans réserve.
Pourquoi est-elle si formidable? Qu'est-ce qui m'excite tant dans cette décision? Il y a de nombreuses facettes à cela, mais permettez-moi de les énoncer point par point.
• 1950
Premièrement, nous savons que la clef de la productivité et de
la croissance est l'innovation, et la teneur de cette simple
annonce renforcera fortement notre capacité à contribuer à la
capacité d'innovation du Canada.
Deuxièmement, cette décision confirme clairement le rôle fédéral et national en matière d'appui à la recherche et à l'innovation.
Troisièmement, en faisant cette annonce, le gouvernement du Canada cherche à remédier à deux de nos principaux désavantages concurrentiels par rapport au reste de l'Amérique du Nord: l'absence antérieure d'un soutien satisfaisant aux gens et l'absence de tout financement des coûts indirects de la recherche par le gouvernement fédéral. Cette annonce contribue de façon importante à ces deux choses.
Quatrièmement, cette annonce est importante par son audace et, tout simplement, par son ampleur. C'est une intervention vaste et significative de la part du gouvernement national.
Cinquièmement, elle couvre tous les domaines de recherche de nos universités. Elle ne met pas simplement l'accent sur les sciences et la technologie, mais englobe tous les champs d'activité de nos universités en couvrant l'ensemble des disciplines. C'est rassurant et important.
Sixièmement, ce programme de chaires est conçu pour récompenser l'excellence et l'obtention de bons résultats. Ces chaires seront réparties sur la base de l'excellence et de la qualité des résultats de chaque université, et c'est bien ainsi, puisque cela encourage encore davantage la recherche de l'excellence et de l'obtention de bons résultats.
Septièmement, au titre de ce programme, le gouvernement national assume pleinement la responsabilité de son coût. Il n'exige pas que soient versés des fonds de même importance, ni de contribution de la part des provinces ou du secteur privé. Le gouvernement assume tout simplement la pleine responsabilité du plus important de tous les éléments pour notre capacité: l'embauche de personnes remarquables du Canada et de l'étranger. De ce fait, ces gens-là pourront se concentrer sur les aspects les plus fondamentaux de la recherche, ce qui, à longue échéance, permet de faire progresser les différents domaines de recherche.
Huitièmement, ce programme a été conçu pour être aussi souple que possible, nous permettant là encore de mettre l'accent sur les personnes possédant des compétences exceptionnelles, de faire rester les meilleurs jeunes Canadiens au Canada, de rapatrier les Canadiens remarquables actuellement à l'étranger et de faire venir au Canada des chercheurs remarquables pour nous permettre d'atteindre des niveaux de réussite significatifs au plan international dans notre domaine.
Finalement, je pourrais dire que ce programme est réconfortant parce qu'il fait grandement confiance à la capacité des 85 université de l'ensemble du pays à assurer sa bonne marche, en jugeant que nous sommes bien placés pour le faire.
Donc, monsieur le président, je veux vous dire merci. Par votre entremise, je veux dire à tous les députés de la Chambre des communes et, en particulier, au premier ministre, merci pour cette annonce très importante. Je félicite le gouvernement pour son audace. Je prends devant vous l'engagement—et je sais que je peux le prendre au nom de tous les présidents d'université du Canada—que nous ferons de notre mieux pour exploiter à fond les possibilités offertes par ce programme.
Ce programme fait suite aux annonces antérieures de la Fondation canadienne pour l'innovation et des Instituts canadiens de recherche en santé. Au cours des quatre dernières années, ces trois initiatives ont eu conjointement un effet tout à fait extraordinaire en remettant nos universités et, en fait, notre pays en bonne position dans la course à la compétitivité internationale dans le domaine de la recherche et de l'innovation.
Le problème principal auquel nous sommes encore confrontés dans le domaine de la recherche et auquel vous aurez à faire face dans les jours, les semaines, les mois et même les années qui viennent, est de trouver également une façon appropriée pour que le gouvernement fédéral puisse nous aider à regrouper ces éléments, nous appuyer en couvrant les coûts indirects de la recherche, nous donner la capacité d'appuyer nos étudiants diplômés, d'appuyer la commercialisation de notre recherche, d'appuyer nos boursiers effectuant des recherches postdoctorales et de nous donner les locaux et l'équipement dont nos professeurs et nos étudiants ont besoin afin que nous puissions regrouper tous les éléments et tirer pleinement profit de chacun de ces importants investissements nationaux.
Sur ces mots, monsieur le président, j'aimerais maintenant donner la parole à ma collègue, Mme Munroe-Blum, parce qu'elle peut parler des répercussions de cette annonce sur la province. Une des principales raisons pour lesquelles nous souscrivons à cette initiative est que le gouvernement fédéral a assumé son rôle si pleinement et si adroitement et a maintenant laissé à la province une marge d'action pour prendre des mesures appropriées.
Mme Heather Munroe-Blum (vice-présidente, Recherche et relations internationales, Université de Toronto): Merci.
Je tiens également à dire à quel point je suis honorée d'être ici cet après-midi et d'avoir la possibilité de m'entretenir brièvement avec vous.
Robert Prichard a déjà exprimé une grande partie du message que la communauté universitaire canadienne souhaite transmettre, mais, au nom de l'Université de Toronto ainsi qu'au nom de tous les chercheurs canadiens, j'aimerais ajouter mes propres remerciements pour les nouveaux investissements réellement extraordinaires que fait le gouvernement fédéral dans le programme de chaires du XXIe siècle, la Fondation canadienne pour l'innovation, les Instituts canadiens de recherche en santé, les réseaux de centre d'excellence et l'augmentation des budgets des conseils subventionnaires fédéraux.
• 1955
Ces programmes investissent conjointement dans les piliers
d'une entreprise de recherche productive et internationalement
compétitive. Ils investissent dans notre talent. Ils investissent
dans une infrastructure de calibre mondial. Ils investissent dans
les programmes qui ont tant contribué à positionner les Canadiens
et la recherche canadienne dans l'économie du savoir, nous
permettant de contribuer de façon disproportionnée à tout ce qui se
fait dans le monde en matière de technologie de l'information et de
découvertes.
Ces investissements n'auraient pas pu intervenir à un moment plus opportun. Ils constituent précisément le signal nécessaire non seulement pour susciter l'espoir, mais également pour inciter les chercheurs canadiens à s'engager fermement à réaliser pleinement leur potentiel et à exploiter leurs capacités. Nos collègues veulent justement être en mesure de tout faire au Canada au niveau le plus élevé et d'exploiter au mieux leurs talents. C'est précisément ce que permettent ces nouveaux programmes.
Je tiens à souligner ce qu'a dit Rob Prichard à propos du caractère particulier et de l'importance du programme de chaires d'excellence en recherche du XXIe siècle, c'est-à-dire l'autonomie qui les caractérise. Pour la première fois au niveau fédéral, ce programme prend en compte le coût total de la recherche et met un terme à la tradition de déplacer le coût de la recherche vers d'autres programmes universitaires, en particulier les programmes académiques. Cette initiative est extrêmement importante à cet égard.
Ces investissements interviennent aussi à un moment important parce que de nombreuses provinces du Canada s'efforcent de créer leurs propres stratégies d'innovation en préparation pour le XXIe siècle et le nouveau millénaire. En étant créé maintenant, ce programme constitue un excellent complément à plusieurs des initiatives prises par les provinces.
Par exemple, au cours des trois dernières années, l'Ontario a réalisé de nouveaux investissements de 1,5 million de dollars dans des programmes d'innovation liés à la recherche qui reposent sur les mêmes principes que le programme des chaires du XXIe siècle: la compétitivité, le caractère distinctif et la capacité à exploiter le talent et les possibilités offertes.
Je pense qu'il est très important que nous continuions à nous pencher sur la politique scientifique, la politique de la recherche dans notre pays, en faisant tout notre possible pour harmoniser la politique fédérale et la politique provinciale. Notre pays est très étendu et a une population très limitée, et nous opérons au sein de l'économie mondiale. Peut-être, il y a 20 ans, pouvait-on faire les choses correctement au niveau local et avoir un impact économique au niveau local. Ce n'est plus le cas. Si ce que nous faisons n'est pas concurrentiel au plan international, cela ne vaut la peine pour personne, et surtout pas pour ceux qui le font.
Étant un pays peu peuplé qui affronte la concurrence du reste du monde, nous devons exploiter toutes nos capacités au niveau provincial et au niveau fédéral. Ces nouveaux programmes fédéraux, de concert avec diverses nouvelles initiatives provinciales, montrent vraiment que le Canada peut devenir un important chef de file dans l'économie mondiale. Seuls les chefs de file participent activement à l'économie mondiale; il n'y a pas de place pour les seconds rôles. Nous sommes très encouragés parce qu'ainsi, nous ne serons pas à la traîne du reste du monde. Nous saisirons toutes les possibilités de réaliser pleinement le potentiel de ces nouveaux investissements.
Merci beaucoup. Nous serons heureux de collaborer avec vous et de faire de notre mieux pour contribuer à l'harmonisation de la politique scientifique du gouvernement fédéral et des provinces.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Prichard et madame Monroe-Blum. C'est très encourageant. Nous serons ici demain. Vous pourrez revenir si vous le désirez.
Nous allons maintenant entendre Liz Sandals et Camille Quenneville, respectivement présidente et directeur politique de l'Ontario Public School Boards' Association. Je vous souhaite la bienvenue.
Mme Liz Sandals (présidente, Ontario Public School Boards' Association): Merci, monsieur le président et membres du comité, de nous donner la possibilité de participer à vos audiences pré- budgétaires. Je crois que vous avez reçu un exemplaire du mémoire que nous avons distribué.
Pour commencer, je veux vous décrire l'organisation que je représente ici aujourd'hui. L'Ontario Public School Boards' Association représente les conseils des écoles publiques, grands et petits, de toutes les régions de l'Ontario. Notre association défend les intérêts de plus de 1,7 million d'élèves des cycles primaire et secondaire et de plus de 500 000 apprenants adultes, et c'est à elle que le gouvernement de l'Ontario s'adresse pour connaître les opinions et les recommandations des conseils des écoles publiques. Je fais également partie du conseil d'administration de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, dont je suis la deuxième vice- présidente.
• 2000
Je serais très directe pour ce qui est de nos recommandations
à l'occasion de vos délibérations sur le budget. À notre avis, il
est temps d'investir dans nos enfants au Canada. Une part
importante de l'excédent fédéral devrait être consacrée à des
programmes destinés aux enfants et aux jeunes. Il est, en fait,
temps d'avoir un budget pour les enfants.
Premièrement, nous recommandons la mise en oeuvre du Plan d'action national pour les enfants. Notre association était ravie des progrès qu'ont réalisés le gouvernement fédéral et les provinces en élaborant l'Entente-cadre sur l'union sociale et le Plan d'action national pour les enfants qui en a résulté. Nous sommes fortement d'accord avec les objectifs de ce plan d'action. À notre avis, c'est un partenariat, et le système scolaire est un partenaire clé qui joue un rôle essentiel dans la vie des enfants.
J'aimerais parler plus particulièrement de trois domaines—la petite enfance, les programmes de nutrition pour les femmes enceintes et les jeunes enfants, et la santé mentale des enfants—qui, je pense, se rattachent à votre Plan d'action national pour les enfants.
