AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le vendredi 21 mars 2003
¾ | 0810 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. Arthur Stark (éditeur et rédacteur, TANSI, À titre individuel) |
Le président |
M. Arthur Stark |
Le président |
M. Arthur Stark |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick (Association des Iroquois et des indiens unis) |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
Le chef Steve Wilson (Kitamaat Band of Indians, Conseil du village de Kitamaat) |
Le président |
Le chef Steve Wilson |
Le président |
Le chef Steve Wilson |
Le président |
Le chef Steve Wilson |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Le chef Steve Wilson |
M. Pat Martin |
Le chef Steve Wilson |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
¿ | 0900 |
Le chef Steve Wilson |
Le président |
M. Ken Marchant (avocat, The Marchant Practice, À titre individuel) |
¿ | 0905 |
Le président |
M. Ken Marchant |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Pat Martin |
¿ | 0925 |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Pat Martin |
Le président |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
¿ | 0930 |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Pat Martin |
¿ | 0935 |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Pat Martin |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
Le grand chef Chris McCormick |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Le président |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
¿ | 0950 |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
M. Pat Martin |
Le grand chef Chris McCormick |
¿ | 0955 |
M. Pat Martin |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
Le grand chef Chris McCormick |
Le président |
À | 1000 |
Le chef Phil Maness (Première nation Aamjiwnaang; London District Chiefs Council) |
À | 1005 |
À | 1010 |
À | 1015 |
À | 1020 |
Le président |
M. Martin Powless (conseiller technique, London District Chiefs Council) |
Le président |
Le chef Phil Maness |
Le président |
Le chef Phil Maness |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Martin Powless |
À | 1025 |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. John Godfrey |
Le chef Phil Maness |
M. John Godfrey |
Le chef Phil Maness |
À | 1030 |
M. John Godfrey |
Le chef Phil Maness |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Phil Maness |
M. Martin Powless |
M. Pat Martin |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Stan Dromisky |
À | 1035 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Le chef Phil Maness |
À | 1040 |
Le président |
Le chef Phil Maness |
Le président |
Le chef Phil Maness |
Le président |
Le président |
M. Martin Powless |
Le président |
À | 1045 |
Le grand chef R. Donald Maracle (Mohawk de la baie de Quinte) |
À | 1050 |
Le président |
M. Pat Martin |
À | 1055 |
Le grand chef R. Donald Maracle |
M. Pat Martin |
Le grand chef R. Donald Maracle (Mohawk de la baie de Quinte) |
M. Pat Martin |
Le grand chef R. Donald Maracle |
Le président |
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.) |
Á | 1100 |
Le président |
Le grand chef R. Donald Maracle |
Le président |
M. Pat Martin |
Le grand chef R. Donald Maracle |
M. Pat Martin |
Á | 1105 |
Le grand chef R. Donald Maracle |
M. Pat Martin |
Le président |
Le grand chef R. Donald Maracle |
Le président |
Le grand chef R. Donald Maracle |
Le président |
M. Martin Powless |
Le président |
Mme Marlene Martin (À titre individuel) |
Á | 1110 |
Le président |
Mme Christine Claus (À titre individuel) |
Le président |
Á | 1115 |
Mme Christine Claus |
Le président |
Mme Christine Claus |
Le président |
Mme Rolanda Elija (À titre individuel) |
Le président |
Mme Rolanda Elija |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Le président |
Mme Rolanda Elija |
Le président |
Le chef Terry Doxtator (Première nation Oneida de la Thames) |
Le président |
M. Pat Martin |
Á | 1130 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Mme Kim Thomas (À titre individuel) |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Á | 1135 |
Mme Rolanda Elija |
M. Pat Martin |
Mme Rolanda Elija |
M. Pat Martin |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Mme Rolanda Elija |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Mme Rolanda Elija |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
Á | 1140 |
Le chef Terry Doxtator |
Le président |
Mme Rolanda Elija |
Le président |
Le chef Roberta Jamieson (Six-Nations de la rivière Grand) |
Á | 1145 |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
 | 1200 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Roberta Jamieson |
 | 1205 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
Le chef Roberta Jamieson |
Le président |
M. John Godfrey |
Le président |
M. John Godfrey |
Le président |
M. John Godfrey |
Le président |
Le chef Roberta Jamieson |
M. John Godfrey |
Le chef Roberta Jamieson |
Le président |
M. John Godfrey |
 | 1210 |
Le président |
Le chef Roberta Jamieson |
 | 1215 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 21 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¾ (0810)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte. Bonjour, tout le monde. Nous reprenons nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
J'invite donc à venir s'asseoir à la table Ken Marchant, avocat, avec The Marchant Practice, qui comparaît à titre individuel. Il n'est pas ici. Le compteur tourne pour lui. Nous lèverons donc la séance en attendant l'arrivée de M. Marchant, et s'il ne vient pas, nous reprendrons dans cinq minutes avec le témoin suivant.
¾ (08:13)
¾ (08:15)
Le président: Nous pouvons donc reprendre et j'invite à venir s'asseoir à la table Arthur Dennis Stark, éditeur et rédacteur de TANSI, qui comparaît à titre individuel. Nous tenons à remercier M. Stark d'avoir accepté de faire sa déclaration huit minutes plus tôt que prévu.
Nous allons passer dix minutes ensemble et je vous invite à nous faire tout de suite votre exposé. Si vous pouviez laisser un peu de temps pour des questions, nous vous en serions reconnaissants.
Je tiens à dire à tout le monde ici que nous sommes très stricts pour ce qui est de l'horaire.
M. Arthur Stark (éditeur et rédacteur, TANSI, À titre individuel): Dites-moi simplement pour quand est le départ et je réglerai ma montre- chronomètre.
Le président: Très bien. Réglez-la tout de suite, car mon chrono est mis.
M. Arthur Stark: Mesdames et messieurs les membres du comité--je ne connaissais pas tous vos noms avant qu'on ne commence--je m'appelle Arthur Dennis Stark et je suis éditeur et rédacteur de TANSI, le journal autochtone indépendant de Toronto.
J'aimerais commencer par vous dire merci, thank you very much, chi miigwetch, de me permettre de comparaître devant vous ce matin.
Je tiens à remercier tout particulièrement le Grand Esprit, Gitchi Manido, de nous avoir donné à tous vie et force pour parler des choses dont je vais vous entretenir aujourd'hui en cette première journée du printemps, l'équinoxe. C'est à l'équinoxe que le jour et la nuit sont égaux--tout comme devraient l'être le peuple autochtone et les Canadiens. Or, nous ne sommes pas égaux à l'heure actuelle, et ce sont les Autochtones qui tiennent le petit bout du bâton.
Bien que je ne puisse parler qu'en mon nom propre, je tiens à remercier les nombreux collègues, dont certains de nos anciens, qui m'ont aidé à préparer mon exposé. Ils m'ont dit de remercier le gouvernement du Canada pour de nombreuses choses--comme le génocide des 200 dernières années que nous autres, les peuples autochtones, avons subi; la pauvreté dans laquelle on nous a forcés de vivre, dans des conditions insalubres, sans eau potable, avec peu ou pas du tout de logement, et aucune possibilité économique pour nombre de nos nations qui habitent des îles rocheuses ou des terres jugées impropres aux non-Autochtones; et la loi raciste et d'apartheid appelée Loi sur les Indiens, qui nous a maintenus dans la pauvreté et dans l'incapacité de nous gouverner nous-mêmes sans votre permission.
Mais en dehors de cela, nous autres nations autochtones maintenons que nous sommes des nations souveraines car nous avons des conventions ou des traités négociés avec les gouvernements coloniaux qui se sont succédé et les premiers gouvernements du Canada. Nous avons combattu en tant qu'alliés de la Couronne britannique et non pas en tant que sujets. Nous avons continué de servir avec distinction pendant les deux guerres mondiales, pour ensuite nous voir refuser nos droits et les avantages dont ont joui les autres soldats canadiens lorsqu'ils sont revenus au pays. On a dit aux anciens combattants membres des Premières nations qu'il leur fallait accepter 20 000 $ et renoncer à toute possibilité de dédommagement ou de réclamation future. La plupart d'entre eux ayant plus de 70 ou 80 ans, ils n'avaient peu de choix. Nos anciens combattants Métis, qui sont des Autochtones selon la Loi constitutionnelle de 1982, ne bénéficient d'aucun règlement ni d'aucune offre. Comment cela peut-il être juste, je vous le demande?
Je suis l'éditeur d'un nouveau journal autochtone indépendant ici à Toronto. Il a pour titre TANSI, ce qui signifie «Bonjour» ou «Salutations» dans la langue crie des plaines. C'est également l'acronyme de Toronto Aboriginal Newpaper Special Initiative. C'est mon entreprise. L'on se débrouille assez bien pour une entreprise qui n'a qu'un an. Je ne perds pas d'argent et j'espère que le journal va réussir, car ma communauté ici à Toronto l'a accepté et embrassé.
Je fais partie d'une population autochtone croissante qui veut reprendre sa culture et ses traditions. Je suis fier d'être Bodewadami-Anishnaabe ou Pottawatomi de la Three Fires Confederacy.
L'initiative de gouvernance des Premières nations--il ne s'agira pas d'une loi tant que cela n'aura pas été adopté--est mauvaise pour de nombreuses raisons. Il s'agit d'un document colonialiste et raciste qui vient entamer encore nos droits ancestraux et issus des traités. Je ne parviens pas à croire que le Canada, en sa qualité de membre des Nations unies, soit en train d'envisager l'adoption d'un tel projet de loi, qui va à l'encontre de l'accord ou de la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cela ne reflète pas les plus de 100 années de souffrance dans les écoles résidentielles infligée à un si grand nombre des nôtres. Cela ne reflète pas la disparité économique vécue ou ressentie par de nombreuses communautés des Premières nations. Mais plus insultant ou plus dangereux encore est le fait que cela continuera d'être le ministre des Affaires indiennes qui dira qui est Indien et qui ne l'est pas, et qui sera autorisé à s'ingérer dans nos affaires.
Les Canadiens ont une Charte des droits et libertés. La Loi sur les Indiens exclut les peuples autochtones de ces protections légales. Un Canadien, voire même un nouvel arrivant au Canada, peut se déplacer n'importe où au pays et bénéficier des programmes sociaux, par exemple soins de santé ou assurance-emploi. On leur reconnaît la portabilité de leurs droits. Les Autochtones, quant à eux, ne peuvent pas, en vertu de la loi, prendre avec eux leurs droits hors réserve. Les Canadiens sont des Canadiens, où qu'ils choisissent de vivre. Les Autochtones cessent d'être Autochtones dès lors qu'ils quittent la réserve, en vertu de la Loi sur les Indiens. Ce concept est absurde.
Le gouvernement du Canada dit qu'il veut la reddition de comptes de la part des Autochtones et que ceux-ci rendent compte de l'argent envoyé aux conseils de bande. Je suis tout à fait en faveur de la reddition de comptes financière. Demandez à n'importe quel membre de la communauté autochtone torontoise quelle est ma position quant à la façon dont l'argent est dépensé par les quatre conseils d'administration auxquels je siège. Il me faut rendre compte dans mon entreprise de ce qui est fait de l'argent, sans quoi il me faudra vite fermer boutique. Fournissez-moi la preuve d'argent dépensé à tort ou détourné et j'interviendrai personnellement auprès du conseil d'administration ou de la communauté. Je suis tout à fait en faveur de la reddition de comptes.
Mais où est la reddition de comptes du gouvernement du Canada? Qui est en train d'exiger des comptes du gouvernement du Canada relativement aux traités qu'il a signés pendant toutes ces années avec nos nations? Qu'en est-il de sa responsabilité fiduciaire de s'occuper des intérêts du peuple indien? Qui s'occupe de cela?
Est-ce qu'il y a une autre affaire de fiducie indienne qui couve ici au Canada, semblable à celle survenue aux États-Unis, où des milliards de dollars ont été retenus à des Autochtones, les effondrements d'Enron et de WorldCom n'étant plus, comparativement, que des gouttes d'eau? Pourquoi le ministre des Affaires indiennes ne se fait-il pas le champion du peuple autochtone au lieu d'être celui du gouvernement du Canada?
Et puisque je parle du ministre d'AINC, qu'en est-il du budget des Affaires indiennes? Il se chiffre a plus de 7 milliards de dollars par an. Combien d'argent a été mis de côté pour imposer cette loi aux Autochtones? Je ne parviens pas à obtenir ce renseignement. Cela se trouve caché dans le budget des communications en ligne du ministère ou ailleurs. J'aimerais bien avoir une réponse là-dessus.
Je vais maintenant passer à ce qui pourrait, je pense, aider les deux camps à en arriver à une relation praticable à l'intérieur de laquelle les Canadiens et les Autochtones pourraient s'entendre et coexister, à la manière de ce qui était prévu dans le cadre des traités originaux. Cela est important en vue de toute relation de travail future.
Premièrement, laissez carrément tomber ce projet d'initiative de gouvernance des Premières nations. Un organe indépendant composé de représentants du leadership fédéral et autochtone doit s'asseoir et commencer à oeuvrer à un plan qui règle les préoccupations de part et d'autre. Pour que le processus soit propre et juste, un interlocuteur autochtone-fédéral indépendant devrait être nommé conjointement par les dirigeants fédéraux et autochtones. Cette personne rendrait compte au public une fois par an et exigerait des comptes aux deux parties quant à l'établissement d'une relation financière solide et responsable ou d'un nouveau traité devant durer jusqu'à la fin des temps. Cette nouvelle entente devrait être parachevée d'ici cinq à dix ans, quel que soit le parti politique au pouvoir au niveau fédéral. Une fois un accord provisoirement établi, l'on tiendrait un plébiscite national en vue de la ratification et de la confirmation de l'accord en tant que partie intégrante de la Constitution canadienne.
Le professeur Fred Lazar, professeur d'économie à la York University Schulich School of Business, a rédigé un rapport intituléTax Exemption: A Tool for Economic Development for First Nations.J'en ai joint le résumé à mon mémoire. Il faudrait qu'il serve de base à la relation financière future entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones de partout au pays. Il faut qu'il y ait du développement économique à l'intérieur de notre communauté si nous voulons progresser. Il ne faut jamais oublier ceci : nous autres, les Autochtones, avons payé tous nos impôts avec les accords de transfert de terres. Ce devrait être non négociable.
Le gouvernement du Canada devrait mettre en oeuvre les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones ou CRPA. S'il en avait entamé le processus en 1995, alors avec ces neuf années de prospérité économique, nous serions déjà engagés sur la voie de meilleures relations et d'une meilleure compréhension.
Le gouvernement du Canada est le seul organe gouvernemental étranger avec lequel devraient traiter les peuples autochtones. Ne nous renvoyez pas aux provinces. Ce ne sont pas les provinces qui ont adopté la Loi sur les Indiens. L'éducation, les soins de santé et le logement pour les Autochtones sont autant de choses qui relèvent du gouvernement fédéral. Si les provinces ont compétence dans ces volets pour les autres Canadiens, alors c'est à elles de se débrouiller. Quant à nous, notre relation est avec la Couronne fédérale et non pas avec les provinces. Les budgets fédéraux doivent être remaniés pour refléter cela afin que ce dollar de 67 cents ne soit pas répercuté sur nous.
Le gouvernement du Canada devrait accélérer de beaucoup le processus en versant davantage de fonds pour les besoins des Autochtones en matière d'emploi et de formation par le biais de Développement des ressources humaines Canada. Plus d'Autochtones veulent travailler et acquérir les compétences requises pour posséder et exploiter leurs propres entreprises. Cela demandera 20 à 30 ans pour que deux générations successives d'Autochtones puissent servir de modèle de comportement à leurs propres communautés.
Les ententes de développement des ressources humaines autochtones doivent être assorties de fonds suffisants pour permettre aux bénéficiaires de tels accords, comme le Miziwe Biik Aboriginal Employment and Training ici à Toronto, de venir en aide à des personnes comme moi, qui ont reçu leur formation en affaires dans le cadre des programmes ainsi offerts. Nous voulons travailler et appuyer nos propres collectivités. Donnez-nous-en la possibilité et l'occasion.
En guise de preuve de bonne foi, le gouvernement du Canada devrait également offrir immédiatement aux anciens combattants Métis et non-inscrits les mêmes avantages que ceux qui ont été consentis aux Indiens inscrits. Après toute une vie de lutte et de services à leur deuxième nation, ces personnes méritent d'être traitées avec honneur et respect. Ce sont l'honneur et le respect originaux de Sa Majesté la Reine Elizabeth II ainsi que ceux du gouvernement du Canada qui sont en jeu ici.
Mon arrière-arrière-arrière-grand-père, Ogemahwajewon, s'est battu pour les Britanniques dans la guerre de 1812. En tant que Potawatomis, nous avons perdu nos terres dans le Wisconsin autour de l'embouchure de Green Bay à cause de notre loyauté envers la Couronne britannique. Nous nous sommes établis avec la bande de Chipewans Aasance à Beausoleil et avec la Première nation Christian Island au bas de la baie Georgienne.
Le Prince Albert, fils de la reine Victoria, a remis à mon troisième arrière-grand-père un médaillon de chef en reconnaissance du fait qu'il avait combattu avec les Britanniques à Sarnia en 1860, ce au nom de Sa Majesté à l'époque. Ma famille a toujours cette médaille de chef. Pour moi, cela représente une relation de traité très spéciale avec la Couronne.
Le gouvernement du Canada a hérité de cette responsabilité en acquérant sa propre souveraineté en 1867. Le moment est venu pour lui d'honorer les engagements qu'il a pris envers toutes les Premières nations et communautés autochtones du Canada et de marcher avec nous en parfait équilibre en tant que partenaires sur l'Île aux Tortues, plutôt qu'en lords et en gardiens de réserve.
Meegwetch.
Le président: Merci beaucoup. Il n'est pas difficile de voir que vous êtes rédacteur de journal. Vous étiez à trois secondes de boucler les dix minutes. Je ne saurais faire mieux que cela.
Merci beaucoup de votre excellente présentation. Nous vous félicitons du travail que vous faites. Il est important que le message soit livré aux gens que vous représentez. Nous vous félicitons pour cela.
Bonne chance.
M. Arthur Stark: Meegwetch.
Le président: Merci. Meegwetch.
Le chef Steve Wilson est-il ici? Non.
Dans ce cas, permettez que je demande au grand chef Chris McCormick s'il serait prêt à comparaître maintenant. Nous ne voulons pas exercer de pression sur vous. Mais si vous étiez prêt à nous faire tout de suite votre déclaration, cela nous arrangerait.
Le grand chef Chris McCormick (Association des Iroquois et des indiens unis): Je le peux. J'attendais l'arrivée de certains chefs, mais je suis prêt à faire la déclaration.
Le président: Nous ne voudrions pas que vous vous sentiez pressé par nous. Votre comparution n'était prévue que pour 9 heures.
Le grand chef Chris McCormick: Et quelle heure est-il?
Le président: Il est 8 h 25.
Y a-t-il quelqu'un d'autre dans la salle qui devait comparaître plus tard et qui serait prêt à venir tout de suite?
Nous pourrions suspendre la séance pendant quelques minutes.
Le grand chef Chris McCormick: Pourquoi ne nous accorderiez-vous pas dix minutes? Je vais vérifier. Si pour quelque raison il faudrait qu'ils interviennent, alors je reviendrai et je m'en chargerai.
Le président: Oui. Si vous avez d'autres chefs, ils devraient être ici avec vous.
Le grand chef Chris McCormick: Oui. Je les ai invités à venir.
Le président: Oui, nous comprenons cela.
Le grand chef Chris McCormick: Très bien. Accordez-nous dix minutes.
Le président: D'accord. Dans l'intervalle, nous chercherons quelqu'un d'autre. Merci.
Vu que nous sommes vendredi, nous essayons d'accélérer un peu les choses. Mes collègues et moi-même sommes loin de la maison depuis longtemps. Nos petits-enfants, nos épouses et nos enfants nous manquent, dans cet ordre là.
Je vais donc suspendre la séance en attendant le témoin suivant.
¾ (0828)
¾ (0831)
Le président: Nous reprenons nos travaux dans les temps avec le conseil du village de Kitamaat. Nous accueillons le chef Steve Wilson, de la Kitamaat Band of Indians.
Bienvenue, chef. Nous avons 30 minutes à passer ensemble. Allez-y, je vous prie. Nous vous invitons à faire votre déclaration en espérant qu'elle pourra être suivie de questions.
Les députés qui sont de l'autre côté de la porte vont revenir. Vous pouvez attendre quelques secondes qu'ils réintègrent la salle, monsieur.
Si Stan était resté, tout serait bien.
Allez-y, je vous prie.
Le chef Steve Wilson (Kitamaat Band of Indians, Conseil du village de Kitamaat): [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone]
Je m'appelle Steve Wilson et je suis conseiller en chef élu du Kitamaat Village Band Council. Je vous remercie de me permettre de venir ici vous faire une déclaration au sujet de la Loi sur la gouvernance.
En temps normal, je parlerais simplement, mais en cette occasion je vais lire des parties de mon texte, que je vous remettrai ensuite lorsque j'aurai terminé.
En tant que conseiller en chef élu de la bande de Kitamaat Village, membre de la Première nation Haisla et sujet de la Loi sur les Indiens, j'applaudis personnellement à vos efforts visant à réformer une loi qui a servi à éradiquer le peuple des Premières nations, sa culture et son mode de vie. La Loi sur les Indiens a toujours beaucoup nui à notre peuple, et l'état actuel des affaires de nombreuses communautés des Premières nations peut être directement attribué à la Loi sur les indiens.
Le peuple Haisla ne trouve aucun réconfort dans le fait que nos préoccupations ne sont visées par aucune résolution conséquente. Il me faut poser les questions suivantes aux membres du comité : comment pouvons-nous être visés par des droits de la personne alors qu'on nous a refusé les droits de la personne en vertu de cette loi même qui a établi le refus de nos droits? Comment pouvons-nous être tenus de rendre compte des droits de la personne alors que l'existence même de la relation directe entre nous-mêmes et le gouvernement du Canada est refusée par la Loi sur les Indiens?
J'explique dans mon exposé que les changements proposés dans la Loi sur la gouvernance des premières nations ressemblent à un oxymoron. Cela étant, si le gouvernement du Canada souhaite des changements effectifs sur le plan gouvernance, alors le gouvernement du Canada doit lui aussi changer.
En tant qu'agent de la Couronne, il est impératif que le gouvernement se souvienne de la relation unique et tout à fait particulière que nous autres Indiens avons avec la Couronne. Faire autrement serait catastrophique pour toutes les Premières nations et ne servirait qu'à prouver à quel point l'administration des Indiens est mal gérée par le gouvernement du Canada depuis l'adoption de la Loi sur les Indiens.
Pour être clair, posez-vous la question suivante: comment le Canada peut-il dépenser 7,5 milliards de dollars par an au titre de programmes pour les Autochtones, alors que le taux de chômage moyen dans les réserves est de 60 p. 100, soit dix fois en gros la moyenne nationale? Il y a quelque chose qui va terriblement mal si l'on ne parvient pas à apporter des changements effectifs avec 7,5 milliards de dollars. Ce montant peut paraître énorme, et le Canadien moyen conclura peut-être que la gouvernance autochtone coûte trop cher à maintenir, mais les faits sont plus compliqués que ne voudrait le croire le Canadien moyen. À première vue, cela semble être vrai. Mais si l'on gratte sous la surface, si l'on enlève les sommes d'argent énormes consacrées à la consultation en matière de programmation avec le gouvernement, aux frais d'experts-conseils, à l'administration des programmes pour Autochtones au MAINC, à Santé Canada, à Pêches et Océans, à la GRC, à Développement des ressources humaines Canada et à Industrie Canada, alors il ressort que les fonds véritables que nous autres, petits, recevons, sont très limités. C'est tout particulièrement le cas lorsque vous comparez cela aux dépenses consenties par le ministère des Affaires indiennes pour ses bureaux, son matériel et ses installations. Si vous prenez le tableau d'ensemble, le citoyen canadien moyen ignore tout cela.
Après des centaines d'années de programmes gouvernementaux imposés par la Loi sur les Indiens, la loi sur les écoles résidentielles et tous les autres programmes et initiatives fédérales et autres que nous avons vécus, notre situation est aujourd'hui pire que lorsque vous avez commencé à nous gouverner.
Nous avons été caractérisés de fardeau pour le contribuable. Plus grave encore, nous sommes devenus dépendants à votre égard. Nous n'avons aucune base économique pour créer de bons emplois et nous luttons pour préserver notre prospérité bien que vous ayez pour obligation juridique de protéger nos intérêts.
Nous faisons notre travail gratuit sans financement, mais pas parce que nous pensons avoir une obligation morale de sauver nos forêts, nos rivières, nos poissons, notre faune et nos plantes. Nous avons une raison bien plus égoïste de sauver nos ressources : nous vivons ici. Nous avons un intérêt direct dans le maintien de nos ressources pour poursuivre notre très ancien mode de vie--un mode de vie qui soutient notre peuple depuis environ 10 000 ans, bien avant la règle de 1846 que nous a imposée la décision dans l'affaire Delgamuukw.
