SPER Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
Temoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 29 janvier 2002
¹ | 1530 |
La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)) |
Dr Henry Haddad (président, Association médicale canadienne) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
La présidente |
Dr John C. Service (directeur général, Association canadienne de psychologie) |
¹ | 1550 |
La présidente |
Dr Blake Woodside (futur président, Association des psychiatres du Canada) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
La présidente |
Mme Adele Furrie (présidente, Adele Furrie Consulting) |
º | 1605 |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
º | 1610 |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
º | 1615 |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
M. Claude Renaud (secrétaire général associé et médecin en chef, Association médicale canadienne) |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
º | 1620 |
La présidente |
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne) |
Dr John Service |
Dr Claude Renaud |
M. Larry Spencer |
La présidente |
Dr Claude Renaud |
º | 1625 |
La présidente |
M. Larry Spencer |
Dr Blake Woodside |
La présidente |
M. Larry Spencer |
La présidente |
M. Larry Spencer |
Dr Claude Renaud |
M. Larry Spencer |
Dr Henry Haddad |
º | 1630 |
La présidente |
Dr John Service |
La présidente |
Dr Blake Woodside |
La présidente |
M. Robert Lanctôt |
º | 1635 |
Dr Claude Renaud |
La présidente |
Mme Adèle Furrie |
M. Robert Lanctôt |
º | 1640 |
Mme Adele Furrie |
M. Robert Lanctôt |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Dr Henry Haddad |
M. Robert Lanctôt |
º | 1645 |
Dr Blake Woodside |
Dr John Service |
Dr Claude Renaud |
Dr Henry Haddad |
La présidente |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
º | 1650 |
Dr Henry Haddad |
M. Tony Tirabassi |
La présidente |
Dr Henry Haddad |
Dr John Service |
La présidente |
Dr Blake Woodside |
Dr Henry Haddad |
La présidente |
Dr Claude Renaud |
º | 1655 |
La présidente |
Dr Claude Renaud |
La présidente |
Dr Claude Renaud |
La présidente |
Dr Claude Renaud |
Dr Henry Haddad |
La présidente |
Dr Henry Haddad |
Dr Blake Woodside |
La présidente |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
» | 1700 |
Dr John Service |
La présidente |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
Dr Claude Renaud |
» | 1705 |
La présidente |
Dr Henry Haddad |
La présidente |
Dr Henry Haddad |
La présidente |
Dr John Service |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
» | 1710 |
Dr Henry Haddad |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Dr Claude Renaud |
La présidente |
Dr Claude Renaud |
La présidente |
Dr Blake Woodside |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
Mme Adele Furrie |
La présidente |
M. Robert Lanctôt |
Dr Claude Renaud |
La présidente |
CANADA
Sous-comité de la condition des personnes handicapées du comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
Temoignages du comité
Le mardi 29 janvier 2002
[Énregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
La présidente (Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)) La séance est ouverte. Il s'agit de la 13e séance du Sous-comité de la condition des personnes handicapées du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées.
Nous reprenons avec plaisir notre petite étude sur le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Je pense que certains d'entre vous savent qu'à un moment donné, avant l'interruption de nos travaux à l'automne, nous avions cru avoir entendu suffisamment de témoins pour être en mesure de nous adresser au ministre à propos de cette question.
J'espère que vous pourrez nous offrir des solutions. Comme vous le savez, le gouvernement préfère les solutions aux problèmes. Nous espérons que vous nous aiderez à aider les Canadiens, surtout ceux que le programme n'a peut-être pas bien servis.
Nous allons d'abord entendre le Dr Haddad, ainsi que Claude Renaud, de l'Association médicale canadienne (AMC).
Dr Henry Haddad (président, Association médicale canadienne): Je suis très heureux d'avoir été invité à comparaître.
[Français]
Je m'appelle Henry Haddad. Je suis le président de l'Association médicale canadienne, je pratique la gastroentérologie et je suis professeur à l'Université de Sherbrooke.
À titre de président de l'Association médicale canadienne, je représente ici, aujourd'hui, plus de 50 000 médecins de tous les coins du Canada. L'Association médicale canadienne a pour mission de servir et réunir des médecins du Canada et de défendre sur la scène nationale, en collaboration avec la population du Canada, les normes les plus élevées de santé et de soins de santé.
Je suis accompagné du Dr Claude Renaud, secrétaire général associé et chef des affaires médicales de l'AMC.
[Traduction]
Je remercie le sous-comité de nous donner l'occasion de discuter des questions entourant le programme de crédit d'impôt pour personnes handicapées (CIPH). Mon exposé portera sur trois aspects du programme de CIPH: la relation entre l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et l'AMC en ce qui concerne le programme de CIPH; l'intégrité du programme; les questions de justice et d'équité à l'intérieur du programme. J'examinerai aussi brièvement la façon dont le programme de CIPH s'inscrit dans la question plus générale d'un remaniement approfondi du système fiscal à l'appui des politiques de santé.
Avant de poursuivre, je tiens à souligner que l'Association médicale canadienne appuie les questions et recommandations présentées par le Dr John Service de la Société canadienne de psychologie et le Dr Blake Woodside de l'Association des psychiatres du Canada concernant la santé mentale.
J'aimerais maintenant traiter de la relation entre l'ADRC et l'AMC. Le sous-comité a entendu des témoins, dont l'ADRC, au sujet du processus de consultation qui a eu lieu relativement au programme de CIPH et du formulaire T2201. Le sous-comité a peut-être eu l'impression que l'AMC avait été consultée souvent et régulièrement. En réalité, ces réunions, bien que productives, ont été assez aléatoires. Je dirais qu'au mieux, nous pouvons décrire notre rapport de travail comme étant sporadique.
C'est en 1993 que nous avons pour la première fois pris vraiment connaissance du programme CIPH. Un bon nombre des observations que nous avions alors faites valent toujours. Vous pourrez en prendre connaissance dans notre mémoire.
La lettre que le ministre chargé de l'ADRC a envoyée récemment pour demander aux bénéficiaires actuels du CIPH de se qualifier de nouveau pour le crédit est un exemple de cette relation sporadique. L'AMC n'a été ni informée ni consultée à ce sujet. Si nous avions été informés, nous aurions mis en évidence ce qu'il en coûte en argent et en temps pour envoyer de 75 000 à 100 000 personnes voir leur médecin de famille pour renouveler leur attestation. Nous aurions aussi collaboré avec l'ADRC pour trouver d'autres moyens de mettre à jour les dossiers du CIPH.
Nous aurions examiné quels étaient les objectifs, et la meilleure façon de les atteindre. Enfin, sachant bien qu'il était essentiel d'obtenir l'assentiment de la profession médicale déjà débordée, nous aurions examiné les questions pour nous assurer qu'elles étaient appropriées et nous aurions envisagé de procéder progressivement à une épuration sur deux ou trois ans, ou encore sur une période de trois à cinq ans.
Nous ne pouvons malheureusement changer le passé, mais nous pouvons en tirer des leçons. Ce qui démontre clairement qu'il faut établir un dialogue ouvert et continu entre nos deux organisations. Les médecins sont un point de contact clé pour les personnes qui demandent le CIPH et, vu la structure du programme, ont une participation vitale à son administration. Il s'impose par conséquent que l'ADRC mette en place un mécanisme consultatif permanent de haut niveau avec l'AMC.
Nous recommandons que l'ADRC constitue un groupe consultatif de haut niveau chargé de surveiller et d'évaluer continuellement le fonctionnement du programme CIPH afin d'assurer qu'il atteint son but et ses objectifs.
Le groupe consultatif serait constitué au moins de hauts dirigeants du programme, de préférence au niveau de SMA, de représentants des groupes professionnels qualifiés pour remplir le certificat T2201, de diverses organisations de personnes handicapées et de représentants des patients.
¹ (1535)
[Français]
En ce qui concerne le programme même de crédit d'impôt pour les personnes handicapées, ce qui préoccupe et irrite énormément les médecins qui collaborent à ce programme, c'est qu'il exerce une pression indue sur la relation patient-médecin. Cette tension peut aussi avoir un autre effet secondaire possible: une défaillance de l'intégrité du processus du programme du CIPH.
[Traduction]
Selon la structure actuelle du programme du CIPH, les médecins évaluent le patient, lui remettent cette évaluation et lui demandent ensuite de les payer. Cette façon de procéder cause des problèmes pour deux raisons. Tout d'abord, comme le patient reçoit le formulaire immédiatement après l'évaluation, il pourrait reprocher aux médecins—et non aux arbitres du programme du CIPH—de lui avoir refusé le crédit d'impôt. Deuxièmement, les médecins ne se sentent pas à l'aise de demander à être payés lorsqu'ils savent que le requérant n'aura pas droit au crédit d'impôt. C'est se faire payer pour dire non.
Pour assurer l'intégrité du programme du CIPH, les médecins doivent se sentir libres de tirer une conclusion indépendante de leur évaluation de l'état du patient. Compte tenu des pressions que le programme exerce sur la relation médecin-patient, les obligations légales et morales de fournir une évaluation objective de la condition du patient sont en conflit avec le premier principe du Code de déontologiedes médecins qui stipule que l 'on doit «tenir compte des besoins du patient».
Il existe une solution à ce problème: c'est un modèle que le gouvernement utilise déjà, soit le Programme des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Dans le contexte du RPC, le médecin ne remet pas son évaluation au patient: il l'envoie plutôt directement au gouvernement et le programme même prend en charge ce qu'il en coûte pour remplir le formulaire d'admissibilité par un médecin. Ce système maintien l'intégrité de la relation patient-médecin et risque donc moins de compromettre celle du programme.
J'ai ici une lettre d'un médecin de la Colombie-Britannique qui illustre bien toute l'exaspération des médecins à l'égard du programme de CIPH. Ce médecin se plaint d'un formulaire qu'il vient de recevoir de l'ADRC, un formulaire de cinq pages contenant une quarantaine de questions détaillées et complexes exigeant toute une étude du dossier. Le coût de ce travail serait donc beaucoup plus élevé que pour le formulaire T2201. Le patient visé par le formulaire était un patient âgé et n'était pas en mesure de payer le médecin pour remplir le formulaire. On précise cependant encore une fois que c'est le patient qui doit assumer les frais de ce formulaire plus long. Or, comme dans la plupart des cas de demandes de CIPH, le patient n'a probablement pas les moyens de payer ces coûts, et le médecin hésite à lui demander des frais.
Ainsi, comme cela arrive souvent, le médecin a dû faire deux évaluations, le formulaire habituel CIPH21 et ce formulaire-ci, donc remplir deux formulaires. Il lui aura fallu plus d'une heure et, dans un cas complexe, bien davantage et, en fin de compte, il ne recevra pas de rémunération. Cette situation suscite la frustration à la fois chez le patient et le médecin, nuit à la relation patient-médecin et provoque une méfiance accrue envers le système.
Compte tenu de ces faits, l'AMC recommande que l'ADRC prenne les mesures nécessaires pour séparer le processus d'évaluation de celui de la décision. L'AMC recommande à cette fin que l'ADRC suive le modèle du Programme de prestations d'invalidité du RPC.
C'est une question de justice et d'équité.
¹ (1540)
[Français]
En ce qui concerne la troisième question qui nous préoccupe, l'AMC recommande l'application d'une norme de justice et d'équité dans tous les programmes fédéraux de prestations d'invalidité.
Un des problèmes que pose l'évaluation de l'incapacité, c'est que le concept même est souvent difficile à définir. Même dans la plupart des définitions types, comme celle de l'Organisation mondiale de la santé, on définit le mot «incapacité» en termes très généraux et subjectifs.
[Traduction]
Le programme de CIPH et d'autres programmes de prestations d'invalidité n'utilisent pas de définitions normalisées du mot «invalidité». Pour que la personne ait droit au CIPH, l'incapacité doit être «prolongée» (au moins 12 mois d'affilée) et être «grave», c'est-à-dire que la personne est «limitée de façon marquée dans une activité courante de la vie quotidienne», ces activités étant définies.
Les critères du RPC utilisent les mêmes mots «grave» et «prolongée», mais leur définition est différente («grave» signifie «empêche le requérant d'occuper régulièrement un emploi» et «prolongée» signifie un état qui doit «durer pendant une longue période ou s'il risque d'entraîner la mort»).
