AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 février 2003
À | 1035 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Mme Jane Orion Smith (présidente, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)) |
Le président |
Mme Jane Orion Smith |
M. Ed Bianchi (défenseur de la politique relative aux droits des autochtones, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)) |
À | 1040 |
M. Carl Rausch (président, Comité des droits des autochtones, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)) |
Sr Dorothy Moore (Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)) |
À | 1045 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Sr Dorothy Moore |
Mme Jane Orion Smith |
M. Carl Rausch |
À | 1050 |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Le président |
Mme Jane Orion Smith |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
À | 1055 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Carl Rausch |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
Sr Dorothy Moore |
Á | 1100 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
M. Carl Rausch |
M. Yvan Loubier |
M. Carl Rausch |
Le président |
M. Ed Bianchi |
Mme Jane Orion Smith |
Á | 1105 |
Le président |
Á | 1130 |
Le président |
Á | 1135 |
Chef Hammond Dick (Conseil Tribal Kaska) |
Á | 1140 |
Á | 1145 |
Le président |
Á | 1150 |
M. Maurice Vellacott |
Chef Hammond Dick |
M. Maurice Vellacott |
Chef Hammond Dick |
M. Maurice Vellacott |
Chef Hammond Dick |
Le président |
Chef Hammond Dick |
Á | 1155 |
Le président |
Chef Hammond Dick |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Chef Hammond Dick |
 | 1200 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Chef Hammond Dick |
M. Yvan Loubier |
 | 1205 |
Chef Hammond Dick |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
Chef Hammond Dick |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Chef Hammond Dick |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Chef Hammond Dick |
 | 1210 |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Chef Hammond Dick |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Chef Hammond Dick |
M. Maurice Vellacott |
 | 1215 |
Chef Hammond Dick |
M. Maurice Vellacott |
Chef Hammond Dick |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Chef Hammond Dick |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.) |
Chef Hammond Dick |
 | 1220 |
M. Rick Laliberte |
Chef Hammond Dick |
M. Rick Laliberte |
Chef Hammond Dick |
M. Rick Laliberte |
Le président |
Chef Hammond Dick |
 | 1225 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 février 2003
[Enregistrement électronique]
À (1035)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous poursuivons nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Je suis heureux d'accueillir aujourd'hui d'Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice, Mme Jane Orion Smith, présidente, M. Ed Bianchi, défenseur de la politique relative aux droits des Autochtones; et du Comité des droits des Autochtones, le président, M. Carl Rausch; et Soeur Dorothy Moore. Je vous invite à faire votre exposé tout de suite de façon à ne pas perdre plus de temps.
Qui veut commencer?
Mme Jane Orion Smith (présidente, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)): Merci.
Nous sommes heureux de l'occasion qui nous offerte aujourd'hui de comparaître à titre de représentants de Kairos. Pour ceux qui ne le sauraient pas, Kairos est une initiative des églises chrétiennes canadiennes. Nous oeuvrons collectivement pour la justice sociale oecuménique. Depuis 20 à 25 ans, nous travaillons sur les questions autochtones sous l'égide de la Coalition pour les droits des Autochtones, anciennement Projet nordique. Le travail se fait maintenant par l'entremise de Kairos entité qui a été formée il y a deux ans lorsque nous avons réuni sous un même toit 11 projets de la Coalition de justice sociale oecuménique. Kairos se trouve à Toronto et à Ottawa.
Les églises canadiennes et les organisations religieuses qui forment Kairos sont extrêmement préoccupées par le projet de loi C-7 autant dans leur propre perspective que dans celle de leurs partenaires, les peuples autochtones partout au Canada. Nous estimons que le projet de loi C-7, Loi sur la gouvernance des Premières nations, perpétue une politique fédérale depuis toujours discriminatoire et paternaliste qui a nui aux efforts des Autochtones pour promouvoir et protéger leurs droits inhérents et de traités et qui a entraîné, de l'avis de la Commission royale sur les peuples autochtones, le déplacement social et économique et la marginalisation des peuples autochtones au Canada.
Je signale que nous avons ici un mémoire disponible en anglais. Nous n'avons pas la traduction française, en partie parce qu'on a avancé la date de notre comparution de quelques jours et que le temps nous a manqué pour la préparer, mais pour ceux qui aimeraient en avoir un exemplaire anglais maintenant, c'est disponible.
Chacun de nous va aborder un aspect différent de notre mémoire.
Le président: Nous avons pour règle de ne pas distribuer de mémoires à moins qu'ils ne soient dans les deux langues, mais nous le ferons traduire et chacun en obtiendra copie.
Mme Jane Orion Smith: Merci, c'est très aimable à vous.
Selon l'article 35 de la Loi constitutionnelle, «Les droits existants—ancestraux ou issus de traités—des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés». La Commission royale sur les Autochtones a affirmé que le droit à l'autodétermination est un droit existant aux termes de l'article 35, un droit qui habilite les peuples des Premières nations à adopter des dispositions législatives de même nature que celles proposées dans ce projet de loi.
Récemment, dans la décision Campbell, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a confirmé l'existence du droit inhérent à l'autodétermination et d'autres tribunaux canadiens ont également convenu que l'un des objectifs de l'article 35 est de protéger le droit à l'autodétermination.
Nous croyons qu'en adoptant des lois pour le compte des peuples autochtones et en appliquant une approche unique, le gouvernement mine le droit à l'autodétermination dans le projet de loi C-7. Nous entendons par là essentiellement le droit des peuples autochtones de réaliser leurs aspirations comme peuples et comme nations, de maintenir leur caractère distinct au plan de la langue, des traditions et de la spiritualité, d'être les architectes de leur propre avenir et de disposer et de gérer des territoires et des ressources suffisants. À notre avis, le projet de loi C-7 porte atteinte au droit à l'autodétermination. Il sous-entend que les droits des Premières nations ne sont pas inhérents, mais découlent en fait du gouvernement du Canada, ce que nous contestons évidemment. A notre avis,il est particulièrement éclairant que le terme «Constitution» n'apparaisse pas dans le projet de loi C-7; on n'y fait pas du tout référence.
Et enfin, compte tenu du fait que cette nouvelle mesure s'appliquera à toutes les Premières nations, à l'exception de celles qui ont déjà signé des ententes sur l'autonomie gouvernementale, elle pourrait limiter les droits des Premières nations qui négocient actuellement avec le gouvernement fédéral, surtout si leurs négociations incluent des questions de gouvernance.
M. Ed Bianchi (défenseur de la politique relative aux droits des autochtones, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)): Je vais aborder brièvement la question de la politique fédérale. Je suis persuadé que vous vous souvenez tous de 1969 et du Livre blanc sur la politique indienne publié par le ministre des Affaires indiennes de l'époque, Jean Chrétien, lorsque le premier ministre Trudeau était au pouvoir. Ce Livre blanc réclamait l'élimination de la Loi sur les Indiens ainsi que du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ces deux dispositions y étaient qualifiées de discriminatoires parce qu'elles attribuent un statut spécial aux Premières nations.
Le Livre blanc proposait également la suppression des entraves législatives à l'égalité, la transformation de communautés autochtones en municipalités, l'élimination des terres de réserve et l'extinction des droits ancestraux et de traités. Nous savons maintenant que l'objectif du Livre blanc sur la politique indienne visait l'assimilation des peuples autochtones.
Bien qu'une opposition intense et sans précédent de la part des Premières nations ait entraîné le retrait du Livre blanc sur la politique indienne, on ne l'a jamais vraiment abandonnée. En fait, on l'a mis en oeuvre, à la pièce, dans des programmes fédéraux successifs et des mesures législatives tels que l'actuel projet de loi C-7. De plus, Kairos estime qu'afin de comprendre toutes les ramifications du projet de loi C-7 sur les droits et la vie des Premières nations, il faut le comme faisant partie d'un ensemble législatif qui comprend le projet de loi C-6, Loi sur le règlement des revendications particulières et le projet de loi C-19, Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations.
Kairos juge consternant qu'une grande partie des mesures législatives proposées aille à l'encontre des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones, du Comité spécial de la Chambre des communes sur l'autonomie indienne de 1983, qui a publié le rapport Penner, et du Comité du Sénat de 2000 dans son rapport intitulé «Forger de nouvelles relations».
À (1040)
M. Carl Rausch (président, Comité des droits des autochtones, Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)): C'est maintenant à mon tour. J'aimerais souligner quelque chose avant de commencer. En ma qualité de président du comité, je tenais à mentionner qu'il réunit des représentants des Églises anglicane, unie et presbytérienne—je suis un bénévole luthérien--, et de diverses organisations catholiques. Les principales Églises sont représentées au sein de Kairos.