En Ontario, le rapport de Fraser Mustard et Margaret McCain intitulé Early Years Study: Reversing the Real Brain Drain a rassemblé des experts de tous les domaines reliés au développement de la première enfance. Dans son récent Discours du Trône, le gouvernement de l'Ontario s'est engagé à aider tous les enfants. Notre association continuera à insister auprès du gouvernement provincial pour qu'il mette en oeuvre ce rapport et remplisse ses engagements. Toutefois, il est essentiel que le gouvernement fédéral soutienne également les programmes de développement de la première enfance.
À notre avis, il est aussi extrêmement important de fournir des programmes de nutrition aux femmes enceintes et aux jeunes enfants. La recherche montre que les enfants qui sont mal nourris in utero ou pendant leurs premières années ont de plus faibles chances de réussite scolaire.
En Ontario, beaucoup de jeunes gens ont des problèmes de santé mentale. Ce sont ces enfants-là qui représentent un fardeau excessif pour les enseignants et entraînent le chaos dans la classe. Ils poussent leurs parents dans leurs derniers retranchements et contribuent de façon disproportionnée à la violence dans nos villes. Nous savons que les programmes de traitement sont efficaces, et nous demandons votre appui pour faire en sorte que les services de santé mentale pour les enfants reçoivent un financement adéquat.
Deuxièmement, nous recommandons une augmentation de la prestation fiscale pour enfants et des augmentations des fonds consacrés au développement d'un modèle intégré de prestation de services pour répondre aux besoins des enfants à risque. Je sais que vous êtes tous bien conscients des rapports entre la pauvreté, l'aptitude à apprendre et la réussite scolaire des enfants. De nombreuses recherches démontrent très clairement que les enfants qui ont grandi dans la pauvreté ont beaucoup plus de chances de réussir mal à l'école. Une augmentation de la prestation fiscale pour enfants au Canada aidera en particulier les familles à faible ou moyen revenu à pourvoir aux besoins de leurs enfants. Nous vous félicitons d'avoir augmenté la prestation fiscale pour enfants au cours de l'année écoulée et nous vous encourageons à renforcer encore cette prestation pour enrayer l'accroissement du nombre d'enfants vivant dans la pauvreté.
Vu les coupures budgétaires ou les réductions concernant les services fournis par les organismes provinciaux et municipaux d'aide à l'enfance, les conseils scolaires ont de plus en plus à prendre en charge le bien-être social et affectif de leurs élèves. Nous ne pouvons pas le faire seuls. Nous demandons la coopération du gouvernement fédéral pour fournir des services intégrés aux enfants.
Les conseils scolaires ont aussi subi des réductions de leur financement. Les programmes qu'ils ont élaborés, y compris les programmes de nutrition ou de petit-déjeuner, les programmes d'aide aux parents, les programmes de prévention de la violence et les programmes de counselling, ont tous subi des coupures. Celles-ci ont été particulièrement importantes pour les programmes d'enseignement de l'anglais langue seconde. L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires a récemment adopté une motion pour encourager le gouvernement fédéral à accorder une priorité élevée aux besoins des enfants dans le cadre de l'élaboration de mesures législatives concernant l'immigration, afin d'augmenter les fonds mis à la disposition des provinces pour répondre aux besoins d'éducation des enfants dont la première langue n'est pas l'anglais, ou, dans le cas du Québec, le français, et de renforcer les partenariats et les rapports entre les intervenants en incluant explicitement les conseils scolaires au nombre des partenaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la législation et de la politique sur l'immigration. Nous traitons directement avec des nombres énormes d'enfants immigrants, et nous sommes d'avis que les conseils scolaires devraient être consultés au sujet de ces politiques.
• 2005
Troisièmement, nous recommandons l'élaboration et la mise en
oeuvre d'une stratégie nationale des garderies afin que tous les
enfants qui en ont besoin puissent avoir accès à l'extérieur de
chez eux à des garderies licenciées d'un prix abordable dotées d'un
personnel qualifié et offrant un milieu sain, stimulant et
favorable à leur épanouissement. Il est prouvé que la fréquentation
d'une garderie de haute qualité améliore les habiletés
intellectuelles et scolaires d'un enfant. Quand ils ont accès à des
programmes de garderie de haute qualité, les enfants issus d'un
milieu socio-économique défavorisé courent moins de risques de
redoubler ou d'être placés dans des classes d'éducation spéciale et
ils ont plus de chances de terminer leurs études secondaires et de
suivre une formation professionnelle ou académique que les enfants
qui n'ont pas bénéficié d'une telle éducation au cours de leur
première enfance.
En résumé, en cette période de croissance économique, nous continuons encore d'avoir un nombre scandaleusement élevé d'enfants qui vivent dans la pauvreté. Nous sommes d'avis qu'un investissement permanent dans des programmes répondant aux besoins des enfants constitue la forme la plus sage d'investir. Le Plan d'action national pour les enfants est peut-être annonciateur de grandes choses à venir si nous profitons collectivement de cette occasion. Une augmentation de la prestation fiscale pour enfants et l'adoption d'une stratégie concernant un programme national de garderies permettront aux enfants d'acquérir les bases dont ils ont besoin pour être prêts à apprendre dès leur entrée à l'école.
Nous sommes conscients du fait que l'éducation relève des provinces. Nous sommes toutefois d'avis que le bien-être des enfants est la responsabilité de tous.
Je vous remercie de nous avoir accordés votre temps. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, madame Sandals.
Nous allons maintenant passer à une période de questions. Chaque intervenant disposera de 10 minutes. Nous allons commencer par M. Epp, qui sera suivi de M. Cullen, Mme Guarnieri et M. Szabo.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur l'orateur... ou monsieur le président. Il se fait tard. Depuis combien de temps sommes-nous ici maintenant? Je pense que certains d'entre nous commencent à voir double.
J'ai apprécié tous vos exposés. J'ai pris quatre pages de notes. Ayant enseigné pendant 31 ans, j'ai parfois évalué la qualité du travail d'un élève par la quantité de papier qu'il me remettait, je suppose donc que cela montre la qualité de votre travail ici.
J'ai plusieurs questions différentes. Je m'adresserai en premier lieu aux municipalités. Je reçois des avis différents dans l'Ouest en ce qui concerne le financement des infrastructures. Ce que certaines municipalités de ma circonscription et d'autres des Prairies m'ont dit est que le programme fédéral d'infrastructures a un important défaut: il force les municipalités à trouver des façons de dépenser de l'argent, sinon elles ne peuvent pas en bénéficier. Étant donné qu'elles ne paient qu'un tiers des coûts à même leurs propres fonds et que les deux autres tiers sont fournis par la province et le gouvernement fédéral, elles doivent maintenant dépenser cet argent en respectant certains délais et en le consacrant à des projets répondant à certains critères d'approbation. Elles finissent donc par le dépenser pour des choses pour lesquelles elles n'auraient normalement pas voulu le faire. Elles préféreraient le dépenser pour quelque chose d'autre qui ne serait pas admissible. Par conséquent, les contribuables envoient leur argent à la municipalité, à la province et à Ottawa, puis cet argent revient, et les contribuables ne sont plus libres de le dépenser pour les choses qu'ils veulent réellement.
À en juger par ce que vous avez dit, votre association est d'accord à 100 p. 100 avec cela. Recevez-vous jamais de telles plaintes ici, ou est-ce seulement dans l'Ouest?
M. Michael Power: Merci beaucoup, monsieur le président et monsieur Epp.
J'ai parlé également avec mes collègues de l'Ouest, les présidents des associations municipales de l'ouest du Canada, et ils m'ont dit qu'ils ont les mêmes difficultés et les mêmes problèmes que ceux que nous avons en Ontario en ce qui concerne la détérioration des infrastructures et leur entretien. Vous aurez remarqué que, dans notre exposé, nous avons soigneusement veillé à dire qu'un programme d'infrastructures doit être conçu avec la participation des autorités municipales, qui doivent être associées à l'élaboration des critères et des conditions présidant à la mise en oeuvre du programme, et elles doivent faire partie du processus décisionnel. Cela a constitué une difficulté lors de la seconde phase de la réalisation du programme d'infrastructures en Ontario, parce que le gouvernement en place à ce moment-là a choisi de faire cavalier seul et a pris des décisions comme si les municipalités n'avaient pas leur mot à dire.
Tout ce que j'ai entendu de la part de mes collègues de la Colombie-Britannique et de l'Alberta—et j'étais hier à Terre-Neuve avec Jack Hayden de l'Alberta—et d'Harrison Sinclair de la Saskatchewan est qu'un programme d'infrastructures leur paraît à tous très positif. L'élément clé—et nous pensons que c'est de ce point de vue que le gouvernement fédéral fait preuve de sagesse—est que ce n'est pas quelque chose qui se fera demain. Il s'agit d'un programme qui ne sera pas mis en oeuvre avant l'an 2000, si bien que nous avons suffisamment de temps pour le planifier et le mettre en place.
• 2010
Nous savons tous que l'économie florissante du Canada, en
particulier celle de l'Ontario, est fondée sur la solidité des
infrastructures. Sans ces infrastructures solides, notre économie
florissante peut être ébranlée, surtout en ce qui concerne les
transports et la prestation de services complexes au niveau des
collectivités.
Pour être franc, je pense que ce que vous entendez dire concerne peut-être le premier programme d'infrastructures, dans lequel il y avait de nombreux programmes qui n'auraient peut-être pas dû en faire partie, et je serai le premier à le reconnaître. Nous n'avons pas besoin de construire de nouveaux terrains de jeu de boule, si vous me pardonnez de citer cet exemple. Je sais que je m'avance en terrain miné. Je sais, monsieur le président, que c'est dangereux.
Le président: Ce n'était pas ma circonscription, monsieur Power.
M. Michael Power: Mais nous devons progresser en ce qui concerne les infrastructures physiques, et je pense que c'est le sens du signal donné par le gouvernement fédéral. C'est ce que les municipalités de l'ensemble de notre pays vous disent très clairement.
M. Ken Epp: Je me rends compte de cela, et je suis très content que vous l'ayez déclaré publiquement. Pour que le programme puisse fonctionner, nous devons nous assurer qu'il fonctionne pour les municipalités à l'intention desquelles il est conçu. C'est donc réellement bien.
Maintenant, vous avez également dit que vous seriez en faveur de l'utilisation des taxes sur l'essence et les carburants pour les infrastructures. Parlez-vous de la taxe fédérale sur les carburants?
M. Michael Power: Nous vous présentons le même message que celui que nous avons présenté à notre province et que notre association soeur, la Fédération canadienne des municipalités, a présenté au gouvernement fédéral. Le gouvernement du Canada a dit qu'il était en faveur d'une politique nationale des transports. En ce qui concerne les transports au sens le plus large du terme, les transports en commun aussi bien que le réseau routier et tout le reste, nous disons qu'une partie de l'argent que rapportent les taxes sur les carburants et les autres droits perçus pour les véhicules devrait être consacrée à l'entretien des infrastructures de transport de notre pays. Nous ne pouvons pas transporter des marchandises de l'Est à l'Ouest et du Nord au Sud si nous n'avons pas ce qu'il faut pour le faire.