D'autres programmes comme ceux d'Anciens combattants Canada ont des critères entièrement différents. Ce manque d'uniformité suscite la confusion chez les médecins, les patients et d'autres personnes qui interviennent dans le processus de demande. En conséquence, si la terminologie, les critères des programmes et l'information à leur sujet ne sont pas aussi clairs que possible, les médecins pourraient commettre des erreurs en remplissant les formulaires, ce qui pourrait alors désavantager indûment des personnes qui ont en fait droit aux prestations.
J'aimerais insister sur le fait que le concept d'invalidité est difficile à définir, que l'invalidité est habituellement définie en termes subjectifs et très généraux et que le gouvernement recourt à plus d'une définition. D'autres intervenants ont demandé qu'on uniformise les définitions des divers programmes gouvernementaux, ce que souhaite aussi l'AMC. Cela ne signifie pas qu'il faut uniformiser aussi les critères d'admissibilité.
La dernière question que je voudrais aborder aujourd'hui est plus générale: il s'agit de l'harmonisation de la politique fiscale aux politiques de santé et aux politiques sociales.
Dans le document qu'elle a présenté dans le contexte des consultations prébudgétaires 2001, l'AMC a recommandé que le gouvernement fédéral constitue un groupe de travail national d'experts chargé d'étudier l'élaboration de mécanismes fiscaux novateurs afin d'harmoniser la politique fiscale et les politiques de santé. Plus de 25 ans se sont écoulés depuis la dernière étude de ce genre, soit la Commission royale d'enquête de 1966 sur la fiscalité (Commission Carter). Une étude de cette nature examinerait tous les aspects du système fiscal, y compris l'impôt personnel sur le revenu, dont le CIPH est un élément.
[Français]
Pour conclure, l'AMC est d'avis que le CIPH est une prestation valable pour les Canadiens handicapés. Les recommandations de l'AMC que j'ai présentées aujourd'hui et celles que contient notre mémoire seraient certainement utiles pour toutes les personnes en cause: les patients, les prestataires de soins de santé et les administrateurs du programme, mais à court terme seulement. Ce qui serait véritablement avantageux à long terme, ce serait une étude globale du régime fiscal dans l'optique des soins de santé et des programmes sociaux.
Cette étude produirait des retombées tangibles non seulement pour les personnes handicapées, mais aussi pour toute la population canadienne et démontrait aussi le leadership du gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit de protéger la santé et le mieux-être de la population canadienne.
Merci.
¹ (1545)
[Traduction]
La présidente: Merci.
Docteur Service, vous avez la parole.
Dr John C. Service (directeur général, Association canadienne de psychologie): Merci, docteure Bennett et membres du comité.
L'Association canadienne de psychologie se réjouit de cette occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Je voudrais tout d'abord préciser que la psychologie est l'étude des dimensions biologiques, cognitives, sociales, affectives et culturelles du comportement. C'est donc un secteur assez large qui englobe la santé. Nous allons donc ainsi vous parler d'un élément de la santé mais je voulais m'assurer que vous compreniez que certaines de nos observations doivent être entendues dans le contexte élargi du comportement humain.
Le comité a déjà entendu un certain nombre de parties directement concernées. J'ai assisté à une de ces séances et je ne crois pas qu'il soit nécessaire que je revienne sur des tas de choses qui ont déjà été dites, si bien que je passerai directement à notre position.
Le crédit d'impôt pour personnes handicapées visait initialement ceux qui souffraient d'un handicap physique, comme la cécité. Au fil des ans, on s'est efforcé d'inclure les Canadiens souffrant de handicaps, de maladies et de troubles qui dépassent ce domaine physique ou psychologique. On ne peut que se féliciter de cette évolution mais le résultat est que l'on a tenté d'utiliser ce qui était essentiellement un modèle et une culture de santé physique pour évaluer la maladie mentale ou des problèmes psychologiques. C'est un des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui.
Certains changements sont intervenus en vue d'essayer d'améliorer le processus d'évaluation. Grâce à la participation de groupes tels que Troubles d'Apprentissage—Association canadienne et d'autres, on a ajouté des psychologues aux médecins chargés d'évaluer les troubles de perception, de pensée et de mémoire. Ce fut une bonne décision. Cela permet aux Canadiens d'avoir accès à des services, des évaluations et des traitements de qualité et cela a élargi l'accès.
Je dirais que les problèmes que nous avons aujourd'hui relèvent davantage de l'interprétation et de la définition que des principes eux-mêmes. La nature de la déficience se définit par un certain nombre de critères. Une déficience doit être grave et prolongée, comme l'a dit mon collègue, le seuil étant 12 mois. C'est raisonnable.
Les activités élémentaires de la vie quotidienne relèvent de la perception, de la pensée et de la mémoire. C'est également raisonnable. Si l'on décide de réviser la loi, peut-être pourra-t-on envisager différents critères et définitions mais cela convient certainement pour le moment.
Toutefois, l'interprétation de ces seuils, qui exigent que la déficience existe toujours ou presque toujours—règle de 90 p. 100—est raisonnable pour certains Canadiens qui souffrent par exemple de troubles neurologiques mais non pour beaucoup d'autres qui ont une maladie mentale ou des troubles psychologiques. Pour les Canadiens de ce dernier groupe, il est préférable de considérer d'autres critères pour voir s'ils sont admissibles ou non à ce crédit.
Par exemple, la décision rendue dans Radage contre la Reine est instructive. Le juge a utilisé un critère de troubles de perception, de pensée ou de mémoire qui est très différent—et c'est important—du point de vue fonctionnel, statistique et diagnostic de l'expérience humaine normale. C'est une norme que l'on utilise souvent dans nombre de formes d'évaluation et ce serait raisonnable.
Les maladies mentales graves et prolongées sont très débilitantes. La déficience existe par définition pendant longtemps, dépassant, dans ce cas, 12 mois. Les symptômes de gravité peuvent ainsi augmenter et diminuer mais la déficience reste constante. Il est parfois impossible de prévoir l'aggravation de symptômes. Les critères d'admissibilité doivent donc en tenir compte et les informations et formulaires de l'ADRC doivent être très clairs pour les praticiens.
Les maladies mentales peuvent être dévastatrices dans leurs effets à long terme qui sont secondaires à la maladie mais qui compromettent sérieusement la capacité d'une personne à conserver un emploi ou à s'occuper de ses affaires personnelles. Ces Canadiens sont très handicapés par les effets secondaires de leurs maladies.
La déficience doit être une limitation sensible des activités élémentaires de la vie quotidienne. C'est un critère raisonnable pour certains Canadiens—par exemple, pour ceux qui sont très retardés ou qui ont subi une grave blessure crânienne—mais pas pour beaucoup d'autres qui souffrent de maladies mentales graves et prolongées ou d'autres troubles psychologiques. Ces Canadiens peuvent se livrer à de nombreuses activités élémentaires nécessaires dans la vie quotidienne mais ne peuvent s'occuper de leurs affaires personnelles sans conséquences négatives graves ou sans supervision. Nous avons des exemples de situations semblables.
Le concept de gestion efficace des affaires personnelles apparaît dans des versions antérieures des critères d'admissibilité à ce crédit d'impôt. Ce serait quelque chose qu'il serait utile de reprendre car cela permet de mieux juger du degré de déficience de nombreuses personnes souffrant de maladie mentale ou de troubles d'apprentissage. Par exemple, la solution pourrait être d'ajouter «ou affaires personnelles élémentaires» au texte qui suit la question «Votre patient est-il capable de percevoir, de réfléchir et de se souvenir?», partie B du formulaire CT2201. La phrase suivante pourrait être: «Par exemple, répondez non si votre patient ne peut s'occuper lui-même de ses soins personnels ou de ses affaires personnelles élémentaires sans supervision continue».
¹ (1550)
Le formulaire demandait au patient s'il pouvait «percevoir, penser et se souvenir». Maintenant, d'après la jurisprudence, le critère est le suivant: «Percevoir, penser ou se souvenir». C'est d'ailleurs l'usage actuel à l'ADRC; nous pensons que c'est un progrès important et qu'il doit apparaître clairement sur le formulaire.
Si on répond par l'affirmative à la question «le patient peut-il percevoir, penser et se souvenir», le crédit d'impôt n'est pas accordé. Si la réponse est négative, la demande du requérant est prise en considération, une fois que les questions subséquentes ont reçu des réponses satisfaisantes. Le seuil de 90 p. 100 et la question posée sous cette forme éliminent automatiquement de nombreux Canadiens et prêtent à confusion pour de nombreux médecins. Encore une fois, les médecins vont répondre oui, sans savoir que cette réponse va entraîner l'élimination de requérants qui devraient avoir droit à cette mesure.
Il serait préférable de reformuler la question pour donner au médecin l'occasion de mieux définir le niveau d'invalidité. Ce serait plus simple pour le médecin et cela donnerait aux fonctionnaires de l'ADRC un critère plus réaliste à titre de point de départ. Si la réponse est négative, cela veut pratiquement dire que la personne est véritablement délirante ou qu'elle présente une lésion cérébrale importante depuis au moins 12 mois. Nous sommes convaincus qu'on impose ici un critère trop exigeant pour l'accès au crédit d'impôt pour invalidité et du point de vue de la comparaison avec les autres pathologies.
Voyons maintenant nos recommandations. Il est essentiel que les fonctionnaires de l'ADRC, les parties intéressées, comme celles qui ont comparu devant vous, et nous-mêmes ayons l'occasion de débattre de ces questions importantes. Notre première recommandation, c'est que les fonctionnaires de l'ADRC, les parties intéressées, les fournisseurs de services et les groupes de patients s'engagent à poursuivre la consultation afin de résoudre les problèmes particuliers à la maladie mentale et aux troubles psychologiques.
Deuxièmement, il faut inclure la gestion des affaires personnelles et les soins personnels parmi les critères qui déterminent l'admissibilité.
Troisièmement, il faut veiller à ce que les critères d'admissibilité tiennent compte de la déficience dans le contexte de l'évolution des symptômes dans le temps au sein de cette structure sérieuse et durable.
Quatrièmement, il faut définir les troubles de la perception, de la pensée ou de la mémoire comme des troubles qui échappent à la portée du comportement humain normal.
Cinquièmement, il faut remplacer «percevoir, penser et se souvenir» par «percevoir, penser ou se souvenir» et faire en sorte que l'information soit communiquée aux médecins de façon qu'ils comprennent parfaitement le gabarit utilisé par les fonctionnaires de l'ADRC.
Par ailleurs, nous approuvons tout à fait le point de vue de nos collègues en ce qui concerne l'approche plus globale des questions d'invalidité et la formulation des textes officiels.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup.
Docteur Woodside, nous vous écoutons.
[Français]
Dr Blake Woodside (futur président, Association des psychiatres du Canada): Merci, madame la présidente. Je suis heureux d'avoir l'opportunité de faire une présentation aujourd'hui.
[Traduction]
Madame la présidente, membres respectés du comité, je m'appelle Blake Woodside. Je me présente aujourd'hui devant vous en tant que président élu de l'Association des psychiatres du Canada. Je suis psychiatre et médecin. Dans mon travail quotidien, je dirige un programme à l'intention des malades hospitalisés à Toronto, qui traite les cas graves d'anorexie mentale.
Je tiens à vous remercier d'avoir invité les psychiatres à discuter avec vous des mesures qui peuvent être prises pour améliorer l'équité et l'administration du programme de crédit d'impôt pour personnes handicapées, plus précisément en ce qu'il touche ceux qui souffrent d'une maladie mentale.
Je tiens tout d'abord à féliciter le comité d'avoir pris le temps d'entendre les témoignages de nombreuses personnes différentes qui jusqu'à présent ont présenté leurs préoccupations à propos des questions particulières qui touchent les Canadiens ayant une déficience mentale.
