:
Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous et bienvenue à la 10e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 11 avril, le Comité se réunit pour discuter des fonctions parlementaires dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.
Avant de commencer, je tiens à informer les membres que, conformément à cet ordre de renvoi, le Comité se réunit pour deux raisons: c'est, en premier lieu, pour entreprendre une étude et recueillir des témoignages au sujet de questions concernant l'exécution des fonctions parlementaires dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 et, en deuxième lieu, pour préparer et présenter un rapport à la Chambre des communes d'ici le 15 mai. L'ordre de renvoi indique en outre que seules les motions nécessaires pour dresser la liste des témoins et adopter le rapport sont recevables.
La séance d'aujourd'hui se tient par vidéoconférence, et les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que la diffusion montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Pour faciliter le travail des interprètes et pour assurer le bon déroulement de la séance, je voudrais formuler quelques règles à suivre.
L'interprétation de la présente vidéoconférence s'apparentera à celle d'une séance ordinaire. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre « parquet », « anglais » et « français ». Vous pouvez maintenant choisir votre langue de préférence, si ce n'est déjà fait.
Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Quand vous êtes prêt à parler, vous pouvez soit cliquer sur l'icône de microphone pour activer votre micro, soit maintenir la barre d'espacement enfoncée pendant que vous parlez. Quand vous relâcherez la barre, votre micro se désactivera comme un émetteur-récepteur portatif. C'est une fonction pratique pour les brèves interventions. Cependant, si vous ne parlez pas pendant une longue période, je vous recommande d'utiliser la fonction standard de désactivation.
Je vous rappelle que toutes les interventions des membres et des témoins devraient s'adresser à la présidence. Si un membre doit demander la parole en dehors de la période qui lui est réservée, il devrait activer son micro et indiquer qu'il invoque le Règlement. Si un membre souhaite intervenir au cours d'un rappel au Règlement d'un autre membre, il devrait utiliser la fonction permettant de lever la main, qui signalera à la présidence qu'il souhaite prendre la parole.
Pour lever la main, vous devrez cliquer sur « participants » au bas de votre écran. Quand la liste apparaît, vous verrez, près de votre nom, que vous pouvez cliquer sur une icône pour lever la main. Pour certains, cette icône se trouvera au bas de la liste des participants. Il se situe soit à côté de votre nom, soit en bas de la liste. Levez la main, et vous pourrez voir que votre main est levée à côté de votre nom. Ma liste se formera en ordre de priorité; je pense donc que cela fonctionnera fort bien. Même si je ne vois pas la main levée en temps réel, je pourrai voir qui a levé la main en premier.
Quand vous parlez, articulez lentement et clairement. Quand vous ne parlez pas, votre micro devrait être désactivé.
L'utilisation de casques d'écoute est fortement encouragée, car ce dispositif amplifie la voix et rend les propos bien plus clairs et intelligibles. S'il y a du bruit ambiant là où vous vous trouvez, il est moins probable qu'il soit capté par le casque d'écoute.
En cas de problèmes techniques — au chapitre de l'interprétation, par exemple — ou si vous êtes accidentellement déconnecté, veuillez en aviser immédiatement la présidence, et l'équipe technique s'emploiera à résoudre le problème. Sachez que nous pourrions alors devoir suspendre la séance pour que tous les membres du Comité puissent participer pleinement à la rencontre.
Avant de commencer, je demanderais à tous de cliquer sur le coin supérieur droit de leur écran pour s'assurer qu'ils ont bien une vue intégrale. Avec cette fonction, vous devriez pouvoir voir tous les participants dans un format quadrillé. Nous serons sûrs que tous les participants peuvent se voir les uns les autres. C'est la seule vue qui nous donne une impression réaliste d'être dans une salle de réunion.
Au cours de la séance, nous suivrons les règles qui s'appliquent habituellement aux exposés et à l'interrogatoire des témoins pendant une séance ordinaire. Chaque témoin disposera de 10 minutes pour faire un exposé, après quoi les membres lui poseront des questions comme d'habitude. Je voudrais remercier les témoins d'aujourd'hui de nous avoir transmis leurs exposés à l'avance.
