J'espère que vous allez bien.
[Traduction]
Nous allons commencer.
Bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Conformément à la motion adoptée à la Chambre le 26 mai 2020, le Comité peut continuer à tenir des réunions virtuelles sur la pandémie de COVID-19 et d'autres sujets jusqu'au lundi 21 septembre.
Certaines limites imposées jusqu'à présent aux réunions virtuelles du Comité ont été retirées. Comme je viens de l'indiquer, le Comité peut maintenant étudier d'autres sujets. Outre l'audition des témoins, le Comité peut également recevoir des motions, comme il le fait habituellement. Tel qu'indiqué dans le dernier ordre de renvoi de la Chambre, toutes les motions seront décidées par un vote par appel nominal.
Enfin, la Chambre a également autorisé le Comité à effectuer certaines délibérations à huis clos, notamment pour étudier les ébauches de rapports ou choisir des témoins.
Je vais maintenant vous donner certaines règles à suivre.
L'interprétation offerte pendant la vidéoconférence sera essentiellement la même que lors d'une réunion normale. Au bas de l'écran, vous avez le choix du canal anglais, français ou sans interprétation. Lorsque vous souhaitez intervenir, veuillez vous assurer de choisir le canal qui correspond à la langue dans laquelle vous vous exprimerez, et non pas le canal sans interprétation. C'est très important. Cela réduira le nombre de fois que nous devrons arrêter parce que l'interprétation est inaudible pour nos participants. Nous aurons ainsi un maximum de temps pour nos délibérations.
Afin que tout se passe bien, je demanderais à tous les témoins de nous faire un signe de la tête pour indiquer qu'ils ont compris. Il semble que tout le monde ait compris. S'il y a un problème, nous vous aiderons.
Je vous prie d'attendre que je vous nomme avant d'intervenir. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone afin d'allumer votre micro.
[Français]
Assurez-vous que votre micro est éteint lorsque vous ne parlez pas.
Nous sommes maintenant prêts à commencer.
Je souhaite tout d'abord la bienvenue à nos témoins. Pour la première heure, nous accueillons des représentants des Producteurs de poulet du Canada: M. Benoît Fontaine, président, et M. Michael Laliberté, directeur exécutif.
Nous recevons aussi des représentants des Producteurs de grains du Canada: M. Jeff Nielsen, président du conseil d'administration, et Mme Erin Gowriluk, directrice exécutive.
Enfin, nous recevons un représentant de la Canadian Canola Growers Association: M. Dave Carey, vice-président, Relations avec le gouvernement et l'industrie.
Nous allons commencer par les discours d'ouverture. Les témoins auront la parole pour sept minutes. Je vais d'abord donner la parole aux représentants des Producteurs de poulet du Canada. Notez que vous pouvez partager votre temps de parole à votre convenance.
Nous vous écoutons.
:
Je suis un producteur de poulet de Stanbridge Station, au Québec, dans la circonscription de Brome—Missisquoi, et je suis président des Producteurs de poulet du Canada.
Notre secteur contribue à hauteur de 8 milliards de dollars au produit intérieur brut du pays, soutient plus de 101 900 emplois et verse 1,9 milliard de dollars en recettes fiscales au gouvernement. Les 2 877 producteurs de poulet canadiens sont fiers d'élever des oiseaux représentant laprotéine de viande numéro un au Canada, tant pendant les périodes favorables que pendant les périodes difficiles comme celle que nous connaissons présentement. Comme nous le constatons partout au pays et même à l'échelle planétaire, la crise liée à la COVID-19 a touché tous les secteurs, dont le nôtre.
Les producteurs de poulet du Canada ont été enchantés par l'annonce du 5 mai 2020 du gouvernement en soutien au secteur agricole et agroalimentaire. Cependant, nous devons souligner que ces mesures ne vont pas assez loin pour soutenir l'agriculture canadienne, en particulier les producteurs de poulet. Afin de continuer à assurer la sécurité alimentaire de notre population, les producteurs et les transformateurs de poulet canadiens doivent bénéficier d'un soutien pour composer avec le stress et la pression sans précédent qui découlent de cette pandémie.
Les conditions actuelles du marché sont sans précédent dans le secteur canadien du poulet en raison de cette fameuse COVID-19. Les services alimentaires, qui représentent habituellement environ 40 % du marché — une part énorme —, ont connu une baisse rapide presque du jour au lendemain. Dans le commerce de détail, bien que nous ayons observé une augmentation initiale considérable des ventes causée par les achats de masse effectués par des consommateurs qui voulaient s'assurer des réserves, cette demande s'est maintenant stabilisée et la demande totale actuelle est inférieure au volume habituel.
Qu'est-ce que cela signifie pour nous les producteurs? La baisse rapide dans les services alimentaires a entraîné des surplus de production pour les producteurs et les transformateurs pendant une très courte période. Heureusement, la flexibilité que nous procure la gestion de l'offre a permis à notre conseil d'administration de réagir rapidement et d'adapter la production pour les mois à venir en espérant ainsi éviter le pire des scénarios, celui du dépeuplement. Le 14 avril, le conseil d'administration a réduit l'allocation de 12,6 % pour une période allant du 10 mai au 4 juillet, et nous avons récemment rajusté l'allocation nationale pour la période du 5 juillet au 29 août de 9,75 %. Nous avons pris cette initiative afin d'agir de manière responsable et de veiller à ce que l'approvisionnement en poulet soit adéquat et réponde à la demande canadienne.
Bien que nous ayons pu adapter la production, cet ajustement n'élimine pas entièrement le stress que vivent en ce moment les producteurs et les transformateurs. Les usines de transformation pourraient devoir réduire leurs volumes d'abattage et de transformation de poulet en raison des exigences liées à l'éloignement, de l'absentéisme des employés ou de la fermeture complète d'une usine pendant une plus longue période visant à isoler les travailleurs et à nettoyer les installations en profondeur.
Les transformateurs travaillent en étroite collaboration entre eux et avec les producteurs afin de rediriger les oiseaux lorsque cela est nécessaire. C'est d'ailleurs ce qui a été fait au début d'avril en Ontario et au début de mai en Colombie-Britannique. Cependant, il y a des limites au nombre d'oiseaux qui peuvent être transformés ailleurs si une usine réduit de façon importante ses activités ou ferme complètement ses portes. Ainsi, cette réduction de la production et la fermeture possible de certaines usines entraînent pour les producteurs un risque élevé de devoir procéder au dépeuplement de leurs troupeaux.