En Ontario, par exemple—et on le constate également dans l'Ouest—, nous constatons un blocage total en ce qui concerne le mouvement des marchandises, et ce n'est pas un facteur positif. On peut nous dire qu'en ce qui concerne l'industrie automobile de l'Ontario et du Canada, l'économie est plus florissante que jamais, mais il faut pour cela que les marchandises puissent être transportées 24 heures sur 24, et ce blocage crée un problème. Si vous parlez aux citoyens de ma localité, comme je le fais, vous constaterez qu'ils sont réellement convaincus qu'une partie de l'argent provenant de la taxe sur les carburants et de ce qu'ils paient pour l'immatriculation de leur voiture est réinvestie dans les transports. Nous savons, vous et moi, que la situation est légèrement différente.
Ce que nous disons très clairement est qu'il est temps d'adopter cette façon de penser. Il est temps de prendre des engagements en faveur des transports. Comment le faire? On peut le faire en prenant une partie de l'argent provenant des transports pour le réinvestir dans les transports. Voilà pourquoi nous insistons très fortement sur cette suggestion. En voyageant à travers le pays, vous constaterez que tous les groupes municipaux sont de cet avis. Nous disons que le transport est une question clé. Voilà une façon d'entretenir l'infrastructure des transports au Canada.
M. Ken Epp: Je pense que cela nous donne l'occasion de dire un petit peu ce que nous en pensons. Je suis très fier d'appartenir à un parti qui a ceci pour politique depuis le début. Nous sommes donc en avance sur vous.
Une voix: Mais vous n'êtes pas encore au gouvernement.
M. Ken Epp: Cela viendra.
Je veux passer à M. Langille et M. Anderson, parce qu'une des choses qu'ils ont dites m'a profondément troublé. Il s'agit de la fiabilité des transports. Nous avons une nouvelle loi qui stipule que les ports ne peuvent pas être fermés si on y pratique le chargement de céréales. Dans ma circonscription, j'ai plusieurs usines chimiques qui contribuent non seulement à l'économie de notre ville et de notre province, mais également à celle du Canada. Elles envoient leurs produits dans le monde entier, en empruntant surtout les ports de l'Ouest. Aujourd'hui même, ces ports de l'Ouest sont fermés à cause de mesures prises par les syndicats. Or, vous avez notamment dit que nous devons encourager la création de nouveaux syndicats. Ce n'est certainement pas ce que pensent les gens de ma circonscription à qui on dit que ce n'est pas la peine de se rendre au travail, parce que les seuls dont on souhaite la présence sont ceux qui doivent être là pour fermer l'usine.
• 2015
Je voudrais que vous conciliiez ces deux choses. Avons-nous
besoin de plus de syndicats ou de plus de syndicats responsables?
Avons-nous besoin d'un meilleur système de règlement des
différends?
M. John Anderson: Je répondrai à cela en tant que professeur de relations de travail à l'Université McMaster et que collaborateur du centre.
Je pense que si nous examinons dans quels pays du monde l'inégalité entre les riches et les pauvres est la plus faible, nous constaterons que ces pays ont des taux de syndicalisation beaucoup plus élevés que le Canada. Ce taux est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, où il est d'environ 14 p. 100 et où l'inégalité entre les riches et les pauvres est encore plus grande qu'au Canada, mais le taux canadien d'environ 30 p. 100 n'est guère enviable en regard des normes de la plupart des pays européens.
Diverses études montrent que les gens qui appartiennent à des syndicats gagnent plus que les autres. Cette information est fournie par Statistique Canada. Nous n'avons pas fait de recherches à ce sujet au centre, mais c'est la réalité. Une des façons d'aider les gens qui sont en bas de l'échelle, où ils sont si nombreux, à passer à un niveau plus élevé est de leur fournir de bons emplois et de leur donner la possibilité d'adhérer à un syndicat. Je pense que c'est très important. Par ailleurs, je pense que ce n'est pas suffisant si on n'a pas un climat qui encourage l'établissement de bonnes relations syndicales-patronales et la négociation entre les employeurs et les syndicats. Cela fait également partie des façons d'encourager l'existence d'une société dans laquelle les travailleurs syndiqués jouent un rôle clé pour réduire cet écart. Je pense donc que ces deux types de choses sont nécessaires. Il faut plus de syndicalisation et un meilleur climat pour les relations de travail.
M. Ken Epp: C'est assez éloigné de la question du budget et de la consultation pré-budgétaire, mais puisque vous êtes ici, je veux vous demander la chose suivante. Je vais remettre la balle dans votre camp. Comment régleriez-vous ce problème? Dans les Prairies, nous avons littéralement des milliers d'agriculteurs qui sont au bord de la faillite. Cela ne veut pas simplement dire qu'ils vont perdre leur emploi, mais aussi qu'ils vont perdre toutes leurs économies. Cela veut dire qu'ils vont perdre l'exploitation agricole dont leur famille est propriétaire, dans certains cas, depuis 100 ans. Cela veut dire qu'ils vont perdre leur maison. Les enfants vont devoir aller vivre ailleurs. Il n'y a aucune façon raisonnable de gagner sa vie. Ils sont au bord de la faillite.
Ils ont eu une vie très difficile. S'ils calculent leur salaire horaire au cours des 10 dernières années, la plupart des agriculteurs constatent qu'il a peut-être été, au plus, de 5 $ les années où ils ont gagné de l'argent. Maintenant, ils sont pris en otages par les syndicats qui disent qu'ils ne se contentent pas de 18,95 $ de l'heure, mais veulent avoir 23,52 $. Ils ne comprennent réellement pas.
Comment concilieriez-vous cela? Pour moi, c'est juste le contraire de ce que vous déclarez être votre but, c'est-à-dire de réduire l'écart entre les riches et les pauvres. Ce que vous faites, c'est que vous prenez des travailleurs syndiqués très aisés et vous améliorez encore leur sort, alors que vous acculez les pauvres à la faillite.
Le président: Merci, monsieur Epp.
M. David Langille: Je serai très bref. Notre système démocratique a bien des défauts, notre système judiciaire privilégie les procès, et notre système de négociation collective repose souvent sur la confrontation. Mais ces systèmes que nous avons sont préférables aux autres options. Ils ne sont pas idéaux. On pourrait les améliorer. Nous ne voulons pas d'une harmonisation vers le bas. Nous aimerions que les gens aient accès à un niveau de vie plus élevé et plus sûr.
J'ai beaucoup de compassion pour les agriculteurs des Prairies. Ma mère vient de la Saskatchewan. Je pense que cette situation est en partie due au fait que le capitalisme ne fait pas de quartier, à la nature compétitive du libre marché. Dans les Prairies, nous avons mis de longues années à élaborer des systèmes de gestion de la commercialisation par l'entremise des offices de commercialisation, de la Commission du blé, etc., qui ont contribué à garantir une augmentation du niveau de vie des agriculteurs. Maintenant, je le crains, dans ce nouveau contexte du libre- échange, c'est chacun pour soi, le capitalisme ne fait pas de quartier, et les gens en souffrent. Voilà ce que nous aimerions voir changer, et j'espère que vous pourrez apporter votre aide et votre coopération à cela.
M. Ken Epp: Merci.
Le président: Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remercie les intervenants. Si j'ai le temps, je poserai des questions à M. Power, M. Barber, M. Prichard et Mme Heather Munroe-Blum. Je vais commencer tout de suite.
• 2020
Monsieur Power, si le gouvernement fédéral décidait de lancer
un autre programme d'infrastructures, avez-vous une idée de
l'attitude qu'adopteraient les municipalités de l'Ontario si le
gouvernement de la province leur demandait leur avis, ce qu'on peut
toujours espérer? Quelles seraient, pensez-vous, les priorités des
municipalités de l'Ontario en ce qui concerne l'importance relative
des infrastructures sociales et des infrastructures physiques, et
avez-vous une idée des différences qu'il pourrait y avoir par
rapport à d'autres municipalités du reste du Canada?
M. Michael Power: Monsieur Cullen, je pense que, lors de nos discussions avec nos collègues de l'ensemble du pays, nous sommes d'accord pour dire qu'à notre avis, ce sont les infrastructures physiques auxquelles il faut surtout s'intéresser, non seulement en Ontario, mais également dans les autres provinces. Les gouvernements provinciaux ont confié aux municipalités de plus en plus de pouvoirs et de problèmes à régler.
C'est en partie parce que les gouvernements provinciaux se sont rendu compte que les municipalités peuvent assurer plus efficacement qu'eux la prestation de ces programmes. Ils n'aiment pas dire cela tout le temps, mais c'est vraiment ce qu'ils nous disent et ce qu'ils font. Ce que vous pourriez constater très clairement en Ontario est que la majorité des demandes concernent les infrastructures physiques. Et voilà pourquoi notre association, après avoir consulté nos membres, a dit très clairement que les municipalités doivent être associées à la définition des principes et des critères régissant l'exécution du programme ainsi qu'à la sélection.
Le premier ministre de l'Ontario, M. Harris a dit très clairement qu'il est en faveur d'un programme d'infrastructures. Le gouvernement fédéral n'en a pas encore présenté. Donc, peut-être que, si nous nous associons, le palier municipal et le palier fédéral, nous pouvons proposer un programme qui convaincra le premier ministre et le gouvernement de l'Ontario de se joindre à nous pour constituer un programme tripartite. Et je pense que vous pourrez constater que le type de programme que présenteront les municipalités vous conviendrait très bien.
M. Roy Cullen: L'autre soir, à Toronto, où notre caucus s'est réuni, nous avons rencontré la Fédération canadienne des maires et des municipalités, et la priorité qu'elle accorde aux infrastructures sociales m'a à la fois intéressé et surpris. Je me demandais donc si cela serait considéré comme une priorité en Ontario, où on s'est apparemment acharné sur les infrastructures sociales, si je peux m'exprimer ainsi.
Toutefois, si vous me le permettez, je vais maintenant passer à M. Barber. J'ai été intéressé par l'accent que vous avez mis sur le matériel électronique. On entend souvent parler des logiciels. J'espère que nous pourrons avoir une usine de semi-conducteurs au Canada. Partenaires pour l'investissement au Canada travaille fort sur ce dossier, et Burlington est probablement bien placée. J'aimerais que Toronto soit mieux placée, mais nous sommes tous voisins et amis.
Je suis intervenu auprès de la ville de Toronto pour l'inciter à essayer d'attirer une usine de puces électroniques, et je pense que cette ville est entrée en scène un peu tard. Cela aurait des retombées positives évidentes en matière d'emploi et d'immobilisations. Ce qui m'a convaincu de m'intéresser à cela pour la ville de Toronto a été ma rencontre avec la section ontarienne de l'ACTI et SMART Toronto, qui m'ont parlé des synergies entre l'usine de puces électroniques et l'énorme secteur de la technologie de l'information qui existe à Toronto. C'est exactement le milieu dans lequel vous vivez, alors pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Je les ai crus sur parole, mais pourriez-vous nous parler des synergies qu'il pourrait y avoir entre l'usine de puces électroniques et le genre de choses que vous faites?
M. Douglas Barber: La synergie dont je parlais d'abord est que nous avons besoin de gens. Nous avons besoin de gens connaissant ce domaine en profondeur, des gens qui ont des diplômes de troisième cycle dans des domaines comme celui-ci. Il est difficile de lancer ce mouvement s'il n'y a pas beaucoup d'activités dans ce domaine. Il y a donc une synergie concernant ce qui peut se passer du côté des universités et des collèges communautaires, etc., s'il y a une activité de cette taille.