Comme nous le ferions dans une séance ordinaire, nous suspendrons nos travaux entre les groupes de témoins pour permettre au premier groupe de partir et au groupe suivant de se joindre à la séance.
Je voudrais maintenant accueillir nos témoins.
:
Je vous remercie, madame la présidente. C'est un honneur que d'être ici ce matin.
Je tiens à saluer tous les membres du Comité et à les remercier de leur invitation.
[Français]
Bonjour tout le monde. Je suis heureux d'être ici.
[Traduction]
Le mandat qui a été confié à votre comité après l’adoption de la motion par la Chambre, le 11 avril, est aussi important qu’il sera difficile. Plus précisément, il vous a été demandé d’entreprendre une étude sur la façon dont les députés peuvent exercer leurs fonctions parlementaires alors que la Chambre est ajournée pour des raisons de santé publique reliées à la pandémie de la COVID-19, y compris des modifications temporaires à certaines procédures, des séances en différents lieux et des solutions technologiques, dont l’idée d’un Parlement virtuel.
[Français]
La Chambre des communes et ses députés jouent un rôle essentiel, à la fois pour adopter les lois et pour demander des comptes au gouvernement. Vu l'importance de ce rôle, qui n'est ni plus ni moins que la pierre angulaire de notre démocratie, la collaboration entre les députés et les partis permet aux parlementaires de continuer à exercer leurs fonctions et à représenter les Canadiens durant la pandémie.
Pour tout dire, depuis son ajournement le 13 mars en raison de la pandémie de la COVID-19, la Chambre a été rappelée à deux reprises et a siégé hier pour pallier les effets d'une situation tout à fait inédite. En outre, la Chambre a autorisé certains comités permanents à se réunir virtuellement afin, d'une part, que les Canadiens obtiennent l'information dont ils ont besoin, et, d'autre part, que l'exécutif continue à rendre compte de ses décisions.
[Traduction]
Comme la crise actuelle persiste et que nous en constatons les terribles conséquences sur le gagne-pain et la vie des Canadiens, les députés sont appelés à jouer leur rôle tout en s’adaptant aux contraintes actuelles et en trouvant de nouvelles façons d’exercer leurs fonctions parlementaires. Plusieurs comités permanents ont tenu des séances publiques par téléconférence ou vidéoconférence. La Chambre, pour sa part, s’est réunie à quelques reprises, mais afin de respecter les consignes de santé publique et d’éviter les déplacements inutiles, seul un petit nombre de députés ont été convoqués.
Certes, cette solution a permis d’avaliser les mesures de soutien destinées aux Canadiens et d’octroyer au gouvernement les pouvoirs nécessaires pour s’adapter à la pandémie. En revanche, elle est loin d’être idéale, car elle empêche l’ensemble des députés de représenter pleinement les Canadiens.
En ma qualité de Président et à titre de député, je suis tout à fait conscient des répercussions de la pandémie sur chacun des députés et des obstacles qui nous empêchent d’exercer nos fonctions comme nous le voudrions.
Comme il fallait s’y attendre, d’autres partagent ces préoccupations, et c’est pourquoi vous avez reçu le mandat d’étudier la possibilité pour la Chambre de siéger virtuellement ou en d’autres lieux. Le nouveau Comité spécial sur la pandémie de la COVID-19, créé hier, sera un autre mécanisme pour assurer le maintien du contrôle parlementaire.
[Français]
Si je fais ainsi la liste des avenues que nous explorons actuellement, c'est parce que, malgré la situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons, je demeure persuadé que la Chambre saura s'adapter et se montrer à la hauteur des défis qui l'attendent. Nous devons cependant garder à l'esprit que, si jamais les députés devaient participer à distance aux séances de la Chambre ou si la Chambre devait siéger de manière entièrement virtuelle, il serait impossible de respecter la totalité des usages et des traditions que les Canadiens ont l'habitude de voir quand ils suivent les délibérations de la Chambre.
