AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 25 février 2003
¾ | 0810 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Mme Carole Sanderson (sénateur, Commission des femmes du Grand conseil de Prince Albert) |
¾ | 0815 |
¾ | 0820 |
¾ | 0825 |
Le président |
Mme Carole Sanderson |
¾ | 0830 |
Le président |
Mme Carole Sanderson |
Le président |
Mme Carole Sanderson |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
Le président |
M. Alfred Billette (Nation dénée de Buffalo River) |
¾ | 0855 |
¿ | 0900 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Le président |
Mme Celine Catarat (Nation dénée de Buffalo River) |
Le président |
Mme Celine Catarat |
¿ | 0905 |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Allan Adam (interprète déné, Nation dénée de Buffalo River) |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Mme Celine Catarat |
M. Maurice Vellacott |
Mme Celine Catarat |
M. Maurice Vellacott |
M. Alfred Billette |
¿ | 0915 |
M. Maurice Vellacott |
M. Alfred Billette |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Alfred Billette |
M. Pat Martin |
M. Alfred Billette |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Celine Catarat |
Le président |
Le chef Calvin Sanderson (Bande de la nation crie de Chakastaypasin) |
Le président |
M. Sol Sanderson (Bande de la nation crie de Chakastaypasin) |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
Le président |
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.) |
¿ | 0945 |
M. Sol Sanderson |
M. Rick Laliberte |
Le président |
M. Sol Sanderson |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Sol Sanderson |
Le président |
M. Sol Sanderson |
Le président |
Le chef Marcel Head (Nation crie de Shoal Lake) |
¿ | 0955 |
À | 1000 |
À | 1005 |
À | 1010 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Marcel Head |
À | 1015 |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Marcel Head |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Marcel Head |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Marcel Head |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Le chef Marcel Head |
À | 1020 |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Le chef Marcel Head |
Le président |
M. Rick Laliberte |
Le chef Marcel Head |
Le président |
À | 1025 |
Le chef Walter Constant (Nation crie de James Smith) |
À | 1030 |
À | 1035 |
Le président |
M. Isaac Daniels (ancien, Nation crie de James Smith) |
À | 1040 |
À | 1045 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Walter Constant |
À | 1050 |
Le président |
M. Isaac Daniels |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le président |
M. Charles Hubbard |
À | 1055 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Isaac Daniels |
Le président |
M. Isaac Daniels |
Le président |
M. Isaac Daniels |
Le président |
M. Isaac Daniels |
Le président |
Á | 1100 |
M. Isaac Daniels |
Le président |
M. Isaac Daniels |
Le président |
Le chef Earl Ermine (Première nation de Sturgeon Lake) |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Á | 1120 |
Le chef Earl Ermine |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Earl Ermine |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Earl Ermine |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le chef Earl Ermine |
Á | 1125 |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Pat Martin |
Le chef Earl Ermine |
M. Pat Martin |
Le chef Earl Ermine |
M. Pat Martin |
Á | 1130 |
Le président |
Le chef Earl Ermine |
Le président |
Mme Florence McLeod (À titre individuel) |
Le président |
Á | 1135 |
Mme Florence McLeod |
Le président |
Mme Florence McLeod |
Le président |
Mme Celina Ballentine (À titre individuel) |
Le président |
M. Marco Thériault (À titre individuel) |
Á | 1140 |
Le président |
M. Marco Thériault |
Le président |
M. Wesley Daniels (À titre individuel) |
Á | 1145 |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 25 février 2003
[Enregistrement électronique]
¾ (0810)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Je déclare ouverte la séance qui nous permettra de reprendre les audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Nous sommes heureux d'accueillir ce matin, de la Commission des femmes du Grand conseil de Prince Albert, Mme Shirley Henderson, la présidente, et Mme Carole Sanderson. Vous nous présenterez votre autre collègue au moment de présenter votre exposé.
Nous aurons 20 minutes à passer ensemble. Nous vous invitons à présenter d'abord un exposé, ensuite, si vous nous donnez le temps, nous allons vous poser des questions.
Je vous prie de commencer.
Mme Carole Sanderson (sénateur, Commission des femmes du Grand conseil de Prince Albert):
[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle]
Nos nations vous transmettent leurs salutations. Merci d'être venus dans le nord de la Saskatchewan pour nous entendre.
Permettez-moi de dire au départ que je ne saurais, d'aucune façon que ce soit, soutenir ou appuyer le projet de loi C-7. C'est avec une grande ambivalence que je me trouve ici à la table. Je viens ici non pas parce que je souhaitais le faire, mais plutôt parce que j'ai des petits-enfants et que je souhaite assurer leur avenir.
J'arrive ici avec un sentiment de frustration, de désespoir et de colère. De même, c'est par respect pour vous que je vais parler avec candeur et dire les choses directement.
Pourquoi suis-je en colère?
Je suis tout à fait scandalisée que mon chef national, mon chef régional et mon chef du conseil de bande de Prince Albert se soient présentés ici pour discuter de questions qui causent de grands soucis. Tout comme vous, ils ont dû mettre de côté les affaires de la vie courante pour nous servir, en tant que citoyens des Premières nations.
Puis-je ajouter que nos dirigeants, qui sont compétents et élus en bonne et due forme, devraient être en train de prendre part à des séances bilatérales qui, visant à en arriver à une compréhension commune de nos problèmes, interpellent nos partenaires signataires de traités, de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, mais ils n'y pouvaient grand-chose, car ils doivent nous représenter à toutes les tribunes.
Je dis «vous» parce que vous représentez le Parlement. Le Parlement a reconnu nos droits inhérents et nos droits issus de traités dans la loi suprême du pays, la Loi constitutionnelle de 1982.
Qu'est-ce que je fais à cette pseudo-table?
Je ne suis pas venue ici pour authentifier, pour valider ou pour légitimer ce processus. Je suis venu ici muni de l'expérience d'une vie bien remplie, ayant travaillé dans le domaine de l'éducation depuis plus de 30 ans, pour que nous puissions être compétents pour traiter de nos propres affaires, nous gouverner nous-mêmes. Cela va tout à fait à l'encontre du projet de loi C-7.
Je sais que chacun d'entre vous est animé de bonnes intentions. Je vous en remercie, mais les bonnes intentions ne font rien pour assurer l'avenir de mes petits-enfants et des enfants de demain—vos petits-enfants aussi.
¾ (0815)
Les mesures paternalistes ne feront pas l'affaire non plus. Le statu quo est inacceptable. Un changement systémique est souhaitable; nous ne pouvons demeurer stationnaires. Cependant, le changement ne saurait se faire de manière unilatérale. De même, l'occasion d'agir que procure l'exercice qui nous occupe est trop étroite et trop sélective.
Mesdames et messieurs, vous avez besoin de rallier à votre cause mes dirigeants. Sinon, personne ne sentira le besoin de s'investir dans ce changement de paradigme crucial et capital. Les nations aspirent toutes à un bon gouvernement. Les Premières nations ne sont pas une exception à cette règle. Au moment de conclure nos traités, nous nous sommes entendus avec nos partenaires sur l'adoption des principes inhérents à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement. Cela vient du traité 6. Nous nous sommes entendus avec nos partenaires, c'est une entente entre nos démocraties respectives, selon laquelle nous allions travailler avec vous, les nouveaux arrivants.
Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps à ma disposition , et je sais aussi que j'arrive de loin. Aujourd'hui, je tiens tout simplement à traiter très rapidement de ce qui s'est passé il y a 33 ans en rapport avec le sujet qui est à l'ordre du jour aujourd'hui.
En 1969, j'ai été témoin du lancement du livre blanc de 1969, de la politique qui allait anéantir notre statut spécial et unique au Canada. Ce livre comportait quatre grands principes.
Le premier consistait à mettre fin une fois pour toutes à l'ensemble des traités et des droits issus des traités, que nous considérons comme des ententes sacrées, exécutoires, vivantes et durables. Le Canada a conclu avec les États-Unis un traité qui s'appelle l'Accord de libre-échange. Il ne manquera pas à de tels traités; sinon, il en subirait les conséquences. Par contre, c'est sans peine qu'il a violé maintes et maintes fois nos traités.
Le deuxième consistait à mettre fin à la responsabilité fiduciaire au moyen d'un transfert aux provinces—je parle ici de la mesure de 1969. Un autre consistait à éliminer la Loi sur les Indiens et à abolir progressivement les réserves indiennes, pour en réduire certaines à l'état de municipalité.
Qu'est-ce que cela veut dire, de mon point de vue, alors? C'est une tentative globale d'assimilation qui vise à faire de moi une chose que je ne saurais ni ne voudrais jamais être, soit un Européen ayant des valeurs étrangères, une culture étrangère.
À mes yeux, il s'est agi d'un génocide culturel sous sa forme la plus flagrante. L'autre terme qui m'est venu à l'esprit est trahison—trahison de la part du Canada, tromperie de la part de l'organisme qui devait protéger mes droits collectifs.
¾ (0820)
Quels étaient les acteurs de ce drame? Pensez-y. Qui a joué un rôle? Feu le Premier ministre Trudeau, pour un. Et qui était son bras droit? C'était le ministre des Affaires indiennes, notre Premier ministre actuel.
Il y a eu d'autres choses qui se sont produites dans l'intervalle, avant que je ne commence à établir des comparaisons. Puis il y a eu, en 1980, la grande manoeuvre du «précipice à bisons» sous la direction d'Erik Neilsen. C'état exactement cela: un précipice à bisons; vous faites le saut, puis vous êtes mort. Je parle de mes droits et des droits de mes enfants.
En 1981, il y a eu des discussions officielles visant à rapatrier la Constitution. Encore une fois, qui était l'homme de la situation? C'était Chrétien, qui est maintenant notre Premier ministre.
Mesdames et messieurs, je ne dis pas tout cela pour blesser les gens. Je fais simplement part de mon expérience.
Le juriste britannique lord Denning, à l'époque, a dit au Canada qu'il avait l'obligation morale de reconnaître les peuples autochtones du Canada.
En 1982, l'Assemblée internationale des Premières nations a eu lieu en Saskatchewan. Elle visait à porter notre débat sur la scène mondiale, avant le rapatriement.
En 1982, nos dirigeants au Canada ont signé une déclaration des Premières nations.
En 1984, nous avons eu droit au rapport Penner, rapport parlementaire sur l'autonomie gouvernementale, reconnaissant que les Premières nations disposent du pouvoir et de la compétence appropriée à un ordre de gouvernement distinct. Qu'en est-il? Ce rapport ramasse de la poussière sur une tablette.
Je laisserai tomber les autres exemples.
En 1981-1982, nous avons été témoins de la mort du lac Meech, à Charlottetown. Autres cas survenus depuis quelques années: les décisions récentes de la Cour suprême, qui appuient nos droits inhérents et nos droits issus de traités: l'affaire Corbiere, l'affaire Marshall, Delgamuukw, Benoit, Guerin, Sparrow. Ce sont des arrêts de la Cour suprême. Ce sont vos lois; ce sont mes lois.
En 1997, il y a eu Rassembler nos forces.
À mon avis, il importe que vous voyiez l'évolution de la situation au fil des ans. La tendance consiste à réduire les droits inhérents et issus de traités des Premières nations de manière calculée et méthodique. La Loi sur la gouvernance des Premières nations est présentée de manière très professionnelle, avec des techniques dernier cri et toute une série de documents tape-à-l'oeil et léchés. La campagne publique est dynamique et séduisante à la fois, et elle est adaptée aux membres du grand public et à nos détracteurs.
Nous avons montré du doigt le ministre Nault, nous l'avons démonisé. Si vous me demandez mon avis à moi, l'attaque devrait être dirigée vers le Cabinet, contre le Premier ministre, et aussi l'opposition officielle, dont le silence se fait assourdissant.
