AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 9 juin 2003
 | 1230 |
Le président (Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Le vice-chef Ghislain Picard (Région du Québec et du Labrador, Assemblée des Premières nations)) |
 | 1235 |
 | 1240 |
Le président |
Le vice-chef Satsan Herb George (Bureau des vice-chefs régionaux de CB, Assemblée des Premières nations) |
 | 1245 |
 | 1250 |
 | 1255 |
· | 1300 |
· | 1305 |
· | 1310 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Le vice-chef Ghislain Picard |
· | 1315 |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Ghislain Picard |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Satsan Herb George |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Satsan Herb George |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Satsan Herb George |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Satsan Herb George |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Satsan Herb George |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Satsan Herb George |
· | 1320 |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Satsan Herb George |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Ghislain Picard |
M. Maurice Vellacott |
Le vice-chef Ghislain Picard |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Le vice-chef Satsan Herb George |
M. Yvan Loubier |
· | 1325 |
Le vice-chef Ghislain Picard |
M. Yvan Loubier |
Le vice-chef Satsan Herb George |
· | 1330 |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
· | 1335 |
Le vice-chef Satsan Herb George |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
· | 1340 |
Le vice-chef Satsan Herb George |
· | 1345 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Yvan Loubier |
The Chair |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Le président |
Le vice-chef Ghislain Picard |
· | 1350 |
Le président |
Le vice-chef Satsan Herb George |
Le président |
Le président |
¹ | 1530 |
L'honorable Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Gordon Shanks (sous-ministre adjoint, Développement économique et initiatives spéciales, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
M. Maurice Vellacott |
M. Gordon Shanks |
M. Maurice Vellacott |
M. Gordon Shanks |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
¹ | 1555 |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
Le président |
M. Yvan Loubier |
º | 1600 |
L'hon. Robert Nault |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Yvan Loubier |
L'hon. Robert Nault |
º | 1605 |
M. Yvan Loubier |
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.) |
Le président |
M. Alan Tonks |
Le président |
M. Yvan Loubier |
L'hon. Robert Nault |
M. Yvan Loubier |
L'hon. Robert Nault |
Le président |
M. Pat Martin |
º | 1610 |
L'hon. Robert Nault |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
L'hon. Robert Nault |
Le président |
L'hon. Robert Nault |
M. Pat Martin |
º | 1615 |
L'hon. Robert Nault |
Le président |
Mme Anita Neville |
L'hon. Robert Nault |
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.) |
º | 1620 |
L'hon. Robert Nault |
º | 1625 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Gordon Shanks |
Le président |
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne) |
L'hon. Robert Nault |
M. David Chatters |
L'hon. Robert Nault |
M. David Chatters |
L'hon. Robert Nault |
Le président |
M. David Chatters |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
L'hon. Robert Nault |
M. Maurice Vellacott |
M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
M. Maurice Vellacott |
M. Paul Salembier |
M. Maurice Vellacott |
M. Paul Salembier |
º | 1630 |
M. Maurice Vellacott |
M. Paul Salembier |
Le président |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
Le président |
L'hon. Robert Nault |
º | 1635 |
Le président |
M. Yvan Loubier |
L'hon. Robert Nault |
M. Yvan Loubier |
L'hon. Robert Nault |
º | 1640 |
Le président |
M. Alan Tonks |
Le président |
M. Yvan Loubier |
Le président |
M. Alan Tonks |
L'hon. Robert Nault |
M. Alan Tonks |
L'hon. Robert Nault |
Le président |
L'hon. Robert Nault |
º | 1645 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 9 juin 2003
[Enregistrement électronique]
 (1230)
[Traduction]
Le président (Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous avons à notre ordre du jour le projet de loi C-19, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des premières nations et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui un certain nombre de représentants de l'Assemblée des premières nations, soit le vice-chef Ghislain Picard, le vice-chef Satsan Herb George, du Bureau des vice-chefs régionaux de C.-B., Noah Augustine, directeur général des relations financières et transferts de programmes, et Roger Jones, conseiller juridique principal.
Soyez les bienvenus et merci d'être venus à ce qu'il convient d'appeler un si bref préavis. Nous apprécions réellement votre collaboration.
Nous vous invitons à faire un exposé qui sera suivi d'une période de question. Nous avons jusqu'à 14 h et j'espère donc que vous laisserez du temps pour des questions.
Vous avec la parole.
Le vice-chef Ghislain Picard (Région du Québec et du Labrador, Assemblée des Premières nations)): Merci beaucoup, monsieur le président.
[Le témoin parle dans sa langue ancestrale]
Je salue les membres du comité et leur souhaite le bonjour. Je me nomme Ghislain Picard, je suis le vice-chef pour la région du Québec et du Labrador de l'APN.
Merci de cette invitation à comparaître de nouveau devant vous, cette fois-ci pour parler du projet de loi C-19. Malheureusement, le chef national Matthew Coon Come n'a pu venir aujourd'hui en raison d'engagements antérieurs. Il vous fait part de ses regrets et vous adresse à tous ses salutations, à vous qu'il a appris à plutôt bien connaître au cours des 12 derniers mois. En son absence, je ferai la présentation au nom du chef national, lequel est le premier porte-parole de l'Assemblée des premières nations.
D'entrée de jeu, il convient de signaler au comité que les dirigeants des premières nations ont des avis partagés sur les avantages du projet de loi C-19. Les divergences d'opinions et de perspectives ne sont étrangères à aucun d'autre vous. Les principes inscrits dans la Charte de l'Assemblée des premières nations visent à promouvoir l'action collective et le consensus. Mais ces idéaux ne sont pas toujours réalisables comme la Charte le reconnaît. Notre organisation doit s'efforcer d'atteindre le consensus mais reconnaître en même temps que les premières nations forment un groupe diversifié de plus de 50 nations, de quelque 633 collectivités autochtones et de personnes vivant dans des réserves et en dehors. Il n'est donc pas toujours possible de parvenir à un consensus, et ce dernier n'est pas non plus nécessaire dans toutes les circonstances.
La formulation du projet de loi C-19 a causé chez nous des remous, de vifs échanges d'idées et d'opinions, mais cela n'empêche que nous pouvons continuer de cheminer côte à côte.
 (1235)
[Français]
Pour bien comprendre le point de vue que nous nous apprêtons à exprimer concernant le projet de loi C-19, les membres du comité doivent savoir ce que l'APN a fait dans ce dossier.
La relation financière qu'entretiennent les premières nations et le gouvernement dépend beaucoup trop des transferts que le gouvernement fédéral consent à des programmes, politiques et formules qu'il conçoit et administre.
Cette relation a besoin d'une sérieuse refonte et doit reposer sur des échanges de gouvernement à gouvernement. Voilà qui respecterait la relation que nous entretenions au départ, les traités qui lient les premières nations et la Couronne et les droits inhérents ancestraux et issus de traités reconnus en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982.
De plus, les premières nations et le Canada pourraient faire des affaires de façon plus efficace et efficiente. Ce serait bon pour les premières nations tout comme pour le Canada, puisqu'il en résulterait des progrès plus marqués au chapitre du développement économique et de l'autonomie. Nous sommes tous à même de reconnaître que les premières nations souhaitent contribuer davantage à l'économie nationale.
En 1976, l'Assemblée des Premières Nations a cerné le besoin d'amorcer des travaux préparatoires concernant cette relation financière.
La situation décrite à l'époque voulait que la croissance démographique des premières nations exige plus d'infrastructures et de services communautaires. Par contre, la relation financière indiquait un faible potentiel de croissance pour les transferts fédéraux visant à répondre aux besoins des collectivités. C'est pourquoi le travail envisagé consistait à rechercher et à élaborer des options, des stratégies et des possibilités afin d'emprunter une direction plus créative et plus audacieuse.
En 1998, l'APN a créé le Comité des Chefs sur les relations financières. Celui-ci devait s'attaquer au travail prévu pour établir la relation financière souhaitée.
En décembre 1999, par l'entremise d'un protocole d'entente, l'APN et le gouvernement du Canada ont créé la Table ronde nationale sur les relations financières. Ils voulaient ainsi approfondir l'initiative entreprise en 1996 et en 1998 par l'APN au sujet des relations financières. La Table ronde nationale avait pour mandat d'instaurer une approche de partenariat en vue de créer des modèles de systèmes de transferts de gouvernement à gouvernement. Ces systèmes accroîtraient l'autonomie et la capacité financière afin de soutenir les responsabilités des premières nations quant à la gouvernance et à la prestation des services publics convenus.
Par la suite, en 1999 et en 2000, l'APN a appuyé la création de la Commission des finances des Premières Nations, de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, de l'Institut de la statistique des Premières Nations et du Conseil de gestion financière des Premières Nations. En principe, ces diverses institutions ont reçu de l'appui pour faire avancer partiellement le travail relatif aux relations financières.
De toute évidence, cette initiative compte de chauds partisans, par exemple les premières nations qui participaient déjà à la Commission des finances des Premières Nations et celles qui détenaient des pouvoirs de taxation. D'autres, par contre, ont clairement décidé d'attendre et de voir avant d'adhérer à l'idée de créer des institutions pour réaliser le travail envisagé.
L'APN a appuyé ce travail préparatoire même si personne ne connaissait ou ne pouvait prédire les détails de toute loi que pourrait exiger la mise en oeuvre de mesures visant l'atteinte des objectifs liés aux relations financières.
Vous savez tous, j'en suis certain, que ce sont les détails qui posent problème. Les premières nations qui avaient observé prudemment et patiemment ces développements ont mal accueilli le projet de loi, lequel établit les institutions comme des agents du gouvernement fédéral.
[Traduction]
En novembre 2002, l'APN a voté des résolutions rejetant le projet de loi, principalement parce que le texte était perçu par ceux qui s'y opposaient comme un autre recours non nécessaire aux pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral pour s'approprier les idées et les initiatives des premières nations. Tout signe de confiance et de volonté, de la part des dirigeants des premières nations qui avaient émis des inquiétudes dès le départ, s'est volatilisé au vu du projet de loi et devant le fait que le ministre des Affaires indiennes veut en faire une partie intégrante du plan de modernisation du gouvernement fédéral. Bien que le travail sur les relations financières ait débuté avant qu'il n'entre en scène, le ministre lui-même a qualifié le projet de loi C-19 de composante de sa série de projets de loi sur la gouvernance.
Les autres composantes du plan de modernisation du ministre sont les projets de loi C-6 et C-7. Or, vous savez déjà ce qu'en pensent les dirigeants des premières nations et les parties non autochtones.
Soyons clairs: les résolutions de l'APN ne traduisent pas une attitude ou une intention, de la part des premières nations, de priver d'autres premières nations de leur droit de participer aux initiatives qu'elles jugent bénéfiques pour elles. En effet, les résolutions de l'APN reconnaissent et respectent le droit de chaque collectivité ou groupe des premières nations de conclure ses propres ententes.
Mais il règne la crainte que l'utilisation des pouvoirs législatifs fédéraux prévue à l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867, surtout dans le contexte de la création d'institutions autochtones, puisse avoir des effets imprévus et indésirables sur les droits d'autres premières nations et sur leur capacité de faire progresser des dossiers similaires.
L'Assemblée des premières nations appuie les principes d'une nouvelle relation financière entre le gouvernement du Canada et les premières nations, et elle compte mettre en oeuvre des initiatives qui reflètent ces principes. La position officielle, exprimée dans une résolution, de l'Assemblée des premières nations, est l'opposition au projet de loi C-19 dans sa forme actuelle.
[Le témoin parle dans sa langue ancestrale]
Merci beaucoup.
 (1240)
Le président: Merci, monsieur Picard. Y a-t-il d'autres membres de votre délégation, des collègues à vous, qui souhaitent faire un exposé?
Monsieur George.
Le vice-chef Satsan Herb George (Bureau des vice-chefs régionaux de CB, Assemblée des Premières nations): Merci beaucoup.
Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Il est agréable de vous revoir.
Il faut que je vous dise une chose. Avant de venir ici, j'avais beaucoup le trac et je suis toujours encore un peu nerveux. J'en parlais à mon fils et il m'a dit: «Ne t'inquiète pas, papa. Te connaissant, tu vas très bien t'en tirer». Mais il faut que je trouve quelque chose à quoi attribuer cette nervosité et, dans ma vie, cela a toujours été l'idée de liberté--avoir le courage d'être libre. C'est la nature de ma nervosité et je sais que cette fois aussi cette pensée va m'aider.
Comme vous le savez, mon nom est Satsan et je suis l'un des chefs héréditaires des Wet'suwet'en. Je suis Gil seyhu du Clan de la grenouille volante. Je me présente à vous de cette façon car c'est là qui je suis et c'est ainsi que l'on me présente lorsque j'entre dans notre maison du gouvernement, qui est notre système traditionnel fondé sur la structure de clan et nos chefs héréditaires. Je pense qu'il est important que vous compreniez cela.
Monsieur le président, membres du comité, je comparais devant vous à titre de vice-chef pour la Colombie-Britannique de l'APN. Je suis membre du bureau exécutif de l'APN, laquelle représente 633 collectivités autochtones à travers le pays.
Tout en admettant que l'APN a reçu des instructions concernant la position à adopter, cette dernière est le fait de 39 chefs et délégués ayant procuration sur le total de 633 chefs que nous représentons à travers le pays. À l'évidence, cette position ne doit pas être interprétée comme l'opinion de la majorité des premières nations de ce pays.
Je suis également membre du groupe de travail du Sommet des premières nations, qui représente quelque 140 premières nations de Colombie-Britannique, la deuxième plus grande organisation au Canada après l'Assemblée des premières nations.
Le Sommet des premières nations, par résolution unanime, a exprimé son plein appui au projet de loi C-19, la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations et à la création de la Commission de la fiscalité des premières nations, du Conseil de gestion financière des premières nations, de l'Administration financière des premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des premières nations.
J'ai également été le coprésident du Comité des chefs sur les relations financières de l'APN, ainsi que coprésident du Comité directeur de la Table nationale sur les relations financières, qui a initialement supervisé l'initiative de création de l'Institut de la statistique.
Je suis heureux de cette occasion d'intervenir auprès de ce comité sur le projet de loi C-19, la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations.
Je tiens à ce que les choses soient très claires. Les premières nations ont le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Il en a toujours été ainsi et cela ne changera jamais. Ce n'est que récemment que les lois canadiennes ont reconnu cette réalité. Ce n'est que récemment que nos droits ont été garantis par la Constitution canadienne et récemment seulement que les tribunaux ont reconnu nos droits dans des décisions telles que les arrêts Delgamuukw et Marshall.
J'ai passé la plus grande partie de ma vie adulte à travailler sur la cause Delgamuukw et Gisday'wa, sur laquelle la Cour suprême du Canada a rendu son arrêt le 11 décembre 1997. Dans mon esprit, le lien entre l'arrêt Delgamuukw et une nouvelle relation financière avec le Canada est évident et j'aimerais vous citer un passage de ce jugement:
Premièrement, le titre aborigène comprend le droit d'utiliser et d'occuper de façon exclusive les terres visées; deuxièmement, le titre aborigène comprend le droit de choisir les utilisations qui peuvent être faites de ces terres, sous réserve de la restriction ultime que ces usages ne sauraient détruire la capacité de ces terres d'assurer la subsistance des générations futures de peuples autochtones; troisièmement, les terres détenues en vertu d'un titre aborigène ont une composante économique inéluctable. |
Si vous voulez vérifier l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans la cause Delgamuukw, vous trouverez ce passage au paragraphe 166.
Ce jugement reconnaît le droit de propriété autochtone sur notre territoire traditionnel et pose que cette propriété comporte un volet économique inéluctable. Cela a été réaffirmé dans l'arrêt Marshall.
 (1245)
Un nombre croissant de tribunaux inférieurs invoquent les principes du jugement Delgamuukw, comme on peut le constater en Colombie-Britannique et dans d'autres provinces. L'arrêt Delgamuukw est devenu la loi dans notre pays.
Les tribunaux nous disent de négocier. Ils vous disent que vous devez partager les ressources avec nous. À mes yeux, cela signifie un partage des revenus et des ressources entre tous nos gouvernements. À mes yeux, le partage des revenus signifie une nouvelle relation financière, la même que celle que vous avez entre le Canada et les provinces et territoires.
Je reconnais que cela représente un défi pour tous les gouvernements. Le partage des revenus n'est pas un sujet facile. Il existe quantité de questions sans réponse. Quel sera l'effet sur les services? Faudra-t-il modifier les formules de transfert? Comment peut-on transférer une assiette fiscale à nos gouvernements d'une manière qui améliore le climat de l'investissement?
J'ai siégé à la Table nationale sur les relations financières dans l'intention de relever ces défis. Les titres et droits autochtones nous concernent tous. Nous devons collaborer pour relever nos défis communs. Comment donner expression à nos droits à l'intérieur du Canada?