Les producteurs ne prennent pas la question du dépeuplement à la légère. En plus d'avoir un effet sur l'approvisionnement alimentaire de la population canadienne, les dépeuplements entraînent la perte de troupeaux auxquels nous avions consacré temps, argent et énergie, ce qui amène aussi des pertes financières.
Dans l'éventualité où les transformateurs ne disposeraient pas de la capacité nécessaire pour transformer les poulets, les producteurs devront travailler rapidement avec les transformateurs pour déterminer les prochaines étapes. Or pour le moment, nous n'avons pas reçu l'assurance du gouvernement selon laquelle la valeur marchande des oiseaux serait couverte.
Nous avons compris de l'annonce du gouvernement que le programme Agri-relance couvrira jusqu'à 90 % des coûts de dépeuplement. Cependant, cela ne tient pas compte de la valeur des troupeaux dépeuplés, du fardeau administratif qui pèse sur les producteurs et des demandes faites aux gouvernements provinciaux pour qu'ils fournissent leur part du financement de la gestion des risques de l'entreprise.
Au cours de nos nombreuses conversations avec le gouvernement, nous avons rappelé aux décideurs qu'en vertu de la Loi sur la santé des animaux, le dépeuplement est couvert en cas de maladie. Nous sommes très conscients que cette loi a été précisément conçue pour les cas de maladie, mais nous croyons que ce que nous vivons actuellement en ce qui a trait à la capacité de transformation, au dépeuplement et à l'incidence globale sur les exploitations cadre avec l'intention de la Loi et entraîne les mêmes répercussions chez les producteurs.
Nous sommes déçus du fait que le gouvernement n'a pas envisagé ce modèle, qui fonctionne pourtant très bien, pour soutenir le secteur du poulet dans l'éventualité où des dépeuplements seraient nécessaires.
Bien que les programmes de gestion des risques de l'entreprise soient conçus pour affronter les fluctuations de revenus et soutenir les producteurs au besoin, ils ne seront pas applicables aux producteurs de poulet dans...
:
Merci, monsieur le président. Erin Gowriluk et moi-même partagerons notre temps de parole. Je vais rapidement faire quelques observations.
Encore une fois, nous vous remercions de l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je suis Jeff Nielsen, et j'ai une ferme proche d'Olds dans le Centre de l'Alberta. Je suis le président des Producteurs de grains du Canada, la voix nationale des producteurs de céréales, d'oléagineux et de légumineuses membres de nos 15 associations régionales et nationales de producteurs.
Nous sommes tout simplement extrêmement déçus par le soutien offert aux agriculteurs jusqu'à présent. L'annonce faite récemment concernant les fonds de 252 millions de dollars pour certains secteurs seulement donne l'impression que d'autres secteurs ont été boudés. Permettez-moi d'être franc: nous ne nous attendons pas à être votre préoccupation principale actuellement, mais nous ne voulons pas non plus nous contenter de miettes données après coup.
Il ne faut pas chercher loin pour voir d'autres soutiens pour l'agriculture en réponse à la COVID-19. Notre concurrent directement au sud a offert un programme de soutien aux agriculteurs qui se chiffre à plusieurs milliards de dollars, dont 6 milliards de dollars ont été versés directement aux producteurs de cultures.
Mesdames et messieurs, permettez-moi de vous donner le contexte du secteur des grains. Certaines cultures, comme le maïs, ont été directement et lourdement touchées par la COVID-19. Compte tenu de la baisse de la demande de carburant, les usines d'éthanol tournent au grand ralenti. Nous ne prévoyons pas un retour à la normale dans un avenir proche. Les recettes du soja ont chuté de presque 40 % au cours des deux dernières années.
Je suis producteur d'orge brassicole. La demande d'orge brassicole a fléchi considérablement en raison de l'incidence de la COVID-19 sur le secteur de la restauration et de l'hospitalité, ce qui a naturellement donné lieu à un effondrement de la demande de la bière. Les recettes de l'orge marquent une baisse de 21 % en 2020 par rapport à la même période l'année dernière. Les contrats d'orge se font repousser à l'automne pour la campagne en cours, et les nouveaux contrats seront plus modestes puisque nous avons une quantité excédentaire d'orge brassicole.
Les cours des fourrages sont très volatiles. Les aléas des cultures américaines auront certainement une incidence sur les cours des fourrages. Les recettes du lin ont chuté de 33 % au cours de la dernière année. La demande de légumineuses est restée stable, mais il y a le souci de la capacité insuffisante d'expédition par conteneurs, un problème qui a été exacerbé par les barricades ferroviaires l'année dernière, les quarantaines portuaires et la circulation réduite des vraquiers actuellement.
C'est normal que les agriculteurs aient à composer avec un certain degré d'incertitude, et nous planifions en conséquence, mais c'est une période extraordinaire. Les dernières années ont été catastrophiques pour bon nombre d'entre nous en raison de la météo, de la hausse des coûts et de l'accès de plus en plus difficile aux marchés. En fait, les agriculteurs canadiens étaient déjà en mauvaise posture avant la pandémie. Selon Statistique Canada, les recettes agricoles ont baissé de presque 21 % en 2019, alors que le revenu agricole net réalisé a chuté de 45 %.
Les données publiées par Statistique Canada cette semaine indiquent une hausse des revenus en 2019 pour la première fois depuis trois ans, mais cela ne donne pas un aperçu exact du secteur agricole. Mis à part le cannabis, qui semble être une nouvelle culture, les revenus des cultures ont baissé de plus de 1 % à l'échelle nationale.
Les chiffres de Statistique Canada ne font qu'accroître notre préoccupation quant à notre capacité de gérer la dette des agriculteurs, qui se situe maintenant à un niveau record de 115 milliards de dollars, soit une hausse de presque 30 milliards de dollars depuis quatre ans. Sans trop insister là-dessus, notre secteur a du plomb dans l'aile, et bien qu'il ne soit pas facile pour des gens d'un certain âge comme moi de le reconnaître, nous avons besoin d'aide.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue.
J'ai de bonnes nouvelles, cependant. Nous croyons qu'il y a des solutions à portée de main pour aider les agriculteurs et renforcer l'économie canadienne. Nous avons des demandes très réalisables et précises pour vous aujourd'hui.
Tout d'abord, notre secteur demande deux changements critiques au programme Agri-stabilité, à savoir: la couverture doit immédiatement être revue pour couvrir les pertes, en commençant par un taux rétroactif de 85 % pour 2019 et pour la durée du Partenariat canadien en agriculture, et les limites de la marge de référence doivent être enlevées. Ces deux changements simples donneront aux agriculteurs la confiance nécessaire pour continuer.