Les discussions portant sur la politique sociale et de santé ont trop souvent négligé les questions particulières qui entourent la maladie mentale et nous espérons que cela est en train de changer. Comme certains d'entre vous le savent, l'Association des psychiatres du Canada travaille en collaboration avec quatre autres grandes organisations nationales, la Société canadienne de schizophrénie, la Mood Disorders Association of Canada, le Réseau national pour la santé mentale et l'Association canadienne pour la santé mentale, afin d'attirer l'attention des décideurs canadiens sur les besoins des Canadiens ayant une maladie mentale.
Par l'intermédiaire de ce qui demeure une petite coalition appelée l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, nous avons élaboré certaines propositions en vue d'un plan national à cet égard. Ces propositions sont exposées dans un document intitulé «Appel à l'action: Dégager un consensus à l'égard d'un plan d'action national sur la maladie mentale et la santé mentale au Canada», dont nous avons des exemplaires avec nous aujourd'hui.
Dans ce document de discussion, nous avons entre autres recommandé que l'une des mesures que peut prendre le gouvernement est de s'assurer qu'il tienne compte dans l'ensemble de ses politiques des besoins des personnes souffrant de troubles psychiques. Il devrait appliquer cette recommandation à ses politiques fiscales en tant qu'élément important des politiques sociales du Canada, et tenir compte de façon appropriée des besoins propres aux déficiences psychiatriques dans toutes les autres politiques sociales du Canada ayant trait aux déficiences.
L'Association médicale canadienne a décrit la façon dont les médecins ont été touchés par les modalités actuelles du programme. Nous approuvons de façon générale les recommandations globales concernant l'intégrité et l'uniformisation du programme. Certains de nos collègues dans le domaine de la santé mentale, comme l'Association canadienne pour la santé mentale et la Société canadienne de psychologie, ainsi que des consommateurs ont présenté des témoignages sur la façon dont le programme touche les soignants et les personnes qui ont des troubles psychiques graves.
Je suis ici pour présenter certaines considérations et recommandations fondées sur l'expérience que les psychiatres ont de ce programme. J'essaierai de ne pas répéter les témoignages de spécialistes que vous avez entendus. J'aborderai les deux points principaux suivants. Le premier concerne l'absence d'équité qui est perçue en raison du caractère restrictif des définitions ou de l'absence de clarté à propos de l'applicabilité à la maladie mentale, et le deuxième concerne les questions administratives qui entourent la santé mentale, notamment l'absence de pertinence du formulaire et la nécessité de prévoir des directives et d'améliorer les renseignements fournis.
Tout d'abord, en ce qui concerne le caractère restrictif des définitions et l'absence de clarté à propos de l'applicabilité à la maladie mentale. Les maladies mentales sont parmi les causes les plus fréquentes de l'invalidité. Elles représentent cinq des principales causes de l'invalidité à l'échelle mondiale, la quatrième étant la dépression. On devrait donc s'attendre à ce que celle-ci soit le type le plus courant de réclamation, si elle est administrée de façon juste et équitable. Pourtant, on a l'impression que ce crédit d'impôt est discriminatoire à l'endroit des personnes ayant une maladie mentale grave. Bien que nous ne disposions pas des données nous permettant de déterminer la proportion relative de requérants pour chaque catégorie, de nombreux psychiatres indiquent de façon anecdotique que les critères, tels qu'ils sont présentés dans les instructions qui accompagnent le formulaire T2201, signifient que leurs patients ne sont pas admissibles, indépendamment de la gravité de leur maladie.
Cela est attribuable en partie au caractère restrictif des conditions dans lesquelles des personnes sont admissibles au crédit. Des représentants de l'Association canadienne de psychologie et des témoins qui ont comparu à titre personnel plus tôt ont déjà indiqué que les critères utilisés dans la définition des activités courantes de la vie quotidienne, plus précisément l'activité consistant à percevoir, réfléchir et se souvenir et dans le cas de personnes «limitées de façon marquée», ce qui signifie pratiquement tout le temps, la règle de 90 p. 100, signifient que seuls les personnes ayant des troubles neurologiques graves y seront admissibles.
D'autres ont indiqué la façon dont la définition de «déficience prolongée» empêche de nombreuses personnes ayant une maladie mentale d'avoir droit au crédit en raison de la manifestation épisodique des symptômes de la plupart des maladies mentales. Le problème ici réside dans l'utilisation du terme «déficience», un terme qui s'inspire clairement de la déficience physique. Une personne est jugée incapable de voir, par exemple, lorsqu'elle satisfait aux critères convenus pour être considérée comme une personne aveugle au sens de la loi, critères qui n'exigent pas une absence totale de vision. Il n'existe aucun critère de ce genre pour évaluer la gravité d'une maladie mentale.
L'utilisation d'efforts élémentaires, d'expressions comme «presque toujours», «à plus de 90 p. 100», ou «prolongé», ne tient tout simplement pas compte de la complexité de la caractérisation de la déficience psychiatrique. Cette absence de définition claire est la principale raison pour laquelle le système actuel fait preuve de discrimination envers les personnes ayant une maladie mentale. Heureusement, comme je l'indiquerai plus tard, il existe une façon directe de trouver une solution à ce problème et nous devons y trouver une solution.
Environ 3 p. 100 de la population est atteinte d'une maladie mentale grave qui entraîne une incapacité de travail profonde et persistante, à savoir une maladie mentale diagnostiquée à l'aide des critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, au point où elle perturbe gravement l'accomplissement d'activités courantes de la vie quotidienne.
¹ (1555)
Ces personnes, atteintes de troubles graves et persistants, même si elles sont vivantes et mobiles, n'ont pas la capacité de voir, d'entendre ou de percevoir leur existence d'une manière que vous reconnaîtriez comme conforme à votre expérience quotidienne. Il est facile de voir pourquoi des personnes ayant une maladie mentale grave considèrent que le programme actuel de crédit d'impôt pour personnes handicapées est injuste ou même discriminatoire.
Un système équitable ne sera pas un système où les personnes ayant des maladies mentales ont un accès illimité au crédit d'impôt pour personnes handicapées, mais plutôt un système où on fera preuve du même soin et de la même considération et où on procédera aux mêmes consultations pour définir la «déficience mentale» qu'on l'a fait par le passé pour déterminer les divers types de déficiences physiques donnant droit au crédit d'impôt. Le système, tel qu'il existe à l'heure actuelle, n'est pas équitable à cet égard .
Le caractère restrictif et l'absence de clarté à propos de l'admissibilité touchent également les nombreux membres de la famille qui s'occupent des personnes ayant une maladie mentale grave. Elles assument non seulement le fardeau émotionnel de s'occuper d'un membre de leur famille ayant une maladie mentale, mais aussi le fardeau financier très important que ce crédit d'impôt semble avoir voulu reconnaître. Compte tenu de la réorganisation et de la compression actuelles du système de soins de santé, les familles de toutes les personnes déficientes doivent assumer un fardeau de plus en plus lourd au niveau des soins qu'elles doivent dispenser à leurs proches.
Deuxièmement, j'aborderai les questions administratives. Comme d'autres l'ont indiqué, les psychiatres en général trouvent que le formulaire T2201 ne convient pas. Cherchant à rendre ce formulaire plus facile à remplir, on en a fait un document trop simpliste. Il faut élaborer des définitions plus claires de déficiences psychiatriques et de santé mentale afin de permettre aux praticiens de décrire correctement l'état de leurs patients. L'élaboration de directives plus détaillées doit s'accompagner d'une stratégie de formation pour les praticiens.
Enfin, le fait d'exiger que ce groupe qui présente les plus graves troubles mentaux—souvent des sans-abri ou des prestataires d'aide sociale—paye pour faire remplir le formulaire est un exemple flagrant de discrimination, et restreint indûment l'accès du groupe ayant le plus besoin de ce programme.
En conclusion, comme première étape, le gouvernement fédéral devrait préciser si l'intention de la politique sociale sur laquelle s'appuie ce programme est de reconnaître que les besoins particuliers et le fardeau des soins destinés à ceux ayant une maladie mentale grave diagnostiquée sont équivalents à ceux des personnes ayant des restrictions physiques. Nous estimons qu'il faudrait que cette politique reconnaisse le fardeau unique que doivent assumer ceux qui sont atteints d'une maladie mentale grave de même que les membres de leur famille qui s'occupent d'eux.
Plus précisément, nous proposons d'abord que l'ADRC travaille avec les groupes de patients et les groupes professionnels qui s'occupent du diagnostic et du traitement de personnes ayant des maladies mentales afin d'établir une série de critères mutuellement acceptables et compréhensibles qui reconnaît le fardeau de la maladie mentale d'une façon comparable à celle dont le crédit reconnaît à l'heure actuelle le fardeau de la déficience physique. Cela permettra d'assurer le principe de la parité entre les déficiences physiques et mentales. C'est un objectif facile à atteindre, et l'Association des psychiatres du Canada se fera un plaisir de collaborer avec d'autres intervenants en ce sens.
Deuxièmement, il faudrait fournir aux praticiens une série plus appropriée de questions qui permettraient de caractériser de façon plus exacte l'invalidité du patient résultant de sa maladie mentale. Ici encore, cela devrait se faire en consultation avec les groupes intéressés.
Troisièmement, il faudrait des directives d'interprétation plus détaillées à l'intention des professionnels qui doivent remplir les formulaires, accompagnées d'un programme de formation à leur intention.
Quatrième, il faudrait mettre à la disposition des requérants éventuels des lignes directrices claires, et créer un programme de formation pour s'assurer que les personnes ayant une maladie mentale savent qu'elles ont le droit de réclamer un crédit d'impôt.
L'Association des psychiatres du Canada se fera un plaisir de travailler en collaboration avec d'autres intervenants pour assurer la parité, l'équité et la clarté du programme de crédit d'impôt pour personnes handicapées. Nous comptons des membres qui possèdent une compétence particulière dans ce domaine, et ils seraient tout à fait disposés à travailler au nom de l'Association des psychiatres du Canada avec des représentants du gouvernement et d'autres groupes professionnels, ainsi qu'avec des groupes de patients, pour contribuer à élaborer des définitions, des critères, des formulaires et du matériel d'information plus clairs.
Merci beaucoup, madame la présidente.
º (1600)
La présidente: Merci beaucoup.
Le témoin suivant est Mme Adele Furrie, qui a contribué à la conception et à l'application de la définition de «limitation fonctionnelle» pour l'enquête sur la santé et la limitation d'activités, menée en 1986 et 1991.
Mme Adele Furrie (présidente, Adele Furrie Consulting): Merci beaucoup.
C'est avec plaisir que je vous parlerai aujourd'hui du questionnaire et des critères utilisés par l'ADCR pour établir l'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées.
Pour vous parler d'abord un peu de mes antécédents professionnels, j'ai pris ma retraite en janvier 1996, après 40 années de service à Statistique Canada. Le dernier poste que j'y ai occupé était celui de directrice responsable du programme postcensitaire qui incluait ces deux enquêtes sur l'invalidité.
Je dois souligner que ces deux enquêtes se sont servi de questions sur les activités de la vie quotidienne qui avaient été préparées par un groupe de travail de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, l'OCDE. Ces questions sont largement acceptées au sein de la communauté internationale comme moyen d'établir quelles sont les personnes ayant des déficiences physiques ou sensorielles, mais non pas des déficiences mentales.
En 1986 et 1991, nous nous sommes efforcés de faire inclure ces personnes dans nos enquêtes. L'une des questions portant sur les activités de la vie quotidienne, la capacité de marcher sur une distance de 50 mètres, est incluse dans le questionnaire T2201 comme un moyen de déterminer la capacité de marcher.
Pour en revenir à mes antécédents à Statistique Canada, au cours de mes 11 dernières années en poste, j'ai eu quatre affectations internationales qui portaient toutes sur les statistiques de l'invalidité. J'ai continué à travailler dans ce domaine, avec la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. En fait, j'ai actuellement un contrat permanent avec le Bureau of Labour Statistics, de Washington, pour l'aider à concevoir une série de questions visant à mesurer les caractéristiques d'emploi des personnes qui répondent à la définition d'invalidité de la Americans with Disabilities Act.
Tout cela vise donc à vous donner le contexte de mes observations sur la transformation de la définition du crédit d'impôt pour personnes handicapées qui figure au paragraphe 118.3(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ainsi que les conditions précises énoncées à l'article 118.4 de la même loi et les questions posées par la personne compétente pour établir l'admissibilité.