C'est dans cet esprit que les premières nations ont abordé l'initiative des institutions financières. Je considère ce projet de loi comme une mesure à célébrer. C'est un pas vers la concrétisation de nos droits.
J'en parlais à Manny Jules ce matin. Nous sommes tous deux nés en 1952 et, dans notre esprit, c'était au début, et peut-être au centre du plus grand bouleversement que nos sociétés ont connu en Colombie-Britannique. On enlevait les enfants à leurs familles et nous nous reconnaissons très chanceux d'y avoir survécu. Il est merveilleux de pouvoir être là pour parler de liberté et construire des institutions pour exercer cette liberté.
Dans notre histoire, ce n'est que la troisième fois que nous avons piloté un changement de la Loi sur les Indiens. Dans notre histoire, ce n'est que la deuxième fois que nous pilotons un changement qui nous éloigne de la Loi sur les Indiens.
Pour la première fois depuis la colonisation, nous jouirons de pouvoirs clairs de gérer nos propres revenus. Ceci établit clairement notre compétence sur les personnes qui louent nos terres.
Pour la première fois depuis la colonisation, nous aurons le pouvoir de rassembler des données sur nous-mêmes. Cela signifie que nous pourrons demander des comptes au sujet des services fournis.
Pour la première fois depuis la colonisation, nous prendrons le contrôle des ressources financières qui nous sont versées et pourrons réglementer ces dernières. L'aide financière dont nous bénéficierons sera plus importante que celle d'autres gouvernements.
Pour la première fois depuis la colonisation, nous pourrons mettre en commun nos revenus et émettre collectivement des obligations et cela nous permettra de créer l'infrastructure dont nous avons si désespérément besoin dans nos collectivités. Nous ne pouvons plus attendre pour cela.
Nous avons travaillé très fort pour en arriver là. La Table nationale sur les relations financières a été ouverte en 1999 et notre objectif était d'instaurer une relation financière nouvelle entre les premières nations et le Canada. Nous avons largement réalisé notre plan de travail initial. Nous avons mené de nombreuses études et élaboré une importante banque de données sur les relations financières au Canada et à l'échelle internationale. Nous avons organisé des journées de réflexion sur les relations financières à Whistler en 2001. Nous avons accueilli une conférence internationale sur les relations financières autochtones en avril 2002 à Vancouver. Nous avons coordonné et préparé des présentations pré-budgétaires et fourni des analyses de trois budgets fédéraux et de deux discours du Trône pour l'Assemblée des premières nations. Et, bien sûr, nous avons joué un rôle d'impulsion aux fins de l'élaboration de la législation concernant les institutions financières qui vous est présentée aujourd'hui.
Pendant tout ce temps, nous avons fait part de nos travaux à l'Assemblée des premières nations, lors de chaque assemblée générale de confédération et de chaque assemblée générale annuelle. L'Assemblée a adopté six résolutions de soutien à notre travail. Nous avons pris très au sérieux nos responsabilités envers les chefs. Nous exécutons notre mission et remplissons nos engagements envers les chefs. C'est ce qu'ils nous demandaient de faire dans ces résolutions.
 (1250)
En 1996, les chefs réunis en assemblée ont adopté une résolution posant les principes d'une nouvelle relation financière, à savoir que notre relation nouvelle doit garantir la comparabilité et la qualité des services. Elle doit comporter des pouvoirs d'imposition clairs, elle doit être optionnelle et effective. Voilà les principes à la lumière desquels nous éprouvons toutes nos initiatives.
En 1998, les chefs ont mis sur pied un Comité des chefs sur les relations financières. Cela a conduit à la Table nationale sur les relations financières et au plan de travail détaillé que le Comité des chefs a adopté en 1999.
Cette même année, les chefs réunis en assemblée ont approuvé l'élaboration d'une législation instaurant une Administration financière des premières nations ainsi qu'une Commission de la fiscalité des premières nations. Ensuite, l'Assemblée des premières nations a signé un protocole d'entente avec ces deux institutions, nous demandant de faire pression en faveur de l'adoption de la loi les constituant. À ma connaissance, ces protocoles d'entente sont toujours en vigueur à l'heure où nous parlons.
En 2000, nous avons reçu l'autorisation de procéder à l'élaboration du Conseil de gestion financière des premières nations ainsi que de l'Institut de la statistique des premières nations.
En juillet 2001, les chefs réunis en assemblée ont approuvé l'élaboration d'une législation fondée sur les plans d'activité des institutions.
Notre mandat et le soutien de l'Assemblée des premières nations sont clairs. J'aimerais vous lire l'intégralité des passages de la résolution de juillet 2001 approuvant cette législation, résolution dûment adoptée lors de cette assemblée. Je cite:
que les chefs réunis en assemblée encouragent le Comité des chefs sur les relations financières à poursuivre le travail requis afin de promouvoir les intérêts des premières nations en matière de génération de revenus, d'autres options de revenu, des paiements de transfert plus équitables, flexibles et assurés assortis de moins de conditions, et organisent et préparent une conférence nationale dans un avenir proche sur cette partie de son plan de travail; |
Qu'il soit résolu en outre que les chefs réunis en assemblée approuvent par la présente les recommandations du Comité des chefs à l'effet que les quatre nouvelles institutions financières nationales soient érigées par une loi fédérale provisoirement intitulée Loi sur les institutions financières des premières nations; |
Qu'il soit résolu en outre que le Comité des chefs sur les relations financières poursuive son travail en vue de l'établissement des institutions financières nationales des premières nations précitées et, plus particulièrement, que le Comité exécutif national de l'Assemblée des premières nations, les coprésidents et représentants au Comité des chefs sur les relations financières, de même que l'équipe de soutien technique et le personnel approprié du secrétariat: |
continuent de mener des consultations intensives avec les premières nations et organisations des premières nations à travers le pays afin d'expliquer et préciser leur travail, et |
dans le cadre du processus de rédaction législative, veillent à ce que le texte reflète précisément la conception et les fonctions des institutions financières autochtones telles que proposées et énoncées dans les plans d'activité desdites institutions, et |
préparent et mènent une campagne efficace au Parlement, avec notamment la participation appropriée à des comités parlementaires, afin d'assurer que la Loi sur les institutions financières des premières nations proposée soit adoptée selon la forme ici envisagée. |
Nous avons donc respecté l'esprit et la lettre de notre mandat. Nous avons présenté le cadre législatif aux chefs en 2001 et de nouveau en 2002. Le chef national a envoyé l'ébauche du texte de loi, aux fins de consultation, à toutes les premières nations en août 2002. En septembre, nous avons tenu une conférence nationale sur les institutions et les transferts financiers sur le territoire de la nation Squamish en Colombie-Britannique.
Le chef national a envoyé deux lettres de soutien à ces institutions à tous nos chefs. Comme le chef national l'a écrit dans sa lettre d'août dernier adressée à tous les chefs:
Contrairement à l'initiative sur la gouvernance et d'autres lois fédérales, le projet de loi sur les institutions financières a été élaboré avec notre participation et son application sera entièrement optionnelle pour les premières nations (voir ci-joint l'avant-projet de loi). Comme je l'ai déclaré lors de l'assemblée générale annuelle à Kahnawake, ces institutions ont été élaborées au fil de nombreuses années à notre initiative. |
 (1255)
Nous avons expliqué de façon très claire quelle est notre stratégie pour une nouvelle relation financière: premièrement, énoncer notre vision; deuxièmement, déterminer les barrières à cette vision; enfin, démanteler systématiquement ces obstacles.
Nous envisageons une nouvelle relation financière qui concrétise nos droits ancestraux et issus de traités. Nous voulons une nouvelle relation financière qui nous donne la maîtrise des programmes et services nous concernant. Nous voulons une nouvelle relation financière qui nous donne accès à des revenus et ressources, et nous voulons une nouvelle relation financière qui mette la qualité de nos services au niveau de ceux que le reste du Canada juge normaux.
Nous avons isolé les barrières sur le chemin de cette vision. Le fonctionnement des relations financières est mal compris. Il nous faut un savoir-faire pour entamer des discussions financières avec les autres gouvernements. Il existe au sein de nos gouvernements un manque général de confiance. Il circule quantité de statistiques erronées concernant les nôtres, ce qui nous conduit à une répartition inéquitable des transferts. De piètres statistiques signifient que les autres paliers de gouvernement n'ont pas à justifier leurs services. Les autres gouvernements craignent de perdre leurs revenus à notre profit et il existe un manque de possibilités de dégager des revenus à partir de nos terres.
Le travail du Comité des chefs a visé à démanteler systématiquement ces barrières faisant obstacle à notre vision d'un meilleur avenir. Nous construisons une meilleure connaissance. Nous sommes devenus plus compétents. Nous avons rédigé des présentations prébudgétaires afin de défendre nos intérêts et proposer des solutions au gouvernement fédéral. Nous dialoguons activement avec le gouvernement fédéral aux fins de la révision des politiques.
Les institutions financières ne sont qu'un élément d'une stratégie. Elles vont faciliter le développement économique par le biais de la construction d'infrastructures, en donnant des assurances et assoyant la confiance dans nos gouvernements. Elles autoriseront une nouvelle relation financière en nous donnant le savoir-faire, les recherches et l'information dont nous avons besoin pour confronter des questions telles que la gestion des finances et des données, les transferts, le financement par l'emprunt et la fiscalité.
Notre stratégie comporte d'autres éléments visant à lever toutes les barrières. Les institutions nous aideront à susciter un soutien à une nouvelle relation financière en contribuant à la mise en place d'un plus grand nombre de mécanismes régionaux. Ces institutions nous aideront à traiter avec le gouvernement fédéral relativement aux politiques qui nous touchent, telles que la génération de revenus propres et la gestion corrective. Les institutions nous donneront les outils voulus pour concrétiser la nouvelle relation envisagée dans le rapport Penner et l'Accord de Charlottetown et énoncée dans le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones.
Nous savons que certaines questions sont posées au sujet du projet de loi C-19. En quoi cette loi nous aidera-t-elle à asseoir nos droits et nos titres? Elle le fera par deux moyens.
Premièrement, il est établi que la législation est un moyen efficace d'affirmer des pouvoirs inhérents. En 1988, la Loi sur les Indiens a été modifiée de façon à donner certains pouvoirs d'imposition foncière aux premières nations. En 1995, la Cour suprême du Canada a été invitée à interpréter le projet de loi C-115, connu sous le nom de modification Kamloops. On lui a demandé d'interpréter la nature du pouvoir d'imposition foncière des premières nations. La Cour suprême a statué que le but de cette loi était d'autoriser les premières nations à lever des taxes foncières à titre d'exercice d'un pouvoir gouvernemental inhérent. Cela prouve que les droits inhérents à nous gouverner peuvent être exercés par le biais de lois fédérales.
Deuxièmement, il faut des institutions pour donner effet aux droits et titres gagnés en justice. Aux États-Unis, l'arrêt Boldt a conféré aux tribus, au titre des traités, la moitié de la pêche dans les États du Michigan, du Wisconsin et de Washington. Sans institutions, les tribus ont eu du mal à assurer l'harmonie juridictionnelle au niveau de l'exécution de leurs droits. On a fini par y créer des institutions tribales qui réglementaient la part indienne de la pêche, veillaient au respect des règlements et donnaient des garanties de procédure devant des cours tribales à tous les usagers de la ressource.
· (1300)
La deuxième question est de savoir pourquoi nous avons besoin d'une législation fédérale. À notre avis, il y a à cela trois raisons. Premièrement, elle est nécessaire pour permettre aux premières nations d'exercer et faire respecter leurs pouvoirs inhérents de gouvernement, sans paternalisme et sans influence excessive ou ingérence. Cette loi retire au ministre et au ministère des Affaires indiennes la fonction d'agrément d'un grand nombre de nos lois et la remplace par un système beaucoup plus efficient et transparent. Une loi fédérale est la façon la plus pratique et rapide d'accomplir cela. Deuxièmement, une loi est nécessaire pour rassurer les acquéreurs d'obligations émises par l'Administration financière des premières nations. Une loi fédérale nous fera économiser des millions de dollars en intérêts et multipliera nos investissements par dix.
Troisièmement, nous avons besoins d'une loi pour collecter, analyser et utiliser les données sur les premières nations, tout en préservant la confidentialité. La loi nous donnera accès aux données fédérales et provinciales, ce qui nous permettra de demander des comptes aux autres gouvernements.
Question suivante: Est-ce que le projet de loi C-19 est lié à la Loi sur la gouvernance? Par quelque bout de la lorgnette que l'on regarde, la réponse est non. Le projet de loi C-19 est une mesure à part élaborée par les premières nations . Le projet de loi C-19 fait partie de notre programme et ne doit être confondu avec aucune autre initiative législative fédérale.
Question suivante: est-ce que toutes les premières nations appuient cette initiative? La réponse est toujours non. Certaines premières nations ne sont pas en faveur de cette législation. À notre connaissance, le nombre de détracteurs engagés se situe entre 50 et 60 collectivités. Face à cela, je pose la question: Est-ce que tous les Canadiens sont en faveur de tous les projets de loi déposés au Parlement? Comme vous, l'Assemblée des premières nations cherche à concilier les divergences de vue. C'est pourquoi tous les nouveaux éléments de toute relation financière nouvelle doivent être optionnels. Ces institutions sont optionnelles. Un grand nombre de premières nations sont en faveur de cette loi. Une estimation conservatrice serait que plus de 200 premières nations se sont résolument prononcées en sa faveur. Cela englobe le Sommet des premières nations de Colombie-Britannique, l'Union of Ontario Indians, l'Atlantic Policy Congress et les premières nations disposant de pouvoirs fiscaux. Les premières nations partisanes sont présentes d'une côte à l'autre. Nombre d'entre elles sont volontaires pour venir faire des présentations devant votre comité si vous l'estimez nécessaire.
Mon collègue a fait état de certaines résolutions adoptées au cours des sept derniers mois qui n'étaient pas favorables à cette législation. Je respecte les opinions de leurs auteurs et je sais qu'ils respectent également les nôtres. Le résultat de nos divergences est que l'Assemblée des premières nations ne peut énoncer de position nationale sur le projet de loi C-19. Le meilleur compromis consiste à faire en sorte que cette législation soit véritablement optionnelle et ne nuise pas à nos droits et titres existants.
Pourrait-on simplement dresser une liste en annexe des premières nations voulant travailler avec les institutions financières? À notre avis, ce serait une mauvaise idée: posez simplement la question aux premières nations qui attendent d'adhérer à la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Ce procédé limite la faculté des premières nations d'opérer leur propre choix. Il coûte cher à toute première nation qui veut adhérer ultérieurement. Il oblige à s'en remettre aux aléas du processus parlementaire fédéral. L'inscription en annexe accroîtrait le coût de la participation des premières nations et signifierait des opportunités économiques perdues pendant la période d'attente.
Enfin, il existe 133 institutions à gouvernance partagée au Canada. Aucune n'est assortie de restrictions à la participation d'un Canadien. Pouvez-vous imaginer l'instauration d'un précédent dans ce cas?
En quoi ces institutions sont-elles optionnelles? Ces institutions sont réellement facultatives. Vous pouvez choisir l'engagement en soumettant votre loi à ce processus. Vous pouvez choisir d'exercer ces mêmes pouvoirs par le biais d'un droit inhérent ou d'un accord avec le gouvernement fédéral. Vous pouvez aussi choisir de vous désengager de ces institutions.
· (1305)
Comment peut-on être assuré que les premières nations contrôleront ces institutions? La législation nous donne trois grandes catégories à cet égard.
Premièrement, nous pensons que la majorité des membres de tous les conseils devront être des Autochtones qualifiés. Les qualifications seront fixées par règlement, les membres seront choisis selon le mérite et nous espérons que de cette façon le processus sera également dépolitisé.
Deuxièmement, le mandat de chaque institution est d'offrir des services spécifiques aux premières nations. Ces organismes ont été conçus par les premières nations pour les premières nations.
Troisièmement, chaque institution sera responsable devant les premières nations qui utilisent ses services. Toutes devront leur présenter un rapport annuel en outre du cadre de reddition de comptes institutionnel fixé par la loi.
Enfin, pour plus de certitude, nous préconisons un amendement explicite au préambule spécifiant qu'il s'agit bien là d'institutions publiques autochtones.
Peut-on améliorer le projet de loi C-19? Bien que je considère que la nature optionnelle est garantie, j'exhorte le comité permanent à envisager certains amendements pour renforcer encore cette garantie.
Premièrement, le préambule devrait spécifier également la nature optionnelle de cette législation et le caractère autochtone de ces institutions.
Deuxièmement, une clause de non-dérogation devrait être inscrite dans le projet de loi.
Je considère que ces changements contribueront à calmer toutes les craintes qui peuvent exister au sein de l'Assemblée des premières nations relativement au projet de loi C-19.