Comme les membres du Comité le savent, nous ne sommes pas les seuls à vouloir changer Agri-statibilité. Le changement que nous demandons concerne tous les secteurs agricoles.
C'est certes une chose positive que la date limite des demandes au programme a été repoussée, mais nous ne pensons pas que plus de producteurs présenteront une demande. Les agriculteurs ne voient pas suffisamment de valeur dans le programme pour prendre le temps et consacrer les efforts nécessaires afin de s'inscrire et malheureusement, une calculatrice en ligne ne va pas leur faire changer d'avis.
Nous félicitons toutefois le gouvernement fédéral de certains programmes de gestion du risque commercial destinés aux agriculteurs qui fonctionnent bien, comme Agri-investissement et l'assurance agricole. Ce sont des réussites et des outils précieux pour les agriculteurs, et il ne faut pas prendre les fonds de ces programmes afin de répondre aux préoccupations que nous vous décrivons aujourd'hui. Ces programmes doivent continuer à exister de façon complémentaire.
Enfin, nous comprenons que les coûts du programme actuel sont partagés par le gouvernement fédéral et les provinces dans un rapport de 60-40, et que les provinces ont leurs propres défis financiers actuellement. C'est la raison pour laquelle nous faisons appel au leadership du gouvernement fédéral. Les dirigeants fédéraux doivent renégocier le partage des coûts.
Nous sommes sur le chemin de la relance, et ce n'est pas le moment pour le gouvernement d'abandonner sa vision pour l'agriculture comme un secteur ayant un grand potentiel de croissance économique au Canada. Tel qu'indiqué aux Tables sectorielles de stratégies économiques, le Canada a le potentiel pour devenir l'un des cinq grands acteurs de la scène internationale, en faisant croître les exportations de produits agricoles, agroalimentaires et de la mer de 32 % pour atteindre 85 milliards de dollars d'ici 2025. C'est un objectif louable, et le secteur dans son ensemble y est favorable. Cependant, l'objectif sera réalisé uniquement si les fermes canadiennes demeurent solvables et en mesure de réussir.
Nous nous trouvons à un carrefour. Nous pouvons choisir d'appuyer les agriculteurs canadiens maintenant et permettre au potentiel de se réaliser, ou nous pouvons choisir d'abandonner les agriculteurs canadiens et la vision pour une réelle relance économique et la prospérité future de nos fermes.
:
Monsieur le président, merci de m'avoir invité à comparaître devant votre comité aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur la réponse canadienne à la pandémie de COVID-19. Je suis fier de vous parler au nom des 43 000 producteurs de canola du Canada.
La CCGA représente les producteurs de canola de l'Ontario jusqu'à la Colombie-Britannique sur les questions d'intérêt national et international, ainsi que les politiques et les programmes qui ont une incidence sur la réussite de nos fermes. La CCGA est également agent d'exécution officiel du Programme de paiement anticipé des récoltes du gouvernement fédéral. Depuis 35 ans, nous versons des avances de fonds aux agriculteurs afin de les aider à commercialiser leurs cultures et à financer leurs activités.
Créé au Canada, le canola est l'un des fleurons de l'agriculture, de la science et de l'innovation canadiennes. C'est la culture la plus ensemencée du Canada actuellement, et elle est responsable des plus grandes recettes monétaires agricoles de toutes les marchandises agricoles, ayant permis aux agriculteurs canadiens de gagner plus de 8,6 milliards de dollars en 2019, ce qui représente un repli de 700 millions de dollars depuis 2018. Le secteur du canola injecte 26,7 milliards de dollars annuellement dans l'économie canadienne et crée 250 000 emplois.
Les exportations sont au cœur de la réussite du canola. Plus de 90 % du canola cultivé au Canada est exporté sous forme de semences, d'huile ou de tourteaux. La demande internationale du canola se maintient, mais les difficultés d'accès aux marchés associées au déclin économique attribuable à la COVID-19 exercent des pressions considérables sur les agriculteurs. Le cours du canola en 2019-2020 a fléchi par rapport à l'année dernière, et les agriculteurs doivent faire face à une grande incertitude sur le marché. Si cette tendance se maintient, elle pourrait réduire considérablement la contribution du secteur du canola à l'économie canadienne, ce qui aura une incidence sur l'emploi et les salaires. Il faut consacrer de façon urgente des efforts pour rétablir la stabilité et assurer une place au canola en tant que moteur économique fiable de l'économie canadienne post-COVID-19.
Afin de réaliser le plein potentiel des producteurs de canola du Canada, nous demandons au gouvernement fédéral d'agir sur les fronts suivants: l'ouverture et la diversification des marchés, des outils de gestion du risque efficaces pour les agriculteurs, et une compétitivité mondiale accrue grâce à l'innovation.
Sur le plan commercial, les agriculteurs sont bien positionnés pour assurer un approvisionnement en canola salubre et fiable, ici au pays et ailleurs dans le monde, mais pour ce faire, il nous faudra faire un cadre prévisible fondé sur des règles pour encourager nos exportations. Il sera encore plus important de promouvoir ce cadre pour palier les politiques protectionnistes post-COVID-19, lorsque les pays établiront des barrières et voudront relancer leurs économies intérieures. Le commerce est la clé de la reprise économique mondiale, et il faut moderniser l'Organisation mondiale du commerce pour garantir l'ouverture des frontières et des chaînes d'approvisionnement.
Afin que le secteur du canola réalise son plein potentiel, la priorité doit être la réouverture du marché chinois. La Chine représentait le plus grand marché des producteurs de canola, soit 40 % des exportations de canola. Les restrictions du marché sont en place depuis plus d'un an, et les agriculteurs continuent de faire face à l'incertitude du marché et la mollesse des prix. En 2019, les exportations de semences de canola vers la Chine n'étaient qu'un tiers de celles enregistrées en 2018, ce qui a mené à une baisse de 26 % de la valeur des exportations. L'impact d'une telle perturbation du commerce a souligné le besoin de diversifier nos marchés et pour ce faire, il nous faudra des ressources supplémentaires, notamment en Asie-Pacifique, afin de nous aider à comprendre les exigences réglementaires en évolution et régler les problèmes d'accès aux marchés.
De plus, si nous participions à des négociations en vue d'établir un accord de libre-échange avec l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est et nous élargissions le PTPGP, nous pourrions créer de nouvelles possibilités commerciales et créer un cadre plus prévisible pour les échanges.
Le marché intérieur canadien des biocarburants présente également une belle occasion pour diversifier le marché du canola, car la norme sur les combustibles propres, la NCP, entrera bientôt en vigueur.