Mon opinion professionnelle est que le formulaire T2201 ne répond pas aux exigences de base de tout questionnaire tant sur le plan de la validité que de la fiabilité.
Permettez-moi de passer rapidement en revue les renseignements qui figurent dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Certains d'entre vous connaissent certainement cette disposition mieux que moi, mais je dois m'y reporter pour formuler mes observations détaillées au sujet du questionnaire.
J'espérais pouvoir utiliser quelques acétates, mais malheureusement, ils étaient uniquement en anglais. Je vais donc vous les expliquer verbalement.
Commençons par la façon dont le crédit d'impôt pour personnes handicapées est défini au paragraphe 118.3(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La définition est donnée sous la forme de trois énoncés clés, le premier étant: «une déficience mentale ou physique grave et prolongée», le deuxième, une capacité «limitée de façon marquée» et le troisième, «la capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne».
L'article 118.4 de la loi définit certains des mots employés dans ces trois énoncés. Une déficience est «prolongée» si elle dure au moins 12 mois d'affilée ou s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'elle dure au moins 12 mois d'affilée. Les mots «grave», «physique» et «mentale» ne sont pas définis. Pour ce qui est de la limitation marquée de la capacité, elle est définie en fonction de la fréquence pour ce qui est de la cécité ou encore de la fréquence et de la durée. Le mot «fréquence» est défini par les mots toujours ou presque toujours. La «capacité» est définie comme le fait de pouvoir ou non se livrer à une activité et le «temps», comme le temps excessif que l'on doit y consacrer.
Par conséquent, le fait d'être incapable d'accomplir une activité ou de devoir y consacrer un temps excessif toujours ou presque toujours définit une capacité «limitée de façon marquée». L'article 118.4 ne définit pas les mots «aveugle», «presque» ou «excessif».
º (1605)
On énumère les activités courantes de la vie quotidienne, qui sont au nombre de six, en excluant expressément le travail, les travaux ménagers et les activités sociales ou récréatives.
Dans la définition que l'on donne de parler et d'entendre, on inclut une allusion à une personne familière et à un environnement calme. L'élimination des déchets du corps humain précise les fonctions intestinales et urinaires mais pour les trois autres catégories, nulle explication.
Que trouve-t-on dans la loi qui aille au-delà de l'administration du CIPH et qui n'a pas déjà été défini? On trouve des définitions pour la cécité, le handicap mental et physique grave, l'incapacité substantielle dans la perception, la réflexion et le souvenir, et l'incapacité à se nourrir, à s'habiller ou à marcher.
Prenons maintenant le questionnaire, le T2201, et voyons comment le crédit d'impôt pour personnes handicapées transforme ces définitions et explications dans le libellé des questions visant à déterminer l'admissibilité. La greffière peut-elle me dire si tous les membres du comité ont reçu copie du questionnaire, parce que je veux le parcourir avec eux.
La présidente: Le questionnaire se trouve à la suite du document d'information préparé par la Bibliothèque. Les membres du comité l'ont-ils?
Mme Adele Furrie: Puis-je poursuivre?
º (1610)
La présidente: Est-ce que tout le monde a le questionnaire?
Oui.
Mme Adele Furrie: Je vais sauter la rubrique montant pour personnes handicapées et la rubrique supplément. Voyons qui peut demander le montant pour personnes handicapées. Il y a trois points centrés. Le premier dit «Vous êtes toujours ou presque toujours aveugle»—et cela fait partie de la définition de «limitée de façon marquée» et—«la déficience est prolongée». Mais il y a un nouvel élément—«même à l'aide de lentilles correctives ou de médicaments». Nulle mention dans la loi du recours à des médicaments ou à un appareil quelconque, mais on trouve cela dans le questionnaire.
Le deuxième point centré ne fait aucune allusion au recours à des appareils, mais dans la définition de «limité de façon marquée» que l'on trouve dans la deuxième colonne de la page couverture, on trouve désormais un ajout «même à l'aide d'appareils appropriés, de médicaments ou en suivant une thérapie (autre que des soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie)».
Vous remarquerez également que les mots «un temps démesuré» que l'on trouve dans la loi ont été remplacés par un «temps excessif», sans que l'on définisse ce que cela signifie.
Je suis pointilleuse mais je suis statisticienne et...
La présidente: Nous sommes perdus.
Mme Adele Furrie: Vous êtes perdus. Nous sommes à la page couverture du questionnaire. Nous regardons les points centrés, en l'occurrence la définition de «limitée de façon marquée». D'accord?
Avant de quitter cette page, je voudrais faire quelques...
La présidente: Excusez-moi. Voulez-vous dire qu'il y a une différence entre ce formulaire et le formulaire précédent ou qu'il y a une différence entre le formulaire et ce qui est prévu dans la loi?
Mme Adele Furrie: Je ne connais pas les autres formulaires, madame la présidente.
º (1615)
La présidente: D'accord.
Mme Adele Furrie: J'ai sous les yeux le nouveau formulaire...
La présidente: Et la loi.
Mme Adele Furrie: ...et je le compare au texte de la loi.
Avant de laisser de côté cette page couverture, je voudrais faire quelques remarques concernant les personnes qualifiées—et il y en a quatre qui sont assises autour de cette table.
M. Claude Renaud (secrétaire général associé et médecin en chef, Association médicale canadienne): Nous vous en reparlerons.
Mme Adele Furrie: Très bien.
D'après mon expérience, il me semble qu'en confiant à certaines personnes qualifiées le soin de déterminer l'existence de certaines déficiences, on ne pensait qu'aux déficiences physiques. De ce fait, la personne qui a une incapacité en raison d'une déficience cognitive doit parfois être évaluée par diverses catégories de personnes qualifiées, alors que l'évaluation pourrait peut-être être faite par une seule personne qualifiée.
Par exemple—j'ai un exemple à vous présenter, alors soyez patients—, la personne qui accuse un retard de développement pourrait avoir beaucoup de difficulté à se nourrir et à s'habiller, à percevoir, réfléchir et se souvenir et aussi à parler. Doit-elle donc être évaluée par trois personnes différentes à défaut d'être évaluée par un médecin? Pourquoi ne pas permettre au psychologue ou à l'ergothérapeute d'évaluer tous les problèmes de la personne? Ce n'est pas possible à l'heure actuelle, à cause de la façon dont le questionnaire est conçu. Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe, mais à première vue, il me semble qu'on complique inutilement les choses.
Passons à la partie B du questionnaire. On y trouve trois types de questions auxquelles la personne doit répondre par un oui ou par un non: deux questions sont très objectives, l'une portant sur la vie et l'autre sur les soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie, une autre est quasi objective et demande si la personne peut marcher, alors que les cinq autres sont très subjectives—mais revenons au début.
Voyez le paragraphe explicatif qui figure juste au-dessus du nom du patient. Il y est question encore une fois du fait de suivre une thérapie, «de prendre des médicaments (ou) d'utiliser un appareil approprié», mais nulle mention de temps, uniquement d'appareils ou d'aide, si vous voulez.
Viennent ensuite les diverses questions, en commençant par «Votre patient peut-il voir?». L'explication qui suit et les deux sous-questions concernant l'acuité visuelle et le champ de vision sont très objectives. Sur le plan de la fiabilité, si 10 médecins ou optométristes devaient remplir le formulaire pour une seule et même personne, il y a de fortes chances qu'ils le rempliraient tous de la même façon.
Il en est de même pour la dernière question relativement aux soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie—une définition objective où on précise le nombre de fois par semaine et le nombre d'heures de même que la façon de calculer les heures.
Ensuite, il y a la question quasi objective destinée à aider la personne qualifiée à faire une détermination avec un oui ou un non: «Votre patient peut-il marcher?» Comment l'ADRC en est-elle venue à conclure que la capacité à marcher 50 mètres était la mesure qu'il convenait de retenir? Les questions concernant les activités courantes de la vie quotidienne comportaient plusieurs éléments permettant de mesurer la capacité à marcher.
La présidente: Je vous ai mal comprise. Je pensais que vous vouliez parler d'une norme de l'OCDE.
Mme Adele Furrie: C'est une des quatre questions de l'OCDE qui sont utilisées pour mesurer la capacité à marcher.
La présidente: Merci.
Mme Adele Furrie: Mais pourquoi est-ce les 50 mètres qu'on a retenus?
La présidente: En effet , je me suis toujours demandé pourquoi.
Mme Adele Furrie: Et ce qui est encore plus important, pourquoi la réponse «oui» sur le questionnaire exige-t-elle des renseignements supplémentaires en ce qui concerne le nombre d'heures pendant lesquelles la personne est confinée au lit ou dans une chaise roulante? Pourquoi faut-il fournir ces renseignements supplémentaires? Ce n'est pas dans la loi.
Encore une fois, si cette question et ce processus ont été élaborés à la suite d'une consultation avec une large gamme de personnes, et s'il s'agit en fait là de la meilleure mesure à prendre, c'est très bien. Mais rien dans les documents que j'ai examinés ne dit que c'était le cas.
Par ailleurs, lorsque j'ai abordé cette question, j'ai utilisé l'expression «quasi objective». L'ADRC tente de quantifier objectivement la capacité à marcher, mais à moins de demander en fait aux patients de marcher 50 mètres, on se retrouve avec une évaluation subjective à laquelle on ne peut encore une fois se fier.
Ce qui m'amène à la question suivante: «Votre patient peut-il entendre». Pourquoi l'ADRC n'utilise-t-elle pas ici une approche semblable à celle qu'elle utilise lorsqu'elle demande si le patient peut voir? Je pense qu'il y a des façons objectives d'évaluer la capacité auditive d'une personne. Pourquoi ne pas inclure cette évaluation objective dans le questionnaire?
Une autre observation au sujet de la question sur la capacité auditive, c'est qu'on a laissé tomber l'expression «une autre personne qui connaît le patient» de l'explication suivant la question. C'est dans la loi, mais pas dans le questionnaire.
Une autre anomalie intéressante dans le formulaire est la structure des réponses subjectives aux deux questions suivantes: «Votre patient peut-il se nourrir ou s'habiller lui-même?» et «Votre patient est-il capable de percevoir, de réfléchir et de se souvenir?» Pour une raison ou une autre, on sépare les réponses pour ce qui est de se nourrir et de s'habiller. Il y a deux possibilités; on peut répondre oui pour ce qui est de se nourrir et non pour ce qui est de s'habiller, ou vice versa. Ce n'est cependant pas le cas pour ce qui est de percevoir, de réfléchir et de se souvenir. Je ne sais pas pourquoi il y a une différence. Regardez un peu l'exemple pour ce qui est de percevoir, de réfléchir et de se souvenir. On inclut dorénavant la notion de supervision continue qui est une autre façon de réduire la définition de «limitée de façon marquée».
On ne doit pas oublier non plus la question sur la capacité de parler. Encore une fois, n'existe-t-il pas un test objectif standardisé qu'un orthophoniste pourrait administrer et qu'on pourrait utiliser dans ce cas-ci? Je ne sais pas, mais on croirait qu'un tel test devrait exister. Si on demande à des professionnels qualifiés de remplir un questionnaire, aussi bien leur demander d'utiliser une approche standardisée. Dans l'explication de cette question, on a encore une fois ici laissé tomber l'expression «par une autre personne qui connaît le patient».
Enfin, à la question concernant les fonctions intestinales et urinaires, on demande si le patient a besoin de l'aide de quelqu'un pour s'occuper de sa stomie, mais on ne mentionne pas l'aide nécessaire pour se rendre à la toilette. Est-ce que cela suffirait pour répondre non? Peut-être que pour certaines personnes admissibles cela suffirait, tandis que pour d'autres non. Voilà le problème des questions subjectives.
Enfin, avant que je résume la partie B, regardez un peu l'explication pour les questions concernant la capacité de se nourrir, de parler et concernant les fonctions intestinales et urinaires. Dans le questionnaire anglais, on utilise le terme «inordinate» alors que sur la page couverture on utilise plutôt l'expression «extremely long time». Il y a donc manque d'uniformité. Le questionnaire donne un exemple sur la page couverture et revient dans ce cas-ci à la terminologie utilisée dans la loi.