Troisièmement, respectez l'indépendance de ces institutions. Veillez à ce qu'aucune incursion dans le mandat du projet de loi C-19 ne puisse avoir lieu sous le régime d'autres lois, telles que le projet de loi C-7.
J'aimerais donner acte de l'énorme soutien que nous avons reçu tout au long de ce voyage long et ardu. J'aimerais remercier le First Nations Summit de Colombie-Britannique pour son soutien sans faille et son parrainage du Conseil de gestion financière des premières nations. J'aimerais remercier également l'Union of Ontario Indians de son soutien et de son parrainage de l'Institut de la statistique des premières nations. J'aimerais remercier l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs de son soutien.
J'aimerais reconnaître le soutien et le travail de l'Administration financière des premières nations, de la Commission de la fiscalité des premières nations et les premières nations qui lèvent des impôts. Je veux remercier également le Comité des chefs sur les relations financières qui a encadré et impulsé cette initiative.
Enfin, j'aimerais remercier les milieux d'affaires et les institutions financières qui ont témoigné leur confiance en nos gouvernements et nos collectivités en investissant chez nous.
Pour terminer, je vous exhorte à adopter dans les meilleurs délais le projet de loi C-19. Cela signifie adopter ce projet de loi en comité avant que la Chambre n'ajourne dans quelques semaines.
Je le répète, nous aimerions que ce projet de loi soit adopté en comité avant que la Chambre n'ajourne pour l'été. Nombre de nos collectivités ont un besoin urgent de cette législation. Il en coûte trop cher d'attendre. Ceci n'est pas un enjeu politique. Ce texte est l'expression de nos aspirations, il est l'espoir de nos enfants, le legs de nos anciens et nous ne pouvons laisser passer aucune occasion de changement à l'heure où les vents sont favorables.
Merci beaucoup. J'apprécie votre attention.
· (1310)
Le président: Merci infiniment à vous deux de cet excellent exposé qui était concis et clair.
Avant d'ouvrir le premier tour de questions, vous avez exprimé votre souhait d'une adoption rapide. Nous utilisons le 20 juin comme date repère, car il semble que nous allons siéger jusqu'au 20 juin.
C'est là un point important pour moi, en tant que président. Collègues, croyez-moi, je n'essaie pas de vous influencer--d'une façon ou d'une autre cela ne change guère ma vie--mais j'ai l'impression que cette législation est nécessaire. Si elle l'est, nous allons devoir y travailler sérieusement au sein de ce comité. Nous nous réunirons à 17 h cet après-midi pour décider de la suite de nos travaux sur ce projet de loi.
Je crains que si nous ne le faisons pas, si cette mesure est nécessaire maintenant et si nous ne l'adoptons pas d'ici la fin juin, avec la campagne à la direction du parti et l'arrivée d'un nouveau premier ministre et tout ce qui va se passer à l'automne, il y a une possibilité de prorogation et on pourrait laisser passer l'occasion. Cela pourrait signifier un report d'un an ou de six mois.
M. Loubier n'est pas d'accord, mais je fais part simplement de ma profonde conviction.
Lors des questions, si vous voulez ajouter quoi que ce soit pour guider le comité... non pas répondre à ma demande car je ne demande rien, mais à titre de président, je vous dis que si les choses pressent, si vous avez besoin de cette mesure rapidement, j'ai besoin de le savoir, car nous devons planifier le travail du comité, nous devons trouver un accord entre les membres et nous devons être équitables envers ceux qui s'y opposent.
Nous allons donc commencer le premier tour, qui dure sept minutes. L'opposition officielle a droit à deux minutes de plus.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse soit à Ghislain soit au chef Satsan. Lorsque l'avant-projet de loi a été publié, il n'était pas encore établi si les quatre institutions seraient des sociétés d'État, mais maintenant dans la version finale du projet de loi, il est dit expressément que l'Institut de la statistique des premières nations sera une société d'État. Ma première question est donc de savoir pourquoi, à votre avis, le ministère a décidé de ne pas faire de toutes les institutions des sociétés d'État, et si vous êtes d'accord avec cela?
Vous pourriez peut-être me donner des réponses rapides. J'ai toute une série de questions.
Le vice-chef Ghislain Picard: Tout ce que je peux dire--et c'est là le fondement de notre position au Québec et de beaucoup d'autres premières nations à travers le pays--c'est que notre maîtrise de ces institutions sera rendue plus difficile par le fait que ce seront des institutions d'État. Voilà donc la réponse lapidaire que je puis donner.
· (1315)
M. Maurice Vellacott: D'accord, vous préféreriez donc qu'aucune d'elles ne soit une société d'État. Ai-je bien saisi, Ghislain?
Le vice-chef Ghislain Picard: C'était ce qui était entendu au départ.
M. Maurice Vellacott: Pour ce qui est de ma question suivante, je ne sais pas si l'un des témoins saurait si l'Administration financière des premières nations a déjà émis des obligations. Êtes-vous au courant, chef Satsan?
Le vice-chef Satsan Herb George: Merci beaucoup.
Comme je l'ai mentionné, l'intérêt d'avoir un Institut de la statistique était de pouvoir recueillir des données concernant les Autochtones et d'y avoir accès dans des conditions de confidentialité.
Pour ce qui est de son statut de société d'État, c'était nécessaire pour que nous puissions avoir accès aux données de l'État. Donc, tout ce point de vue, c'est nécessaire.
M. Maurice Vellacott: Mais savez-vous si l'Administration financière des premières nations a déjà émis des obligations?
Le vice-chef Satsan Herb George: À ma connaissance, nous attendons pour pouvoir le faire que la loi soit adoptée.
M. Maurice Vellacott: D'accord, l'Administration financière des premières nations n'a donc émis aucune obligation jusqu'à présent?
Le vice-chef Satsan Herb George: Non, pas à ma connaissance.
M. Maurice Vellacott: D'accord.
J'ai une autre question sur la CFPN. Le prédécesseur, la Commission consultative de la fiscalité indienne, avait cinq commissaires pour remplir son mandat. Aujourd'hui, si l'on regarde la composition, la CFPN compte dix commissaires, soit deux fois plus. Comment cela se fait-il? Pourquoi la CFPN a-t-elle besoin de deux fois plus de membres que la Commission consultative de la fiscalité indienne? Quelle est votre explication?
Le vice-chef Satsan Herb George: Je pense qu'il faut démontrer... Comme je l'ai mentionné, ceux qui ne sont pas en faveur du projet de loi craignent que la mesure empiète d'une façon ou d'une autre sur leurs droits. Il faut donc leur donner des garanties au moyen de la nature optionnelle de la loi.
Pour ce qui est du nombre des commissaires, je pense que celui-ci nous permet une meilleure représentation d'un océan à l'autre.
M. Maurice Vellacott: Vous appréciez donc le fait que ce soit un organe lourd, avec dix commissaires au lieu des cinq antérieurs--
Le vice-chef Satsan Herb George: J'apprécie le fait que la représentation sera meilleure.
M. Maurice Vellacott: Pour préfacer ma question suivante, le MAINC finance actuellement des projets d'infrastructure locale dans les réserves de concert avec Infrastructure Canada et les collectivités autochtones concernées. Si une première nation devient membre emprunteur de l'AFPN, sera-t-elle toujours admissible à un financement ou à des emprunts venant du ministère au titre de ces accords de financement?
Le vice-chef Satsan Herb George: Je peux répondre de la manière suivante--mais il faut d'abord que je vous explique comment fonctionnent les choses chez nous. Je ne pense pas que vous puissiez réellement savoir cela.
Je suis rentré dans mon village après avoir fréquenté une école résidentielle et avoir roulé ma bosse pendant quelques années en 1975. Je suis rentré pour occuper la fonction de directeur de bande dans ma collectivité d'Hagwilget, dans le Nord de la Colombie-Britannique. La formule qui existait alors, et qui subsiste aujourd'hui, pour notre population... Sur le plan du logement, on nous allouait une demi-maison par an, c'est-à-dire qu'il fallait attendre deux années complètes pour accumuler assez d'argent pour construire une maison. Parallèlement, nous devions faire la queue pour attendre des crédits pour les projets d'infrastructure. Dans notre cas, nous avons pu construire un système d'adduction d'eau et d'égout il y a seulement une dizaine d'années.
Voilà donc comment les choses fonctionnent actuellement. Nous proposons de donner aux collectivités qui peuvent mettre à profit cette possibilité le moyen de construire tout ce suite, plutôt que d'attendre. Cela ne nous empêche pas d'être admissibles aux crédits disponibles par ailleurs, mais nous permet d'assumer plus tôt une responsabilité plus grande et de mettre en place sans tarder l'infrastructure et les services dont les nôtres ont si désespérément besoin.
· (1320)
M. Maurice Vellacott: Vous pensez donc, Satsan, que cela ne va en rien vous empêcher d'accéder à ce financement infrastructurel? On ne vous refusera pas--
Le vice-chef Satsan Herb George: J'ai l'assurance que cela ne nous exclut pas.
M. Maurice Vellacott: Très bien.
Le vice-chef Ghislain Picard: J'aimerais répondre également à cette question car la réalité dont parle Satsan est celle d'aujourd'hui. Selon le mot de l'un de nos chefs au Québec, le chef d'une collectivité qui n'est distante que d'environ quatre heures d'ici, nous devons trouver le moyen d'égaliser le terrain de jeu avant même de pouvoir parler d'institutions qui nous mettraient au rang du gouvernement fédéral.
C'est une communauté qui n'a même pas encore l'eau courante et l'électricité. Ils vivent dans des cabanes pas plus grandes que le rectangle formé par cette table. Ce chef demande pourquoi il se lancerait dans cette sorte de processus législatif tant que sa collectivité se trouve dans une telle situation.
À mes yeux, il y a encore beaucoup de rattrapage à faire à cet égard.
M. Maurice Vellacott: Voulez-vous dire que s'il adhérait à l'AFPN, l'Administration financière des premières nations, cela l'exclurait du financement infrastructurel octroyé par le ministère?
Le vice-chef Ghislain Picard: Non, son argument est que les siens ne sont pas encore du tout dans l'état d'esprit voulu.
Que faut-il faire pour assurer qu'une collectivité jouisse des mêmes normes que la municipalité voisine? C'est réellement cela la question.
M. Maurice Vellacott: Si j'ai droit à un deuxième tour, je poserai une autre question.
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, vous avez sept minutes.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): J'aimerais laisser au vice-chef Satsan Herb George la possibilité de répondre à la question posée par M. Vellacott.
[Traduction]
Si vous voulez répliquer à la réponse donnée par M. Picard, je vous invite à le faire.
Le vice-chef Satsan Herb George: Désolé, je n'ai pas saisi votre question.
[Français]
M. Yvan Loubier: D'accord, parfait.
Monsieur le président, si j'ai eu une réaction à vos propos tout à l'heure, ce n'est pas que je ne vois pas l'urgence de la situation ou que je ne vois pas que l'on ne puisse pas travailler sérieusement. Je déplore que l'on fasse de la petite politique avec une question comme celle-là, parce que vous savez pertinemment qu'il est tout à fait impossible d'adopter un projet comme celui-là d'ici le 20 juin. Tout d'abord, cela ne fait pas partie des priorités de votre gouvernement, et c'est la première chose qu'on voit lorsqu'on regarde le calendrier. Ensuite, étant donné qu'il y a divergence d'opinion entre deux groupes--et il est bien qu'il en soit ainsi--, il faut entendre tous les groupes qui sont intéressés à venir s'exprimer sur le projet de loi C-19. Telle était la raison de ma réaction. Je trouve complètement ridicule qu'on dise qu'on va planifier les travaux futurs du comité à la fin de la journée et que cela va peut-être nous permettre d'adopter le projet de loi C-19 avant l'ajournement d'été. C'est pour cela que j'ai eu une telle réaction.
Cela étant dit, je vois que le projet de loi ne fait pas l'unanimité. Par contre, il fait unanimité sur une chose, à savoir que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien n'a pas dépensé un brin d'énergie dans l'élaboration de ce projet de loi. Pourtant, il le présente comme étant son initiative, comme étant une partie d'un triumvirat de lois, c'est-à-dire les projets de loi C-6, C-7 et C-19, qui, pour lui, constituent trois pièces d'un puzzle et permettront aux premières nations de se développer plus adéquatement.
Le gros problème qui existe dans le cas du projet de loi C-19, c'est le fait que le ministre le présente comme étant l'un de ces trois projets de loi, dont le C-7 qui fait l'unanimité contre lui et dont on vient de terminer l'étude. Est-ce que je me trompe en disant que le principal problème est celui-là, le deuxième étant le fait qu'il n'y a pas d'uniformité dans les niveaux de développement des premières nations?
· (1325)
Le vice-chef Ghislain Picard: Comme je le disais un peu plus tôt, dans les mois précédant son adoption, on a quand même accordé une certaine importance aux régions et aux positions qu'elles ont exprimées et adoptées, et il est tout à fait logique et légitime qu'il en soit ainsi.
Dans notre région du Québec et du Labrador, nous n'avons pas vraiment fait de distinction entre les différentes démarches législatives. Nous nous sommes dit qu'une démarche législative était en cours et que c'était celle du gouvernement fédéral, qui se traduisait dans trois projets de loi qui étaient à l'étude.
Pour nous, dans tous les cas, la prémisse est défectueuse. C'est un peu pour cette raison que nous disions qu'il fallait retourner à la table à dessin pour repenser le cadre et le négocier de nouveau si cela était nécessaire, de façon à équilibrer les choses, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Au départ, sur le fond, notre région était d'accord, comme elle l'était dans le cas du projet de loi sur la gouvernance, dans celui du projet de loi sur la mise sur pied d'une commission indépendante en matière de revendications et dans celui des institutions financières. Cependant, on a vu comment les choses ont évolué depuis deux ans, avec le résultat qu'on a aujourd'hui.
Plus le temps avance, plus nous sommes acculés au pied du mur. Je pense qu'au stade où nous en sommes rendus dans le débat, il reviendra sans doute à l'ensemble des régions de s'exprimer le plus convenablement possible. Pour notre région, entre autres, c'est ce qui s'est produit. La région du Québec et du Labrador ne peut appuyer la démarche telle qu'elle lui est présentée, indépendamment de sa valeur.
M. Yvan Loubier: Monsieur le vice-chef Satsan Herb George.
[Traduction]
Le vice-chef Satsan Herb George: Merci beaucoup.
Tout d'abord, j'aimerais parler de l'urgence de l'adoption de ce projet de loi avant le congé d'été.
Comme je l'ai mentionné, je suis membre également du Bureau exécutif du First Nations Summit en Colombie-Britannique, qui représente 140 premières nations de la province. Nous sommes actuellement engagés dans des négociations sur les traités avec le Canada et la Colombie-Britannique, et cela dure depuis 1992. Nous n'avons pas encore réussi à conclure les traités mais je peux vous dire qu'au cours des dernières années il est devenu de plus en plus évident à ceux d'entre nous qui les négocions que le volet financier des traités ultimes sera l'élément primordial et que c'est lui qui déterminera l'avenir que nos enfants auront.
En Colombie-Britannique, et en particulier aux yeux du First Nations Summit, les institutions visées ici sont d'importance critique et nous en avons un besoin urgent. Pendant les vacances d'été, pendant que vous aurez votre congé, les nôtres continueront d'être à la table pour négocier notre avenir au sein de ce pays.
Bien entendu, comme mon collègue l'a dit et comme je l'ai reconnu, il existe des divergences d'opinion, c'est indubitable. Mais on peut avoir une divergence d'opinion sur la couleur d'un cheval, cela n'empêche pas que c'est un cheval. Je pense qu'il faut considérer la loi. Nous reconnaissons parfaitement qu'il existe des divergences d'opinion, nous respectons ceux qui ne pensent pas comme nous et nous cherchons à les protéger en assurant que la nature optionnelle de la mesure soit claire. Comme je l'ai indiqué, nous demandons à vous, le comité, d'apporter des amendements pour garantir cette clarté.
Pour ce qui est du fait que le ministre présente cette loi comme la sienne et comme un élément d'un ensemble, je crois qu'il y a deux explications à cela. La première en est une que vous devriez très bien comprendre, c'est une explication technique. Nous aurions pu introduire ce projet de loi par l'intermédiaire du ministre des Finances, ou par n'importe quel autre canal à notre disposition. Nous avons choisi de l'introduire par le biais du ministère des Affaires indiennes et du Nord et c'est donc le ministre qui est chargé de le piloter. Malheureusement, il se trouve qu'il coïncide avec la Loi sur la gouvernance des premières nations, un projet de loi très controversé à travers le pays. La controverse porte sur la nature de la consultation préalable intervenue.
Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, ce texte est notre travail. C'est nous qui l'avons conçu. Je suis venu vous l'affirmer. C'est notre travail; c'est pour nous, pour les nôtres. Vous pouvez choisir de croire le ministre lorsqu'il dit que c'est son oeuvre ou choisir de me croire moi lorsque je vous dis que c'est la nôtre, c'est à vous de décider. Mais ceci est notre oeuvre.