M. Roy Cullen: Pourquoi ne passons-nous pas alors à la question des gens, parce que cela m'intrigue. Vous avez parlé clairement des besoins au niveau du doctorat, mais, dans ma circonscription, je connais des entreprises qui font ce genre de travail et qui disent aussi qu'il y a une pénurie réelle de techniciens, de gens connaissant la technologie... Constatez-vous ces deux choses, ou mettez-vous réellement l'accent sur les titulaires de doctorat et la nécessité d'en tripler le nombre?
M. Douglas Barber: Non. Nous avons besoin de tous, mais quand on parle d'avoir besoin de tous, il faut les titulaires de doctorat pour leur dispenser un enseignement. Ce que je voulais dire est que nous ne pourrons pas doubler le nombre de gens recevant une formation. En fait, dans la plupart des universités que je connais, y compris l'Université de Toronto, la plupart des gens qui forment les gens qui nous intéressent vont prendre leur retraite au cours des 10 prochaines années. Il faudra les remplacer, mais nous avons également besoin d'en avoir deux ou trois fois plus que maintenant. D'où viendront-ils? Il faut qu'ils viennent des programmes de deuxième cycle. Nous consommons donc les semences avant de les semer.
M. Roy Cullen: C'est ce que j'essaie de déterminer. Je suppose que vous n'avez pas besoin de titulaires de doctorat au niveau des collèges pour former des techniciens, n'est-ce pas? Dites-moi si je me trompe.
M. Douglas Barber: Je suppose que non, mais je pense qu'il y en a quand même un grand nombre qui font cela également dans les collèges communautaires.
M. Roy Cullen: C'est ce que j'essaie d'établir: quels sont les besoins d'après vous?
M. Douglas Barber: Le besoin le plus aigu est en fait du côté des diplômés universitaires et souvent au niveau de la maîtrise. On se dispute intensément dans le monde entier les concepteurs et les gens qui élaborent des logiciels, le langage permettant de travailler avec le matériel.
M. Roy Cullen: Qu'est-ce qu'une usine de puces électroniques aurait comme effet dans une ville comme Toronto ou Burlington en ce qui concerne le secteur de la technologie de l'information?
M. Douglas Barber: La mise en place d'une usine de puces électroniques du genre de celle que nous essayons d'attirer coûterait probablement entre 2 milliards et 5 milliards de dollars canadiens. Elle emploierait probablement quelque chose comme 3 000 personnes directement. Mais l'effet multiplicateur, qui se ferait sentir jusqu'à Toronto, serait facilement six à dix fois plus élevé.
M. Roy Cullen: Je suis au courant des besoins énormes en capitaux et du niveau élevé des salaires.
Monsieur Prichard, vos commentaires m'ont réellement beaucoup plu. J'ai consulté à nouveau la déclaration économique du ministre des Finances, et une chose qu'il mentionne là est l'énorme croissance de l'économie des États-Unis fondamentalement dans le secteur de la technologie de pointe. On peut attribuer une partie de cette croissance aux recherches effectuées dans les années 50, 60 et 70. Je suis moi-même très fortement partisan de la recherche fondamentale, de l'idée de revenir en arrière pour remplir à nouveau le puits.
Nous avons tous déjà discuté à de nombreuses reprises de la quantité de recherche fondamentale qui est nécessaire et de toutes les activités qui en découlent, mais, quand je participais aux travaux du groupe de travail du premier ministre sur la commercialisation de la recherche gouvernementale, la recherche scientifique, une question qui se posait était celle de la commercialisation de l'accès au capital et à la propriété intellectuelle. On y voyait des obstacles. Dans de nombreuses universités—et je pense que vous avez une structure du même genre à l'Université de Toronto—, il y a un organisme qui sert d'intermédiaire, qui place les résultats de la recherche scientifique universitaire auprès du secteur privé. Je me demande si vous pourriez nous expliquer comment cela fonctionne dans le contexte de l'Université de Toronto et nous parler des résultats que cela donne pour ce qui est de l'accès aux capitaux et des mesures incitatives pour ce qui est des droits de propriété intellectuelle. Nous en tirons-nous mieux? Il est évident que nous pourrions faire plus de recherche fondamentale, mais parvenons-nous bien ou mieux à faire connaître cette recherche dans le secteur privé?
M. Robert Prichard: Merci beaucoup, monsieur Cullen. Mme Munroe-Blum est responsable de la fondation pour l'innovation de l'Université de Toronto, qui s'occupe de la commercialisation; je vais donc l'inviter à répondre à votre question.
Mme Heather Munroe-Blum: Je crois que nous faisons cela très bien au Canada. Je pense que, comme il est souhaitable, on fait certaines expériences dans l'ensemble du pays en utilisant diverses politiques de gestion de la propriété intellectuelle. Actuellement, à l'Université de Toronto, notre fondation pour l'innovation est une fondation constituée en société autonome appartenant totalement à l'Université de Toronto qui n'a pas le monopole de la propriété intellectuelle de l'université, et tous les professeurs de l'Université de Toronto ne sont pas tenus de passer par elle. Nous sommes d'avis que c'est un marché compétitif et nous voulons susciter une coopération très poussée entre nos collègues et le secteur privé et d'autres partenaires pour diffuser ce que produit la recherche universitaire.
Nous nous en tirons bien. Il y a toutefois très peu de programmes dans notre pays et au niveau des provinces qui appuient ces activités de commercialisation. Et nous félicitons le CSST pour son rapport, qui disait qu'il était très important à la fois d'investir dans la recherche fondamentale permettant de créer cette propriété intellectuelle et de créer des ressources pour investir dans les activités de commercialisation. Je suis d'avis qu'il est important de pouvoir le faire de façon autonome, de le faire bien et d'avoir des possibilités de croissance.
C'est un domaine qui est, en réalité, en évolution constante, non seulement pour les universités, mais dans le monde entier, pour ce qui est de la meilleure façon de créer des possibilités d'investissement et de protéger notre propriété intellectuelle afin de pouvoir la commercialiser, pour que cela puisse réellement améliorer la situation des gens pour qui nous travaillons. Je dirais que nous sommes sur la bonne voie. Nous ne nous en tirons pas trop mal par rapport à nos homologues des États-Unis. En l'absence d'un recouvrement des coûts indirects de la recherche au Canada, comme on l'a mentionné, nous avons très peu de marge de manoeuvre pour nous livrer à ces activités de commercialisation. Il y a quelques possibilités nouvelles de faire cela comme il faut, et nous avons très envie d'aller plus loin.
M. Roy Cullen: J'ai une dernière question très brève, si vous me le permettez, monsieur le président.
Monsieur Prichard, vous êtes venu ici remercier le gouvernement, et je trouve cela très bien, mais vous avez également fait allusion à un chaînon manquant. Je ne sais plus quelle expression vous avez utilisée, mais il s'agissait d'une sorte de colle pour rassembler tous ces éléments—la Fondation canadienne pour l'innovation et les chaires de recherche. Nous avons peut-être dépensé tout ce que nous avions l'année dernière, et peut-être aussi cette année—je n'en sais rien—, mais de quoi parliez-vous exactement et quelle aide le gouvernement fédéral pourrait-il offrir?
M. Robert Prichard: Merci pour cette question, monsieur Cullen.
Pour que nous soyons vraiment dans la course, la clef est d'être concurrentiels au niveau international, soit, concrètement, pour les universités canadiennes et les chercheurs installés dans les universités canadiennes, concurrentiels avec les États-Unis. Telle est notre situation concrète.
Maintenant que nous avons franchi chacune des étapes que j'ai mentionnées, une fois tout réglé, la principale différence entre notre situation et celle d'un professeur d'une université située immédiatement au sud de la frontière—l'Université de l'État de New York à Buffalo ou l'Université du Michigan à Ann Arbor—est que quand un professeur de l'Université de Michigan reçoit une importante subvention de recherche de Washington, il reçoit le coût direct de cette subvention, et l'université reçoit le coût indirect correspondant au laboratoire, aux locaux, à l'électricité, à l'équipement et à tout le reste. Et le montant versé à l'Université du Michigan est calculé à un taux d'environ 50 p. 100; donc, si la subvention accordée à un professeur pour faire son travail est de 100 000 $, il y aurait 50 000 $ pour créer des conditions propices. C'est ce qu'on appelle le recouvrement du coût indirect. Certains appellent cela le coût total ou les frais généraux. «Coût indirect» est le terme technique.
Au Canada, quand un professeur de mon université reçoit cette subvention de 100 000 $ pour faire une recherche particulière, de notre côté, à l'université, nous ne recevons rien du gouvernement du Canada pour couvrir le coût direct des matériaux et des choses de ce genre pour ce professeur. Cela veut dire que, comme l'a dit Mme Munroe-Blum, nous devons prendre les 50 000 $. Le coût est le même; donc, pour compléter la subvention de recherche que nous avons reçue du gouvernement du Canada, nous devons prendre 50 000 $ sur l'argent que nous a fourni la province pour former nos étudiants. Nous prélevons donc—nous déplaçons, pour reprendre le terme utilisé par Mme Munroe-Blum—l'argent qui devrait être consacré à nos étudiants pour créer les conditions requises.
Cela a pour effet que plus une université parvient à attirer des travaux de recherche—et je dis avec fierté que les collègues de mon université sont ceux qui y parviennent le mieux—, plus il faut retirer aux étudiants. Comment cela se traduit-il en pratique? Par des taux d'encadrement qui ne permettent pas d'assurer une bonne formation dans le premier cycle ainsi que par la détérioration de l'équipement des salles de classe, parce que l'argent doit être utilisé pour les laboratoires.
L'AUCC a donc proposé que nous élaborions une version canadienne, une version maison, du recouvrement des coûts indirects pour nous mettre sur un pied d'égalité avec les principales universités des États-Unis pour ce qui est de leurs rapports avec Washington. Cela fournirait des ressources nous permettant de commercialiser nos résultats, pour répondre à votre question antérieure, des ressources pour allumer les lumières et payer les besoins spéciaux en électricité et des ressources pour offrir aux étudiants du deuxième cycle et aux boursiers du troisième cycle—dont M. Barber signalait qu'ils représentaient un besoin pressant—les diverses choses que nous ne pouvons pas nous permettre actuellement.
C'est la dernière pièce du casse-tête. Avec la FCI pour les infrastructures, les ICRS pour les coûts directs de la recherche dans les sciences de santé, un CSRNG et un CRSH améliorés et enfin la couverture des coûts associés à la recherche, nous aurons atteint notre but. Dans ces conditions, les professeurs canadiens se retrouveront, à mon avis, sur un pied d'égalité. Les Canadiens démontrent depuis plus de 75 ans, depuis le prix Nobel pour l'insuline, que nous pouvons affronter la concurrence des meilleurs chercheurs du monde quand nous sommes sur un pied d'égalité avec eux. C'est le dernier morceau du casse-tête.
Le président: Merci.
Madame Guarnieri.
Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Monsieur Langille, vous avez parlé tout à l'heure du capitalisme qui ne fait pas de quartier. Dans une économie darwinienne moderne sans frontière, il me semble impossible de limiter le revenu des 20 p. 100 ou 10 p. 100 les plus riches par la fiscalité. Ils déménageraient simplement au sud de la frontière ou ailleurs.
• 2035
La seule façon immédiate, me semble-t-il, d'essayer de
corriger les inégalités auxquelles vous avez fait référence de
façon si éloquente tout à l'heure pourrait être d'accorder
d'importants suppléments du revenu aux 20 p. 100 les plus pauvres.