Je reviens maintenant à certains termes ou catégories qui ne sont pas définis dans le questionnaire. La cécité est définie dans le questionnaire—il n'en fait aucun doute. Le terme «inordinate» est remplacé sur la page couverture par «extremely long», dans le texte anglais, mais réapparaît dans les explications aux questions. On a tenté de définir la capacité de marcher, mais la réponse demeure subjective. Il n'y a toujours pas de définition pour la capacité de s'habiller, de réfléchir, de percevoir et de se souvenir.
Selon mon évaluation du formulaire, j'estime que le changement le plus critique qui a été introduit pas l'ADRC, c'est que pour définir si le patient est limité de façon marquée, on fait allusion à l'aide d'appareil approprié, de médicaments ou d'une thérapie. S'agit-il là d'une interprétation valable de la loi, ou est-ce que cela a une incidence sur la validité des résultats en ce qui a trait à la définition du crédit d'impôt pour personnes handicapées?
º (1620)
Enfin, j'aurais deux observations à faire avant de conclure. Si vous regardez la partie A du formulaire, le paragraphe qui commence par «Nous examinerons votre demande», en haut à droite, on dit: «Nous pouvons demander à nos conseillers médicaux d'examiner votre demande pour déterminer si vous répondez aux conditions d'admissibilité... il est possible qu'un conseiller médical communique avec vous, ou avec la personne qualifiée, pour obtenir plus de renseignements.» Si cela fait partie du processus, pourquoi ne pourrait-on pas modifier le questionnaire afin de demander le plus de renseignements possible? En fait, c'est encore une autre personne qui doit décider s'il est nécessaire d'obtenir des renseignements supplémentaires, qui fait une évaluation subjective à l'ADRC avant de décider s'il est nécessaire d'obtenir ces renseignements. La personne elle-même ne sait pas en quoi ils consisteront. Le formulaire est ensuite renvoyé à la personne qualifiée pour qui cela représentera du travail supplémentaire.
Enfin, je recommanderais vivement de transmettre aux représentants de l'ADRC les questions et les observations que j'ai présentées. Ce que je crains, c'est que nous ayons un instrument, un processus qui ne soit ni valable, si on n'envisage pas l'ajout d'appareils et de personnel, ni fiable, puisque le questionnaire est surtout subjectif et qu'il ne faudra fournir des renseignements supplémentaires qu'après qu'un employé de l'ADRC en aura fait la demande après l'avoir examiné.
Merci.
La présidente: Merci beaucoup.
Je pense que tous les témoins nous ont été d'une aide extraordinaire pour ce qui est de confirmer ce que nous avons entendu jusqu'à présent. Vous nous avez très bien renseignés. Par ailleurs, je pense qu'Adele Furrie m'a certainement permis de mieux comprendre pourquoi cela me rend folle de remplir ce formulaire à titre de simple généraliste. J'aurais pu facilement cocher la réponse non à la question «capable de percevoir, de réfléchir et de se souvenir» après avoir tenté de remplir un de ces formulaires. Je vous remercie donc beaucoup.
Monsieur Spencer.
M. Larry Spencer (Regina--Lumsden--Lake Centre, Alliance canadienne): Je pense que la seule question que nous devrions poser est comment pouvons-nous faire changer cela?
Peut-être qu'on me l'a déjà dit, mais comment l'ADRC a-t-elle élaboré ces questions et plus particulièrement, comment en est-elle arrivée à faire ces petits ajouts? Le savez-vous?
Dr John Service: Nous avons rencontré pour la première fois les représentants de l'ADRC—et je dois dire que cela a été une excellente rencontre—en septembre, de sorte que je ne sais pas très bien comment tout cela a été élaboré. L'AMC a des rapports avec l'ADRC depuis beaucoup plus longtemps.
Dr Claude Renaud: Nous avons eu des rapports au besoin avec l'ADRC au fil des ans, et bien que très fructueux... ces rencontres nous ont permis de faire des observations. Le lien entre la loi et les formulaires de l'ADRC doit de toute évidence être réexaminé. On a toujours supposé qu'on nous demandait de donner notre avis sur un formulaire plutôt que d'en légitimer le contenu par rapport à la loi dont il découlait. Naturellement, l'intention était appropriée en ce sens qu'on nous demandait notre avis et que nous l'avons donné. Mais en grande partie on n'en a pas tenu compte.
Nous aimerions certainement proposer que l'ADRC établisse des liens plus constants, standardisés et longitudinaux avec les groupes de fournisseurs de façon à ce qu'ensemble, nous puissions en arriver à un processus et un contenu qui pourront aider les personnes handicapées au Canada.
M. Larry Spencer: Merci.
La présidente: Avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'information ou d'une suggestion que vous avez faite qui n'a pas été incluse?
Dr Claude Renaud: Nous pouvons vous fournir cette information.
º (1625)
La présidente: Merci.
M. Larry Spencer: Pouvez-vous nous dire clairement à quoi doit vraiment servir à votre avis le crédit d'impôt pour personnes handicapées?
Dr Blake Woodside: Je peux essayer de le faire.
Très rapidement, non. C'est tout à fait obscur à ce moment-ci. Nous ne savons pas si c'est pour répondre aux besoins des personnes qui sont malheureusement aveugles ou handicapées. Personne ne sait plus réellement à quoi cela sert. Cela porte tellement à confusion. Mais c'est là une réponse bien désinvolte à une question très sérieuse.
La présidente: Nous avions l'impression après les audiences, plus particulièrement celles avec la société représentant les malentendants, que c'était pour les frais remboursables sans reçus, du moins c'est ce que le Conseil des Canadiens... Si vous vous déplacez en fauteuil roulant, par exemple, vos frais de stationnement au travail seront plus élevés; vous devrez payer un stationnement plus près de votre lieu de travail. C'est facile à comprendre.
Les malentendants nous ont confié qu'ils devaient débourser certaines sommes pour des aides à l'audition ou pour le téléphone. Quant aux non-voyants ou aux personnes ayant une déficience visuelle, ils doivent payer des sommes importantes pour toutes sortes d'appareils afin de ne pas être admissibles à ce crédit. Ce que je veux dire, c'est que ces personnes doivent payer leurs appareils et si elles remplissent les formulaires correctement, elles peuvent le faire, mais une bonne partie de l'argent doit sortir de leur poche. Nous croyions que c'était la raison d'être du crédit.
C'est pourquoi nous comprenons mal quelle est au juste l'intention du crédit.
M. Larry Spencer: Tout à fait.
La présidente: Nous sommes heureux de voir que même le psychiatre n'y comprend plus rien.
Des voix: Oh, oh!
M. Larry Spencer: Cela confirme ce que nous savions depuis toujours.
Dr Claude Renaud: Il existe un programme de déduction des frais médicaux. À l' AMC, nous croyions que l'intention du programme de crédit d'impôt pour personnes handicapées était de fournir une aide additionnelle aux patients gravement handicapés. La difficulté est de savoir exactement ce qu'est un patient gravement handicapé et c'est contre cela qu'ont buté, je crois, tous les médecins de famille, ainsi que tous les médecins et autres praticiens au Canada.
C'est un problème épineux puisque nous voulons évidemment maintenir, appuyer et favoriser un lien patient-praticien qui soit fort et inspire confiance, et ce genre de pierre d'achoppement met beaucoup de stress sur ce lien que nous devons absolument maintenir pour protéger le processus thérapeutique.
Donc, de toute évidence, tout ce qui a été dit aujourd'hui résume ce qui doit être fait pour revamper ce programme de sorte qu'il fournisse l'aide nécessaire à ceux qui en ont besoin.
M. Larry Spencer: Très bien.
Vous avez peut-être déjà répondu à ma prochaine question, qui était la suivante: Vous rappelez-vous ou arrivez-vous à comprendre pourquoi le programme est si restrictif et pourquoi sa portée est si réduite? Vous venez de dire que le programme était destiné aux personnes gravement handicapées, mais je crois que vous êtes d'accord avec moi. Il me semble qu'une personne dont le handicap n'est pas aussi grave que ce qui est décrit dans ce formulaire devrait tout de même recevoir une attention spéciale grâce à un crédit d'impôt.
Vous avez affirmé un peu plus tôt que la Loi de l'impôt sur le revenu devrait faire l'objet d'une révision et devrait être mieux harmonisée ou intégrée au concept de la santé. Selon vous, comment cela pourrait-il se faire pour d'autres questions également et pas seulement celle-ci?
Dr Henry Haddad: Ce que nous recommandons en fait—et nous ne connaissons pas la réponse évidemment—c'est qu'un groupe de travail composé d'experts influents soit constitué pour évaluer le moyen de mieux harmoniser les politiques fiscales avec les politiques sociales et de santé. On ne s'est pas penché sur cette question depuis 25 ans. Nous connaissons les problèmes du système de soins de santé. Nous savons qu'il nous faut du financement additionnel. Nous avons entendu parler d'assurance-médicaments et de soins de longue durée. Il est certain qu'avec le financement actuel, nous n'arriverons pas à fournir l'assurance-médicaments et les soins de longue durée aux Canadiens à moins de trouver des moyens novateurs de financer le système de soins de santé dans le cadre de notre politique fiscale.
Nous ne parlons pas d'augmenter les impôts; nous cherchons un moyen de mieux harmoniser les politiques fiscales avec les politiques sociales et de santé. Je peux vous citer un exemple en particulier, la déduction fiscale de 3 p. 100 du revenu imposable, ce n'est pas un remboursement. Toutefois, certaines gens qui ne paient pas d'impôt doivent y aller de leur poche.
Il y a bon nombre de questions sur lesquelles nous pourrions nous pencher. Les soins à domicile sont de plus en plus fréquents, et c'est surtout les femmes qui prodiguent ces soins; elles quittent leur travail pour s'occuper de leur mère ou de leur père qui est souffrant. Elles n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Nous avons du mal à reconnaître le travail qu'accomplissent les membres de la famille. Il y a donc une kyrielle de questions sur lesquelles nous devons nous pencher.
Ce que nous devons comprendre, je crois, c'est que notre système de soins de santé doit aller bien au-delà de la rémunération des médecins et des frais pour les hôpitaux. D'autres questions doivent être examinées. Si nous voulons nous pencher sur ces questions, si nous voulons le faire sérieusement, si nous voulons le faire comme bon nombre de pays du monde l'ont fait, il faudra trouver des moyens novateurs d'appuyer ces politiques.
º (1630)
La présidente: Docteur Service.
Dr John Service: Je veux tout simplement souligner cela très fortement. Par exemple, nous pouvons nous attendre à ce que dans 10 ans, si la tendance se maintient, 70 p. 100 des services psychologiques soient assurés par le secteur privé selon un mode de financement au fur et à mesure, ou grâce à des assurances privées, en raison de la structure du système public. Il faut se poser la question : «Qu'en est-il de l'accès pour les Canadiens? Comment résoudre les questions d'accès, particulièrement dans le cas des moins nantis?».
Une des façons de trouver une réponse à cette question est d'avoir une politique fiscale novatrice. Nous croyons qu'il faut se pencher sur la question de l'accès aux services de santé pour les Canadiens, sous l'angle d'un système de soins de santé complet. C'est ce que nous préconisons fortement.
La présidente: Monsieur Woodside.
Dr Blake Woodside: Une des dix premières causes de handicap au Canada est la maladie mentale. Pourtant, nous n'avons pas de stratégie nationale pour faire face à ce problème.
Une composante importante d'une stratégie nationale serait sans doute une politique fiscale qui tiendrait compte de nos politiques sociales. Nous prévoyons que les coûts liés à la maladie mentale croîtront au cours des 20 à 30 prochaines années. C'est un domaine où le gouvernement fédéral peut agir, peu importent les problèmes de compétence avec les administrations provinciales.
[Français]
La présidente: Monsieur Lanctôt.
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Premièrement, nous sommes de retour. Bonjour, tout le monde. Enfin, le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, me laisse revenir à autre chose. C'est sûr que la justice a pris beaucoup de mon temps.