Notre système de gouvernance traditionnel a presque disparu pendant la vie de ma mère. Cela ne nous rassure guère de voir nos connaissances traditionnelles, les derniers vestiges de notre gouvernance, s'effacer lentement avec la disparition de chaque ancien. J'entends encore la voix de ma grand-mère qui nous parlait de sa jeunesse sans aide sociale, sans prestation de chômage, sans aucune forme de dépendance. Sa pension de vieillesse, elle l'a gagnée en y consacrant toute sa vie. Sa richesse lui a été conférée par sa wa wes, et lors de nos potlatches, qui ont été interdits en vertu de la Loi sur les Indiens.
Contrastez cela avec les effets durables des initiatives que vous jugiez être les meilleures pour nous. Vos experts du jour ont administré ces initiatives par le biais de la Loi sur les Indiens elle-même.
Si le gouvernement du Canada désire réellement la reddition de comptes, l'ouverture, la transparence et la bonne gouvernance, alors le gouvernement du Canada doit faire ce qu'il prêche.
Pour ce qui est de ce qu'il nous faut pour offrir à nos membres de la bonne gouvernance, le gouvernement du Canada doit mettre en oeuvre des changements qui aient un sens pour nous et qui soient élaborés avec nous. Vos conseils d'experts, comme en témoigne l'état actuel de nos affaires, n'ont pas fonctionné par le passé et, sans nous, ils ne fonctionneront pas cette fois-ci encore.
Et ce n'est pas le cas du simple fait que nous voulions être difficiles. C'est difficile car vous ne pourrez jamais apprécier la position dans laquelle nous nous trouvons.
Vous ne pouvez pas apprendre qui nous sommes en nous étudiant ou en nous envoyant vos experts. Le simple fait d'apprendre à communiquer avec nous est un engagement de toute une vie, car les subtilités de nos styles de communication sont des choses que vous ne trouverez ni dans un livre ni dans un cours d'études sur les Premières nations. Nous sommes les seuls à pouvoir vous apprendre cela. Et vous ne pourrez apprendre qu'en ayant un dialogue ouvert avec nous. Cela pourrait être considéré comme un bon point de départ. Cela reste à voir.
J'ai plusieurs suggestions à vous soumettre en vue de changements positifs.
Faites en sorte que vos arrangements de financement soient flexibles et axés sur nos besoins locaux et d'un niveau qui corresponde à notre réalité.
N'exigez pas que des accords locaux en matière d'éducation soient une condition préalable à l'admissibilité à l'EFCPN
Lorsque le gouvernement du Canada achète des services d'éducation auprès de districts scolaires, qu'il veille à ce que les services ainsi achetés soient de qualité. Le Canada, dans ses politiques en matière d'achat, a déjà instauré des mécanismes de reddition de comptes. La seule exception à cette règle ce sont les achats par le gouvernement du Canada de services d'éducation pour les Premières nations. Il y a donc deux poids, deux mesures.
Versez-nous les bons intérêts pour les fonds de fiducie que le Canada gère pour notre compte. Les moins de 2 p. 100 par que nous rapportent nos fonds de fiducie sont bien en-dessous du taux du marché et cette situation est discriminatoire.
Veuillez à ce que nos terres soient détenues en fiducie par nous, et non pas par la Couronne. Les terres qui nous appartiennent légitimement--et qui n'appartiennent pas à la Couronne--ne sont pas admissibles pour être utilisées par nous comme capital, et cela devient donc du capital oisif. Ce capital oisif joue contre nous.
Changez les niveaux intermédiaires à l'intérieur de vos bureaucraties et qui sont à l'heure actuelle gelés. Les niveaux supérieurs et les personnes qui nous livrent directement les services semblent penser qu'il nous faut du changement. Mais lorsque vient le moment de mettre en oeuvre les changements, les politiques et les lignes directrices auxquelles sont assujettis vos fonctionnaires ne facilitent pas ce changement. C'est donc aux niveaux intermédiaires que les choses sont stoppées, car ces fonctionnaires sont guidés ou mal guidés par des politiques et des lignes directrices qui n'ont pas été conçues en vue de promouvoir la réussite au sein des Premières nations.
Venez aux négociations des traités en Colombie-Britannique prêts à mener de bonnes négociations sur la base d'une jurisprudence à jour et non pas sur la base d'interprétations utilisées pour justifier votre existence.
Veillez à ce que notre base territoriale soit conforme à celle de tous les autres. La base territoriale de la nation Haisla est extrêmement petite comparativement à toutes les autres. Si notre peuple savait quels précédents ont été établis à l'intérieur de la Colombie-Britannique et dans les Prairies, nous n'aurions pas accepté la petite base territoriale que nous avons. Or, il nous faut combattre des politiques et des interprétations fondées sur d'injustes pratiques passées adoptées en vertu de la Loi sur les Indiens.
Lorsque vous élaborez des politiques en matière d'acquisitions foncières, ne fondez pas vos choix sur l'actuelle politique qui ne reconnaît pas les disparités entre communautés et qui s'appuie sur des pratiques passées défectueuses dans leur approche. Fondez vos décisions sur les besoins réels de la collectivité.
Pour ce qui est de la Nation Haisla, le chef et le conseil actuels ont embrassé la reddition de comptes, l'ouverture et la responsabilité financière dans notre gouvernance. Pourtant, nous n'avons pas bénéficié d'une grande aide du MAINC, de Santé Canada, de Pêches et Océans, de DRHC, d'Industrie Canada, d'Environnement Canada ou d'un quelconque autre ministère.
Pour vous situez un peu les choses, lorsque mon conseil a été élu il y a 19 mois, nous savions que nous héritions de problèmes. Ce que nous ignorions était la gravité de notre situation financière. Or, nous avons travaillé méthodiquement à l'élaboration d'un programme pour traiter de notre situation faible et de notre déficit. Nous avons élaboré une initiative de capacités qui fonctionne pour nous.
Dans le cadre de notre approche, nous avons négocié des partenariats avec Alcan, Triumph Timber, Terra Sources Marketing, Arthon, la Delta Research Corporation, All West Trading, Blue Mountain/Watkins et, dans une moindre mesure, la West Fraser Timber Company. L'Université Simon Fraser est devenue notre partenaire et s'est engagée à mettre au point un programme d'acquisition de compétences conçu pour fonctionner avec nos partenaires dans cette coentreprise dans la détermination des exigences en matière d'emploi, la conception des exigences en matière de formation en vue de combler ces emplois et la livraison de programmes de formation dans notre communauté afin que le peuple Haisla puisse être formé pour être concurrentiel en vue d'obtenir les emplois que notre initiative de développement créera.
Nous avons fait le premier pas nous-mêmes, sans aide aucune du Canada. Nous l'avons fait parce que nous pensions devoir prouver que nous sommes capables d'assumer ces responsabilités et d'amener ces changements positifs. Nous allons faire le pas suivant en comptant que le Canada montera au bâton pour compter parmi nos partenaires, car il nous faut des partenaires à qui notre réussite tient à coeur.
Je suis confus à l'idée que nous ne pouvons pas obtenir un engagement du MAINC ou d'un quelconque ministère pour investir dans notre programme car vos politiques et lignes directrices ne sont pas équipées pour intégrer de tels changements positifs. De fait, les ministères du gouvernement du Canada se démènent avec difficulté pour cerner et définir le développement de capacités pour les Premières nations. Quant à nous, nous avons élaboré un programme dans le cadre duquel nous n'allons pas dépendre totalement du Canada pour le financement requis, mais voici que le gouvernement du Canada ne figure pas au nombre de nos partenaires, du fait que les actuelles politiques et lignes directrices ne cadrent pas dans nos programmes.
Nous avons reçu plus d'aide de notre EDRHA, la Skeena Native Development Society, que de quiconque d'autre. Pourtant, les autorités responsables de l'EDRHA font présentement l'objet d'un examen et il est possible que de très importants changements soient apportés aux politiques. En conséquence, la seule organisation équipée pour nous aider avec notre programme, la Skeena Native Development Society, craint que des changements et des prises de contrôle régressifs de la part de votre bureaucratie viennent s'opposer à sa prestation de programmes. Il en résultera un recul dans l'exécution de programmes qui ont déjà fait leurs preuves au sein de notre communauté.
Il nous faut dans le cadre des programmes EDRHA davantage de fonds axés sur la création et la facilitation des genres de réussites que nous avons déjà réalisées, car l'actuel système de DRHC ne fonctionne pas pour les peuples des Premières nations. L'actuel système ne fonctionne pas parce que le gouvernement nous a imposé un trop grand nombre de barrières par le biais de politiques, de programmes et de lois telles la Loi sur les Indiens.
Il semble que la Skeena Native Development Society et que la Nation Haisla soient en train d'être pénalisées du fait de leur trop belle réussite. Plus grave encore, nous nous faisons ignorer dans le cadre des programmes du MAINC destinés à créer un système axé sur de bonnes pratiques d'affaires. Mon conseil pour vous est de changer avec nous, et non pas contre nous.
Est-ce que je dispose d'un peu de temps encore?
Le président: Oui, il reste 15 minutes, mais si vous utilisez tout le temps pour votre exposé il n'y en aura plus pour des questions. Nous avions demandé que chacun fasse une présentation de cinq minutes.
Le chef Steve Wilson: Très bien.
Le président: Mais ne vous sentez pas mal, vous n'êtes pas le seul. Tout le monde continue--
Le chef Steve Wilson: Je ne me sens pas mal. J'ai fait un long voyage pour venir jusqu'ici.
Le président: Nous aussi nous avons fait un long voyage pour venir vous rencontrer.
Le chef Steve Wilson: Mon mémoire comporte une autre partie que j'ai intitulée «An Ode to Gerry Gambill». J'aimerais vous en faire la lecture car je pense que cela est très important et pertinent. Bien que cela ait été écrit en 1959, les intérêts qui y sont exposés sont toujours valables aujourd'hui.
Pour vous situer un peu les choses, l'art de refuser aux Indiens leurs droits de la personne a été affiné au point de devenir une science au Canada. Le fait est que ce n'est pas la première fois que l'on voit ce genre de changement apporté à la Loi sur les Indiens. De fait, la liste qui suit de techniques utilisées couramment montrera clairement comment le Canada a continuellement été l'architecte de la répression des Indiens en vertu de la Loi elle-même.
Nous avons maintes et maintes fois observé la pratique du Canada d'obtenir la collaboration des Indiens. C'était beaucoup plus facile pour vous de voler les droits de la personne à quelqu'un si vous le faisiez avec son plein accord. La Loi sur les Indiens a fait de nous des non-personnes et, comme nous le savons tous, les droits de la personne valent pour les personnes.
Votre loi, les lois connexes et régimes d'éducation ont réussi à nous convaincre que nos ancêtres étaient des sauvages, des païens et que les Indiens étaient des soûlards. Vous avez fait de nous des pupilles du gouvernement et établi, dans la Loi sur les Indiens, une distinction juridique entre les Indiens et les personnes.
Vous avez convaincu l'Indien qu'il lui faut être patient, qu'il faut du temps pour changer les choses. Vous nous avez dit que vous faisiez des progrès et que le progrès prend du temps. Vous nous avez fait croire que des choses étaient en train d'être faites pour notre bien. Vous disiez être sûrs qu'une fois que nous aurions fait l'expérience de vos lois et mesures, nous nous rendrions compte combien elles étaient bonnes pour nous. Vous nous disiez qu'il fallait accepter ce qui était mauvais pour jouir de tout le bien que vous nous apportiez.
Vous avez obtenu de certains Indiens qu'ils fassent le sale boulot pour vous. Il s'en trouve toujours qui, en échange de quelques honneurs et louanges, travailleront contre les leurs. C'est généralement la fonction des conseils de bande, des chefs et conseils consultatifs. Ils n'ont guère de pouvoir légal mais on les laisse prendre les décisions difficiles telles que la répartition de l'aide sociale et des logements, etc. Lorsque les chefs et conseils font réellement du bon travail, vous les aidez rarement.
Vous avez consulté les Indiens mais ignoré leurs avis. Vous nous avez dit que nous avions une voix, mais vous avez seulement fait semblant d'écouter, un peu comme cela se passe ici même. Vous avez interprété nos paroles de la manière qui vous convenait.
Vous avez exigé que nous suivions toutes les formalités, mais vous les avez rendues tellement difficiles que nous ne pouvions rien faire. Lorsque nous découvrions quelles étaient les formalités à remplir et commencions à savoir les utiliser, vous les avez modifiées.
Vous nous avez fait croire que vous travailliez fort pour nous, faisiez des heures supplémentaires à grands sacrifices et donné à entendre que nous devrions être reconnaissants. C'est réellement le couronnement de l'art de voler que d'amener la victime à vous remercier.
Vous avez laissé quelques personnes réussir et les avez montrées ensuite en exemple. Vous disiez que ceux qui travaillaient fort et qui étaient de bons Indiens réussissaient et que c'était par leur propre faute que les autres n'y parvenaient pas.
Vous en avez appelé à notre sens de la justice et nous fait croire que, lorsque les choses allaient très mal, nous ne devrions pas protester aussi fort. Vous avez fait en sorte que le litige porte sur les modalités de notre protestation plutôt que sur ses causes réelles. Vous avez refusé de traiter avec nous lorsque nous protestions et vous nous avez interdit d'engager des avocats. Plus récemment, vous avez rendu prohibitif le coût des recours en justice à l'occasion des négociations sur les traités. À chaque occasion vous avez sapé nos efforts.
Vous nous avez fait croire que les choses pourraient être encore pires et qu'au lieu de nous plaindre de la perte de nos droits nous devrions être reconnaissants pour ceux que l'on nous laisse. En réalité, vous nous avez convaincu que la tentative de reconquérir un droit que nous avions perdu mettrait en danger ceux que nous conservions encore.
Vous vous êtes érigés en protecteurs de nos droits humains et avez choisi ensuite de n'intervenir que sur certaines violations sélectives. En montrant que vous agissiez suite à certaines violations mineures de nos droits humains, vous pouviez prouver votre dévouement à notre cause. La combinaison parfaite, c'est lorsque le cambrioleur est aussi le portier.
Vous avez prétendu que si nous perdions nos droits humains, c'était pour des raisons autres que d'être Indien. Vous avez dit que certains de vos meilleurs amis sont des Indiens et que si on nous privait de nos droits, c'était parce que nous ne savions pas tenir nos maisons, que nous buvions et étions mal habillés.
Vous avez rendu la situation plus complexe que nécessaire. Vous avez dit que vous feriez une enquête pour savoir combien d'autres Indiens faisaient l'objet de discrimination. Vous avez engagé un groupe de professeurs qui ont entrepris des projets de recherche qui ont duré des décennies. Vous exigiez l'unanimité. Vous nous disiez qu'une fois que tous les Indiens du Canada se mettraient d'accord sur ce qu'ils voulaient, vous agiriez. Vous avez opposé les intérêts particuliers d'un groupe aux souhaits d'un autre.
Vous nous avez enlevé nos droits si graduellement que les gens ne se rendaient même pas compte de ce qui se passait avant qu'il soit trop tard. Les droits de chasse ont d'abord été limités à certains secteurs géographiques, puis on a limité la saison à certaines périodes de l'année, que l'on a raccourci ensuite de plus en plus. Maintenant, vous exigez que nous achetions des permis. On peut dire la même chose de la pêche.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Il nous reste du temps pour un tour de trois minutes.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci.
Chef Wilson, nous avons rencontré Satsan Herb George, le vice-chef pour la Colombie-Britannique de l'APN. Une concertation a eu lieu avec le Sommet des Premières nations, les United Native Nations et le Shuswap Nation Tribal Council pour élaborer une série d'amendements au projet de loi C-7. Leur préférence est que le projet de loi C-7 soit retiré, ne pensant pas que ce soit une mesure judicieuse à prendre à l'heure actuelle pour résoudre les nombreux problèmes que vous avez évoqués. Mais ils ont dit que s'il va être adopté, il devrait être amendé de la façon qu'ils préconisent. Avez-vous un avis sur la série d'amendements présentés par Satsan Herb George? Les acceptez-vous?
Le chef Steve Wilson: Je n'ai pas connaissance de ce que mijote l'APN et Herb George. Ils ne communiquent pas avec moi sur ces questions.
Personnellement, je n'accorde guère d'importance au Sommet des Premières nations, car chaque fois que j'y suis allé, je n'ai entendu que de la rhétorique politique et vu très peu d'action.
Nous avons pu changer les choses dans notre collectivité en fonction de nos besoins propres. Nous nous sommes très bien débrouillés sans l'aide du Canada.
M. Pat Martin: Bien.
C'est l'une des choses qu'ils veulent voir changer. J'en parle car vous avez créé des entreprises pour développer votre économie. Le projet de loi vous obligerait à divulguer vos états financiers, non seulement aux membres de la bande, mais à n'importe qui, même aux concurrents directs de l'entreprise commerciale fonctionnant dans la réserve. Pensez-vous que cela revient à vous imposer une norme de transparence plus rigoureuse qu'à n'importe quelle entreprise de la collectivité non autochtone?
Le chef Steve Wilson: Je vois les choses ainsi: je ne suis pas contre la reddition de comptes et la transparence. Je pense que tout le Canada a besoin de s'aligner derrière ce concept. Il y a eu la situation de Virginia Fontaine en 2000, dont le conseil d'administration s'est offert une croisière et les gens tendent à oublier que le sous-ministre adjoint de Santé Canada était en leur compagnie. Il a transféré 22 millions de dollars à Southern Manitoba Health Authority. Lorsque le gouvernement s'est aperçu de ce qu'il a fait, ils l'ont mis à la retraite. Il est maintenant directeur général de la Southern Manitoba Health Authority, où il contrôle les 22 millions de dollars qu'il a transférés en tant que SMA de Santé Canada. Sur le plan de la reddition de comptes, ceux qui travaillent dans le domaine sanitaire pour les Premières nations sont astreints à des normes plus strictes. Pourtant, ce sous-ministre adjoint a reçu une poignée de main en or et a été placé dans un poste où il mène la belle vie. Si l'on songe que la santé--
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky, trois minutes.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup.
Merci d'être venus. Vous êtes venus de loin pour faire cet exposé, d'autant qu'il est bref.
Je pense que nous pouvons comprendre ce qui est arrivé. Ce qui est proposé dans ce projet de loi est le résultat d'années et d'années et d'années de résolution de problèmes et de défis lancés par une multitude de gens, soit sous forme d'un document officiel, soit lors d'une conférence, ou d'un congrès ou au sein d'un groupe de travail, ou suite à des plaintes ou louanges, ce que vous voudrez. C'est le résultat d'une grande masse d'informations éparses et d'expériences passées. Il n'est pas apparu simplement parce que quelqu'un s'est assis et a dit: «Voici le texte», celui-ci étant déposé immédiatement comme projet de loi, le lendemain. Je pense que nous comprenons tous cela. Autrement dit, j'essaie de montrer qu'il y avait une nécessité de produire une mesure comme celle-ci.
Cela dit, je comprends l'opposition que manifestent tous les chefs, etc., et je n'arrête pas de demander pourquoi il existe un front aussi uni, mais c'est maintenant à côté de la question. Le problème est peut-être qu'il y a là trop à digérer et à faire à la fois.
Pensez-vous qu'il faudrait se limiter à une fraction seulement et prendre une seule partie du projet de loi à la fois, au lieu d'administrer toute la dose? C'est peut-être trop pour qu'une personne puisse l'assimiler et devenir partie prenante à ce processus d'autodétermination, que chaque personne au sein de chaque société autochtone va devoir internaliser. Est-ce trop à la fois? Comment pouvons-nous accoutumer les gens à vivre dans une société--
¿ (0900)
Le chef Steve Wilson: Je ne suis pas contre la transparence et la reddition de comptes. Lorsque je prends ma propre situation, je me souviens avoir pris la tête d'un conseil qui avait pratiqué une mauvaise gestion financière pendant 25 ans.
Lorsque nous avons créé l'environnement propre à la gouvernance d'une grande entreprise par opposition à la gestion d'une entreprise familiale, nous nous sommes heurtés à une forte opposition. Si nous allons changer, alors nous devons participer directement au changement, même s'il se fait sous l'impulsion de gens à Ottawa, du bureau régional ou même d'experts-conseils. Je siège à divers comités des Affaires indiennes dans la région de la Colombie-Britannique et nous essayons d'apporter des changements aux politiques en fonction des situations que nous constatons, mais il semble que la volonté du changement politique vient directement d'Ottawa. C'est alors que l'on se heurte à un mur de briques. Il y a beaucoup de choses dans notre expérience directe qui peuvent nous inspirer, mais si nous ne sommes pas partie prenante au changement, cela ne marchera pas.
Le président: Merci beaucoup. Nous vous remercions tous d'être venus de si loin ainsi que de la qualité de vos exposés.
Collègues, notre premier témoin, M. Marchant, a eu une urgence familiale. Nous ne pouvons plus lui accorder dix minutes, car cela nous mettrait en retard, mais nous allons lui donner deux minutes. Il dit qu'il peut présenter ses recommandations dans ce laps de temps.
Je donne donc la parole à M. Marchant, avocat au cabinet Marchant. Bienvenue.
M. Ken Marchant (avocat, The Marchant Practice, À titre individuel): Merci, monsieur le président.
Je pense que l'un des aspects les plus admirables de ce projet de loi est la reddition de comptes qu'il impose, particulièrement celle axée sur la divulgation aux personnes directement concernées. Ma réserve particulière porte sur la définition de «fonds de la bande», en rapport avec le plan de gestion financière qui doit être présenté. Cette définition est trop étroite et il faudrait l'élargir afin d'y englober une définition plus ouverte des «éléments d'actifs de la bande», dont je propose un texte dans l'amendement que je vous ai remis. En effet, j'ai eu à connaître, dans mon cabinet, de règlements de revendication territoriale où il était question de constituer une fiducie dans les Îles Cayman dans le seul but de camoufler les éléments d'actifs ou les fonds.
Un problème différent que l'on voit apparaître est que certaines nations considèrent avoir un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et se déclarent carrément une nation, c'est-à-dire une entité très distincte d'une bande au sens de la définition de la Loi sur les Indiens qui est maintenue dans le projet de loi. Tout cela se fait entièrement en dehors du cadre législatif fédéral, et ce bien que des éléments d'actifs ou des fonds de la bande soient en jeu.
En outre, il est très notable que de nombreuses Premières nations aient des entreprises gérées par la bande. Celles-ci détiennent des biens fonciers. Il est dans l'intérêt des membres de savoir comment ces biens sont gérés, voire cédés.
Voilà l'esprit général de ma proposition. Si vous le permettez, j'aimerais conclure en mentionnant une situation où j'ai pu constater qu'une modification de la reddition de comptes ferait une énorme différence.
Je sais que le comité a siégé récemment à Winnipeg, il y a un ou deux jours, et vous avez peut-être entendu parler d'un accord du nom de Northern Flood Agreement. Il a été conclu en 1977 à titre d'indemnité pour les barrages hydroélectriques.
Ce n'était pas un très bon accord. Mon anecdote favorite est que deux des auteurs de l'accord ont fait des études de droit ultérieurement et c'est peut-être la raison pour laquelle l'accord fait l'objet de tellement de procès. Parmi les nombreuses péripéties qui s'en sont ensuivies, on a vu un chef se retrouver en pénitencier fédéral, par exemple. L'un des avocats est toujours en prison pour détournement des fonds versés au titre de l'un de ces règlements.
Mais, quatre collectivités sur cinq ont depuis conclu des règlements de revendication globale et ont mis sur pied des sociétés fiduciaires modernes telles que la collectivité doit être informée de la manière dont l'argent sera dépensé, celui-ci ne peut être dépensé tout à la fois, chaque dépense doit être approuvée et il y responsabilité personnelle pour les dépenses non autorisées.
Ce qui s'est passé, particulièrement dans trois des quatre collectivités--je pense que leurs dirigeants en méritent la plus grande partie du crédit--est que ce mécanisme s'est avéré très positif pour la Nation Crie de Norway House, pour Nisichawayasihk, qui est maintenant associée à Manitoba Hydro dans la construction du prochain barrage, et la Nation Tataskweyak ou Nation Crie de Split Lake.
¿ (0905)
Le président: Merci beaucoup.
Nous vous avons accordé une minute supplémentaire. J'aimerais vous en donner plus, mais ce serait injuste à l'égard des autres que de les retarder de dix minutes.
M. Ken Marchant: Merci.
Le président: Ce que vous avez dit a été enregistré et votre document sera versé au procès-verbal et distribué à tous les membres du comité. Cela s'applique à tous.
Nous invitons maintenant le grand chef Chris McCormick, de l'Association of Iroquois and Allied Indians. Nous avons une heure à vous consacrer.
Soyez le bienvenu. Nous vous invitons à faire votre présentation et j'espère qu'il restera du temps pour des questions ensuite.
Le grand chef Chris McCormick: Merci, monsieur le président et bonjour à tous.
Tout d'abord, je veux remercier le Créateur de nous avoir donné cette occasion de nous rencontrer et cette possibilité d'essayer de vous transmettre les avis des membres de l'Association of Iroquois and Allied Indians.
Je vous prie d'excuser le fait que nous n'avons pas les ressources voulues pour faire traduire notre mémoire en français, autrement nous l'aurions fait.
J'aimerais dire un mot sur la persévérance du comité. Je sais que nous étions tous ensemble hier à Thunder Bay, et c'est une lourde tâche que vous entreprenez.
«Nous les habitants originels de cette terre, savons que c'est le Créateur qui nous y a placés. Le Créateur nous a donné les lois qui régissent toutes nos relations afin que nous vivions en harmonie avec la nature et l'humanité. Les lois du Créateur définissaient nos droits et responsabilités...» Ceci est extrait d'une déclaration faite en 1980 par le conseil des chefs et anciens de la province de l'Ontario.