· (1330)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci à tous deux d'essayer de dire les choses le plus clairement possible, mais vous devez au moins admettre que cela nous place dans une situation quelque peu inconfortable. Parlant au nom de mon parti, le NPD, je peux vous dire que nous sommes très désireux de collaborer et de respecter les représentants légitimement élus des premières nations, que nous considérons être l'Assemblée des premières nations.
Bien qu'il y ait eu dans le passé des résolutions et des lettres de soutien des dirigeants à cette initiative, le message le plus récent en est un d'opposition. Cela peut s'expliquer dans une certaine mesure en disant que le concept a été bon et que jusqu'à un certain stade il y a eu un large consensus, un soutien, mais que des réserves sont formulées concernant la forme actuelle du projet de loi. Il y a des gens qui s'inquiètent de la forme actuelle. Cela peut facilement arriver dans toute organisation et je n'y vois pas une volte-face; cela revient plutôt à dire que la mesure allait jusqu'à présent mais que maintenant il y a quelques inquiétudes.
Le facteur temps m'inquiète aussi car j'imagine que ceux en faveur de ce projet de loi aimeraient bien qu'il soit distancé par rapport au projet de loi C-7. Mais c'est impossible. Il a été inexorablement lié, du moins dans ce processus ici, par le ministre lui-même lorsqu'il a dit que c'est là un triptyque de projets de loi qui constituent une seule et même initiative. C'est d'ailleurs ainsi qu'on l'appelait, l'initiative sur la gouvernance des premières nations, qui englobait la LGPN et les deux autres mesures.
Ce lien est très regrettable. J'aurais aimé avoir ce débat l'an dernier ou bien l'avoir l'an prochain, à n'importe quel moment où nous ne sommes pas en train de nous battre--littéralement de nous battre--sur le projet de loi C-7.
Ne convenez-vous pas que la chose la plus logique à faire peut-être, maintenant, est de laisser l'Assemblée des premières nations tenir son assemblée de juillet? Je crois que c'est les 14 ou 15 juillet. Je ne doute pas que le sujet sera mis sur le tapis et qu'il sera pleinement débattu. J'aimerais mieux être guidé par une résolution à jour de l'Assemblée des premières nations. Si une résolution était adoptée le 15 juillet avec une majorité--non pas une unanimité, mais une majorité--des voix de cette assemblée, disant: «Nous souhaitons que vous adoptiez le projet de loi C-19 au plus vite», je me laisserais guider par cela. Mais je n'ai rien de tel aujourd'hui. J'ai toujours des gens qui s'inquiètent d'une municipalisation des premières nations et craignent que, même si ces institutions sont optionnelles, une fois qu'elles seront en place les premières nations qui se désistent se verront dire: «Vous souhaitez un financement infrastructurel? Nous n'allons pas vous le donner, allez-y, adhérez à la structure que nous venons de mettre en place». Il y aura des pressions pour l'adhésion, ou alors vous n'obtiendrez rien.
Je veux bien réitérer que le format est optionnel, mais il n'est optionnel que dans une certaine mesure, car une fois ces institutions en place, si des premières nations non adhérentes veulent entreprendre des initiatives de développement économique ou accéder à du capital, on leur dira: «Voilà, c'est votre choix, c'est à votre disposition, adhérez aux nouvelles institutions financières».
Premièrement, convenez-vous que nonobstant ce que le président nous a dit, la chose la plus logique à faire est d'attendre des instructions claires de l'assemblée qui va se tenir dans moins d'un mois?
· (1335)
Le vice-chef Satsan Herb George: Monsieur Martin, vous pensez être dans une situation difficile et je peux vous comprendre. Il suffit de regarder comment vous êtes assis autour de cette table. Moi-même je connais la même situation dans nos réunions de chefs autochtones venant de tout le pays, avec les divergences qui peuvent exister entre provinces et territoires. Nous aussi sommes dans une position difficile. C'est pas mal difficile depuis quelque temps au sein de l'Assemblée des premières nations--comme je l'ai mentionné, je représente le First Nations Summit--à tel point que les nôtres ont cessé d'aller aux réunions car ils trouvaient que leur position n'était pas respectée, celle voulant que nous avons besoin et voulons de cette mesure, et que donc il n'y avait pas suffisamment de respect pour la diversité, pour les divergences d'opinion. Malheureusement, c'est la situation que nous connaissons, et qui est très semblable à la vôtre.
Attendre pour en reparler lors de la prochaine assemblée annuelle de l'APN n'est pas une solution. L'Assemblée des premières nations, par le biais du petit nombre de personnes qui sont venues descendre le projet de loi, a fait son travail. Il en résulte que le First Nations Summit, tout comme l'Union of Ontario Indians et l'Atlantic Policy Congress of First Nation Chiefs--ces organes indépendants qui veulent cette législation, qui ont besoin de cette opportunité--se retrouvent relégués de l'autre côté de la clôture. Mais cela n'enlève rien au fait que nous en avons besoin et cela n'enlève rien au fait que nous sommes en faveur.
Je vous rappelle encore une fois que nous représentons, dans notre province, presque six fois plus de premières nations que celles qui ont voté contre le projet de loi à l'Assemblée des premières nations--simplement parce que les nôtres ont choisi de ne pas y aller.
Je ne pense donc pas que les choses changent à la prochaine assemblée de l'APN et c'est notre rôle en tant que partisan de cette mesure de venir la défendre et de vous amener à comprendre pourquoi nous en avons besoin.
Pour ce qui est du lien établi avec le projet de loi C-7 et le ministre, nous pourrions en parler toute la journée. Vous savez comme moi que ceci est notre oeuvre, et que si vous choisissez de la relier dans votre esprit à la rhétorique du ministre, eh bien c'est votre choix. Mais c'est notre oeuvre. Il est regrettable que ces liens existent, mais nous n'y pouvons rien.
Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, la liberté exige du courage. C'est ce que nous faisons ici: vous montrer notre courage et espérer que vous comprendrez.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky, vous disposez de sept minutes.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je dois tout d'abord vous donner ma réponse émotive. Je suis très heureux des présentations que vous avez faites. J'en salue également la nature, le ton, et je suis très satisfait de l'attitude que vous manifestez en tant que dirigeants. À mes yeux, c'est la démocratie en action. Les opinions divergent. Monsieur George, je suis d'accord à 1 000 p. 100 avec certaines des choses que vous avez dites au sujet de la diversité. C'est essentiel. On n' a pas laissé transparaître la diversité lorsque nous traitions du projet de loi C-7, mais elle est ici en évidence. Je suis heureux de voir que vous, les dirigeants, êtes assis côte à côte et pouvez expliquer vos positions divergentes.
Cependant, la première chose que je dois faire ressortir, c'est que j'ai été nommé à ce comité début février et y ai travaillé très fort depuis. Nous avons perdu énormément de temps sur le projet de loi C-7, et il sera probablement très difficile pour nous d'adopter ce projet de loi-ci avant le 20 juin, comme vous le savez, car il nous faut faire venir des témoins, etc. L'un de nos membres vous a déjà expliqué cela.
Le ministre ne m'a jamais dit, et je ne l'ai jamais vu par écrit, que ce projet de loi lui appartient. En fait, j'ai entendu le contraire. Je l'ai entendu se vanter du fait qu'en tant que ministre des Affaires indiennes et du Nord il a réussi à mener les Autochtones à s'asseoir et à créer quelque chose pour eux-mêmes.
Je connais l'importance de ce projet de loi. À un quart de mille de mon bureau, dans la circonscription de Thunder Bay-Atikokan, se trouve la réserve de la première nation de Fort William. Sous la direction dynamique de Peter Collins, des choses formidables sont entreprises dans cette réserve. Mais je connais tous les problèmes que lui et d'autres chefs avant lui ont rencontrés au cours des dix dernières années avec les projets et initiatives qu'ils voulaient entreprendre. Ils ont créé un énorme parc industriel, etc. Ce projet de loi est un projet de loi dynamique. Il est extrêmement important pour ceux qui apportent ce type de leadership et de développement économique sur leur territoire. Je peux appliquer cela à toutes les premières nations et à leurs territoires dans tout le pays. Il est absolument essentiel d'adopter cela aussi rapidement que possible. Je suis d'accord avec vous.
Il est une chose que je voudrais clarifier dans mon esprit. Si j'ai bien compris, en novembre dernier, un Comité pour la protection des droits issus des traités et inhérents a été formé pour faire campagne contre toutes les lois touchant les premières nations. Je ne comprends pas une telle opposition systématique à toutes les lois intéressant les premières nations. Il doit bien en exister qui sont bonnes, comme celle-ci, que vous avez créée vous-mêmes. C'est extrêmement important. Vous ne pouvez aller contre cela. Une assemblée spéciale a été tenue où quelque 80 membres ont voté contre les institutions financières. S'agissait-il là de membres du comité spécial, ou bien étaient-ils indépendants, ou bien ces chefs sont-ils venus uniquement pour cette réunion spéciale?
Je ne comprends pas ce qui s'est passé en novembre. Quelqu'un le sait-il?
· (1340)
Le vice-chef Satsan Herb George: Il faut se demander tout d'abord pourquoi on a une situation comme celle-ci. Je pense, si l'on regarde toutes les circonstances, qu'elle existe parce que les gens, au lieu de regarder ou de saisir les opportunités qui existent ou d'en créer pour avancer, attendent une reconnaissance expresse par le Canada de l'existence des droits ancestraux et issus de traités et l'engagement d' agir en conséquence. On craint également l'extinction--le niveau de méfiance est très grand. On s'inquiète également pour toute la question des droits inhérents.
Comme vous le savez, certains en font une pierre d'achoppement. Mon point de vue personnel est un peu différent. Je pense que nous devons nous reconnaître nous-mêmes. Je pense que la reconnaissance--par exemple des droits et titres aborigènes--est chose faite. Cela ressort clairement des arrêts de la Cour suprême du Canada de 1997 dans les causes Delgamuukw et Gisday'wa.
Les mêmes décisions ont également, à mon avis, réglé le cas de l'extinction. La Cour suprême du Canada a dit on ne peut plus clairement que nul ne peut éteindre un droit sans votre consentement; tant que vous n'y consentez pas, ces droits sont protégés par l'article 35 de notre Constitution.
Troisièmement, il y a toute la crainte que ceci pourrait être en contradiction avec le droit inhérent. Le paradoxe pour moi, lorsque je traite de cela, et comme je l'ai dit au comité à propos du projet de loi C-7, c'est que je ne me suis jamais réellement préoccupé de la Loi sur les Indiens de toute ma vie. J'ai choisi de vivre en dehors d'elle et de vivre librement. Comme je l'ai dit, j'ai passé une bonne partie de ma vie à travailler sur la décision de justice dans les causes Delgamuukw et Gisday'wa. La Cour suprême de Colombie-Britannique, encore l'an dernier, a reconnu le droit inhérent dans la cause Campbell.
Donc, à mon sens, on peut soit rester dans la boîte et avoir peur d'en sortir de crainte de perturber quelque chose, ou bien reconnaître que nous avons ces droits et sortir de la boîte et occuper la place qui nous revient chez nous, dans ce pays. Je pense que c'est là que réside la différence: a-t-on le courage d'être libre ou bien a-t-on trop peur de bouger. En fin de compte, tout revient à cela.
· (1345)
Le président: Merci, monsieur Dromisky, mais cela fait sept minutes.
Il nous reste 13 minutes et je vais demander aux membres de poser une question d'une minute. Si les témoins le souhaitent, ils pourront répondre chacun pendant leur allocution de clôture de cinq minutes.
Monsieur Vellacott, vous avez une minute.
M. Maurice Vellacott: Et je suppose que c'est une des objections que Ghislain exprime selon l'optique du Québec, ou peut-être de n'importe qui d'autre. Pourquoi est-ce qu'un membre emprunteur de l'Administration financière des premières nations n'est pas autorisé à recourir à des emprunts autres s'il peut trouver un taux plus compétitif ailleurs?
[Français]
Le président: Monsieur Loubier.
M. Yvan Loubier: Monsieur George, je voudrais simplement faire une remarque. Même avec toute la bonne volonté du monde et même si c'était la priorité du gouvernement, il serait impossible d'adopter le projet de loi C-19 d'ici le 20 juin. Il reste l'étude à l'étape du rapport de la deuxième lecture, la troisième lecture et l'étude au Sénat.
J'ai une question à poser à M. Picard et à M. George. Si on adoptait tous les amendements que vous avez proposés, monsieur George, plus certains qui ont été proposés par M. Picard, c'est-à-dire ceux concernant les institutions publiques des premières nations, concernant le fait que ce soit facultatif ou optionnel, une clause de non-dérogation, un amendement concernant l'indépendance des institutions--donc, il n'y aurait pas d'empiètement sur le projet de loi C-7 et il n'y aurait pas de préjudice aux autres premières nations--, est-ce que ce projet de loi serait plus acceptable et est-ce que vous pourriez travailler tous ensemble plutôt que de rester divisés?
[Traduction]
The Chair: Merci, monsieur Loubier.
Madame Neville, vous avez du temps pour une question d'une minute.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous deux de vos exposés.
J'ai quelque difficulté à comprendre exactement ce qui s'est passé. L'un ou l'autre d'entre vous pourrait-il m'expliquer comment 39 chefs de l'Assemblée des premières nations ont pu faire adopter une motion qui se répercute sur un nombre beaucoup plus grand? Je lis la résolution issue de l'Assemblée des premières nations et j'aimerais que l'un ou l'autre d'entre vous me donne quelques explications à son sujet car j'ai du mal à en voir la signification véritable. C'est peut-être parce que je suis bouchée.
Le président: Merci.
Monsieur Picard ou monsieur George, vous disposez chacun de cinq minutes. Au bout de cinq minutes, je vais tourner cette lampe et vous demanderai alors de gentiment céder la parole à votre collègue. D'accord?
Le vice-chef Ghislain Picard: Il est paradoxal que vous ayez du mal à comprendre car alors vous ne devez pas comprendre non plus ce qui se passe chaque jour dans cette Chambre. Comme nous l'avons indiqué tous deux, il y a divergence d'avis sur cette question. Voilà donc de quoi nous parlons. Le fait que nous soyons là tous les deux en témoigne.
À mon avis, nombre des questions que vous posez devraient vous être renvoyées. Il y a des préoccupations exprimées non seulement par les groupes qui sont opposés, mais aussi par ceux qui sont en faveur de ce projet de loi. Les garanties ne sont pas nécessairement là.
On parle du caractère optionnel du projet de loi C-19. Est-ce le cas aujourd'hui, ou bien peut-on faire en sorte qu'il le soit? On dit que le projet de loi C-19 est indépendant des autres mesures législatives proposées. Est-ce bien le cas? Est-il réellement indépendant? S'il ne l'est pas, peut-on en faire en sorte qu'il le soit? Voilà ce dont il faut parler.
L'autre chose, en réponse à la question de M. Loubier, c'est que nous savons qu'il existe ces groupes et collectivités qui sont en faveur de cette législation. Est-il possible, comme on l'a fait dans le cas de la Loi sur la gestion des terres--vous pouvez probablement répondre à cette question--d'annexer une liste des groupes et premières nations qui acceptent cette loi?
Merci.
· (1350)
Le président: Merci.
Monsieur George.
Le vice-chef Satsan Herb George: Merci beaucoup.
Tout d'abord, au sujet de la question soulevée par M. Vellacott, l'avantage du projet de loi, sur le plan de la collecte de revenus, de la levée de capitaux pour l'infrastructure et la possibilité d'emprunter, c'est que nous pouvons offrir ces prêts à des taux réduits, bien meilleurs que ce que l'on pourrait obtenir ailleurs. Lorsque quelqu'un vient emprunter de cette manière, nous pouvons compter que cette dette sera remboursée. Nous avons besoin de ce soutien.
Si vous empruntez un peu ici et un peu là, les choses deviennent confuses. Nous pensons pouvoir offrir les meilleurs taux et ne pensons pas que ce sera un problème.
Pour ce qui est de savoir si le projet de loi serait acceptable si tous les amendements que nous proposons étaient adoptés, je pense qu'ils représenteraient une amélioration. La loi serait-elle acceptable aux yeux de tous? Il est bien difficile de le dire. Certains détracteurs y sont opposés par principe car ils sont contre toute législation. Il me semble impossible de convaincre ceux-là. Il existe des divergences inconciliables et c'est tant pis, on avance quand même.
Pour ce qui est des 39 votes à cette assemblée, comme M. Picard l'a déjà indiqué, il est regrettable, à mon avis, que cela se soit produit mais on ne peut rien y changer. Comme je vous l'ai dit, cela ne m'empêche pas, en ma capacité de membre exécutif du groupe de travail de First Nations Summit de venir ici vous dire pourquoi nous sommes en faveur de cette mesure et pourquoi nous en avons besoin. C'est tout ce que je puis dire à ce sujet.