Comme vous le savez, j'ai hérité de ce dossier aussi. Ça fait du bien de revenir, sauf qu'on se rend compte des problèmes--et vous le savez encore plus que moi--des personnes handicapées. Je reviens et cela me fait rire et pleurer en même temps. Je n'étais pas là pour entendre les autres témoins sur ces crédits d'impôt. Par contre, j'étais venu pour qu'on parle de mettre cela à l'ordre et je remercie le sous-comité de s'être penché rapidement sur la question.
Merci aux témoins d'être présents. Je trouve cela énorme. Énorme dans deux sens: énorme en vertu de tout le travail qui devrait être fait pour remettre cela à jour et énorme un peu ce que je peux entendre quand on parle de remettre des définitions plus restrictives, parce que moi, je ne vois pas une définition... Je m'excuse de ma formation d'avocat, mais lorsqu'on donne une définition, habituellement, c'est pour rendre une chose restrictive, et lorsque vous demandez plus de définitions pour limiter ou pour que cela soit plus conforme ou plus précis, je m'excuse, mais je pense que cela va nuire. J'ai l'impression que cela peut nuire aux personnes handicapées. Le travail serait peut-être de rendre le formulaire plus clair mais plus large et non pas de le rendre plus limitatif. En tout cas, c'est l'impression que j'ai. C'est un peu ce que je ferai comme commentaire, peut-être plus tard, au sous-comité. En tout cas, je suis un peu étonné de cette remarque, madame Furrie. Il faudrait peut-être mieux m'expliquer, mais je pense qu'il faudrait élargir.
Je comprends que tout ce formulaire que je vois et que j'ai lu à la dernière minute, parce qu'on m'a demandé de revenir ici aujourd'hui,... En le lisant très rapidement, moi aussi, je sursaute, parce que vous parlez des personnes avec des déficiences mentales ou une incapacité de ce genre. Je pense que si on met des questions encore plus limitatives que ce qui est là ou qu'on demande de rendre plus de renseignements dans ce formulaire, il y a tellement de problèmes. On le voit à la fin du formulaire. Si ça prend plus de temps aux médecins... Déjà que ce sont les gens qui n'ont pas beaucoup d'argent qui doivent payer les médecins pour remplir quelque chose qui doit prendre considérablement de temps, parce qu'il faut faire des évaluations et tout, si on rajoute d'autres renseignements... Peut-être devrait-on demander que ces frais soient payés par l'État au lieu des personnes. Je pense qu'on réglerait un grand problème en partant de là.
Je ne veux pas seulement faire des commentaires; ce n'est pas moi l'expert, c'est vous. Que pensez-vous des commentaires que je viens de faire? J'aimerais vous entendre là-dessus.
º (1635)
Dr Claude Renaud: Madame la présidente, M. Lanctôt a raison. Évidemment, la situation que nous occupons ou la responsabilité que nous assumons comme professionnels de la santé, c'est de mettre en oeuvre un processus qui permet au patient d'obtenir certains droits qui sont légiférés soit par le gouvernement provincial, soit par le gouvernement fédéral.
Dans ce cas-ci, c'est le gouvernement fédéral qui a adopté une loi qui permet aux gens ayant des handicaps sévères d'obtenir une compensation, une rémunération quelconque par le biais de l'impôt sur le revenu.
Maintenant, revenons à la question de M. Spencer, à savoir quel est l'objectif du programme. L'objectif du programme est clair, et si on veut l'élargir, ça devient alors une décision politico-sociale. Moi, vulgaire professionnel de la santé, je vais l'appliquer aussi bien que possible, mais donnez-moi des outils pour le faire de façon objective, sans que ça remette en question les rapports que j'entretiens avec mon patient. C'est essentiel.
Donc, je pense qu'il y a beaucoup de boulot à faire, et le boulot qui reste à faire, c'est la législation. Il faut la redéfinir selon ce que vous venez de nous présenter et que je trouve tout à fait acceptable.
Deuxièmement, il faudra des formulaires qui reflètent ce qui est écrit dans la loi et qui est facile à interpréter, facile à mettre en oeuvre dans un cabinet privé par les fournisseurs, par les professionnels de la santé en question.
[Traduction]
La présidente: Madame Furrie.
Mme Adèle Furrie: J'espère que mes observations n'ont pas laissé entendre que nous devrions rendre les chose encore plus complexes. Ce que j'espérais faire comprendre, c'est qu'il faudrait tenter de mettre au point des mesures objectives qui élimineraient toute cette subjectivité de sorte que toutes les personnes handicapées qui tentent de bénéficier du crédit d'impôt soient traitées de la même façon et que ce ne soit pas le médecin ou toute autre personne qualifiée qui doivent faire une évaluation somme toute subjective du cas.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Justement, toutes ces questions, selon moi, ne devraient pas être précisées; on devrait les enlever. Le professionnel est le professionnel. Lui est capable de me dire s'il y a une incapacité. Ce n'est pas un formulaire qui va dicter à un professionnel, que ce soit en psychiatrie ou en médecine, si une incapacité existe. Les personnes handicapées... Je le sais, j'ai un enfant de trois ans qui est handicapé, qui est supposé être mort mais qui est encore ici. Je sais ce que c'est que d'être handicapé, et ce n'est pas le questionnaire qui peut nous dire si mon enfant est handicapé; c'est le professionnel qui va nous le dire.
Pourquoi essayer de mettre par écrit, de dire ce que c'est que de marcher? Vous preniez l'exemple de 50 mètres. C'est ridicule. Si mon enfant n'est pas capable de marcher pour telle raison, je le constate de fait. Pourquoi il ne fonctionne pas ou pourquoi il ne peut pas marcher, ce sont les professionnels qui me le diront. Ce n'est pas un fonctionnaire et encore moins le ministère du Revenu qui vont nous dicter et dicter à ces personnes si elles sont capables de marcher ou pas.
Pourquoi vouloir compliquer quelque chose de très simple? On a des professionnels, de très bons professionnels au Québec et ailleurs au Canada. Je pense qu'on doit arrêter de se compliquer la vie et de dire qu'on va essayer de préciser pour que ce soit plus objectif ou subjectif. Je m'excuse, peut-être que dans un cas, le subjectif sera très important, parce que l'historique que le médecin connaîtra peut-être de cet enfant va lui permettre de très bien savoir pourquoi il a une incapacité permanente ou temporaire beaucoup mieux qu'un formulaire qui va le lui demander et qui va le lui dicter.
Je ne veux pas en faire trop, mais j'espère que les professionnels de la santé sont en accord pour faire un formulaire très simple. Demandons aux professionnels s'il y a incapacité ou pas et on aura beaucoup moins de différence entre, par exemple, un individu qui est non voyant, mal voyant, et jusqu'à quel point il est mal voyant.
º (1640)
[Traduction]
Mme Adele Furrie: Je suis parfaitement d'accord, mais étant donné que nous avions choisi d'utiliser un questionnaire—c'était une méthode d'évaluation—, il faut d'abord déterminer si le processus lui-même pose problème. J'ai identifié des problèmes précis qui ont trait à l'interprétation de la loi.
Si nous choisissons votre option, et que nous laissons le soin à une personne qualifiée de déterminer si une personne handicapée répond aux critères, alors très bien. Toutefois, je suis bureaucrate depuis assez longtemps pour savoir que l'évaluation faite par le professionnel sera remise à un bureaucrate qui l'interprétera pour ensuite la renvoyer au médecin ou au professionnel avec le commentaire suivant : «Mais... pouvez-vous apporter quelques précisions à ces remarques». Donc, il faut se pencher sur le processus lui-même.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Je comprends, mais la personne qui se fera représenter pour peut-être 20 dossiers qui seront contestés verra que ce médecin ne sera par porté à se justifier pour arriver à ce qui est écrit dans le formulaire. Il va être beaucoup plus apte à démontrer que son patient est incapable. Je pense au contraire que ça va ouvrir la porte aux contestations futures--les avocats vont m'aimer aujourd'hui--, mais ils seront peut-être être limités parce qu'ils vont bien comprendre la grande différence. Les professionnels ne seront pas limités à essayer de rentrer dans le cadre qu'on leur a fixé.
[Traduction]
La présidente: Pour faire suite à ce qu'a dit M. Lanctôt, en tant que professionnelle, je crois parfois que nos patients sont un mélange d'un peu tous ces handicaps. Déjà qu'ils n'arrivent pas bien à prendre soin d'eux et de leurs affaires personnelles, mais techniquement, ils ne satisfont pas complètement aux critères qui leur permettraient d'avoir droit au crédit. Si on calcule les choses de cette façon toutefois, ils ne... De toute évidence, ils sont handicapés parce qu'ils ne voient pas bien, ils n'entendent pas bien, ils ne réfléchissent pas bien, mais ils ne sont pas assez handicapés pour entrer dans une catégorie.
Pouvez-vous nous aider avec ce problème?
Mme Adele Furrie: C'est en fait l'approche que nous avons utilisée dans nos enquêtes sur les handicaps de 1986 et 1991 pour tenter de déterminer ce qu'était un handicap léger, modéré et grave. Si vous aviez des difficultés à accomplir les tâches quotidiennes de la vie, on vous déclarait gravement handicapé parce que votre handicap avait des répercussions sur tous les aspects de votre vie.
Vous avez donc raison: avec ce formulaire, si vous ne respectez pas tous les critères d'une catégorie, vous avez des petits cloisonnements. Si vous ne respectez pas tous les critères, vous n'avez droit à rien. Vous pourriez, par exemple, répondre à 50 p. 100 des critères d'une catégorie, ce qui suppose un impact important sur la qualité de votre vie, et dans les autres définitions qui s'appliquent, vous seriez sans doute qualifié de gravement handicapé.
La présidente: Docteur Haddad.
Dr Henry Haddad: En fait, en 1993, nous avions fait des recommandations. Neuf ans plus tard, tout est à recommencer. Nous trouvions à l'époque que le programme ne répondait pas aux besoins des personnes handicapées. Il était trop aléatoire. Nous avions d'ailleurs recommandé qu'une évaluation appropriée des demandeurs et des composantes médicales du processus soit faite, et c'est à nouveau ce que j'entends aujourd'hui.
Je crois que la question est importante. Comme vous le savez, nous réformons le système de santé de toutes sortes de façons. Nous entendons dire... Nous avons Mazankowski, Romanow, et ainsi de suite. Mais je crois que la question, la question primordiale pour nous, est celle des valeurs canadiennes, celle de la justice et de l'équité. Ce que nous disons, c'est que ce programme ne respecte pas les valeurs canadiennes de justice et d'équité, et c'est pourtant ce qu'il devrait faire avant tout. Il faut répondre aux besoins des gens qui en ont besoin. Soyons plus généreux plutôt que moins.
[Français]
M. Robert Lanctôt: J'ai un petit commentaire, si vous me le permettez, madame la présidente. J'ai aimé votre intervention, mais je peux vous dire que depuis novembre 2000 que je fais partie de ce Parlement, même si on arrive souvent avec des rapports unanimes de comités--et on en a fait un dernièrement--, on attend les réponses et les sommes d'argent et surtout des politiques pour croire à ce qu'on fait dans un discours du Trône. Mais on sait ce que cela a donné. Donc, même si on arrive avec un rapport unanime ici, on travaille bien pour que ça fonctionne, mais il faut que ce soit le gouvernement qui le fasse.
º (1645)
[Traduction]
Dr Blake Woodside: Tout ce que je veux dire, c'est que les gens assis autour de cette table peuvent aider à améliorer le processus tout en respectant les objectifs du gouvernement pour ce qui est du crédit d'impôt. Nous pouvons aider; nous aimerions beaucoup aider.
Dr John Service: Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais 13 à 15 questions additionnelles peuvent être posées une fois que le formulaire est rempli, et ces questions posent problème aussi. Certaines ne sont pas appropriées; certaines donnent des renseignements qui ne permettent pas une bonne évaluation. Tout comme le formulaire T2201, ces questions sont quelque peu problématiques.
[Français]
Dr Claude Renaud: Madame la présidente, c'est en tant que médecin de famille que je ferai le commentaire suivant. En fait, ça répond un peu à la question que pose M. Lanctôt quant à l'importance ou au sens des responsabilités que peut avoir le médecin de famille, le professionnel de la santé, par rapport à cette question d'équité, de justice, de vouloir soigner tous ses patients de façon équitable, relativement égale.