Une partie de notre expérience a été acquise au niveau international, parce que parfois c'est instructif de faire attention à ce qui se passe dans le monde autour de nous. Sur la scène internationale, le Canada défend constamment l'autonomie et la capacité des peuples à prendre leurs propres décisions et à gouverner leurs propres destins. Le Canada a signé des conventions et des accords en ce sens. Le Canada travaille activement sur un projet en cours aux Nations unies, l'ébauche d'une Déclaration sur les droits des peuples autochtones. En surface, aux yeux de ses voisins du reste de la planète, le Canada semble travailler activement à l'appui de cette idée.
Une disposition particulière de l'ébauche de Déclaration des droits des peuples autochtones affirme que les peuples autochtones possèdent le droit à l'autodétermination. En vertu de ce droit, ils devraient pouvoir déterminer librement leur statut politique—leur gouvernance—poursuivre librement leur développement économique, social et culturel. Cela sous-tend qu'il doit y avoir un choix. Or, la politique nationale à l'égard des Premières nations nous apparaît clairement depuis 30 ans que nous travaillons avec les Premières nations: elle contredit carrément ce qui est dit sur la scène internationale.
Voici un exemple précis dans le projet de loi C-7: en définissant les dirigeants, en définissant la gouvernance, en définissant la portée du projet de loi C-7, on dit essentiellement à des peuples qui possèdent le droit à l'autodétermination ce que cela signifie pour eux. C'est là un principe que nous rejetons.
Sr Dorothy Moore (Initiatives canadiennes oecuméniques pour la justice (Kairos)): [Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans sa langue]
Je viens de dire quelques mots en micmac, une des langues autochtones menacées du Canada. Je vous ai fait part de notre gratitude pour avoir accepté de nous entendre aujourd'hui et je vous demande d'écouter non seulement avec votre esprit, mais aussi avec votre coeur.
Je vais parler brièvement de la consultation. La majorité des peuples et des organisations des Premières nations n'appuient pas ce projet de loi ou, à tout le moins, ont de sérieuses réserves quant à son incidence éventuelle sur leurs droits. Il est inconcevable et inacceptable que le gouvernement aille de l'avant avec ce projet de loi à la lumière de l'opposition soutenue des Autochtones, surtout que les organisations des Premières nations ont démontré, à maintes reprises, leur désir de coopération.
Bien que nous nous réjouissions, et de la décision du gouvernement de renvoyer ce projet de loi en comité avant la deuxième lecture, et de la décision de ce comité de se déplacer d'un bout à l'autre du pays, nous savons que seul un petit pourcentage d'Autochtones ont participé aux séances d'information et aux assemblées communautaires qui se sont déroulées avant sa présentation. Nous craignons qu'on ne sache toujours pas grand chose au sujet de cette mesure--je parle de moi-même aussi--dans les communautés autochtones et non autochtones au Canada. De plus, nous sommes préoccupés par le fait que les Autochtones qui ont participé aux consultations sur le projet de loi C-7 affirment que celui-ci ne reflète pas leur point de vue.
Le projet de loi C-7 assure-t-il la protection des membres de nos communautés les plus vulnérables--nos aînés, nos femmes et nos enfants? Il est absolument essentiel que le gouvernement fasse tout en son pouvoir pour consulter le plus de gens possible partout au pays, surtout les simples citoyens et les femmes, pour s'assurer que l'on garantit une égale représentation.
J'aimerais maintenant vous citer les propos d'une femme autochtone au sujet du projet de loi C-7. Il s'agit d'une avocate micmac et voici ce qui la préoccupe:
Avec l'adoption de la Loi sur les Indiens, le gouvernement fédéral a lancé une campagne fondée sur l'axiome «diviser pour régner» qui a été très efficace. Le tout a commencé avec cette stratégie éprouvée de l'oppression qui consiste à diviser les femmes et les hommes. Depuis lors, elle s'est perpétuée en créant des divisions profondes entre Indiens inscrits et non inscrits. Le projet de loi C-31 a élargi ces fissures dans nos fondations entraînant la méfiance et le ressentiment dans nos communautés. Lorsqu'un oppresseur réussit à diviser un groupe opprimé et n'offre qu'un maigre «butin»--il est inévitable que les membres du groupe opprimé se déchireront pour en obtenir une part. Ce faisant, nous permettons à l'oppresseur de s'en tirer à bon compte, car il aurait bien des problèmes si nous faisions front commun. |
Le fait que ce projet de loi ne règle pas les problèmes aigus qu'ont créés pour nos collectivités la Loi sur les Indiens et le projet de loi C-31 montre bien qu'on ne veut pas vraiment d'un changement en profondeur. C'est une bonne idée que de faire quelque chose pour remédier à nos problèmes financiers ou organisationnels--mais si nous ne nous attaquons pas au coeur même de nos problèmes, nous ne serons jamais autonomes. En outre, si l'on tente de rendre nos gouvernements plus transparents, j'ai l'impression que c'est plus par volonté d'apaiser les contribuables non autochtones du Canada que par souci d'améliorer la vie des Autochtones. |
[Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans sa langue]
Merci.
À (1045)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer directement aux questions. Au premier tour, deux minutes, mais comme toujours, le député de l'opposition officielle obtiendra une minute de plus.
Monsieur Vellacott, vous avez trois minutes.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
Il a été question, du moins dans l'exposé de soeur Dorothy, des droits des femmes, et plus particulièrement du droit à la propriété, etc. Vous semblez manifestement penser que ce projet de loi n'a aucune valeur, qu'il n'y a rien à en garder.
Si c'est l'intention du gouvernement d'adopter le projet de loi, pourrions-nous ajouter des dispositions sur les femmes, sur les droits de la personne qui amélioreraient les choses, particulièrement en ce qui concerne les droits des femmes, le droit à la propriété?
Il n'y a plus d'exemption relativement aux droits de la personne dans ce projet de loi, mais il semblerait toujours que pour des raisons culturelles ou autres, quelque peu faussées--que l'on puisse priver les femmes de certaines choses.
Pouvons-nous faire quoi que ce soit pour sauver ce projet de loi au niveau des droits des femmes, des droits de la personne, du droit à la propriété, en ajoutant certaines dispositions ou expressions?
Sr Dorothy Moore: À mon avis, la première chose, c'est qu'il faut écouter les femmes. Il faut que les femmes aient leur mot à dire sur la façon dont le projet de loi va les représenter, les protéger. Cela n'a pas été fait et par conséquent, pour les femmes, le projet de loi C-7 représente une menace.
Peut-être mes camarades veulent-ils ajouter quelque chose?
Mme Jane Orion Smith: À notre avis, il n'est pas possible d'amender ce projet de loi. Il faut le retirer. Si les Églises préconisent cela, c'est notamment parce qu'il n'y a pas eu de consultations au sujet de la mesure et qu'elle ne recueille pas l'appui généralisé des Premières nations. Nous considérons donc que ce projet de loi manque d'intégrité à cause de la façon dont on l'a préparé.
Il aurait dû découler d'un processus de consultation avec les peuples des Premières nations. Au lieu de cela, on l'a rédigé, puis tronqué au lieu de le façonner à partir d'un dialogue. Pour définir ce genre de choses, je pense qu'il faut retourner à la case départ et commencer un nouveau dialogue.
M. Carl Rausch: Un dernier point, nous savons qu'à première vue, il semble qu'une organisation nationale qui représente les femmes a participé au processus. Nous savons également quand cette organisation a commencé comparativement à d'autres organisations nationales de défense des droits des femmes. Nous nous demandons pourquoi elle s'est trouvée à commencer à ce moment précis étant donné son financement, ses mécanismes et ses procédures. Nous doutons fortement que les femmes autochtones aient pu apporter une contribution valable.
À (1050)
Le président: Merci.
Monsieur Loubier, deux minutes.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.
Bienvenue au comité. La semaine dernière, nous avons reçu au comité le Dr Cornell de l'Université de l'Arizona et il tenait sensiblement le même langage que vous. Il ne parlait pas directement d'autonomie gouvernementale et de droits inhérents des autochtones issus des traités, mais il disait qu'aux États-Unis, les expériences qui avaient fonctionné au cours des 100 dernières années étaient les expériences où, en partant, l'autonomie des peuples autochtones avait été respectée, où leur façon de gouverner à eux, compte tenu des traditions et de la culture, avait été prise en compte dès le départ et où on s'était greffé à eux selon leurs besoins pour améliorer la gouvernance et le service à la population. De son côté, le ministre prétend que le projet de loi va faire tout cela, mais que cela va prendre du temps et qu'il faut préparer les autochtones parce que, semble-t-il, ils ne sont pas habitués au pouvoir, à la démocratie, à la gérance, à la gestion des fonds publics.