Je vous remercie infiniment de votre invitation et de votre attention.
Le président: Merci beaucoup, au nom de mes collègues, pour votre précieuse contribution. J'espère que vous accepterez de continuer de nous aider à faire de notre mieux, en communication avec le greffier et les membres.
Collègues, nous allons suspendre la séance jusqu'à 15 h 30, heure à laquelle le ministre comparaîtra.
· (1354)
¹ (1529)
Le président: Bon après-midi à tous. Nous reprenons notre étude du projet de loi C-19, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des premières nations et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.
Nous sommes heureux d'accueillir cet après-midi M. Robert Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Comme vous le savez, ceci est la continuation d'une réunion qui a commencé à 12 h 30.
Nous sommes impatients de vous entendre. Vous connaissez la procédure. Nous vous invitons à faire un exposé et nous aurons ensuite des tours de questions de quatre, cinq, sept minutes ou le nombre autorisé par le temps qui nous restera, sachant que ce temps couvre aussi bien les questions que les réponses.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
¹ (1530)
L'honorable Robert Nault (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est toujours un plaisir d'être ici. Je suis ravi de cette occasion de m'adresser aujourd'hui aux membres du comité.
Je vais, bien sûr, vous présenter une déclaration rédigée et je serais ravi ensuite, au nom du ministère et du gouvernement, de répondre à vos questions.
J'estime que la question à l'étude est d'une importance capitale pour tous les Canadiens, aussi bien autochtones que non autochtones. Les Canadiens savent que des collectivités des premières nations prospères et viables peuvent contribuer énormément à l'économie nationale. Je suis convaincu, et je l'ai déjà dit à maintes reprises, que pour assurer un tel degré de prospérité, les Autochtones doivent d'abord prendre en main leur développement économique local et être en mesure de planifier et d'orienter leurs activités économiques. J'estime que ces conditions préliminaires sont essentielles au développement de collectivités viables et autonomes.
Monsieur le président, la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations procure aux collectivités les outils dont elles ont besoin pour gérer leur destinée économique, des outils pratiques qui aideront à répondre aux besoins immédiats, tout en marquant un progrès significatif vers l'autonomie gouvernementale. Ces changements aideront également les administrations des premières nations à accéder à des sources de revenu selon les modalités auxquelles les autres ordres de gouvernement ont fait appel depuis longtemps pour aménager une infrastructure essentielle et attirer des investissements dont le besoin se fait grandement sentir.
De plus, monsieur le président, les contribuables de taxes foncières vivant sur les terres autochtones bénéficieront désormais de dispositions législatives qui servent les principes de la confiance et de l'équité, dans le cadre du régime d'imposition foncière modernisé et renforcé qui est proposé.
Le projet de loi établit les fondements légaux grâce auxquels les collectivités des premières nations participantes pourront évoluer vers le système financier global. Il prévoit aussi l'établissement d'organismes chargés de superviser et de soutenir ces activités.
Il importe de reconnaître que le projet de loi a été élaboré par les premières nations pour les premières nations. Il y a plusieurs années, les dirigeants des premières nations ont d'ailleurs aidé à définir les concepts à la base du projet de loi.
La genèse de plusieurs de ces concepts remonte à 1996, lorsque l'Assemblée des premières nations a adopté une résolution visant à établir de nouveaux rapports financiers entre les administrations des premières nations et le gouvernement du Canada. Qui plus est, les organismes que l'on propose de créer au moyen du projet de loi auront une forte représentation de membres des premières nations.
Monsieur le président, le projet de loi joue un rôle clé dans la stratégie globale de notre gouvernement. À eux tous, ce projet de loi, la Loi sur la gouvernance des premières nations et la Loi sur la gestion des terres des premières nations déjà adoptées auront pour effet de confirmer les pouvoirs qu'exercent les premières nations sur leurs terres, leurs finances et leurs administrations. Cette stratégie va bien au-delà de retouches mineures aux relations ou aux processus actuels. En toute franchise, je crois qu'il est nécessaire et urgent d'apporter des changements de cette envergure.
J'espère que toutes les personnes ici présentes partagent mon point de vue sur la situation déplorable que vivent un grand nombre de collectivités des premières nations. Comment se fait-il que, au 21e siècle, dans un pays aussi prospère que le nôtre, autant de gens soient pris dans l'engrenage de la pauvreté et du désespoir? L'heure est clairement venue d'agir, le statu quo est inacceptable.
Voilà la raison d'être du projet législatif que nous proposons et voilà pourquoi je suis ici aujourd'hui. La démarche que nous avons adoptée dans le cadre de cette mesure législative particulière a déjà donné des résultats impressionnants. Il y a plus d'une dizaine d'années, lorsque la Commission consultative de la fiscalité indienne a été créée pour aider les premières nations à établir leur propre régime d'imposition foncière, peu de gens--et je le souligne--auraient prédit le succès qu'elle connaît aujourd'hui.
À l'époque, le personnel de mon ministère avait estimé qu'une vingtaine de premières nations choisiraient de participer à une telle entreprise. Aujourd'hui, plus de 100 collectivités des premières nations perçoivent de l'impôt foncier et utilisent les revenus ainsi générés pour améliorer leur situation. Aux dernières nouvelles, 29 collectivités attendaient pour leur emboîter le pas et un nombre encore plus élevé songent sérieusement à en faire autant.
¹ (1535)
Cette initiative, monsieur le président, a permis d'injecter plus de 40 millions de dollars chaque année dans les économies locales. Lorsqu'on regarde la liste des projets financés par ces taxes foncières, on est impressionné par leur diversité.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples. La bande des Musqueam, en Colombie-Britannique, a utilisé une partie de l'impôt foncier pour mettre sur pied un programme de patrouille de sécurité et, aujourd'hui, la collectivité affiche le plus faible taux de criminalité de la région métropolitaine de Vancouver. La nation Squamish, également en Colombie-Britannique, a utilisé ces fonds pour construire des installations récréatives communautaires dont elle avait grandement besoin. Les Inuit au Québec ont agrandi le centre commercial situé dans la réserve. La première nation de WestBank, en Colombie-Britannique, a construit un système de purification de l'eau et ajouté de nouvelles conduites d'eau. La première nation de Coldwater, également en Colombie-Britannique, s'est lancée dans un ambitieux projet de rénovation de l'infrastructure publique. La première nation de Millbrook, en Nouvelle-Écosse, a exercé ses pouvoirs de taxation foncière pour devenir l'une des économies les plus dynamiques de la province.
La liste est beaucoup plus longue que cela, monsieur le président, mais ces réalisations montrent les progrès qui peuvent être accomplis lorsque les dirigeants des collectivités ont en main les outils nécessaires pour diriger et gérer les activités locales de développement économique.
L'impôt qui a servi à financer ces activités a été perçu auprès de personnes utilisant les terres de leurs collectivités, notamment des contribuables non autochtones, des commerces et des entreprises de services publics appartenant ou non à une première nation.
Les membres du comité ne doivent pas perdre de vue qu'avant l'entrée en vigueur des régimes d'impôt foncier au sein des premières nations, les taxes étaient en grande partie levées par les municipalités voisines ou ne l'étaient pas du tout, ce qui signifiait la perte de possibilités importantes d'établir une infrastructure et des services capables d'attirer les entreprises et d'améliorer la qualité de vie dans les réserves.
Comme l'a dit Manny Jules, président de la Commission consultative de la fiscalité indienne et un des partisans du projet de loi: «Depuis 126 ans, les premières nations ont été exclues par la loi de la vie économique du pays--la mise sur pied de ces institutions est le point de départ de notre réinsertion». Je pense que Manny Jules a tout à fait raison. J'avoue avoir très souvent employé cette citation car il est difficile d'imaginer que l'on puisse développer une société sans structure législative ou institutionnelle permettant de collaborer avec d'autres gouvernements. Cette législation permettra aux Autochtones de maîtriser et de développer leur économie, ouvrant ainsi la voie à une autonomie gouvernementale réelle.
Monsieur le président, une collectivité ou une administration qui ne dispose que de minces ressources, qui dépend entièrement d'un autre ordre de gouvernement, est de toute évidence condamnée à lutter pour sa survie. Malheureusement, c'est exactement la situation que vivent de nombreuses collectivités des premières nations. À l'heure actuelle, les transferts de fonds du gouvernement fédéral constituent près de 95 p. 100 du revenu des administrations des premières nations. Le projet de loi ouvre la porte à de nouvelles sources de revenus qui permettront d'améliorer l'infrastructure et d'attirer plus d'investissements, monsieur le président.
Voyons maintenant les quatre organismes créés par le projet de loi, qui offrent aux premières nations les outils requis pour attirer des investisseurs, aménager une infrastructure adéquate, créer des emplois et régler les questions sociales--et tout cela conformément à leurs voeux propres.
Monsieur le président, j'aimerais donner quelques détails sur la raison d'être et le rôle de chaque organisme. Tous les quatre sont indépendants les uns des autres ainsi que, je le précise bien, du gouvernement du Canada.
La première institution est l'Administration financière des premières nations, qui assurera l'accès à des capitaux à faible coût pour financer les travaux d'infrastructure. Cet organisme sera créé à partir d'un organisme autochtone qui entretient déjà des relations d'affaires harmonieuses et productives avec les principaux souscripteurs d'obligations. Selon les agences de cotation des titres, le cadre juridique et la structure organisationnelle proposées faciliteront considérablement l'accès des premières nations au marché obligataire et leur permettra de lever des capitaux privés pour le développement grâce à l'émission de titres à cote positive.
¹ (1540)
Comme vous le savez sans doute, monsieur le président, les gouvernements au Canada et dans le monde entier financent leurs travaux d'infrastructure au moyen d'obligations. L'Administration financière assurera également aux premières nations l'accès au marché obligataire et leur offrira un meilleur rendement sur les fonds prélevés sous forme d'impôt. Mais plus important encore, l'accès au marché obligataire fera baisser le coût des emprunts pour l'infrastructure de pas moins de 30 p. 100, une marge énorme, et dans certains cas de 50 p. 100.
L'Administration financière des premières nations assurera l'intégrité de chaque emprunt effectué par une première nation et regroupera toutes les demandes de fonds approuvées dans des émissions périodiques d'obligations des premières nations.
Monsieur le président, le taux d'intérêt des obligations sera fondé sur la solvabilité de l'Administration financière des premières nations en général et non sur celle des premières nations individuelles. De cette façon, les petites collectivités pourront bénéficier des mêmes avantages que les plus grandes. La diversité des projets et le nombre des collectivités participant à une émission contribueront à réduire les risques pour les investisseurs et, par le fait même, le taux d'intérêt. Chaque première nation prenant part à une émission se portera garante des autres premières nations emprunteuses.
Le second organisme prévu, monsieur le président, le Conseil de gestion financière des premières nations, réduira davantage encore les risques encourus en assurant aux marchés financiers que les premières nations possèdent le savoir-faire nécessaire pour gérer prudemment leurs finances. Les systèmes de gestion financière de chaque première nation seront homologués par le conseil avant que cette nation soit admise à emprunter par l'intermédiaire de l'Administration financière des premières nations.
Le Conseil de gestion constituera un organisme neutre, indépendant et professionnel qui travaillera avec l'Administration financière des premières nations et d'autres institutions pour garantir que les premières nations participantes respectent les mêmes normes administratives et opérationnelles que les autres gouvernements au Canada.
Monsieur le président, le troisième organisme qui sera créé par le projet de loi C-19 est la Commission de la fiscalité des premières nations. Cet organe élargira le rôle actuellement joué par la Commission consultative de la fiscalité indienne et permettra à chaque collectivité d'établir et de gérer son propre régime d'impôt foncier.
L'impôt foncier perçu servira non seulement à financer les services quotidiens offerts aux collectivités des premières nations, mais aussi à garantir l'accès aux capitaux devant servir au développement économique. Il s'agit là d'un élément capital du projet de loi, car il permettra aux collectivités des premières nations de combiner leurs modestes ressources financières et d'obtenir des sommes plus importantes pour financer des projets locaux.
Songez, monsieur le président, à l'effet que de tels pouvoirs auront sur les autres premières nations. À mesure qu'un plus grand nombre de collectivités percevront l'impôt foncier, des sommes plus importantes pourront être investies par l'entremise de l'Administration financière dans les marchés obligataires, réduisant ainsi le risque et les coûts financiers. Abaisser le taux d'intérêt aura pour effet de libérer de l'argent qui pourra être utilisé pour financer la prestation de services ou l'aménagement de l'infrastructure, ce qui favorisera ensuite le développement économique et l'expansion de l'assiette fiscale. À mesure que l'on aura instauré un climat de certitude et de confiance à l'égard du nouveau régime, plus il y aura d'investisseurs pour acheter des obligations des premières nations, multipliant ainsi les avantages pour tous.
Enfin, monsieur le président, l'Institut de la statistique des premières nations aidera les premières nations à se doter des outils requis pour la prise de décision et la reddition de comptes. Les systèmes d'information qu'utilisent actuellement les premières nations datent des années 70 et 80 et visent principalement à rendre des comptes aux organismes de financement du gouvernement fédéral. Avec le passage à l'autonomie gouvernementale, ces systèmes doivent être remaniés en fonction des besoins de la prise de décision locale.
¹ (1545)
Monsieur le président, les premières nations doivent jouer un rôle central dans la réorganisation de ces systèmes de collecte de données en vue d'assurer que les sommes investies dans ces systèmes sont bien consacrées à régler les problèmes réels que connaissent les premières nations, tout en répondant aux besoins pratiques. Les données recueillies toucheront à tous les éléments de la prestation de services.
Le remaniement de ces systèmes de données, d'après ce que j'en sais, représente une tâche complexe, monsieur le président. L'Institut de la statistique des premières nations fournira aux collectivités un instrument qui leur permettra d'y participer pleinement, aux côtés de Statistique Canada et d'autres organismes et ministères fédéraux. De telles données sont essentielles à une saine gouvernance et à une planification publique judicieuse. Le nouvel institut veillera à fournir l'information voulue pour appuyer un processus décisionnel plus efficace sur les plans local, régional, provincial et national. Et ces données aideront les premières nations à présenter elles-mêmes leur véritable situation.
Monsieur le président, ces quatre organismes seront indépendants les uns des autres mais ils travailleront ensemble à ouvrir une nouvelle ère de prospérité pour les collectivités des premières nations. Ensemble, ils feront baisser le coût de la construction infrastructurelle communautaire, favorisant ainsi la croissance économique et la création d'emplois tout en améliorant la qualité de vie et en renforçant les fondements de la gouvernance. De nombreuses premières nations estiment que cette réforme offre des mesures pratiques pour dépasser les contraintes paralysantes de la Loi sur les Indiens, en permettant aux premières nations participantes de poursuivre leur développement et le renforcement de leurs collectivités. Disposant des moyens de négocier directement sur les marchés financiers et avec les investisseurs, les premières nations pourront s'adosser sur les mêmes normes financières que les autres gouvernements. Ainsi, monsieur le président, ces collectivités seront bien placées pour profiter des possibilités économiques qui s'offriront, non seulement au Canada mais dans le monde entier.
Grâce à des mesures pratiques, les dirigeants des premières nations seront en mesure d'optimiser les avantages que présenteront les ressources existantes pour la population et maximiser les retombées des ressources qui pourront être négociées dans le cadre du processus de règlement des revendications territoriales et d'autonomie gouvernementale. Ce sont donc là des outils dont l'utilité sera aussi bien immédiate qu'à long terme.
Je pense qu'avec ce projet de loi, le gouvernement du Canada et les premières nations font un important pas en avant. Cette mesure permettra aux collectivités des premières nations de prospérer aujourd'hui et demain et d'envisager un avenir plus florissant et prometteur.
Monsieur le président, j'ai exposé de manière très générale la tâche confiée à ces quatre organismes. Je suivrai avec intérêt les délibérations du comité. Je suis venu accompagné de M. Gordon Shanks et de M. Paul Salembier qui m'aideront à répondre aux questions que vous pourriez avoir cet après-midi. En outre, je me tiens à la disposition du comité pour répondre à d'autres questions ultérieures que vous pourriez avoir.
Merci, monsieur le président.
¹ (1550)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Je précise pour le procès-verbal que M. Gordon Shanks est le sous-ministre adjoint responsable du développement économique et des initiatives spéciales. Soyez le bienvenu. Nous connaissons également bien M. Salembier qui a passé de nombreuses heures avec nous--jusque tard dans la nuit--à titre d'avocat-conseil.
Merci beaucoup.
Les tours de questions au premier tour sont de sept minutes. Par conséquent, l'opposition officielle disposera de neuf minutes. Qui va commencer?