Ce qui est bon dans le fait que les nôtres soient encore sur terre ne sera pas, car nous le refusons, un sujet de discussion au sein d'un comité. Cette discussion devrait se dérouler à une table de conférence sur la gouvernance, et non pas dans une situation où nous comparaissons devant vous, après le fait, à titre de suppliant.
L'Association of Iroquois and Allied Indians compte comme membres des Premières nations appartenant aux peuples Ojibway, Mohawk, Oneida, Delaware, Potawatomi et Mississauga. Je suis Christopher McCormick, grand chef, et je suis membre de la Première nation Batchewana. Parmi nos membres figurent la Première nation Batchewana des Ojibway, la Première nation de Caldwell, la Première nation Delaware, les Mississaugas de la Credit, les Mohawks de la baie de Quinte, la Nation Oneida de la Thames et les Mohawks Wahta.
Notre conseil des chefs reçoit ses instructions directement des membres des collectivités, sous forme de résolutions adoptées lors de nos assemblées annuelles. Nous sommes membres des Chiefs of Ontario, et je suis représentant de la confédération politique. Je déclare publiquement notre adhésion à l'exposé fait hier à Thunder Bay par le vice-chef régional Charles Fox.
Les Premières nations membres de notre association sont membres également de l'Assemblée des Premières nations, notre organe national, et nous sommes ici en tant que peuple souverain. Nous avons vécu comme nation souveraine en harmonie avec notre mère, la Terre, depuis la nuit des temps. Notre système politique est ancien et, sauf mon respect, au moins aussi démocratique, voire plus, que celui que connaissent les habitants du Canada.
Les nations membres de l'Association of Iroquois and Allied Indians rejettent la poursuite du colonialisme canadien. Nous trouvons insultant que le gouvernement du Canada, avec l'aide de ce comité permanent représentant le Parlement, persiste dans sa mentalité et ses politiques coloniales. Le Canada, en tant que colonisateur, n'a pas de leçons à nous donner ni de règlements à nous imposer.
¿ (0910)
La résolution suivante a été adoptée lors de notre dernière assemblée. Je vous la lis:
Il est résolu que les nations membres de l'AIAI réunies en assemblée à Oneida en ce 25e jour de mai 2002, s'opposent et rejettent la Loi sur la gouvernance des premières nations proposée, ainsi que la Loi sur les institutions financières des premières nations proposée, comme contraires à notre droit inhérent à l'autodétermination et à l'autonomie gouvernementale. |
Lorsque nous employons le mot «peuple», nous l'entendons au sens du droit international. Généralement parlant, un peuple est un ensemble politiquement organisé de personnes unies par une culture, une tradition, une langue, des institutions ou un territoire communs.
L'article 1 de la Convention de Montevideo de 1933, qui est le principal instrument international relatif au statut d'État, définit quatre attributs essentiels d'un État. Il s'agit de la possession d'une population permanente, d'un territoire défini, d'un gouvernement, et de la capacité de nouer des relations avec d'autres États.
Les Premières nations étaient des nations souveraines indépendantes depuis des milliers d'années avant l'arrivée des Européens. Nous avons conservé notre droit inhérent à l'autodétermination, qui nous vient du Créateur. Ce droit nous appartient naturellement en tant que propriétaires et gardiens originels de cette terre. Les Premières nations, historiquement et aujourd'hui, répondent à la définition d'État donnée dans la Convention de Montevideo de 1933.
Au niveau international, le Canada est signataire de trois conventions internationales qui érigent des normes de droit et de civilisation et qui affirment expressément le droit de tous les peuples à l'autodétermination, soit la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Nos traités sont fondés sur des principes qui reconnaissent la suprématie du Créateur, le caractère sacré du calumet et notre obligation sacrée en tant que gardiens de la terre. Par ailleurs, nos traités ont été conclus de nation à nation, entre représentants des Premières nations et de la Couronne britannique. Nous avons signé les traités à titre de nations libres et indépendantes disposant de leur territoire propre et bien défini, de leurs lois, de leurs gouvernements, de leurs langues, de leurs croyances spirituelles et traditions. Tous les ingrédients nécessaires à une nation indépendante en bon état de marche étaient réunis et nous étions reconnus comme tel par les divers États européens.
Par ailleurs, nos ancêtres ont exprimé la durée de validité des traités au moyen d'un concept qu'ils comprenaient; autrement dit, les traités resteraient en vigueur «aussi longtemps que couleront les rivières, aussi longtemps que poussera l'herbe et aussi longtemps que brillera le soleil».
J'aimerais ajouter un mot à cet égard, car il semble y avoir un malentendu dans ce pays. Les traités généralement confèrent des droits. Et lorsque nous avons conclu les traités, il faut bien réaliser que lorsque vos ancêtres sont arrivés ici, ils n'avaient rien. C'est nous qui les avons aidés à survivre. Les traités ne nous donnent pas des droits à nous: ils donnent des droits aux Canadiens, car vous n'aviez rien à donner.
Sur cette toile de fond et dans ce contexte, venons-en à votre mandat qui est de recueillir des avis sur le projet de loi C-7, la Loi sur la gouvernance des premières nations. Outre son rejet du projet de loi C-7, le conseil des chefs et les collectivités de l'AIAI formulent les objections suivantes.
¿ (0915)
Premièrement, ceci n'est pas une loi sur la gouvernance des premières nations. On ne nous a pas demandé si nous voulions ce projet de loi. On ne nous a pas demandé si nous étions d'accord avec son contenu. On nous a refusé le droit de participer à ce processus de collecte de renseignements que votre comité a entrepris. Nous ne serons pas participants au processus d'examen des avis exprimés par les nôtres à votre comité. Nous ne serons pas partie prenante à la décision finale sur le contenu du projet de loi. Le Canada refuse d'y inscrire une clause de non-dérogation précisant que le projet de loi ne déroge en rien à la protection accordée à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Je vous le demande, si l'on devait décrire l'apparence du colonialisme en cette ère moderne, est-ce que le projet de loi C-7 ne serait pas un excellent point de départ?
Le gouvernement du Canada a une obligation fiduciaire contraignante envers les Premières nations, qui est fondée sur la Proclamation royale de 1763 et les droits autochtones préexistants. La reconnaissance et l'affirmation des droits ancestraux et issus de traités dans la Loi constitutionnelle de 1982 représente une promesse solennelle. L'honneur de la Couronne dépend du respect de ces promesses.
Lorsque le Conseil du Trésor alloue des fonds aux peuples autochtones de ce pays, c'est pour le bien de nos peuples et collectivités. Le ministre et moi-même avons une chose en commun à cet égard, à savoir que nos salaires à tous deux proviennent de ces fonds et que nous avons tous deux l'obligation d'oeuvrer dans l'intérêt de nos collectivités.
Le ministre Nault a la principale obligation fiduciaire envers les peuples autochtones du Canada d'agir au mieux de nos intérêts. Tous les ministres de la Couronne, à leur entrée en fonction, prêtent serment et celui du ministre Nault disait notamment ceci :
Je, Robert Nault, promets et jure solennellement et sincèrement d'exécuter fidèlement et au mieux de mes capacités les pouvoirs et fonctions qui me sont confiés en tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord, ainsi Dieu me soit en aide. |
À plus de cinq reprises, lors de nos assemblées nationales, les chefs en assemblée ont adopté des résolutions demandant le retrait de la Loi sur la gouvernance du ministre Nault.
J'aimerais parler de la Loi sur les Indiens. Premièrement, le gouvernement a promulgué la première Loi sur les Indiens, en 1876, sans notre consentement. Ce texte est le produit du paragraphe 91(24) de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique de 1867. Nous nous demandons encore d'où la Couronne prétend avoir tiré le pouvoir d'inscrire dans la Constitution le contenu du paragraphe 91(24), qui donne au gouvernement du Canada pleine autorité législative sur les «Indiens» et «les terres réservées aux Indiens». Il a ensuite mis sur papier sa propre conception du «gouvernement indien» et a appelé cela «Loi sur les Indiens».
Où et quand les Ojibway, les Cris, les Mohawk, les Oneida, etc., ont-ils cessé d'exister en tant que nations distinctes et sont-ils devenus des «Indiens» au terme de la Loi sur les Indiens?
Comment le gouvernement du Canada peut-il déroger de façon aussi flagrante à nos droits et à notre souveraineté et prétendre construire une relation avec les Premières nations? Le projet de loi C-7 est contraire à la loi naturelle du Créateur, qui veut que tous les hommes soient créés égaux. On nous refuse les droits conférés aux peuples d'Afrique du Sud. Comment le gouvernement du Canada peut-il justifier cela?
¿ (0920)
Examinons un peu notre histoire, ici au Canada. Le Canada a traité le Québec et les Premières nations de manière contradictoire. Le Québec a reçu l'autonomie, un partenariat dans la confédération lorsqu'il a été battu en 1759, et a vu sa langue reconnue comme l'une des langues officielles. Par comparaison, les peuples autochtones--qui, je vous le rappelle, étaient les alliés des Britanniques et ont aidé à former le Canada--ne sont pas reconnus comme nations.
On nous a demandé de formuler des propositions. Avec toutes les violations de nos droits en tant que peuples qui ont été commises, il est intéressant de relever ce préambule dans la Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982: «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit...».
Notre réponse est donc de commencer par modifier la Constitution du Canada. Ce dont nous avons besoin dans ce pays, c'est d'une modification constitutionnelle reconnaissant l'existence d'un troisième ordre de gouvernement et reconnaissant qu'il n'y a pas deux, mais trois nations fondatrices. Nous avons besoin d'une Constitution qui reconnaisse nos langues comme langues officielles de ce pays.
Retirez le projet de loi C-7. En lieu et place, nous recommandons que le gouvernement du Canada et un représentant des Premières nations du Canada se rencontrent pour parler non seulement de la gouvernance, mais aussi des responsabilités fiduciaires du Canada sur les plans de la santé, de l'éducation, de l'emploi, des services sociaux et de la possibilité pour les Autochtones d'être partenaires à part entière avec le reste du Canada. Une telle rencontre, si elle est menée avec transparence et sincérité, produira un résultat dont tout le monde--gouvernement du Canada, Premières nations et Canadiens--pourra être fier.
Merci de nous avoir écoutés aujourd'hui. Nous vous demandons de réagir de manière honorable et de recommander au gouvernement canadien le retrait de ce projet de loi.
Meegwetch.
Le président: Merci beaucoup.
Nous commencerons par M. Martin, avec un tour de cinq minutes.
M. Pat Martin: Merci, grand chef, d'être venu aujourd'hui et d'avoir présenté un mémoire très émouvant.
J'ai pris bonne note de vos arguments, exprimés avec éloquence. Vous avez d'abord fait valoir très clairement que ce projet de loi ne porte pas sur l'autogouvernance. D'autres ont fait la même réflexion, à savoir que sous prétexte d'assurer la reddition de comptes, le gouvernement cherche à saper l'idée même d'autonomie gouvernementale et de déroger aux droits ancestraux et issus des traités ou de les diminuer. Je suis d'accord avec vous.
Vous avez mentionné également que l'on ne vous a pas demandé votre avis. Il n'y a pas eu de consultation sur la portée et le contenu de cette révision de la Loi sur les Indiens. Et si l'on vous demandait votre avis, je pense pouvoir dire que ce ne sont pas là les enjeux dont vous aimeriez traiter. Vous aimeriez plutôt parler des problèmes de fond.
Parlez-moi du mécanisme de consultation. Le ministre, le premier témoin à nos audiences, a commencé par dire que ce projet de loi est le fait de 10 000 Autochtones qui ont été consultés et qui ont demandé ces dispositions. Avez-vous quelque chose à dire concernant cette déclaration du ministre?
¿ (0925)
Le grand chef Chris McCormick: Eh bien, je mets le ministre au défi de donner quelques noms parmi les 10 000 personnes qu'il prétend avoir consultées. Je sais qu'il n'a certainement pas consulté les 16 000 membres de l'Association of Iroquois and Allied Indians.
Le ministère a offert des ressources, 5 000 $ par collectivité, je crois. Ces fonds n'étaient pas prévus pour la consultation, mais pour des séances d'information. Aucune de nos collectivités, sauf deux, n'ont accepté cet argent parce qu'elles craignaient que le gouvernement considère cela non pas comme des réunions d'information mais une consultation.
Une collectivité qui a touché l'argent n'a pas réussi à faire se déplacer les membres, même en offrant de payer pour une gardienne et de rembourser les frais de déplacement. Je pense que l'assistance se limitait à quatre membres du conseil, aux chefs, à des fonctionnaires gouvernementaux et à quelques intervenants autochtones venus d'ailleurs.
Dans l'autre collectivité qui a accepté, une présentation a été faite. Les gens se sont sentis insultés. Le chef et le conseil étaient présents. Les anciens étaient présents aussi, de même que des membres de la collectivité. Une vingtaine de personnes se sont levées et, finalement, un ancien s'est levé aussi et a dit: «Dites à ces gens de mettre ces papiers dans leurs valises et de... le camp d'ici».
M. Pat Martin: Ce qui est intéressant, c'est que ces personnes figurent probablement sur la liste des 10 000 dont le ministre prétend qu'ils ont participé à la rédaction de ce projet de loi.
Le grand chef Chris McCormick: Cela se pourrait bien, et c'est pourquoi j'ai demandé une justification.
M. Pat Martin: C'est intéressant.
Vous avez également fait valoir que vous n'aurez pas votre mot à dire ni dans nos consultations ni dans notre processus. Pour votre information, j'ai présenté une motion au tout début de nos audiences demandant l'élargissement de ce comité permanent, aux fins de l'étude de ce projet de loi, afin que l'on y englobe un représentant de l'APN, un du Congrès des Peuples Autochtones et une de l'Association des femmes autochtones du Canada. La motion a été rejetée par les membres du comité. Un membre libéral a voté pour mais nous avons perdu par une voix. Si la motion avait été adoptée, au moins vous auriez eu des représentants de votre choix et bien informés à cette table pendant que l'on débattait de ces questions.
S'il reste du temps, j'aimerais aussi que vous parliez de l'orientation qui est suivie. Certains ont fait valoir que c'est l'antithèse même de l'autogouvernance que d'imposer des codes de gouvernance, car un attribut de l'autogouvernance est tout de même le droit de concevoir ses propres institutions conformément à ses coutumes culturelles et traditionnelles.
Vous avez dit au début de votre exposé que vous ne pensiez pas qu'il s'agisse ici d'autogouvernance. Pourriez-vous expliquer cela brièvement?
Le président: Monsieur Martin, il ne reste plus de temps, mais il y aura un autre tour.
Monsieur Godfrey, pour cinq minutes.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Soyez le bienvenu. Je suis heureux de vous voir.
J'ai deux questions à poser sur votre mémoire. Je ne les pose pas dans un esprit d'hostilité, mais par curiosité, pour ma propre gouverne.
Aux pages 4 et 5, vous parlez de la Convention de Montevideo de 1933, qui donne la définition classique d'un État. D'autres témoins ont fait valoir les mêmes arguments que vous. Ma question traduit mon ignorance, mais sachant que l'un des éléments essentiels pour être un État est la possession d'un territoire défini, cela signifie-t-il avoir le contrôle exclusif sur un territoire d'un seul tenant, ou bien pourrait-il s'agir d'un territoire partagé? Que cela signifie-t-il concrètement dans le contexte des revendications territoriales et de tout le reste? Voilà ma première question.
Ma deuxième question porte sur votre page 9, où vous dites que la Loi sur les Indiens de 1876 est une loi essentiellement illégitime, car vous n'avez pas été consultés, qu'elle vous a été imposée et qu'elle viole ce que vous estimez être la responsabilité fiduciaire de la Couronne. Si la première loi est illégitime à vos yeux, cela signifie-t-il que tous les amendements ultérieurs sont aussi illégitimes, quelles que soient les consultations menées? Étant donné que le texte que l'on modifie est à vos yeux illégitime ou illégal, est-il possible de le modifier, même avec la consultation la plus poussée que l'on puisse imaginer?
J'ai donc ces deux questions.
¿ (0930)
Le grand chef Chris McCormick: D'accord, je répondrai d'abord à la deuxième.
La Loi sur les Indiens est un document colonial qui établit une discrimination préjudiciable aux Premières nations. La Cour internationale de justice en a fait reproche au Canada. Vous aviez deux ans pour abroger l'article de la loi qui révoquait le statut d'une femme indienne qui épousait un non-Autochtone. Le Canada a réagi en modifiant la loi, mais ce qu'il a fait a été de transférer la discrimination sur les enfants.
Ce qui me laisse perplexe, c'est pourquoi un gouvernement démocratique utiliserait ce document particulier comme fondement pour construire une relation avec les premiers citoyens de ce pays. Si vous allez signer des instruments internationaux dans lesquels vous professez l'autodétermination des peuples, pourquoi utilisez-vous ce document comme point de départ? Il y a 20 ans, la Constitution reconnaissait et affirmait les droits ancestraux et issus des traités. La Constitution est la loi suprême du pays. Pourquoi diable les parlementaires partent-ils maintenant dans la direction opposée?
Pour ce qui est des traités, votre première question, les traités ont été signés par nos ancêtres--des hommes très intelligents--pour aussi longtemps que le soleil brillera, que les rivières couleront et que l'herbe poussera. Les rivières coulent toujours, le soleil brille toujours et l'herbe est sur le point de reverdir. Mais pour nous, le regain sera le retrait de ce projet de loi.
Le territoire est là, si vous honorez vos traités. Il existe une frontière reconnue, sur la carte que vous avez dans vos bureaux aux Affaires indiennes, qui délimite les frontières de ces traités. C'est l'accord que vous avez conclu avec nos ancêtres. C'est l'accord dont nous escomptons le respect.
Le président: Il ne vous reste plus que 30 secondes.
M. John Godfrey: Il était entendu que ces traités et les territoires qu'ils définissaient devaient être partagés, n'est-ce pas? Autrement dit, c'était donnant donnant. Le territoire était partagé avec les nouveaux arrivants européens, si vous voulez, mais en échange, il devait y avoir certaines obligations. Cela semble quelque peu différent, par rapport à un peuple qui a possession exclusive d'un territoire, selon la définition de cette convention de 1933.
Comme je le disais, je n'essaie pas de lancer un débat, j'essaie simplement de...
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.
M. Pat Martin: Merci.
Je pense que vous avez dit clairement, grand chef, que s'il y avait eu consultation dans les règles et si les Premières nations avaient eu vraiment leur mot à dire quant aux priorités, le résultat n'aurait pas été le projet de loi C-7. Les priorités ne correspondraient pas à celles que le gouvernement a choisies dans le projet de loi C-7. Vous avez dit cela clairement, que vous auriez préféré voir la mise en oeuvre du processus issu des traités. Vous auriez préféré retourner à la table de négociations, suivant les recommandations de la commission royale, par exemple.
Pour aborder maintenant les dispositions précises du projet de loi qui vous plaisent le moins, je voudrais votre opinion sur une question qui a été soulevée par un témoin précédent. Le paragraphe 9(3) traite de l'obligation de rendre compte et de la divulgation des états financiers. Un avocat a dit dans son exposé qu'à son avis, cette disposition devrait avoir une plus grande portée encore.
Ce que dit cet article, c'est que non seulement vous devez montrer les états financiers aux membres de la bande, de manière à rendre des comptes aux membres de votre bande, et je n'ai pas entendu un seul chef s'opposer à cela, jusqu'à maintenant, mais aussi que vous devez rendre des comptes à quiconque vous en fait la demande. Cela s'applique à tous les états financiers, même dans le cas d'une entreprise à but lucratif dans votre réserve. Vos concurrents directs pourraient exiger de voir les états financiers d'une entreprise que vous dirigez.
À vos yeux, est-ce là un empiétement sur le droit fondamental à la vie privée des Premières nations?
¿ (0935)
Le grand chef Chris McCormick: Notre peuple s'efforce d'établir un partenariat avec le Canada, et ils n'ont pas d'affaire à essayer d'imposer une loi sur la vie privée des membres des diverses communautés n'importe où au Canada. Ce sont les membres de la communauté qui ont ce pouvoir et cette obligation.
Nous sommes offusqués que le gouvernement tente d'adopter une loi qui s'applique à nous sans notre consentement et sans que nous ayons notre mot à dire, et sans même nous avoir demandé au départ si nous voulions de cette loi.
M. Pat Martin: Il y a un autre article, l'article 9, qui est offensant. L'article 10 est même plus insultant, en ce sens qu'il renforce le pouvoir d'intervention du ministre. Si ce projet de loi visait vraiment à permettre aux Premières nations de se gouverner elles-mêmes, on s'attendrait à ce qu'il réduise l'ingérence et l'intervention du ministère des Affaires indiennes et du ministre. Alors qu'en fait, cette disposition prévoit la possibilité pour le ministre d'intervenir arbitrairement pour diverses raisons et d'imposer la gestion par une tierce partie, par exemple, ce dont nous avons déjà été témoins comme tactique disciplinaire.
Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l'article 10, qui renforce le pouvoir du ministre?
Le grand chef Chris McCormick: Je suppose que la réponse que je pourrais vous donner est que nous avons signé des ententes de contribution. Les dispositions que renferme le projet de loi se trouvent déjà dans les ententes de contribution. Nous devons produire des états financiers, nous devons faire faire une vérification indépendante, et nous devons faire parvenir le tout au ministre dans les 120 jours, je crois. Le ministre peut prendre des mesures si la vérification n'est pas conforme aux pratiques normales en la matière. Nous n'avons donc pas besoin que tout cela soit imposé par la loi. Le ministre dicte déjà ces exigences et nous les avons acceptées quand nous avons signé l'entente de contribution. Toutes les communautés d'un bout à l'autre du pays sont dans la même situation.
Quand elle a témoigné devant le comité, la vérificatrice générale a fait observer que nous devons remplir plus de 160 rapports; je pense que c'est le chiffre qu'elle a donné. Personne d'autre n'est astreint à une telle obligation. Que puis-je ajouter? Même la vérificatrice générale remet en question le processus auquel les Premières nations sont assujetties.
M. Pat Martin: En outre, elle a dit que les collectivités des Premières nations font l'objet de vérifications exagérées. On pourrait dire qu'elles ont un surplus en matière de reddition de comptes.
Voilà ce qui est difficile à avaler pour certains d'entre nous. Alors que la preuve empirique montre que 96 p. 100 de toutes les collectivités des Premières nations déposent leurs vérifications à temps et sans incident, etc., et rendent des comptes à leurs membres en conformité de la loi, on s'obstine à propager ce mythe voulant que les abus et la mauvaise gestion financière sont tellement généralisés que c'est une véritable épidémie et que cela justifie la manière forte et l'intervention du ministre et l'ingérence dans les affaires des collectivités des Premières nations.
Le président: Merci beaucoup.
Merci, monsieur Martin.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Je m'interroge sur une question de procédure. Le procès-verbal stipule que nous posons nos questions en alternance, et je cite «entre...».
¿ (0940)
Le président: Nous ne devrions pas utiliser son temps de parole pour discuter de procédure, parce que le temps file.
M. Charles Hubbard: Dans ce cas, je vais le faire pendant mon temps de parole à moi.
À la Chambre, nous avons un certain nombre de partis d'opposition, mais il n'y en a qu'un ici ce matin. Nous avons cinq députés ministériels ici présents.
Le président: En fait, il y en a quatre, parce que l'un d'eux n'est pas inscrit.
M. Charles Hubbard: Je vous compte comme représentant du parti ministériel.
Quoi qu'il en soit, il est question d'une alternance entre le gouvernement et les partis d'opposition. Le Bloc et l'Alliance ne sont pas représentés ici aujourd'hui.
Le président: Est-ce que vous demandez que nous changions la formule d'alternance?
M. Charles Hubbard: Oui, si nous voulons, de façon réaliste, permettre à chaque membre du comité de faire au moins une intervention, au lieu d'en avoir cinq du même parti.
Le président: Dites-moi ce que vous demandez. Est-ce que vous me demandez d'accorder simplement la parole à chaque député à tour de rôle?
M. Charles Hubbard: Cela me semblerait équitable.
Le président: Monsieur Martin, qu'en pensez-vous?
M. Pat Martin: Non. Je pense que le parti au pouvoir a tout le temps du monde pour élaborer et rédiger ce projet de loi, tandis que les partis d'opposition ont ici l'occasion de faire connaître leur opinion. Je ne peux pas m'empêcher...
Le président: Les règles sont en place, et nous allons donc poursuivre de la même manière.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président, mais nous avons beaucoup de représentants. Il me semble que ce ne serait pas juste de...
Le président: Je comprends, mais ce ne serait pas juste pour M. Martin si je changeais les règles seulement parce qu'il est le seul présent.
Vous pourriez avoir un entretien en privé avec lui et essayer de le convaincre de peut-être permettre deux interventions pour chacune des siennes. Peut-être pourrait-on faire un compromis quelconque.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président. Dans ce cas, nous n'avons pas de questions de ce côté-ci.
Le président: Bon, merci.
Monsieur Martin, vous avez trois minutes.
M. Pat Martin: S'il y avait consultation légitime et si les Premières nations pouvaient faire connaître leurs priorités, je voudrais vous donner l'occasion de nous en faire part. Suivrait-on les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones? Serait-ce par là qu'il faudrait commencer pour lancer une nouvelle ronde ou une nouvelle génération de coopération, puisque c'est ce qui était censé se passer après la commission royale?