Alors--et là vous devez confirmer ma pensée profonde là-dessus et celle du Dr Cornell, que je respecte énormément--, comment peut-on dire qu'on négocie de nation à nation, qu'on respecte l'autonomie gouvernementale et qu'on prend en considération le droit inhérent, alors qu'en même temps, on infantilise les nations autochtones du Canada dans le projet de loi C-7? Comment pouvez-vous expliquer cela? Comment expliquer aussi que certains représentants autochtones encensent ce projet de loi, alors que la majorité des peuples autochtones canadiens sont en désaccord sur ce projet?
[Traduction]
Le président: Il vous reste 15 secondes. Je m'excuse, mais c'est ça.
Mme Jane Orion Smith: Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Le Canada n'a pas encore accepté de fait de négocier de nation à nation avec les peuples autochtones. Lorsque l'on songe au projet de loi C-7...
Disons que vous négociez un traité ou une entente avec la France, l'Allemagne, ou un autre pays. Le Canada ne se présenterait pas à la table avec un texte déjà rédigé en disant: «Voilà, qu'est-ce que vous en pensez?» Les parties s'assoiraient ensemble à la même table pour négocier les conditions, partager leurs préoccupations pour enfin définir la voie à suivre. Je pense que c'est ce à quoi nous nous attendions.
Le président: Merci.
Monsieur Hubbard.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je fais appel au Règlement, s'il vous plaît.
Le président: Oui, un appel au Règlement. On va manquer de temps à cause de cet appel au Règlement.
M. Yvan Loubier: Oui, mais je vous ferai remarquer qu'il n'y a ni députés conservateurs ni députés du NPD. Pourriez-vous donc faire preuve d'un peu plus de clémence ou d'indulgence et permettre aux invités de répondre aux questions? Ça serait intéressant, monsieur le président.
Le président: C'est vous qui avez parlé trop longtemps. Vous avez pris trop de temps pour poser la question.
M. Yvan Loubier: Cela s'appelle de la flexibilité et de l'intelligence dans la gérance, monsieur le président. Si vous n'êtes pas capable de faire preuve de flexibilité...
Le président: Peut-être suis-je moins intelligent que vous, mais j'ai un travail à faire. On va avoir un deuxième tour et vous aurez droit à deux questions. Si vous prenez tout le temps et que vous enlevez du temps... Vous savez que les deux minutes sont pour la question et la réponse. Il faut avoir du respect pour nos invités et leur donner la chance de répondre.
Monsieur Hubbard.
[Traduction]
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vais essayer d'être attentif à mes deux minutes.
Pendant des centaines d'années, vos Églises ont travaillé avec les Premières nations ou avec leurs peuples, et j'ai été un peu interloqué de vous entendre évoquer ce matin certaines des dynamiques politiques que vous tentez d'introduire ici.
Vous savez, l'expression «autodétermination» a une signification qui remonte loin dans l'histoire, aux 17 points de Woodrow Wilson et au redécoupage politique de l'Europe après la Première guerre mondiale.
Vous dites également «de nation à nation», mais le projet de loi dit bien que c'est une mesure transitoire. Le Ministre et le Ministère s'emploient, avec de nombreuses Premières nations—près d'une centaine d'ailleurs—à mettre en place des systèmes d'autonomie gouvernementale. C'est un processus qui s'effectue en continu, comme vous le savez probablement. Mais se contenter de nous dire aujourd'hui qu'il faut revenir à l'ancien texte de loi de 1876, qui n'a guère donné de résultats satisfaisants, et d'attendre encore...
Cela fait deux fois depuis 10 ans que le Parlement essaye d'arriver à un système qui permettrait de faire changer les choses et d'aligner la Loi sur les Indiens sur le XXIe siècle. On s'en souviendra, il y a eu en 1996-1997 le remplacement facultatif de la Loi sur les Indiens et, plus récemment encore, ce projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui.
J'aimerais que vous me disiez plus précisément pourquoi le projet de loi C-7 présente selon vous des problèmes. S'agissant de l'argument selon lequel tout le monde doit participer, on parlait aujourd'hui à la Chambre du projet de loi C-13 concernant les technologies de procréation. Je ne pense pas que tous les Canadiens sachent précisément ce que ce projet de loi essaie de mettre en oeuvre. Il y a énormément d'amendements, énormément de motions. Alors, lorsqu'on veut nous faire croire que tout le monde, c'est-à-dire ce million de gens qui vont être directement touchés...
Il y a des dirigeants. Il y a des gens comme vous qui travaillent...
À (1055)
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Ma prochaine question traitera de l'autodétermination. Ce terme est excellent, même s'il est interprété de façon très variée.
Vous qui êtes venu comparaître devant nous aujourd'hui, conviendriez-vous qu'il y a un genre d'évolution, de progrès, au niveau de la gouvernance autochtone? Cela a assurément été le cas chez les non-Autochtones. Jadis, c'était les rois qui nous gouvernaient. Nous avons adopté la démocratie, un système qui doit encore être affiné et amélioré. Peut-on dire qu'au sein des communautés autochtones, on est pas toujours obnubilé par une notion du passé nostalgique ou romantique? Certes, il y avait alors de bonnes choses, mais la situation n'était pas non plus toute rose. Des Autochtones me l'ont dit. Mais est-il possible d'évoluer vers une façon plus démocratique de faire les choses? Cela vous agréerait-il, cette progression, cette évolution graduelle vers une gouvernance autochtone?
M. Carl Rausch: La Commission royale sur les peuples autochtones a consacré un chapitre à ce sujet, que je vous ai d'ailleurs montré, parce que si vous voulez vraiment restructurer cette relation—pour revenir à la discussion concernant l'autodétermination—il y a effectivement dans ce rapport des chapitres qui abordent, dans une perspective assez large, en s'inspirant de toutes les histoires qu'on connaît, des structures de direction, la gouvernance et la mise en place de certaines choses par consensus. Cela, ce n'est pas de la nostalgie. Ce n'est pas quelque chose qui est complètement déconnecté de la réalité.
Les gens des Premières nations sont des gens pragmatiques. Ce sont des négociants. Ils savent comment s'y prendre. Ils ont besoin de faire cela, tout comme nous d'ailleurs, en collaboration avec les autres, mais sans que cela leur soit imposé.
Nous avons abondamment souscrit au travail considérable qui a été effectué par la Commission royale sur les peuples autochtones et qui a donné lieu au rapport qu'on connaît. Je vous recommande d'ailleurs la lecture du volume II et je pourrais vous donner les pages qui parlent précisément de gouvernance et de démocratie.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Dromisky.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme le savent très bien les membres du comité, je suis nouveau parmi eux. Il s'agit de ma première séance et il y en a eu de nombreuses avant celle-ci. Je n'ai pas eu l'occasion encore de lire toute la documentation parce que je siège à d'autres comités.
J'ai entendu Soeur Dorothy Moore dire qu'il n'y avait pas eu suffisamment de dialogue au niveau local entre le gouvernement et les communautés autochtones.
Il me semble, monsieur le président, avoir lu quelque part que le ministre Nault avait prévu plus de 400 rencontres avec des représentants des peuples autochtones pour parler de ce projet de loi. Cela ne suffit-il pas? Combien de rencontres espéreriez-vous? Y a-t-il un certain pourcentage d'intéressés qu'il faudrait rencontrer?
Je ne sais pas au juste ce que cela signifie parce que je ne pense pas qu'il y ait un pays au monde où l'on trouverait un ministre qui organiserait plus de 400 réunions concernant un projet de loi. Je pense que c'est excessif.
Sr Dorothy Moore: Cela peut paraître excessif, mais lorsque vous prenez par exemple le cas de la Nouvelle-Écosse, où l'on trouve un grand nombre d'Autochtones, il n'y a qu'une rencontre dans cette province pour parler de ce projet de loi. Est-ce que je considère cela comme suffisant? Non. Il devrait y en avoir au minimum deux, voire trois—une dans la région du Cap-Breton, qui connaît un blizzard aujourd'hui et une autre dans la partie continentale de la Nouvelle-Écosse, ce qui permettrait à davantage des nôtres d'assister à une audience.
Et ce n'est qu' un exemple. Le Canada est un grand pays, et je n'ai pas entendu parler de ces 400 réunions, j'ai plutôt entendu mentionner le chiffre de 100. Et s'il y en a effectivement 100, c'est assurément insuffisant. Voilà ce que j'en pense.
Par ailleurs, il y a beaucoup de gens qui ne sont même pas au courant de la tenue de ces audiences.
Á (1100)
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: À titre d'information pour M. Dromisky, je dirai que ce sont 400 réunions d'information, et non d'échange d'idées et d'échange de points de vue avec les communautés.