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: J'imagine que les réponses à ces questions sont toutes prêtes et j'aimerais donc savoir combien il en coûtera pour créer ces organismes et quel sera leur coût de fonctionnement annuel, monsieur le ministre.
Combien coûtera la mise sur pied et le fonctionnement annuel de l'Administration financière des premières nations? Quels sont les chiffres équivalents pour le Conseil de gestion financière des premières nations et la Commission de la fiscalité des premières nations. Enfin, quel sera le coût de la mise sur pied et du fonctionnement annuel de l'Institut de la statistique des premières nations?
L'hon. Robert Nault: Très bien.
M. Shanks va vous donner les chiffres pour chaque organisme, soit notre estimation du coût. Je vous signale que cela fait déjà quelques années que nous budgétisons pour ces coûts. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, nous avons commencé à travailler en 1996 avec les représentants des premières nations, par l'intermédiaire de l'APN et dans le cadre de « Rassembler nos forces » pour mettre de côté les ressources financières requises par ces institutions.
Pour inscrire les choses dans une perspective différente, monsieur le président, il s'agit là d'un projet de longue haleine et à long terme. Donc, oui, nous avons inscrit ces dépenses dans nos budgets il y a de nombreuses années.
M. Shanks va vous donner les chiffres précis.
M. Maurice Vellacott: Monsieur Shanks, j'ai d'autres questions à poser et je ne vous demande pas de longues explications, si vous le voulez bien, simplement les chiffres approximatifs de coût pour chacun des organismes.
M. Gordon Shanks (sous-ministre adjoint, Développement économique et initiatives spéciales, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): En chiffres ronds, c'est environ 10 millions de dollars par an pour le fonctionnement de tous ces organismes--
M. Maurice Vellacott: Tous combinés? Avez-vous la ventilation pour chacun?
M. Gordon Shanks: En chiffres approximatifs. La Commission de la fiscalité coûtera environ 5 millions de dollars par an. L'Institut de la statistique, 1,5 million à 2 millions de dollars par an et le Conseil de gestion financière environ 2 millions de dollars. L'Administration financière sera une société privée financée principalement par ses membres, et il y aura donc un coût relativement mineur pour le Trésor.
M. Maurice Vellacott: Y aura-t-il un recouvrement des frais?
M. Gordon Shanks: Oui, tous les organismes recouvriront une partie de leurs frais, cette partie ira grandissant au fur et à mesure de leur développement.
M. Maurice Vellacott: Dans le cas de l'Institut de la statistique, a-t-on exploré, avant de créer ce nouvel organisme, toutes les autres possibilités de répondre aux besoins statistiques de la population autochtone canadienne? N'aurait-ce pas pu être une annexe de Statistique Canada? A-t-on exploré tous les autres moyens de faire ce travail, monsieur le ministre?
L'hon. Robert Nault: À ma connaissance, avant mon arrivée, la discussion tournait autour de la meilleure façon de combler le fossé informationnel et de réunir le type de données sur les premières nations dont nous avons tous besoin, en tant qu'administrations, pour prendre de bonnes décisions.
Au fil de la discussion, il est apparu le besoin d'un organe statistique administré et contrôlé par les premières nations elles-mêmes et qui conclura des ententes officielles avec les différents ministères, dont Statistique Canada, dont je crois d'ailleurs savoir que les responsables comparaîtront ici pour défendre le projet de loi et l'Institut de la statistique et expliquer comment le travail se fera.
Mais pour répondre à votre question, je crois savoir que d'autres moyens ont été explorés et que cet institut a été considéré comme la méthode la plus rentable et la mieux adaptée à la culture autochtone et la plus respectueuse des gouvernements des premières nations.
M. Maurice Vellacott: Les témoins que nous avons entendus avant la pause, avant la période des questions, ont fait état d'une intense coopération. L'un des témoins a carrément revendiqué la propriété de ce projet de loi, et l'autre du Québec y était moins enclin. Mais je pense donc que, dans l'ensemble, il y a eu un bon effort de coopération et de concertation à cet égard.
J'ai une question concernant le fait que l'APN dit ne pas avoir eu la possibilité de travailler avec le gouvernement fédéral ces derniers temps pour finaliser le budget et parvenir à un accord final. Comme vous le savez--vous l'avez probablement sans doute déjà vue--la lettre au premier ministre demandant le versement des fonds promis à l'APN... et, selon leur formule, demandant que le gouvernement arrête de s'ingérer dans la campagne politique pour l'élection démocratique des dirigeants des premières nations. Ils ont besoin de ces fonds avant l'assemblée annuelle de juillet et ils y tiennent, manifestement. Il faut donc un effort coopératif.
Je suis heureux de voir que des réels efforts de coopération ont été déployés à l'égard du projet de loi C-19, selon vos propres dires et ceux de certains témoins. Mais comment expliquez-vous le blocage des fonds pour l'APN? Cela pénalisera réellement l'Assemblée. C'est ce qu'elle pense. Sa réussite est récompensée par une pénalité financière, en quelque sorte. Que répondez-vous à cela?
¹ (1555)
L'hon. Robert Nault: Eh bien, la contribution au budget de base de l'APN a été versée au début du nouvel exercice.
M. Maurice Vellacott: Et tant qu'elle n'aura pas déposé la vérification comptable--laquelle doit au préalable être approuvée par l'Assemblée, je crois--vous ne débloquerez pas de nouveaux fonds pour elle?
L'hon. Robert Nault: Non, nous avons accepté de débloquer les fonds pour l'éducation. Mais nous avons demandé une copie de la vérification et une évaluation de la vérification à toutes les OPT avec lesquelles nous avons des accords de contribution en sus du budget de base, et ce avant de débloquer des fonds discrétionnaires. Cela s'applique non seulement à l'APN, mais à toutes les OPT et autres organisations du pays.
Le président: Monsieur Vellacott, je précise la signification du sigle OPT: c'est organisations provinciales et territoriales, pour votre gouverne.
M. Maurice Vellacott: D'accord, merci.
Combien de temps me reste-t-il?
Le président: Il vous reste deux minutes et demie.
M. Maurice Vellacott: Donc, à ce stade, vous dites que c'est une procédure normale, qui correspond à une politique ministérielle et qui ne vise nullement à pénaliser qui que ce soit en bloquant ces fonds et en refusant de finaliser des accords avant les élections à l'APN?
L'hon. Robert Nault: Eh bien, monsieur le président, le budget de base est de plus de 2 millions de dollars. L'exercice vient juste de commencer, comme vous le savez, début avril, et cela fait donc plus de 1 million de dollars par mois. Je serais surpris que quiconque autour de cette table considère que le ministre cherche à punir ou à couper le robinet financier.
Nous sommes pleinement désireux de débloquer les budgets assimilables aux fonds de base, comme nous les appelons, les fonds discrétionnaires, une fois que nous aurons vu les résultats financiers de ces programmes pour l'année précédente. C'est là la politique et la position du gouvernement.
J'aurais cru qu'un million de dollars par mois, soit la somme versée pour les deux mois précédents, serait jugé comme une contribution non négligeable. Je rappelle à mes collègues que je ne suis pas le seul ministre à financer l'APN. Elle obtient quantité d'autres crédits d'autres ministères. Je considère que notre demande est raisonnable, soit de voir les vérifications comptables avant de débloquer d'autres fonds discrétionnaires.
M. Maurice Vellacott: Si vous me permettez cette interjection, monsieur le ministre, étant donné que deux mois et demi du nouvel exercice se sont déjà écoulés, il y a certainement un problème pour ce qui est de la séquence des événements, lorsqu'on est déjà tellement avancé dans le nouvel exercice et que les autorisations ne sont pas encore données. Il faudrait tout de même donner les autorisations par avance avant que les gens se retrouvent pris avec les factures.
L'hon. Robert Nault: Vous avez tout à fait raison. Plus tôt nous aurons la vérification, et mieux cela vaudra.
M. Maurice Vellacott: Eh bien, vous pouvez toujours faire une vérification en cours d'exercice. Mais il se trouve que les fonds ne sont toujours pas débloqués alors qu'un quart de l'exercice s'est déjà écoulé. Est-ce là la façon de procéder normale du ministère?
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, je suis surpris que nous ayons cette discussion. On aurait pu penser que, aux fins de notre sujet d'étude aujourd'hui, tout le monde admettrait que le ministre et son ministère doivent faire un usage responsable de l'argent du contribuable. C'est tout le but de l'exigence des vérifications. C'est l'approche que nous suivons dans tout le pays avec les crédits discrétionnaires pour les premières nations. Notre intention est de travailler en collaboration très étroite avec l'organisation, mais nous n'allons pas virer des fonds tant que nous n'aurons pas vu les résultats de notre travail des années précédents.
Le président: Merci.
Mr. Loubier, you have seven minutes.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.
Le ministre Nault va peut-être mieux comprendre en français l'allusion de mon collègue.
J'aimerais savoir comment il se fait que depuis le 1er avril, l'Assemblée des Premières Nations n'ait pas pu finaliser un budget d'opération avec vous, et que vous refusiez même de les rencontrer. Il n'est pas question ici d'exiger un plan ou des résultats; le fait est que vous refusez de les rencontrer depuis que leur opposition au projet de loi C-19, mais surtout au projet de loi C-7 est virulente.
L'association Femmes autochtones du Québec, que nous avons rencontrée récemment, nous a dit la même chose, à savoir que vous lui aviez coupé les vivres parce qu'elle s'opposait au projet de loi C-7. Je me demande si ce n'est pas aussi une façon d'affaiblir l'Assemblée des Premières Nations que de ne pas vous rendre à ses arguments et de ne pas lui accorder son financement. Depuis presque trois mois, l'Assemblée des Premières Nations s'endette pour fonctionner.
S'agit-il d'une stratégie pour l'affaiblir? J'aimerais que vous me donniez une réponse claire. Allez-vous, oui ou non, rencontrer les représentants des premières nations rapidement, c'est-à-dire au cours des prochaines heures, pour finaliser les négociations budgétaires?
Vous êtes en train d'affaiblir cette assemblée pour la punir de son opposition au projet de loi C-7. Il n'y a pas d'autre raison que celle-là.
º (1600)
[Traduction]
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, à ma connaissance, mon ministère a rencontré l'APN et ses administrateurs et employés encore la semaine dernière, pour parler de ce qu'il nous faut pour que nous puissions débloquer les fonds fédéraux.
Mais je dois démentir ce que le député a dit, car il est mal informé. Nous n'avons pas de contribution au budget de base des femmes autochtones et n'en avons jamais eu. Je n'ai donc pas pu leur couper les fonds, jamais, car nous n'avons pas--
[Français]
M. Yvan Loubier: Un instant! L'association Femmes autochtones du Québec avait un projet spécial avec vous dont le budget était de 40 000 $; or, vous l'avez coupé. Elle bénéficiait aussi d'une subvention spéciale de 140 000 $ de Patrimoine Canada; cette subvention a également été coupée à votre recommandation. Alors, arrêtez de nous prendre pour des innocents.
Je commence à comprendre pourquoi les autochtones disent que si quelqu'un d'autre que vous avait présenté C-19, on ne traverserait pas maintenant une telle période de dissension. Alors, ne faites pas l'innocent et ne nous prenez pas pour des innocents non plus.
Le président: Monsieur Loubier...
M. Yvan Loubier: J'ai une question à vous poser concernant le projet de loi C-19.
Le président: Monsieur Loubier, s'il vous plaît, j'aimerais qu'on laisse tomber les accusations personnelles. On va être plus professionnels et parler des questions qui sont à l'ordre du jour. Les attaques ne mènent à rien.
M. Yvan Loubier: On a dit ce matin que vous vous vantiez à gauche et à droite du fait que le projet de loi C-19 venait de vous; je vous ai aussi entendu dire une telle chose. Plus tôt aujourd'hui, vous avez répété que vous y réfléchissiez depuis 1996, alors qu'en réalité, ni vous ni même votre ministère n'y êtes pour quelque chose. Ce projet de loi a été élaboré par des membres des premières nations.
Si vous aviez une autre façon de présenter les choses et si vous ne présentiez pas le C-6, le C-7 et le C-19 ensemble comme étant des projets de loi complémentaires visant à vous aider à parachever votre oeuvre, il serait peut-être plus facile d'en arriver à des consensus avec les premières nations. En outre, si vous cessiez d'être arrogant face aux premières nations, cela changerait peut-être les choses. Je vous somme de rendre à l'Assemblée des Premières Nations un budget de fonctionnement. Cela n'a aucun sens et c'est antidémocratique.
Je demande la permission de déposer copie d'une lettre que l'Assemblée des Premières Nations envoie au premier ministre dès aujourd'hui pour déplorer cette situation. Je la dépose donc pour les besoins du comité.
Le président: Vous n'avez pas vraiment de question à poser?
M. Yvan Loubier: Oui, il y a des questions.
Le président: Il y a des attaques, des accusations et des interprétations, mais il n'y a pas de questions sur C-19.
M. Yvan Loubier: Voici ma question. Est-ce que vous allez admettre une fois pour toutes que votre attitude face au C-19 est le principal problème et que vous--et non les premières nations--êtes en fait le véritable problème ? Vous mettez le feu aux poudres, et c'est pour cette raison que les choses vont mal pour le C-7 et le C-19 particulièrement.
[Traduction]
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, j'ai dit à maintes reprises--et je n'ai pas cité pour rien Manny Jules dans mon exposé--que ce que fait le projet de loi C-6, c'est créer une institution qui s'occupera des revendications particulières, soit une commission et un tribunal.
Avec le projet de loi C-7, nous créons des structures de gouvernance, comme étape intérimaire de l'édification de capacité, en vue de l'autonomie gouvernementale.
Le projet de loi C-19 est exactement de même nature. Il s'agit là d'institutions qui donneront aux premières nations des outils modernes pour réussir. C'est ce que j'ai répété à maintes reprises ces derniers mois.
º (1605)
[Français]
M. Yvan Loubier: Est-ce que, concernant le C-19, vous êtes prêt...
[Traduction]
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Rappel au Règlement, monsieur le président.
Le président: Rappel au Règlement.
M. Alan Tonks: Nous n'allons nulle part. Le député n'arrête pas d'interrompre le ministre. Ceci ne contribue pas à l'étude du projet de loi. Sauf tout mon respect, monsieur le président--
Le président: Absolument, et je rends ma décision sur le rappel au Règlement. Les sept minutes appartiennent à M. Loubier. S'il a choisi de poser des questions et n'est pas intéressé d'entendre les réponses, je lui laisse le micro pour ses sept minutes. Ce n'est pas productif, mais c'est ainsi que nous fonctionnons.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ce que j'aimerais que le ministre me dise--et c'est pourquoi je l'ai interrompu--a trait au projet de loi C-19.
Monsieur Nault, seriez-vous prêt à accepter des amendements en profondeur au C-19 pour faire disparaître toute méfiance face à ce projet de loi et pour qu'il puisse être adopté très rapidement à l'automne, si vous êtes suffisamment convaincant?
Jusqu'où êtes-vous prêt à aller pour ce qui est d'accepter des amendements en profondeur au projet de loi? En ce qui concerne le C-7, vous nous aviez invités à proposer des amendements. Or, pas un seul parmi ceux que nous avons présentés n'a été adopté par la majorité libérale.
[Traduction]
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, à ma connaissance, nous avons adopté 51 amendements au projet de loi C-7 et je félicite donc le comité pour son travail.
M. Yvan Loubier: C'étaient des amendements libéraux.
L'hon. Robert Nault: Je félicite le NPD pour son travail, car nous avons accepté l'un de ses amendements. Je n'accepte pas l'argumentation de l'honorable député voulant que nous refusions de travailler l'esprit ouvert pour améliorer le projet de loi C-7.
Pour ce qui est maintenant du projet de loi C-19, monsieur le président, je crois savoir que vous allez entendre des témoins, notamment ceux qui ont activement travaillé sur le projet de loi C-19, concernant le travail technique qu'ils ont fait et le travail que nous avons effectué en partenariat avec eux.
Je crois savoir que ce projet de loi jouit d'un soutien énorme dans les collectivités. J'espère, à moins que nous ayons oublié certains aspects dans notre travail collectif, que ce projet de loi pourra être adopté très rapidement.
Mais comme toujours, je m'en remets à vous. Comme vous le savez, je n'ai aucun contrôle sur le travail du comité permanent. Le comité peut étudier des amendements et prendra les décisions qu'il juge bonnes.
Je pense que les premières nations attendent avec impatience cette mesure. Elles veulent que l'Administration financière et la possibilité d'émettre des obligations soient en place le plus rapidement possible, car il en coûte très cher de faire fonctionner un gouvernement et de créer le genre d'infrastructure et de possibilités qui sont nécessaires dans les collectivités. Plus on attendra, et plus longtemps ces premières nations devront payer--celles qui désirent participer--de 30 p. 100 à 50 p. 100 de plus en intérêts que nécessaire.