Ça m'inquiète un peu de voir jusqu'à quel point le formulaire est restrictif. Donc, ça m'inquiète. J'aimerais qu'on soit un peu plus généreux. Mais on sait qu'on vit dans un monde où il y a des limites. Vous le savez bien. On n'a pas de fonds illimités pour la population canadienne. Donc, à ce niveau-là, je préférerais qu'on accorde plus de reconnaissance en termes de dollars aux gens qui en ont le plus de besoin. Or, pour ce faire, si on le fait de cette façon, il va falloir clairement établir un formulaire qui nous permettra de distinguer entre ceux qui ont le plus besoin de rémunération, de compensation, et les autres. Ça, c'est une décision difficile à prendre et ça pose des questions d'éthique, mais je pense que le détail, je l'apprécie, moi. Mais, évidemment, il ne faut pas 50 pages de questions.
Le fédéral a des formulaires qui sont très bien. La pension du Canada, c'est bien. Il y a d'autres formulaires qui nous permettent assez rapidement de déterminer le niveau d'invalidité, mais clairement, pas celui-ci; il est très difficile. De plus, on vient d'apprendre qu'il n'est pas arrimé au document législatif.
Dr Henry Haddad: Le médecin doit faire une évaluation complète de l'individu. On le fait par pièce. On dissèque l'individu en pièces.
Une autre approche est de regarder l'individu comme un être humain. On regarde l' aspect mental, psychique, les relations familiales, les relations au travail. Et c'est ça l'évaluation que l'on fait, et c'est ça qu'on devrait faire, et tout ça mis ensemble... Peut-être qu'il peut marcher 75 mètres, but who cares? S'il a énormément de problèmes à d'autres niveaux, à gagner sa vie...
Donc, je pense qu'il faut regarder l'individu comme un individu qui a une famille, qui a des enfants, qui a un emploi.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Tony.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Je tiens à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
Comme M. Spencer l'a souligné, ce n'est pas tant les questions qui m'inquiètent, mais plutôt ce qu'il reste à faire. Les témoins qui ont comparu auparavant, c'est-à-dire les organisations qui représentent les personnes handicapées, semblent tous être d'avis qu'il y a des problèmes. Cela a encore été souligné aujourd'hui. Le problème m'a été signalé fréquemment à mon bureau de circonscription par des électeurs qui brandissaient le formulaire ou une lettre, mais aussi par maintes plaintes faites au téléphone.
J'étais curieux; j'ai parcouru rapidement le mémoire que vous avez déposé ici. Lorsque les fonctionnaires de l'ADRC sont venus ici, nous leur avons demandé combien il en coûtait pour faire remplir le formulaire, et ils nous ont répondu qu'à leur connaissance, cela coûtait entre 30 et 50 $. Une électrice m'a pourtant dit qu'on lui avait facturé 150 $ pour ce formulaire, et c'est ce qui est inscrit à la page 5 de votre rapport, 150 $.
Ma question est la suivante: devrait-on revoir tout cela?
Je veux en savoir davantage sur votre organisation. Je suis de Niagara-Centre, dans le sud de l'Ontario. Comment votre organisation fonctionne-t-elle? Si vous obtenez des rencontres avec des représentants de l'ADRC et que vous obtenez des révisions, comment ferez-vous connaître votre message ou votre accord aux médecins dans les bureaux régionaux? Dans votre cas, est-ce que ça sera fait par le truchement de l'OMA (Ontario Medical Association)? Comment le système fonctionne-t-il pour assurer une certaine homogénéité entre le Québec, l'Ontario et l'Ouest?
º (1650)
Dr Henry Haddad: Comme je l'ai déjà mentionné, l'Association médicale canadienne représente entre 50 000 et 52 000 médecins. Nous avons des sections. Nous avons une section dans chaque province et dans chaque territoire. Nous échangeons avec les différentes sections tous les jours.
Donc, peu importe la politique que nous mettons au point, nous consultons les sections pour nous assurer que nous avons un consensus et que nous parlons au nom des médecins du Canada. Cela répond sans doute à votre question. Peu importe ce que nous faisons, nous le faisons de concert, de façon consensuelle, et d'une seule voix, avec les sections provinciales et territoriales.
M. Tony Tirabassi: Très bien.
Pour terminer, je vous dirais que nous ne parlons pas de sommes d'argent importantes. C'est ce que j'ai entendu dire au bureau et ici. Chaque sou compte.
J'espère que nous arriverons à passer à la prochaine étape. C'est à cela que j'ai bien hâte.
Je n'ai plus de questions pour le moment.
La présidente: Pour faire suite à la question de Tony, Tony a reçu des électeurs dans son bureau qui avaient déboursé environ 100 $ pour faire remplir le formulaire. Lorsque nous avons rencontré les fonctionnaires—et je ne me rappelle plus si c'était au cours de l'audience ou lorsque je les ai rencontrés à titre informel—nous avons eu l'impression qu'ils croyaient que les médecins ne factureraient pas leurs patients pour compléter le formulaire. D'où cela vient-il? C'est très clair—cela ne fait pas partie de la table des frais.
Encore une fois, cela a trait aux communications entre l'Association médicale canadienne et ses sections. Comment cette idée s'est-elle rendue à l'ADRC?
Dr Henry Haddad: Je ne sais vraiment pas, madame la présidente.
Dr John Service: Je peux vous dire que cela n'a jamais été le cas de la Société canadienne de psychologie. Comme je l'ai dit plus tôt, nos membres qui travaillent dans le secteur privé—qui ne travaillent pas dans les hôpitaux ou dans le secteur public—ont eu pour habitude de remplir le formulaire soit gratuitement, ce que certains font, soit à moindre coût étant donné la situation financière précaire de leurs patients ou de leurs clients.
Ce n'est pas juste de dire que cela coûte 50 $ parce qu'en fait, c'était un don, fait par le psychologue qui n'a pas facturé le véritable tarif. Si cela nécessite une heure et demie, il en coûte bien plus que 50 $ dans la pratique privée.
La présidente: Blake.
Dr Blake Woodside: C'est peut-être seulement prendre ses désirs pour la réalité, madame la présidente.
Dr Henry Haddad: Si je comprends bien, les 150 $ proviennent des deux évaluations et des deux formulaires. Les médecins demandent jusqu'à 150 $ pour faire les deux évaluations et remplir les deux formulaires. D'un autre côté, je crois que nous avons bon nombre de médecins qui le font gratuitement. Ils ne demandent rien.
Je crois n'avoir jamais demandé de paiement pour remplir un formulaire d'assurance de toute ma vie. D'ordinaire, je dis au patient, s'il offre de me payer, de mettre cet argent dans la boîte à dons de l'hôpital. Je dis : «L'hôpital a besoin de cet argent bien plus que moi.»
La présidente: Nous pourrons repasser le témoignage en revue et déterminer si c'est quelque chose que j'ai entendu lors de la rencontre, mais je crois me rappeler que cela faisait partie d'une enquête menée auprès des médecins. C'est certainement l'expérience que j'ai vécue, avec les médecins que je connais.
Docteur Renaud.
Dr Claude Renaud: Je crois que toute cette question est fort problématique parce que lorsqu'on y songe, il n'y a pas de façon unique de facturer les patients. C'est un grand dilemme, je vous le garantis. Il y a des secrétaires à payer, des infirmières à payer, et de l'équipement à payer également. C'est un problème, donc c'est un dilemme professionnel. C'est aussi un problème lorsque l'on sait que la possibilité que le patient soit admissible est presque nulle.
C'est un problème difficile à résoudre, alors pourquoi ne pas faire la même chose que le RPC? Clarifions un peu les choses. Cette seule composante, à mon avis, rehausserait la valeur de ce programme.
º (1655)
La présidente: Croyez-vous qu'il se trouve des médecins qui ne veulent absolument pas remplir le formulaire parce qu'ils savent que le patient ne sera pas admissible. Croyez-vous qu'ils disent : Je ne vous demande aucun paiement, donc oublions le formulaire?
Dr Claude Renaud: C'est une question intéressante. Comme vous le savez...
La présidente: Pourquoi remplir le formulaire si on sait qu'on ne sera pas admissible?
Dr Claude Renaud: Lorsque les médecins voient arriver les formulaires au bureau...
La présidente: Ça nous dérange un peu.
Dr Claude Renaud: ... on ressent quelque chose d'un peu bizarre. Cela ne se produirait pas si les choses étaient plus constantes, plus standardisées et plus justes, de sorte que les utilisateurs ainsi que les fournisseurs tireraient profit de ce processus.
Dr Henry Haddad: L'enjeu pour les médecins, nous dit-on, n'est pas le niveau de rémunération. Le problème, c'est que la rémunération est comme un obstacle entre le patient et son médecin. Voilà ce qui agace les médecins canadiens. Ce ne sont pas les 50 $ ou les 75 $. Ils sont prêts à accepter moins que cela. Mais ils ne veulent pas que cela nuise à la relation médecin-patient.
La présidente: Les tests de la vue et tout ce qui a trait aux permis de conduire sont désormais effectués hors site, de sorte que ce n'est plus le médecin qui est obligé d'y retirer le permis de conduire. Est-ce exact?
Dr Henry Haddad: Imaginez combien vous seriez mal à l'aise si, après avoir administré tout le test, votre patient se tournait vers vous et vous disait: «Docteur, vous avez répondu non presque partout.» En tant que médecin, vous répondez: «Je suis désolé, mais je ne crois pas que vous l'obtiendrez», et puis vous demandez au patient 50 $ en honoraires. Je ne connais pas beaucoup de médecins qui se sentiraient à l'aise dans une telle situation.
Dr Blake Woodside: Il y a un autre problème précis auquel font face les professionnels de la santé: certains patients demandent qu'on leur explique le formulaire et, dans certains cas, cela exige beaucoup de temps. Dans le cas d'une personne souffrant de schizophrénie chronique, par exemple, et qui éprouve des difficultés de perception, de réflexion et de mémoire moins de 90 p. 100 du temps mais qui n'en demeure pas moins gravement déficiente, cela peut prendre une heure environ pour lui expliquer l'objet du formulaire et la teneur des réponses. Ce temps n'est pas rémunéré.
Avec un patient paranoïaque qui affirme que vous n'avez pas bien répondu à la question, soutenant que vous êtes contre lui comme tout le monde, la situation devient alors très très difficile.
La présidente: Wendy.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci beaucoup d'être venus. La discussion est très intéressante.
Comme la présidente l'a dit au début de la réunion, nous avons tous de profondes convictions sur cette question. C'est pourquoi nous avons tenu une conférence de presse portant sur ce sujet et envoyé une lettre au ministre l'enjoignant de retirer ces lettres, ces 100 000 lettres, et d'envoyer des excuses. Nous avons demandé que l'on maintienne le statu quo jusqu'à ce qu'une procédure acceptable soit adoptée par les professionnels de la santé, les groupes de défense des droits de la personne et les personnes handicapées, qui devraient tous prendre part à l'évaluation de ce programme en continu.
Nous étions déjà plutôt satisfaits de ce que nous avions appris jusqu'ici. Mais je dois dire que votre contribution s'avère vraiment importante. L'idée, à court terme, est donc de revenir au statu quo... c'est-à-dire d'utiliser le modèle de détermination de l'invalidité du RPC, qui prévoit une séparation entre le rapport du médecin et l'admissibilité. Précisons certaines définitions. Nous entendons constamment dire qu'il existe trop de définitions d'invalidité et que cela porte à confusion. Nous pourrions donc adopter ce modèle à court terme. Toutefois, comme vous le dites, ce qui importe, c'est d'examiner de façon plus globale la possibilité d'intégrer un meilleur régime fiscal aux politiques sociales et de santé. Voilà un concept très prometteur. S'il y a un élément positif qui ressort de tout ce gâchis, c'est qu'il nous permet d'attirer l'attention sur la question et peut-être de créer davantage de pression pour que l'on agisse.
Nous devrions rédiger des formulaires qui concordent avec la loi. Cette folie d'utiliser différents termes à différents endroits porte à se demander si quelqu'un s'est donné la peine de relire le formulaire. Est-ce bien le cas, ou est-ce là accorder le bénéfice du doute aux auteurs?