Dans un autre ordre d'idée, il existe des comités mixtes permanents qui sont composés de députés élus de la Chambre des communes et de sénateurs. J'adhère à l'idée que la meilleure façon de procéder pour régler cette question de gouvernance dans le respect de l'autonomie gouvernementale et des droits inhérents est d'associer des représentants autochtones à nos travaux ici, de créer des comités mixtes avec des autochtones, même s'ils ne sont pas élus. Les sénateurs ne sont pas élus, et ça ne nous empêche pas de faire des comités mixtes.
Croyez-vous que ce serait une voie d'avenir que de nous associer avec des représentants autochtones pour construire de vrais projets, qui vont être à leur avantage et respecter leur autonomie gouvernementale?
[Traduction]
M. Carl Rausch: L'une des choses intéressantes que le ministre et son gouvernement ont fait dans le cadre du projet de loi C-6 a été un travail en concertation. Cela ne concerne pas les audiences comme celle-ci, mais pendant plusieurs années, du travail a été effectué. Toutes les parties ont même formulé une recommandation à laquelle il n'a toutefois pas été donné suite.
Le processus que vous décrivez porte beaucoup à espérer, mais encore une fois, c'est l'une des choses dont parlait déjà la Commission royale. Il reste à espérer que cela se fasse de bonne foi.
[Français]
M. Yvan Loubier: La semaine passée, un intervenant autochtone nous a dit qu'il fallait éviter de constitutionnaliser les projets de gouvernance. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
M. Carl Rausch: Il existe un rapport historique dont les tribunaux ont d'ailleurs déjà parlé, et notamment le titre ancestral dont fait état l'arrêt Delgamuukw. Il y a également la proclamation historique de 1763. Il y a toutes sortes de choses qui remontent très loin dans l'histoire et qui disent ce qu'est la réalité, en l'occurrence que les gens des Premières nations sont les premiers habitants de ce territoire.
Vous avez raison de ne pas dire que tout doit se faire sous l'empire de la Constitution. Toutefois, chacun bénéficie également des garanties offertes par la Constitution, de sorte qu'il y a un juste milieu.
Loin de moi l'idée d'affirmer que la Constitution importe peu et que seul compte le titre autochtone. Là n'est pas la question. Au contraire, nous tenons compte de beaucoup de choses qui appartiennent au passé.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Je vais maintenant vous inviter à conclure et je vous donne cinq minutes pour le faire. Vous voudrez bien nous excuser si nous avons commencé en retard, mais nous allons en tenir compte en vous accordant au moins cinq minutes.
M. Ed Bianchi: Avant de laisser Jane conclure notre présentation, je voulais simplement—comme M. Loubier—répondre à la question de M. Dromisky au sujet de la consultation.
Si ce projet de loi a provoqué tellement de frustration chez les Autochtones et en notre sein, c'est que toutes ces questions ont déjà fait l'objet de tellement de consultations jadis. En déposant son projet de loi, c'est un peu comme si le gouvernement avait égaré tout ce travail ou avait préféré ne pas le prendre au sérieux. À mon avis, au lieu de se demander si c'est «400 séances d'information ne sont pas suffisantes», il faudrait plutôt se demander: «Pourquoi ne pas tirer partie des consultations véritables, du travail véritable dont ce dossier a déjà fait l'objet?».
Mme Jane Orion Smith: Je pense que la Commission royale sur les peuples autochtones a offert au Canada une occasion unique d'ouvrir un nouveau chapitre dans les relations de nation à nation, d'amorcer un dialogue et une négociation valables entre le Canada et les Premières nations. Je ne pense pas qu'il soit trop tard, et d'ailleurs, il est impératif de revenir aux recommandations de la Commission royale et de commencer par retirer le projet de loi C-7.
Si vous n'avez pas lu le rapport de la Commission, surtout vous qui fait partie du comité, je vous exhorterais à le faire parce que c'est un plan enthousiasmant et plein d'espoir qui est issu d'une très vaste consultation et d'une prise de possession du dossier par les commissaires, Autochtones et non-Autochtones, et par tous les groupes, et ils sont nombreux, qui depuis très longtemps travaillent sur les enjeux autochtones.
Ce que nous recommandons ici au comité permanent ressemble très fort à ce que nous avons déjà recommandé l'été dernier au comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination raciale, à qui nous avons également soumis un mémoire sur le bilan du Canada.
Il s'agissait pour commencer d'abandonner le projet de loi C-7 et de travailler avec les peuples autochtones, de nation à nation, pour résoudre les problèmes de gouvernance et traiter des autres priorités identifiées par les peuples autochtones, et notamment les droits fonciers et l'application des traités, la pauvreté, l'éducation et le chômage.
Voilà des problèmes impérieux qui appellent l'attention. J'en conviens parfaitement, la Loi sur les Indiens n'est pas un document acceptable, mais ce n'est pas ainsi que nous pourrons progresser.
En second lieu, il faudrait que toutes les discussions futures sur la gouvernance des Premières nations ait pour point de départ la recommandation 2.3.2 de la Commission royale sur les peuples autochtones qui dit ceci: «Tous les gouvernements au Canada reconnaissent que les peuples autochtones sont des nations investies du droit à l'autodétermination.»
Les 11 Églises membres de Kairos continuent à travailler avec les peuples autochtones afin de concilier, avec respect et intégrité, notre passé, notre présent et notre avenir communs. Même si toute la palette des croyances, des attitudes et des valeurs à l'endroit des peuples des Premières nations sont représentées parmi les millions de membres des Églises qui sont des partenaires, nous nous sentons obligés d'exprimer notre conviction que ce projet de loi est profondément vicié pour les raisons mentionnées dans notre mémoire et qu'il risque de battre en brèche l'essentiel du travail qui a déjà été accompli pour rétablir une juste relation entre Autochtones et non-Autochtones au Canada.
Je ne saurais trop vous faire valoir l'importance capitale selon moi du point où nous sommes arrivés et du genre de divisions que j'ai pu ressentir dans les communautés auxquelles j'ai rendu visite un peu partout au Canada, divisions provoquées par l'ensemble des mesures législatives qui s'annoncent. Je crains beaucoup pour les relations futures entre Autochtones et non-Autochtones au Canada et pour l'avenir que nous sommes en train de créer pour tous les enfants des générations à venir.
Je vous remercie pour le temps que vous nous avez accordé. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos travaux et toutes nos prières vous accompagnent.
Merci.
Á (1105)
Le président: Et Dieu sait que nous en aurons besoin.
Je voudrais vous remercier à mon tour. Si nous donnons l'impression que le temps est compté, c'est en effet la vérité. C'est tout le temps dont nous disposons pour entendre les groupes comme le vôtre. Par contre, je puis vous dire que le comité a passé trois mois, au printemps, à consulter les Autochtones, tous les dirigeants autochtones. Nous leur avons demandé de nous éclairer. Actuellement, nous avons prévu neuf semaines pour étudier ce projet de loi.
S'agissant maintenant des consultations menées par le Ministère, je sais que cela a coûté 10 millions de dollars. Il s'agissait de la plus vaste campagne de consultations jamais menée par un ministère. Le taux de participation n'a pas été très bon, nous le savons tous, mais il est vrai également que dans ma paroisse, le curé nous exhorte tous les dimanches à aller à la messe, mais lorsqu'il prêche, c'est pour ceux qui sont là. Ceux qui ont préféré ne pas participer aux consultations—comme dans le cas de la messe— sont mal placés pour dire après coup qu'ils n'ont pas été consultés. Mais c'est une opinion comme une autre.
Encore une fois, je tiens à vous remercier d'être venus.
Nous allons suspendre nos travaux pendant trois minutes afin de préparer le matériel pour la vidéoconférence.
Á (1130)
Á (1108)
Á (1134)
Le président: On me dit qu'il fait 37 degrés sous zéro, c'est donc froid, mais avec tout l'air chaud qui circule dans cet immeuble, nous resterons au chaud.
Nous reprenons notre examen du projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
De Whitehorse, nous accueillons le chef Hammond Dick du conseil tribal Kaska.
Je vous invite à faire votre exposé.
Á (1135)
Chef Hammond Dick (Conseil Tribal Kaska): Tout d'abord, permettez-moi de vous dire bonjour, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité.
Je m'appelle Hammond Dick. Je suis le chef tribal du conseil tribal Kaska, de la nation Kaska que je représente ici aujourd'hui. Je tiens à vous remercier de cette occasion qui m'est offerte de comparaître devant vous pour vous faire part des préoccupations de la nation Kaska au sujet du projet de loi C-7.