Ma réponse à la question du député est que, à moins d'un problème dont je n'ai pas encore connaissance, je m'en remets au comité pour prendre ces décisions.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Martin, vous disposez de sept minutes.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de commencer par dire, monsieur le ministre, que je pense que nous ne devrions pas étudier ce projet de loi-ci tant que le projet de loi C-7 continue son cheminement à la Chambre des communes. Je pense que c'est trop demander au comité permanent que de lui mettre sur les bras un autre gros projet de loi, de portée aussi vaste, si l'on songe que les membres des petits partis, comme moi, doivent être et au comité et à la Chambre des communes pour suivre le projet de loi C-7. Ce n'est pas un processus équitable, à mon avis, que d'imposer l'étude accélérée du projet de loi C-19 par ce comité à ce stade.
Dans les sept minutes dont je dispose, j'aimerais m'enquérir tout d'abord des dépenses effectuées jusqu'à présent par ces quatre institutions, telles qu'elles existent.
En fait, techniquement elles n'existent pas, n'est-ce pas, tant que le projet de loi C-19 n'est pas promulgué? Pourtant, il y a déjà du personnel en place, n'a-t-on pas procédé à des embauches et loué des bureaux, etc.? Même des personnes qui ont demandé à comparaître à ce comité appartiennent à ces diverses institutions qui n'existent pas encore, mais qui apparemment ont un personnel salarié avec des budgets de voyage et tout ce qu'il faut pour fonctionner. Il me semble que c'est pour cela que l'on veut tellement bousculer les choses, car je ne pense pas que les autorisations de dépenses aient été obtenues.
J'aimerais savoir en vertu de quelle autorisation les dépenses actuelles sont faites.
º (1610)
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, le ministre établit des relations de travail, aux termes d'accords de contribution, avec l'APN et d'autres organisations à travers le pays en vue d'élaborer des politiques et le type de structures institutionnelles comme celle dont vous êtes saisis. Donc oui, il existe des groupes de travail individuel pour chacun des organismes dont nous parlons, pour veiller à ce que les visions et avis des Autochtones soient respectés dans ce projet de loi, et tout cela se fait aux termes d'accords de contribution et de plans de travail.
Donc, si c'est cela dont parle député... Si vous voulez savoir précisément combien a été dépensé depuis que nous avons lancé ce processus il y a au moins dix ans, ou depuis 1996 ou en 2002-2003, je peux vous donner tous ces renseignements, car cela fait bien longtemps que cela est en marche.
Et, monsieur le président, prétendre que nous bousculons les choses... Comme je l'ai bien fait ressortir, ce travail a commencé avant moi et même avant mes prédécesseurs au sein du gouvernement actuel. Cela fait bien longtemps que nous parlons des relations financières, des institutions financières et de la structure fiscale ou de l'assiette fiscale dont jouissent actuellement les provinces ou le gouvernement fédéral et dont les premières nations sont démunies. Ce n'est donc pas une discussion nouvelle, elle a commencé il y a de nombreuses années.
Gordon m'a remis une liste de ce que nous avons dépensé en 2002-2003. Si j'arrive à déchiffrer son écriture, nous avons dépensé 1,8 million de dollars pour la Commission de la fiscalité des premières nations; 1,7 million de dollars pour le Conseil de gestion financière des premières nations; 1,7 million de dollars pour l'Institut de la statistique et des premières nations et 500 000 $ pour l'Administration financière des premières nations. Voilà quel a été le coût lors de cet exercice du travail de préparation dont nous parlons.
Comme vous le savez, monsieur le président, je n'ai rien à cacher et je peux vous donner le coût de ce travail d'élaboration au cours des dix dernières années, si vous le souhaitez, qui fera apparaître l'engagement de ce gouvernement et de ce Parlement pour l'amélioration des capacités des premières nations à développer leurs économies, car c'est exactement ce que nous visons.
Si le député veut le savoir, est-ce que cela coûte beaucoup d'argent? Oui, c'est vrai. Existe-t-il des personnes qui ont passé des années à travailler là-dessus? Je parle de gens comme le chef Tom Bressette, à qui ses collègues ont demandé de travailler là-dessus au fil des ans et comme Manny Jules, qui travaille sur la fiscalité indienne depuis les années 80--ou même depuis plus tôt, pour autant que je sache. Je n'ai donc aucune hésitation, monsieur le président, à communiquer à l'honorable député tous les renseignements qu'il voudra sur le coût.
M. Pat Martin: Cela répond à ma question.
Le président: Il vous reste deux minutes.
M. Pat Martin: Deux minutes. Merci.
Je commençais à me demander si le ministre n'avait pas pour tactique de garder le crachoir jusqu'à la fin de mon temps de parole.
Des voix: Oh! Oh!
L'hon. Robert Nault: Je prends des leçons auprès d'un des experts.
Le président: Auprès du meilleur.
L'hon. Robert Nault: Il m'est arrivé moi-même, dans le temps, d'utiliser des tactiques d'obstruction.
M. Pat Martin: Je n'en doute pas.
J'ai relevé votre remarque voulant que la «genèse» de ces concepts remonte au moins à une résolution de l'Assemblée des premières nations de 1996. Mais il est de fait que l'APN a adopté plus récemment une résolution d'opposition, en novembre 2002. Même si nous avons quelques lettres du chef national s'exprimant en faveur de ce processus et remontant à quatre ou cinq ans, l'opinion ou l'avis le plus récent de l'Assemblée des premières nations est opposé à la mesure.
Lors de la comparution des témoins précédents, j'avais recommandé de reporter complètement ce projet de loi jusqu'après l'assemblée générale annuelle de juillet, une fois que les dirigeants dûment élus de l'Assemblée pourront nous dire une fois pour toutes s'ils sont pour ou contre. Cela nous donnerait quelques indications.
Par respect pour les dirigeants légitimement élus, ne serait-ce pas la chose logique à faire?
º (1615)
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, à ma connaissance, en août 2002 encore le chef national était extrêmement favorable à ce travail et nous avons travaillé longtemps et fort en partenariat pour soumettre cette loi et ces organismes à votre examen. Certes, j'admets qu'il y a des détracteurs et c'est votre rôle de parlementaire de décider si cette position est légitime et vise la loi à l'étude et le travail de ces groupes de travail conjoints qui ont planché là-dessus pendant presque dix ans, ou s'il s'agit plutôt d'une opposition philosophique ou de nature politique, une divergence comme on en trouve dans toutes les organisations. J'ose dire que dans mon propre parti, et je suis sûr aussi dans le vôtre, nous avons des divergences d'opinion et nous avons des discussions et des débats constants à leur sujet.
Je suis convaincu que ce travail en est maintenant au stade où il faut avancer. Je ne doute pas que lorsque vous entendrez l'avis des dirigeants des premières nations eux-mêmes, comme ce matin, même si vous avez là deux grands chefs côte à côte d'avis contraire, il n'en demeure pas moins que beaucoup jugent que ce projet de loi optionnel fera une différence et les aidera à construire leur économie.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Je crois savoir que les Libéraux partageront les sept minutes entre Mme Neville et M. Binet.
Mme Anita Neville: Oui, monsieur le président, car nous n'avons pas souvent l'occasion de poser des questions.
Merci, monsieur le ministre. J'aimerais vous poser quelques questions sur les modalités concrètes de la création de ces institutions dont nous parlons.
Si j'ai bien saisi, le projet de loi prévoit que les nominations seront faites par décret et énonce les qualifications requises. J'aimerais en savoir un peu plus sur le nombre de sièges réservés aux Autochtones. Devrait-ce être une majorité? Y aura-t-il une représentation régionale? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le processus de nomination à ces divers organismes?
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, le projet de loi énonce des chiffres précis, mais je peux vous dire que mon espoir, que partagent mes collègues et les dirigeants de tout le pays, est que chaque membre de ces conseils sera autochtone, et c'est le but de la loi. Ce n'est pas expressément stipulé car, par exemple, au Conseil de gestion financière ou à l'Institut de la statistique, les dirigeants autochtones eux-mêmes ont fait valoir qu'il serait bon d'avoir quelques experts siégeant à ces conseils qu'il faudrait aller chercher dans le monde non autochtone. Je n'y vois pas de problème moi-même, mais l'objectif est d'avoir les personnes les plus qualifiées possible pour gérer les affaires de ces institutions, car ni le ministère, ni le ministre, ni le gouvernement que je représente ne visent ou ne souhaitent la moindre présence dans ces conseils. Ce sont là des institutions autochtones, placées sous l'autorité des premières nations et mon espoir est que les sièges seront occupés par des gens qualifiés.
J'espère, dans toute la mesure du possible et en concertation avec les dirigeants autochtones, proposer à la nomination par décret des listes de personnes entièrement composées d'Autochtones car c'est là l'objectif de tout ce travail.
[Français]
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Nault. Ça me fait vraiment plaisir de vous voir aujourd'hui. On ne parle pas aujourd'hui du projet de loi C-7, mais on a eu beaucoup de discussions à ce sujet.
Auparavant, j'étais maire et mes connaissances sur les communautés autochtones étaient très limitées. Je peux vous dire qu'elles sont meilleures depuis que je fais partie du comité.
Le débat sur le projet de loi C-7 m'a fait voir la situation différemment. J'ai visité beaucoup de communautés et j'ai rencontré ici beaucoup de leurs représentants. Il me semble que d'après les communautés autochtones, contrairement au projet de loi C-17, ce projet de loi est très positif.
Comme je peux le lire dans le rapport, c'est toujours une question de confiance. Je pourrais vous lire un paragraphe qui indique que lorsque les communautés autochtones ont senti que le gouvernement touchait au projet de loi, elles étaient prêtes à le rejeter. C'est une absence de confiance envers le gouvernement canadien. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, parce que selon les commentaires des chefs, c'est un projet de loi qui a été entièrement élaboré avec les communautés autochtones.
Le député de Saint-Hyacinthe--Bagot vous a posé une question, mais je n'ai pas entendu la réponse. Il nous a dit ce matin que vous n'aviez pas fait un pouce de travail dans le dossier du projet de loi C-19. Il y a présentement plusieurs projets de loi qui sont à l'étude. J'aimerais avoir votre réponse à ce qu'a dit le député de Saint-Hyacinthe--Bagot à cet égard.
º (1620)
[Traduction]
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, l'un des points de discussion les plus importants dont vous avez débattu dans ce comité au cours des derniers mois, et une question importante à laquelle les dirigeants autochtones doivent répondre... Il y a une grande divergence d'opinion avec ceux qui disent, à toutes fins pratiques--et ce n'est pas l'avis de tous, j'en suis sûr--que le gouvernement du Canada n'a pas à légiférer à l'égard des Autochtones, quel que soit le sujet.
Je pense, du moins à ce stade--et les gouvernements peuvent changer et les orientations changer--selon ma conception du processus, qu'il n'y aucune autre méthode, pour un projet de loi élaboré conjointement, que d'être soumis à la Chambre des communes par le ministre. Je présente donc le projet de loi C-19 pour le compte de ce partenariat et du travail qui a été effectué toutes ces dernières années. La Loi sur la gestion des terres des premières nations était de la même veine et elle a été présentée par des ministres. Pour ce qui est du projet de loi C-6, bien qu'il subsiste encore une controverse sur la question de savoir si nous avons fondamentalement modifié les principes concernés, j'estime que le projet de loi C-6 est l'aboutissement d'un long travail commun, de nous-mêmes et des dirigeants et collectivités autochtones. Notre objectif est donc d'introduire ce projet de loi pour le compte des premières nations.
Si le député me demande s'il y a beaucoup de méfiance ou quelle est la raison de la méfiance, la réponse est oui, il y en a. Dans le passé, des politiques ont été pratiquées qui permettaient de penser que les gouvernements de toutes couleurs--et en particulier ceux des deux partis qui ont gouverné ce pays pendant quelques 130 années--n'avaient pas toujours à coeur les objectifs et aspirations des premières nations.
Mais permettez-moi de dire, et je l'ai déjà dit à maintes reprises, que lorsque nous avons consacré les droits ancestraux dans notre Constitution, nous avons dépassé ce débat, je l'espère, et nous considérons que nous sommes avec les Autochtones dans un partenariat qu'il faut développer. Ce projet de loi, ces organismes, donneront aux gouvernements autochtones la force et les outils nécessaires pour réussir. C'est là l'objectif de toute cette entreprise. Nous ne sommes pas là, nous ne sommes pas intéressés à titre de gouvernement, à réduire les droits des Autochtones tels que nous les concevons.
Ce débat, bien sûr, en est un qui se poursuit et il y a quantité de divergences d'opinion, mais à mon sens, le projet de loi C-7, le projet de loi C-19, le projet de loi C-6... Cet automne nous introduirons un projet de loi sur lequel nous travaillons depuis pas mal de temps, en particulier dans les régions pétrolières de l'Alberta et de la Saskatchewan, qui donnera des pouvoirs en matière d'exploitation pétrolière dont les premières nations ont besoin. Aurons-nous le même débat alors? Oui, probablement, mais ce travail est néanmoins indispensable.
Je vais vous dire pourquoi. En matière d'exploitation pétrolière et gazière, l'Alberta--
Une voix: Et Samson?
M. Robert Nault: --a aménagé sa législation à 12 reprises pour faciliter les choses au secteur privé. Notre loi à nous n'a pas changé depuis les années 70. Je pense qu'il faut continuer à faire les aménagements nécessaires.
º (1625)
Le président: Merci.
Il nous reste du temps pour un tour de quatre minutes.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Chatters, mais je crois savoir, monsieur le ministre, que MAINC finance actuellement des projets d'infrastructure locale dans les réserves conjointement avec Infrastructure Canada et la première nation concernée. Si une première nation devient membre emprunteur de l'AFPN, aura-t-elle toujours accès à ces mécanismes de financement de l'infrastructure du ministère?
L'hon. Robert Nault: Oui, il n'y aura pas de différence. Il n'y aura aucun changement dans nos relations avec les premières nations pour ce qui est des capitaux que nous consacrons à l'infrastructure, les fonds d'immobilisations annuels que nous versons pour l'amélioration des collectivités. D'ailleurs, nous les avons augmentés considérablement, comme vous le savez. Donc, non, l'un n'est pas un substitut de l'autre.
M. Maurice Vellacott: Ils peuvent avoir les deux.
L'hon. Robert Nault: Oui.
M. Maurice Vellacott: Dans ce cas, pourquoi un membre emprunter de l'AFPN n'est-il pas autorisé à contracter des emprunts auprès de quelqu'un d'autre si le taux d'intérêt est meilleur? Si j'ai bien saisi, une fois qu'ils sont membres de l'AFPN, ils ne peuvent emprunter nulle part ailleurs.
M. Gordon Shanks: Je vais tenter de répondre à cela.
C'est parce que les premières nations veulent constituer un bassin d'une intégrité sans faille, afin que les marchés obligataires apprennent à connaître ces premières nations et puissent les traiter comme une collectivité. Si vous avez divers systèmes concurrents, cela engendre généralement la confusion sur le marché, alors que la tentative ici est de créer l'intégrité, la solidité et la stabilité.
Le président: Monsieur Chatters.
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci.
À quel risque financier total le gouvernement du Canada est-il exposé du fait de la création de ces organismes?
L'hon. Robert Nault: Aucun.
M. David Chatters: Aucun?
Bien. Est-il vrai que l'Administration financière des premières nations émet déjà des obligations, avant même l'adoption du projet de loi?
L'hon. Robert Nault: Non, ce n'est pas vrai.
M. David Chatters: Eh bien, nous avons ici une fiche de renseignements d'où il ressort que tel est le cas, que l'AFPN émet actuellement des obligations.
L'hon. Robert Nault: J'aimerais beaucoup voir cette fiche, monsieur le président. Je ne sais pas d'où le député la tire, mais il n'y a pas de pouvoir juridique de le faire à ce stade.
Le président: Monsieur Chatters, êtes-vous prêt à photocopier cette fiche et à la distribuer?
M. David Chatters: D'accord.
Le président: Nous vous en serions reconnaissants. Il vous reste une minute.
M. Maurice Vellacott: Je la reprends.
En fait, ce qui est indiqué ici, c'est que l'AFPN a constitué deux fonds de placement comptant en moyenne entre 6 millions et 8 millions de dollars de dépôt. Cet argent dort donc là.
Est-ce là ce dont nous parlons?
L'hon. Robert Nault: Je pense que vous parlez de fonds de placement. Ce sont là des instruments différents des mécanismes obligataires que nous utilisons aujourd'hui. Gordon en est directement responsable et donc si vous voulez--je sais que vous ne disposez que de peu de temps ici--il pourrait vous donner quelques renseignements.
M. Maurice Vellacott: Pourrait-il rapidement indiquer ce que l'on fait de ces deux fonds de placement de 6 millions à 8 millions de dollars?
M. Paul Salembier (avocat-conseil, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je peux peut-être expliquer. L'AFPN dont vous parlez est une société privée. Ce n'est pas l'entité légale créée par ce projet de loi.