Le grand chef Chris McCormick: En bout de ligne, nous aimerions que l'on convoque une conférence des premiers ministres, comme nous l'avons dit. Nous n'avons pas le sentiment qu'on nous accorde le respect ou la reconnaissance voulus dans notre pays.
La commission royale est le fruit de cinq années de recherche, d'enquête et de consultation. Elle a suivi les recommandations qui avaient été énoncées par les Premières nations. C'est certainement plus que le temps que votre comité pourrait consacrer à la recherche et l'étude des amendements proposés dans le projet de loi sur la gouvernance de M. Nault. Ce serait donc plus approprié. Mais je répète que si M. Nault est intéressé à renforcer le mieux-être des collectivités des Premières nations, nul besoin d'être un avocat de Philadelphie pour savoir qu'il doit y avoir consultation entre lui et le chef national pour déterminer les domaines auxquels nous sommes d'accord pour travailler.
Matthew pourra prendre le relais et nous dire de qui il tient ses instructions. Il les tient des chefs réunis en assemblée, qui les tiennent eux-mêmes des membres de leur collectivité quand ils participent à l'assemblée nationale. Il peut dire : « J'ai parlé au ministre et il a proposé que nous abordions telle ou telle question ». Les chefs ont la possibilité de donner leur accord ou d'exprimer leur désaccord.
Selon l'entente, nous aurions l'Assemblée des Premières nations et le ministre des Affaires indiennes sur le même plan, avec l'appui des chefs et des membres de leur collectivité qui seront les personnes touchées par tout changement législatif au Canada. C'est une question de simple respect.
M. Pat Martin: C'est l'une des raisons pour lesquelles notre parti croit que tout cet exercice est en fait voué à l'échec. Au départ, quand le ministre s'est rendu compte que les dirigeants des Premières nations, et plus précisément l'Assemblée des Premières nations, n'étaient pas intéressés à ce train de mesures en particulier et avaient des réserves, il a choisi de passer outre les dirigeants élus et a essayé de trouver des particuliers dans les diverses collectivités qui étaient disposés à collaborer. Autrement dit, les experts en la matière, les gens qui font autorité sur ces questions, les dirigeants légitimement élus des Premières nations, non seulement n'ont pas été invités à la table, mais ils ont même été écartés expressément et délibérément. Cela ressemble à une recette pour l'échec.
S'il me reste une minute, j'aimerais parler d'argent. Vous avez signalé que les collectivités avaient droit à 5 000 $ si elles autorisaient une séance d'information...
¿ (0945)
Le président: Vos trois minutes sont écoulées.
Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) : Merci. Je pense que je vais seulement prendre un instant pour formuler une observation. Je suis restée assise à ma place et j'ai écouté le plus grand nombre de témoins possibles, essayant d'avoir toujours l'esprit ouvert, comme je pense tous les députés au Parlement s'efforcent de le faire. Mais certaines personnes ont déclaré qu'ils ont tous été mis dans le même panier. Je le constate, moi aussi, parce que je suis une Canadienne autochtone et que j'écoute avec sympathie bien des gens décrire leur situation. Mais quand des gens font des déclarations et n'arrêtent pas de dire « vous, vous autres, ceci, cela », je me trouve alors visée et englobée, moi aussi, dans un tout. Vous n'arrêtez pas de dire qu'il ne faut pas que ce soit à sens unique, et je ne suis pas sûre, moi non plus, que tout aille bien de ce côté. Mais je sais que chacun a ses raisons pour faire ces déclarations.
J'ai aussi une question à vous poser, au sujet de la page cinq. J'ai entendu des déclarations très fermes de la part de différentes personnes un peu partout au Canada selon lesquelles cette terre qui est la nôtre ne nous appartient pas; nous l'empruntons. Pourtant, à la page cinq, vous avez un paragraphe qui dit que ce droit existe naturellement pour vous, à titre de propriétaires originaux de cette terre. Je trouve que c'est un peu contradictoire, parce que les Autochtones ont toujours dit qu'ils ne possèdent pas la terre, mais qu'ils l'empruntent. Peut-être pourriez-vous m'expliquer cela.
Le grand chef Chris McCormick: Quand nous disons que nous l'empruntons, nous voulons dire que nous l'empruntons aux enfants et aux générations à naître. C'est de là que nous tenons nos responsabilités à titre de gardiens de la terre, de l'eau, des animaux et de tout ce que le Créateur a créé pour que nous vivions tous en harmonie. Donc, vous avez raison, nous ne possédons pas la terre; c'est la terre du Créateur. Mais nous avons une responsabilité à l'égard de la partie de la terre sur laquelle nous avons été placés. Le conflit tient au fait que des gens sont venus d'autres parties du monde et ont appliqué leur propre philosophie en matière de propriété.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Voici ce que j'essaie de comprendre. En tant que peuples autochtones, nous faisons beaucoup d'efforts pour vivre aux côtés de nos compatriotes canadiens dans ce pays. Mais cela devient difficile de faire la distinction entre ce qui est à nous, notre propre manière d'agir, et ce que nous empruntons. Quand nous empruntons, comment décider entre ce que nous allons réclamer et le reste? Je suis certaine que tout cela devient très confus pour les gens avec qui nous essayons de travailler, je veux dire la question de savoir à quel moment cette propriété est transférée.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Martin, quatre minutes.
M. Pat Martin: Je voudrais poursuivre au sujet du montant en dollars. On a offert 5 000 $ aux collectivités des Premières nations. Certains groupes ont offert beaucoup plus que cela pour tenir ces réunions d'information. Mais nous avons aussi entendu des histoires de coercition et même de pénalité ou de réduction du financement des programmes si les gens refusaient d'embarquer et de collaborer avec la LGPN. Avez-vous eu cette impression dans votre milieu, grand chef McCormick?
Le grand chef Chris McCormick: Pour être juste, je dois dire que je pose encore des questions. Notre association a reçu 111 000 $ pour le budget de base. Je sais que les députés ont 250 000 $ pour faire marcher leurs bureaux et que le loyer est payé par la Chambre. Ils payent leurs employés. Ils ont environ trois employés chacun dans leur bureau de circonscription. Avec une diminution de 35 p. 100 de mon budget de base, il me reste 78 000 $, somme avec laquelle je dois payer une réceptionniste, un spécialiste des finances, un gestionnaire de bureau, un secrétaire exécutif et moi-même. Mon budget de base total du ministère est inférieur au salaire de certains grands chefs dans cette province. On utilise la formule PTO. J'ignore si c'est une erreur ou si c'est la même politique pour tous ou bien si c'est un acte de revanche parce que l'Association des Iroquois et des Indiens alliés, à la suite du mandat qui nous a été confié par l'assemblée, rejette la série de projets de loi que le ministre propose. Mais, je le répète, pour être juste, nous continuons de poser cette question, et j'espère que le bureau du ministre répondra bientôt.
¿ (0950)
M. Pat Martin: C'est ce qu'on nous a dit aux quatre coins du pays, et il y a des gens qui continuent de faire enquête. Quand des agents du ministère des Affaires indiennes font un lien entre la coopération et le succès des propositions, par exemple, et nous avons le procès-verbal de certaines réunions tenues au ministère, nous craignons beaucoup que les responsables utilisent des encouragements financiers pour obtenir la collaboration, ou alors la menace de sanctions financières en cas de refus de collaborer. L'exemple le plus éclatant est le fait que l'APN perd 50 p. 100 de son budget et doit mettre à pied 70 de ses recherchistes et employés les plus qualifiés au moment même où elle doit étudier les amendements les plus compliqués à la Loi sur les Indiens en 50 ans. C'est presque comme au bon vieux temps, quand vous n'aviez pas le droit d'embaucher des avocats. Cela revient quasiment à cela.
Le grand chef Chris McCormick: Il m'est venu à l'esprit que l'on a accordé des ressources à des Autochtones qui ne sont pas des Indiens inscrits, par exemple les organisations qui représentent les Métis. Les ressources du Conseil du Trésor sont destinées aux Indiens. Si c'est le même argent que le ministre distribue aux Métis, je me demande où il a obtenu l'autorisation d'utiliser cet argent pour faire des consultations auprès de personnes autres que les Indiens inscrits.
M. Pat Martin: Faites-vous allusion au Congrès des peuples autochtones?
Le grand chef Chris McCormick: Le Congrès des peuples autochtones, l'Association des Métis de l'Ontario, le groupe qui a fait sécession de l'Association des femmes autochtones du Canada.
M. Pat Martin: La NAWA, oui.
Le grand chef Chris McCormick: Mais n'oubliez pas que l'argent du Conseil du Trésor est destiné aux Indiens inscrits de notre pays.
Le président: Merci beaucoup.
Une dernière question, monsieur Martin, pour quatre minutes.
M. Pat Martin: Eh bien, pour poursuivre dans la même veine, nous réunissons lentement toutes ces bribes d'information, mais le processus de consultation... Nous avons maintenant un ex-employé du MAINC, un type qui a été embauché pour organiser des réunions d'information, qui est prêt à déclarer sous serment qu'on lui a dit de compter parmi les personnes qui ont été consultées même les gens qui sont venues aux réunions pour se prononcer contre la LGPN ou bien pour parler de logement, d'éducation, de santé, du manque d'eau potable ou de tout autre dossier pertinent à leur collectivité.
Quand on annonçait une assemblée publique, avec présence de représentants du ministère, il y a des gens qui sont allés à ces réunions pour présenter des griefs quelconques, et ils se sont retrouvés comptés parmi ceux non seulement qui ont été consultés, mais qui ont appuyé la LGPN.
Voilà les renseignements qui nous parviennent lentement, par bribes. Malheureusement, ce projet de loi aura peut-être force de loi quand nous aurons réussi à prouver ce que nous avançons. Ce sera donc après le fait.
Je vous demande encore une fois de nous communiquer tout détail que vous pourriez connaître au sujet du processus de consultation.
Le grand chef Chris McCormick: Compte tenu de la responsabilité de votre comité à titre de représentant du Parlement, et étant donné que l'honneur de la Couronne est en jeu, si vous avez connaissance d'éléments d'information de ce genre et si la personne en question était partie prenante dans ce processus, c'est la responsabilité de votre comité d'entendre cette personne.
Je peux parler au nom de notre association et dire qu'il n'y a eu aucune consultation des membres de l'Association des Iroquois et des Indiens alliés, autre que la consultation qui a eu lieu dans nos collectivités au sujet du projet de loi, au sujet du processus et de la manière dont elle a été présentée aux peuples des Premières nations. Je pense avoir énoncé un certain nombre d'objections que nous avons entendues de la part de nos membres et de nos chefs et conseils.
¿ (0955)
M. Pat Martin: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous vous donnons le mot de la fin, et vous aurez suffisamment de temps pour vous exprimer.
Le grand chef Chris McCormick: Dans tout ce processus, il m'apparaît, et je pense que vous êtes en train de l'apprendre et d'en faire l'expérience dans votre tournée à travers le pays, qu'il suffit de regarder dehors aujourd'hui, ou encore en Alberta, ou bien à Thunder Bay, pour constater que les peuples des Premières nations veulent que le projet de loi soit retiré. Il suffit de voir toutes ces manifestations où l'on compte des femmes, des enfants et des aînés.
Il y aura un grand nombre de personnes ici aujourd'hui pour appuyer la position qui a été confiée à leurs chefs en ce qui a trait à notre position et aux résolutions qui ont été déposées dans les assemblées des Indiens iroquois et alliés, les chefs de l'Ontario et l'Assemblée des Premières nations.
Ils disent qu'il suffit de s'ouvrir les yeux pour comprendre. Non seulement nous présentons de l'information, mais nous avons des gens d'un bout à l'autre du pays qui sont contre ce projet de loi. J'ignore sur quels arguments le Parlement pourrait s'appuyer pour l'adopter. Je me rends compte que vous faites votre travail, que vous réunissez de l'information, et j'accepte cela.
Mais je le répète, comme nous l'avons dit dans notre exposé, nous espérons que vous ferez ce que doit et recommanderez au Parlement que ce projet de loi soit retiré et qu'une réunion soit convoquée, à laquelle participeront les dirigeants élus et les ministres responsables pour examiner les questions que nous avons formulées dans nos recommandations.
Cela dit, monsieur le président, je vous souhaite la meilleure chance dans vos entreprises et je vous remercie beaucoup de nous avoir écoutés.
Le président: Nous vous remercions beaucoup.
Comme il nous reste un peu de temps, je voudrais revenir sur votre dernière observation, avec l'obligeance du comité. Il n'est pas question de recommander qu'il soit retiré. Nous le savons tous. Nous devons appliquer le processus. C'est un dilemme, parce que même si nous pouvions dire qu'il faut le retirer, si le Parlement ne le retirait pas, alors nous n'aurions pas fait un effort pour le rendre meilleur.
C'est un problème qui se pose à nous. Nous savons qu'il y aura des amendements, je soupçonne même qu'il y en aura beaucoup, et de bons amendements. Nous avons entendu bien des choses qui nous ont ouvert les yeux, et il nous faut des amendements.
Si nous recommandons carrément de le retirer et ne proposons pas d'amendements, et s'il n'est pas retiré, nous n'aurons alors rien fait. Notre contribution sera nulle. Je ne vous demande pas d'être d'accord ou pas, je vous dis simplement que c'est la réalité.
Bien sûr, vous pouvez commenter cela, ou faire toute autre observation.
Le grand chef Chris McCormick: La seule chose que j'aimerais dire, c'est que vous ne pouvez pas avoir la paix en l'absence de justice. Ce que nous voulons, c'est la justice. Nous vous demandons de respecter votre Constitution, qui dit que les droits issus des traités sont reconnus et affirmés. Vous avez un projet de loi qui établit les codes, les politiques administratives, la reddition de comptes, et qui stipule qu'à moins que nous ne fassions quelque chose de précis, ces dispositions vont s'appliquer automatiquement. C'est du colonialisme. Ce n'est pas du respect envers les Premières nations et envers les peuples, dans le sens international du terme.
Il sera contesté. Je pense qu'on vous a avisés qu'il fera l'objet de contestations judiciaires et par toute autre méthode. Nous ne pouvons pas le répéter à l'infini. Nous venons ici et nous disons la vérité. Voilà notre perception.
Le président: Merci beaucoup. Votre présentation nous sera très utile. Je suis certain que nous allons nous y reporter quand nous tiendrons nos débats.
J'invite maintenant, du London District Chiefs Council, le chef Harry Doxtator, chef de la Nation Oneida de la Thames. Si je comprends bien, le chef Doxtator sera accompagné de Phil Maness et de Martin Powless.
Je vous souhaite la bienvenue à tous. Vous avez 45 minutes en tout. Nous vous invitons à faire votre exposé, et j'espère que vous laisserez du temps pour les questions.
Vous avez la parole.
À (1000)
Le chef Phil Maness (Première nation Aamjiwnaang; London District Chiefs Council): [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]
Je m'appelle Phil Maness. Je viens du territoire appelé Première nation d'Aamjiwnaang. Mon clan est le Clan de la tortue. Je suis ici au nom de Harry Doxtator.
Je suis accompagné de Martin Powless, analyste de politique pour le London District Chiefs Council.
Je vous remercie pour votre temps.
Le London District Chiefs Council est un conseil unique représenté par huit Premières nations qui en sont membres. Ces Premières nations sont la Première nation d'Aamjiwnaag, ou Première nation de Sarnia, auparavant connue sous le nom de Sarnia; le territoire Bkejwanong, connu également sous le nom de Première nation de Walpole Island; la Première nation de Caldwell; les Chippewas de Kettle Point et de Stony Point; les Chippewas de la Thames; la Première nation Delaware à Moraviantown de la Thames; la Première nation Munsee Delaware; et la Nation Oneida de la Thames.
Nous avons des relations de travail uniques parce qu'en réalité, il y a trois nations qui siègent à la table, et nous y sommes présents depuis 30 ans. Nous avons une partie de la Nation Ojibway connue sous le nom d'Anishinabek, membres de la Nation Anishinabek. Nous avons les Delawares. Nous avons aussi la Nation Oneida de la Confédération iroquoise.
Je voudrais aussi remercier les Mississaugas de la Première nation de New Credit, les gardiens traditionnels du territoire où cette réunion prend place aujourd'hui.
Je voudrais dire aussi avant de commencer, au nom du London District Chiefs Council, qu'aucune consultation n'a eu lieu avec ses Premières nations membres concernant l'ébauche, le contenu ou les effets négatifs possibles sur ses Premières nations membres pouvant découler de l'adoption du projet de loi sur la gouvernance des Premières nations tel qu'on le propose.
De plus, les cinq minutes qu'on accorde aujourd'hui au LDCC ne doivent pas être interprétées comme un processus de consultation qui libérera le gouvernement fédéral de ses responsabilités juridiques, constitutionnelles, fiduciaires ou morales à l'égard des Premières nations.
Je vais maintenant vous donner un aperçu des recommandations du London District Chiefs Council.
Le LDCC recommande que le projet de loi C-7 ne devienne pas une loi du Parlement. Le LDCC soutient que, contrairement aux buts déclarés du projet de loi C-7, tel que présentés dans le préambule et l'article 3, à savoir offrir aux Premières nations des outils de gouvernance plus efficaces, soutient donc que le projet de loi C-7 fait le contraire.
Le London District Chiefs Council recommande en outre que le gouvernement du Canada entreprenne sur le champ des négociations avec les Premières nations du LDCC pour assurer une disponibilité adéquate des ressources et un échéancier réaliste pour permettre aux nations du LDCC de revitaliser convenablement leurs structures et leurs processus d'autonomie gouvernementale traditionnelle et communautaire.
Il faudrait élaborer ces structures et ces processus d'autonomie gouvernementale au sein des communautés, conformément aux souhaits et à l'orientation du peuple, plutôt que sous l'égide du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le MAINC, ou du gouvernement fédéral. Ainsi, les Premières nations seront en mesure de mettre sur pied des structures de gouvernance pertinentes sur le plan culturel, durables et reconnues par le peuple.
Cette liste des recommandations est suivie d'un sommaire des recommandations et d'une brève description des préoccupations particulières du London District Chiefs Council.
Premièrement, le projet de loi C-7 ne devrait pas devenir une loi du Parlement.
Deuxièmement, il faut négocier une nouvelle relation entre les Premières nations et le Canada. Cette relation doit être de bonne foi tout en étant réaliste et en garantissant la certitude, la stabilité et l'imputabilité entre le Canada et les Premières nations. En vertu de cette nouvelle entente, le Canada se verra obligé, sur le plan juridique, de mettre des ressources adéquates à la disponibilité des Premières nations afin de permettre à ces dernières de s'autogouverner suivant leurs structures traditionnelles de gouvernance.
Troisièmement, toute loi présentée par les provinces ou par le gouvernement fédéral et pouvant influencer les droits des Autochtones et les droits issus des traités doit comporter des clauses de non-abrogation et de non-dérogation.
Quatrièmement, le gouvernement du Canada doit révoquer sa politique telle qu'exprimée dans le document intitulé Guide de la politique fédérale sur la mise en oeuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale et à la négociation de cette autonomie. Les politiques exprimées dans ce document seraient remplacées par des ententes d'autonomie gouvernementale pleinement négociées avec les Premières nations et celles-ci seraient limitées par l'abordabilité et par des ententes reconnaissant intégralement les droits tels qu'exprimés à l'article 35 de la Constitution canadienne.
À (1005)
Toute loi éventuelle envisagée par le Canada ne pourra être mise en oeuvre qu'avec le plein consentement informé des Premières nations concernées. Une telle loi doit conférer des pouvoirs importants en matière de gouvernance et elle doit mener en temps opportun au démantèlement du ministère des Affaires indiennes, en transférant aux Premières nations toute autorité touchant la gestion de leurs affaires.
Il y a par ailleurs des préoccupations particulières. Premièrement, nous estimons que le projet de loi C-7 est inconstitutionnel. Le projet de loi C-7 n'est pas conforme à la Constitution du Canada, puisqu'il ne renferme aucune clause de non-abrogation ou de non-dérogation.
L'article 25 de la Constitution stipule que la charte «ne porte pas atteinte aux droits ou libertés—ancestraux, issus de traités ou autres—des peuples autochtones du Canada». Cependant, le dernier «attendu que» dans le préambule du projet de loi C-7 permet que l'exercice des pouvoirs et attributions prévus par toutes les lois du Parlement soit assujetti à la Charte canadienne des droits et libertés. Cela contredit le libellé clair et sans équivoque de l'article 25 de la Charte, qui stipule que l'interprétation de la Charte des droits ne doit pas porter atteinte aux droits des peuples autochtones, qu'il s'agisse de droits ancestraux ou issus de traités.
Si l'on veut proposer une modification constitutionnelle, il faut procéder de la façon prescrite et non de façon unilatérale et selon les caprices du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, du ministre ou du gouvernement fédéral.
La charte comporte les articles 1 à 33. Si la charte doit s'appliquer aux droits et aux méthodes de gouvernance des Premières nations, cela signifie que le critère énoncé dans l'arrêt Oakes constitue la norme qu'on doit appliquer en ce qui concerne les droits des Autochtones et les droits conférés aux Premières nations en vertu des traités. En agissant ainsi, on ignorerait la nature sui generis, c'est-à-dire le caractère unique des droits des Autochtones, ancestraux ou issus de traités. De plus, on ignorerait par le fait même les nombreuses décisions rendues par la Cour suprême du Canada qui accordent des protections et des considérations spéciales lors de l'examen et de l'interprétation des droits des Autochtones, ancestraux ou issus de traités. Les décisions rendues dans des affaires comme R. c. Sparrow, R. c. Sioui et Delgamuukw c. la Colombie-Britannique, ainsi que les progrès réalisés sur le plan judiciaire en reconnaissant les droits des Autochtones ancestraux ou issus de traités seraient perdues, ignorées ou annulées dès l'application de cette disposition.
Voici nos recommandations.
La Loi constitutionnelle de 1982 a enchâssé le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pour tous les peuples des Premières nations. Le projet de loi C-7 déroge à la règle de droit en tentant d'amender de façon unilatérale un droit protégé en vertu de la Constitution, au moyen d'Une modification législative, sans consulter convenablement les Premières nations concernées.
Il faut éviter que le projet de loi C-7 devienne une loi au Canada, puisqu'il vient directement en conflit avec la formulation de la Charte, ainsi qu'avec l'esprit et l'intention des traités signés entre la Couronne et les Premières nations. L'honneur de la Couronne est en jeu dans ces négociations avec les Premières nations. Ce processus ne respecte pas l'obligation fiduciaire du Canada à l'égard des Premières nations.
Deuxièmement, le projet de loi C-7 n'aborde pas les vrais enjeux de la gouvernance. La Commission royale sur les peuples autochtones, appelée CRPA, ainsi que l'étude réalisée par l'Université Harvard sur la gouvernance des Autochtones d'Amérique ont permis d'identifier trois éléments essentiels d'une gouvernance efficace, nommément la légitimité, le pouvoir, et des ressources adéquates. Le London District Chiefs Council soutient que le projet de loi C-7 n'aborde pas convenablement ces trois éléments essentiels.
La «légitimité» concerne la confiance du public dans le gouvernement et l'appui qu'il lui accorde. La structure proposée dans le projet de loi C-7 permettra de réduire le degré de légitimité des Premières nations relativement aux structures de gouvernance que nous envisageons.
Les effets conjugués des articles 31 et 33, du paragraphe 16(2), à la rubrique «Pouvoirs législatifs», du paragraphe 17(2), «Textes législatifs pour les besoins de la bande», et du paragraphe 18(3), «Lois sur la gouvernance de la bande», rendront impossible l'application de toute loi souhaitée par la Première nation, malgré notre insistance. En effet, en vertu du projet de loi C-7, les codes ou les lois des Premières nations sont soumis à la primauté des autres lois du Parlement ou à tout règlement adopté en vertu de la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
À (1010)
Le London District Chiefs Council soutient que le processus de gouvernance, c'est-à-dire la compétence finale et absolue dans les questions internes, doit demeurer entre les mains des Premières nations. Autrement, certains membres d'une Première nation pourront en appeler librement des décisions prises par leur gouvernement des Premières nations en s'adressant à des sources extérieures telles le MAINC ou les tribunaux, rendant ainsi inapplicables les décisions des Premières nations en matière de gouvernance.
Aux termes de l'article 33, tous les codes élaborés par la bande sont soumis aux règlements que peut imposer le gouverneur en conseil. Autrement dit, suivant un processus étendu de consultation communautaire et l'émergence d'un consensus général sur la façon dont les Premières nations se gouverneront, leurs gouvernements seront incapables de respecter la volonté du peuple de préférence à celle du gouverneur en conseil. En fait, toute légitimité aux yeux de notre peuple sera perdue ou compromise.
Les pouvoirs: nous désignons par là la capacité légalement reconnue d'agir. Une fois de plus, l'effet combiné des articles susmentionnés du projet de loi C-7 ainsi que de l'article 56 rend inexistants les pouvoirs législatifs des Premières nations. En vertu du projet de loi C-7, les Premières seraient toujours tenues de respecter les règlements qui les régissent et que le gouverneur en conseil a adopter sans leur consentement.
Entre les mains du gouverneur en conseil, le projet de loi C-7 représente l'autorité suprême, au-dessus même des lois des Premières nations. Il ne garantit aucunement qu'on respectera et qu'on ne bafouera pas la volonté des Premières nations. Le LDCC craint que l'article 33, conjugué à l'article 56, qui amende l'ancien article 88, fera en sorte que les lois provinciales s'appliqueront aux territoires des Premières nations à la discrétion exclusive du gouverneur en conseil.