Je m'étais préparé à vous parler brièvement des antécédents de la nation Kaska du point de vue de notre territoire traditionnel, des territoires de la réserve ainsi que des négociations de traité avec les gouvernements canadien, provinciaux et territoriaux. Toutefois, cet historique aurait ajouté cinq à dix minutes à mon exposé et donc pour gagner du temps, j'ai fait parvenir ces documents de fond à Mme Kingston, la greffière du comité. Je vais donc passer maintenant directement au mémoire de la nation Kaska sur le projet de loi C-7.
Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, j'aimerais d'abord énoncer très clairement la position de la nation Kaska sur le projet de loi C-7. Nous nous y opposons fortement pour la simple raison que les outils du maître ne démoliront pas la maison du maître. Je ne le dis pas à la légère, simplement pour parler. Nous ne pouvons pas espérer parvenir à une relation respectueuse, de nation à nation, conforme à l'affirmation et la reconnaissance de nos droits constitutionnels en apportant des modifications à une loi paternaliste.
La Loi sur les Indiens a tenté de détruire le droit des Autochtones à l'autodétermination. La Loi sur les Indiens ne reconnaît pas le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. La Loi sur les Indiens cherche à gouverner les Premières nations et non pas à leur donner l'autonomie. Il est impossible de créer une nouvelle relation entre les gouvernements autochtones et non autochtones sur une fondation boiteuse. Ce projet de loi imposera, unilatéralement, un fardeau financier et administratif aux Premières nations sans notre consentement et en contravention à la responsabilité de fiduciaire de la Couronne.
Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, je vous implore de vous arrêter et de réfléchir à ce projet de loi qui deviendra bientôt loi. Si vous ne prenez pas le temps d'y réfléchir, cela deviendra un autre élément de l'histoire législative qui accepte la ségrégation des peuples autochtones dans ce pays.
De nombreux groupes autochtones ont sans doute déjà avancé cet argument. Vous avez sans doute entendu des juristes spécialisés dans le droit autochtone présenter le même argument. C'est sans doute ce que vous diront les représentants autochtones, les uns après les autres, partout au pays. Ce projet de loi portera atteinte à nos droits ancestraux. Il portera atteinte aux droits ancestraux de la nation Kaska et de son peuple. Il portera atteinte aux droits ancestraux protégés par la Constitution du Canada. Si le projet de loi C-7 est adopté sans amendement, sa légalité sera contestée devant les tribunaux.
Malgré cette position, la nation Kaska est pragmatique. Nous reconnaissons qu'à cette étape du processus législatif, nous sommes effectivement en mode de limitation des dégâts. Nous comprenons qu'il faut faire des critiques constructives. Dans cette optique, j'aimerais passer aux amendements que nous proposons et aux ajouts que nous proposons.
Monsieur le président, je sais que ce comité entendra beaucoup d'opposition à ce projet de loi dans les mois à venir. Si vous me le permettez, j'aimerais expliquer ce que la nation Kaska considère le problème sous-jacent du projet de loi, article après article.
Á (1140)
Les auteurs du projet de loi sont partis de la thèse que la Loi sur la gouvernance des Premières nations ne reconnaîtrait ni n'affirmerait expressément l'existence d'un droit à l'autonomie gouvernementale. Elle ne parlerait que de la politique des droits inhérents. Elle exempterait les Premières nations qui auraient eu la bonne fortune d'avoir déjà une entente sur l'autonomie gouvernementale, sans pour autant que le gouvernement fédéral reconnaisse en bloc le droit autochtone à cette même autonomie gouvernementale.
La nation Kaska soutient qu'il s'agit là d'une tare mortelle. Il faut en effet bien se souvenir de ce que disent la jurisprudence et la Constitution lorsqu'on prépare des amendements à une loi fédérale, sinon on risque d'aboutir à une loi inconstitutionnelle, une loi qui ignore la sagesse de la magistrature. C'est un peu comme si les auteurs du projet de loi avaient eu la conviction qu'ils pouvaient purement et simplement ignorer le droit autochtone et l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 . Je le répète, il s'agit là d'une tare mortelle.
Par conséquent, les amendements et les ajouts préconisés par la nation Kaska tiennent compte des droits autochtones qui sont en jeu en l'occurrence. Tout d'abord, la nation Kaska soutient que l'amendement le plus important qui doit être apporté à ce projet de loi est celui qui le rendrait obligatoirement facultatif. Si le Canada reconnaît quelque droit que ce soit à l'autonomie gouvernementale autochtone, nous devons à tout le moins pouvoir choisir d'opter ou non pour ces changements apportés à la Loi sur les Indiens. J'exhorte le comité à adopter le texte qui figurait dans le projet de loi C-79, Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens, qui a précédé ce projet de loi-ci et qui avait été déposé en 1996.
En second lieu, il est absolument indispensable d'ajouter au préambule une disposition de non-dérogation beaucoup plus contraignante et d'ajouter au corps du projet de loi un nouvel article 2 qui consacrerait cette non-dérogation. Le comité épargnerait des centaines d'heures de témoignages s'il recommandait une disposition péremptoire concernant la non-dérogation. Même la Loi sur la modification facultative de l'application de la Loi sur les Indiens comportait une disposition comme celle-là. C'est d'ailleurs une disposition qui est devenue la norme dans toutes les lois provinciales et fédérales concernant les peuples autochtones partout au Canada. J'espère sincèrement que l'honorable ministre n'a pas voulu omettre une telle disposition pour s'en servir ultérieurement comme monnaie d'échange.
En troisième lieu, la nation Kaska préconise d'ajouter trois articles au préambule: tout d'abord, un article qui affirmerait qu'aucune disposition de la Charte n'est une abrogation ou une dérogation des traités autochtones ou des autres droits des peuples autochtones, et en particulier des droits ou libertés associés à la protection de leurs langues, de leurs cultures et de leurs traditions; en second lieu, une disposition affirmant que l'autonomie gouvernementale, un droit existant déjà, est protégé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; et une troisième disposition qui confirmerait la relation fiduciaire entre la Couronne et les peuples autochtones. Ces trois dispositions refléteraient l'état actuel de la jurisprudence en droit autochtone et respecteraient l'esprit des amendements constitutionnels qui avaient été proposés dans le cadre de l'Accord de Charlottetown.
En quatrième lieu, nous préconisons de refaire les paragraphes 5(2), qui imposent des conditions minimums aux conseils élus selon la coutume, et 5(3) qui imposent aux Premières nations une échéance obligatoire pour se conformer à ces conditions minimums. Les tribunaux ont déjà jugé que le droit qu'ont les peuples autochtones de choisir le mode de sélection de leurs représentants politiques faisait partie intégrante de leur droit à l'autonomie gouvernementale. Nous vous exhortons à revoir ces dispositions de manière à ne pas porter atteinte aux droits autochtones existants.
En cinquième lieu, monsieur le président, comme vous le savez sans doute, les articles 5, 6 et 7 donnent aux bandes la possibilité d'élaborer et d'adopter leurs propres codes concernant le choix de leurs dirigeants, l'administration ainsi que la gestion financière.
Á (1145)
Comme vous le savez aussi, le projet de loi donne aux Premières nations un créneau de deux ans pour concrétiser ces objectifs. À défaut de quoi, le gouverneur en conseil a le pouvoir d'édicter par voie réglementaire des codes par défaut comme le prévoit le paragraphe 32(1).
Même avec les crédits les plus riches que le ministère des Affaires indiennes va sans aucun doute offrir pour la formation, ce créneau de deux ans n'est pas réaliste étant donné toutes les capacités qui vont devoir être créées partout au Canada. Selon nous, il faudrait que cette période passe de deux à quatre ans, ce qui exigerait donc de modifier toutes les dispositions corollaires.
En sixième lieu, la nation Kaska fait siennes les proposition du professeur Larry Chartrand de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa en ce qui concerne une disposition de non-dérogation qui s'appliquerait aux articles 16 à 18. Le texte qu'il propose se lit comme suit:
Nonobstant toute disposition contraire de la présente Loi, les pouvoirs de légiférer énumérés aux articles 16, 17 et 18 n'abrogent ni ne dérogent au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et, là où le pouvoir prescrit recoupe un pouvoir coutumier, lesdits pouvoirs de légiférer sont déclaratoires par rapport au pouvoir coutumier. |
Monsieur le président, la Loi sur les Indiens et le projet de loi partent du principe que les peuples autochtones n'ont pas le pouvoir de légiférer et que ces pouvoirs doivent leur être délégués. Le texte ci-dessus règle ce problème et nous vous exhortons à l'adopter.
Enfin, l'article 41 qui permet aux organisations gouvernementales autochtones de se prévaloir de la Loi canadienne sur les droits de la personne doit être refait pour que l'intégrité culturelle des Premières nations soit préservée et pour que notre culture et notre mode de vie distinctifs ne soient pas indûment menacés par l'affirmation des droits de l'individu.