M. Maurice Vellacott: Est-ce qu'elle va se transformer dans cet organisme, dans ce cas?
M. Paul Salembier: Non pas du fait de la loi. Il se peut que les premières nations qui participent actuellement aux fonds de placement de la société privée choisissent de faire affaires avec l'Administration financière des premières nations érigée par ce projet de loi, mais ce sera entièrement une affaire de leur choix.
M. Maurice Vellacott: Elle porte le même nom et sera tout simplement absorbée, si j'ai bien compris?
M. Paul Salembier: Eh bien, c'est un nom similaire mais non pas--
º (1630)
M. Maurice Vellacott: C'est le même nom.
M. Paul Salembier: Non, c'est l'Administration financière des premières nations Inc.. Le projet de loi crée l'Administration financière des premières nations.
Comme je l'ai dit, il se peut que les membres autochtones de la société privée fassent leurs placements et leurs emprunts par le biais de cette Administration, mais rien dans le projet de loi ne les y oblige.
Le président: Merci, monsieur Vellacott et monsieur Chatters.
Nous passons à Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le ministre. J'ai deux questions.
La première concerne le processus qui nous a mené là. J'ai ici un calendrier lapidaire.
Le coprésident du Comité des chefs sur les relations financières, Manny Jules, et vous-même avez publié une ébauche aux fins de consultation. Pour ce qui est du processus qui vous a conduit là, y avait-il des enjeux substantiels en souffrance qui auraient pu amener la décision ultérieure de cette assemblée spéciale de l'APN à voter contre le processus? Ou bien y avait-il d'autres considérations en jeu?
Voilà la première question. Je vais vous poser les deux, et vous pourrez répartir vous-même le temps entre les deux.
La deuxième est de savoir si cette législation est obligatoire ou optionnelle. Le préambule donne à penser qu'elle est optionnelle, mais on lit également à l'article 141 que les lois fiscales adoptées en conformité de l'article 83 de la Loi sur les Indiens seront réputées être des lois promulguées en vertu de l'article 4 ou 8. Dans ces conditions, est-ce que les premières nations qui perçoivent actuellement des taxes sont automatiquement couvertes dès lors qu'elles relèvent de l'article 83?
J'imagine que la même chose vaut pour les ressources naturelles. Est-ce que la loi est toujours optionnelle si une première nation décide de percevoir des revenus non fiscaux sur les ressources naturelles présentes dans la réserve?
Cela fait trois questions.
Le président: Vous avez deux minutes.
L'hon. Robert Nault: Je considère que c'est un projet de loi optionnel. Il contient des articles qui le spécifient, monsieur le président. Je vais vous en remettre le texte, car un certain nombre de personnes prétendent que ce n'est pas optionnel.
Parallèlement, il existe des éléments qui portent sur... par exemple, auparavant, pour percevoir des taxes foncières, les premières nations s'adressaient à la CCFI, et donc le côté perception de la taxe foncière est transféré d'un organisme existant au nouveau qui est créé. On peut donc considérer que la première nation qui veut percevoir des taxes foncières est tenue de passer par là, mais la perception au départ est optionnelle.
Par ailleurs, si j'ai bien compris votre question, sur le plan de la consultation, vous demandez ce qui a pu amener cette assemblée spéciale ou la confédération à s'opposer au projet de loi C-19 après l'avoir appuyé pendant plusieurs années. N'étant pas présent à l'assemblée et n'ayant pas parlé à toutes les personnes présentes, je ne peux que dire quelle est mon impression: il ne s'agit pas tant des aspects techniques du projet de loi mais d'un principe général. Autrement dit, certaines premières nations trouvent inacceptable la création d'institutions par le biais de pouvoirs délégués, si je puis exprimer les choses ainsi.
Donc, les consultations ont été poussées. Des groupes de travail techniques ont siégé pendant de nombreuses années. Les témoins que vous recevrez vous expliqueront en détail, j'espère, le travail effectué par les groupes de travail techniques, qui a résulté en la rédaction d'ébauches. Comme vous le savez, en tant que ministre de la Couronne, j'ai besoin d'une permission spéciale du Cabinet pour divulguer un avant-projet de loi. Mais c'est ce que nous avons fait. Nous avons présenté l'avant-projet de loi afin que les gens aient la possibilité de réfléchir avant l'introduction du projet de loi lui-même. C'était un engagement que nous avions pris envers les premières nations qui ont participé à ce travail.
Je ne puis répondre directement à la question de savoir pourquoi des gens ont changé d'avis. Il vaut mieux poser la question directement à ceux qui ont pris cette décision.
º (1635)
Le président: Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Monsieur Loubier, vous avez quatre minutes.
M. Yvan Loubier: J'ai quatre questions précises à poser au ministre et j'aimerais aussi avoir des réponses précises.
Premièrement, je voudrais savoir pourquoi vous n'avez pas inclus immédiatement dans votre projet de loi C-19 une clause de non-dérogation. Cela a été le cas dans le projet C-7 puisqu'il n'y avait pas de clause de non-dérogation. Seriez-vous prêt à proposer vous-même d'inclure une clause de non-dérogation?
Deuxièmement, est-ce qu'on serait prêt à inscrire dans le coeur de la loi, comme pour la clause de non-dérogation, que les institutions prévues dans le projet de loi C-19 sont des institutions conçues par les autochtones qui sont au service des premières nations, et uniquement au service des premières nations?
Je vais vous poser toutes mes questions et vous y répondrez par la suite.
[Traduction]
L'hon. Robert Nault: Désolé, pourriez-vous répéter la deuxième? Je n'ai pas bien saisi la question. J'essaie de comprendre.
[Français]
M. Yvan Loubier: En plus de la clause de non-dérogation dans le coeur de la loi, il y a l'inclusion d'une disposition stipulant que les institutions prévues dans le projet C-19 ont été créées par les premières nations et qu'elles sont au service des premières nations. Vous l'avez dit dans votre discours. Comment se fait-il qu'on n'en fasse pas mention dans le coeur de la loi?
Troisièmement, il s'agit aussi d'inscrire dans le coeur de la loi que c'est facultatif et optionnel. En d'autres termes, une première nation qui ne participerait pas aux institutions prévues dans le projet de loi C-19 ne serait pénalisée d'aucune façon. On ne la pénaliserait pas comme on a pénalisé l'Assemblée des premières nations à cause de son opposition au projet de loi C-7 et aux autres en ne lui octroyant pas immédiatement un budget.
Quatrièmement, est-ce que vous seriez prêt à inscrire dans le coeur de la loi que vous respectez l'indépendance de ces institutions et qu'il n'y a pas d'interférence entre les projets de loi C-19, C-7 et C-6, comme vous l'avez laissé entendre ces derniers temps? À mon avis, cela a créé beaucoup de frictions et de relations tendues avec les premières nations.
[Traduction]
L'hon. Robert Nault: Mon avis personnel a toujours été, et reste encore, que les droits ancestraux et issus de traité des Autochtones sont protégés par l'article 35. Les clauses de non-dérogation initialement étaient le fait de parlementaires individuels qui voulaient signifier que nous avons certaines obligations envers les Autochtones. La non-dérogation est devenue maintenant tout un sujet de débat à la Chambre des communes et, comme vous le savez, un comité sénatorial a été chargé d'examiner comment on pourrait aborder les intérêts d'une clause de non-dérogation en sus de la protection qui existe déjà dans l'article 35.
Mon opinion est que les types contradictoires de clauses de non-dérogation que l'on inscrit dans les lois risquent de semer la confusion dans l'esprit des juges plutôt que de les éclairer. Très franchement, ma préférence serait de n'avoir aucune clause de non-dérogation dans les projets de loi, si elles vont être telles que chaque texte de loi aura une clause de non-dérogation avec un libellé différent. Tant que l'on ne s'accordera pas, il vaut mieux se montrer prudent et se méfier des résultats de ces amendements apportés par les parlementaires en vue de protéger, avec les meilleures intentions du monde, les droits des Autochtones.
Je considère donc que le projet de loi C-19 n'a pas besoin d'une clause de non-dérogation et les arguments juridiques ne manquent pas à cet effet. D'autres ont préconisé des clauses de non-dérogation à la poursuite d'autres intérêts, notamment le désir d'accorder une protection supérieure à celle voulue par l'article 35 lorsqu'il a été inscrit dans la Constitution--c'est un argument que j'entends de temps à autre.
Donc, ce débat se déroule, vous devez le tenir et je suis en faveur de sa tenue.
Comme vous le savez, vous avez ajouté une clause de non-dérogation au projet de loi C-7. Nous n'allons pas chercher à l'enlever, tout simplement car je comprends le côté rassurant de son existence. Si vous me demandez mon avis, je ne pense pas qu'elle soit nécessaire, mais cela nous ramène encore une fois à la question évoquée par un autre député, celle de la confiance et de ce que la confiance suppose.
º (1640)
Le président: Merci, monsieur le ministre. On vous a posé cinq questions, avec deux minutes seulement pour répondre. Vous ne pourrez donner toutes les réponses. Le temps est écoulé.
Monsieur Tonks.
M. Alan Tonks: Merci, monsieur le président et merci à vous, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos collègues, d'être venus.
En ce qui concerne--
Le président: Monsieur Loubier, sur un rappel au Règlement.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, j'ai posé quatre questions. Le ministre n'a répondu qu'à une de mes questions. C'est au ministre de mieux gérer son temps. Je pose des questions et je veux avoir des réponses. Vous dites que parce que le ministre a parlé trop longtemps pour la première réponse, je n'ai pas le droit d'avoir de réponses à mes trois autres questions. Je trouve injuste ce mode de fonctionnement.
[Traduction]
Le président: Le temps est écoulé.
Monsieur Tonks.
M. Alan Tonks: Merci, monsieur le président.
Vous avez mentionné la Commission consultative de la fiscalité indienne. Dans le cas de celle-ci, est-ce que ceux visés par cette loi avaient le droit d'emprunter, ou bien pouvaient-ils simplement utiliser leur assiette fiscale foncière pour financer leur initiative?
L'hon. Robert Nault: Dans le cas de la CCFI, il n'y avait pas de mise en commun des ressources pour réduire le risque, soit le mécanisme formel dont nous parlons aujourd'hui. Mais rien n'empêchait personne d'emprunter.
Le problème qui se pose aujourd'hui c'est que, du fait que les institutions financières considèrent risqué de prêter à des premières nations, elles demandent des taux d'intérêt supérieurs. Le but de cet exercice est de réduire le risque de façon à ce que les premières nations puissent emprunter, sous forme d'obligations ou autres, au même taux d'intérêt que les autres gouvernements aujourd'hui.
M. Alan Tonks: À ce sujet--et cela est très instructif, monsieur le président--les municipalités ontariennes n'ont pas de fonds communs. Chacune est cotée par Standard & Poor's, ce qui défavorise les municipalités faiblement cotées. Vous dites que pour éviter cela et égaliser les conditions d'emprunt, vous utilisez la solidité du portefeuille global, du groupe global. Dans quelle mesure avez-vous le soutien des premières nations pour cette notion que je qualifierais d'extrêmement progressiste?
L'hon. Robert Nault: À ma connaissance, près de 200 premières nations sont extrêmement intéressées et attendent avec impatience la création de cet organisme pour pouvoir cerner l'économie possible.
Le Conseil de gestion financière des premières nations et sa structure indépendante... et l'objectif de ce conseil est de formuler des avis et de montrer les avantages de la mise en commun des risques. Ce n'est pas un concept inconnu. Il est déjà utilisé en Colombie-Britannique. Je crois savoir que depuis plusieurs années la Fédération des municipalités de Colombie-Britannique utilise le même instrument, ce qui permet aux petites municipalités d'obtenir la même cote que les plus grosses, même aussi grosses que Vancouver. Cela aide tout le collectif et nous espérons que le succès sera le même.
Dans vos délibérations vous recevrez des financiers, depuis les agences de placement d'obligations jusqu'aux banques, qui pourront vous expliquer en détail le succès de cette formule ailleurs et pourquoi elle devrait donner de bons résultats dans le cas des premières nations.
Le président: Merci.
Il nous reste 15 minutes. Cela ne laisse pas assez de temps pour un tour complet et dix minutes pour les remarques de clôture. Nous allons donc passer directement au mot de la fin.
L'hon. Robert Nault: Monsieur le président, auparavant, j'aimerais utiliser une partie de mon temps pour répondre aux questions de M. Loubier. Je ne voudrais pas lui donner l'impression que je faisais obstruction, car c'est un sujet beaucoup trop important pour cela.
Je tiens à ce qu'il sache que nous considérons tout à fait qu'il s'agit là d'une mesure optionnelle et nous allons vous donner quelques renseignements détaillés pour le prouver. Mais parallèlement, d'aucuns préconisent--et je veux le faire ressortir--que le comité ajoute en annexe une liste des premières nations couvertes et non couvertes.
Si vous faites cela, vous forcez le ministre à intervenir pour ajouter à la liste, à intervalles réguliers, les premières nations au fur et à mesure qu'elles en expriment le désir--ce qui représente une autre structure réglementaire qui n'est réellement pas nécessaire, et le ministre ne devrait pas avoir à se mêler de cela. Mais d'aucuns pensent, si l'on veut que cette mesure soit optionnelle, qu'il faudrait avoir une liste des premières nations couvertes et non couvertes. Je vous invite réellement à réfléchir aux conséquences de cela, car je ne suis pas en faveur. Ce n'est réellement pas nécessaire, car l'adhésion est optionnelle.
Je veux confirmer pour mes collègues ma conviction que ces institutions sont et seront indépendantes. Il n'est pas dans l'intention du gouvernement de continuer à agir comme en vertu de la Loi sur les Indiens, où la moindre chose qui se passait à ce palier de gouvernement devait être approuvée par le ministre et son administration.
Notre intention est de développer ces institutions et les gouvernements des premières nations à titre de palier de gouvernement au Canada. Cela ne peut être fait que de façon indépendante par les Autochtones, pour eux-mêmes, et l'objectif de cette législation comme de tout le restant du travail que nous faisons ici à la Chambre.
Je crois--et je terminerai là-dessus en répondant à une question de M. Loubier--que cette législation a été créée par les premières nations. Nous avons procédé à une profonde consultation au fil des ans. Nous avons collaboré très étroitement. Nous avons essayé d'écouter et de concrétiser ce que nous avons entendu, aussi technique que soient ces organismes et ces textes de loi.
Voilà donc qui répond, je l'espère, aux questions de mon collègue.
Enfin, je sais que vous ferez l'objet de pressions intenses de la part d'un certain nombre de dirigeants autochtones qui souhaitent ardemment que cette loi soit adoptée et promulguée dans les meilleurs délais. Je suis tout à fait en faveur de cela, car je pense que c'est un bon travail. C'est un travail qui ne devrait pas être pris dans l'engrenage des controverses politiques qui peuvent exister.
Oui, il y a eu beaucoup de controverses et de débats. Je suis très en faveur du débat qui se déroule dans le pays sur la gouvernance. Ce sont là des institutions qui vont renforcer et construire une économie, laquelle renforcera à son tour la gouvernance et oui, ce sont des organismes complémentaires en ce sens qui contribuent à développer les sociétés autochtones. Je n'ai aucune hésitation, pour ma part, à engager ce débat. Cela fait des années qu'il aurait dû se dérouler.
J'ai dit ceci à maintes personnes ces derniers jours et je vais donc terminer là-dessus. Lorsque je vais rentrer chez moi et visiter les localités cet été, je parlerai à chaque dirigeant que je rencontrerai et à toutes les collectivités de ce travail. Je parlerai de leurs craintes, de leur méfiance et de ce qu'ils pensent du travail que nous avons accompli jusqu'à présent et de notre orientation, et cela directement, carrément--je ne crains rien--et de l'objectif qui est le nôtre. En effet, lorsque je vois tous ces jeunes qui courent partout dans les collectivités, je veux être assuré que dans 20 ou 30 ans les choses ne seront plus les mêmes.
Je veux voir des réussites. Je veux voir de la bonne gouvernance. Je veux voir de bonnes institutions financières. Je veux voir un palier de gouvernement qui soit un partenaire avec les autres gouvernements de cette fédération. Voilà de quoi il s'agit et voilà le but; et ceux qui sont en désaccord avec moi devraient saisir l'occasion pour venir au comité exprimer leur opinion. Mais vous vouliez savoir quelle est la mienne et quelle est celle du gouvernement, et je vous en fais part aujourd'hui.
Merci beaucoup.
º (1645)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'avoir répondu aussi directement aux questions qui vous ont été posées. C'est très utile.
Nous allons mettre un terme à cette partie de la réunion et à 17 h nous aurons une réunion à huis clos pour décider de la manière dont le comité choisira de faire ce travail, et je suis impatient de collaborer avec tous.
Merci beaucoup.