Dans quelle mesure pensez-vous, en étant réaliste, que nous
pourrions compléter les faibles revenus, même si nous utilisions la
totalité de l'excédent?
M. David Langille: Je ne souhaite pas que vous utilisiez tout l'excédent à cette fin. J'aimerais mieux que les gens aient des emplois, les moyens et le savoir-faire leur permettant de gagner leur vie eux-mêmes. Cela protégerait leur dignité, leur estime d'eux-mêmes, etc. Ce serait la solution optimale. Le gouvernement pourrait jouer un rôle pour la création d'emplois.
En parcourant un discours de l'honorable Paul Martin, j'ai noté:
-
[...] au centre de la mondialisation se trouve un parti pris pour
l'inégalité. La gratification quasi immédiate de choix presque
illimités nous expose à un monde où les meilleurs réussiront très
bien, mais dans lequel les deuxièmes accuseront de plus en plus de
retard.
Cela renforce considérablement les disparités qui existent entre quelques gagnants et tous les autres. En d'autres termes, cela transformera notre société en un monde rigide composé de nantis et de démunis.
Le ministre des Finances continue en parlant de la façon dont nous créons un monde dans lequel on rétrécit l'écart entre les riches et les pauvres et du rôle du gouvernement fédéral à cet égard.
La création d'emplois est l'élément numéro un. Une autre façon consiste à accorder plus de valeur aux gens qui gagnent un faible revenu. Si nous relevions le salaire minimum, cela n'aiderait-il pas les gens qui arrivent à peine à se débrouiller en gagnant actuellement des salaires marginaux? Ce serait une mesure très positive.
Nous pouvons fournir des soutiens sociaux afin de permettre en particulier aux femmes de trouver du travail quand elles veulent travailler. Il y a de nombreuses femmes qui veulent travailler, mais elles ne peuvent pas trouver des garderies satisfaisantes ici, dans la ville de Toronto. C'est une réalité à laquelle nous sommes confrontés tous les jours. Mon frère et sa femme ne peuvent pas bénéficier du nouveau programme de congé parental qu'on vient d'annoncer, parce qu'elle est enceinte actuellement. Vous pourriez l'aider. Sans modifier la Loi sur l'assurance-emploi elle-même, il existe actuellement des dispositions, comme je l'ai expliqué dans le mémoire, en vertu desquelles ce plan pourrait entrer en vigueur et certains Canadiens pourraient bénéficier de ces dispositions relatives au congé parental dès maintenant.
Nous pourrions également commencer à appliquer le programme national de garderies dès maintenant. Il a été promis pendant la dernière élection. Je pense que beaucoup de Canadiens seront déçus si on ne fait pas quelque chose.
J'espère que ce sont là des domaines dans lesquels on pourrait agir.
Mme Albina Guarnieri: Merci pour une réponse très réaliste.
Madame Dinsdale.
Mme Margaret Dinsdale: Si nous investissons dans les pauvres... La plupart des pays développés du monde ont un programme de logement social. Nous nous sommes complètement retirés de ce secteur, et nous avons constaté une augmentation directe du nombre de gens qui vivent dans la rue et des sans-abri qui passent inaperçus.
Loger une famille de quatre personnes dans une chambre de motel sur Kingston Road coûte 3 000 $ par mois, et la municipalité en paie la plus grosse partie en ce moment. Combien cela coûterait- il de plus si l'on aidait une famille à risque—parce qu'il n'y a plus de contrôle des loyers en Ontario—en lui versant de l'argent pour qu'elle puisse rester dans sa maison? Combien cela coûterait- il au programme de logement social? John Sewell, l'ancien maire de Toronto, disait qu'à tout moment, 20 p. 100 des membres de la société ne peuvent pas payer le loyer exigé sur le marché ou paient un loyer trop élevé.
Regardez Jane Smith et ses enfants et imaginez à quel point ils pourraient mieux vivre. Elle ne peut pas les aider à propos de l'éducation qu'ils vont recevoir. Et je suis sûr qu'un ou plusieurs de ses enfants aimeraient aller ensuite à l'université, mais elle ne pourrait pas les aider, et ils seraient submergés de dette.
Donc, à long terme, en ne nous souciant pas des gens, nous augmentons la dette sociale, parce qu'on sait que les gens qui sont pauvres ont davantage de problèmes de santé...
Mme Albina Guarnieri: [Note de la rédaction: Inaudible]... en nous occupant de la pauvreté réelle et en complétant ensuite cela avec des programmes de formation et des programmes sociaux?
Mme Margaret Dinsdale: Oh, absolument. J'ai grandi dans une petite entreprise familiale, donc je ne souhaite pas que vous gaspilliez de l'argent pour régler ce problème. Je suis très contente qu'on ait éliminé le déficit et que nous nous efforcions de réduire la dette. C'est excellent. Mais nous devons aussi nous pencher sur les gens qui souffrent.
• 2040
En tant que journaliste, je parle avec de nombreux
travailleurs sociaux de première ligne. Ils n'ont pas besoin de
voir les statistiques; ils voient la situation. Le système dispose
de moins de ressources pour traiter des problèmes plus vastes, ce
qui fait que nous avons une société qui se porte beaucoup moins
bien.
Nous voulons que, quand les enfants grandissent, ils soient brillants et intelligents et puissent participer à la nouvelle économie. Mais de la façon dont les choses vont maintenant, les gens souffrent et ce n'est pas sain.
Mme Albina Guarnieri: Merci.
J'ai une brève question à poser à M. Prichard. Vous avez eu l'amabilité de mettre en relief les initiatives gouvernementales qui vont attirer des gens talentueux dans notre pays et les inspirer. D'après l'expérience qu'a l'Université de Toronto concernant ses diplômés et ses anciens élèves, les impôts sont-ils la cause directe du prétendu départ des diplômés—l'exode des cerveaux—ou est-ce simplement à cause de la surchauffe de la demande aux États-Unis? Est-ce réellement une question de fiscalité, ou peut-on tirer comme conclusion que c'est simplement la nature de la concurrence? Avez-vous à ce sujet des idées qui pourraient nous aider?
M. Robert Prichard: Personnellement, je crois que la préoccupation principale de nos diplômés les plus prometteurs est d'avoir la possibilité de réaliser leurs rêves. Ils espèrent pouvoir conserver les rêves qui les ont incités à venir dans notre université. Ils sont très mobiles et iront là où ils croient avoir les meilleures possibilités. Je pense que tout pays qui impose des niveaux de fiscalité déraisonnables à ses citoyens les plus mobiles et les plus talentueux les perdra de façon disproportionnée. Ce n'est pas le cas du Canada.
Il ne fait aucun doute que nous espérons tous que, le moment venu et de façon mesurée, nos impôts seront plus faibles qu'à présent, et nous mettrons l'accent sur une baisse des impôts qui ont le plus tendance à encourager les gens talentueux et mobiles à s'en aller—les impôts sur le revenu des particuliers plutôt que les autres formes d'impôt. Je suis en faveur de cela.
La question réelle qui se pose aux jeunes gens qui obtiennent un diplôme chez nous est celle de savoir quelles possibilités leur sont offertes. Peuvent-ils travailler dans une entreprise comme Gennum Corporation, qui leur paraît avoir de l'avenir? Peuvent-ils venir travailler dans une université qui leur paraît avoir de l'avenir? Peuvent-ils travailler pour un secteur des services financiers qui leur paraît avoir vraiment de l'avenir au plan international? Peuvent-ils travailler pour une série d'institutions publiques afin d'essayer d'améliorer la situation dans notre société?
Pour moi, tout se ramène aux possibilités qui leur sont offertes et à la façon dont le gouvernement peut contribuer adroitement à la création de telles possibilités sans imposer en même temps des niveaux d'imposition qui risquent d'encourager les gens à prendre indûment la fuite à cause de la différence avec d'autres pays du monde.
Quand j'examine cela, je suis personnellement convaincu qu'il y a différents domaines dans lesquels on pourrait améliorer les possibilités d'investissement au Canada et que le gouvernement du Canada devrait y porter attention en priorité, comme je l'ai mentionné ce soir. Mais si nous écoutons le ministre des Finances, et je n'ai aucune raison de mettre sa parole en doute, il semble que ce soit possible, de même que des réductions graduelles des impôts étalées sur plusieurs années. Il ne fait aucun doute pour moi que ce serait à l'avantage de nos étudiants.
Dans ce contexte, je crois que des réductions sélectives d'impôt—des mesures fiscales ciblées—pourraient améliorer beaucoup la situation pour ce qui est des possibilités qui leur sont offertes tout en coûtant relativement peu au trésor fédéral. Je vous rappelle que nous sommes en faveur d'une exonération totale du gain en capital sur les dons de biens d'investissement aux organisations à but non lucratif. D'après notre expérience, quand nous mesurons la différence entre les possibilités offertes aux jeunes gens des États-Unis et à ceux de notre pays, il y a une différence systématique qui est systématiquement défavorable aux institutions publiques canadiennes. Je pense que nous pouvons éliminer cela à un coût très modeste.
Samedi dernier à Cambridge, au Massachusetts, le Massachusetts Institute of Technology a organisé un banquet pour lancer une campagne destinée à collecter plus de 1 milliard de dollars américains. Au milieu du repas, un diplômé du MIT très motivé a dit qu'il était venu aux États-Unis comme étudiant de deuxième cycle. Il avait créé une entreprise. Il avait gagné beaucoup d'argent. Il avait vendu son entreprise à Lucent. Il s'est levé sans aucune annonce préalable et, sans ambages, il s'est engagé à donner des actions de biens d'équipement d'une valeur de 100 millions de dollars pour aider à donner un bon coup d'envoi à la campagne du MIT.
• 2045
Cela n'est jamais arrivé dans l'histoire du Canada. Dans
l'histoire du Canada, personne n'est jamais intervenu de cette
façon-là. On pourrait dire que la famille Mannix a fait quelque
chose de comparable en Alberta pour toute une série d'organismes de
bienfaisance, mais cela n'est pas arrivé dans l'histoire du Canada,
alors que c'est maintenant arrivé à de nombreuses reprises aux
États-Unis. Je crois que cela tient principalement à la façon
différente dont on traite les biens d'équipement. Voilà pourquoi
j'appuie si énergiquement le mémoire de M. Johnson, dont vous
prendrez connaissance demain; cela offrira des possibilités aux
jeunes gens, et c'est ce qui les fera rester au Canada, à mon avis.
Mme Albina Guarnieri: C'est encourageant.
Monsieur Langille, avez-vous un commentaire?
M. David Langille: Nous entendons souvent dire que pour rester concurrentiels avec les États-Unis, nous devons réduire les impôts pour attirer les travailleurs éminemment qualifiés et enrayer l'exode des cerveaux. En fait, les statistiques montrent que nous avons un bilan positif net dans ce domaine. Nous perdons en moyenne 8 500 diplômés universitaires en faveur des États-Unis chaque année, mais nous en gagnons plus de 30 000 en provenance d'autres pays.
Le domaine dans lequel nous perdons des gens est celui de la santé. Pourquoi? Les infirmières. Elles vont au sud. Pourquoi? Parce qu'à cause des coupures budgétaires imposées au système hospitalier, nous devons mettre des infirmières à pied. Elles vont au sud. C'est la principale catégorie professionnelle qui quitte notre pays: les infirmières. Si nous voulons enrayer cet exode, nous devons rétablir le financement des soins de santé.