¾ (0825)
Le programme d'action du ministre Nault a commencé en 1969. Ce sera l'héritage de notre actuel Premier ministre.
J'ai réfléchi très attentivement aux révisions proposées et choisies. Je me débats personnellement avec certaines questions: s'agit-il d'autodétermination ou d'autodestruction? Pourquoi ce projet de loi ne découle-t-il pas de la Loi constitutionnelle de 1982? Pourquoi les positions des chefs ne sont-elles pas intégrées à cette nouvelle réforme législative? Comment l'État fera-t-il pour maintenir l'ordre? Est-ce la solution finale conçue pour régler le problème indien?
Très rapidement, je vais maintenant faire une comparaison des événements de 1969, tels que je les vois. Cela provient de mon éducation indienne, cela passe par ma perspective indienne.
Le président: Je ne vais vous interrompre que pour un court instant. Il reste trois minutes; nous n'aurons donc pas le temps de poser des questions, et nous voulons nous en tenir à l'horaire. Le temps vous est tout de même accordé. Vous pouvez continuer.
Mme Carole Sanderson: Je vais prendre mon temps. J'ai besoin de dire ce que j'ai besoin de dire.
Ce dont je suis témoin depuis 1969, c'est une tentative faite pour modifier notre statut juridique pour que nous en arrivions à celui d'une personne juridique, ce qui ouvrirait la porte au morcellement de notre territoire. Or, vous savez que nous n'envisageons pas le territoire de la même façon que vous. Nous détenons notre territoire collectivement. Il n'est pas à vendre. On ne vend pas sa mère. Nous considérons le territoire comme la mère qui nous donne tout, la nourriture et tout le reste, les animaux et ainsi de suite.
Deuxième chose que je vois, c'est la tentative faite pour nous transformer en municipalités, ce qui découle du pouvoir des gouvernements externes; par conséquent, nous aurions à renoncer à notre statut de nation, à notre souveraineté, à notre relation bilatérale avec la Couronne. D'autres faits en découlent : notre terre est donnée en garantie aux banques et aux institutions; la délégation des pouvoirs provenant d'un autre gouvernement est acceptée; l'imputabilité, la transparence et l'inclusivité sont adoptées—et je n'ai absolument rien à redire à ce principe, mais nous pouvons y arriver sans réforme législative. Nous pouvons le faire dès aujourd'hui.
L'obligation de rendre compte est devenue un terme éculé. Dans les trois ordres de gouvernement, elle joue dans les deux sens. La province a reçu en notre nom des paiements de transfert; elle n'a jamais rendu de comptes à mes dirigeants. Elle a construit en dehors de la réserve des installations avec des gymnases ultraperfectionnés, avec de beaux bâtiments, sans consulter mes dirigeants. L'obligation de rendre comptes joue donc dans les deux sens.
Le vérificateur général a critiqué vertement le ministère des Affaires indiennes pour son inaptitude à rendre compte des fonds engagés. Cela me fait rire parce que...
¾ (0830)
Le président: Je dois vous demander de conclure tout de suite.
Mme Carole Sanderson: la gestion devrait être confiée à une tierce partie.
Le président: Votre temps est écoulé. Nous avons terminé ce...
Mme Carole Sanderson: Pour terminer, si j'ai choqué quiconque, je m'en excuse, car ce n'était pas là mon but. Je suis prête à répondre à toute question.
Le président: Il n'y a pas de temps pour que nous puissions poser des questions. Nous avons apprécié cette leçon d'histoire de 10 minutes. C'était très instructif, et cela nous sera utile. Merci beaucoup.
J'invite maintenant à la table le chef Victor Echodh, de la bande indienne de Black Lake.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je ne suis pas sûr que le prochain témoin soit présent, et il y a eu certaines annulations. Je me demande si Mme Sanderson pourrait...
Le président: Non, vous connaissez les règles. Vous connaissez la réponse à cette question. Nous ne pouvons arriver en Saskatchewan, puis modifier les règles. Nous les avons appliquées de manière rigide dans deux provinces. Je ne veux pas qu'on m'accuse, à la fin, d'avoir inventé les règles au fur et à mesure. Vous êtes au courant. Vous travaillez avec nous, et la question a déjà été posée auparavant.
M. Pat Martin: Eh bien, monsieur le président, la seule raison pour laquelle je voulais dire cela, c'est que...
Le président: Y a-t-il une autre personne présente dont la comparution est prévue aujourd'hui?
Nous allons suspendre les travaux jusqu'à 9 heures.
¾ (0833)
¾ (0850)
Le président: Reprenons la séance.
Nous sommes heureux d'accueillir, de la nation Dene de Buffalo River, Celine Catarat, Alfred Billette et un interprète, Allan Adam.
Nous disposons de 30 minutes. Je vous invite à présenter votre exposé, sous la forme que vous allez bien vouloir choisir, et, si vous nous en donnez le temps, nous allons inviter nos membres à vous poser des questions.
Je vous prie de commencer.
M. Alfred Billette (Nation dénée de Buffalo River): Je suis heureux de me trouver parmi vous ce matin—tous les gens, les Dénés aussi bien que les autres— afin de discuter de questions importantes. C'est pourquoi je me trouve ici aujourd'hui.
Depuis le moment du premier contact, pour ce qui est des traités et de tout cela, les différents textes de loi qui nous ont été imposés ont nui énormément à notre peuple, et cela figure parmi les choses qui, essentiellement, nous ont conduits à la situation que nous connaissons aujourd'hui—un texte de loi qui contrôle notre mode de vie depuis le moment de notre naissance jusqu'au jour de notre mort.
Il y a un bon exemple que j'aimerais citer maintenant: c'est celui des réserves. Les réserves, essentiellement, sont des terres que l'on a mises de côté pour que nous puissions y vivre, et voilà.
Un bon exemple, dans le cas des réserves, c'est celui de nos maisons. Nos maisons nous sont fournies, mais nous n'avons aucune prise sur ce que nous pouvons en faire, pour la question de la propriété et ainsi de suite. Les choses qui sont censées être là pour nous aider ne le sont pas, en raison de la politique gouvernementale et des lois et ainsi de suite, sous le régime de la Loi sur les Indiens.
La proposition que nous avons devant les yeux maintenant, pour ce qui est des travaux du comité permanent, représente aussi une chose qu'il est difficile pour nous d'observer.
Notre idée, c'est d'étudier des facteurs pour ce qui touche la manière dont nous pourrions disposer librement de notre vie et de l'avenir, à partir d'aujourd'hui.
Nous avons conclu un traité avec la Couronne fédérale. Parmi les personnes qui ont signé le traité en notre nom, il y avait un de mes arrière-grands-pères. Je suis un descendant direct de cette personne. Son rêve était d'établir une zone où nous pourrions vivre librement, comme nous avions toujours vécu, sur nos terres. Et c'est ce que j'aimerais voir, par l'établissement de constitutions, par l'établissement de mécanismes appropriés, pour s'assurer que là où il est question de contrôler sa vie et ainsi de suite, que ce soit fait par nous et pour nous.
J'aimerais évoquer maintenant un bon exemple des effets qu'ont les lois et les politiques du gouvernement même sur ma famille. Quand mon père a adhéré au traité, il a été reconnu comme Indien visé par un traité, comme une personne ayant un statut juridique, des droits et ainsi de suite.
¾ (0855)
Par ailleurs, ses frères et soeurs, certains de ses frères et certaines de ses soeurs n'ont pas été conduits sur cette voie; par conséquent, ils ont été reconnus, et leurs descendants sont maintenant reconnus, comme des Métis et des Indiens non inscrits seulement. Alors, la loi en elle-même, nos politiques, notre réglementation, enfin, ont servi à diviser notre famille aussi, quant à la manière dont nous sommes classés en tant que personnes.
L'entente devait donc durer aussi longtemps que brillerait le soleil, que couleraient les rivières, et ainsi de suite. Mais, même dans ma famille, je vois toutes ces choses qui essentiellement érodent les traités, selon l'interprétation que j'ai des traités. Par exemple, je viens de parler du fait que ma famille a été divisée en raison de la manière dont les membres ont été inscrits sur une liste—d'un côté les Indiens visés par un traité, de l'autre, les autres.
Les descendants de ces personnes en ressentent aussi les effets. Leur désir, leur volonté, c'est d'être ce qu'ils auraient dû être, c'est-à-dire des Indiens inscrits. Ils souhaiteraient voir une loi qui protégerait à nouveau leurs droits, tant que le soleil brillera, que les rivières couleront et que l'herbe poussera, par exemple.
J'ai une question au sujet du partage de nos ressources et ainsi de suite. La composante ressources, si je comprends, n'a pas été abolie de quelque façon. La mise en commun des ressources, en ce qui concerne le partage, était un élément important du traité, et cela reposait sur le genre de chose que nos gens faisaient, au départ, en adhérant au traité, mais, maintenant, nous constatons que ceux qui exploitent les ressources, les entreprises forestières et ainsi de suite, viennent sur notre territoire traditionnel et prennent toutes les ressources, prennent tout, et procurent de nombreux avantages à d'autres personnes, des personnes de l'extérieur et ainsi de suite, et prennent toutes ces ressources sur notre territoire traditionnel. Et nous, les personnes les plus touchées de la zone en question, ne tirons pas d'une telle entente les avantages que nous aurions dû en tirer, comme c'est le cas du traité maintenant.
Même le projet de loi C-31 nous affecte donc aujourd'hui. Comment en est-on venu au fait que le projet de loi C-31 nous soit imposé et quelle incidence est-ce que cela a sur nous—voilà une question que j'aimerais soulever en ce moment.
Prenons même, par exemple, le cas de la chasse. Certains de nos membres ont été accusés d'avoir chassé illégalement dans un secteur de bombardement, tout juste à l'ouest de notre communauté. Cette affaire traîne depuis cinq ans. Combien de temps nous faudra-t-il encore faire valoir toujours nos droits?
Je constate quotidiennement la désintégration de nos traités, par la classification des différents groupes de personnes, les Métis, les Indiens inscrits et les Indiens non inscrits, et ainsi de suite. Essentiellement, c'est la désintégration de nos traités.
¿ (0900)
Encore une fois, ce que je veux dire, c'est que l'autodétermination ne saurait être faite que par les gens et pour les gens. Je ne parle pas contre le processus qui a lieu ici aujourd'hui, celui du comité permanent. Je crois que, s'il faut faire ce genre de choses pour nos gens, à savoir disposer nous-mêmes librement de notre avenir et ainsi de suite, il faut que ce soit l'affaire de nos gens, des aînés, des dirigeants, de toutes les personnes touchées qui souhaiteraient que ces questions avancent, pour que nous n'en n'arrivions pas à des impasses et à des modifications touchant même nos avantages, les droits que nous avons grâce aux traités, par exemple les prestations de santé et autres prestations, les verres correcteurs et ainsi de suite. Une fois qu'on atteint un certain âge et qu'on devient une personne âgée, qu'on a plus de 65 ans, on doit commencer à payer à nouveau ses articles personnels, et nous voyons que c'est une érosion du traité. Par exemple, j'ai payé 300 $ pour mes verres. C'est le genre de chose qui devait faire partie du traité, être un avantage tiré du traité.
Encore une fois, je serai bref. J'espère que l'information dont je vous ai fait part est quelque chose que vous saurez absorber. J'espère que vous allez pouvoir en venir à une décision quelconque sur certains des points que j'ai fait valoir, et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous ce matin.
Le président: Merci beaucoup. C'était très intéressant, et il est bon pour nous d'avoir l'interprétation des propos que vous tenez dans votre langue, la langue de votre Première nation. Nous sommes habitués aux autres langues, mais c'était une bonne expérience. Votre information venait du coeur, et elle sera utile.