Voilà pourquoi je vous invite à tenir compte des principes suivants, en plus de tous ceux que le Comité jugera bon d'établir, pour guider votre réflexion en ce qui concerne les différentes options qui permettront à la Chambre de s'adapter à la pandémie de la COVID-19.
[Traduction]
Premièrement, le modèle retenu devra respecter les droits, les immunités et les privilèges de la Chambre et des députés.
Deuxièmement, les députés doivent avoir accès à l’interprétation simultanée, en français et en anglais. Les mécanismes permettant l’interprétation des travaux en langues autochtones doivent eux aussi être maintenus.
Troisièmement, tous les députés doivent pouvoir participer aux travaux; toutefois, ne perdons pas de vue que la connectivité Internet peut varier d’une circonscription à l’autre. Étant donné que la gamme des services offerts varie d’une région à l’autre et que les capacités et les besoins de chacun en matière de sécurité peuvent différer, il sera important que chaque député prenne le temps de travailler avec l’Administration de la Chambre pour parvenir au meilleur résultat possible.
Quatrièmement, toute modification aux règles et aux usages de la Chambre ne devrait, à aucun moment, compromettre la validité juridique de ses délibérations. Le greffier, ainsi que le légiste et conseiller parlementaire sont vos prochains témoins. Ils pourront conseiller le Comité, notamment quant à l’interprétation de l’article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui porte sur le quorum.
Cinquièmement, la solution retenue devra limiter les modifications aux règles et aux usages de la Chambre à ce qui est temporairement indispensable à sa mise en œuvre. Il faudra sans doute adapter les règles et les usages de la Chambre. On imaginerait difficilement, par exemple, de demander aux députés qui siègent à distance de se lever pour demander la parole. D’autres usages de longue date qui assurent la dignité des délibérations de la Chambre — comme le fait de s’adresser à la Chambre par l’intermédiaire de la présidence, de débattre de manière respectueuse et de porter une tenue professionnelle si l’on veut intervenir — peuvent et doivent continuer de guider les travaux de la Chambre, même si ceux-ci se font par des moyens virtuels. J’ai visionné quelques séances de comité se déroulant par vidéoconférence, notamment celle de ce matin, et je n’ai pas pu m’empêcher de constater que certains députés avaient — comment dire — tendance à déroger quelque peu au code vestimentaire.
Sixièmement, toute vidéo des délibérations de la Chambre doit être accessible, comporter un sous-titrage en français et en anglais, être diffusée en direct et sur demande par l’entremise de ParlVU, et continuer d’être transmise aux médias en vue de sa rediffusion, ainsi qu’à CPAC afin d’être retransmise aux téléspectateurs de toutes les régions du Canada.
[Français]
Outre ces grands principes directeurs, le Comité voudra peut-être également tenir compte d'autres facteurs susceptibles d'assurer le succès des éventuelles séances virtuelles qui se tiendront d'ici la fin de la pandémie.
Avant d'aller plus loin, je tiens à saluer le travail des employés de l'Administration de la Chambre, qui ont accompli de grandes choses en très peu de temps. L'organisation des récentes séances de comités virtuels et par vidéoconférence est une entreprise d'une ampleur qui sortait nettement du cadre de leurs tâches habituelles. Or, malgré les défis considérables que posent les consignes sur l'éloignement physique et diverses autres inquiétudes et angoisses, ils ont été à pied d’œuvre pour que ces séances de grande importance puissent avoir lieu rapidement et se dérouler efficacement.
[Traduction]
À l’heure actuelle, même en fonctionnant avec un effectif réduit en raison de la pandémie, l’Administration de la Chambre et ses partenaires ont le souci d’assurer tout le soutien opérationnel dont la Chambre, les comités et les députés ont besoin sur place, sans compromettre la santé et la sécurité des employés dont le dévouement rend notre travail parlementaire possible. J’estime que nous, les députés, devons prendre acte de la réalité qui est désormais la nôtre; il n'est pas possible de tout faire pendant la pandémie.