Actuellement, le canola canadien est une matière première de grande qualité utilisée pour la fabrication des biocarburants au Canada, aux États-Unis et dans l'Union européenne. Il a le potentiel de non seulement favoriser des investissements économiques, mais également de réduire les émissions de gaz à effet de serre. La NCP, qui est en cours d'élaboration, pourrait faire tripler la demande intérieure de biocarburants à base de canola, ce qui offrirait la stabilité grandement recherchée sur les marchés par les agriculteurs, ferait augmenter les investissements à valeur ajoutée, et contribuerait de façon réelle et quantifiable à la réduction des GES.
Pour réaliser cette belle occasion, le gouvernement doit songer à améliorer immédiatement le cadre réglementaire de la NCP, en faisant croître la demande de biocarburants au moyen d'une teneur minimale de 5 % en carburant renouvelable des diesels. La norme actuelle prévoit un taux de 2 %. Si cette exigence fait partie de la NCP, la teneur augmentée de 5 % en carburant renouvelable dans les diesels pourrait, et c'est une estimation conservatrice, consommer 1,3 tonne métrique de canola canadien et réduire les émissions GES de 3,5 millions de tonnes de CO2 par année.
Cela créerait une nouvelle demande intérieure de canola canadien qui ne serait pas exposée aux perturbations commerciales et qui représenterait plus ou moins la valeur équivalente des exportations vers le Japon. Il faut que la demande soit claire et évidente. L'heure est venue de profiter de cette occasion dans le domaine des biocarburants afin de relancer les investissements économiques au Canada, sans coût supplémentaire pour le gouvernement.
Les cultivateurs de canola ont besoin de mesures urgentes afin d'améliorer les programmes de gestion des risques de l'entreprise. Les fermes familiales sont confrontées à des difficultés et à une incertitude sans précédent en raison non seulement de la pandémie actuelle, mais aussi des restrictions au commerce préexistantes. Les revenus nets des fermes ont fondu de 45 % depuis 2018. Au Manitoba et en Saskatchewan, ces revenus ont de nouveau considérablement diminué en 2019. De plus, les niveaux d'endettement des fermes continuent de croître.
Les agriculteurs dépendent des programmes de gestion des risques de l'entreprise pour les aider à gérer les risques qui échappent à leur contrôle. Des solutions immédiates et des investissements ciblés s'imposent pour améliorer ces programmes et fournir aux agriculteurs des outils efficaces pour gérer la volatilité et l'incertitude croissantes, et ce, afin d'appuyer leur capacité de contribuer à la croissance des communautés rurales et de l'économie.
Il faut immédiatement apporter le changement suivant à ce chapitre: la portée du programme Agri-stabilité doit être élargie afin de couvrir les pertes à partir de 85 % des marges de référence antérieures, sans limites aux marges de référence.
Alors que nous nous préparons en vue du prochain cadre stratégique, la Canadian Canola Growers Association se réjouit à la perspective de collaborer avec le gouvernement pour que les outils de gestion des risques offerts aux agriculteurs soient efficaces et correspondent aux risques de l'agriculture moderne. La Canadian Canola Growers Association demande l'établissement d'un groupe de travail technique industrie-gouvernement qui permettra aux groupes agricoles de participer activement à l'analyse des répercussions et des données sur la gestion des risques de l'entreprise.
Je souligne qu'au cours des trois dernières années, le gouvernement américain a annoncé un soutien de 47 milliards de dollars au secteur agricole, mesure qui s'ajoute à ses lois agricoles et à ses programmes d'assurance récolte habituels. Pour concrétiser notre plein potentiel économique, nous devons rester concurrentiels sur le marché international.
Sur le plan de l'innovation, c'est sur les fondations d'un processus réglementaire fondé sur des données probantes que l'industrie du canola s'est édifiée. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire doit absolument continuer de prendre, en matière de réglementation, des approches fondées sur des données probantes afin d'évaluer le risque que présentent les produits de protection des cultures, en ce qui concerne notamment la décision finale sur l'interdiction proposée des traitements des semences aux néonicotinoïdes, une mesure qui coûterait à l'industrie canadienne du canola de 700 millions à 1 milliard de dollars annuellement.
Dans son rôle d'intendance, la Canadian Canola Growers Association a recueilli, chaque semaine au cours du printemps et de l'été 2019, des données de surveillance de l'eau en collaboration avec des partenaires de l'industrie; ces données ont montré que les cultivateurs de canola réussissent à prévenir efficacement l'infiltration de ces produits dans les terres humides. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire doit continuer de prendre des décisions fondées sur des données probantes quant aux produits de protection des cultures, en tenant compte des meilleurs renseignements disponibles.
Les progrès des nouvelles techniques de sélection végétale constituent une autre innovation importante, comme l'ont d'ailleurs souligné le rapport publié par la Table de stratégie économique en 2018, la Mise à jour économique de l'automne 2018 et la Feuille de route pour l'examen réglementaire dans le secteur de l'agroalimentaire et l'aquaculture de 2019 du Conseil du Trésor. Ces nouveaux outils recèlent le potentiel de créer de nouvelles variétés meilleures pour les agriculteurs, les consommateurs et l'environnement. Il faut disposer d'un régime de réglementation habilitant pour que les travaux de recherche-développement se poursuivent et que les agriculteurs demeurent concurrentiels.
En conclusion, nous sommes enchantés d'avoir l'occasion de témoigner devant le Comité aujourd'hui. La Canadian Canola Growers Association exhorterait le Comité et tous les parlementaires des deux chambres à réfléchir non seulement aux défis que le secteur agricole doit affronter actuellement, mais aussi au soutien dont il a besoin pour faire croître l'économie canadienne une fois passée la crise de la COVID.
:
Nous reprenons maintenant la séance.
Pendant la deuxième heure, nous recevons M. Joël Cormier, président du conseil d’administration, ainsi que M. Jean-Michel Laurin, président et chef de direction, tous deux du Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles.
Nous entendrons aussi les témoignages de M. Rory McAlpine, premier vice-président, Relations avec le gouvernement et l’industrie, des Aliments Maple Leaf, ainsi que ceux de M. Paulin Bouchard, président-directeur général, et M. Denis Frenette, directeur général adjoint, tous deux de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec.
Bienvenue à tous.
Pour commencer, nous entendrons les discours d'ouverture. Le temps de parole alloué à chaque discours est de sept minutes.
Monsieur Cormier ou monsieur Laurin, vous avez la parole. Vous pouvez partager votre temps de parole, si vous le désirez.