Pour un segment de quatre minutes, monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Mme Catarat va donc y aller plus tard, ou quel est le scénario?
Le président: Est-ce Mme Catarat doit présenter aussi un exposé?
Mme Celine Catarat (Nation dénée de Buffalo River): Oui.
Le président: Je vois. À vous la parole, donc. Je m'excuse.
Merci, monsieur Vellacott.
Mme Celine Catarat: Bonjour, tout le monde. Hier soir, en arrivant, nous nous sommes enregistrés au PA Inn. Nous étions là pour assister à une grande réunion, et nous avons voulu vérifier les dispositions prises pour nous, mais il n'y avait rien ni pour la chambre ni pour nos dépenses. C'est quelque peu consternant, mais ce n'est rien de nouveau pour nous. Nous avons connu ce problème et cette situation par le passé.
Pour ce qui est de la bande de Buffalo River, nous en sommes en ce moment à élaborer une constitution pour notre communauté, et il y a toute une planification et toutes sortes de choses qui se passent en ce moment. Par exemple, il est question d'aménager notre propre système, qui nous permettrait de prendre les choses en main nous-mêmes. Souvent, par le passé, nous avons éprouvé des problèmes en ce qui concerne la relation de travail entre les Premières nations et le gouvernement du pays.
Je crois que mon exposé portera sur les bonnes relations de travail entre les gens des Premières nations et le gouvernement du Canada. Souvent, il y a eu des choix mal avisés et des problèmes, et des gens ont été montrés du doigt: voilà, c'est de sa faute. Nous ne comprenions pas. Nous avons notre propre culture et nous parlons notre propre langue. Je crois qu'il est temps pour les gens de commencer à travailler ensemble, les gens des Premières nations et le gouvernement. Si nous faisons connaître nos préoccupations et que nous faisons vraiment connaissance, je crois qu'il y aura un bon comité pour le travail entre les Premières nations et le gouvernement.
Jusqu'à maintenant, aujourd'hui, nous essayons d'agir en comprenant ce que nous voulons faire pour notre collectivité et pour les gens des Premières nations. Les dirigeants au niveau communautaire comprendraient mieux la situation si nous avions des réunions et si nous établissions des lois, ou enfin ce qu'il faut, pour notre collectivité.
Par le passé, le gouvernement semblait établir de son côté des lois que nous avions de la difficulté à comprendre, puis les Premières nations essayaient de demander certaines choses, ensuite, comme nous ne travaillons pas dans la même ambiance et qu'il n'y avait pas de réunion, les gens finissaient par avoir des prises de bec et se montraient du doigt. Maintenant, le moment est venu pour nous de travailler ensemble et d'accomplir des choses ensemble.
Du point de vue des gens des Premières nations, je crois qu'il faut qu'il y ait cette confiance envers le gouvernement extérieur. Les ressources extérieures sont importantes pour nous aussi, car, parfois, au niveau de la bande, nos dirigeants ont besoin de ces conseils et nos dirigeants ont besoin de comprendre qu'il faut qu'il y ait cette relation de travail. Je crois que le fiduciaire chargé de la gestion de nos finances et de l'administration de la bande est très important, parce que les sommes d'argent qui nous arrivent sont bel et bien prévues pour notre éducation, pour notre santé et pour nos systèmes de gouvernement au niveau de la bande.
Alors, oui, nous ne comprenons pas la Loi sur la gouvernance des Premières nations. C'est nouveau, on nous présente le texte, et étudions les dispositions ensemble et ayons une bonne relation de travail.
¿ (0905)
Je sais qu'il est arrivé beaucoup de choses dans le passé. Nous mettons sur le dos des ressources extérieures beaucoup des choses qui sont arrivées au sein de nos propres communautés. Nous disons toujours cela, mais le moment est venu pour nous de nous accepter les uns les autres et de vivre ensemble selon un mode de vie sain.
Je crois que nous avons accepté beaucoup d'autres façons de faire, puisque nous avons accepté l'éducation et d'autres choses comme la langue. Nous parlons anglais maintenant. Je parle aussi ma langue maternelle, et je crois que je n'abandonnerai jamais cela. Mais je sais aussi que vous avez, vous aussi, de belles façons de faire. Nous vivons dans la nature, et les gens vivent toujours des fruits de la terre. Nous aimerions que les gens comprennent que c'est notre façon à nous et nous acceptent comme nous sommes. C'est une des choses qui nous sont importantes. La guérison et le mieux-être sont également un élément important de notre communauté de Buffalo River.
C'état mon exposé ce matin, à l'intention du comité permanent. Il est grand temps que nous commencions à travailler ensemble, à nous comprendre les uns les autres, à voir ce qui motive l'autre, et à établir un mode de vie sain pour chacun.
Merci.
¿ (0910)
Le président: Merci beaucoup. Est-ce la fin de votre exposé?
M. Allan Adam (interprète déné, Nation dénée de Buffalo River): Oui. C'était l'exposé. Avez-vous des questions?
Le président: Nous allons commencer les questions. Merci beaucoup de votre excellent exposé.
Nous disposons de dix minutes. Chers collègues, voulez-vous un tour de table rapide et complet, ou encore souhaitez-vous que deux partis aient cinq minutes chacun?
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Cela me convient. Je ne veux pas exclure l'autre...
Le président: Je revaudrai cela aux libéraux la prochaine fois.
Monsieur Vellacott, pour les cinq prochaines minutes.
M. Maurice Vellacott: Celine, votre bande a-t-elle eu l'occasion de lire, d'étudier les bons ou les mauvais aspects du projet de loi C-7, et d'en discuter?
Mme Celine Catarat: Nous avons un comité CDC en place en ce moment même. Nous avons vu certains aspects ici. Nous sommes en train d'en faire la lecture en ce moment même, en tant que comité. Nous avons eu certaines discussions. Cela pourrait être bon aussi, mais je crois que le comité souhaiterait que nous l'étudiions ensemble.
M. Maurice Vellacott: D'accord. Vous avez encore à tirer les conclusions voulues pour établir votre position, mais vous n'avez pas encore décidé tout à fait ce qu'il en est. Il y a peut-être certains aspects qui sont bons et d'autres qui sont pour vous une grande source de préoccupations. Ai-je bien compris: vous n'êtes pas encore sûre?
Mme Celine Catarat: En ce moment, nous sommes seulement en train de le lire. Nous ne l'acceptons pas, nous ne le rejetons pas.
M. Maurice Vellacott: D'accord. Permettez-moi donc de vous poser des questions sur ce qui, dans votre communauté, correspond à un code de bande pour ce qui touche les dirigeants. Vous avez mentionné la nécessité d'avoir des fonds pour l'éducation et les diverses choses dont la bande a besoin.
Disposez-vous d'un code écrit qui régit le choix des dirigeants de la bande, la gestion des finances et l'obligation de rendre compte, et le gouvernement de la bande? Avez-vous mis certaines de ces choses par écrit, Alfred et Celine?
M. Alfred Billette: Le gros problème, c'est que le processus nous est imposé. C'est notre principal grief.
De notre point de vue, si les aînés, les dirigeants et ainsi de suite vont mettre au point les instruments législatifs voulus pour travailler au nom de leur peuple, ils doivent le faire eux-mêmes.
Notre point principal, c'est que nous ne voulons pas que les choses nous soient imposées, mais si c'est vers cela qu'on se dirige, nous souhaitons mettre les choses au point nous-mêmes, pour notre peuple.
¿ (0915)
M. Maurice Vellacott: Plusieurs groupes ont affirmé que s'il y avait un article non dérogatoire qui ferait que le projet de loi n'empiète pas sur les traités ou n'a aucune incidence négative, ce serait rassurant. Cela permettrait d'atténuer certaines des préoccupations soulevées.
Êtes-vous d'accord avec cela? Est-ce qu'une disposition de non-dérogation serait importante à vos yeux?
M. Alfred Billette: Encore une fois, il faut que ce soit une chose que nous mettons au point et sur laquelle nous nous entendons dans notre langue, un instrument de travail pour notre peuple. Il faut que ce soit élaboré depuis la base, à partir des gens eux-mêmes, avec le concours des gens. C'est le point que je souhaitais réitérer.
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Merci d'avoir présenté un exposé très intéressant. C'était très bien de vous entendre vous exprimer dans votre langue maternelle. C'était très intéressant pour nous tous.
Il s'agit ici des modifications les plus importantes que l'on ait apportées depuis une génération à la Loi sur les Indiens. Selon l'horaire du gouvernement, le projet de loi devrait être chose faite en juin, cette année. Ce sera alors une loi.
Croyez-vous que cela donnera aux gens suffisamment de temps pour l'évaluer, l'examiner, l'étudier et formuler des recommandations? Croyez-vous que le gouvernement devrait faire un pas en arrière, ralentir, et faire cela convenablement?
M. Alfred Billette: Encore une fois, nous ne souhaitons pas qu'un projet de loi qui nous est imposé, quel qu'il soit, ne vienne nous limiter encore. Si les gens ont à participer de quelle que manière que ce soit à une démarche comme celle-ci, ce doit être à titre d'égal. Leur information dérivée doit être présentée comme étant égale, rien de moins.
M. Pat Martin: Ma deuxième question porte sur les mécanismes de financement en tant que tels. Vous avez signalé qu'aucune somme ne vous a été versée pour que vous puissiez venir présenter cet exposé, et que vous n'aviez accès à aucuns fonds pour procéder à une analyse approfondie du projet de loi. Pouvez-vous dire jusqu'à quel point il est nécessaire de recevoir les ressources nécessaires pour prendre la mesure de ce texte de loi très complexe?
M. Alfred Billette: Le saupoudrage ne fonctionne pas pour nous. Les miettes et autres petits fragments sur lesquels nous avons fini par mettre la main ne constituent pas des ressources adéquates pour faire un bon travail, au nom de notre peuple, à propos de questions importantes comme celle-ci. De même, les ressources qui permettraient de répondre à des besoins aussi essentiels que l'hébergement dans nos communautés ne sont pas adéquates. Quelques saupoudrages ne sauraient vraiment aider les gens. Cela ne fonctionne pas. Nous ne pouvons faire pour notre peuple un travail qui soit à la hauteur si les ressources ne sont pas adéquates.
¿ (0920)
Le président: Madame Catarat.
Mme Celine Catarat: La bande ne dispose pas des fonds nécessaires pour nous verser une allocation quand nous venons ici. Nous avions l'impression que le comité permanent prenait en charge les frais de déplacement, de repas et d'hébergement—toutes les dépenses reliées à notre exposé.
Si nous devons avoir des réunions et faire des choses ensemble, il nous faut un soutien financier, pour que nous puissions travailler ensemble et négocier, sur un bon terrain d'entente, pour la bande et pour le gouvernement. Pour que cela arrive à l'avenir, l'élément finances est un élément très important de tout ce que nous sommes appelés à entreprendre ensemble. La bande ne dispose pas des fonds nécessaires pour de telles choses en ce moment.
Le président: Merci beaucoup. Le temps prévu pour cet exposé est écoulé. Nous avons beaucoup aimé votre exposé, il sera très utile.
Nous invitons maintenant le chef Calvin Sanderson, et Sol Sanderson, de la bande de Chakastaypasin de la Nation crie.
Nous disposons de 30 minutes. Je vous invite à présenter votre exposé.
Le chef Calvin Sanderson (Bande de la nation crie de Chakastaypasin): Bonjour. Je suis le chef Calvin Sanderson, de la bande de Chakastaypasin, de la Nation crie.
Ce matin, je laisserai à Sol le soin de présenter l'exposé au comité permanent. Je crois que son exposé va durer au moins une demi-heure.