Enfin, tout cela ne respecte pas les valeurs canadiennes d'équité. Voilà ma conclusion. Soyons plus généreux, et non moins généreux, et examinons la procédure dans cet esprit pour le bien de toutes les personnes handicapées au Canada.
Je crois que c'était plutôt un petit discours. Je n'ai rien à ajouter.
Des voix: Bravo!
» (1700)
Dr John Service: Merci.
La présidente: Merci, Wendy.
Nancy, vous avez le temps de conclure.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) Merci.
Je suis quelque peu perplexe et je dirais irritée par ce que j'entends. Il s'agit de personnes qui éprouvent déjà de grandes difficultés dans la vie, et elles constatent que leur sort dépend du médecin qu'elles choisissent, de la définition retenue et de la personne qui l'interprète. J'ai l'impression que, dans deux différentes régions du pays, deux personnes dans une situation identique et atteintes de la même déficience, peuvent obtenir des réponses différentes, une demande sera approuvée et l'autre, rejetée. Je crois que c'est très difficile à accepter alors que nous nous efforçons, en tant que législateurs, de veiller à ce que la loi s'applique de la même façon à tous les Canadiens.
Je viens d'une région où la définition de l'accès aux soins de santé est très différente. Sur la liste des personnes admissibles, je n'en vois pas une qui habite dans ma collectivité. Ainsi, dans certaines régions, on ne se donne même pas la peine de faire la demande de crédit. Je peux vous dire qu'il y a probablement très peu de gens qui tardent à faire leur déclaration de revenu parce qu'ils attendent de faire remplir leur formulaire par une personne qualifiée appartenant à l'une des six catégories de professionnels auxquels ils n'ont pas accès dans leur collectivité.
Dans ma région, le simple accès aux services est de nature si différente que je peux vous dire très sincèrement que très peu de gens essaieront de remplir le formulaire. Encore une fois, la situation est différente pour les Canadiens qui habitent ma région. Vous parlez de justice et d'équité, des mots que je considère très forts. Comment faire en sorte que les demandeurs touchent ce crédit alors que d'autres Canadiens, qui ont accès à une personne qualifiée sont soumis, comme vous le dites, à des critères subjectifs?
Je trouve qu'il est très difficile d'accepter que les définitions de «prolongé» et «grave» sont différentes d'un ministère à l'autre. C'est un problème qu'il faut régler, puisqu'il est inacceptable que l'on définisse différemment le même terme selon que la demande a été faite par l'entremise du ministère des Affaires des anciens combattants ou du ministère des Ressources humaines. Nous avons donc beaucoup de travail à faire à ce chapitre.
Je reviens à la situation actuelle en ce qui a trait à la confirmation de l'attestation. À votre avis, y aurait-il une méthode plus facile et plus économique de confirmer l'attestation que celle que nous utilisons actuellement, soit l'envoi de toutes ces lettres à ces pauvres gens qui doivent confirmer leur attestation?
Dr Claude Renaud: Je crois que les lettres sont le symptôme d'un programme en désarroi. Le fait de devoir envoyer des missives pour créer plus d'équité dans le programme, pour redresser certains torts, révèle que les formulaires sont inadéquats. Ils ne concordent pas avec la loi. Le processus de mise à jour a été remis entre les mains des fonctionnaires, plutôt que de recevoir l'appui du pouvoir politique, du gouvernement lui-même ou de la société.
Il serait peut-être plus judicieux de revenir à la case départ et d'examiner la loi. Les Canadiens veulent un crédit d'impôt plus généreux, il faudra prendre une décision à cet effet. Comme vous l'avez dit, revoyons les définitions, les problèmes opérationnels et logistiques, et assurons-nous d'avoir une procédure administrative saine, qui puisse être confirmée rapidement à tous les paliers.
Les critères d'admissibilité peuvent varier d'un programme à l'autre, mais les définitions devraient être les mêmes. Il ne devrait y avoir aucune confusion là-dessus.
» (1705)
La présidente: Cependant, Nancy a dit que vous avez parlé d'un processus qui durerait deux ou trois ans. De toute évidence, c'est une situation qui n'existait pas avant la création de Développement des ressources humaines. Ils examinent le dossier et se rendent compte qu'il leur manque certains renseignements; ils décident alors qu'il vaudrait mieux les obtenir. Ils envoient donc des lettres à 106 000 personnes. Quelle aurait été une meilleure approche, une solution à long terme?
Comme nous le savons—et Nancy en a entendu parler—, de nombreux détenteurs de la carte de l'INCA ont reçu une telle lettre. Y aurait-t-il une meilleure méthode permettant au ministère d'obtenir les renseignements qui lui manquent?
Dr Henry Haddad: Nous recommandions deux choses, d'abord que nous nous fixions des objectifs clairs, c'est-à-dire que nous nous demandions ce que nous cherchions à obtenir. Nous avons aussi recommandé que la profession, les malades et le public participent en permanence au processus afin que ça ne demeure pas en permanence une affaire de fonctionnaires.
En outre, nous avons recommandé qu'on tienne compte de l'aspect main-d'oeuvre de la question, qu'il s'agisse d'un médecin ou de quelqu'un d'autre, car ceux qui ont la responsabilité de remplir le formulaire sont déjà surchargés de travail. Si nous tenions vraiment à rationaliser le processus lié au formulaire, à notre avis il fallait que cela s'étale sur deux, trois ou peut-être quatre ans. Nous aurions aimé en discuter avec nos sections situées partout au Canada afin qu'elles nous disent où se situaient les problèmes à leurs yeux et qu'on en discute avec les représentants du gouvernement avant de lancer l'initiative. C'est d'ailleurs pour cela que notre mémoire précise que nous aurions aimé être consultés avant le lancement d'un projet d'une telle envergure.
J'espère avoir répondu à vos questions.
La présidente: Et comment le système de santé a-t-il répondu à cela...? Est-ce que la plupart des gens ont reçu une visite gratuite de la part de leur système de santé provincial puis ont dû payer pour remplir le formulaire, ou au contraire estimez-vous que...? Nous avons envoyé tous ces gens rendre visite à leur médecin, et ils ont probablement discuté de toute autre chose, ce qui veut dire qu'on a profité de cette consultation médicale pour facturer la province en même temps, n'est-ce-pas?
Dr Henry Haddad: C'est bien possible.
La présidente: Cela a donc coûté de l'argent au pays.
Dr John Service: Oui, ou au particulier. Si, par exemple, il s'est adressé à un psychologue en pratique privée, il a dû payer la consultation de sa poche.
La présidente: Nancy, aviez-vous une autre question à poser?
Oh, Adele avait une réponse à donner, après quoi nous reviendrons à Nancy.
Mme Adele Furrie: En réponse à votre question au sujet du processus, à mon avis, il faut d'abord réunir tous les intervenants, c'est-à-dire les handicapés, les groupes de revendication, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, afin que tous soient sur la même longueur d'onde au sujet de l'initiative et s'entendent sur un formulaire et un processus. Cela dit, malgré le grand nombre de personnes figurant sur la liste des bénéficiaires du crédit d'impôt pour personnes handicapées, voyez combien de temps ils ont dû attendre, ajoutez-y le nombre d'années depuis qu'elles reçoivent ce crédit et le nombre de fois où elles ont dû demander un renouvellement de ces droits. Le processus envisagé ne pourra donc pas affecter les 100 000 personnes visées en même temps, il durera peut-être cinq ans et aura peut-être besoin d'être repris à partir de zéro après 10 ans.
La présidente: Encore une fois, si le formulaire était plus clair, c'est-à-dire s'il comportait des critères nets par rapport aux problèmes de vue ou d'ouïe, il ne serait pas nécessaire de le faire remplir par une infirmière praticienne mais par une simple infirmière autorisée.
C'est bien votre question, Nancy?
Mme Nancy Karetak-Lindell: De toute façon, dans la plupart de nos centres de santé du Nunavut, il n'y a que des infirmières autorisées. Il n'y a pas de médecins en permanence, et s'ils viennent nous voir, c'est seulement à peu près à tous les deux mois. La personne concernée doit donc attendre avant de voir n'importe laquelle de ces six personnes.
» (1710)
Dr Henry Haddad: Cela me ramène à notre intervention au sujet de l'équité pour tous partout au Canada, c'est-à-dire dans chaque région de notre pays. Cela me paraît primordial quoi que nous fassions.
La présidente: Madame Furrie.
Mme Adele Furrie: Il n'y a rien de magique dans la liste des personnes qualifiées, et si le formulaire est suffisamment objectif pour permettre à n'importe quelle personne compétente et pertinente de le remplir, comme l'infirmière autorisée de la collectivité et qui connaît les gens, qui vit avec eux, pourquoi ne pas désigner ces personnes compétentes comme étant qualifiées?
La présidente: Claude.
Dr Claude Renaud: Par ailleurs, il y a sans doute d'autres façons d'obtenir les services dont on a besoin. Dans les cas les plus difficiles et les plus complexes, on peut recourir à la télémédecine et au soutien en ligne. On peut mettre en contact les différents fournisseurs de soins d'une localité avec les hôpitaux de l'endroit. L'accès est donc possible.
Mais pour en revenir à votre question initiale concernant l'envoi de 75 000 lettres, on peut espérer, comme vous l'avez dit, qu'une telle situation ne se renouvellera pas sans qu'on ait préalablement vérifié que l'information envoyée est fiable, car si on envoie de mauvais renseignements, c'est tout le programme qui en pâtit.
La présidente: Cela vous convient, Nancy? Parfait.
Je voudrais poser une autre question. Lorsque j'ai été élue, les gens qui s'occupent de fibrose kystique se plaignaient amèrement de ce formulaire. Les personnes atteintes de fibrose kystique n'étaient pas admissibles, car la respiration n'était pas considérée comme une activité aux fins de la vie quotidienne. Le changement apporté au formulaire en ce qui concerne les soins essentiels au maintien de la vie est tout à fait significatif : on a modifié le formulaire pour faire en sorte que la respiration ne soit pas un critère, car on veut refuser l'admissibilité à tous les patients de bronchite chronique qui utilisent des réservoirs d'oxygène, n'est-ce pas?
Dr Claude Renaud: Oui. Ils ne respirent qu'une partie du temps.
La présidente: Oui.
On a rajouté cette case au bas de la partie B pour les «soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie», de façon à n'accorder l'admissibilité qu'aux patients de fibrose kystique, et non pas à tous ceux qui souffrent de problèmes respiratoires. Pensez-vous que cette question soit juste, ou peut-on faire une autre proposition?
Dr Blake Woodside: On comprend mal pourquoi un patient qui a besoin de dialyse, qui fait trois séances de dialyse par semaine, obtient le crédit, tandis qu'un schizophrène chronique, qui doit subir le programme de jour cinq jours par semaine et qui doit suivre une médication afin d'être suffisamment fonctionnel pour accéder au programme de jour, n'y a pas droit. Cela n'a aucun sens.
La présidente: Adele, avez-vous quelque chose à dire sur cette case?
Mme Adele Furrie: Elle est bizarre.
Des voix: Ah, ah!
Mme Adele Furrie: C'est tout à fait objectif. On y définit certaines personnes qui sont admissibles, mais encore une fois, en dehors du contexte de tout le reste.
La présidente: C'est donc une case bizarre dans un formulaire stupide.
Mme Adele Furrie: C'est cela.
La présidente: Bien.
Je ne sais comment vous remercier. Vos interventions nous ont été très utiles. Les médecins qui essaient de remplir ces formulaires nous ont donné des indications très précieuses et nous avons beaucoup apprécié l'expérience d'Adele Furrie.
Nous vous sommes tous très reconnaissants d'être venus à cette séance. Nous espérons que lorsque nous formulerons nos recommandations—et nous aurons alors l'aide de Bill et de Kevin—nous allons amorcer une démarche qui permettra d'éviter tous ces problèmes à l'avenir.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Je suis d'accord avec vous. Je vous remercie, vous nous avez aidé beaucoup. Espérons que nous pourrons vous aider à notre tour maintenant.
Dr Claude Renaud: Si on peut vous aider davantage, n'hésitez pas.
La présidente: À bientôt.