Les ressources: nous entendons par là les ressources essentielles sur les plans économique, financier et humain permettant d'exercer l'autorité gouvernementale et de répondre aux besoins et aux attentes de tous les citoyens. On ne retrouve nulle part dans le projet de loi C-7 quelque assurance à l'effet qu'on accordera aux Premières nations de nouvelles ressources sur les plans de la formation, du développement culturel ou institutionnel ou sous forme de salaires, pour leur permettre d'assumer les nouvelles responsabilités qu'on leur transfert.
Ces responsabilités se trouvent aux articles 4 à 7, pour l'élaboration des codes, à l'article 11 pour la création d'un tribunal ou d'un organisme indépendant, aux articles 16 à 18 pour le processus de consultation communautaire qu'on doit effectuer avant d'adopter et d'exécuter les lois, et aux articles 23 à 29 pour la formation des agents d'exécution des bandes afin d'éviter les nombreux problèmes de responsabilité.
On ne dispose d'aucune assurance que les Premières nations et le gouvernement fédéral signeront une nouvelle entente fiscale comme la CRPA l'a envisagé et recommandé. Le LDCC croit que le projet de loi C-7 n'améliore en rien les ressources économiques, financières et humaines dont dépend une autonomie gouvernementale véritable et efficace. En réalité, le projet de loi C-7 réduit les pouvoirs des Premières nations dans les domaines permettant précisément de réaliser une gouvernance efficace. De plus, on s'attend, en vertu du projet de loi C-7, que les Premières nations administrent d'autres domaines de compétence sans ressources additionnelles. Cette recette est vouée à l'échec.
Deuxième recommandation: le gouvernement devrait entreprendre sur le champ des négociations avec les Premières nations dans le but de créer une nouvelle relation fiscale. On ne peut assurer une telle relation qu'en négociant de bonne foi des deux côtés. Les deux parties doivent être réalistes quant aux délais de mise en oeuvre et lorsqu'il s'agit de déterminer et d'allouer les ressources nécessaires. Une nouvelle relation fiscale offrira aux Premières nations la stabilité, la certitude et l'imputabilité. De plus, ces conditions doivent assurer aux Premières nations que Affaires indiennes et du Nord Canada ne réduira ou ne retiendra pas leur financement de façon injuste ou arbitraire.
Le modèle des droits inhérents par rapport au modèle des droits délégués. Dans le préambule au projet de loi C-7, on fait référence à la politique que le gouvernement canadien a élaborée sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Dans ce document, le Canada reconnaît qu'un tel droit inhérent existe à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Cependant, cette politique fédérale limite la portée de ce qu'implique un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale aux yeux des Premières nations. Le gouvernement fédéral considère que les seuls droits dont jouissent les Premières nations sont les droits qu'on leur a délégués en vertu de lois telle la Loi sur les Indiens et la Constitution.
À (1015)
La Commission royale sur les peuples autochtones a adopté un point de vue différent. De l'avis des commissaires,
en vertu de la loi constitutionnelle du Canada, les peuples autochtones jouissent également du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale au sein du Canada. Ce droit émane du statut original des peuples autochtones en tant que nations indépendantes et souveraines sur les territoires qu'elles occupaient. En général, les domaines de compétence inhérents aux Autochtones en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 comprennent toutes les questions touchant une saine gestion publique et le bien-être des peuples autochtones et de leurs territoires. |
On ne reconnaît aucun modèle de droits inhérents dans le projet de loi C-7. Ce projet de loi repose sur le modèle des droits délégués et il est limité par la capacité financière du gouvernement.
Les droits des Premières nations ne devraient pas être limités par une politique du gouvernement fédéral quand ces droits sont protégés par la Constitution et qu'on ne les a pas respectés pleinement et de façon équitable. Selon le principe de continuité tel qu'exprimé par la CRPA, les peuples autochtones n'ont pas perdu ou abandonné leurs droits inhérents lorsqu'ils ont entrepris une relation confédérale avec la Couronne. Le London District Chiefs Council souscrit à cette position aujourd'hui. Les Premières nations considèrent qu'il n'y a jamais eu abandon ou révocation de leurs droits inhérents. Cependant, le refus du Canada d'inclure une clause de non-abrogation et de non-dérogation nous permet de soupçonner que le projet de loi C-7 est peut-être une tentative délibérée de révoquer les droits inhérents des Premières nations.
Troisième recommandation: le gouvernement fédéral doit toujours inclure des clauses de non-abrogation et de non-dérogation dans tout document devant traiter des droits des Autochtones, ancestraux ou issus de traités, qui leur sont garantis en vertu de la Constitution.
Quatrième recommandation: le gouvernement fédéral devrait modifier ou révoquer immédiatement sa politique sur la mise en oeuvre et la négociation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale afin de refléter avec précision la positionsui generis des Premières nations.
Les délais imposés dans le projet de loi C-7 sont irréalistes. Le délai de deux ans imposé aux Premières nations dans le projet de loi C-7 est trop court pour permettre aux Premières nations de créer leurs institutions en tenant des consultations intensives dans la communauté. Sans cet apport communautaire, toute structure de gouvernance élaborée par les Premières nations sera illégitime aux yeux de la communauté. Il se peut qu'un tel processus prenne une ou deux générations, lorsqu'on pense au nombre de fois que des gouvernements canadiens successifs ont dû démanteler les institutions d'autonomie gouvernementale des Premières nations.
Des questions importantes ne sont pas abordées dans le projet de loi C-7. Le LDCC croit que les questions suivantes devraient faire partie intégrante de toute loi visant à reconnaître les pouvoirs d'autonomie gouvernementale des Premières nations au Canada: une loi sur la reconnaissance des nations; les questions d'appartenance doivent être régies par les Premières nations et non pas par la Loi sur les Indiens ou la Loi sur la gouvernance des Premières nations; un régime équitable d'acquisition des terres pour agrandir le territoire des réserves; l'application des droits matrimoniaux et patrimoniaux sur les territoires des Premières nations; le démantèlement graduel du MAINC pour faire place à la gouvernance et à l'administration des Premières nations selon leurs conditions; la reconnaissance des Premières nations comme étant un palier de gouvernement distinct qui bénéficierait d'un financement adapté aux besoins pour assurer intégralement le succès et la mise en oeuvre de l'esprit et de l'intention des traités.
Cinquième recommandation : le gouvernement du Canada, en consultation et en partenariat avec les Premières nations, doit entreprendre immédiatement l'élaboration d'une loi quelconque visant à reconnaître clairement la contribution des Premières nations à l'histoire du Canada. De plus, nous recommandons qu'une telle loi mette en place une autonomie gouvernementale véritable, selon la conception qu'en ont les Premières nations.
Enfin, l'élimination graduelle du rôle du MAINC doit être primordiale dans toute entente sur l'autonomie gouvernementale et toute loi connexe.
Dans des notes en bas de page de notre document, au sujet des décisions La Reine c. Oakes et la Reine c. Sparrow, nous citons la Cour suprême, qui a déclaré: «Il est vrai que l'article 35(1) n'est pas régi par l'article 1 de la charte», et aussi, dans la décision Sioui, «La définition même d'Un traité nous empêche de conclure qu'on ne peut annuler celui-ci sans le consentement des Indiens concernés». Maintenant, dans la décision la Reine c. Delgamuukw, la cour a déclaré:
L'intention de l'article 35(1) étant de réconcilier l'antériorité de la présence des peuples autochtones en Amérique du Nord en affirmant la souveraineté de la Couronne, il est évident, d'après cette déclaration, qu'on doit reconnaître et affirmer dans l'article 35(1) les deux aspects de cette présence antérieure, premièrement l'occupation du territoire et deuxièmement, l'organisation sociale existante et les cultures distinctes des peuples autochtones vivant sur ces terres. |
Meegwetch.
À (1020)
Le président : Merci beaucoup.
M. Powless a-t-il un exposé?
M. Martin Powless (conseiller technique, London District Chiefs Council): Non, je suis simplement là pour aider le chef Maness.
Le président: Au début de votre présentation, vous avez parlé des cinq minutes qui vous étaient accordées. Aux fins du compte rendu, je précise que c'est 45 minutes. Vous avez pris 20 minutes pour votre exposé, ce qui est bien. Je voulais seulement remettre la pendule à l'heure. Je ne voudrais pas que les gens croient que nous vous avons accordé seulement cinq minutes. On vous a demandé de faire un exposé de cinq minutes.
Le chef Phil Maness: Je m'excuse de ce malentendu, monsieur le président.
Le président: Ce n'est pas grave.
Le chef Phil Maness: Je faisais référence à mes cinq minutes. J'aimerais avoir les 45 minutes.
Le président: Vous les avez.
Monsieur Martin, cinq minutes.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Merci, chef Maness.
M. Powless voudra peut-être répondre à cette question. En ce qui a trait à la légitimité, vous avez fait remarquer qu'aux termes du projet de loi C-7, les membres des Premières nations auraient le loisir d'interjeter appel des décisions des gouvernements des Premières nations auprès d'instances extérieures, comme les tribunaux. Un grand nombre des problèmes qui affligent les communautés des Premières nations tiennent à un manque de ressources, surtout maintenant car les personnes assujetties au projet de loi C-31 reviennent dans les collectivités alors que celles-ci n'ont pas de ressources supplémentaires pour les accueillir. Une personne serait-elle habilitée à engager des poursuites advenant qu'on ne lui fournisse pas de logement, par exemple, et ce, même si la bande n'a pas d'argent pour fournir des logements. Y aurait-il des poursuites au sujet d'une poignée de porte, pour reprendre les propos de l'intervenant précédent. Il se pourrait qu'il y ait une vague de poursuites liées à des problèmes existant dans les communautés des Premières nations. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela vous inquiète?
Chef Phil Maness: Je répondrai en premier et je laisserai ensuite Martin ajouter des commentaires supplémentaires, le cas échéant.
Je ne peux que parler en tant que chef de ma communauté en particulier. À l'heure actuelle, certaines personnes, que nous appelons les personnes relevant du projet de loi C-31, ont été réintégrées dans notre communauté. Nous avons une liste d'attente de gens qui souhaitent revenir dans la communauté. Je ne dis pas que ce sont toutes des personnes assujetties au projet de loi C-31. Environ 200 personnes sont en attente d'un logement, un chiffre que je vous cite de mémoire. Nous avons planifié de construire un lotissement, mais nous devons tenir compte des ressources dont nous disposons. D'énormes pressions s'exercent sur les dirigeants de la communauté pour qu'ils trouvent les ressources nécessaires à la réalisation de ce projet.
À l'heure actuelle, nos ressources sont limitées. Nous avons des plans en vue de réaliser ce projet, mais tout dépend si nous pourrons avoir accès aux ressources suffisantes pour le faire.
Pour en revenir à votre question, à savoir pourquoi cela nous inquiète, je considère que le projet de loi C-7 pourrait être tenu responsable de l'incapacité de la bande à offrir aux personnes qui réintègrent la communauté les ressources dont elles ont besoin, même si c'est notre objectif.
M. Martin Powless : J'aimerais ajouter quelque chose, si possible.
Je vous renvoie au paragraphe 11(1) où l'on peut lire « Le conseil attribue... à une personne impartiale ou à un organisme impartial ». C'est une directive en vue de constituer un organisme impartial. Or, nous n'avons tout simplement pas les ressources voulues pour le faire, même si cela nous intéresserait beaucoup. Si nous pouvions obtenir du gouvernement du Canada un engagement à cet égard, je pense que cela ferait beaucoup pour garder à l'intérieur des limites de notre territoire les problèmes internes et de compétences. À l'heure actuelle, toute contestation d'une décision prise par un conseil de bande pourrait immédiatement être acheminée à un tribunal fédéral qui en ferait un examen judiciaire. Toutefois, si l'on envisage d'instaurer un autre système de règlement des différends dans nos communautés, il nous faudrait disposer de ressources pour concrétiser cela, mais le projet de loi n'en prévoit pas. À mon avis, l'exercice d'un tel pouvoir sur nos territoires est un élément inhérent de l'autonomie gouvernementale, et il nous faut en favoriser l'exercice.
À (1025)
M. Pat Martin: Je vais passer mon tour. Merci. J'attendrai le prochain tour de table.
Le président: Monsieur Hubbard, cinq minutes.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Bonjour. Je vous remercie de cette excellente présentation.
Monsieur le président, je tiens à signaler encore une fois aux fins du compte rendu que nos réunions ont toujours été menées dans un esprit de partage entre les partis politiques. Je suis plutôt déçu de constater aujourd'hui que notre collègue d'en face estime qu'il représente en fait quatre partis à la table. Il est assez fascinant de le voir se transformer de député du Bloc en député conservateur en député de l'Alliance pour revenir ensuite à son rôle de représentant du NPD.
Quoi qu'il en soit, monsieur le président, je voudrais partager mon temps de parole avec M. Godfrey. Nous utiliserons ensemble nos cinq minutes.
Le président: Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: J'espère que vous serez indulgent à mon endroit.
J'ai trouvé votre exposé très intéressant. Ce n'est pas la première fois que j'entends de tels arguments, mais l'avantage qu'il y a à entendre les mêmes arguments à répétition, c'est que cela nous donne l'occasion d'y réfléchir et de mieux les comprendre.
Mes questions vous paraîtront peut-être très simples, mais à mon avis, elles sont fondamentales. La première concerne la terminologie. Ce qui m'amène à la poser, c'est votre observation voulant que les traités conclus entre les peuples autochtones et les Européens aient une qualité unique. Autrement dit, ils ne sont pas comme les traités traditionnels des Occidentaux européens. Ils ont quelque chose de spécial.
Si tel est le cas, est-il aussi exact que d'autres termes comme «nation» ou «territoire» ont un sens particulier qui ne se reflète pas dans la langue européenne traditionnelle? J'aimerais avoir la réponse à cette question et, si vous y répondez par l'affirmative, je vous dirai ce que cela signifie, à mon avis.
Le chef Phil Maness: Je le répète, je suis ici en tant que représentant du London District Chiefs Council, et je sais pertinemment que les huit communautés qui le composent ont signé quatre traités.
Dans ma collectivité, il y a deux Premières nations qui sont parties prenantes d'un traité. Il s'agit du traité de Amherst, signé en 1827 avec la Couronne britannique. Il a pour effet de réserver quatre parcelles de terres pour l'usage exclusif du peuple Ojibway, en retour d'une cession de 2,3 millions d'acres de territoires connus sous le nom de comté de Lambton. Ces terres ont été réservées pour notre usage exclusif et je n'ai vu aucun document--si ce n'est dans la Loi sur les Indiens du gouvernement fédéral--où il est question de l'abandon de ces territoires existants.
M. John Godfrey: Les 2,3 millions d'acres?
Le chef Phil Maness: Non. C'est fini.
À (1030)
M. John Godfrey: C'est des deux parcelles originales dont vous parlez.
Le chef Phil Maness: Il y en a quatre.
M. John Godfrey: Quatre. Désolé.
Le président: Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: À moins que Nancy veuille ajouter quelque chose... Avons-nous encore du temps, monsieur le président?
Le président: Votre parti a encore 45 secondes.
M. Charles Hubbard: Stan?
M. Stan Dromisky: Non, 45 secondes ce n'est pas suffisant.
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Les députés libéraux n'arrêtent pas de m'asticoter parce que je suis le seul député de l'opposition présent. Selon mon interprétation des règles de notre comité, les députés ministériels posent des questions et ensuite les députés de l'opposition. En l'occurrence, je ne pense pas inventer de nouvelles règles. Je suis le seul député d'un parti de l'opposition qui a choisi d'être présent ici aujourd'hui, de sorte que je ne me sens absolument pas coupable d'utiliser le temps de parole alloué à l'opposition.
Cela dit, comme le temps file, je vous renvoie à votre recommandation numéro 4, où vous dénoncez le délai de deux ans et le fait que si vous n'instaurez pas des codes de gouvernance conformes au projet de loi C-7 dans ce laps de temps, on vous imposera de telles règles. Je voudrais que vous nous en disiez un peu plus long au sujet de l'équité de cette mesure. Je vais vous laisser aborder ce sujet unique. Est-ce ainsi que vous voyez les choses?
D'après l'étude de Harvard, cet exercice est voué à l'échec car les collectivités ne voudront ni appuyer ni respecter les règles et les codes de gouvernance au sujet desquels ils n'auront pas eu leur mot à dire. Pouvez-vous nous parler de l'aspect problématique de cela?
Le chef Phil Maness: Oui.
Dans la recommandation numéro 4, nous dénonçons la teneur du projet de loi, et plus particulièrement ce délai de deux ans qu'on nous impose pour instituer de tels mécanismes. Nous souhaitons avoir davantage de gens pour instaurer des structures qui seront légiférées... Encore une fois, dans la perspective des communautés des Premières nations dont nous sommes issus, je peux vous donner quatre exemples qui me viennent à l'esprit. En tant que communauté, nous évoluons sur le plan spirituel, social, culturel et économique. Nous avons ressuscité bien des instances au niveau communautaire. Pour ce faire, il nous a fallu du temps.
Il y a un certain nombre d'enjeux auxquels nous travaillons depuis 30 ans pour améliorer la qualité de vie dans nos communautés et faire revivre notre culture et notre spiritualité. Nous avons déjà enregistré des progrès. Et voilà maintenant qu'arrive ce projet de loi qui nous ordonne de changer de cap. On nous dit que dorénavant, il nous faudra procéder selon des modalités imposées par le gouvernement du Canada et que si nous ne nous y conformons pas, nous en subirons les conséquences. C'est l'interprétation la plus juste que je peux vous donner.
M. Martin Powless: J'aimerais ajouter quelque chose. Encore là, c'est une question de légitimité. Si nous amorçons un processus de consultation auprès de la population pour déterminer quelles structures de gouvernance elle souhaite et que le délai de deux ans prend fin et que tout à coup, on nous impose une structure, à ce moment-là on ne peut plus parler d'autonomie gouvernementale.
Tout s'articule autour de ces trois domaines critiques de gouvernance, et la légitimité est le plus important à nos yeux car sans cette légitimité, il sera impossible d'obtenir l'appui de la population. Qui plus est, ce délai est irréaliste.
M. Pat Martin : En fait, certains témoins sont allés beaucoup plus loin. Ils ont affirmé que le fait d'imposer à un peuple des codes de gouvernance sans qu'ils aient pu collaborer à leur élaboration va à l'encontre de la notion même d'autonomie gouvernementale. Chose certaine, le droit de bâtir des institutions de gouvernance conformes à ses propres coutumes et traditions est une composante de l'autonomie gouvernementale.
M. Martin Powless : À mon avis, cela s'apparente aux pouvoirs du gouvernement fédéral--la paix, l'ordre et le bon gouvernement--dans nos territoires, pour notre peuple et à son service. Pour nous, la gouvernance se définit comme la mise en oeuvre légitime de la volonté de notre peuple.
M. Pat Martin : Passons maintenant aux coûts, parce que vous avez rattaché...
Le président : Dix secondes.
M. Pat Martin : Nous allons attendre.
Le président: Monsieur Dromisky, quatre minutes.
M. Stan Dromisky: Oui, merci beaucoup.
Premièrement, après avoir lu le document que vous nous avez présenté, je pense que ce processus exigera des années de délibération, de consultation, etc. Pour réaliser les objectifs que vous énoncez, il faudra sans doute plus d'une vie. Ce n'est certainement pas quelque chose qui se produira de mon vivant. Peut-être parlons-nous de l'Utopie. Je n'en sais rien.
L'un de vos énoncés concernant les ressources m'inquiète quelque peu. Vous déclarez qu'en réalité, le projet de loi C-7 réduit les pouvoirs des Premières nations dans les domaines permettant précisément de réaliser une gouvernance efficace. Je suis un nouveau venu au comité. Pour moi, le projet de loi représente un effort pour favoriser des relations plus efficaces entre les dirigeants et les membres de la communauté indienne; autrement dit, entre les membres de la bande et le chef et le conseil. On souhaite grâce à cette mesure instaurer une relation plus efficace qui aura davantage de résonance.
S'agissant de gouvernance, qui va gouverner? Supposons qu'un chef agisse de façon dictatoriale, qu'il impose sa volonté et qu'il force tout le monde à obéir sans poser de questions. Les gens ignorent la raison de ces ordres, mais ils n'ont qu'à obéir. Le savoir est un facteur très important. Dans quelle mesure le chef et le conseil transmettent-ils l'information à la communauté? Dans quelle mesure les gens sont-ils au courant de ce qui se passe? Nous savons que beaucoup de chefs font du très bon travail, de l'excellent travail à cet égard. Mais nous savons aussi, car on nous l'a dit depuis deux ou trois semaines, que dans certaines régions, aucune information n'est transmise, quand ce n'est pas de la désinformation que l'on fait.
Comment la gouvernance peut-elle s'inscrire de façon efficace et positive dans une collectivité comme celle que je viens de décrire, où les dirigeants ne sont pas à la hauteur? Dans l'intérêt de la population de chaque communauté, il est essentiel que l'information soit transmise et partagée. La transparence est une nécessité absolue. Je vois mal comment le projet de loi C-7 pourrait être une entrave au partage de l'information. Je vois plutôt cette mesure comme un moyen d'encourager les collectivités à élaborer leurs propres politiques pour favoriser le partage de toute l'information. Voilà comment je vois les choses.
Puis-je avoir votre réaction?
À (1035)
M. Martin Powless : Vous avez mis le doigt sur une différence fondamentale entre nos façons de penser. Nos dirigeants veulent s'adresser directement à notre peuple et le consulter. Cela ne s'est peut-être pas fait dans le passé et c'est la raison pour laquelle il se peut qu'un tel processus prenne une génération ou deux. Peut-être cette mentalité est-elle attribuable à des pouvoirs de gouvernance restreints, que l'on n'a pas vraiment conférés aux Premières nations.
C'est un processus de retour en arrière. Oui, l'information doit être communiquée aux membres et elle doit circuler dans les deux sens, mais tous les gens sont devenus tellement individualistes depuis qu'ils sont forcés de partir pour gagner leur vie au sein de la grande société canadienne. Il faudra beaucoup de temps pour renverser ce processus, pour être en mesure de pouvoir revenir vivre ensemble et d'être plus unis, comme nous l'étions auparavant. Nos membres vivaient autrefois dans des longues maisons qui abritaient de 80 à 100 personnes, mais à l'heure actuelle, cela ne se fait plus en raison des obligations que nous a imposées la société canadienne.
En conséquence, cela prendra du temps. Nous n'y arriverons pas en deux ans, c'est certain.
Le président : Merci.
Nous avons le temps pour un tour de table de trois minutes, ce qui laissera deux minutes pour les déclarations finales.
Monsieur Martin, vous avez trois minutes.
M. Pat Martin : Je préfère laisser davantage de temps à nos témoins pour leurs déclarations finales, s'ils le souhaitent. Je vais donc passer mon tour.
Le président : Sommes-nous d'accord?
Le prochain intervenant sera Mme Karetak-Lindell. Trois minutes. Deux minutes, avez-vous dit?
Mme Nancy Karetak-Lindell : Merci.
Vous avez répété à maintes reprises ne pas avoir les ressources nécessaires pour venir en aide aux gens qui vivent sur vos réserves à l'heure actuelle. J'ai parlé à des Autochtones qui vivent dans les centres urbains car ils estiment qu'il n'y a pas sur la réserve des emplois qui leur permettraient de mener une vie intéressante, même s'ils voulaient y retourner. Je comprends le dilemme de ces gens qui aimeraient beaucoup vivre dans une communauté autochtone, parmi les leurs, et y voir grandir leurs enfants entourés de leur famille élargie mais qui, pour des raisons économiques sont forcés de vivre à la ville.
Si vous aviez les ressources suffisantes pour fournir des emplois et des logements, à votre avis, combien de personnes reviendraient sur la réserve? Vous avez dit que 200 personnes étaient sur une liste d'attente pour des logements. Pensez-vous qu'un plus grand nombre de gens souhaiteraient réintégrer leurs communautés si on leur offrait de meilleures conditions?
Le chef Phil Maness: Oui. Vos observations sont très pertinentes. Encore une fois, les gens que représente le London District Chiefs Council résident dans le sud-ouest de l'Ontario; autrement dit, dans une zone économique située à proximité d'une ville frontalière.
Ma communauté d'Aamjiwnaang est située juste à la frontière. Nous venons de recevoir l'autorisation de prendre de l'extension dans la phase deux d'un parc industriel. Nous avons pu collaborer avec le secteur industriel pour implanter chez nous des entreprises qui ont créé des débouchés d'emploi. D'un point de vue économique, nous avons été en mesure de tirer parti de ces ressources pour que nos membres puissent revenir chez eux en ayant la certitude qu'ils ne se retrouveront pas devant rien.
Et pour répondre à votre question, lorsque nous aurons été en mesure de multiplier ces initiatives, je ne doute pas que les membres de notre communauté reviendront en grand nombre. Nous avons fait des efforts en ce sens et le fait d'exploiter ces ressources nous a permis d'offrir une meilleure qualité de vie.
Et je tiens aussi à dire que le taux de chômage chez les Chippewas d'Aamjiwnaang se rapproche de la moyenne nationale pour la population hors-réserve, ce dont nous sommes très fiers. En fait, cela a été possible car nous avons pu créer des partenariats avec diverses industries, chose qui est parfois très limitée dans le cadre des politiques actuelles du gouvernement fédéral du Canada.