:
Monsieur le président, distingués membres du Comité, bonjour.
Je m'appelle Jean-Michel Laurin et je suis président et chef de la direction du Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles, le CCTOV, ou le CPEPC en anglais. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Joël Cormier, qui est aussi vice-président principal, Division poulet, à la coopérative Exceldor.
Merci de nous avoir invités à comparaître devant le Comité pour vous expliquer la réponse de notre industrie à la COVID-19 et les défis que nous devons surmonter. Avant de céder la parole à notre président, M. Cormier, j'aimerais dire quelques mots sur notre association.
Le CCTOV représente des écloseries, des classeurs et des transformateurs d'œufs, des transformateurs de poulet et de dinde ainsi que d'autres transformateurs au Canada. Une fois réunis, nos membres représentent 179 établissements, des petites et des grandes entreprises, dans l'ensemble des provinces.
Nos membres ont deux choses en commun: ils se livrent concurrence dans un marché libre et achètent leurs ressources primaires — du poulet, de la dinde, des œufs, y compris des œufs d'incubation — auprès de producteurs soumis à la gestion de l'offre. Nos membres n'y sont pas assujettis. Dans l'ensemble, ils transforment 90 % de la volaille et des œufs produits par des agriculteurs canadiens. La grande majorité des produits de nos membres sert à nourrir des Canadiens par l'entremise du secteur de la vente au détail et du secteur de la restauration.
J'invite maintenant notre président, M. Cormier, à faire des observations préliminaires au nom de notre association.
:
Je vous remercie, monsieur Laurin.
Monsieur le président et chers députés, je vous remercie de nous permettre de témoigner devant vous aujourd'hui afin de présenter ce que l'industrie a fait en réponse à la crise liée à la COVID-19 et de répondre aux attentes du gouvernement et des Canadiens.
D'entrée de jeu, je tiens à dire, au nom de tous nos membres, que nous prenons très au sérieux notre rôle en tant qu'industrie qui a été désignée comme un service essentiel, tout de suite après les services de santé et de sécurité.
Depuis le début de la crise, deux grands objectifs guident nos actions en tant qu'industrie. Le premier est d'assurer la santé et la sécurité des gens qui travaillent dans nos établissements. Cela n'inclut pas seulement nos employés, mais également l'ensemble des inspecteurs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui doivent être présents en tout temps sur nos lieux d'abattage.
Notre deuxième grand objectif est de continuer à faire fonctionner nos usines pour que les Canadiens puissent continuer à s'approvisionner en œufs, en poulet et en dindon, malgré toutes les perturbations du marché. Les Canadiens comptent sur nous pour s'alimenter et pour nourrir leurs familles, et les producteurs d'œufs et de volaille comptent aussi sur nous pour transformer leur production. Nous prenons ces responsabilités très au sérieux. C'est un double rôle essentiel, soit celui d'assurer un apport constant d'aliments auprès des consommateurs et éviter en même temps un arrêt de la chaîne d'approvisionnement, qui est constituée d'animaux vivants.
[Traduction]
La réponse à la pandémie de COVID-19 et l'atteinte de nos deux objectifs, que je viens tout juste de décrire, comportent leur part de défis. J'aimerais attirer votre attention sur trois de ces défis.
Le premier se rapporte aux coûts importants que nos membres ont dû assumer pour poursuivre leurs activités pendant la crise. Le deuxième est la détérioration rapide des conditions du marché à mesure que la demande et les prix chutent, surtout dans le secteur des services alimentaires. Le troisième est la position intenable et vulnérable dans laquelle nos secteurs se retrouvent compte tenu de la combinaison des deux premiers éléments. C'est pour cette raison que nous avons demandé au gouvernement d'adapter ses mesures pour nous aider à relever ces défis.
Pour en dire un peu plus sur le premier point, le maintien de la sécurité de nos travailleurs pour pouvoir continuer à exploiter nos usines entraîne des coûts considérables pour notre secteur. Pour l'ensemble des membres du CCTOV, juste en mars et en avril, nous parlons d'environ 87 millions de dollars de coûts non prévus, soit un peu plus de 3 000 $ par travailleur. Malgré la prise de ces mesures, certaines usines ont dû mettre fin à des quarts de travail et parfois interrompre entièrement la production pendant plusieurs jours pour assurer la sûreté des milieux de travail.
Pour ce qui est du deuxième point, nous avons dû nous adapter rapidement à une perturbation du marché sans précédent. Nous avons observé une diminution globale de la demande sur le marché, en grande partie à cause d'une baisse importante de la demande de notre secteur des services alimentaires et du secteur institutionnel. Plus du tiers de notre production était destiné à ce secteur. Même si ce marché s'est effondré, nous devions tout de même transformer cette volaille et ces œufs comme avant, car nous avons un produit vivant. Compte tenu de la correction importante du marché, notamment dans le secteur avicole, le prix de gros a lui aussi considérablement chuté depuis le début de la crise.
En ce qui a trait au troisième et dernier point, ce que nous voulons souligner, c'est que cette tempête parfaite crée des vulnérabilités au sein de notre chaîne d'approvisionnement. Dans des circonstances normales, les rentrées de fonds d'une entreprise favorisent l'investissement. Ce n'est actuellement pas le cas. Nous devons faire des investissements importants pour continuer d'exploiter nos entreprises malgré la COVID, mais la baisse de la demande et la détérioration des conditions du marché exercent de fortes pressions sur notre viabilité financière. Par conséquent, et parce que la plupart de nos membres n'ont pas droit aux programmes en place, nous demandons aux gouvernements d'adapter et d'orienter leurs mesures de soutien afin de tenir compte de la réalité unique à laquelle nous faisons face.
Nous entendons dire qu'un montant de 1,6 milliard de dollars est mis à la disposition des producteurs par l'entremise des programmes de gestion des risques de l'entreprise. Dans notre secteur, ce sont surtout nos membres — des écloseries, des usines de classement et des transformateurs — qui subissent les conséquences de la COVID, mais ces programmes ne sont offerts qu'aux producteurs. Nous avons demandé aux deux paliers de gouvernement, provincial et fédéral, d'élargir la portée d'un de ces programmes, Agri-relance, afin que les coûts extraordinaires assumés par les transformateurs soient couverts.
Une autre idée que nous avançons consiste à élargir la portée de la Subvention salariale d'urgence du Canada à l'aide d'une échelle graduelle pour que les transformateurs dont le revenu net a reculé de 15 à 30 % puissent y avoir droit.