Le président: Prenez votre temps.
M. Sol Sanderson (Bande de la nation crie de Chakastaypasin): Merci, chef, et bonjour à tous.
Monsieur le président, j'ai des documents à remettre. Ce sont des documents que nous avons préparés au fil des ans, en mettant au point une stratégie qui doit être examinée. Monsieur Martin, vous en avez reçu des exemplaires à la réunion du comité des finances. Je ne sais pas si vous les avez parcourus, mais j'espère que c'est le cas, car la production a coûté assez cher. Nous n'avons pas d'argent pour cela; les sommes proviennent de mes finances personnelles et de celles et ceux qui ont participé.
Monsieur le président, je choisirai de ne pas examiner le projet de loi article par article. Au stade où vous en êtes, vous pouvez examiner les principes régissant le projet de loi et les pouvoirs en place à cet égard. Dans votre trousse, vous avez un document comme celui-là. Je vous demanderais d'aller au tableau qui figure à la page 1, où il est question du cadre qui régit actuellement la souveraineté et les relations prévues dans les traités des Premières nations et du Canada. Ce que je souhaite faire, c'est de passer aux stratégies de mise en oeuvre postérieures à 1982. Je crois que l'on n'insiste pas assez là-dessus, et il faut, de part et d'autre, faire un peu l'effort de comprendre.
Si on regarde cette loi nouvelle ou cette loi modificative, on voit qu'il s'agit du cadre qui régit la relation entre les Premières nations et le Canada aujourd'hui. Nous avons peur de discuter de la souveraineté des Premières nations parce que nombre des parties à la Chambre ne l'acceptent pas, y compris le gouvernement en place. Les processus qui existent actuellement sont un échec parce que les gens résistent à l'idée de reconnaître les systèmes de justice et les cadres juridiques des Premières nations.
Si on regarde le cadre qui existe en ce moment, on voit qu'il y a reconnaissance de la souveraineté des Premières nations dans les traités et dans la Proclamation royale de 1763—c'est votre instrument, et non pas le nôtre—et que cela continue de s'appliquer aujourd'hui.
Sur le plan de la reconnaissance—vous pouvez approfondir la question de la reconnaissance. Il s'agit de reconnaître les droits inhérents et les titres ancestraux. Il y a reconnaissance des traités et des droits issus des traités, et il y a la Proclamation royale de 1763 qui continue de s'appliquer, et il y a la Cour suprême qui rend actuellement des décisions au sujet des stratégies de mise en oeuvre.
La Loi constitutionnelle de 1982: j'y étais, monsieur le président, pendant toute cette bataille. Encore une fois, pour une grande partie du temps, nous n'avions pas d'argent. Nombre de nos groupes ont bénéficié de cette stratégie et de cette mise en oeuvre. Nous avons eu des différends à l'interne et à l'échelle nationale au sujet des articles 25 et 35, mais ces dispositions existent maintenant et elles régissent le travail du comité. Elles régissent le Parlement, elles régissent le travail des partis de l'opposition, et elles régissent le gouvernement fédéral.
Si on va à la page suivante, à l'endos du tableau, on voit cette reconnaissance quelque peu détaillée, et il y est énoncé ce que reconnaît actuellement le cadre, y compris les relations politiques, les relations relatives aux traités, les relations judiciaires, les relations économiques, les relations budgétaires, les relations internationales et les relations bilatérales.
Si nous étudions les pouvoirs qui sont établis et qui sont reconnus dans l'AANB, nous voyons que le partage des pouvoirs consentis au gouvernement fédéral est exprimé à l'article 91. L'article 92 traite du partage des pouvoirs en ce qui concerne les gouvernements provinciaux, et l'article 35 reconnaît le partage des pouvoirs dans le cas des gouvernements des Premières nations. Pour le gouvernement fédéral, la capacité juridique et politique nécessaire de reconnaître cela se trouve là.
Maintenant, si nous regardons les pouvoirs prévus à l'article 35, il est question des pouvoirs et des droits inhérents des Premières nations quand il s'agit de déterminer leur forme de gouvernement, leur système de justice, leur système juridique, leurs lois régissant la citoyenneté et l'appartenance, et, de fait, toutes les affaires internes, externes et internationales. Le document dont il est question sur cette page montre en détail la reconnaissance qui existe là.
Là où il est question de reconnaissance des relations politiques, cela veut dire l'égalité du gouvernement, du droit, des compétences et des tribunaux. Bon,cela n'a rien de neuf. Vous avez déjà établi en rapport avec le Code civil français, dans la province de Québec, qu'il y a un système juridique français, alors que, dans le reste du Canada, il y a la common law anglaise, aussi appelée système de justice anglais. Aux États-Unis, ils ont des lois tribales, d'État et fédérales concernant l'égalité des compétences, du droit et des tribunaux, et je suis en train de vous dire qu'il y a l'égalité des gouvernements qui y est aussi reconnue.
Quand je parle d'égalité, je ne parle pas de l'égalité de tous les Canadiens qui se trouvent sous le régime d'un seule et unique régime de droit pour le Canada. Je parle de l'égalité qui se rapporte à la reconnaissance de nos relations selon les traités et sous le régime de la Constitution et de la Proclamation en ce qui concerne l'égalité en matière de gouvernement, de compétences, de droit et de justice, c'est-à-dire les tribunaux.
¿ (0925)
Les relations fondées sur les traités savent reconnaître nos pouvoirs en ce qui concerne l'établissement de traités. Les traités 1 à 11 constituent un traité majeur conclu entre le Canada et les Premières nations. Ce n'était pas un processus distinct. Tous les articles du Traité 1 s'appliquent à l'ensemble des traités numérotés de 1 à 11. C'est une décision que vous avez prise en concluant des traités avec nous. Vos tribunaux ont rendu cette décision, sauf que, récemment, j'ai constaté une tendance qui fait que, dans les cas où nous perdons une cause devant un tribunal, cela s'applique à l'ensemble d'entre nous, du Traité 1 au Traité 11; si nous gagnons, cela ne s'applique qu'à un aspect précis—voilà un exemple patent de gouvernement colonialiste.
Aujourd'hui, il nous faut apporter des modifications importantes au système canadien. La structure politique et les institutions du Canada doivent changer, et cela comprend le processus dont il est question ici. La structure juridique et les institutions du Canada doivent changer. Quand il est question des relations judiciaires, il s'agit de nos systèmes de justice à nous, de nos systèmes juridiques en tant que Premières nations.
Comme je l'ai dit, si vous ne comprenez pas ce processus, alors allez aux États-Unis y étudier le système de justice tribal, le système de justice fédéral et le système de justice d'État. Les gens y sont allés jusqu'au point d'accepter les renvois croisés entre compétences et pouvoirs pour leurs systèmes de justice, au point où, quand la tribu adopte des lois sur les services à l'enfance et à la famille dans le cadre du droit tribal, le Congrès a tranché et ordonné aux systèmes judiciaires de l'État et de l'administration fédérale de reconnaître l'application de la loi tribale.
Quand il est question de droits inhérents, il n'y a aucun mystère pour nous: c'est pour nous un héritage du Créateur. Nous en héritons de génération en génération, et nous avons des devoirs et des responsabilités qui sont associés à chacun des droits inhérents en question. Il y a un tableau qui donne une liste des droits inhérents en question. Notre tâche, en tant que Première nation, c'est d'établir et de définir ces droits inhérents. Nous ne voulons pas laisser aux tribunaux le soin de le faire, et ce n'était pas l'intention en 1982, autrement que dans le cas du gouvernement fédéral.
Pour ce qui est des stratégies de mise en oeuvre touchant l'économie des Premières nations, le cadre établi permet la reconnaissance de l'économie des Premières nations. Nous ne pouvons aller de crise en crise dans les secteurs de l'exploitation forestière, des pêches et ainsi de suite, ce qui arrive en ce moment, monsieur le président. C'est énorme et c'est extraordinairement coûteux. Nous sommes toujours en cour à essayer de défendre nos droits dans ces affaires.
Je ne veux pas le dire, mais cet ensemble législatif que propose le ministre et le gouvernement fédéral débouchera sur des milliers de contestations judiciaires en plus, non pas des centaines d'affaires portées devant les tribunaux, mais des milliers. Pourquoi? Parce qu'il s'agit d'une transgression des traités, d'une transgression des droits et pouvoirs inhérents que nous possédons, et que c'est anticonstitutionnel.
Quand on regarde l'application de ce cadre, on voit qu'il y a de la place pour une économie des Premières nations où s'expriment nos plans, nos stratégies et nos lois pour régir une économie des Premières nations par secteur.
Quand on parle de mise en oeuvre des arrangements sur les relations budgétaires, il faut dire que nous, dirigeants des Premières nations, subissons toute une raclée de la part des médias et des milieux politiques, sans que quiconque ne comprenne les principes fondamentaux des relations budgétaires. Nous sommes en l'an 2003—et bienvenue à l'an 2003—, mais nous n'avons pas encore de budget pour les Premières nations. Un des principes fondamentaux de la responsabilité budgétaire, c'est que nous ayons nos propres budgets. Ce que vous qualifiez de budgets, c'est les allocations que vous nous versez. Ce ne sont pas des budgets. Ce sont de simples allocations, des conditions prédéterminées sur lesquelles nous n'avons aucune prise. Nous voulons mettre en place une démarche qui, relativement aux relations budgétaires entre les Premières nations et le Canada, permet la stabilité et la certitude, et élimine les querelles de compétence entre les ministères et les organismes fédéraux.
Le Parlement décide maintenant de l'affectation de crédits pour 33 ministères et organismes fédéraux. Le gouvernement provincial compte 27 ministères et organismes qui fournissent des services. Il y a 60 ministères et organismes fédéraux et provinciaux qui sont censés verser des sommes d'argent et fournir des services aux Indiens, dans les réserves ou en dehors. Dans cette province, il y plus de 400 organisations qui reçoivent de l'argent pour les services aux Indiens habitant ailleurs que dans les réserves, mais on ne peut obtenir de services.
Il y a les relations budgétaires—cela veut dire la responsabilité budgétaire, selon nos modalités, et la nécessité de faire valoir nos façons de faire à nous, par l'entremise de nos lois et de nos politiques. Certains témoins ont déjà parlé de cela. Nous devons mettre en place notre propre système financier qui comprend nos ministères des finances et du revenu, avec un financement indépendant comme le vôtre.
Quant aux relations internationales, elles ont un effet sur nous; le réseau mondial des transports, des communications, de la politique, de l'économie, du financement, pour ne nommer que ceux-là, a une incidence sur nous. L'accord de libre-échange ne compte q'une disposition qui dit que le Canada se réserve le droit de s'occuper du commerce international autochtone. Eh bien, il nous faut une stratégie qui permet de reconnaître les relations internationales entre Premières nations, notamment pour ce qui touche le commerce.
¿ (0930)
Le processus de consultation qui existe actuellement est très faible. Il n'est pas très productif, et il coûte les yeux de la tête. Nous devons officialiser les relations bilatérales qui sont reconnues dans les traités et dans la Proclamation royale de 1763 conclue entre les gouvernements des Premières nations et le gouvernement fédéral et le Parlement.
À propos des nouvelles institutions fédérales nécessaires à l'instauration d'une telle démarche, si vous vous rendez au centre du document, vous allez voir des recommandations qui représentent les institutions qu'il faut envisager à long terme, dans un contexte global. Vous trouverez cela à la page 8. À la page 9, on voit le ministère d'État chargé des Premières nations, car le cadre dont il est question a une incidence sur l'ensemble des ministères et organismes fédéraux, notamment les organismes centraux et les comités comme le vôtre.