Je dis cela alors même que le nombre de comités permanents autorisés à siéger augmente. La capacité de l’administration et de ses partenaires n’est pas infinie; les comités ne pourront pas tous se réunir en même temps si la Chambre siège de façon virtuelle au même moment. Il faudra établir des priorités. Voilà pourquoi j’ai demandé à l’administration de remettre aux whips un calendrier hebdomadaire qui tient compte des contraintes actuelles; ils pourront ainsi décider de ce qu'ils veulent faire. L'administration fournira un solide soutien aux députés sous la forme de formation, de lignes directrices, de mises à l’essai et de soutien avant, pendant et après leurs interventions lors des séances virtuelles. Je vous demande simplement d’être disponibles, de vous montrer patients et de laisser aux gens le temps de résoudre les difficultés qui ne manqueront pas de ponctuer l’aventure inédite des séances virtuelles.
En outre, au cours de nos délibérations, je vous invite à prendre connaissance de la réponse que j’ai envoyée le 8 avril au . Ce dernier m’a écrit le 5 avril pour me demander conseil sur l’organisation de séances virtuelles pour la Chambre des communes. Comme je l’ai indiqué dans ma réponse, j’ai demandé à l’administration de proposer une solution qui permettrait à la Chambre de commencer les séances virtuelles d’ici quatre semaines. À cette fin, l’administration a fait appel aux spécialistes des Services numériques et Biens immobiliers, et des Services de la procédure, ainsi qu’à ses partenaires des secteurs public et privé. Leur objectif est de permettre à la Chambre de se réunir de manière virtuelle. En outre, l’administration continue de consulter d’autres Parlements afin de s’inspirer des solutions technologiques qu’ils ont mises en œuvre depuis le début de la pandémie, ainsi que ses partenaires nationaux et internationaux en matière de sécurité et divers spécialistes de la collaboration virtuelle.
[Français]
Pendant que vous évaluerez les différentes avenues possibles, qui vont d'un changement de lieu à des séances entièrement virtuelles, en passant par une formule hybride, les députés que nous sommes devront garder en tête que, quelle que soit la solution retenue, elle devra permettre aux délibérations de la Chambre de se dérouler avec intégrité et dans la dignité, c'est-à-dire conformément à l'image que se font les députés et les Canadiens de leur Parlement. Nous avons, de plus, la responsabilité de respecter l'ordre et le décorum.
[Traduction]
Pour avoir vu de mes yeux, ces dernières années, l'ampleur du soutien opérationnel nécessaire sur place avant, pendant et après les séances de la Chambre, je peux seulement imaginer le temps qu'il faudra, et les obstacles que nous devrons surmonter, avant que nous puissions recommencer à exercer nos fonctions parlementaires, si jamais nous choisissions de tenir les séances de la Chambre à l'extérieur de la capitale nationale.
[Français]
L'avenue des séances entièrement virtuelles constituerait, elle aussi, un changement de cap radical qui multiplierait les obstacles à surmonter, qu'ils soient d'ordre pratique, procédural ou technique. Pour que les normes d'accessibilité soient toujours respectées, quel que soit le format des séances, nous devrons pouvoir compter sur les mêmes espaces physiques, la même infrastructure technologique et les mêmes ressources humaines utilisés pour les rencontres qui se déroulent en personne sur la Colline du Parlement.
[Traduction]
La manière dont la Chambre a introduit les séances de comité virtuelles illustre très bien les avantages qu'il y a à procéder graduellement pour offrir de nouvelles solutions afin d'appuyer les travaux parlementaires. Si nous procédons de la même façon pour les séances de la Chambre, l'administration sera en mesure d'offrir les meilleurs services possible à l'ensemble des députés et de faire le nécessaire pour que chacun connaisse bien les outils et les processus de participation à distance et puissent en tirer le meilleur parti.