Il est extrêmement important de faire en sorte que la législation concernant les droits de la personne ne puisse abroger les droits issus des traités ou les autres droits du peuple Kaska, et ne puisse y déroger, et j'entends particulièrement ici les droits qui concernent la protection de notre langue, de notre culture et de nos traditions.
En conclusion, monsieur le président, je voudrais répéter quelque chose que j'ai dit au début. En votre qualité de législateurs soucieux de leurs responsabilités, je vous rappelle que vous vous devez de prendre le temps de réfléchir à ce texte législatif, à ce projet de loi dont vous êtes saisis, pour faire en sorte qu'il n'enfreigne pas nos droits, le droit autochtone. Si vous ne prenez pas le temps de le faire, ce texte de loi passera dans l'histoire comme une autre de ces lois qui, partout au Canada, ont contribué à isoler nos peuples autochtones.
Je vous demande donc d'ouvrir votre coeur et votre esprit aux nombreux arguments passionnés que les Premières nations, les unes après les autres, vont vous soumettre dans les mois à venir.
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir permis de vous faire cet exposé dont je vais remettre le texte à la greffière. Je vous souhaite bonne chance dans les délibérations que vous allez tenir partout au Canada dans ce dossier important.
Le président: Merci beaucoup pour cet excellent exposé.
Chers collègues, le conseil tribal Kaska a un créneau d'une heure étant donné que le chef Dick représente cinq collectivités. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu plus de temps, et je suis persuadé que nous allons ainsi pouvoir entendre beaucoup de questions excellentes, ce qui est le cas lorsque je donne suffisamment de temps aux membres du comité.
Monsieur Vellacott, vous avez sept minutes.
Á (1150)
M. Maurice Vellacott: Le groupe consultatif conjoint du ministre est censé avoir composé un excellent dossier. Certaines des recommandations se retrouvent d'ailleurs dans le projet de loi. Pensez-vous qu'il y a eu concertation, entente, participation, et que cela s'est trouvé transposé dans le projet de loi? Y a-t-il des choses que vous aimez dans ce texte ou pensez-vous que celui-ci soit mauvais d'un bout à l'autre?
Chef Hammond Dick: Pour nous, ce ne sont que des mauvaises nouvelles, et nous voudrions que les auteurs reprennent cela à zéro à partir d'un processus national beaucoup plus consultatif qui ferait intervenir les Premières nations. Je pense que lorsque le projet de loi avait été rédigé au départ, il n'y avait eu que très peu de consultations, et que tout ce qu'il contenait émanait du ministre.
M. Maurice Vellacott: Convenez-vous que la recommandation formulée par le Comité consultatif ministériel conjoint au sujet des biens matrimoniaux devrait être l'un des éléments clés d'une réforme pour toutes les Premières nations au Canada? Serait-il possible de le faire dans le cadre du projet de loi C-7? À l'heure actuelle, le projet de loi est muet à ce sujet.
Chef Hammond Dick: Oui, c'est ce que nous pensons pour un très grand nombre de Premières nations au Canada, et en particulier pour la nation Kaska. Notre mode de gouvernement ancestral existe toujours. Les liens matrimoniaux sont importants pour notre peuple. Les choses se passent toujours de cette façon dans les communautés représentées par le conseil tribal Kaska.
M. Maurice Vellacott: D'accord.
Encore une fois, le rapport du Comité consultatif parle de créer une institution permettant de créer des capacités, des ressources si vous préférez, afin d'offrir aux communautés des Premières nations les services de gouvernance dont nous aurons besoin. Le projet de loi C-7 n'en dit pas un mot. Cela vous inquiète-t-il? Parce qu'en réalité, les frais de mise en oeuvre vont être énormes.
Vous avez d'ailleurs fait valoir qu'à votre avis, il faudrait prévoir de l'argent et des ressources pour réaliser cela. Avez-vous eu des indications, oralement ou par écrit, dans ce sens?
Le projet de loi ne dit rien à ce sujet. Cela devrait beaucoup inquiéter un bon nombre de petites Premières nations un peu partout au Canada, le fait qu'elles n'ont pas, surtout pour cette période cruciale de deux ans, voire pour quatre ans même, les moyens d'élaborer et de mettre en place leurs propres codes par exemple. Pensez-vous qu'il faille créer une institution pour les aider à le faire, et que cela devrait être prévu par la loi?
Chef Hammond Dick: Vous avez raison, et c'est en partie pourquoi nous avons recommandé au comité permanent de revoir le texte et aussi d'allonger le délai afin de permettre aux petites communautés et aux communautés éloignées de s'attaquer à cette question...
J'ai l'impression que la caméra est tombée de son socle et je vais devoir m'interrompre pour la remettre en place. Donnez-moi quelques instants.
Cela va maintenant?
Le président: Nous pouvons vous entendre, mais nous ne vous voyons pas.
Chef Hammond Dick: D'accord, mais moi je peux vous voir. Je vais faire venir un technicien.
Á (1155)
Le président: Vous avez un technicien pour vous donner un coup de main?
Chef Hammond Dick: Oui, il est d'ailleurs en train d'y travailler.
Le président: Ces vidéoconférences doivent avoir été organisées par un comité.
D'accord, nous vous voyons maintenant.
Nous allons vous accorder tout le temps qui avait été prévu.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Merci, chef Dick.
C'est Maurice Vellacott qui vous parle, je suis un député de l'Alliance canadienne.
Le projet de loi prescrit des normes minimales pour les codes de gouvernance. Estimez-vous que cela manque de souplesse et risque d'empêcher certaines bandes d'élaborer des codes conformes à leurs propres besoins? Y aurait-il des normes concernant les codes dont parle le projet de loi et que vous aimeriez commenter pour nous?
Par ailleurs, il y a le fait que si une bande, une communauté, ne se conforme pas à ces codes, elle sera assujettie à un régime par défaut, à un code par défaut. Ces codes par défaut, nous ignorons tout d'eux. Avez-vous pu participer à leur élaboration? Sinon, c'est un peu comme signer un chèque en blanc.
Pour commencer donc, auriez-vous quelque chose à dire à propos des normes minimales? Y a-t-il certaines normes qui, pour vous, sont bonnes, ou ne sont pas bonnes, sont trop rigides ou pas assez souples? Et avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'absence d'un code par défaut?
Chef Hammond Dick: Nous en avons déjà parlé et nous estimons que le projet de loi ne donne pas aux bandes suffisamment de latitude pour le choix de leurs dirigeants. Le délai prévu pour que les Premières nations puissent élaborer leurs propres codes n'est pas suffisamment long selon nous.
Nous estimons également que, surtout dans le cas des communautés des Premières nations comme les nôtres, qui sont petites et souvent aussi privées de ressources financières et humaines, étant donné aussi l'éloignement de ces communautés, surtout dans le Yukon, nous estimons donc qu'il faut leur donner le temps et les ressources nécessaires pour pouvoir élaborer leurs codes pour le choix de leurs dirigeants, ainsi que les codes administratifs destinés aux communautés. Pour nous, deux ans ne suffisent pas.
Pour ce qui est du code par défaut dont nous avons parlé, nous pensons que ce n'est pas vraiment très démocratique. À notre avis, il est injuste d'imposer un code par défaut après deux ans, de sorte qu'il faudrait prolonger ce délai et le porter à quatre ans, ce qui permettrait à la communauté et à la bande en particulier d'élaborer un code qui lui convienne.
 (1200)
Le président: Je vous remercie.
[Français]
Monsieur Loubier, vous avez six minutes.
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Chef Dick, vous avez mentionné tout à l'heure que le gouvernement n'avait pas consulté les nations autochtones au sujet de son projet de loi et que tout ce qu'il y a dans ce projet de loi venait du ministre. D'un autre côté, le ministre ne cesse de nous dire qu'il y a eu plusieurs consultations, qu'il a lui-même participé à 400 rencontres avec les représentants des peuples autochtones et qu'il a fait la même chose avec le projet de loi C-6 concernant les revendications particulières. D'autre part, les représentants autochtones disent qu'ils n'ont pas été consultés. Il va falloir qu'on trace la ligne entre la vérité et le mensonge. Comment interpréter l'attitude du ministre et ce que vous avez dit tout à l'heure concernant l'absence de consultations?
[Traduction]
Chef Hammond Dick: Merci.
Nous savons que le ministre a multiplié les efforts pour consulter les communautés et les dirigeants autochtones partout au Canada. Nos communautés ont fait partie du processus de consultation en question, mais celui-ci n'a pas été aussi fouillé que nous l'aurions voulu.