Alors, que faire? Nous proposons la création d'un ministère d'État chargé des Premières nations, qui serait sur le même pied que le Cabinet du Premier ministre ou du Vice-premier ministre. Nous n'avons pas de secrétariat. Le Conseil privé s'occupera des questions relatives aux politiques nationales en ce qui concerne les Premières nations. Nous discutons de la possibilité d'intégrer nos processus. Vous discutez avec les province de la possibilité d'intégrer nos processus en ce qui concerne les services.
Le ministère d'État compterait six fonctions regroupées sous la direction d'un centre fiduciaire fédéral, à défaut de trouver un meilleur terme—les relations politiques, les relations fondées sur les traités, les relations économiques, les relations budgétaires, les relations judiciaires et les relations internationales. Régir notre nation, monsieur le président, à ce niveau-là... nous ne pouvons poursuivre ces processus administratifs où nous nous trouvons actuellement. Tout ce que ce projet de loi me fait voir, aux côtés des autres textes de loi, c'est une loi administrative qui va accorder à des personnes autres que des Indiens davantage de pouvoirs et de compétences de nature coloniale et, dans certains cas, la présidence de conseils ou de comités serait confiée à des Indiens.
Si on regarde la mise en oeuvre des traités et des droits inhérents, et je vous prie d'aller à la page 4, on voit la marche à suivre établie en ce qui concerne la nécessité de mettre en oeuvre vos obligations à l'égard des droits issus des traités et des droits inhérents dans le domaine fédéral. Dans ce document-là, nous parlons d'une stratégie de mise en oeuvre des droits inhérents, des droits ancestraux et des droits issus de traités, ainsi que de l'esprit et de l'intention d'un traité.
Comment mettre en oeuvre les droits inhérents et les droits issus de traités par secteur? Comment réaliser l'esprit et l'intention d'un traité, de manière à garantir, par l'entremise de votre commission et du processus d'établissement de traités que vous adoptez, que le maintien de notre mode de vie est reconnu? Il nous faut donc un processus traditionnel et contemporain en ce qui concerne l'éducation, un système, et dans tous les autres secteurs aussi, y compris la santé et le développement social.
Quand on regarde le processus en jeu, en ce qui concerne les principes et les pouvoirs qui régissent nos relations, monsieur le président, on voit quelle sera l'incidence du projet de loi proposé sur les traités, soit la transgression des traités, la violation des droits inhérents et le fait que ce soit anticonstitutionnel.
Le document Canada-Premières nations que vous avez entre les mains propose des solutions de rechange, monsieur le président. Je vous prie de vous reporter à la page B-5. Il est question du genre d'accord de mise en oeuvre nécessaire pour mettre en place les relations et les arrangements prévus dans la stratégie postérieure à 1982. La page C-3 rend compte de notre conception des droits inhérents ou de leur source et de ce qu'ils sont. La page D-1 porte plus particulièrement sur les traités eux-mêmes et les pouvoirs des parties qui y adhèrent, et nous voulons insister sur le fait que ces traités sont bel et bien établis. Ils existent, et nous voulons qu'ils soient mis en oeuvre.
À la page E-3, il est question des principes qui régissent les relations économiques qu'on est en train de mettre en oeuvre maintenant dans diverses régions du Canada, y compris chez les Inuits dans les Territoires du Nord-Ouest, et chez les Cris de la Baie James grâce à la Loi sur les Cris et les Naskapi de la Baie James et ainsi de suite. Les consignes relatives aux lois fédérales nécessaires à la mise en oeuvre de cette stratégie s'y trouvent aussi, de même que les consignes concernant les éléments du droit des Premières nations qu'il nous faut mettre en oeuvre dans le contexte de notre économie des Premières nations.
La page F-3 est pareille: les principes régissant les relations judiciaires et juridiques, ce qu'il faut, sur le plan fédéral, pour élaborer un droit nouveau, et ce qu'il nous faut en tant que Premières nations en ce qui concerne l'élaboration d'un droit pour la mise en place de notre système de justice.
Les relations budgétaires... les principes évoqués sont déjà mis en oeuvre... vous faites preuve d'une grande créativité quand il s'agit de déterminer vos arrangements budgétaires en ce qui concerne la gouvernance et l'industrie et le monde des affaires. Il faut appliquer ce même esprit créateur à nos relations budgétaires, celles du Canada et des Premières nations.
¿ (0935)
Encore une fois, ces principes sont tous indiqués comme étant déjà en place, mais pas dans notre cas. On y trouve un horaire pour l'instruction du droit, pour le gouvernement fédéral et le genre de lois et d'institutions qu'il nous faut en tant que Premières nations.
Parmi les institutions qu'il nous faut, il y a le ministère des finances et du revenu. Nous avons besoin également de nouveaux accords budgétaires. Nous ne pouvons quand même pas courir après les 33 ministères et organismes fédéraux et les 27 ministères et organismes provinciaux. Il nous faut une stratégie qui inscrit dans un cadre vaste des accords budgétaires qui permettent d'avoir accès à des fonds plus certains et plus prévisibles.
Voilà donc un exemple d'entente globale sur les relations budgétaires nécessaires au développement général de notre communauté, qui pourrait être négociée et mise en oeuvre pour que nous ayons la certitude et les garanties qui s'imposent.
Quant au chef et aux dirigeants, le projet de loi C-7 omet de reconnaître la fonction de chef, soit un des principaux chefs d'État de notre gouvernement et de nos nations. Quand il est question du financement du salaire du chef et des dirigeants, les médias s'en donnent à coeur joie.
Il y a un tableau—le G-11—où la comparaison indique des dollars qui ne sont pas là. Les députés reçoivent plus de un million de dollars par année pour le déroulement des affaires de leur cabinet. Cela comprend le coût des travaux publics reliés à vos bureaux et à vos installations, vos salaires et vos avantages sociaux. Je viens d'assister à un exposé sur les prestations de santé. Vous avez de telles prestations dans votre programme, dans les fonds qui vous sont attribués. C'est un des avantages de votre traité, j'imagine. Il est question ici d'appliquer la même chose à nos gens à nous. Le salaire du chef et des dirigeants garanti par traité.
Nous avons également établi les sommes qui sont versées aux députés provinciaux et aux responsables des affaires municipales. En Saskatchewan, nous adhérons à l'Assemblée des Premières nations, à la FSIN et au conseils tribaux—certaines bandes sont indépendantes. À titre de chefs du conseil, nous sommes censés traiter avec tous ces intervenants, chacun d'entre eux. Mais il n'y a pas d'argent pour cela, et nous n'avons pas non plus de personnel.
Donc, vous voulez de la transparence, et nous voulons de la transparence. Nous souhaitons que les membres rendent des comptes en ce qui concerne les devoirs et les responsabilités associés aux droits inhérents des Indiens, à titre individuel et collectif. Nous souhaitons que l'appareil politique rende des comptes, selon nos modalités, à nos membres, les dirigeants des Premières nations, en rapport avec notre programme d'action politique—et il y en a une bonne part qui se retrouve ici.
Nous sommes en faveur de la transparence budgétaire. Si les responsables de programme n'ont pas de comptes à rendre conformément à des lois régissant les pouvoirs et comptes à rendre, aucune transparence budgétaire n'est possible.
En ce moment, les responsables fédéraux utilisent et empruntent des politiques et des lois provinciales afin d'adapter pour nos gens leurs normes minimales quant à la prestation des services. C'est inacceptable. Si on regarde le processus de budgétisation de 2003, on voit qu'il est temps d'établir des grilles de salaire acceptables pour les membres des Premières nations qui soient adoptées au Conseil du Trésor et mises en oeuvre par le gouvernement fédéral, et prévoyant que nous ayons la même capacité de légiférer dans le domaine.
Depuis plus de dix ans, il n'y a eu aucune augmentation en ce qui concerne le soutien des bandes, les employés. J'en ai parlé à l'audience d'un comité parlementaire, mais je n'ai constaté aucune évolution à cet égard. Nous devons régler ce problème. Il n'y a pas de salaire pour le chef et les dirigeants, comme vous les percevez. Nous avons besoin de cet argent. Nous avons besoin d'argent pour des cadres supérieurs et intermédiaires, mais il n'y a pas d'argent.
Je pourrais vous parler encore du financement de base en ce qui concerne le chef et le conseil; il n'y a pas eu d'augmentation depuis plus de 20 ans. Quand on examine les fonds qui vous sont versés à titre de députés, et quand on examine les fonds qui vous sont versés au chapitre des programmes et des services, à l'échelle fédérale et provinciale, nous constatons une augmentation moyenne de 40 à 45 p. 100 depuis dix ans, pour tout le monde—sauf nous.
Je vous dis donc: bienvenue à l'an 2003, monsieur le président et voilà les stratégies de mise en oeuvre postérieures à 1982. J'ai dit que je n'allais pas traiter d'articles précis dans le texte du projet de loi. Si vous voulez en discuter, nous pouvons en discuter. Mais nous sommes là pour examiner les principes et les pouvoirs régissant toute nouvelle loi fédérale ou modification d'une loi fédérale existante.
Cessez donc s'il vous plaît de mettre en place le précipice à bisons de 1980, manoeuvre complémentaire du livre blanc de 1969, du plan de liquidation de 1947 et de la politique de détribalisation de 1830. Étudions sérieusement tout ce programme d'action.
Vous vous interrogez sur le financement. Il n'y a pas de financement pour que l'on fasse ce type de travail. Nous avons mis en oeuvre le programme de formation des spécialistes gouvernementaux des Premières nations, pour former nos gens dans tous ces secteurs. Mais il y a eu une résistance totale à l'idée du financement, parce que les responsables gouvernementaux ne voulaient pas que nos gens aient cette formation, qu'ils comprennent tout cela. Mais il faut la même formation.
Si j'ai blessé quiconque, je m'en excuse. Ce n'était pas là mon intention. Nous devons élargir le contexte où nous envisageons ces questions et ces relations, afin de les comprendre plus à fond.
¿ (0940)
Sur cette note, je vous dis merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup de votre excellent exposé. Il n'y a personne ici à cette table ni ailleurs qui aurait des motifs d'être blessé. Vous avez présenté un exposé professionnel, et nous l'apprécions.
[Français]
Monsieur Loubier, aimeriez-vous avoir cinq minutes?
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Non, ça va. C'est très clair.
[Traduction]
Le président: Chez les Libéraux, vous avez besoin de cinq minutes? Après avoir demandé aux autres s'ils veulent du temps, je ne peux passer qu'à M. Laliberte.
D'accord, monsieur Laliberte, vous avez cinq minutes.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): C'était un excellent exposé. Je veux dire un mot du projet de loi C-7.
À la première ligne du préambule, on affirme que le gouvernement jouit d'attributions, mais ce que j'aimerais savoir, c'est si, selon votre définition et votre point de vue, vous seriez d'accord pour dire que, avant que le gouvernement du Canada ne jouisse d'attributions dans ce domaine—nous nous trouvons aujourd'hui sur le territoire visé par le traité 6—, les traités doivent être reconnus et que, au moins dans le préambule du projet de loi, on devrait indiquer que le Canada, par voie de traités, s'est approprié des territoires pour créer le pays que nous appelons le Canada pour ensuite dire que les gouvernements au Canada jouissent des attributions en question? Avant que le Canada ne puisse jouir de ces attributions, il devait établir le traité.
En rapport avec cette question, on constate, à l'examen du projet de loi C-7, que la terminologie du traité est absente du projet de loi. Recommanderiez-vous qu'on précise ici ce mot, cette définition et cet éclaircissement du processus de négociation de traité?
¿ (0945)
M. Sol Sanderson: Je voudrais que la forme du texte de loi et la présentation du projet de loi soient modifiées radicalement. Si on fait référence à des accords comme le traité 6, on devrait faire référence à tous les traités.