À l'heure actuelle, la majorité des 338 députés se trouvent dans des lieux différents, loin les uns des autres; elle est là, la plus grande difficulté. Si nous procédons de manière graduelle, il y aurait donc sans doute lieu de commencer par les délibérations qui se prêtent le mieux à ce genre d'exercice, comme les déclarations des députés et des ministres, comme d'autres l'ont dit avant moi. La Chambre pourra ensuite s'inspirer de cette première expérience pour intégrer graduellement le reste des délibérations aux séances virtuelles et, ainsi, se rapprocher de plus en plus d'une séance typique en personne et favoriser pleinement la participation des députés.
Qui sait, si la Chambre donne son accord et qu'on trouve un procédé technologique à toute épreuve, peut-être verra-t-on le jour où les votes pourront eux aussi se tenir à distance. Tout ce que vous jugerez bon de communiquer à l'Administration de la Chambre concernant les options que vous estimez être les mieux à même de répondre aux besoins de la Chambre nous aidera à mieux établir nos priorités. Pour aider le Comité, nous avons demandé à un certain nombre de représentants de l'Administration de la Chambre, en collaboration avec nos partenaires, de se tenir à votre disposition si vous avez besoin de soutien ou de conseils quant à vos besoins.
Pour résumer, nous souhaitons procéder aussi rapidement que possible, tout en gardant à l'esprit les principes et les enjeux que je vous ai exposés aujourd'hui et dont, je l'espère, le Comité tiendra compte. Plus vous pourrez nous indiquer rapidement l'option que vous préconisez, plus les employés pourront trouver rapidement et efficacement une solution qui convient à la fois aux députés et aux Canadiens que nous servons.
Sur ce, le greffier et moi répondrons avec plaisir à toutes vos questions.
[Français]
Merci beaucoup.
:
Avant de commencer, je profite de l'occasion pour remercier le personnel des TI et de l'Administration de la Chambre pour tout le travail qu'ils ont accompli afin de nous fournir les outils nécessaires à la tenue de cette réunion virtuelle. Ils travaillent très fort, et je tiens à reconnaître leurs efforts.
Je voudrais également prendre un instant, si vous me le permettez, pour présenter mes sincères condoléances à nos amis de la Nouvelle-Écosse. Ils traversent une situation impensable, et je tiens à leur exprimer la profonde tristesse et la douleur que je ressens aujourd'hui. En tant que Canadiens, nous sommes tous des Néo-Écossais en ce moment, et nous partageons leur chagrin en ces temps extrêmement difficiles. Je me devais de le dire.
Notre mandat, à titre de membres du comité de la procédure et des affaires de la Chambre, consiste à examiner l'incidence de la pandémie de COVID-19 sur nos fonctions parlementaires. Je tiens à soulever certains points aux fins du compte rendu.
Nous savons que la COVID-19 est une grave menace à la santé publique et, à voir les chiffres, la situation évolue de jour en jour. Le risque varie d'une collectivité à l'autre, mais étant donné le nombre de cas au Canada, nous sommes tout à fait conscients qu'il demeure élevé pour nous tous. Concernant la transmission, nous savons qu'elle se fait de personne à personne, dans la plupart des cas, mais par l'échange de gouttelettes, pour ainsi dire. Les gouttelettes peuvent être projetées jusqu'à deux mètres environ, d'où la consigne de maintenir une distance de six pieds entre chacun.
Nous savons également que ce virus peut survivre sur diverses surfaces pour une durée variable allant jusqu'à trois jours, selon les conditions et d'autres facteurs. Nous savons que ce virus a une période d'incubation de 1 à 14 jours, pendant laquelle la transmission par des personnes asymptomatiques ou présentant des symptômes légers est possible. Je pense que tout le monde le sait, mais les meilleures façons de prévenir la transmission de la COVID-19 sont les suivantes: rester chez soi, maintenir une distance sécuritaire, se laver souvent les mains, se couvrir la bouche lorsqu'on tousse et limiter les déplacements. Les experts en santé publique et les chercheurs continuent d'étudier les risques encourus, et leurs recherches s'appuient sur les meilleures données disponibles, scientifiques ou autres.