En fait, Ekos a réalisé un sondage sur les façons de repenser le gouvernement et a demandé aux gens quelles devraient être les priorités du gouvernement fédéral. Les réductions d'impôts arrivaient en septième place après les soins de santé, l'éducation, les enfants vivant dans la pauvreté, l'amélioration de la productivité, l'aide aux enfants et aux familles et la réduction de la dette nationale.
Je crains vraiment que le fait de demander des réductions d'impôts à grand cri ne se traduise par une réduction permanente des revenus du gouvernement et ne réduise sa capacité à fournir des services publics, ce qui ouvrirait la voie à une privatisation accrue des services de santé, d'éducation et autres.
Le président: Monsieur Langille, je veux simplement revenir sur cette question de l'exode des cerveaux. Soit dit en passant, je pense que l'exode des cerveaux existe.
M. David Langille: Oh, je ne le nie pas, mais je dis qu'il est limité à un secteur.
Le président: Je connais beaucoup trop de gens qui travaillent dans le Sud. Ils sont partis pour diverses raisons. Je pense également que M. Prichard a raison quand il dit qu'il y a certains endroits aux États-Unis qui offrent de plus en plus de possibilités.
Mais l'argument concernant les impôts est intéressant parce que les gens pensent que le problème tient seulement à l'impôt sur le revenu. En réalité, s'il y a ces endroits qui offrent de nombreuses possibilités, c'est peut-être à cause du régime fiscal plus favorable des États-Unis. Donc, pour moi, les questions d'impôt ne devraient pas être limitées aux revenus des particuliers. L'imposition des entreprises et des sociétés doit également être prise en considération.
Bon, je sais que nous avons fait de nombreuses comparaisons avec d'autres pays, notamment au sujet des charges sociales et de l'impôt sur le revenu. Mais, pour être franc, la réalité est que nous traitons surtout avec les États-Unis. Quatre vingt dix pour cent de la population canadienne vit à moins de 100 miles de la frontière américaine. Nous formons une zone de libre-échange avec les États-Unis. Voilà la réalité.
Je ne dis pas que nous devons devenir des «Américains», même si je ne vois rien de mal à ce qu'on m'appelle un Nord-américain. Nous devons traiter avec cette réalité; elle est là et nous la vivons chaque jour. C'est combien, un milliard de dollars qui traversent la frontière tous les jours? Cela doit avoir une importance pour ce qui est de notre système économique. Il est vraisemblable que 300 millions de gens ne vont pas faire de gros changements pour tenir compte de 30 millions. Cette conclusion paraît logique, n'est-ce pas?
Alors, que devons-nous faire pour être sûrs de pouvoir aussi conserver un avantage compétitif?
Pour revenir à la question de l'exode des cerveaux, si une personne quitte notre pays, c'est une personne de trop. Le comprenez-vous? Nous devons relever la barre à ce sujet.
M. David Langille: Je vois ce que vous voulez dire.
Le président: C'est cela que je veux dire: quelle est la solution?
L'exode des cerveaux existe-t-il ou non? Bon, je vais laisser cela de côté un moment. Alors, pourquoi ne nous efforçons-nous pas de créer autant de possibilités que possible pour que tout le monde reste ici?
M. David Langille: Mais vous avez déjà fait un assez bon travail pour rendre le Canada concurrentiel. Vous pouvez vous en féliciter. Les statistiques de l'OCDE montrent que le régime fiscal des entreprises du Canada se situe dans la moyenne de ses 29 pays membres.
Et notre principal concurrent? Le cabinet comptable international KPMG a réalisé plusieurs études qui montrent que le taux effectif d'imposition des sociétés au Canada, le taux réel d'imposition actuel, est très concurrentiel. Dans une telle étude consistant en une comparaison avec la Grande-Bretagne, les États- Unis, l'Allemagne, la France, l'Italie et la Suède, le Canada avait le taux d'imposition des sociétés le plus faible, 27 p. 100, comparé à 40 p. 100 aux États-Unis.
Le président: Mais, pour être honnête, avec quel pays traitons-nous principalement?
M. David Langille: Avec les États-Unis.
Mais je dis que notre taux d'imposition des sociétés est de 27 p. 100, alors que le taux effectif aux États-Unis est de 40 p. 100. Les deux autres principaux types d'impôts qui ont une incidence sur le choix de l'endroit où investir sont les charges sociales et les taxes foncières, et elles sont beaucoup plus basses au Canada qu'aux États-Unis et dans d'autres pays. C'est ce que dit KPMG.
M. Robert Prichard: Monsieur, pourrais-je faire un bref commentaire au sujet des jeunes gens?
Le président: Monsieur Prichard.
M. Robert Prichard: Premièrement, il y a six fois plus d'étudiants canadiens qui font des études supérieures aux États- Unis qu'il n'y a d'Américains qui viennent au Canada. C'est un gros problème d'exode des cerveaux, parce que, souvent, ils tombent amoureux, ils trouvent des possibilités... C'est pour nous un très grave dilemme que tant de jeunes gens, à cette étape formative critique de leur vie, aient cette expérience de franchir la frontière alors qu'il n'y a pas autant d'étudiants qui vont dans l'autre sens. Il y a beaucoup de choses que nous pourrions faire pour augmenter le nombre d'étudiants étrangers venant au Canada si nous décidions de le faire.
Deuxièmement, dans notre étude sur cette question, nous avons collaboré avec le conseil consultatif du premier ministre sur les sciences et la technologie pour essayer de réaliser une étude détaillée concernant les principales universités du Canada au sujet du nombre de professeurs que nous perdons et du nombre de ceux qui nous viennent de l'étranger. On constate constamment que nous perdons plus de ces gens extrêmement talentueux que nous n'en gagnons. Deuxièmement, ceux que nous perdons sont parmi les tout meilleurs des nôtres.
Le problème est donc quantitatif et qualitatif. Quantitativement, quoi que dise M. Langille au sujet des chiffres globaux, dans le domaine que je connais le mieux, la production d'idées, nos pertes sont plus élevées que nos gains. Deuxièmement, les gens les plus compétents, ceux que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre, représentent une part disproportionnée de ceux que nous perdons. Le meilleur astrophysicien de l'Université de Toronto est parti. Un des meilleurs physiciens de l'Université de Toronto est parti. Le biostatisticien le plus remarquable de l'Université de Toronto est parti. Un de ceux qu'on peut considérer comme un de nos deux ou trois meilleurs spécialistes de l'informatique est parti. Dans chacun de ces cas, c'est une perte épouvantable.
Nous avons la chance d'avoir énormément de gens de grande qualité, et nous resterons une excellente université, mais le Canada perd des gens extraordinaires.
Quand nous parlons de l'exode des cerveaux, monsieur le président, je suis d'accord avec vous. La perte de n'importe lequel de ces gens-là, c'est une perte de trop, et nous perdons beaucoup de gens d'un océan à l'autre. Nous devons nous attaquer à ce problème.
Je répète que c'est la raison pour laquelle je suis venu: principalement pour vous dire merci. Ceci nous mettra en mesure de garder certains des tout meilleurs. Ceci nous mettra en mesure d'aller à l'extérieur du Canada et de ramener au Canada des gens qui sont partis. Cela nous mettra en mesure d'aller dans d'autres pays et de faire venir ou revenir au Canada des gens possédant un talent extraordinaire. Il serait déplacé de penser que leur situation est satisfaisante à cause des chiffres globaux.
Le président: Madame Margaret Dinsdale.
Mme Margaret Dinsdale: Je me rends compte que ces messieurs assis à ma droite et à ma gauche présentent des arguments très valides, mais il faut aussi se demander d'où viennent ces talents? Des enfants. Quand nous discutons de cela, n'oublions pas nos enfants, comme Mme Sandals l'a déclaré tout à l'heure avec tant d'éloquence.
Mon fils le plus jeune fréquente encore une école publique à Toronto. La taille des classes est énorme. Il y a de grands groupes d'enfants immigrant dont l'anglais est... on y parle des myriades de langues, pas seulement une. Les écoles sont assujetties à des pressions incroyables. Les familles souffrent; j'ai parlé à de nombreux enseignants. Il y a des programmes de petit-déjeuner et de déjeuner, parce que les enfants ne sont pas nourris. Nous savons tous ce qu'il en est du développement du cerveau et de l'apprentissage et des choses de ce genre.
Ces problèmes sont dus en grande partie aux coupures touchant le logement social et les prestations, au manque d'emplois, au manque d'emplois bien rémunérés, etc. Quand nous discutons de ces exodes des cerveaux, etc., n'oublions pas, s'il vous plaît, d'où viennent ces cerveaux.
Le président: Une excellente remarque.
M. John Anderson: Ayant travaillé pendant de longues années dans le domaine du syndicalisme universitaire, je veux simplement dire qu'il me paraît important de signaler que nombre des problèmes que nous connaissons maintenant sont dus au sous-financement de nos universités. Elles ne reçoivent pas le même niveau de financement qu'il y a 20 ou 30 ans. Il y a peut-être certaines exceptions, mais c'est généralement le cas.
Pour revenir à quelque chose qu'a dit M. Prichard, je pense qu'il est beaucoup plus sain de chercher à renforcer nos établissements afin qu'ils offrent des possibilités passionnantes aux gens extrêmement bien formés qui veulent rester ici. Cela ne se fait pas en réduisant l'impôt sur le revenu des particuliers, mais en finançant les universités et en renforçant les possibilités qui y sont offertes.
• 2055
De plus, pour ce qui est des étudiants qui s'en vont au sud de
la frontière, je pense qu'une solution très, très facile, qui
coûterait très peu au gouvernement, serait de réduire les énormes
frais de scolarité, qui augmentent très rapidement.
En ce qui concerne mes propres enfants, le choix que j'ai consiste probablement à les envoyer à l'université au Québec, où, étant donné qu'ils sont nés dans la province, ils paieront des frais de scolarité beaucoup moins élevés qu'en Ontario, où ils sont devenus démesurés et hors de la portée de la plupart des Canadiens à revenu moyen. C'est une façon de garder les gens ici, en leur offrant des possibilités intéressantes pour les frais de scolarité et pour leurs études supérieures. Je pense que c'est une très bonne méthode que nous devrions examiner et que c'est quelque chose que le gouvernement fédéral pourrait faire.
Le président: Un des problèmes auxquels je suis confronté est que je dois m'adresser aux familles canadiennes moyennes, dont le revenu disponible moyen a diminué d'environ 6 p. 100 au cours des 10 dernières années, et leur dire que les réductions d'impôts ne sont pas réellement importantes. En fin de compte, si nous réduisons leurs impôts, ce que nous leur disons en fait est qu'avec cette réduction d'impôts, ils auront le même revenu disponible qu'il y a 10 ans. Comprenez-vous cela?
Pour moi, le débat au sujet d'une réduction d'impôts concerne également la justice sociale, le genre de chose en faveur de quoi vous plaidez. Vu l'impact de la désindexation dans notre système, vu le fait que de plus en plus de gens entrent dans les tranches d'imposition supérieures et les autres problèmes que nous devons régler, une réduction des impôts aiderait les familles à récupérer une partie de leur revenu disponible. Si, au bout de 10 ans, vous ne progressez pas, vous ne placerez guère d'espoir dans un avenir radieux, non seulement pour vous-même, mais pour les générations futures.