Les attributions du gouvernement fédéral, sa capacité de légiférer en ce qui concerne les Premières nations visées par le traité, ne lui permettent de prendre des règlements que dans son domaine de compétence, en ce qui concerne la mise en oeuvre du traité. Il est partie au traité. L'autre partie au traité, c'est nous. Pour mettre en oeuvre et ratifier les dispositions des traités, les droits inhérents et les droits issus de traité, chacune des parties est respectueusement tenue de mettre en oeuvre, dans le cadre de ses compétences et de ses lois, les dispositions des traités et les traités eux-mêmes.
Ce qui se passe ici, c'est que le fédéral se faufile de notre côté du territoire et tente de légiférer pour nous une fois de plus, et c'est inacceptable.
Ce dont nous avons besoin, c'est d'un texte de loi clair qui précise les obligations budgétaires, fiduciaires et juridiques du gouvernement fédéral, secteur par secteur, en ce qui concerne l'éducation des Premières nations garantie par traité, la santé garantie par traité, et ainsi de suite.
Je ne sais pas comment on peut corriger le projet de loi. Je ne vois pas comment on pourrait le faire. Je recommanderais plutôt qu'on le supprime et qu'on s'attaque au véritable ordre du jour.
M. Rick Laliberte: Il y a dans le projet de loi une autre omission à laquelle j'aimerais que nous nous arrêtions. Je veux parler de la définition de Premières nations dans le projet de loi lui-même. Par ailleurs, on accorde beaucoup d'importance à la notion de «coutume», de la sélection des leaders selon la coutume, ou de l'administration et de la reddition de comptes selon la coutume.
Par «coutume», on entend également ce qui existait avant le traité, les structures de gouvernance qui étaient en place avant le traité. Ces structures de gouvernance reposaient sur des nations et des tribus. À l'époque de la signature des traités, ce sont des bandes de ces nations et de ces tribus qui ont négocié. À votre avis, devrait-on, ici, c'est-à-dire dans la région visée par le traité 6, adopter une définition de Premières nations incluant les Nehiyawuk, les Cris, à titre de tribu et de nation du Canada, de Premières nations?
Tout juste avant vous, nous avons entendu des témoins de la Nation dénée, mais, de ce point de vue, on ne fait nulle référence à ces nations dans la définition. Si nous allons accorder de l'importance à la coutume de même qu'aux droits héréditaires et inhérents en matière de gouvernance, mais sans faire allusion à une entité préexistante, c'est-à-dire les nations mêmes dont il est question... en l'absence d'une telle définition et en l'absence d'une telle reconnaissance, comment pourrions-nous formuler le projet de loi en ce sens?
Le président: Voilà qui conclut les cinq minutes de M. Laliberte.
Vous avez la parole pour une période de quatre minutes. Vous pouvez répondre à la question ou faire les commentaires de clôture que vous souhaitez.
M. Sol Sanderson: La Nation crie s'étend sur le Labrador, le Québec, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et les États du Nord. Nous nous efforçons maintenant de créer une confédération des nations cries afin de mettre en oeuvre les projets de confédération de la nation crie. La Nation crie a signé de nombreux traités partout au pays, et nous allons ensemble faire face à ces stratégies de mise en oeuvre des traités.
En ce qui a trait à l'intégration du nécessaire dans une nouvelle loi fédérale, le projet de loi C-7 ne reconnaît même pas les bandes. Il change le statut des bandes pour en faire des entités comparables à des municipalités en vertu de la loi et de la compétence fédérale. En ce qui nous concerne, cela met un terme à la participation à un traité et contrevient à un autre aspect du traité. On doit s'attaquer à ce problème.
Je pourrais répondre en faisant allusion au processus d'édification de nation des bandes ou des unités politiques des nations cries. Monsieur le président, vous avez introduit le mot «bandes». Nous n'avons jamais eu de bandes. Nos nations avaient des collectivités et des camps. Nos territoires étaient vastes et très productifs. En fait, notre économie était très productive. Nous étions les producteurs, et nous étions les consommateurs. Je ne veux pas en parler aujourd'hui.
Monsieur Laliberte, je pense que les questions que vous soulevez ont une fois de plus trait à la stratégie d'après 1982 pour des dispositions législatives plus larges et se rapportant aux principes qui sont là.
¿ (0950)
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Vous pouvez nous aider en ce qui a trait au libellé. J'utilise des termes parce que ce sont ceux que la majorité utilise. Les témoins m'enseignent l'usage de l'expression appropriée. Aujourd'hui, je vous ai entendu parler de vous-même comme d'un Indien. Moi, je ne le fais pas. On m'a appris qu'il était méprisant de le faire. On nous a reproché d'avoir utilisé le mot «autochtone» dans nos échanges avec d'autres témoins. Ils nous ont dit: «Nous ne sommes pas des Autochtones; nous sommes des Premières nations.» Nous avons toute la bonne volonté du monde pour tenter de faire les choses correctement. Parfois, nous commettons des erreurs, mais c'est involontaire. C'est difficile pour nous.
M. Sol Sanderson: Monsieur le président, nous avons nous aussi pas mal de difficultés à décider qui est canadien lorsqu'il s'agit des Français, des Anglais, des Orientaux, et ainsi de suite.
Le président: Avec deux peuples fondateurs...
M. Sol Sanderson: C'est la nature du Canada.
Vous m'avez interrogé sur la terminologie. Voilà un autre problème auquel nous devons nous adresser. À titre de Premières nations, nous devons nous entendre sur la terminologie.
Vous parlez à l'homme qui a créé l'expression «Premières nations». Pourquoi? Dans notre collectivité, nous avons, au début des années 70, créé le premier gouvernement des Premières nations, et même les mots «gouvernement indien» faisaient peur, aux Indiens comme aux Non-Indiens. Nos aînés nous ont dit de continuer. Dans 30 ou 40 ans, tout le monde tentera de comprendre de quoi il s'agit. Si j'ai créé l'expression «Premières nations», c'est pour faire comprendre le lien de souveraineté entre le Canada et les Premières nations. Cette résistance, on l'a sentie aujourd'hui de votre part et de celle de bon nombre de nos propres leaders, qui ont peur de parler de souveraineté et de relations souveraines. Mais c'est pour cette raison que nous sommes ici, et nous n'allons jamais renoncer.
En ce qui concerne nos droits inhérents, monsieur le président, je suis un Cri. Je suis né cri, et je vais mourir cri. J'ai beau vous ressembler, je ne serai jamais un des vôtres, et je ne veux pas être un des vôtres. Respectez cette décision. Voilà ce qu'on doit établir au moyen de la coexistence et des relations en vertu d'un traité. Du point de vue de la terminologie, nous sommes passés de Cri à Indien à Autochtone à aborigène et à indigène. D'une certaine façon, nous cadrons dans le casse-tête. Je le comprends et le conçois. C'est pourquoi je reviens au fait que nous, en tant que nation, devons définir ces expressions et ces droits inhérents dans nos propres langues.
Le président: Merci beaucoup. C'était un excellent exposé.
Nous allons maintenant inviter à la table le Chef Marcel Head de la Nation crie de Shoal Lake.
Le chef Head devait témoigner à 15 h 30. Parce que nous sommes en avance, il a accepté de le faire plus tôt.
Croyez-moi, vous rendez service aux membres du comité. Hier, nous avons commencé à 9 heures du matin, et nous sommes arrivés ici à 1 h 30 le lendemain matin. Si nous pouvions terminer une demi-heure plus tôt cet après-midi, nous vous en saurions gré.
Chef Head, merci encore. Nous vous invitons à présenter votre exposé. Nous avons trente minutes à passer ensemble.
Le chef Marcel Head (Nation crie de Shoal Lake): Merci, monsieur le président. Une fois de plus, soyez les bienvenus. Nous nous sommes déjà rencontrés à Ottawa.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de témoigner une fois de plus. Je vais profiter de l'occasion pour récapituler ce que nous avons fait à Ottawa.
En ce qui concerne votre présence sur notre territoire, le Grand conseil de Prince Albert tient à souhaiter la bienvenue à tous les membres du comité ici à Prince Albert. Notre bureau se trouve du côté ouest de la ville, et l'hôtel où vous organisez vos audiences appartient à notre conseil tribal, qui représente 12 Premières nations. L'endroit où vous vous réunissez ce matin et cet après-midi illustre bien notre développement économique.
D'abord et avant tout, après avoir témoigné à Ottawa, nous sommes revenus chez nous et avons entendu dire que notre exposé avait suscité des inquiétudes chez certains représentants du ministère. Ce qui est sûr, c'est que nous n'avons nullement tenté, de quelque façon que ce soit, de mettre en oeuvre les modifications proposées de la Loi sur les Indiens ni même d'y consentir. Nous continuons de nous opposer au projet de loi du seul fait qu'il est grossièrement déficient.
En ce qui concerne le processus de consultation qui s'est déroulé tout au long de l'année, je ne pense pas qu'on puisse parler d'un véritable processus de consultation puisqu'il s'est simplement agi d'une présentation ayant eu pour but d'informer les habitants des Premières nations de nos collectivités des changements proposés ou d'actualiser leurs connaissances à ce sujet. En ce qui concerne les modifications du projet de loi, il est ressorti, au cours d'un de nos ateliers ou d'une de nos rencontres avec des représentants du ministère des Affaires indiennes, que la Loi sur les Indiens elle-même accusait du retard en ce qui concerne la promotion de nos méthodes d'élaboration des codes d'élection et des mesures de reddition de comptes.
Nous sommes sincèrement convaincus que le ministre lui-même estime rendre service aux Premières nations du pays en introduisant ces dispositions dans la Loi sur les Indiens. À titre d'exemple, les élections, dans nos collectivités, se déroulent selon la coutume de la bande, et nos Premières nations les utilisent de façon traditionnelle d'aussi loin que je me souvienne. Dire que vous faites une faveur aux Premières nations en remaniant le mécanisme d'élections dans nos collectivités—eh bien, dans notre esprit, c'est faux. Nous avons clairement indiqué aux représentants que ce texte de loi ne répondait en aucune manière aux besoins des Premières nations.
En ce qui concerne le processus de consultation, j'aimerais revenir sur certains commentaires faits par les Premières nations.
¿ (0955)
Elles n'avaient nulle intention de discuter des mécanismes d'élections, de la reddition de comptes ni des mécanismes juridiques dans les collectivités des Premières nations. Ce dont elles voulaient parler, c'était de leurs besoins quotidiens, par exemple de l'éducation, la santé, le logement, l'emploi, le développement économique de nos collectivités et même la compétence sur les terres. Voilà les enjeux dont elles voulaient parler.
Pour quelque raison difficile à comprendre, les représentants qui témoignaient revenaient sans cesse sur la question à l'étude, c'est-à-dire les élections et la reddition de comptes. En ce qui concerne le mécanisme de consultation, je pense que le projet de loi à l'étude est loin d'avoir répondu aux besoins des personnes que nous représentons.
En ce qui concerne la consultation et les réunions prévues sans consultation adéquate avec les collectivités ou même les dirigeants, nous devrions avoir tous convenu des dates et des moments, de façon que les intéressés puissent se libérer et que l'information pertinente ait été distribuée au préalable. Donner un préavis suffisant à nos gens: voilà une chose que le ministère n'a pas faite.
En ce qui concerne l'analyse du projet de loi, nos gens n'avaient pas la moindre idée de ce qu'est la Loi sur les Indiens. Eh bien, en un sens, je pense qu'elle les affecte quotidiennement parce que c'est le texte de loi qui, à l'heure actuelle, nous donne le droit d'administrer et de fournir des services à nos collectivités. Il n'y aura de consultations adéquates que si on donne à nos collectivités tout le temps d'examiner les dispositions législatives. Peut-être alors accepteraient-elles de discuter des mécanismes d'élections et de la reddition de comptes, mais, compte tenu du temps qui leur a été imparti—je pense qu'elles n'ont pas le temps de se préparer adéquatement.