Le Canada a entrepris la lutte contre la COVID-19, mais je pense qu'il convient de reconnaître que nous sommes loin d'être au bout de nos peines et qu'il faut absolument garder le pied sur l'accélérateur pour combattre ce virus. Je pense aussi que nous sommes tous conscients que nous essayons toutes sortes de technologies et des procédures pour nous acquitter de nos fonctions parlementaires pendant cette pandémie.
On a demandé aux membres du comité de la procédure et des affaires de la Chambre d'étudier des modifications temporaires faisant appel à la technologie, notamment un parlement virtuel, pour que tous les députés puissent s'acquitter de leurs fonctions parlementaires. Je précise qu'on parle de l'ensemble des députés et non seulement de ceux qui habitent près d'Ottawa, la capitale du pays.
Ma première question s'adresse au Président de la Chambre.
Monsieur le Président, je sais que vous êtes le président du Bureau de régie interne. Je me demande si vous pourriez informer les membres du Comité et les Canadiens des restrictions mises en place en raison de la COVID-19 et de leur raison d'être. Les partis ont-ils tous accepté ces restrictions?
:
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de votre invitation à comparaître aujourd'hui dans le cadre de votre importante étude sur les façons dont les députés peuvent exercer leurs fonctions parlementaires durant la pandémie de COVID-19, y compris via la tenue de séances en différents lieux et le recours à des solutions technologiques incluant le concept d'un parlement virtuel.
En ma qualité de légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, j'ai le plaisir d'être ici aujourd'hui pour aborder certaines des considérations juridiques et constitutionnelles qui sont soulevées dans ce contexte. J'espère que mes conseils aideront le Comité dans son travail.
Comme le greffier l'a souligné, l'article 48 de la Loi constitutionnelle, qui précise qu'un quorum de 20 députés est requis pour que la Chambre puisse se réunir et exercer ses pouvoirs, est particulièrement utile pour cette étude.
[Français]
Mon intervention aujourd'hui portera sur l'article 48 et sur son incidence en ce qui a trait à un Parlement virtuel.
D'entrée de jeu, je tiens à signaler que l'article 48 ne s'applique qu'aux séances de la Chambre pour l'exercice des pouvoirs de celle-ci. Cet article ne s'applique donc pas aux comités de la Chambre comme le vôtre ou au nouveau comité sur la COVID-19.
Je ferai trois observations générales concernant l'application de l'article 48 aux travaux de la Chambre.
[Traduction]
Premièrement, les tribunaux ont reconnu l'autonomie et la compétence exclusive du Parlement pour ce qui est de ses travaux, ce qui comprend le Règlement, les ordres sessionnels et les décisions de la présidence. Étant donné la séparation des pouvoirs, les tribunaux seront très réticents à intervenir en ce qui concerne la procédure et les usages parlementaires.
Deuxièmement, les tribunaux ont décidé qu'ils n'interviendront pas dans le processus qui mène à l'adoption des lois, mais qu'ils seront prêts à examiner les lois adoptées pour s'assurer qu'elles sont constitutionnelles.
Troisièmement, les tribunaux ont soutenu que la Constitution est un arbre vivant et qu'elle doit être capable d'évoluer au moyen d'une interprétation progressiste qui respecte les limites naturelles du texte et qui s'adapte aux réalités de la vie moderne.
Bien que les tribunaux ne se soient pas encore prononcés sur la question, je suis d'avis que la Chambre agirait de façon constitutionnelle si elle décidait de modifier son Règlement afin d'accepter la présence virtuelle des députés aux fins du quorum. En effet, cette décision relèverait de la compétence exclusive de la Chambre pour ce qui est de la gestion de ses procédures parlementaires internes et respecterait les exigences de l'article 48 selon une interprétation moderne et contextuelle du mot « présence ».