À (1040)
Le président : Merci beaucoup.
Cela nous laisse quatre minutes pour le mot de la fin.
Le chef Phil Maness: Au nom du London District Chiefs Council, je vous remercie de nous avoir écoutés aujourd'hui.
Lorsque je pense à l'époque où je grandissais ici--et je vous ai parlé de mon clan, le Clan de la tortue--dans les sept clans de notre communauté, de ma nation, je dois vous dire que je ne témoigne pas ici dans le cadre des politiques du gouvernement fédéral. Dans le contexte des politiques fédérales énoncées dans la Loi sur les Indiens, je suis élu chef en vertu d'un processus démocratique qui me permet de diriger ma communauté pourvu que j'obtienne la majorité des voix. Mais nous travaillons à un concept de nature communautaire qui m'autorise, en ma qualité de Anishinabe nini... Dans le contexte du Clan de la tortue, je suis un médiateur; je ne suis pas le chef. Le fait de pouvoir comprendre et ressusciter les notions que nous ont enseignées nos anciens représente la véritable gouvernance pour moi et mon peuple.
Je représente ici aujourd'hui sept communautés qui pensent de la même façon, qu'il s'agisse des Onkewehon :we, du peuple Anishnabe ou des Delaware. Comme je vous l'ai expliqué aujourd'hui, nous nous efforçons d'améliorer la qualité de vie dans nos collectivités. Et je suis impatient de voir mes petits-enfants être capables de comprendreGizheminidoo dans notre langue, de prendre cette langue et de se la réapproprier. Or, cela ne sera possible que si nous pouvons compter sur nos propres ressources tout en créant des partenariats dans l'intérêt de notre peuple, à l'intérieur et à l'extérieur de la réserve, dans des limites territoriales que nous reconnaissons.
Pour moi, c'est cela, la véritable gouvernance des peuples. Et le peuple est en train d'en prendre conscience. Nos petits-enfants en prennent conscience. Et ils retrouvent leur langue, ils retrouvent leurs identités et assument leurs rôles et leurs responsabilités en tant que membres de nos communautés. C'est ça, la gouvernance. Personne d'autre que nous-mêmes n'a le droit de déterminer cela; c'est seulement nous-mêmes qui avons le droit de le faire.
Meegwetch.
Le président : Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier beaucoup pour un excellent exposé, et je sais que votre intervention sera très utile.
Je vous demande conseil. Le chef Doxtator n'est pas ici, n'est-ce pas?
Le chef Phil Maness: C'est cela.
Le président : Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous est de la Nation Oneida de la Thames?
M. Martin Powless : Moi, je le suis, mais je crois qu'une délégation différente va faire une présentation au nom de...
Le président : C'est un groupe différent.
M. Martin Powless: Je pense qu'ils sont les suivants, et je ne sais pas s'ils sont arrivés.
Le président : Très bien. Il y a un autre groupe avant eux. Tout va bien. Nous vous remercions beaucoup.
J'invite maintenant le grand chef Ronald Maracle, des Mohawks de la baie de Quinte, à prendre place à la table.
Je vous souhaite la bienvenue, grand chef. Nous avons 30 minutes à vous consacrer. Nous vous invitons à faire un exposé, après quoi les membres du comité auront des questions à vous poser. Je vous invite aussi à nous présenter vos collègues.
Vous avez la parole.
À (1045)
Le grand chef R. Donald Maracle (Mohawk de la baie de Quinte) : [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]
Bonjour tout le monde.
Je vous présente la délégation des Mohawks de la baie de Quinte. Je suis le chef R. Donald Maracle des Mohawks de la baie de Quinte. Je suis accompagné de la conseillère Christine Claus, qui est infirmière; de Chris McCormick, grand chef de l'Association des Iroquois et Indiens alliés, dont Tyendinaga est membre; et de Mme Lorraine Hill, ex-institutrice en 4e année et également administratrice du programme culturel de l'École Mohawk de Quinte. Elle a enseigné à l'École Mohawk de Quinte pendant une vingtaine d'années et elle était l'épouse du regretté chef Earl Hill, qui a été chef pendant 20 ans de notre collectivité et qui a été mon prédécesseur et mon mentor. Il y a également ici présent un autre aîné, Keitha Barberstuck, et aussi Connie Perron, qui défend actuellement une cause devant les tribunaux sur l'absence d'égalité pour les femmes autochtones.
[Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]
Mes salutations aux honorables membres du Comité permanent des affaires autochtones. Les Mohawks de la baie de Quinte vous sont reconnaissants de nous donner l'occasion d'exprimer notre position sur le projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations, loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Je tiens à consigner publiquement que les Mohawks de la baie de Quinte ne donnent pas leur consentement ni leur approbation à tout empiétement sur nos droits autochtones, ancestraux, inhérents ou issus de traités et aux droits à l'autodétermination de la Nation Mohawk. Notre présence et notre participation à cette tribune ne doivent pas être interprétées comme une forme de consultation.
Le moment est maintenant bien choisi pour rappeler à la Couronne les pactes anciens conclus par nos ancêtres mohawks, dans le cadre desquels il était entendu que nos relations seraient de nation à nation. Le Guswentah, la ceinture de Traité Wampum à deux rangées a été présentée aux représentants coloniaux britannique par la Confédération Haudenosaunee des cinq nations dans les années 1600. Il y avait deux rangées de perles de verre violettes séparées par trois rangées de perles blanches. Les deux rangées violettes symbolisaient deux nations qui descendent côte-à-côte le même fleuve de la vie. Les deux embarcations naviguent côte-à-côte dans la même direction et aucune des deux n'intervient dans la navigation de l'autre.
Les peuples mohawks ont été les alliés politiques et militaires de la Couronne pendant plus de trois siècles. Nous avons rendu d'éminents services militaires au service de la Couronne dans tous les conflits militaires depuis 1759. Nos exploits durant la guerre de 1812 ont protégé le territoire qui allait un jour devenir le Canada.
Dans votre étude de la législation appropriée pour la gouvernance, vous devez prendre le plus grand soin de ne pas empiéter sur nos traités anciens, nos conventions, et sur les droits de notre nation qui sont maintenant protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
La Nation Mohawk a le droit inhérent à l'autodétermination. La souveraineté sur les affaires intérieures de notre nation n'a jamais été abandonnée à tout autre gouvernement. Les affaires dont il est question dans le projet de loi C-7 sont des affaires internes qui sont du ressort de la Nation Mohawk.
Les lois mohawks doivent refléter les coutumes, les valeurs et les traditions du peuple mohawk. Le comité Penner et la Commission royale sur les peuples autochtones, ou CRPA, ont souscrit à ce point de vue. La CRPA a reconnu l'importance de l'autodétermination et a déclaré que le choix des dirigeants, l'établissement des rapports, les mesures de redressement, et la reddition de comptes et autres affaires semblables relèvent du droit inhérent et des questions qui sont du ressort de la gouvernance des Premières nations.
En rendant sa conclusion, la CRPA a dit que les Premières nations pouvaient légiférer sur ces questions fondamentales de leur propre chef, sans avoir besoin d'une autre loi fédérale. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et affirme les droits autochtones, inhérents et issus des traités, qui existaient à la date de l'entrée en vigueur de cette loi. Le droit inhérent à l'autodétermination est l'un de ces droits.
À (1050)
Avant que le Parlement de Westminster consente au rapatriement de la Constitution canadienne, lord Denning a statué que les premières nations possédaient des droits inhérents et issus de traités et que le Canada avait l’obligation fiduciaire de reconnaître et d’appuyer la mise en oeuvre de ces droits. Cela reste une responsabilité constitutionnelle primordiale dont le Canada doit s’acquitter dans ses relations avec les premières nations.
Les lois positives et déléguées en vertu de la prérogative fédérale aux termes des dispositions du paragraphe 91(24) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique ne sont pas adoptées conformément à l’esprit des dispositions de l’article 35. Il est absolument indispensable d’avoir l’appui des premières nations et de leurs gouvernements démocratiquement élus pour que le Parlement puisse adopter une modification législative, parce que c’est en fin de compte les premières nations qui seront les plus concernées et les plus touchées par cette modification législative.
On peut fortement douter que le mécanisme de consultation prévu dans le cadre du projet de loi C-7 suffise à répondre aux exigences de l’article 35 de la Loi constitutionnelle. On ne fait état que d’une très maigre participation de 2 p. 100 aux consultations.
L’Assemblée des premières nations a adopté officiellement une résolution s’opposant au projet de loi C-7. Nombre de premières nations savent que la Fédération des Indiens de la Saskatchewan conteste en ce moment l’adoption de cette loi devant la Cour fédérale. Aucun député ne peut dire, compte tenu de cette opposition générale des Autochtones au projet de loi C-7, que les premières nations ont octroyé le mandat d’adopter cette loi.
Si le Canada a l’intention d’empiéter sur le droit inhérent des premières nations, en tant qu’Autochtones, à l’autodétermination, il faut qu’il justifie cette transgression. En faisant adopter une loi par le Parlement sans avoir procédé aux consultations nécessaires et sans disposer d’un consentement explicite, l’État manque à son honneur.
Depuis 1959, les vérificateurs des Mohawks de la baie de Quinte ont garanti l’exactitude de nos comptes sans aucune réserve. Nous avons toujours bien su gérer nos comptes et nos finances. Nous ne sommes pas opposés à la transparence et à la responsabilité des gestionnaires.
Pour finir, en faisant ces commentaires et ces observations, nous ne cherchons pas à offenser le ministre des Affaires indiennes ou les participants à la procédure parlementaire. Nous demandons au Canada de se pencher sur le fait que cette loi risque sérieusement d’empiéter sur notre droit inhérent à l’autodétermination. Nous invitons le Canada à mettre en oeuvre une procédure législative permettant d’instaurer un partenariat renouvelé faisant appel au respect mutuel, au consentement et à la collaboration.
Le président : Merci, grand chef.
Si aucun autre membre de votre délégation n’a d’exposé à présenter, nous allons passer immédiatement aux questions. Nous vous laisserons ensuite le temps de conclure.
Monsieur Martin, vous disposez de cinq minutes.
M. Pat Martin : Je vous remercie de cet excellent exposé, d’une grande clarté. J’espère que tout le monde autour de cette table vous a bien entendu, parce que vous vous êtes exprimé de façon à rendre bien compréhensibles des questions très complexes. Je pense que c’est une chose que nous avons tous appréciée.
Je dois vous préciser tout d’abord que je vous ai entendu dire avec plaisir au début de votre exposé que vous ne vouliez pas que votre présence aujourd’hui soit interprétée comme une consultation au sens juridique du terme. Nous avons entendu partout au pays nombre de gens se plaindre qu’il n’y avait pas eu de véritables consultations lors de l’élaboration de ce projet de loi, et vous ne voulez pas que quelqu’un puisse venir dire plus tard que l’on a effectivement consulté les Mohawks de la baie de Quinte et qu’ils ont pris part aux consultations. Merci de l’avoir dit.
Vous nous avez dit catégoriquement qu’à votre avis ce projet de loi vise à empiéter sur les droits autochtones inhérents et issus de traités. J’aimerais que vous précisiez votre pensée et que vous nous disiez en quoi exactement ce projet de loi enfreint les droits fondamentaux issus des traités et empiète sur ces droits.
À (1055)
Le grand chef R. Donald Maracle: Le modèle de gouvernance doit venir de la Nation mohawk. Je ne suis pas d’accord avec le principe incorporé à la loi actuelle selon lequel on peut appliquer un modèle universel à tous les gouvernements autochtones, partout au Canada. Il y a des coutumes, des cultures, des traditions et des facteurs économiques différents qui vont influer sur les lois adoptées par les premières nations.
Il faut que le Canada reconnaisse les diverses compétences et les droits inhérents. On a toujours demandé aux tribunaux de trancher ce genre de décision. Les maîtres politiques du gouvernement fédéral et des provinces ont toujours fait preuve de grandes réticences lorsqu’il s’agit de formuler et de définir les droits autochtones, les droits issus de traités et les droits inhérents. C’est ce travail inachevé que lord Denning a confié expressément au Canada lorsque la Grande-Bretagne a accepté que le Canada rapatrie la Constitution.
M. Pat Martin: C’est une fois par génération seulement qu’un gouvernement semble avoir, ne serait-ce que la volonté politique d’aborder les questions autochtones. S’il y avait un véritable mécanisme de consultation, ne peut-on pas penser que les Mohawks de la baie de Quinte ne seraient pas d’accord avec la formulation détaillée ou les différents éléments de ce projet de loi? Si vous aviez eu la possibilité d’intervenir, est-ce que ce sont là les questions que vous auriez choisies de traiter aujourd’hui?
Le grand chef R. Donald Maracle (Mohawk de la baie de Quinte): Les problèmes de compétence ont toujours séparé les Autochtones, le gouvernement fédéral et les provinces. C’est une question qui n’a jamais été réglée. Face à des questions conflictuelles ou lorsque des cas d’urgence se présentaient, les gouvernements ont souvent agi de manière unilatérale, souvent sans consulter suffisamment ou sans même consulter du tout. On a souvent eu tendance à imposer aux premières nations la vision du monde qu’a la société canadienne, même sur des questions internes qui relèvent de nos propres communautés. Bien souvent, c’est tout simplement déplacé.
M. Pat Martin: Nous avons entendu hier soir les responsables des églises anglicanes et unies ainsi que les Quakers. Ils sont d’accord avec vous et estiment qu’il convient de retirer le projet de loi C-7.
Est-ce que vos thèses sont bien accueillies par la collectivité non autochtone? Avez-vous l’impression que les non-Autochtones soutiennent votre point de vue?
Le grand chef R. Donald Maracle: J’ai le sentiment que la population canadienne reconnaît que les Autochtones ont été vraiment dépossédés de leurs terres et de leurs droits. Notre culture a été attaquée par les institutions qui étaient censées nous protéger.
Je pense que l’opinion publique canadienne ne peut que nous être favorable lorsqu’il s’agit de reconnaître le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, surtout sur les questions internes qui appartiennent en propre à notre communauté.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Laliberte, vous disposez de cinq minutes.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci de nous faire connaître le point de vue des Mohawks en matière de gouvernance.
Ma question porte sur votre affirmation selon laquelle on ne peut pas avoir une structure de codes uniformes à l’échelle du pays. Cette loi se définit justement comme étant celle de la gouvernance des premières nations.
J’aimerais savoir si vous êtes d’accord pour dire, ou s’il existe à votre avis un document juridique ou une preuve quelconque, que le Canada reconnaît les Mohawks, les Oneidas, les Tuscaroras ou les Senecas comme étant des nations.
J’aimerais que notre comité envisage d’amender ce projet de loi pour englober dans la définition «Premières nations du Canada» toutes les nations telles que nous les connaissons, qu’il s’agisse des Cris nehiyaw, des Dénés, des Tlingits, des Haïdas, des Micmacs ou des Ojibways.
Si je propose cet amendement, c’est parce que le projet de loi C-7 reconnaît qu’il y a un code issu de la coutume, mais que ce code de gouvernance émane des nations. Donc, à côté du gouvernement fédéral, qui est le premier ordre de gouvernement dans notre pays, des provinces, qui constituent un deuxième ordre, et des municipalités, qui représentent le troisième ordre, nous avons des nations, des tribus et des bandes—qui sont des établissements—comme on peut le voir dans le traité Two Row Wampum.
On vise ici précisément la gouvernance des bandes, mais on oublie la structure de gouvernance des tribus et des nations. Il serait peut-être temps, avant que la décennie des Autochtones ne vienne à expiration—ce sera l’année prochaine, en 2004—que les Canadiens se définissent aux yeux du monde en fonction de leur coexistence avec les nations d’origine du Canada.
Et éventuellement ce projet de loi... Il nous oppose même un délai de carence de deux ans pour recueillir les codes issus de la coutume avant qu’ils soient approuvés. C’est un grand défi à relever. D’aucuns nous disent qu’on ne peut pas y parvenir en deux ans. Je ne suis pas d’accord. Je pense que les confédérations d’origine parmi nos nations sont déjà en place. Il convient d’exercer le lien entre les nations d’origine.
La commission d’enquête royale a recommandé que pour que la gouvernance soit considérée comme une autonomie gouvernementale, il faut qu’elle s’appuie sur les nations. Parmi les nombreuses recommandations de cette commission d’enquête royale, il y en avait une qui portait sur un parlement autochtone et finalement sur une troisième chambre du Parlement.
Ce lien serait illustré par le Two Row Wampum—les deux vaisseaux. Le premier est celui des nouveaux arrivants, et l’autre le vaisseau d’origine qui contient nos modes de gouvernance, nos langues et nos objets sacrés. Ce vaisseau doit être... J’ai le sentiment qu’il est vivant, qu’il faut le faire revenir. Pour le faire revenir, il faut identifier les nations.
Je demande au comité d’envisager de définir les « Premières nations du Canada » comme elles le font à l’article 35—soit les Inuits, les Métis et les premières nations. Est-ce que cette loi sur la gouvernance définit les « Premières nations » comme étant les différentes nations—les Mohawks, les Oneidas—et dresse la liste de toutes les nations au Canada?
Á (1100)
Le président: Vous n’avez malheureusement qu’une cinquantaine de secondes pour répondre.
Le grand chef R. Donald Maracle: Vous m’avez demandé précisément à quels documents je peux me reporter. Pour ce qui est de notre nation, il y a le traité Simcoe 3 ½, qui est imprimé par l’imprimeur de la Reine depuis 1890. Il a été promulgué par la Couronne le 1er avril 1793. Il reconnaît et respecte notre souveraineté intérieure et affirme que les lois qui ont préséance en ce qui a trait à la Nation Mohawk de Tyendinaga sont les coutumes de notre peuple. Elles sont protégées par un droit issu d’un traité.
L’autre document auquel je peux vous renvoyer, c’est la Constitution du Canada elle-même, la Proclamation royale de 1763, qui reconnaît l’existence de nations indiennes auxquelles la Couronne est rattachée. On n’y dit pas que la Couronne les contrôle par les lois qu’elle a adoptées; la Couronne est rattachée aux nations autochtones. Cela signifie, selon mon interprétation, qu’il y a un lien entre les deux. C’est généralement un lien politique et militaire.
Le président : Je vous remercie. Excusez-moi, mais le député a épuisé les quatre cinquièmes de votre temps pour poser sa question.
M. Martin est le suivant, et il disposera de quatre minutes. Chacun aura ensuite quatre minutes, et vous disposez de quatre minutes environ pour conclure. Vous pourrez donc aborder tous les sujets que vous voulez lors de ces quatre minutes.
M. Pat Martin : Je n’ai pas besoin de mes quatre minutes, mais j’aimerais que vous nous commentiez l’absence d’une clause non dérogatoire dans ce projet de loi, ce qui est une source d’inquiétude pour nombre de premières nations qui nous ont contactés. Si l’on n’a pas l’intention d’empiéter sur les droits inhérents, pourquoi a-t-on délibérément omis d’insérer une clause non dérogatoire susceptible de rassurer quelque peu les personnes concernées?
Le grand chef R. Donald Maracle: Je pense que vous me posez là une question à laquelle seul le gouvernement peut répondre.
M. Pat Martin: Je vous demande votre avis à ce sujet. Allez-vous joindre votre voix à celle de tous ceux qui veulent être rassurés à cet égard?
Á (1105)
Le grand chef R. Donald Maracle: C’est en fait l’une des questions fondamentales que se posent les Autochtones et leurs dirigeants. Pourquoi n’a-t-on pas prévu cette disposition?
M. Pat Martin: Je vous comprends.
Le président: Quelqu’un veut-il intervenir du côté libéral?
Nous allons passer à la conclusion.
Le grand chef R. Donald Maracle: Il faut que votre comité et que le gouvernement s’interrogent et se posent la question fondamentale de savoir s’ils croient que l’autonomie gouvernementale—ou l’autodétermination, c’est le terme que nous avons l’habitude d’employer—relève de la compétence de la Nation mohawk. Estiment-ils au contraire que d’une manière ou d’une autre ce droit a été limité ou éliminé et qu’il appartient désormais au gouvernement du Canada?
Il y a ici un conflit fondamental entre les pouvoirs attribués au paragraphe 91(24) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et les droits que le Canada est par ailleurs obligé à respecter et à honorer au sens ou l’entend le paragraphe 35(1) de la Constitution.
Le paragraphe 35(1) de la Constitution n’est pas là pour rien et il a une signification bien précise. Il incombe aujourd’hui au gouvernement de se pencher sur la question. Il est inadmissible que des lois puissent être tout simplement adoptées arbitrairement et conçues en secret par quelques privilégiés dans le cadre d’une procédure qui fait que les dirigeants autochtones ne savent pas exactement ce qui va figurer dans le projet de loi tant qu’il n’a pas été déposé devant la Chambre. C’est une procédure qui ne fait pas intervenir comme il se doit les Autochtones.
Il convient d’élaborer un autre modèle législatif. Il convient que le Canada adopte une loi reconnaissant purement et simplement que certains pouvoirs des gouvernements autochtones sont protégés par la Constitution, comme cela se fait pour les pouvoirs des gouvernements provinciaux en vertu de cette même Constitution. Il s’agit de tenir compte de différentes compétences, ce que ce projet de loi ne fait pas. On ne fait que perpétuer le modèle colonial, le Canada décidant de ce qui est bon pour nous en fonction de ses propres valeurs et de ses propres traditions et non pas des nôtres.
Le président: Merci de cet excellent exposé.
Le grand chef R. Donald Maracle: Je vous remercie.
Le président: Nous invitons maintenant à comparaître le chef Harry Doxtator, de la Nation Oneida de la Thames, ou son délégué.
Est-ce que Kim Thomas est ici?
M. Martin Powless: Il ne semble pas que les principaux responsables de la délégation de la Nation Oneida soient arrivés. Nous pourrions faire une pause de deux minutes en attendant qu’ils arrivent.
Le président : Nous pourrions demander au chef Roberta Jamieson, des Six Nations of the Grand River, si elle est prête à présenter maintenant son exposé. Est-ce que le chef Jamieson est ici?
Personne ne s’est inscrit pour présenter des exposés impromptus. Est-ce quelqu’un qui ne s’est pas présenté et qui n’est pas inscrit pour intervenir devant le comité veut faire un exposé impromptu de deux minutes?
Veuillez vous avancer. Pour qu’il en soit pris acte dans notre procès-verbal, je vais vous demander votre nom.
Mme Marlene Martin (À titre individuel): Je m’appelle Marlene Martin. Je viens du territoire des Six nations de Grand River.
J’aimerais faire un commentaire à l’intention de tout le monde ici présent. J’ai beaucoup entendu parler de « nation » ce matin. J’aimerais vous expliquer dans quel cadre nous nous situons.
Une nation se définit comme étant un territoire, une langue et des lois. Je tiens à vous préciser et à vous rappeler que les Six nations avaient en fait leur territoire dans l’État de New York, qu’elles ont abandonné lorsqu’elles sont venues aider la Couronne britannique. Nous sommes venus nous installer ici et notre territoire s’appuie sur des traités qui ont été reconnus.
Nous avons tous en outre nos langues. Le Canada a cherché à les faire disparaître, mais nous avons résisté. Nous avions nos lois, que notre peuple respectait.
Je tiens donc à vous informer que c’est en tant que nation nous sommes venus vous parler. Nous avons un territoire, une langue et nos lois.
Je vous remercie.
Á (1110)
Le président : Merci. C’était très intéressant.
Quelqu’un d’autre veut intervenir? Y a-t-il quelqu’un qui devait témoigner cet après-midi et qui est prêt à le faire maintenant?
Nous allons suspendre la séance en attendant que la Nation des Oneidas de la Thames soit là. C’est-à-dire dans moins de six minutes.
Êtes-vous Kim Thomas? Quel groupe allons-nous écouter maintenant? S’agit-il de la Nation des Oneidas de la Thames?
Mme Christine Claus (À titre individuel): Non. Nous pensions que vous étiez prêts à entendre des exposés impromptus.
Le président : Nous avons trois personnes à la table. Je ne comprends plus rien maintenant.
Á (1115)
Mme Christine Claus: Nous faisons des exposés impromptus.
Le président : Christine Claus va nous présenter un exposé impromptu. Vous avez la parole.
Mme Christine Claus: Merci de nous entendre. Je vais m’efforcer de bien utiliser les deux minutes qui me sont imparties.
Je pense que notre chef m’a présentée tout à l’heure comme étant membre du conseil du territoire mohawk de Tyendinaga. Je suis infirmière de profession. Je veux vous parler de la pénurie de soins de santé chez les premières nations à l’heure actuelle.
Je considère que la mauvaise santé de la population de nos premières nations est un facteur clé. Puisque vous envisagez d’adopter une loi, je pensais que vous auriez tenu compte d’un certain nombre des problèmes les plus cruciaux dans nos territoires et nos réserves. Le fait que la question de la santé ne soit absolument pas mentionnée dans cette loi est, à mon avis, catastrophique. Le diabète est une véritable épidémie dans la population des premières nations. Cette question n’est absolument pas évoquée dans ce projet de loi.
Il m’apparaît que tout ce qui est vraiment important pour nous ne figure pas dans cette loi, et cela s’explique par l’absence de consultation. Si vous nous aviez demandé ce qui était important, nous ne vous aurions pas répondu qu’à notre avis il fallait que les conseils de bande soient plus responsables et plus transparents, parce que nous considérons qu’il déjà davantage de transparence chez nous qu’au sein du gouvernement canadien.