Pour ce qui est du fait que le ministre des Finances a déclaré clairement qu'il y aurait une réduction des impôts dans le prochain budget, je l'appuie à 150 p. 100, parce qu'il faut le faire, ne serait-ce que pour rétablir un peu de bons sens dans notre système économique.
M. John Anderson: Je suppose que cela dépend du type de réduction d'impôts, parce qu'en Ontario, il y a eu des réductions d'impôts consistant à abaisser globalement le pourcentage de l'impôt sur le revenu, ce qui a favorisé les 10 p. 100 de gens qui ont les revenus les plus élevés et à qui cette réduction d'impôts suffit pour acheter une nouvelle voiture, alors que quelqu'un qui est en bas de l'échelle reçoit 200 $, c'est-à-dire assez pour s'acheter une tasse de café tous les deux jours ou quelque chose de ce genre.
En ce qui concerne les impôts, je pense qu'il est important d'examiner l'idée selon laquelle les gens sont prêts à payer des impôts dans la mesure où ils constatent qu'ils en retirent des avantages pour ce qui est des services publics. Ces dernières années, nous avons constaté qu'au Canada, on réduisait énormément le financement des institutions pour lesquelles nous payons ces impôts. On a réduit les fonds consacrés aux soins de santé, à l'éducation et à l'assurance-emploi. Il n'est pas étonnant que quelqu'un qui cotise à la caisse d'assurance-emploi se demande pourquoi il devrait verser une telle cotisation, puisque, quand il est en chômage, cela ne dure pas longtemps, et que certaines personnes ou la plupart d'entre elles ne peuvent pas toucher l'assurance-chômage.
Le président: Nous devrions peut-être simplement dire que nous avons des charges sociales, parce qu'actuellement elles sont prélevées, et que c'est le prix à payer pour faire des affaires au Canada. Nous sommes concurrentiels de ce côté-là. Si on veut faire des affaires au Canada, comme employeur ou comme employé, c'est le montant qu'il faut payer.
M. John Anderson: Je pense que, si on réduit les impôts, il faut examiner la question de l'équité et des modalités d'application de ces réductions. Mais il faut aussi examiner comment on peut faire évoluer les institutions afin que les contribuables en aient pour leur argent et qu'ils constatent que ces impôts leur apportent des avantages réels pour ce qui est des services gouvernementaux.
Le président: Mais je dis que cela réglerait certainement le problème concernant ce compte qui existe—ou qui n'existe pas, selon avec qui on en parle, parce qu'il est versé dans les recettes générales—et ce qu'on qualifie d'excédent d'un compte qui, en réalité, n'existe pas. Pourquoi ne laissons-nous tout simplement pas tomber cela et ne disons-nous pas que si on veut faire des affaires au Canada, il y a des charges sociales à payer, tout comme dans d'autres pays?
Mme Heather Monroe-Blum: Monsieur le président, je pense que ce qui fera augmenter les salaires est, en réalité, l'existence d'une économie concurrentielle. Tout ce qui compte, c'est la productivité et l'innovation, et non pas le renforcement de la réglementation. Les réductions d'impôts peuvent avoir un rôle modeste à jouer, mais ce dont je pense que nous avons réellement besoin, c'est une économie concurrentielle au plan international. Nous avons besoin d'avoir des emplois qui amélioreront vraiment la situation et qui permettront au Canada de jouer un rôle de premier plan dans l'économie mondiale. Tout ce qui compte, c'est investir exactement dans ce dans quoi le gouvernement fédéral a investi—dans l'innovation, la création de savoir et le renforcement de nos talents.
• 2100
On nous a dit que ce sont les possibilités offertes qui
attirent le plus les gens talentueux. Je crois que c'est exact.
C'est ce que nous avons constaté. Je pense que les réductions
d'impôts en constituent un modeste élément. La réglementation va à
l'encontre de la productivité et de l'innovation, et ce qui compte
réellement, c'est d'être concurrentiel au niveau mondial.
Le président: Vous seriez donc d'accord pour que les compagnies aériennes étrangères assurent des liaisons intérieures, n'est-ce pas?
Des voix: Oh, oh!
Mme Heather Munroe-Blum: Nous pourrions avoir une longue conversation à ce sujet.
Le président: Monsieur Barber.
M. Douglas Barber: Je suis content que Heather ait soulevé cette question. Il me semble qu'une des choses que je constate est que le fait que consacrer toute son énergie à essayer de gérer les coûts et les dépenses, etc. a plutôt des effets négatifs, mais, en fin de compte, ce qui va réellement compter pour le Canada est la possibilité de créer de la richesse ou une plus value au plan international nous mettant en mesure d'avoir un pays plus sain.
Je pense que la grande question est la productivité. Comme je l'ai dit au début, notre entreprise existe depuis 26 ans. Nous sommes une société mondiale. Nous avons beaucoup plus de ventes au Japon qu'au Canada. Je me rends tous les ans dans tous les pays développés du monde.
Quand nous avons commencé, notre dollar valait 4 de plus que le dollar américain. Aujourd'hui, il vaut 50 p. 100 de moins. C'est la chute la plus forte pour la monnaie d'un des principaux pays développés. Il suffit de payer la facture d'un hôtel ou d'un repas dans n'importe quel autre pays du monde pour se rendre compte que le Canada est le pays où les prix sont les moins élevés. Pour moi, cela veut simplement dire que nous ne créons pas de la richesse comme le font les autres.
Nous devons investir dans nos jeunes gens, parce que c'est comme cela qu'on créera de la richesse au cours des 25 ou 50 prochaines années. C'est le plaidoyer que j'essaie de faire. Ils veulent avoir la possibilité—et je pense que c'est ce que vous voulez dire—de faire en sorte qu'il se passe réellement quelque chose ici. La plupart d'entre eux ont de la famille ici. Ils ont grandi ici. Ils n'ont pas envie de s'en aller. La plupart d'entre eux resteront. Ils n'ont pas besoin de recevoir le même salaire ou d'être imposés de la même façon. Ils veulent avoir cette possibilité.
Je pense que notre pays doit examiner comment leur donner cette possibilité, ainsi que la liberté d'en profiter, sans leur imposer un fardeau et en faire des gens dépendants, n'ayant plus de respect ou d'estime pour eux-mêmes. Donnez-leur cette chance.
Le genre de chose dont je parlais tout à l'heure concerne l'existence de telles possibilités. Nos jeunes gens veulent pouvoir en profiter, et nous n'avons pas les moyens de les leur offrir.
Chez Gennum, dans les domaines qui sont en forte demande, nous n'avons recruté aucun titulaire d'un baccalauréat, d'une maîtrise ou d'un doctorat d'un endroit comme l'Université de Toronto qui n'ait pas reçu au moins quatre offres d'emploi, dont au moins une de l'étranger.
Je connais le cas récent d'une personne qui avait reçu huit offres, dont quatre de l'étranger et quatre de différents pays, pas seulement des États-Unis, une d'entre elles venait des États-Unis, mais les autres venaient d'autres pays. Nous avons du mal à embaucher une personne quelconque venant de n'importe lequel de ces autres pays, parce que nous n'avons pas les moyens de payer les chambres d'hôtel—et nous n'avons pas non plus les moyens de payer leurs salaires.
Donc, d'après ce que je peux constater, le problème qui se pose ici au Canada est la création de richesse. Nous devons tous mettre la main à la pâte. Je pense que le problème est la productivité.
Je suis allé à l'hôpital cet été, et j'ai pensé à cette question de la productivité. Je me suis mis à calculer combien de chaises il y avait dans les salles d'attente du Canada. Je pense qu'au Canada, il y a à tout moment quelque chose comme 1 million de personnes assises dans une salle d'attente.
Éliminons les salles d'attente. Elles contribuent beaucoup au manque de productivité. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire sans nous en prendre uniquement à l'industrie, qui emploie seulement 18 p. 100 de la main-d'oeuvre. Chacun doit apporter une contribution productive. Nous devons créer les possibilités de créer de la richesse.
Le président: Merci.
Madame Sandals.
Mme Liz Sandals: J'écoute tout cela avec fascination. Il se trouve que j'ai grandi dans un campus universitaire, et j'y ai passé la plus grande partie de ma carrière, je ne suis donc certainement pas hostile aux universités. Mais il me semble que nous accordons beaucoup d'attention à moins de 1 p. 100 de la population, ce qui doit correspondre au nombre de gens qui font des études jusqu'au doctorat.
• 2105
Il est absolument essentiel que nous ayons cette possibilité
de former nos élites et d'investir dans l'informatique—, et en
fait, j'enseigne l'informatique, donc ils mettent en plein dans le
mile avec ce qu'ils disent au sujet des possibilités pour le
troisième cycle en informatique—, mais je pense que nous devons
nous rappeler, et mettre l'accent là-dessus, que, pour que ces
emplois soient productifs, il ne faut pas seulement une élite de
1 p. 100, mais une main-d'oeuvre ayant reçu une formation poussée.
On n'aura pas de façon générale une main-d'oeuvre ayant reçu une
formation poussée si on ne revient pas un peu en arrière pour
prendre en considération le développement de la première enfance et
l'éducation de tous les enfants.
Je suis certainement d'accord avec nombre des choses qui ont été dites ici, mais nous ne devons pas oublier les questions plus générales concernant l'éducation et le développement de la première enfance.
Merci.
Le président: Merci. Nous devons également garder présent à l'esprit que, comme vous le dites, tous les objectifs ne sont pas incompatibles. Je pense que nous pouvons tous les atteindre.
M. Robert Prichard: Je ferai un commentaire très bref.
Nous avons un problème très grave au Canada, qui est le fait que 18 p. 100 des élèves du secondaire ne terminent pas leurs études. Cela pourrait constituer un passif extrêmement lourd pour le Canada au cours des 40 prochaines années, parce que, comme vous le savez, le nombre d'emplois créés au Canada au cours des 10 dernières années pour les gens qui n'ont pas reçu une formation secondaire est un nombre très négatif. Le nombre de postes va diminuer dans ces domaines. Si nous pouvons collaborer avec les écoles publiques pour réduire ce chiffre, une génération de Canadiens en touchera les dividendes.
J'espère que vous comprenez que ce dont je parle, c'est l'importance d'offrir des possibilités. Ce n'est aucunement incompatible avec le fait de chercher activement à déterminer pourquoi 18 p. 100 des élèves de sexe masculin et 10 p. 100 des élèves de sexe féminin quittent l'école et ne terminent pas leurs études secondaires. La moyenne nationale pour les deux sexes est de 14 p. 100, mais c'est le cas de 18 p. 100 des garçons. Si nous pouvions nous attaquer à cette question avec nos collègues du système scolaire, cela serait une très bonne chose.
À l'université, nous sommes très satisfaits du travail que font les écoles publiques. Je suis un grand défenseur des écoles publiques. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que les élèves d'aujourd'hui ne sont pas aussi bien préparés que ceux de mon époque ou des époques antérieures. Je trouve que la préparation des étudiants est meilleure que quand je suis arrivé à l'université.
Ces 18 p. 100 de garçons qui abandonnent leurs études m'inquiètent beaucoup, parce qu'au cours des 45 prochaines années, ils feront face à des difficultés extraordinaires. Je pense que tout ce que nous pourrons faire pour les amener à rester à l'école, à finir leurs études ou à revenir à l'école améliorera beaucoup notre compétitivité, notre productivité et notre capacité à avoir une bonne croissance.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Les décrocheurs auxquels vous faites référence sont les futurs pauvres du Canada.