[Français]
Cela dit, si la Chambre souhaite éliminer ne serait-ce que la possibilité que se tienne un débat juridique sur la question, elle pourrait décider de procéder aux votes sur l'adoption des lois lorsque au moins 20 députés sont physiquement présents.
Enfin, le Parlement pourrait aussi modifier l'article 48 de manière à indiquer qu'il est entendu que la présence virtuelle est considérée comme une présence pour l'application de l'article 48.
[Traduction]
Mon premier point porte sur le privilège parlementaire, c'est-à-dire la somme des privilèges, immunités et pouvoirs dont jouissent le Sénat, la Chambre des communes et les assemblées législatives provinciales ainsi que les membres de chaque Chambre individuellement, sans lesquels ils ne pourraient s'acquitter de leurs fonctions.
Les tribunaux au Canada, au Royaume-Uni et dans le Commonwealth ont constamment statué que le privilège parlementaire fait partie de la loi, a un statut constitutionnel et comprend le contrôle qu'exercent les chambres du Parlement sur les débats ou travaux du Parlement, tel que garanti par le Bill of Rights de 1689, y compris la procédure quotidienne de la Chambre.
[Français]
Dans la décision rendue récemment dans l'affaire Mikisew Cree First Nation c. Canada, les juges majoritaires de la Cour suprême ont conclu que le processus législatif était largement hors de la portée d'une intervention judiciaire, que c'était au Parlement et non aux tribunaux qu'il revenait de déterminer si l'exercice de ce privilège était nécessaire ou approprié dans un cas particulier et que l'existence de ce privilège empêchait par ailleurs généralement les tribunaux d'assujettir le processus parlementaire à des contraintes procédurales.
Par conséquent, les procédures internes et les règles de la Chambre énoncées dans le Règlement, les ordres sessionnels ou spéciaux ou les décisions de la présidence sont protégés par le privilège parlementaire et ne peuvent être remis en question par les tribunaux ou à l'extérieur du Parlement. Même si les tribunaux ne se pencheront pas sur la procédure parlementaire, ils examineront les lois adoptées pour s'assurer qu'elles sont conformes aux exigences de la Constitution, qu'il s'agisse de la Charte, de la répartition des compétences ou des modalités de la forme requise telle que les exigences en matière de langues officielles prévues à l'article 133, qui ont fait en sorte que des lois ont été déclarées invalides dans le renvoi concernant les droits linguistiques au Manitoba. Dans l'affaire Mikisew Cree, un des juges a d'ailleurs indiqué que l'article 48 pourrait être une autre disposition de ce genre.
[Traduction]
Dans le contexte actuel, il s'agit de déterminer si l'article 48 permettrait à la Chambre d'accepter une présence virtuelle comme étant une présence aux fins du quorum lorsque la Chambre vote sur les projets de loi.
À mon avis, un argument solide en faveur de cette interprétation pourrait être étayé sur la base des considérations suivantes. Selon un principe reconnu en droit constitutionnel canadien, il ne faut pas considérer la Constitution du Canada comme un texte statique, mais comme un instrument capable d'évoluer au moyen d'une interprétation progressiste respectant les limites naturelles du texte et s'adaptant aux réalités de la vie moderne.
Autrement dit, comme on l'a décidé dans la célèbre affaire « personne », les dispositions de la Constitution doivent être interprétées avec souplesse en tenant compte du contexte contemporain. Ces dispositions ont été comparées à un arbre susceptible de croître et de se développer à l'intérieur de ses limites naturelles et leur portée n'est pas restreinte par une interprétation étroite et littérale.
En plus de l'analogie de l'arbre susceptible de croître, la Cour suprême a aussi souligné que la Constitution doit être interprétée selon son architecture interne et les principes qui la sous-tendent.
[Français]
Dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême a notamment affirmé ceci:
La démocratie est une valeur fondamentale de notre culture juridique et politique.
Elle a aussi ajouté ceci:
Le principe de la démocratie a toujours inspiré l'aménagement de notre structure constitutionnelle, et demeure aujourd'hui une considération interprétative essentielle.