Les problèmes de santé et les questions sociales non réglées, nos problèmes de logement, le manque d’eau, l’état lamentable de nos routes, voilà les choses qui sont importantes pour notre population, et voilà les questions que nous aimerions voir régler.
Le président : Je vous remercie.
Je précise à tout le monde que nous sommes prêts à entendre des exposés impromptus au sujet du projet de loi C-7. Nous comprenons vos observations et nous sommes prêts à les accueillir, mais nous sommes d’ores et déjà bien conscients des difficultés, des besoins et des souffrances de bien des gens au sein des premières nations.
Nous avons reçu une mission précise, nous sommes d’accord pour dire que tous les autres problèmes qu’invoquent les intervenants doivent être réglés, mais pas dans le cadre de ce projet de loi. Ils le seront aux termes d’une autre loi. Parfois, vos observations ne semblent pas rencontrer d’écho, mais nous les enregistrons.
Le travail de notre comité porte précisément sur le projet de loi C-7 et sur les amendements recommandés. Nous vous invitons à faire vos commentaires à ce sujet. Il n’en reste pas moins que nous acceptons les enseignements que vous nous donnez, parce que nous avons besoin d’apprendre.
Je vous remercie.
Y a-t-il d’autres exposés?
Nous allons maintenant inviter à comparaître la Nation des Oneidas de la Thames. Le chef Harry Doxtator n’est pas là, mais nous avons Rolanda Elijah, Al Day, Kim Thomas et Randy Phillips. Nous sommes tous prêts? L’aiguille tourne.
Nous disposons de 30 minutes et je viens de déclencher le chronomètre. Soyez les bienvenus. Nous vous invitons à nous présenter vos exposés. Espérons qu’il restera du temps pour que les députés puissent vous poser ensuite des questions. Vous avez la parole.
Mme Rolanda Elija (À titre individuel): Je donne le bonjour au président et aux membres du comité permanent. Je m’appelle Rolanda Elijah et j’appartiens à la Nation des Oneidas.
À toutes mes relations qui sont ici [Le témoin s’exprime dans une langue autochtone].
J’ai à ma droite notre analyste des politiques de la Nation des Oneidas. Il s’appelle Randy Phillips. À ma gauche, c’est Kim Thomas, notre conseiller juridique.
J’ai préparé un discours par écrit et je vous prie de m’excuser de vous le lire.
Nous tenons tout d’abord à remercier les membres du comité permanent d’avoir donné l’occasion à la Nation des Oneidas de la Thames de présenter cet exposé, et nous saisissons ici cette occasion de parfaire le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent, qui a permis d’asseoir à l’origine notre relation sur la paix, la confiance, l’amitié éternelle et la bonne volonté.
Nous n’avons pas l’intention de commenter les dispositions de fond du projet de loi C-7 «Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l’obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois», ni les questions de procédure, telles que le devoir de consulter la validité constitutionnelle du projet de loi C-7, car nous partons du principe que ce projet de loi ne s’appliquera pas à la Nation Onyota’ a:ka Oneida compte tenu des relations bien particulières que nous avons entretenues avec la Couronne britannique au cours de l’histoire. Nous allons faire porter plutôt notre intervention sur l’exposé de nos liens avec la Couronne britannique et sur les devoirs et obligations que ces liens imposent par ailleurs au gouvernement canadien.
La Nation Onyota’ a :ka part du principe que notre relation avec la Couronne britannique et avec le gouvernement canadien est décrite par le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent et par le Two Row Wampum, le Kahswentha. Les droits qui découlent de cette relation sont constitutionnellement protégés par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, qui est reproduite à l’annexe B de la Loi constitutionnelle de 1982, chapitre 11. Nous considérons que le projet de loi C-7 enfreint directement le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent et le Two Row Wampum. La Nation Onyota’ a :ka a l’obligation de fournir son propre système de gouvernance à son peuple, ce qu’elle fait depuis des temps immémoriaux.
Je veux simplement revenir sur cette relation historique avec la Couronne britannique en discutant du Pacte d’amitié de la chaîne d’argent. Je ne sais pas si vous le connaissez et je vais donc vous l’exposer très brièvement.
Le président : Nous vous invitons à le faire, mais nous vous demandons de ralentir un peu pour faciliter la tâche des interprètes.
Mme Rolanda Elija: Le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent décrit la relation qui existe entre la Grande-Bretagne et la Confédération des Haudenosaunis. La Nation Onyota’ a:ka est membre de la Confédération de Haudenosaunis. La chaîne correspondant à ce pacte d’amitié symbolise le fait que chacune de nos nations se tient par la main et faut une chaîne témoignant de notre amitié afin que nous puissions marcher sur cette terre en paix, en confiance et dans l’amitié.
Le symbole de cet accord avec la Grande-Bretagne est une chaîne d’amitié composée de trois maillons en argent. Le premier maillon représentait la paix qui était entre nous. Le deuxième, la bonne volonté. Le troisième était le symbole d’une amitié éternelle. La chaîne du pacte d’amitié devait rester pure, solide, sans aucune tache, pour lier ensemble nos nations sans leur faire perdre leur indépendance respective.
Chacune de nos nations détenant la chaîne d’argent symbolisant notre pacte d’amitié, chacune doit donc faire en sorte que notre relation prospère et ne se rompe pas. Le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent lie nos nations au nom de l’amitié et de la coexistence mutuelle de deux nations distinctes et indépendantes. On a dit que si la chaîne venait un jour à se ternir, il nous faudrait nous asseoir à nouveau ensemble pour en polir les maillons et renouveler notre accord.
Lorsque les Haudenosaunis ont rencontré au départ les représentants des colons hollandais, ils ont par ailleurs signé un traité, le Kahswentha, connu aussi sous le nom de Two Row Wampum. Il s’agissait d’un accord symbolisant la paix, le respect et la coexistence pacifique, qui a servi de base aux traités signés par la suite avec les Français, les Britanniques, les Canadiens et les Américains.
La ceinture était faite de deux rangées parallèles de coquilles pourpres sur un lit de perles blanches. Le blanc devait symboliser la pureté de l’accord. Les deux rangées séparées de coquilles pourpres visaient à représenter et à symboliser les esprits des habitants et des ancêtres haudenosaunis et non-haudenosaunis. Elles visaient à représenter l’amitié, la paix et le respect entre les deux nations.
Les deux rangées de coquilles pourpres symbolisaient par ailleurs le fait que les deux nations voyageaient dans deux vaisseaux séparés descendant la rivière en parallèle. Les Onkwehónwe Haudenosaunis sont dans notre canot. C’est le symbole de nos cultures, de nos lois, de nos traditions, de nos coutumes et de notre mode de vie. Les non-Autochtones sont censés voyager dans l’autre bateau, qui symbolise leur culture, leurs lois, leurs traditions et leurs coutumes.
Chaque nation doit rester doit rester dans son propre vaisseau et voyager en parallèle sur la rivière. De plus, aucune des deux nations ne doit chercher à conduire le vaisseau de l’autre ou de l’empêcher de naviguer. La nation Onyota’ a:ka part du principe que le Two Row Wampum affirme et reconnaît la relation permanente qui existe entre le Canada et la Nation Onyota’ a:ka ainsi que le droit de chaque nation à gérer ses propres affaires dans un cadre axé sur la paix, l’amitié et le respect.
Un décret en conseil pris il y a déjà quelque temps s’applique en particulier à la Nation des Oneidas. Après la guerre d’indépendance américaine, la Nation Onyota’ a:ka a été expulsée par les représentants de l’État de New York. En conséquence, la Nation des Oneidas a dépêché ses dirigeants en délégation en 1838 et à nouveau en 1839 pour rencontrer les représentants de la Couronne britannique parce qu’elle désirait se réinstaller dans la partie des terrains de chasse des castors de la Confédération de Haudenosaunis, là où se situe actuellement le territoire sur lequel s’est établie la Nation Onyota’ a:ka, près de London, en Ontario.
La Nation Onyota’ a:ka a été bien accueillie par le gouvernement du Haut-Canada en tant qu’ancien allié fidèle de la Grande-Bretagne. En vertu d’un décret en conseil daté du 14 août 1840, les représentants de la Couronne britannique ont garanti aux dirigeants de la Nation Onyota’ a:ka qu’à la suite de leur établissement ils auraient entière compétence pour gérer leur propriété mais qu’ils pourraient bénéficier, s’ils le souhaitaient, des conseils, de l’aide et de la protection du ministère des Affaires indiennes et du gouvernement de façon à pouvoir s’établir avec succès.
On a par ailleurs garanti à la Nation Onyota’ a:ka qu’elle bénéficierait au minimum de tous les droits et privilèges des autres résidents des premières nations dans la Haut-Canada, et notamment qu’elle serait exonérée d’impôts par les pouvoirs publics sur le territoire où elle s’était établie.
Avant d’accepter de se réinstaller sur ce territoire, nos chefs ont tout d’abord reçu la garantie, dans le cadre de ce décret en conseil, qu’ils pourraient continuer à administrer leurs affaires sur leur territoire d’établissement comme ils l’avaient toujours fait depuis des temps immémoriaux. Ces droits avaient auparavant été reconnus dans le cadre du Pacte d’amitié de la chaîne d’argent et du Two Row Wampum. Ce n’est qu’après l’adoption de ce décret garantissant nos droits que notre peuple s’est réinstallé sur son territoire.
Á (1120)
Je tiens aussi à attirer votre attention sur la lettre de Jarvis. Ce point de vue a été réaffirmé par une lettre envoyée au colonel Bruce, surintendant des Affaires indiennes, par Samuel P. Jarvis en date du 11 juin 1850, dans laquelle il précise les droits et les privilèges devant être accordés à la Nation Onyota’ a:ka sur son territoire d’établissement.
La Nation Onyota’ a:ka a continué à administrer de manière judicieuse ses affaires internes. Depuis la réinstallation de la Nation Onyota’ a:ka en 1840, l’établissement de cette nation est florissant.
Je tiens à aborder certaines questions de compétence qu’exerce actuellement la Nation Onyota’ a:ka. À quelques exceptions près, qui sont celles d’autres communautés haudenosaunis, la Nation Onyota’ a:ka jouit d’une situation bien particulière parmi les autres premières nations des États-Unis ou du Canada, en ce sens que nous n’avons jamais cessé d’exercer notre compétence sur nos affaires internes. Lorsque nous nous sommes réinstallés sur notre territoire, nous avons apporté avec nous les mêmes compétences sur nos affaires internes que celles que nous exercions chez nous dans l’État de New York.
En dépit de l’adoption de la Loi sur les Indiens, la Nation Onyota’ a:ka continue à exercer sa compétence sur ses propres affaires et continue à le faire au vu et au su du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. La Nation Onyota’ a:ka a son propre régime de propriété et d’exploitation des terres, qui n’a jamais cessé d’évoluer de 1840 à aujourd’hui. Depuis qu’elle s’est réinstallée sur son territoire actuel, la Nation Onyota’ a:ka a constamment maintenu son propre registre foncier, dans lequel elle a inscrit toutes les transactions portant sur les terres englobées dans son territoire, sans que cette inscription se fasse à l’AINC. L’AINC le sait elle n’a jamais fait aucune objection.
Depuis des temps immémoriaux, nous administrons notre propre régime de règlement des conflits axé sur la discussion et sur la négociation. Nous ne faisons pas appel à des médiateurs ou à des policiers de l’extérieur pour nous aider à résoudre nos conflits. La Nation Onyota’ a:ka cherche toujours à régler ses conflits de manière pacifique, ce qu’ont toujours réussi à faire nos dirigeants jusqu’à présent.
Nous avons par ailleurs signé un protocole bien particulier avec la Police provinciale de l’Ontario, qui exige que ses représentants soient escortés sur notre territoire par un représentant de la Nation Onyota’ a:ka. Nous avons toujours oeuvré en bonne intelligence avec la province et le gouvernement fédéral. En vertu du décret en conseil mentionné plus haut, nous leur avons demandé leur aide en cas de besoin.
La Nation Onyota’ a:ka a par ailleurs toujours entretenu de bonnes relations avec les municipalités voisines du comté du Delaware et du comté d’Elgin.
Nous partons du principe que nos droits autochtones et issus de traités nous permettant d’administrer notre territoire d’établissement et toutes ses annexes, de même que nos affaires internes, sont constitutionnellement protégés par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle. À ce titre, la Nation Onyota’ a:ka a l’intention de continuer à maintenir sa compétence sur ses propres affaires comme elle le fait depuis des temps immémoriaux, quelles que soient les dispositions adoptées dans le cadre du projet de loi C-7.
Pour ce qui est des droits issus de traités, les terrains de chasse des castors de la Confédération de Haudenosaunis sont visés par un acte de fiducie couramment appelé le Traité de Nanfan de 1701. Cet acte de fiducie a placé les terrains de chasse des castors sous la protection de la Couronne britannique pour garantir à la Confédération de Haudenosaunis un usage et une occupation continus du territoire.
Le territoire d’établissement de la Nation Onyota’ a:ka fait partie de ces terrains de chasse des castors, qui n’ont jamais été rétrocédés. Par conséquent, la Nation Onyota’ a:ka partage le titre autochtone sur ce territoire d’établissement avec les autres nations membres de la Confédération de Haudenosaunis. Le titre autochtone s’accompagne du droit inhérent d’administrer ses propres affaires, qui a été garanti par le décret en conseil susmentionné.
J’aimerais aussi attirer votre attention sur la Proclamation royale de 1763. Les territoires traditionnels de la Nation Onyota’ a:ka ont été protégés par la Proclamation royale du 7 octobre 1763, qui englobe les terrains de chasse des castors de la Confédération de Haudenosaunis. Nous partons du principe que le titre autochtone qui nous est donné en partage sur notre territoire d’établissement et que la compétence que nous exerçons sur ce territoire sont protégés par la Proclamation royale de 1763.
Pour résumer, nous remercions à nouveau les membres du comité permanent d’avoir permis à la Nation Onyota’ a:ka de présenter cet exposé et, par là même, d’entreprendre de polir la chaîne d’amitié qui fixe la relation entre la Grande-Bretagne et la Confédération de Haudenosaunis, dont la Nation Onyota’ a:ka est membre.
Nous n’avons fait aucune observation sur les dispositions de fond du projet de loi C-7 ou sur les questions de procédure telles que l’obligation de consulter ou encore sur la validité constitutionnelle du projet de loi C-7, étant donné que nous partons du principe que le projet de loi C-7 ne s’applique pas à la Nation Onyota’ a:ka compte tenu de la relation particulière qui s’est établie au cours de notre histoire avec la Couronne britannique ainsi que des devoirs et des obligations qu’a imposés par la suite cette relation au gouvernement canadien.
Nous appuyons notre position sur les éléments suivants:
1) Le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent, qui fixe la relation d’amitié et d’affection mutuelles de nos deux nations considérées comme distinctes et indépendantes.
2) Le Two Row Wampum Belt, qui nous garantit le droit d’administrer nos propres affaires dans un environnement caractérisé par la paix, l’amitié et le respect.
3) Le décret en conseil de 1840, qui garantit à la Nation Onyota’ a:ka qu’elle aura toujours la compétence sur ses propres affaires.
4) La lettre de Samuel Jarvis, qui nous garantit les mêmes droits et les mêmes privilèges que toutes les autres premières nations résidant dans le Haut-Canada.
5) Le Traité de Nanfan, qui protège le titre autochtone que nous partageons sur notre territoire d’établissement avec les autres nations membres de la Confédération de Haudenosaunis. Ce titre autochtone s’accompagne du droit inhérent à administrer ses propres affaires.
6) La Proclamation royale de 1763, qui protège le titre autochtone que nous partageons sur notre territoire d’établissement ainsi que la compétence que nous exerçons sur ce territoire.
Je vous remercie.
Á (1125)
Le président : Merci de cet excellent exposé.
Est-ce que l’un de nos collègues souhaite faire état d’une opinion devant être consignée dans notre procès-verbal, ou voulez-vous que nous passions aux questions?
Mme Rolanda Elija : Auparavant, j’aimerais vous présenter Terry Doxtator, qui est lui aussi membre de notre Nation Onyota’ a :ka et de notre conseil traditionnel.
Le président : Soyez le bienvenu.
Le chef Terry Doxtator (Première nation Oneida de la Thames): Je vous remercie.
Le président : Monsieur Martin, vous disposez de cinq minutes.
M. Pat Martin : Merci pour cet exposé particulièrement intéressant. Il est bon qu’on nous fasse ces rappels historiques qui sont bien réels. J’en déduis que vous ne vous sentez pas tenu, ou lié, par les dispositions du projet de loi C-7, qui visent à imposer des codes de gouvernance et d’autres mesures de ce type.
Je pense que je vais m’attacher aux aspects pratiques. Je conviens avec vous, et je suis prêt à le soutenir en votre nom, que vous ne devriez absolument pas être assujetti aux dispositions du projet de loi C-7. Que comptez-vous faire, cependant, à partir du moment où le délai va commencer à courir? Un délai de deux ans est prévu au bout duquel les 633 premières nations du pays devront avoir adopté des codes de gouvernance répondant aux critères du projet de loi C-7, sinon un code leur sera imposé contre leur volonté dans les deux ans qui suivent. Avez-vous un plan de rechange? Envisagez-vous de vous adresser aux tribunaux? Comment allez-vous éviter qu’on vous impose des codes de gouvernance qui ne sont pas les vôtres?
Á (1130)
Le président : Avant de vous répondre, je tiens à faire une petite rectification. Ce délai de deux ans ne commence à courir qu’après la mise en place de la réglementation et des codes. L’aiguille n’a pas commencé à tourner, mais ça va commencer une fois que l’on aura élaboré la réglementation et les codes.
M. Pat Martin : C’est vrai. J’ajouterais même que c’est d’autant plus injuste que vous ne savez même pas à quoi vont ressembler ces codes et cette réglementation, parce qu’ils n’auront même pas encore été rédigés au moment de l’adoption de ce projet de loi.
Le président : Parce que vous allez contribuer à leur élaboration.
M. Pat Martin : Très bien, mais c’est aussi ce que l’on a dit au sujet de ce projet de loi, monsieur le président. On nous a bien dit que personne n’avait contribué à son élaboration; il a été élaboré arbitrairement par le gouvernement libéral. Tout cela n’est donc pas rassurant.
Le président : Je ne veux pas m’engager dans des débats partisans, mais ces codes vont être élaborés avec votre collaboration.
M. Pat Martin : Je ne veux pas faire perdre leur temps aux témoins en discutant avec le président des modalités d’élaboration de ces codes.
Mme Kim Thomas (À titre individuel): Je vais répondre à cette question.
Comme l’a fait remarquer Mme Elijah dans son exposé, la Nation Onyota’ a :ka a toujours su administrer ses affaires internes depuis son arrivée sur son territoire d’établissement. Elle a déjà ses propres codes de propriété et d’exploitation des terres; elle a ses propres mécanismes internes de résolution des conflits; enfin, elle a ses propres mécanismes de gestion des testaments et des patrimoines. Tout cela se passe au su du ministère des Affaires indiennes et du Nord, et sans qu’il fasse aucune objection.
Comme tout gouvernement, le gouvernement actuel de la Nation Onyota’ a :ka continue à évoluer. Le système de gouvernement évolue avec le temps. Notre nation a son propre régime de codes et de lois, qui est antérieur à son arrivée sur le territoire dans lequel elle s’est établie. Par conséquent, lorsqu’on parle d’imposer un code, cela ne s’applique absolument pas à cette première nation. En dépit de l'imposition de la Loi sur les Indiens, cette première nation continue à administrer ses propres affaires indépendamment des dispositions de cette loi. C’est en fait une communauté assez particulière.
Je tiens particulièrement à attirer votre attention sur le décret en conseil, parce que je considère qu’il est très significatif que les chefs de l’époque aient insisté pour que l’on adopte ce décret et que l’on s’assure que leur peuple continue à exercer sa compétence sur ses propres affaires avant sa réinstallation sur le territoire de chasse des castors. Je pense que c’est très pertinent, parce qu’ils ont conservé la même compétence que celles qu’ils avaient dans leurs foyers de l’État de New York. Ils ont continué à exercer cette juridiction.
Notre communauté est bien particulière, parce qu’elle n’a pas cessé véritablement d’exercer sa compétence. Il y a une continuité. Lorsqu’on fait un suivi au sujet de la jurisprudence découlant de l’article 35, on voit que cette première nation n’a pas été affectée, parce qu’elle a toujours maintenu sa propre compétence.
L’imposition de codes de l’extérieur n’est tout simplement pas conforme aux conceptions de cette première nation. Elle se considère toujours comme une nation indépendante appliquant son propre système de gouvernance.
M. Pat Martin : Je vous remercie.
Je suis très content que vous soyez venu témoigner lors de ces audiences. J’espère qu’Ottawa va vous entendre.
Je vous remercie.
Le président : Y a-t-il d’autres questions du côté du gouvernement?
Monsieur Martin, avez-vous d’autres questions à poser?
M. Pat Martin : Un certain nombre de personnes qui ont présenté des mémoires ont fait remarquer que l’application de codes de gouvernance en l’absence de véritable souveraineté ont tout autant de chances d’élever le niveau de vie des premières nations qu’une souveraineté en l’absence de bons codes de gouvernance.
Sur le plan des principes, ne pensez-vous pas que l’on met ici la charrue avant les boeufs et que l’on peut difficilement obtenir de bons résultats en imposant des codes de gouvernance à vous même et à l’ensemble des premières nations sans se donner les moyens d’appliquer une véritable souveraineté. Est-ce que c’est aussi votre avis?
Á (1135)
Mme Rolanda Elija: Il semble que nous tournons en rond ici.
Je ne peux que rappeler ce que je viens de dire. Nous exerçons notre propre compétence et nous avons déjà tout cela, ce qui fait que la situation dans laquelle se trouve la Nation Onyota’ a :ka est bien particulière. Je pense que notre intervention ici consiste en partie à demander au comité permanent ce qu’entend faire le gouvernement canadien face à notre situation.
M. Pat Martin: Je vous comprends.
Le premier à témoigner lors de ces audiences a été le ministre lui-même, qui a déclaré que ce projet de loi avait été rédigé en consultation avec les 10 000 représentants des premières nations, qui ont donné leur avis et ont essentiellement collaboré à l’élaboration de ce projet de loi. Tous les témoins qui ont comparu ensuite devant notre comité ont affirmé que c’était faux et qu’il n’y avait eu aucune consultation. Avez-vous le sentiment d’avoir participé et d’avoir été consulté lors de l’élaboration du projet de loi C-7?
Mme Rolanda Elija: Nous nous sommes demandé au sein de notre conseil si l’un de nos représentants ou l’un des membres du conseil avait participé. À notre connaissance, c’est la première fois que la Nation des Oneidas est consultée et prend part à la procédure.
M. Pat Martin : Je vous remercie.
Le président : Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell : Merci.
Je tiens à vous remercier pour l’historique que vous nous avez présenté ce matin. C’est bien intéressant, et j’estime que les députés, de tous les bords, ont pu se familiariser directement avec l’histoire de notre pays et la contribution des Autochtones.
J’ai quelques questions précises à vous poser. Combien votre nation compte-t-elle de membres et quelle est la répartition entre les gens qui vivent dans la réserve et en dehors de celle-ci.
Mme Rolanda Elija: Là encore, étant donné que nous avons continué à exercer notre propre compétence et notre souveraineté, notre bande compte environ 5 000 membres inscrits. Par ailleurs, je suis un avocat non élu et je considère que ma responsabilité est engagée envers tous les membres, de sorte que je n’ai aucune information concernant la répartition entre les gens qui vivent dans la réserve et ceux qui sont en dehors. Ce n’est pas significatif en ce qui me concerne. Je ne sais pas si d’autres membres du groupe disposent de cette information.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Je pose la question parce que le problème vient en partie pour certaines bandes—et je vous comprends—du fait qu’il y a de nombreux membres qui vivent dans un milieu urbain et qu’il leur est difficile de tous les englober sans disposer des ressources fournies dans certaines réserves pour répondre aux besoins des personnes habitant en dehors de la réserve.
En matière d’éducation, il y a des gens qui demandent de l’aide pour poursuivre leurs études, il y a des listes d’attente et les habitants des réserves ont peu de chance d’obtenir des crédits. Ceux qui habitent en dehors des réserves se trouvent sur des listes d’attente ou ne savent pas encore si ils vont pouvoir bénéficier de crédits. J’essaie de comprendre quelle est votre situation particulière.
Mme Rolanda Elija: Excusez-moi, mais je ne pense pas que ce soit là des questions de politique pertinentes. Je ne pense pas que nous soyons venus discuter de cette question sur ce plan. Nous avons adopté un point de vue précis, qui est davantage d’ordre constitutionnel. Nous pourrons vous fournir ces renseignements plus tard, mais je n’ai pas ces statistiques sur moi.
Le président : Je vous remercie.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin : Non. Je suis prêt à ce que l’on passe à la conclusion, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
Le président : Très bien.
Nous vous invitons à présenter votre conclusion.
Á (1140)
Le chef Terry Doxtator: Je tiens à répéter ici le point de vue adopté par la Nation des Oneida pour préciser à nouveau qu’il ne s’agit pas de procéder à des consultations sur la validité constitutionnelle de ce projet de loi. Les membres de la Confédération de Haudenosaunis partent depuis longtemps du principe que nous entretenons une relation particulière, bien définie, avec la Couronne, que le gouvernement canadien a reprise à son compte depuis sa création.