Nous avons aussi accueilli favorablement le Fonds d'urgence pour la transformation et le programme d'achats des aliments annoncés il y a quelques semaines, et nous avons formulé des recommandations sur la façon dont ces mesures devraient être appliquées pour aider notre industrie.
Je devrais aussi mentionner qu'on a promis aux transformateurs de volaille et d'œufs un soutien financier pour atténuer les répercussions de l'ACEUM et du PTPGP. Nous demandons plus précisément que ce soutien mette l'accent sur les investissements de capitaux et sur l'octroi de la majorité des quotas d'importation aux transformateurs et aux transformateurs secondaires. Il est plus que jamais essentiel que le gouvernement donne suite à ses engagements.
Pour conclure, nous espérons pouvoir collaborer avec vous pour surmonter les défis décrits aujourd'hui — les coûts supplémentaires, la perte de revenus et la situation financière intenable qui en découle. En collaborant, nous pouvons permettre à notre industrie de revenir à une position viable, et ensuite assurer une présence à long terme dans l'intérêt des consommateurs et des clients.
Merci.
:
Monsieur le président, distingués membres du Comité, merci beaucoup.
[Français]
C'est un grand plaisir de représenter les Aliments Maple Leaf et de présenter notre point de vue sur les effets de la COVID-19 et sur l'avenir.
[Traduction]
Vous avez entendu beaucoup de témoins, et je pourrais évidemment vous expliquer longuement les répercussions de la crise sur notre entreprise et l'ensemble du secteur, et notre expérience directe dans la réponse de l'ensemble de nos partenaires de l'industrie et du gouvernement pour gérer la crise. Je serai heureux de répondre aux questions à ce sujet, et j'ai remis un document plus long qui donne un peu de contexte par rapport à ce que je voulais dire, mais je veux vraiment mettre davantage l'accent sur l'avenir, sur ce qui doit être fait pour que notre secteur se relève et sur certains des processus et des arrangements que nous devrions avoir pour en tirer parti autant que possible, car, comme nous le savons tous — je crois que c'est Winston Churchill qui l'a dit une fois —, on ne doit jamais rater l'occasion qu'offre une crise.
Dans les mois à venir, les Canadiens méritent que nous examinions de très près notre système alimentaire et que nous réfléchissions — c'est d'une importance capitale — à ce qui doit changer sur le plan opérationnel et stratégique pour que nous soyons mieux préparés à l'avenir. Je vous fais part tout de suite de quelques idées.
Premièrement, il faut qu'il y ait au moins un exercice ou apprentissage de leçons inclusif et post mortem fondé sur des données probantes pour examiner la réponse du secteur agricole à la crise dans le cadre de l'enquête nationale qui sera vraisemblablement menée par Sécurité publique Canada. Le gouvernement fédéral doit être disposé à confier l'examen à un ou plusieurs organismes indépendants, comme l'Institut canadien des politiques agroalimentaires ou le Arrell Food Institute, qui y ont à vrai dire tous les deux réfléchi et ont déjà annoncé un processus conjoint pour entreprendre ce genre d'enquête. Les dirigeants du gouvernement, du secteur agricole, de l'ACIA, de Santé Canada, de l'Agence de la santé publique et ainsi de suite devraient recevoir l'instruction de participer pleinement et de façon transparente au processus.
Deuxièmement, il faut demander pourquoi le Canada n'avait pas, pour le secteur agroalimentaire, de plan interorganisationnel de continuité des activités semblable à celui des États-Unis pour les secteurs agricole et agroalimentaire, qui a été mis à jour pour la dernière fois en 2015. De plus, si nous en élaborons un, que sera-t-il fait pour l'exécuter?
À cela devrait s'ajouter un examen sérieux de l'intégration des intérêts industriels fédéraux et provinciaux dans un modèle plus cohérent de gouvernance en cas de crise, qui permet de prendre des décisions éclairées en temps opportun. Nous pourrions nous pencher sur les modèles d'autres pays. Nous devons nous demander si les plans et les structures pour gérer des crises propres au secteur agricole, comme une éclosion de peste porcine africaine, sont à la hauteur, et si, le cas échéant, un groupe qui pourrait s'appeler « Santé animale Canada » pourrait voir le jour en 2020.
Troisièmement, il faut examiner soigneusement ce que la COVID-19 nous a fondamentalement appris sur la résilience du système agroalimentaire canadien et ce que nous devons changer pour mieux gérer les risques futurs et saisir les occasions commerciales à un moment où d'autres industries canadiennes pourraient avoir subi des dommages permanents. À notre avis, il faut surtout se pencher sur les questions suivantes.
Premièrement, il y a la santé économique future de sous-secteurs agroalimentaires canadiens, du moins d'ici à ce qu'il y ait un vaccin. C'est important, car des exploitations agricoles et des entreprises auront fait faillite, les ventes des services alimentaires pourraient demeurer faibles très longtemps, les lieux de travail devront composer avec un taux d'absentéisme élevé, les coûts d'exploitation seront plus élevés puisque des chaînes de production fonctionneront plus lentement, et il faudra hausser les prix, et ainsi de suite. Le milieu universitaire a déjà publié des études utiles à ce sujet.
Deuxièmement, il y a l'avenir des pratiques commerciales mondiales en agroalimentaire et les répercussions sur la stratégie du Canada en matière de commerce et d'investissement dans le domaine. Notre secteur est tributaire du commerce, et c'est donc très important. L'OCDE a déjà commencé à examiner la question, et comme nous dépendons des exportations, le Canada devrait participer pleinement à ce travail. Le Canada doit agir de concert avec d'autres pays aux vues similaires pour repousser le protectionnisme et faire ressortir sa capacité d'exportation comme élément clé d'une production alimentaire durable et de la sécurité alimentaire mondiale. Pour ce faire, nous devons également assainir nos relations avec la Chine.
Troisièmement, en tenant bien compte de la situation financière difficile pour tous les gouvernements du Canada, il faut se pencher sur la conception et la portée des programmes dans le cadre du partenariat fédéral-provincial canadien pour l'agriculture, qui vient à échéance en 2023.
Il faut selon nous un examen approfondi pour s'assurer que le Partenariat atténue bel et bien les risques commerciaux au sein des chaînes d'approvisionnement agroalimentaires, et pas seulement dans le secteur agricole, et qu'il réalise des investissements judicieux ayant trait à la recherche, la durabilité, la santé animale et végétale, le développement des marchés d'exportation, et ainsi de suite. C'est au sein du Partenariat canadien pour l'agriculture que devraient être présentés les engagements visant la modernisation réglementaire, ainsi que les solutions à la crise de la main-d'œuvre.