Le Président y a d'ailleurs fait référence en tant que pierre angulaire de la démocratie.
Dans la cause Chagnon, la Cour suprême a rappelé le rôle constitutionnel fondamental des corps législatifs et de leurs membres...
[Français]
Dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême a notamment affirmé ceci:
La démocratie est une valeur fondamentale de notre culture juridique et politique.
Elle a aussi ajouté ceci:
Le principe de la démocratie a toujours inspiré l'aménagement de notre structure constitutionnelle, et demeure aujourd'hui une considération interprétative essentielle.
Le Président y a d'ailleurs fait référence en tant que pierre angulaire de la démocratie.
Dans la cause Chagnon, la Cour suprême a rappelé le rôle constitutionnel fondamental des corps législatifs et de leurs membres, soit adopter des lois et agir comme contrepoids au pouvoir exécutif. Par conséquent, pour interpréter toute mesure proposée, les tribunaux examineraient si la mesure en question favorise ou fait obstacle aux fonctions fondamentales de la Chambre, à savoir délibérer, légiférer et exiger des comptes du gouvernement.
[Traduction]
À mon avis, si la Chambre des communes devait modifier son Règlement afin de permettre la présence virtuelle des députés, l'article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui exige la présence de 20 députés pour qu'il y ait quorum serait entièrement respecté.
L'article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867 pourrait être interprété en appliquant l'approche dynamique de « l'arbre vivant » pour compter les députés « présents » par vidéoconférence ou téléconférence aux fins du quorum. Une telle interprétation serait également conforme au principe démocratique et à l'architecture interne de la Constitution, et elle permettrait au pouvoir législatif de continuer à exercer ses fonctions fondamentales en pleine pandémie.
[Français]
La façon dont la Chambre calcule le quorum de 20 députés prévu par la Constitution s'inscrit dans le cadre d'un privilège parlementaire déjà établi concernant les débats ou travaux du Parlement, y compris la procédure quotidienne de la Chambre. Une fois qu'un privilège est établi, il revient au Parlement, et non aux tribunaux, de décider si, dans un cas donné, l'exercice du privilège est nécessaire ou approprié.
En appliquant ces principes à l'article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867, les tribunaux pourraient garantir que le quorum de 20 députés prévu par la Constitution pour que la Chambre puisse exercer ses pouvoirs est respecté, tout en laissant à la Chambre la compétence exclusive des aspects procéduraux du quorum, comme la nature de la présence d'un député ou d'une députée pour obtenir le quorum.
Selon cette approche, le Règlement ou les ordres sessionnels de la Chambre préciseraient explicitement que la Chambre, aux fins du contrôle de ses procédures et du déroulement de ses travaux, adopte et met en place des procédures internes pour appliquer l'article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867.
[Traduction]
Il est néanmoins possible qu'un tribunal soit en désaccord avec cette interprétation. Dans un tel cas, la conséquence la plus grave serait qu'un tribunal conclut que le quorum prévu n'est pas respecté en raison des présences virtuelles, et que les mesures adoptées lors de la séance contestée pourraient être invalidées.
Afin d'atténuer ce risque, la Chambre pourrait veiller à ce que 20 députés soient physiquement présents à la Chambre pour les votes sur les projets de loi ou les motions de fond. Enfin, l'article 48 de la Loi constitutionnelle pourrait être modifié afin de préciser explicitement que la présence virtuelle tient lieu de présence dans de telles circonstances.
[Français]
Selon l'ordre de renvoi au comité, le comité doit également examiner la possibilité que des séances soient tenues en différents lieux.
[Traduction]
Je vais conclure rapidement en disant que sur la question d'autres lieux, l'article 16 de la Loi constitutionnelle précise qu'Ottawa est le siège du gouvernement du Canada, mais, à mon avis, rien n'empêcherait la Chambre sur le plan juridique de tenir des séances particulières durant la pandémie à n'importe quel endroit mis à sa disposition par la Couronne...