En ce qui concerne la façon dont se tiennent nos élections, une de nos aînées de Shoal Lake a clairement défini à quoi se résume toute la procédure d'élections. Elle a déclaré que, un jour, nous élisons notre chef et les membres de notre conseil et que, dès le lendemain, ils se mettent au service du ministère des Affaires indiennes. Voilà ce que fait le texte de loi.
À l'heure actuelle, Ottawa ou le gouvernement actuel nous oblige à administrer des programmes et des services pour notre peuple sur la foi des politiques qui leur donnent le pouvoir d'administrer ces programmes et services, voire les oblige à le faire. À l'heure actuelle, particulièrement au sein de ma Première nation, nous en sommes presque au point où nous sommes au niveau de... je ne sais pas si vous êtes au courant, mais trois niveaux d'intervention sont prévus. L'un d'eux s'applique lorsqu'une bande fait un déficit de plus de 8 p. 100 de son budget annuel total.
À (1000)
Nous devons revenir en arrière et examiner sérieusement la mise en oeuvre des traités. J'ai entendu le témoin précédent. Nous devons examiner sérieusement cette question parce que le projet de loi actuel ne tient pas compte des droits issus de traité. Il ne tient pas compte des droits inhérents ni d'autre chose du genre.
À l'heure actuelle, nous administrons un budget qui est bien loin de nous permettre de fournir des services adéquats et efficaces à nos collectivités parce que les niveaux de financement n'ont pas augmenté. Dans certains secteurs, ils ont quelque peu diminué. Si nous comprenons bien, le projet de loi actuel était censé améliorer la qualité de vie de nos gens, mais ce n'est pas ce que nous voyons. Nous n'arrivons pas à le concevoir.
L'homme assis tout juste derrière moi a fait un commentaire: notre propre directeur général régional a mentionné que le projet de loi visait à sauver la vie des Premières nations. Il n'y a qu'une seule personne capable de sauver un peuple, et c'est Dieu, et non un projet de loi ni un document.
En ce qui concerne certains des commentaires qui nous été adressés, nous ne voyons vraiment pas à quoi ces personnes veulent en venir.
À l'examen du projet de loi, dites-nous en quoi il va améliorer la qualité de vie des Premières nations. J'ai beau examiner le projet de loi lui-même, je ne vois pas en quoi il répond aux problèmes liés au processus de négociation de traités. À ma connaissance, il ne le fait pas. À l'heure actuelle, il nous pose des problèmes parce qu'il est muet sur la clause de non-dérogation. Dans le projet de loi, une telle clause porterait que rien dans le texte de loi n'a pour effet d'abroger les droits inhérents et issus de traité ni d'y porter atteinte. Je ne crois pas que le projet de loi comporte une telle disposition.
Par ailleurs, nous avons posé de très sérieuses questions au sujet du projet de loi. L'une d'elles s'adressait, une fois de plus, à un représentant du MAINC. La voici: qu'est-ce qui a poussé le ministre à changer ou même à modifier la Loi sur les Indiens? Ce qu'on nous a répondu, c'est à peu près, parce que le ministère... et je ne sais pas si c'était un bureau de district ou un bureau régional qui a dit recevoir 300 appels par semaine. Parmi ces 300 appels, il y avait des plaintes relatives à des cas de mauvaise gestion. Ces trois cents appels jurent avec les résultats des mécanismes d'élections. Nous nous demandons combien d'appels, parmi les 300 en question, étaient des répétitions. Il s'agissait peut-être de 20 personnes. Ce sont peut-être les mêmes dix personnes qui ont fait les 300 appels. Je pense que ces questions sont tout à fait inopportunes dans le contexte du projet de loi lui-même.
J'aimerais revenir sur le fait que les traités sont très importants dans la mesure où ils nous aident à définir même l'autonomie gouvernementale et le droit à l'autodétermination. Je pense que nous devons nous attaquer à ce problème. Même s'il y a un nouveau gouvernement, je ne crois pas que ce soit le meilleur endroit où répondre aux besoins de nos gens.
À (1005)
Comme nous l'avons dit, les mécanismes que prévoit la LGPN n'appartiennent pas aux Premières nations. Ils sont inopérants pour nous. L'approche définie par la LGPN est une autre de ces initiatives qui définit clairement le rôle du gouvernement à titre d'agent de contrôle des Premières nations.
En me rendant ici en voiture, je songeais à toutes les politiques régissant notre vie auxquelles nous devons nous conformer. Je pense que nous devons changer cette situation, comme le témoin précédent l'a dit. Nous devons renverser la situation et commencer à discuter des traités et des droits inhérents.
Je pense donc, monsieur le président, que vous pourriez rendre un service aux Premières nations du Canada en recommandant au gouvernement actuel de commencer à mettre en oeuvre les traités et d'ouvrir l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Je pense que c'est dans notre intérêt, et je pense que c'est dans l'intérêt de notre peuple que nous faisons cette suggestion. On trouve dans le rapport Penner et dans celui de la Commission royale sur les peuples autochtones des lignes directrices et des orientations précises grâce auxquelles ce processus pourrait s'amorcer.
En ce qui concerne notre exposé, je suis fermement d'avis que le projet de loi doit être relégué aux oubliettes. Nous défendons cette position avec le plus grand sérieux.
Je sais qu'il y a des représentants du MAINC pour qui tout cela est une vaste blague. À l'occasion d'une des rencontres que nous avons eues ici même, dans cette salle, un représentant du MAINC a passé la tête par la porte et a dit «LGPN» sur un ton moqueur. Le projet de loi est sérieux. Il a des conséquences sur nos gens. Nous ne voulons pas que des représentants du MAINC fassent un cirque de tout ceci parce que ce n'est pas leur vie qui va être touchée; c'est celle de nos gens qui le sera.
Si on veut corriger certains problèmes et certaines attitudes qui ont cours, je pense qu'on a là affaire à une question que le ministre lui-même devrait régler. Ce n'est pas une plaisanterie. C'est très sérieux.
Je l'ai dit souvent—je crois me répéter—, nos gens seront touchés.
En ce qui concerne mon exposé, d'autres témoins présenteront le point de vue du Grand conseil de Prince Albert en ce qui concerne le projet de loi à l'étude.
Je vous remercie, monsieur le président.
À (1010)
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Je peux accueillir deux questions de cinq minutes. J'offre la première à M. Loubier.
Je dois diviser le temps parce que nous ne pouvons pas faire de rondes complètes. Je vais faire de mon mieux.
Monsieur Vellacott, vous avez cinq minutes.
M. Maurice Vellacott: Heureux de vous revoir, Marcel. Merci d'être parmi nous aujourd'hui.
Si je comprends bien, de nombreuses personnes de l'Alberta et de la Colombie-Britannique et maintenant de votre province nous ont dit, non sans raison, je pense, que ce qu'on a parfois qualifié de «consultation» était davantage une tentative de partage de l'information, un vidéo et une présentation à sens unique. Ce que je retiens de ce qu'on nous a dit, c'est que les démarches se sont orientées en ce sens, sans un véritable échange d'information bidirectionnel.
Vous avez fait allusion à la clause de non-dérogation, mais le projet de loi C-7 n'en suscite pas moins une opposition considérable. Une clause de non-dérogation aurait-elle pour effet d'apaiser suffisamment vos préoccupations? Cela vous rassurerait-il? Si, dans le projet de loi, rien ne portait implicitement atteinte aux droits issus de traités, cela aurait-il pour effet ou non d'apaiser bon nombre de vos préoccupations?
Le chef Marcel Head: Je ne crois pas que le gouvernement actuel ait la capacité d'ouvrir des discussions sur les traités et leur mise en oeuvre.
Si le projet de loi à l'étude va de toute façon être relégué aux oubliettes, je recommanderais l'inclusion d'une clause de non-dérogation. Le projet de loi lui-même ne porte pas sur les droits issus de traités ni sur les droits inhérents. Voilà pourquoi on doit donner aux Premières nations certaines garanties selon lesquelles aucune des dispositions du projet de loi ne portera atteinte aux droits issus de traité et aux droits inhérents existants. C'est une protection et des garanties qu'on doit donner à notre peuple.
À (1015)
M. Maurice Vellacott: Bien. Je suis d'accord.
Dois-je comprendre que vous préféreriez nettement demeurer sous le régime de la Loi sur les Indiens, malgré ses imperfections et les problèmes qu'elle renferme, jusqu'à ce que des accords relatifs à l'autonomie gouvernementale et à l'auto-détermination soient conclus, sans rien de transitoire ou d'intérimaire?
Le chef Marcel Head: Oui, et j'utiliserais pour le moment le mot «temporairement», jusqu'au jour où le gouvernement conviendra d'un mécanisme qui permette d'amorcer la mise en oeuvre.
M. Maurice Vellacott: Vous êtes donc ouvert à des dispositions temporaires puisque vous vous rendez compte qu'il pourrait s'écouler beaucoup de temps avant qu'un accord complet concernant l'auto-détermination soit signé. Il pourrait s'agir de quelque chose de temporaire ou de transitoire, mais pas nécessairement le projet de loi C-7 ni une version remaniée en profondeur du projet de loi C-7.
Le chef Marcel Head: Exactement.
M. Maurice Vellacott: Vous avez également dit que les sommes dépensées par le ministère n'avaient pas augmenté, du moins les sommes qui parviennent jusqu'à vous. Je pense que les livres indiquent qu'il y a bel et bien eu une augmentation des sommes. La question que bon nombre d'entre nous se posent—à l'instar des connaissances et des amis nombreux que j'ai dans les collectivités des Premières nations aussi—est la suivante: où est l'argent? Les chiffres sont là, mais l'argent semble disparaître en cours de route.
Vous avez des commentaires à faire à ce sujet? Les livres indiquent qu'il y a eu une augmentation; c'est un des ministères où les fonds vont continuer d'augmenter au fil des ans. Où l'argent va-t-il? Comment est-il avalé en cours de route?
Le chef Marcel Head: En ce qui concerne les augmentations auxquelles vous faites référence, je ne pense pas qu'elles traduisent pleinement un niveau de financement se rapprochant ne serait-ce qu'un peu... on doit tenir compte du taux d'inflation élevé. Le coût de la vie est très élevé. À mon avis, les fonctionnaires d'Ottawa ne comprennent pas la situation que vivent les collectivités des Premières nations.
Ils établissent leurs comparaisons à partir d'une Première nation donnée. Voilà l'information que nous recevons. À titre d'exemple, examinez le cas de Kanawake, collectivité des Premières nations avancée. Dans le tableau, on a comparé Kanawake à Shoal Lake, et les différences sont énormes. Voilà, me semble-t-il, ce que ces personnes ne comprennent pas vraiment.
Pour ce qui est des fonds qui seraient utilisés ailleurs, nous n'avons pas vraiment de réponse. Jetez un coup d'oeil du côté de l'inflation. C'est à peu près la seule explication que nous puissions fournir.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
J'ai encore le temps pour une question de cinq minutes. Je veux savoir qui souhaite intervenir parce que, plus tard, je vais retirer un tour de parole. Ainsi, le cercle sera complet.
Madame Karatak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je n'aurai probablement pas besoin des cinq minutes.
Le président: Êtes-vous disposée à les partager avec votre collègue?
Mme Nancy Karetak-Lindell: Vous avez dit ne pas exercer un véritable pouvoir de gouverner comme chef une fois élu. Je me souviens d'avoir entendu dire le ministre que l'un des effets du projet de loi à l'étude serait de lui retirer certains de ses pouvoirs et de les céder au peuple.