Par la suite, nous devons songer au modèle de conception, de financement et de gouvernance qui convient à la Politique alimentaire pour le Canada qui a été annoncée l'année dernière. La nécessité d'une politique alimentaire pangouvernementale et concertée saute aux yeux depuis le début de la pandémie. Toutefois, bien des priorités devront probablement être revues, notamment en raison de la nouvelle situation fiscale. Le programme réglementaire de Santé Canada pour le secteur alimentaire doit également être intégré au cadre de la politique alimentaire, et être moins influencé par des militants, selon nous.
Pour terminer, il y a la question de l'insécurité alimentaire au Canada et des mesures qui doivent être prises pour éviter que la situation ne s'aggrave. C'est un sujet dont Aliments Maple Leaf se soucie profondément, et notre Centre d'action de Maple Leaf pour la sécurité alimentaire pourrait apporter son aide dans ce champ d'enquête.
Pour conclure, le secteur agroalimentaire canadien peut grandement contribuer à la relance du Canada qui suivra la COVID-19, peut-être plus que tout autre secteur de l'économie. La pandémie a révélé que le secteur est plus important que jamais, pour de nombreuses raisons sociales, environnementales et économiques, ce dont les Canadiens prennent conscience. Si les conditions sont réunies, le secteur pourrait plus rapidement attirer des investissements et créer des emplois. Il offre des possibilités d'emploi immédiates à des milliers de Canadiens au chômage. Il connaît également une révolution technologique grâce aux TI, ce qui met en valeur une autre grande force du Canada. Dans la foulée de la COVID-19, nous aurons l'occasion de réorienter les modèles d'affaires et la réflexion du gouvernement vers les priorités que sont la résilience, la prévention des risques, la durabilité et la croissance axée sur l'innovation. Lorsque la crise révèle que des structures et des processus décisionnels anciens — que ce soit au sein du gouvernement, ou entre le gouvernement et les joueurs du secteur agroalimentaire — ont empêché la prise de décisions plus éclairées et plus rapides…
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À mon tour, je veux d'abord vous remercier de l'invitation que vous avez lancée à la Fédération des producteurs d'œufs du Québec. Pour ma part, c'est la première fois que j'ai la chance de participer à ce comité et j'en suis très heureux.
Cet après-midi, je vais vous parler des adaptations que notre secteur a dû faire depuis le début de la COVID-19, adaptations qui ont été permises essentiellement grâce à notre système de gestion de l'offre. Heureusement, malgré les nombreux effets de la pandémie, notre système nous a beaucoup aidés, en fin de compte, à en atténuer les répercussions et à contourner les défis que nous avons dû relever dans les dernières semaines.
Je vous présente brièvement notre fédération. Au Québec, nous produisons 1,9 milliard d'œufs annuellement, et 160 producteurs se partagent la production d'environ 6 millions de poules pondeuses. Notre industrie est divisée en deux marchés: le marché qu'on appelle « l'œuf de table », qui concerne les épiceries et la restauration; puis le marché de la transformation, qui représente environ 25 % de nos marchés.
Les intervenants de la filière sont, bien entendu, les producteurs qui produisent ces œufs, les classificateurs qui les lavent et les emballent pour la vente, et nos transformateurs, représentés cet après-midi par M. Laurin et M. Cormier, qui font des produits transformés.
Dans les deux ou trois premières semaines de la crise — vous en avez probablement entendu parler — nous avons dû rapidement opérer un important virage concernant nos marchés. La fermeture des restaurants a fait en sorte que nos classificateurs ont dû rediriger une grande partie de la production vers les épiceries. Vous comprendrez que les emballages ne sont alors pas nécessairement les mêmes. Nous avons dû grandement adapter notre mise en marché. Vous avez entendu parler des tablettes vides en épicerie: nous avons été un petit peu victimes de ce qu'on a appelé « le syndrome du papier de toilette ». En effet, les gens se sont emparés de produits en grande quantité de peur d'en manquer. Quand les rayons se sont vidés, des marchands ont quintuplé leurs commandes. Ils commandaient cinq fois plus d'œufs que la semaine précédente, ce qui a posé un grand défi à nos classificateurs. Nous avons travaillé ensemble, nous avons communiqué et nous avons surmonté cette étape.
Le deuxième événement qui a suivi peu de temps après est le contrecoup subi par les transformateurs quant à la transformation de la viande. Les usines et les abattoirs ont aussi dû faire des adaptations. On nous a annoncé que notre oiseau de réforme, notre poule de réforme en fin de vie, ne pouvait plus passer par les abattoirs traditionnels, car le personnel ne pouvait plus fournir à la demande. Nous avons dû accompagner nos producteurs relativement à l'abattage ou à l'euthanasie à la ferme. La gestion de l'offre nous a permis de répartir ces coûts dans toute l'industrie et de ne pas provoquer de répercussions démesurées sur certains de nos producteurs.
Bonne nouvelle, il y a maintenant un certain retour des choses. Nous pouvons revaloriser ces carcasses par l'intermédiaire des abattoirs existants et en faire du bouillon de poulet. La situation semble donc s'être relativement résorbée.
En dernier lieu, parlons de la troisième adaptation. Au début, le marché de la restauration a diminué énormément, alors que les marchés des œufs de table augmentaient. Le secteur de la transformation était relativement stable. Toutefois, après un mois, nous avons vu presque 70 % du marché de la transformation s'effondrer. Les œufs ne trouvaient plus leur place. Nous ne pouvions plus les envoyer à la transformation lorsqu'ils n'étaient pas requis dans le marché des œufs de table. Pour ne pas faire de gaspillage, nous avons dû faire des dons, qui représentent 84 000 douzaines d'œufs. Nous avons dû nous répartir ces coûts pour pouvoir les donner.
Nous sommes rendus à l'étape où nous devons diminuer la production, soit procéder à des abattages prématurés de troupeaux qui auraient dû être abattus deux semaines plus tard afin de nous permettre de ne pas jeter nos produits ni de produire inutilement. Cela entraîne des coûts, mais tout le secteur peut se répartir ces coûts pour ne pas voir de faillites ou de petites fermes disparaître dans nos régions au profit d'autres plus gros joueurs.