Ils sont très nombreux, et je pense que nous pourrions en parler pendant des heures. Nous ne pouvons pas le faire, mais, après vous avoir écouté, permettez-moi de vous dire que, dans une certaine mesure, nous fermons les yeux devant des faits importants concernant différents domaines parce que cela nous convient mieux.
D'après le rapport Golden, 42 p. 100 des sans-abri de Toronto ne viennent pas de Toronto. Le problème de l'attraction urbaine est grave, et certaines communautés ne s'occupent pas de leurs propres membres. Nous devons faire quelque chose à ce sujet. Dans son rapport, Golden n'a pas inclus un tableau, qui, je pense, aurait été tellement utile à tant de gens. Si on l'examine, on constate qu'à Toronto, 35 p. 100 des sans-abri sont des malades mentaux, 28 p. 100 sont des jeunes en rupture avec leurs familles, dont 70 p. 100 ont subi des violences physiques ou sexuelles; 18 p. 100 sont des Autochtones qui ont quitté leur réserve, 10 p. 100 sont des femmes victimes de mauvais traitements et 9 p. 100 appartiennent à diverses autres catégories.
Si on examine qui sont réellement ces sans-abri, on constate que le problème n'est pas tant économique que social. Ce sont des gens qui ont des familles, mais ils n'ont personne qui les aime réellement. C'est réellement un problème.
Monsieur Prichard, vous avez dit qu'il y a six fois plus de Canadiens qui vont aux États-Unis que d'Américains qui viennent au Canada. En fait, quand on y réfléchit, par rapport au nombre d'habitants, c'est excellent pour le Canada. Il y a dix fois plus d'écoles aux États-Unis. Il y a dix fois plus de possibilités. Il y a également des programmes de bourse que nous ne pouvons pas concurrencer. Je pense que cela veut probablement dire que notre situation est légèrement meilleure que vous ne l'avez décrite. Vous pourriez peut-être réfléchir à mon raisonnement hors normes.
• 2110
D'une façon ou d'une autre, nous refusons apparemment de voir
ce qu'il en est des gens qui gagnent beaucoup d'argent. Vous savez,
d'après les statistiques de Revenu Canada de 1997, 4 p. 100
seulement des Canadiens gagnent plus de 75 000 $ par an. Mais ils
versent aussi 38 p. 100 du total de l'impôt sur le revenu et
42 p. 100 du total des dons de charité. Leur contribution est
énorme, et c'est injuste envers eux. Ces gens ne vivent pas dans
l'isolement. Ce qu'on refuse de voir, c'est qu'il se trouve que
ceux qui réussissent sont tous ceux qu'on considère comme les
meilleurs et les plus brillants d'entre nous. Ce sont eux qui ont
des idées, qui créent des emplois et dont les initiatives ont de
multiples retombées.
Je pense que nous ne devrions jamais faire de comparaison et rabaisser les gens qui gagnent beaucoup d'argent au Canada, parce que cela a beaucoup d'effets bénéfiques.
Le rapport sur la justice sociale compare ce qui s'est passé entre 1973 et 1996. Il montre combien il est horrible que la tranche supérieure gagne maintenant 314 fois plus d'argent que la tranche inférieure. On refuse totalement de voir qu'entre 1973 et 1996, le taux de divorces est passé de 14 p. 100 à 40 p. 100 au Canada. Le nombre de relations de droit commun est passé à 1 million de familles au Canada. Leur taux de dissolution est de 50 p. 100 plus élevé que celui des couples mariés. Le nombre de gens qui se séparent sans aller jusqu'au divorce est monté en flèche. La dissolution des familles est un facteur très important pour ce qui est des problèmes sociaux que nous avons abordés.
Le rapport McCain-Mustard contient un tableau qui montre les zones à risque pour les enfants et le montant d'argent que nous dépensons. C'est au cours de la première enfance que nous dépensons le moins d'argent. Nous en dépensons beaucoup plus pour la pré- maternelle, la maternelle, etc. Or, toutes les études montrent que les trois premières années sont les plus importantes, surtout la première à cause des questions concernant le développement du système nerveux.
Une des principales recommandations de ce rapport était l'enrichissement des activités préscolaires pour les enfants de quatre et cinq ans. Cela représente des milliards de dollars. Je suis désolé, mais la recherche ne confirme pas les conclusions de ce rapport. Comment peut-on insister sur les enfants vivant dans la pauvreté ou quelque chose de ce genre et faire ensuite des recommandations qui, en réalité, n'ont rien à voir avec ce problème?
Au Canada, 12 p. 100 des familles ne comprennent qu'un des parents, et elles représentent 50 p. 100 de tous les enfants qui vivent dans la pauvreté. Nous refusons de voir la réalité en face si nous ne parlons pas de la dissolution des familles et de la société. Ensuite, il faut se demander si nous avons ou non pour responsabilité de nous occuper des problèmes une fois qu'ils existent ou si nous ne devrions pas réfléchir très sérieusement à la façon d'empêcher ces problèmes de se produire.
J'hésite à porter tant de questions à votre attention, parce que je sais que vous avez beaucoup de pain sur la planche. Mais je veux que vous sachiez qu'à mon avis, la dissolution des familles, ou l'érosion de la famille canadienne, est un facteur très important qu'on néglige souvent dans les études qui sont réalisées et même lors de certains débats entre spécialistes.
M. Robert Prichard: J'aimerais répondre de façon très limitée à ce que vous m'avez dit, monsieur Szabo, à propos du fait de savoir s'il est positif ou négatif qu'il y a ait six fois plus de Canadiens qui aillent dans des universités américaines que d'Américains qui viennent au Canada. C'est très négatif.
Si c'était fonction de la population, il y aurait dix fois plus d'Américains venant au Canada que de Canadiens allant aux États-Unis. Dans les faits, il y a six fois plus de Canadiens qui vont aux États-Unis que d'Américains qui viennent dans des universités canadiennes. C'est un échange très déficitaire quant au nombre d'étudiants, et il est encore plus déficitaire pour ce qui est des talents humains qui quittent le Canada, des jeunes gens très talentueux.
Pourquoi font-ils cela? Ils le font à cause des possibilités exceptionnelles qui leur sont offertes, à cause des institutions publiques et des institutions privées. Il y a des possibilités remarquables auxquelles nos étudiants ont accès.
Permettez-moi de vous donner un exemple personnel. J'ai terminé mes études secondaires en 1967. Trois membres de ma promotion sont allés étudier à l'université aux États-Unis. Dans la promotion de 1999—dont je connais la situation parce que mon fils en faisait partie, 32 ans après—, 50 p. 100 des élèves ont fait des demandes pour quitter le Canada afin d'aller aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France. Passer, dans une promotion, de trois élèves à 50 p. 100 des élèves—je ne sais pas quel a été le nombre final de ceux qui sont partis—est une statistique frappante en ce qui concerne les étudiants qui cherchent des possibilités en dehors du Canada.
• 2115
Nous allons perdre certains de ces étudiants. Ils ne
reviendront pas, parce qu'ils tomberont amoureux, qu'ils auront des
relations personnelles—des possibilités s'offriront à eux. Ce
n'est pas qu'ils n'aiment pas leur pays, mais simplement que leur
vie prend une autre orientation. Nous devons trouver des façons de
conserver davantage de ces Canadiens ici. Nous devons trouver des
façons d'attirer plus de jeunes gens talentueux au Canada pour
qu'ils connaissent nos établissements postsecondaires, qu'ils
deviennent Canadiens, qu'ils apportent leur contribution et qu'ils
enrichissent nos vies ici.
Le président: Madame Dinsdale, puis M. Langille.
Mme Margaret Dinsdale: Je sais que vous vous inquiétez beaucoup, monsieur Szabo, au sujet des familles, et vous avez raison, mais ce que vous dites est peut-être un peu simpliste. Nous devons également examiner le problème des femmes qui quittent leurs maris parce qu'ils les maltraitent. C'est peut-être un facteur. Nous devons également examiner le fait que de nombreux emplois ont disparu dans l'industrie, à cause de facteurs comme la mondialisation. Comme nous le savons tous, les difficultés financières imposent un lourd fardeau aux familles.
Je ne sais pas très bien ce que vous voulez dire au sujet des familles, mais je voudrais revenir aux enfants. En 1995, quand le gouvernement a réduit si brutalement et si rapidement le budget des soins de santé et des services sociaux, cela a fait clairement comprendre à de nombreux jeunes Canadiens que la situation était difficile et sans espoir. Nous commençons à avoir un bon nombre de jeunes adolescents qui ont l'impression que la situation est sans espoir et trop dure. Ils n'ont peut-être pas les capacités intellectuelles d'obtenir un baccalauréat ou une maîtrise. Ils veulent simplement trouver un emploi. Ils veulent simplement travailler pour soutenir leur famille—ce genre de chose.
Je pense que ce que le gouvernement doit réellement faire est une sorte de chose intangible—plutôt que verser de l'argent. Il doit faire en sorte que les jeunes gens se sentent valorisés, quelle que soit leur origine socio-économique.
Le président: C'est vous qui aurez le dernier mot ce soir.
M. David Langille: Merci. Je ne peux pas m'empêcher de répondre très brièvement à cette question concernant le débat constant au sujet de l'exode des cerveaux et des universités...
J'enseigne à l'Université York, et nous sommes parvenus à attirer certains professeurs parmi les meilleurs et les plus brillants du monde entier. Je pense que, si on veut améliorer la qualité de l'enseignement, la meilleure chose qu'on puisse faire est de contribuer à abaisser les frais de scolarité et à réduire la taille des classes. Il ne s'agit pas simplement de verser des salaires plus élevés. Quand on enseigne les sciences politiques, on ne s'attend pas à gagner plus de 100 000 $.
Quant à la question des valeurs familiales, j'ai le grand plaisir de vous indiquer que, le 30 novembre au soir, nous avons organisé un atelier de recherche sur la façon d'élaborer des politiques familiales plus progressistes au Canada. Nous avons attiré quatre des meilleurs représentants de Canadian Policy Research Networks Inc. et des autres institutions réputées que nous avons ici au Canada pour qu'ils se penchent précisément sur ces problèmes, parce que nous sommes conscients qu'il y a un problème.
Je pense que nous avons commis une sorte d'erreur ici au Canada. Nous avons laissé tout le débat sur les valeurs familiales tomber entre les mains de l'extrême droite. C'est elle qui a, en quelque sorte, déterminé l'orientation de la politique familiale—ou elle a essayé de le faire. Il est temps que nous remettions sur pied une politique familiale plus progressiste qui permettra de régler certains des problèmes que vous avez soulevés avec tant d'éloquence.
Merci beaucoup.
Le président: Je vous remercie beaucoup au nom du comité. Vous pourriez probablement dire que nous avons eu un groupe de témoins très intéressant, puisque nous sommes restés plus longtemps que prévu. Nous avons couvert toute une gamme de questions. Cela montre tout simplement l'étendue du problème auquel est confronté notre comité, qui doit essayer de concilier différentes choses et de trouver des compromis pour présenter des recommandations au ministre des Finances. Il ne fait aucun doute que vous avez grandement enrichi le débat, et nous vous en remercions.
La séance est levée.