Au fil des années, on a imposé sur nos territoires les dispositions de la loi ayant précédé le projet de loi actuel, soit la Loi sur les Indiens. Dans certains cas, cette imposition a été très violente. Dans d’autres, elle s’est traduite par la perte de la culture et de la langue et par une baisse des niveaux de vie. Dans la situation actuelle, nous voyons que l’application forcée de la Loi sur les Indiens à nos territoires a entraîné pour nous de grandes pertes.
Nous avons appris par l’expérience à assumer nous-mêmes notre fardeau et nous ne pouvons pas et ne voulons pas faire confiance au gouvernement fédéral du Canada pour nous restituer toutes ces choses. Nous envisageons d’établir une relation nous ramenant dans le cadre de tous les accords qui ont été passés, à commencer par le Two Row Wampum, le Kahswentha et tous les traités qui se sont succédé par la suite.
Au cas où vous vous demanderiez par où nous allons commencer et comment tout cela va fonctionner, il y a déjà un mécanisme en place. Il a été mis sur pied il y a bien longtemps. Ce mécanisme doit être revu. C’est l’accord qui a été passé à l’époque. Il convient de revoir le Two Row Wampum et le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent avant de faire quoi que ce soit, car il faut polir notre relation. Si l’on se remet à imposer d’autres mesures contraignantes à nos communautés, on ne va qu’aggraver nos difficultés actuelles et nous amener à nouveau comme dans un passé récent à nous interroger sur ce que nous faisons et ce que nous voulons faire de notre vie.
Au point où nous en sommes, notre communauté est disposée en tant que nation à faire tout le nécessaire. Ça ne se fera peut-être pas dans un délai de deux ans, mais quelle importance? Nous allons le faire nous-mêmes.
Je vous remercie.
Le président : Cela met fin à votre conclusion?
Mme Rolanda Elija: Oui.
Le président : Bien. Nous vous remercions de cet excellent exposé.
Nous invitons maintenant à se présenter à la table le chef Roberta Jamieson des Six Nations of the Grand River. Josephine Harris et Joey Martin accompagnent le chef Jamieson.
Nous avons 30 minutes à passer ensemble. Je vous invite à faire votre exposé et j’espère que nous aurons ensuite le temps de vous poser des questions. Vous avez la parole.
Le chef Roberta Jamieson (Six-Nations de la rivière Grand) : Sehkon. Skeno. Bonjour. Bon après-midi, parce que c’est presque l’après-midi, n’est-ce pas?
Je suis arrivée ce matin en compagnie de milliers de personnes qui sont restées à l’extérieur en espérant faire passer un message à votre comité. Quinze autobus et de nombreuses voitures et camionnettes ont amené ici les habitants des Six Nations du territoire de Grand River.
J’ai à mes côtés ce matin Josephine Harris, membre du comité de gouvernance des Six Nations et représentante traditionnelle des Haudenosaunis. Joey Martin, qui vous a fait des signes, l’accompagne. Il a été fortement impliqué dans le projet de gouvernance des Six Nations et c’est lui qui représente l’avenir que nous cherchons tous à préparer.
En tant que chef du conseil élu des Six Nations de Grand River, dont la politique est de guérir les plaies du passé et d’unir les populations, je me félicite d’avoir l’occasion ici de présenter à votre comité permanent le point de vue et les préoccupations de notre conseil touchant le projet de loi C-7 du ministre des Affaires indiennes en ce qui concerne la gouvernance des premières nations.
Je pense que vous avez devant vous notre mémoire dans son intégralité. Nous sommes venus ici simplement réitérer clairement notre point de vue pour qu’il en soit pris acte et proposer des solutions de rechange conformes à ce qu'est en réalité le peuple Ongwehonwe.
En 1983, le Comité permanent sur les affaires indiennes, qui a précédé celui-ci, et dont j’étais membre de droit, a déposé son rapport sur l’autonomie gouvernementale indienne, appuyé à l’unanimité par tous les partis représentés au comité permanent de la Chambre des communes. Parmi ses recommandations figurait entre autres un changement fondamental de relation entre les premières nations et le Canada et le recours à des transferts fiscaux de gouvernement à gouvernement pour appuyer la gouvernance des premières nations.
Pendant deux décennies, le gouvernement n’a pas tenu compte de ces recommandations. Le Parlement, par conséquent, n’a pas fait respecter les principes qu’il avait lui-même établis. Si vous n’avez pas lu le rapport de ce comité, le rapport Penne, c’est son nom, je vous invite à le faire et à l’annexer à votre procès-verbal.
Dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones—la CRPA, c’est son sigle—publié en 1996, figuraient 440 recommandations découlant des nombreuses consultations entreprises auprès des premières nations, des spécialistes et de la population du Canada. On y instaurait une nouvelle ère de collaboration et de respect entre le Canada et ses premières nations en s’appuyant sur quatre grands principes : la reconnaissance mutuelle, le respect mutuel, le partage et la responsabilité mutuelle. Ce rapport préconisait lui aussi une évolution fondamentale de la relation entre les premières nations et le gouvernement fédéral.
Nous devons nous demander comment et pourquoi ces recommandations importantes ont fini par être tout simplement mises au rancart. C’est d’ailleurs une question que tous les Canadiens doivent se poser. Comment se fait-il qu’en 2003 les Six Nations, et toutes les premières nations du Canada, soient placées sur un pied d’alerte? Comment se fait-il que les relations entre les premières nations, les Six Nations et le Canada se soient tellement dégradées?
Nous estimons que le projet de loi C-7 laisse tellement à désirer sur le plan juridique, constitutionnel et moral qu’il n’est pas possible de l’amender. Il convient de le rejeter purement et simplement.
Á (1145)
Ce projet de loi vous est présenté en première lecture. Vous devez vous appuyer sur les principes et non pas sur des dispositions précises. Ce serait certainement accorder trop d’intérêt à ce texte législatif colonial défectueux que de prétendre pouvoir l’amender en apportant quelques ajustements.
Le projet de loi C-7 prétend faire appel à la démocratie et à la responsabilité en répondant aux désirs de la population. Rien n’est plus loin de la vérité. Si votre comité tient à ces grands principes, il n’a pas d’autre choix que d’appuyer la position adoptée par les Six Nations et par presque toutes les autres premières nations au nom de la démocratie. La population des Six Nations entretient depuis longtemps de bonnes relations avec la Couronne basées sur la paix et sur l’amitié. Nous sommes les peuples Mohawk, Cayuga, Oneida, Onondaga, Seneca et Tuscarora.
Notre relation s’appuie précisément sur la confiance, telle qu’elle est définie dans la Proclamation royale de 1763, la Proclamation Haldimand de 1784, les décrets en conseil et les lois correspondantes, notre Two Row Wampum et notre Pacte d’amitié de la chaîne d’argent. Nos Six Nations, selon la tradition du peuple Haudenosaunis, restent aujourd’hui les gardiennes de ce passé.
En tant que peuples souverains, nous avons défendu la Couronne il y a deux siècles, même si nous savions que cela allait coûter des vies à notre peuple. Nous avons tenu notre parole, et l’histoire atteste que notre peuple a su mourir pour respecter ses promesses envers la Couronne. Nous sommes restés fiers d’être les alliés de la Couronne et nous l’avons fait en arborant notre propre pavillon. Nous sommes allés à la guerre en tant qu’allié avec notre propre pavillon, ce que la Couronne a accueilli favorablement.
Notre peuple a joué un rôle dans l’histoire de ce pays et a garanti l’intégrité des frontières du Canada à plus d’une reprise. C’est parce que nous avons tenu notre parole que cette séance a lieu dans un pays qui s’appelle le Canada. Si nous ne l’avions pas fait, Toronto serait une grande ville américaine. Nous attendons maintenant de la Couronne qu’elle tienne parole envers nous.
Nous refusons cette loi parce qu’elle impose de nouvelles conditions aux Six Nations et à toutes les premières nations du Canada en plus de celles qui figurent dans la Loi sur les Indiens, violant ainsi la souveraineté et les droits autochtones inhérents et issus de traités des Six Nations et de toutes les premières nations. Nous nous opposons au projet de loi C-7 parce qu’il se propose de modifier notre statut juridique en droit canadien. Nous nous opposons au projet de loi C-7 parce que le Parlement n’est pas compétent lorsqu’il s’agit de notre gouvernance.
Nous nous opposons à ce texte de loi parce qu’il est inutile. Nous nous y opposons parce qu’il augmente les pouvoirs du ministre et lui permet de faire un usage illimité de son pouvoir discrétionnaire. Nous nous y opposons parce que nous ne sommes pas prêts à gober l’argument du ministre selon lequel on va résoudre ainsi tous nos problèmes. Nous nous opposons au projet de loi C-7 parce que le ministre ne fait pas preuve de la même responsabilité que celle qu’il exige de nous. Nous nous opposons au projet de loi C-7 en raison de l’augmentation des frais administratifs qu’il exige. Nous nous opposons au projet de loi C-7 parce que ce n’est pas vraiment un bon mécanisme de gouvernance. Nous nous opposons au projet de loi C-7 parce que c’est une façon de procéder honteuse qui fait litière des règles de la consultation.
Á (1150)
Nous nous opposons au projet de loi C-7 parce que toutes les fois que l’on applique uniformément les mêmes règles à tous, c’est un échec. Nous nous y opposons parce que ce projet de loi ne tient pas compte des besoins de la communauté.
Personne ne devrait être surpris que les Six Nations et que toutes les premières nations du Canada s’opposent à ce texte. Notre pays va-t-il toujours retomber dans les mêmes erreurs? Au sein des Six Nations, nous rejetons carrément le projet de loi C-7 et nous refuserons d’appliquer la loi si elle est adoptée.
Nous savons aussi qu’on nous promet l’adoption d’autres textes de loi. Toute cette prétendue législation va bouleverser les dispositions de la Loi sur les Indiens et aura à jamais des répercussions dévastatrices sur la vie des Six Nations et de l’ensemble des premières nations. Nous refusons absolument tout texte de loi qui nie et enfreint nos droits autochtones inhérents et issus de traités.
À l’ère de la mondialisation où les comportements autocratiques et paternalistes devraient être des reliques du passé au sein d’une société démocratique, comment se fait-il que le gouvernement fédéral insiste pour traiter les Six Nations et l’ensemble des premières nations comme des pupilles de la nation en nous imposant des dispositions prétendument pour notre bien? En quoi cela rend-il responsables les premières nations? En rien.
Quelle est la solution de rechange, allez-vous nous demander. Elle est claire. Il incombe au Canada de mandater de hauts responsables ayant des principes et une vision claire afin qu’ils négocient avec nous de nation à nation, comme on l’a fait lors de la signature des traités, et qu’ils entreprennent de discuter de notre avenir en commun—un avenir tenant compte des droits de notre peuple et faisant en sorte que la Couronne soit à la hauteur de ses obligations. Une telle démarche est attendue depuis trop longtemps.
On a déjà consacré bien trop de ressources à l’étude de ces questions—58 millions de dollars ont été affectés à la CRPA. Il est temps désormais de prendre ensemble des mesures constructives. Ne nous empêchez pas cependant de faire notre travail pour rebâtir nos nations. Nous n’avons pas besoin de texte de loi pour nous dire comment nous devons nous gouverner.
Les Six Nations ont fait preuve d’un grand esprit d’initiative, et l’exposé que je viens de vous présenter fait état d’un certain nombre de ces initiatives. Nous cherchons à rebâtir, à renforcer et à faire vivre nos nations, et les solutions existent à l’intérieur même de nos communautés.
Nous disposons déjà des pouvoirs réaffirmés par la Constitution, des compétences et de la capacité de nous sortir de la dépendance et de la pauvreté. Nous avons la compétence et les pouvoirs de nous doter d’économies viables et durables. Nous avons besoin que le gouvernement cesse de faire obstacle à nos projets. Cessez de restreindre et de contrôler notre population. C’est un exercice inutile qui entraîne un gaspillage de nos ressources et des vôtres.
Les Six Nations continuent à vouloir exercer leurs compétences, affirmer leur caractère national, s’autodéterminer, conformément aux pouvoirs qui leur sont reconnus par le droit international, et s’assumer et se gouverner elles-mêmes comme elles l’entendent pour le bien de leur communauté et pour les sept générations qui suivent.
Nous sommes habilités à prendre des mesures selon nos coutumes traditionnelles, en fonction de notre capacité à faire face aux défis modernes et, par-dessus tout, à répondre aux besoins de tous les citoyens et de tous les groupes communautaires de notre nation. Nous demandons au Canada de respecter les obligations de la Couronne, et en particulier ses obligations fiduciaires.
Á (1155)
Nous nous demandons pourquoi on adopte une loi qui va être attaquée devant les tribunaux. Des centaines de recours vont être intentés et la loi sera finalement invalidée. Est-ce que cela n’apparaît pas gênant à votre comité?
On court à l’échec en imposant unilatéralement une législation nationale telle que le projet de loi sur la gouvernance aux Six Nations ou à toute autre première nation. Le régime de la Loi sur les Indiens n’est pas bon pour les Six Nations. Il ne l’a jamais été. Nous en sommes convaincus puisqu’après des siècles d’intervention coloniale notre communauté continue à se trouver devant les mêmes difficultés. Nous savons aussi que le gouvernement n’a pas su s’acquitter de ses responsabilités jusqu’à présent.
Il est temps désormais que le gouvernement s’acquitte de ses responsabilités financières, et cela englobe le devoir de s’assurer de la survie de nos nations. Il a l’obligation d’agir, de protéger la terre et les ressources qui sont les nôtres, de régler les questions territoriales en instance, de protéger la culture, la langue, l’intégrité, l’identité et l’autonomie des premiers peuples, des premières nations du Canada, et des Six Nations parmi celles-ci.
Il faut donc pour cela prendre résolument des mesures pour résorber le colonialisme et non pas pour le renforcer. Il faut prendre aussi résolument des mesures pour rétablir le véritable partenariat et les relations issues de traités que nous avions auparavant. Les Six Nations estiment que c’est chez nous et sous notre contrôle que doivent être résolues les difficultés auxquelles nous faisons face. Ces solutions se trouvent dans nos traditions et au sein de nos peuples.
Nous demandons au comité permanent d’avoir le courage de respecter le point de vue du peuple de Six Nations de même que celui de toutes les premières nations. Nous demandons au comité permanent de recommander à la Chambre des communes le rejet du projet de loi sur la gouvernance pour pouvoir redevenir une nation et être autonome comme cela avait été voulu par notre créateur. Nous demandons au comité permanent de recommander au Parlement d’appuyer la mise en oeuvre d’une nouvelle relation avec les premières nations qui soit conforme aux recommandations du rapport Penner et de la CRPA, et avant tout qui soit conforme à notre histoire et aux traités que nous avons signés.
Nous demandons au comité permanent et à tous les Canadiens d’appuyer un traitement juste et équitable des premiers peuples du Canada. C’est le moins que l’on puisse collectivement apporter aux générations futures qui hériteront de cette terre appelée Canada.
Niawen Kowa.
 (1200)
Le président : Merci, bien sûr, de cet excellent exposé. Tout le monde est d’accord sur ce point.
Il nous reste dix minutes. Nous accorderons des tours de quatre minutes. Chaque partie disposera de quatre minutes à la fois pour la question et pour la réponse. Il nous restera ensuite deux minutes pour la conclusion.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin : Merci, chef Jamieson, d’avoir fait aujourd’hui une intervention qui vient du coeur. Je pense que tout le monde sera d’accord pour dire ici que vos paroles sont le reflet de vos convictions. Je vous remercie par ailleurs d’avoir amené avec vous aujourd’hui des représentants des jeunes et des anciens. Je pense que cela donne du poids à vos propos et que cela souligne toute l’importance que vous accordez à ce projet de loi.
Pour s’en tenir aux principes généraux, comme vous l’avez fait ici dans votre exposé, le ministre nous dit que ce projet de loi a trait à la gouvernance. Ne pensez-vous pas que l’on remet en cause l’idée même de gouvernance autonome en imposant des codes de gouvernance à des peuples alors qu’il est implicite dans le principe de l’autonomie de la gouvernance que les différentes communautés doivent pouvoir se doter des institutions de gouvernance qui leur conviennent, en fonction de leurs coutumes et de leurs traditions? Ne pensez-vous pas qu’il y a une contradiction dans les termes mêmes de ce projet de loi?
Le chef Roberta Jamieson : Je pense que c’est véritablement insulter notre peuple et l’intelligence des Canadiens que de dire que ce texte a quelque chose à voir avec la gouvernance. Les véritables mécanismes de gouvernance sont les transferts financiers qui permettent aux nations d’être solides et de dispenser les programmes, les services et les infrastructures dont ont besoin nos communautés.
Une véritable gouvernance doit nous garantir un territoire et une base de ressources suffisante pour que nos nations soient viables à l’avenir. Une véritable gouvernance vise à renforcer les ressources humaines et les institutions de notre propre communauté, en adoptant des lois, en élaborant nos politiques, en mettant en place nos décisions et en établissant des mécanismes permettant de renouveler nos relations conformément à l’esprit et à l’intention des traités.
Voilà en quoi consiste la véritable gouvernance—ce n’est pas de s’agiter pour ne rien faire, dans le meilleur des cas, comme le préconise cette deuxième loi sur les Indiens. Il s’agit tout simplement de conserver le contrôle et de marginaliser notre peuple à l’avenir. Voilà tout simplement la raison fondamentale pour laquelle nous rejetons ce texte.
La véritable gouvernance—nous y sommes favorables. Et nous savons comment y parvenir. Si le gouvernement du Canada respectait ses obligations, nous disposerions du territoire et des ressources qui nous sont refusés aujourd’hui et nous disposerions des moyens financiers nous permettant de nous gouverner.
 (1205)
Le président : Il vous reste une minute.
M. Pat Martin : Chef Jamieson, il est peut-être bon que vous sachiez que le premier témoin qui est venu déposer devant notre comité est le ministre lui-même et qu’il a fait la déclaration apparemment éhontée que ce projet de loi avait en fait été élaboré en consultation et avec la collaboration de 10 000 personnes.
Avez-vous le sentiment que les gens que vous représentez ont été bien consultés et ont eu d’une manière ou d’une autre la possibilité de prendre part à l’élaboration du projet de loi C-7?
Le président : En 30 secondes.
Le chef Roberta Jamieson : Absolument pas.
Je pense là encore que l’on va voir dans tout le pays une absence fondamentale... Il y a des milliers de personnes à l’extérieur aujourd’hui. Elles n’ont pas été consultées.
Ce mécanisme de consultation est une véritable moquerie. On nous manque complètement le respect. On ne se conforme absolument pas aux exigences de la loi, de la Constitution, des décisions de la Cour suprême, et on ne respecte pas...
Le président : Je vous remercie.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey : Je vais vous laisser finir ce que vous avez à dire et je vous poserai ensuite une question.
Le président : Il vous reste six minutes, vous pouvez en disposer comme vous voulez.
M. John Godfrey : J’allais proposer que le témoin finisse ce qu’il avait à dire avant de lui poser une question.
Le président : Si vous voulez prendre la présidence et accorder du temps aux témoins, il vous faut l’accorder en totalité.
Combien de temps lui accordez-vous?
M. John Godfrey : Deux minutes, disons, puis nous pourrons poser quelques questions.
Le président : Poursuivez. Je n’aime pas agir ainsi, mais c’est mon travail.
Le chef Roberta Jamieson : En fait, un projet de loi de cette nature exige fondamentalement que les premiers peuples soient consultés et qu’ils donnent leur consentement. Le ministre est bien loin d’avoir respecté cette obligation.
Est-ce que le ministre nous a parlé? Nous avons demandé au ministre de venir. Il n’est jamais venu débattre publiquement de la question et il n’a pas envoyé de représentant. Voilà l’historique de nos consultations avec le ministre sur cette loi.
M. John Godfrey : Chef Jamieson, je tiens moi aussi à vous souhaiter la bienvenue. C’est toujours un plaisir de vous entendre. Je souhaite aussi la bienvenue aux gens qui sont dans cette salle et aussi à ceux que je vois dans les rues, notamment au chef national, qui est à l’extérieur. Nous sommes heureux de vous voir, vraiment heureux. Il est très important que vous soyez là.
Ma question est la suivante. Je pense que personne ne peut défendre le statu quo—ce monde complètement fou dans lequel nous place la Loi sur les Indiens et qui nous rappelle Alice au pays des merveilles. La question que je vous pose, indépendamment du projet de loi C-7, si l’on accepte votre position selon laquelle ce document n’est pas légitime de votre point de vue, est-ce qu’il s’ensuit que toutes les modifications apportées à la Loi sur les Indiens sont illégitimes?
Que se passe-t-il alors lorsque nous voyons qu’une injustice peut être commise envers les femmes autochtones ou lorsque la Cour suprême du Canada nous demande de régler d’urgence des questions comme celle des droits de vote hors réserve? Ne pouvons-nous apporter aucune modification même dans ces conditions? Qu’en est-il sur tous ces points, à votre avis?
Le chef Roberta Jamieson : Il s’agit tout simplement de respecter votre propre Constitution. En 1982, nous avons adopté un système de suprématie constitutionnelle. Nos droits sont protégés dans cette Constitution, ce qui signifie qu’on a réaffirmé dans votre propre Constitution notre droit d’administrer et de diriger nos propres affaires.
Il faut faire comme on l’a fait au départ : s’asseoir ensemble, travailler en partenariat, vous acquitter de vos obligations et nous permettre de veiller sur notre peuple. Il y a tout un ensemble de règles au plan international qui pourront vous guider. Respectez la déclaration sur les peuples indigènes. Respectez les obligations du Canada en droit international. C’est ce qu’il faut faire.
Mettons-nous au travail. Arrêtons de gaspiller ici du temps et de l’argent.
Le président : Il vous reste une minute.
M. John Godfrey : Je veux être sûr qu’il vous reste le temps de finir votre déclaration et, par conséquent, je vous laisse le temps qu’il me reste.
 (1210)
Le président : Vous disposez de trois minutes. Nous vous invitons à conclure.
Le chef Roberta Jamieson : Je m’en voudrais tout d’abord si je n’exprimais pas le regret de notre peuple de voir que votre comité a décidé de ne pas se rendre chez les Six Nations. Il est tragique, à mon avis, que sur les 633 communautés que le Parlement se propose de légiférer, il y en a une que vous n’allez pas visiter.
Je veux vous parler des outils et des passerelles. Le ministre a parlé de nous donner des outils et de bâtir des passerelles. Pourtant, notre peuple n’a pas besoin de leçon en la matière. On trouve dans vos musées des exemples qui prouvent qu’au fil des siècles nous avons su nous doter d’outils répondant à nos besoins. Pour la gouvernance, c’est la même chose. Nous avons déjà les outils qu’il nous faut et si un nouveau besoin se présente, nous inventerons de nouveaux outils.
L’histoire nous enseigne que votre propre système de gouvernement a emprunté de nombreux outils et de nombreux mécanismes au nôtre depuis les tout débuts de votre arrivée en Amérique du Nord. Nous n’avons pas besoin non plus de leçons en ce qui a trait aux passerelles. Les gens des Six Nations sont considérés comme les meilleurs constructeurs de passerelles et de ponts en acier dans le monde.
Nous savons par expérience que les gratte-ciel doivent s’appuyer sur des fondations solides. Nous avons appris à bâtir de grosses structures grâce à la communication et à la collaboration au sein de nos équipes. Nous comprenons que toutes les passerelles qui aient jamais été construites avaient pour but de franchir dans les deux sens tout ce qui nous divise. Excusez-nous, mais il faudrait peut-être que nous aidions votre gouvernement à comprendre le mécanisme des passerelles, parce que toutes celles qu’il nous propose prévoient une circulation à sens unique.
Les outils et les passerelles ne suffisent pas, cependant. À l’heure où nous parlons, nous avons besoin d’un gros équipement. Nous avons besoin d’un gros équipement pour remodeler le paysage politique. Ce gros équipement dont je vous parle, c’est la vision et la volonté politique. Si nous mettons ces deux atouts dans notre jeu, nous pourrons construire des routes qui nous permettront d’éviter les vallées encaissées pleines d'embûches et menacées par les avalanches législatives. Nous pourrons éviter de nous embourber dans le marais bureaucratique, qui nous empêche d’avancer sur la voie de la reconnaissance et de la mise en place des droits qui sont les nôtres.
Collaborez avec nous. Entrons ensemble dans l’avenir. Faites que le Canada s’honore en tenant ses promesses. Il se présente comme un pays modèle dans le monde, qui donne à chacun sa place et qui rend hommage à ses premières nations.
La décennie désignée par les Nations Unies pour honorer les peuples autochtones du monde tire à sa fin. Faisons en sorte que le Canada surmonte son terrible passé colonial et oeuvre en collaboration avec nous pour créer un pays où nous puissions tous vivre ensemble, où nos droits soient respectés et où la Couronne s’acquitte de ses obligations.
Nous devons oeuvrer pour tous jusqu’à la septième génération, qui n’en mérite pas moins.
Niawen Kowa. Merci de m’avoir écoutée.
 (1215)
Le président : Merci de cet excellent exposé. Il nous sera certainement très utile et je suis convaincu que les membres de notre comité s’y reporteront dans le cours de nos délibérations. Je tiens à vous dire que les gens que vous représentez ont bien de la chance de vous avoir.
Merci.
La séance est levée jusqu’à 13 heures.