La gestion de l'offre, accompagnée de programmes qui étaient déjà un peu prévus ou qui sont déjà mis sur pied, nous permet de stabiliser le secteur et de prendre l'approvisionnement en charge. Nos prochains défis concernent surtout les importations américaines. Au Canada, nous abattons prématurément environ 2 millions de poules pondeuses. Au Québec, ce sont 400 000 poules pondeuses que nous nous apprêtons à envoyer à la valorisation et à la transformation plus tôt. Nous ne voudrions pas voir en même temps des produits américains arriver sur notre marché, car cela viendrait accentuer le problème à ce moment-ci.
Heureusement, nous avons une bonne communication avec nos importateurs, les classificateurs, et ainsi de suite. Or, nous avons également besoin de l'aide gouvernementale pour assouplir les règles d'importations. Certains assouplissements ont été faits par l'Agence canadienne d'inspection des aliments au sujet de l'identification sur les emballages, ce qui est un bon point. Cela a été bien reçu. C'est heureux. Nous aurions souhaité que l'Agence aille un petit peu plus loin pour nous donner plus de souplesse en ce qui a trait aux calibres. Nous souhaiterions qu'Affaires mondiales Canada collabore avec les producteurs, les importateurs, les classificateurs et les transformateurs sur le plan de la gestion des importations.
Présentement, on nous dit que les règles du commerce exigent les importations. Nous voudrions une meilleure collaboration et de meilleures tables de concertation pour diminuer les répercussions. Nous ne sommes pas contre le commerce. Nous ne voulons pas créer de guerre entre les États-Unis et le Canada. Nous voulons simplement que l'industrie, les producteurs et le gouvernement se donnent les meilleures procédures possible pour atténuer les répercussions.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins.
Monsieur McAlpine, certaines de mes questions portent sur la mise en commun des pratiques, exactement comme vous l'avez dit, et d'autres ont trait aux mesures que vous avez prises pour protéger vos employés. Vous avez déjà abordé ce sujet. Je vous remercie également de toutes les idées que vous avez pour la suite des choses.
Nous sommes en train de planifier les prochaines étapes tandis que nous traversons la crise. Comme vous l'avez dit, les occasions à saisir sont formidables, mais nous sommes également en train de stabiliser la situation en ce moment.
Ce matin, j'ai vu une vidéo sur les médias sociaux — j'aimerais bien en discuter — dans laquelle votre entreprise, Maple Leaf, parle de diversité, d'inclusion et de santé mentale. La question me touche, car nous avons un couvoir dans ma circonscription de Kitchener-Conestoga. C'est donc une source de préoccupation. Je suis heureux de voir que vous prenez des mesures positives.
Je vous saurais gré de nous donner des précisions sur la diversité, l'inclusion et la santé mentale, lorsqu'il est question d'assurer la sécurité des travailleurs.
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Je vous remercie de votre question, monsieur Perron.
Effectivement, les entreprises membres du Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles ne sont pas admissibles à la Subvention salariale d'urgence du Canada. Cela s'explique par le fait que nos ventes n'ont pas assez diminué puisque l'approvisionnement en œufs et en volailles a toujours été présent, alors que les marchés ont disparu. Les marchés se sont effondrés, mais nous avons dû tout de même vendre notre production. Les prix ont fait en sorte que nous n'avons pas pu réduire nos ventes assez pour que nous soyons admissibles à la Subvention. Pour cela, il aurait fallu diminuer notre production de 30 % dès le premier jour de la fermeture des restaurants. Nous aurions donc cessé de transformer 30 % des œufs, des dindons et des poulets. Nous aurions alors été admissibles à la Subvention, mais cela aurait donné lieu à des euthanasies massives à la ferme.
En fait, s'il n'y a pas eu d'euthanasies massives dans les fermes au Canada, c'est parce que les transformateurs ont maintenu leur production même s'il n'existait plus de marché. Nous sommes donc venus subventionner, en quelque sorte, ce que d'autres auraient subventionné dans cette situation. C'est pour cela qu'aujourd'hui, nous disons que c'est important. Nous avons assumé notre rôle essentiel qui, comme je le disais dans ma présentation, est double. Nous devons approvisionner les Canadiens en aliments, mais également nous assurer que la chaîne d'approvisionnement ne s'arrête pas. Nous avons rempli ce mandat qui nous a été donné, mais, aujourd'hui, nous sommes tout seuls.
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C'est une excellente question.
Comme nous l'avons dit, la première chose qui nous importe en tant qu'organisation, c'est la sécurité des travailleurs, c'est-à-dire de tous nos membres. Comme M. McAlpine l'a dit, il y aura beaucoup d'échanges d'information entre tous les membres sur les mesures qu'ils ont prises pour améliorer les choses.
Au départ, nos employés étaient inquiets. Ils étaient nerveux et effrayés. Nous avons également constaté un fort absentéisme. En raison de certains des programmes qui ont été créés, une partie de l'absentéisme dans nos usines a été causé par le fait que les gens pensaient pouvoir rester chez eux et être payés, ce pour quoi certains ont décidé de démissionner. Ils ont toutefois pris conscience que ce n'était pas la chose à faire.
En ce moment, grâce au dépistage qui est effectué avant l'entrée des employés dans les usines, de même qu'à toutes les mesures qui ont été mises en place, je dirais que les gens se sentent en sécurité la plupart du temps. Si vous regardez le nombre de personnes qui travaillent dans nos usines de transformation de volaille au pays, vous constaterez que tous nos membres ont très bien réussi à garantir la sécurité, ce que les employés ressentent.
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Merci, monsieur McAlpine. Monsieur MacGregor, je vous remercie. C'est malheureusement tout le temps dont nous disposions aujourd'hui.
[Français]
J'aimerais remercier le Conseil canadien des transformateurs d'œufs et de volailles, représenté par M. Joël Cormier, président du conseil d'administration, et M. Jean-Michel Laurin, président et chef de la direction.
Je remercie aussi M. Rory McAlpine, premier vice-président des Aliments Maple Leaf, ainsi que M. Paulin Bouchard, président-directeur général, et M. Denis Frenette, directeur général adjoint, tous deux de la Fédération des producteurs d'œufs du Québec.
Je vous remercie d'être tous venus nous parler de vos expériences relativement au monde nouveau dans lequel nous vivons.
[Traduction]
J'aimerais maintenant aviser les membres du Comité que notre prochaine réunion aura lieu mercredi prochain et sera réservée aux travaux du Comité. Nous avons besoin de prendre ce temps pour donner des directives au greffier sur ce que nous voulons faire dans le cadre du nouveau mandat qui nous permet de poursuivre nos travaux jusqu'à la fin de la session parlementaire et plus tard, si nous en décidons ainsi. La prochaine réunion portera donc là-dessus.
Je vous encourage tous à commencer à réfléchir à vos listes de témoins…