Comme vous le savez, la Nation Kaska est au coeur de plusieurs ordres de gouvernement. En effet, nous avons des communautés au Yukon et dans le nord de la Colombie-Britannique. Notre territoire ancestral chevauche également les Territoires du Nord-Ouest. Le dossier d'information que nous avons remis à la greffière à l'intention des membres du comité dit bien que nous nous efforçons également de négocier un traité, le règlement de nos revendications territoriales, avec le Canada, les provinces et les territoires. Nous pensons avoir besoin de plus de temps encore pour participer à cette initiative.
Nous disons dans notre mémoire que, surtout en ce qui concerne le Yukon, le projet de loi fait intervenir trois catégories de processus. Nous signalons également qu'il y a des Premières nations qui ont déjà conclu leurs ententes finales et à ce titre, elles ont des ententes d'autonomie gouvernementale, et qu'il y en a d'autres qui sont encore en train de négocier et qui sont à la veille de ratifier leurs propres ententes.
Par contre, la Nation Kaska essaye toujours d'inciter le gouvernement à régler nos ententes finales. Nous nous trouvons donc dans une zone grise. Même si nous aimerions beaucoup pouvoir mettre en place nos structures d'administration, les politiques de l'État sont telles qu'il nous est très difficile de le faire pour le moment.
[Français]
M. Yvan Loubier: Chef Dick, vous avez dit tout à l'heure que la nation Kaska était en train de négocier avec le gouvernement fédéral un traité concernant l'autonomie gouvernementale et les revendications territoriales. Qu'adviendrait-il si le gouvernement allait de l'avant avec le projet de loi C-7, avec les délais qui sont extrêmement serrés, dont deux années pour se conformer aux dispositions concernant les codes de gouvernance? Qu'adviendrait-il de cette négociation si vous étiez obligés de vous conformer aux dispositions du projet de loi C-7?
 (1205)
[Traduction]
Chef Hammond Dick: À l'heure actuelle, surtout en ce qui concerne le Yukon, la nation Kaska ne négocie pas pour l'instant avec le Canada. D'après le projet de loi, les Premières nations qui sont déjà en état d'autonomie gouvernementale seront exemptées. Nous ignorons quand nous pourrons arriver à conclure une entente avec le Canada ainsi qu'avec les provinces et les territoires pour qu'on nous reconnaisse enfin le statut de Première nation jouissant d'une autonomie gouvernementale. Nous l'ignorons donc pour l'instant. Ainsi, les auteurs du projet de loi sont-ils partis du principe que le Yukon serait exempté des dispositions de ce texte, et nous ignorons ce que cela signifiera pour les communautés Kaska.
Le président: Merci, monsieur Loubier.
Madame Karetak-Lindell, vous avez six minutes.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je vous remercie.
Je pense que le témoin a déjà répondu à une bonne partie de mes questions au tour précédent, mais j'aimerais savoir, lorsque vous parlez de vos cinq communautés, combien de gens cela représente. Quelle est la population?
Chef Hammond Dick: La Nation Kaska compte entre 3 000 et 3 200 membres.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Ce qui représente combien de communautés dans la partie sud du Yukon?
Chef Hammond Dick: Il y a cinq communautés reconnues plus quelques communautés satellites qui tentent actuellement d'obtenir du Canada le statut de communauté et de bande.
Mme Nancy Karetak-Lindell: J'aimerais beaucoup savoir comment un groupe parvient à composer avec un texte de loi lorsqu'il est régi par des ordres de gouvernement différents. Je sais que vous avez partiellement répondu à cette question au tour précédent, mais selon vous, en quoi le projet de loi C-7 vous rendrait sans doute la vie difficile et comment espérez-vous le voir modifié pour tenir compte précisément du fait que, comme vous le disiez, vos gens sont répartis entre la Colombie-Britannique, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon?
Les gens d'Akwesasne nous ont appris des choses intéressantes étant donné qu'ils relèvent de deux pays différents, et je me demande donc si, selon vous, certaines dispositions du projet de loi C-7 permettraient précisément de régler plus facilement ce problème de frontières. Que voudriez-vous voir dans le projet de loi C-7 qui, du point de vue juridictionnel, pourrait faciliter... Je ne sais pas comment on pourrait appeler cela, le fait de relever de plusieurs provinces ou territoires.
Chef Hammond Dick: Vous avez raison, cela a toujours été un problème pour nous. Le peuple kaska n'a qu'une seule langue. Il y a plusieurs choses qui soudent nos communautés. Il est difficile pour nous de travailler, sur le plan administratif, avec la division qui existe entre le Yukon, le nord de la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest. Lorsque nous avons essayé de négocier une entente finale pour les communautés kaska, nous avons dit à plusieurs tables de négociation que nous nous efforcions d'arriver à un accord final avec le Canada, avec les provinces et avec les territoires. Ce que nous voulons, c'est une entente unique issue des sept tables de négociation que nous avons constituées. Cela nous prend beaucoup de temps, coûte très cher et exige beaucoup de coordination.
Le genre de gouvernance que nous voudrions est un peu calqué sur le modèle de ce qu'ont les Navajos dans la partie sud-ouest des États-Unis. Les Navajos peuplent quatre États différents, mais ils ont néanmoins reçu le pouvoir de s'autogouverner, comme ils l'avaient d'ailleurs fait pendant des milliers d'années. Nous aimerions voir la même chose pour nous, un processus semblable, qui couvrirait notre peuple et notre territoire ancestral. Comme je le disais, ce territoire ancestral représente environ 93 000 milles carrés et il chevauche la partie sud-est du Yukon, certaines parties de l'ouest des Territoires du Nord-Ouest ainsi que le nord-est de la Colombie-Britannique.
 (1210)
Mme Nancy Karetak-Lindell: Je vous remercie.
Je voudrais vous poser une question concernant l'aspect facultatif. Vous avez dit dans votre exposé que vous aimeriez que ce soit facultatif, mais cela ne finirait-il pas par présenter beaucoup de difficultés puisqu'il y aurait des administrations différentes pour des bandes différentes, selon que les bandes auraient ou non opté pour le régime? Je me demande si vous avez réfléchi à cela.
Chef Hammond Dick: Oui, nous y avons réfléchi. Et nous estimons que si le projet de loi est adopté, cela nous empêcherait de nous administrer comme nous le voudrions. Nous pensons également que l'échéancier prévu par le projet de loi, comme je l'ai déjà dit, devrait être allongé pour que nous puissions véritablement participer au processus prescrit.
Nous soutenons que nous voulons être pris en compte pendant ce processus, mais il faudra de nombreux amendements et nous en avons d'ailleurs déjà proposé un certain nombre dans le sens où nous voudrions que le projet de loi aille.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Vellacott, quatre minutes.
M. Maurice Vellacott: Merci encore une fois, chef Dick. Il y a une chose à laquelle vous faites sans cesse allusion, et c'est le fait que si vous aviez eu quatre ans plutôt que deux pour vous préparer au projet de loi C-7, avec des ajustements ici et là au niveau des amendements éventuels à mesure que nous progresserons dans notre étude... Pensez-vous pouvoir accepter ce genre de choses? Pourriez-vous arriver à rédiger vos propres codes dans tous ces domaines différents tout en respectant votre propre culture et vos propres traditions? Est-ce qu'un délai de quatre ans au lieu de deux ans rendrait la chose plus acceptable, vous permettrait de faire les choses comme il faut, d'avoir tous les codes et ainsi de suite?
Chef Hammond Dick: Je n'en doute absolument pas. Nous avons travaillé en étroite concertation avec les communautés kaska pour faire une bonne partie de cela dans le cadre de nos négociations avec le Canada et avec les provinces, négociations qui durent déjà depuis 30 ans. Je pense que nous avons fait beaucoup de chemin vers l'implantation d'un système de gouvernance qui serait conforme à la façon dont notre peuple voudrait être administré. Nous estimons également qu'avec suffisamment de ressources financières et humaines de la part du ministère, nous pourrions y arriver dans ce laps de temps.
Par contre, la période de deux ans qui est proposée actuellement n'est pas suffisante selon nous.
M. Maurice Vellacott: Si je vous ai bien compris, vous dites qu'avec du temps et des ressources, vous pensez pouvoir travailler à l'intérieur des paramètres du projet de loi C-7 tout en maintenant votre autodétermination et votre autonomie. Je pense que c'est ce que vous dites. Je vous demanderais de répondre rapidement.
J'ai une autre question. Il y a un seuil de 25 p. 100—en d'autres termes, 25 p. 100 des électeurs admissibles doivent participer à l'adoption d'un code d'élection. Est-ce que ce seuil est trop élevé, ou trop bas, ou parfait? Vingt-cinq pour cent, cela signifie que 75 p. 100 sont exclus. Est-ce un bon seuil pour déterminer le code de sélection des dirigeants?
 (1215)
Chef Hammond Dick: Nous pensons qu'un seuil plus élevé serait sans doute préférable. Cela dit, lorsque l'on prévoit un processus de sélection pour le choix des dirigeants, nous considérons que cela rassure les membres, ce qui est important.
Ce seuil dont vous parlez, nous en discutons depuis plusieurs années, dans le cadre de nos efforts pour instaurer une procédure afin de choisir nos dirigeants.
M. Maurice Vellacott: Si je comprends bien, vous dites que 25 p. 100, c'est trop bas. Vous pensez que plus de gens voteraient et que le seuil pourrait être plus élevé, disons 35 p. 100 ou...
Chef Hammond Dick: En effet.
M. Maurice Vellacott: Merci.
Le président: Monsieur Hubbard, quatre minutes.
Ça va?
Très bien, monsieur Loubier, quatre minutes.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'aimerais faire un commentaire au chef Dick. Je trouve que votre idée de rendre facultative l'application de cette loi par les nations autochtones est excellente. Je reviens aux termes qu'a employés Mme Karetak-Lindell tout à l'heure. Le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien prétend que les communautés autochtones adhèrent à son projet de loi, que c'est la bonne direction et que les autochtones qu'il a consultés considèrent que c'est un bon projet de loi. Mais si on rendait facultative l'application de ce projet de loi, le chat sortirait peut-être du sac, comme on dit. On verrait qu'il n'y a presque pas d'adhésion à son projet de loi, et son projet de loi tomberait par lui-même.
Rendre facultative l'application du projet de loi est, à mon avis, une idée qu'il faudrait continuer à promouvoir, parce qu'on verrait alors le véritable niveau d'adhésion des communautés autochtones. On pourrait sans nul doute faire la démonstration, au cours des deux prochaines années, que le ministre fait fausse route et que la meilleure façon de régler le problème serait de vous consulter, parce que vous êtes les premiers concernés, de vous consulter de nation à nation égales, et non pas de la manière infantilisante qu'on trouve dans les projets de loi C-7 et C-6.
Je vous remercie, chef Dick, pour votre contribution. Si vous avez des commentaires à faire sur ce que je viens de dire, vous êtes le bienvenu. Vous avez toute la liberté de les exprimer.
[Traduction]
Chef Hammond Dick: Merci une fois encore. Je suis heureux que vous ayez examiné ces dispositions. Nous l'avons fait aussi et nous considérons qu'en tant que peuple démocratique réparti dans tout le pays, il nous appartient de choisir le régime qui s'appliquera à nous. Nos communautés, nos peuples font partie de ce processus depuis longtemps et nous disons:—«Si ça fonctionne, n'y touchez pas».
[Français]
M. Yvan Loubier: Je vous remercie, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Laliberte, c'est à vous, quatre minutes.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Bonjour, chef. Ethlante.
Vous avez mentionné que la nation Kaska compte environ 3 200 membres. Sont-ils tous dans la région ou sont-ils répartis partout au Canada, partout au monde? Quel est le nombre total d'individus dans votre nation?
Chef Hammond Dick: Au total, comme je l'ai dit plus tôt, notre nation compte un peu plus de 3 000 individus sans doute répartis partout au pays. Je dirais que qu'environ 80 p. 100 de nos membres se trouvent dans les communautés du nord de la Colombie-Britannique, au Yukon et dans certaines régions des Territoires du Nord-Ouest.
 (1220)
M. Rick Laliberte: La décision Corbière permettait aux membres vivant hors réserve de voter. Est-ce qu'en cas d'élections à l'heure actuelle, vos membres de partout au Canada peuvent voter?
Chef Hammond Dick: Non, pas encore, bien que nous soyons au courant de cette exigence. À cause des coûts qu'elle impose aux petites localités, nous avons du mal à respecter cette exigence.
M. Rick Laliberte: En ce qui concerne la Loi sur la gouvernance des Premières nations, vous semblez dire que si certains amendements étaient apportés, cela renforcerait le projet de loi ou, à le tout au moins, atténuerait certaines de vos préoccupations. J'aimerais vous soumettre l'une des miennes pour connaître votre réaction.
Vous tenez absolument, Chef, à identifier votre nation comme la nation Kaska. Avec cette loi sur la gouvernance des Premières nations, faut-il définir une première nation en énumérant toute la liste des Premières nations au Canada, y compris les Kaskas et toutes les autres nations dans la région avoisinante? Est-ce une bonne idée, ou un bon exercice pour le comité de définir les Premières nations comme étant les Kaskas, les Dogribs, les Dénés, les Cris, les Micmacs, les Mohawks? Conviendrait-il, à ce moment-ci dans l'histoire du Canada, de commencer à préciser qui sont vraiment ces premières nations?
Chef Hammond Dick: Oui, je crois que c'est important. Comme je l'ai déjà dit, il est important de construire une relation avec la Couronne et les provinces. Pour nous, cela fait partie de l'évolution des relations entre nous.
Nous, le peuple Kaska, nous nous sommes organisés, et maintenant nous abordons tous les processus émanant du gouvernement en tant que nation. Les communautés qui font partie de la nation Kaska composent la Première nation Kaska, ce qui signifie aussi la nation Kaska. C'est ainsi que depuis 1987, dans toutes nos négociations, nous avons traité avec le Canada, les provinces et les territoires en tant que nation.
S'agissant de notre orientation future, nous voulons être reconnus comme une nation au sein d'une nation. A ce titre, nous sommes disposés à collaborer étroitement avec les gouvernements et l'industrie pour dispenser les services à notre population et la gouverner.
M. Rick Laliberte: Merci beaucoup, chef.
Le président: Plus personne ne lève la main pour poser des questions.
Chef, merci beaucoup pour ces renseignements. Cela nous a beaucoup aidés. Maintenant nous vous invitons à conclure. Vous avez cinq minutes pour le faire, monsieur.
Chef Hammond Dick: D'accord.
Je vous remercie encore une fois, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, de m'avoir offert l'occasion de vous parler de cette question importante. Étant donné les nombreux processus que nous suivons dans notre recherche d'une place pour notre peuple afin d'améliorer ses conditions de vie, nous croyons qu'il nous faudra travailler beaucoup plus étroitement avec les gouvernements afin de réaliser ces objectifs.
Je sais qu'en tant que législateurs, vous faites de votre mieux. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous cherchons à limiter les dégâts. Il nous reste encore plusieurs mois pour amender la mesure proposée. Nous croyons qu'elle pourra fonctionner pourvu que l'on tienne compte des recommandations que nous avons faites dans notre mémoire.
Nous sommes convaincus qu'à défaut de cela, nous serons marginalisés encore davantage par les gouvernements. Jusqu'à maintenant, nous avons essayé de faire comprendre aux pouvoirs publics et aux dirigeants de l'industrie à quel point nous sommes marginalisés. La mesure que l'on propose maintenant ne fera qu'empirer nos relations.
Il nous faut collaborer davantage. Nous devons être sensibles aux choses qui auront de l'importance pour notre peuple. Vous, en tant que législateurs, vous savez qu'il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là pour notre peuple et pour nos communautés. Nous avons un taux de chômage élevé. Il y a des problèmes sociaux dans nos communautés. Notre population vit dans des conditions dignes du tiers-monde.
Le Canada est considéré comme l'un des meilleurs pays au monde pour la qualité de vie, mais si vous allez visiter l'une de nos communautés dans le territoire Kaska, vous allez découvrir des conditions sociales lamentables. Nous voulons améliorer les conditions de vie de notre peuple, de nos communautés et choisir nos chefs en fonction de nos intérêts.
Je pourrais encore en dire long sur ce qui reste à faire. Mais le fait d'adopter ce projet de loi pourrait nuire à nos progrès dans l'avenir. Nous croyons qu'il faudra prendre des mesures radicales, transformer le projet de loi de fond en comble si nous voulons qu'il nous soit utile.
Si l'on ne tient pas compte de nos recommandations, alors je ne vois pas très bien quel recours il nous reste encore en tant que peuple Kaska, en tant que nation Kaska. Nos ancêtres ont toujours eu confiance en la Couronne. Nous savons qu'une saine relation de travail est importante pour l'évolution de notre peuple et de nos communautés. Voilà pourquoi nous demandons au comité de prendre nos recommandations au sérieux et de nous aviser, une fois le travail terminé, des changements qui ont été apportés afin d'y donner suite.
Encore une fois, monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité.
 (1225)
Le président: Merci beaucoup, Chef. Vous nous avez beaucoup éclairés.
Chers collègues, nous reprendrons la séance à 15 h 15 ou tout de suite après le vote.