Je me demandais seulement si vous avez des choses à dire au sujet des dispositions du projet de loi qui tente de retirer certains pouvoirs au ministre des Affaires indiennes pour les confier au peuple.
Le chef Marcel Head: Je peux répondre à cette question de deux façons. D'abord, une politique s'applique à la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Je crois avoir fait référence à une politique précisant comment nous devons administrer les programmes. Les politiques dictent à notre chef et à notre conseil comment ils doivent administrer les programmes et les services en question. À l'heure actuelle, nous n'avons pas la capacité d'administrer adéquatement les programmes pour lesquels nous recevons des fonds.
Du point de vue de la politique, la Première nation qui accumule un déficit de plus de 8 p. 100 est contrainte d'élaborer un plan de gestion corrective, un plan de recouvrement de dettes. Si nous allons au-delà de la barre des 8 p. 100, il y a une autre intervention exigeant la mise en place d'un régime de cogestion. Après la cogestion, on passe à l'administration par une tierce partie. Nous en sommes presque à ce point. Dans ce cas, comment pouvons-nous affirmer que le projet de loi nous donne l'assurance que le ministre cédera aux leaders des Premières nations le pouvoir d'administrer des programmes dans la situation actuelle?
Je ne suis pas à l'aise quand j'entends le ministre lui-même affirmer qu'il nous donnera les pouvoirs et les outils pour nous gouverner nous-mêmes. Nous avons certaines réserves majeures parce que, en un sens, il dit qu'il nous cédera les pouvoirs, tandis que, dans un autre, il affirme qu'il le fera pour nous. Où y a-t-il là des garanties?
À (1020)
Mme Nancy Karetak-Lindell: Poussons un peu plus loin : certains autres témoins que nous avons entendus ont dit ne pas croire que les pouvoirs s'accompagneront de ressources. Je pense que c'est l'un des secteurs où certains chefs nourrissent des inquiétudes, c'est-à-dire qu'on leur déléguera des pouvoirs sans leur fournir les ressources qui leur permettent d'exercer ces pouvoirs avec soin et de façon responsable.
Le chef Marcel Head: Oui. Si nous apprenons ou que nous avons des indications claires... même le budget qui a été annoncé récemment—je ne crois pas que le budget ait tenu compte de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Il ne répond pas aux besoins du peuple que nous représentons. Une fois de plus, nous nous attendons à ce que le gouvernement réponde aux besoins en logement, en éducation, en éducation postsecondaire, en santé, mais je ne vois pas là de véritable garantie.
Le président: Monsieur Laliberte, il nous reste une minute.
M. Rick Laliberte: J'ai une question au sujet du paragraphe 5(3). Il porte sur le délai pour l'adoption des règles issues de la coutume. Dès le départ, vous avez dit que votre bande s'inspire de la coutume. Le délai en question prévoit toutefois ce qui suit :
Le code ne peut être constitué des règles issues de la coutume de la bande que s'il est adopté dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du présent article. |
La Loi sur les Indiens existe depuis une centaine d'années, et voilà maintenant que vous disposez de deux ans pour traduire le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale du point de vue de la coutume, libeller des textes et les faire adopter dans un délai de deux ans. Ce délai de deux ans suscite-t-il des préoccupations? Ces dispositions administratives semblent presser les bandes de faire de l'ordre chez elles dans un délai de deux ans.
Le chef Marcel Head: Le délai ne me pose pas de problème parce que, comme je l'ai dit, nous avons une longueur d'avance étant donné notre loi sur les élections selon les coutumes, mais ce sont les bandes qui ne se conforment pas aujourd'hui aux modifications proposées... C'est une chose dont il faudrait tenir compte en ce qui concerne les deux ans, et je pense, comme je l'ai dit plus tôt, que les modifications proposées de la loi sur les élections selon les coutumes et des mécanismes d'élections ne sont pas du tout un service qu'on nous rend.
Je vais le répéter. Essentiellement, nous préférons la Loi sur les Indiens parce que nous utilisons la coutume de la bande d'aussi loin que je me souvienne. Je pense que nous en sommes déjà là.
Le président: Merci beaucoup. Voilà qui clôt la présente intervention.
J'aimerais savoir si le chef Pierre Settee de la Nation crie de Cumberland House est dans la salle. Non?
J'invite à la table le chef Walter Constant de la Nation crie de James Smith.
Chef Constant, soyez le bienvenu. Nous vous savons gré de la contribution que vous apportez aujourd'hui en ayant accepté notre invitation. Je vous propose de présenter vos collègues et votre exposé. Nous avons 30 minutes à passer ensemble.
À (1025)
Le chef Walter Constant (Nation crie de James Smith): Merci.
Je vous souhaite la bienvenue à Prince Albert, où vous êtes venu entendre nos préoccupations. Isaac Daniels, collègue faisant partie de mon personnel, m'accompagne. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, il interviendra sur certains points.
D'abord et avant tout, soyez les bienvenus à Prince Albert. Je tiens à remercier Peter Ballantyne de nous accueillir ici sur le terrain de sa réserve.
J'ai quelques points à soulever. Premièrement, peut-être devrais-je vous faire un bref survol historique de James Smith. Trois bandes coexistent dans la collectivité de James Smith, qui a été créée il y a deux ou trois ans: Chakastaypasin 98, Peter Champman 100 et James Smith. Je suis le chef de James Smith 100.
En août 2001, le ministre Robert Nault est venu à James Smith. Il a confié à un dénommé Warren Kinsella le mandat de soumettre un rapport sur le moyen de reconnaître ces deux autres bandes. Elles sont reconnues à l'heure actuelle en ce sens qu'elles ont leur chef et leur conseil, mais elles sont dans ma bande. C'est comme si j'étais allé m'installé chez vous il y a cent ans et que, quand c'est mon tour de regarder la télé, vous devrez la regarder aussi. Voilà comment les choses se passent dans la collectivité de James Smith.
À l'époque de la rébellion, les Chakastaypasin sont simplement venus à James Smith pour camper. Il n'y a pas eu d'amalgame avec James Smith, mais, pour une raison ou pour une autre, ils sont toujours dans ma collectivité. Ce qui m'irrite, c'est qu'ils ont la même compétence que moi. Nous recevons un chèque à James Smith, et il est au nom de James Smith. Il n'est ni au nom de Champman, ni au nom de Chakastaypasin, et pourtant les deux autres bandes exercent les mêmes droits sur les fonds alloués à James Smith.
Le rapport en question a été produit. C'était il y a environ un an, et il dort depuis sur le bureau de M. Nault. Le rapport a bien dû coûter quelque chose, et pourtant on n'y donne pas suite. Pour ma part, je n'ai encore rien reçu. J'ai fait des appels à ce sujet. J'ai parlé au sous-ministre adjoint, qui m'a dit que le rapport se trouve toujours sur le bureau du ministre. J'aimerais qu'on donne suite. J'ignore si vous pouvez faire quelque chose en ce sens, mais j'aimerais qu'on réagisse.
C'était donc un bref survol de la situation en vigueur à James Smith. Je vais maintenant aborder certaines autres de mes préoccupations.
À l'époque de la signature des traités, mon arrière-arrière-grand-père était conseiller. Il a signé son nom; il n'a pas utilisé un X. À l'examen de certains documents du passé, vous verrez comment les bandes étaient traitées. Vous verrez un X majuscule près de son nom, et pourtant il savait signer son nom.
Du point de vue du traitement que nous avons reçu, du traitement que les réserves ont reçu depuis si longtemps, il y a donc eu quelques méfaits.
À (1030)
Nous sommes visés par le traité 6. On nous garantit toutes sortes de choses, et pourtant vos représentants s'efforcent aujourd'hui d'imposer des lois à notre collectivité de James Smith. J'ai une petite réserve, six sur six, qui compte une population de 1 200 âmes. Pourtant, nos traités nous garantissent des acres et des acres par famille. Notre population est aujourd'hui trop importante pour la taille de notre réserve de James Smith.
Nous avons notre propre loi sur les élections; nous adhérons au principe des coutumes de la bande. Elle a été adoptée à Ottawa, et pourtant on voit toutes sortes de choses. Je suis censé être le chef, pensons-nous, et pourtant le ministère, le gouvernement fédéral, disent non. Nous avons notre propre réserve, que nous sommes censés diriger nous-même avec votre financement, peu importe comment vous l'appelez.
À cause d'une pénurie de logement, bon nombre des membres de la réserve vivent dans des centres urbains. En ce qui concerne l'éducation, il y a là-bas des installations, mais elles ne sont pas suffisantes pour les besoins de la collectivité. Nous avons un service de garde et des écoles de la maternelle jusqu'à la douzième année, et pourtant les fonds nous manquent. Nous plafonnons tout. Nous plafonnons notre éducation. Depuis combien d'années notre éducation est-elle plafonnée?
Si le ministère des Affaires indiennes ou vos représentants allouaient aux bandes le montant exact auquel elles ont droit selon la liste de la bande, bon nombre de bandes ne seraient pas administrées par une tierce partie. Je n'ai pas peur de dire que j'ai hérité d'une dette. Nous sommes assujettis au régime de l'administration par une tierce partie, et, le moment venu de faire quelque chose pour mes membres, je pourrais aussi bien m'adresser à ce verre d'eau qu'au tiers administrateur.
C'est difficile. Il ne me reconnaît même pas à titre de chef. À qui parle-t-il? Quel chef écoute-t-il? Comme je l'ai indiqué, il y a trois chefs sur ma réserve, et on doit obtenir la signature des autres chefs pour qu'une directive aille de l'avant. À mes yeux, c'est de la m...—excusez mon langage—, mais c'est ce qui se produit dans ma collectivité de James Smith.
Nous parlons des traités, et pourtant nous sommes en train de perdre tout ce qui y est prévu. Le gouvernement nous en dépouille. Prenez par exemple la clause relative aux médicaments. Regardez les formulaires de consentement que nous devons signer avec la Direction générale des services médicaux (DGSM) pour obtenir des fonds. Regardez le scandale qui s'est produit là-bas. Et si la même chose arrivait à nos membres compte tenu du formulaire de consentement que nous devons signer avec la DGSM? Tout doit figurer sur ce formulaire.
Qu'arrive-t-il ici, en Saskatchewan, avec SaskPower et tout le reste? Quelle garantie avons-nous après avoir consenti à ces choses?
Nous avons nos membres. Nous ne les contrôlons pas; c'est le MAINC qui les contrôle. Nous disons que c'est à nous qu'il revient de nous occuper de nos propres membres. Nous voyons des noms qui s'ajoutent sans notre consentement. On a, en vertu du projet de loi C-31, ajouté des noms à notre liste sans notre consentement. Ajoutez-en, pas de problème, mais donnez-nous les fonds et les terres qui vont avec. On ne le fait pas. On ne s'attaque pas à ce problème. On se contente d'ajouter les noms à la liste.
À (1035)
Prenez le cas des revendications territoriales. Nous parlons des revendications territoriales. Maintenant, les revendications territoriales sont plafonnées, mais, avant, elles ne l'étaient pas.
Un mot sur la reddition de comptes. Oui, j'accepte la reddition de comptes, mais il faut qu'elle aille dans les deux sens, pour les bandes et les Affaires indiennes. Ils doivent assumer la responsabilité de cela aussi. Nous les avons pressenties à une certaine époque pour leur dire que quelque chose clochait, mais ils ont fait la sourde oreille. Ils ont dit non, tout se passe harmonieusement.
Il ne faut pas oublier que nous sommes visés par les traités, ici, le traité 6 en l'occurrence, mais que, d'une façon ou d'une autre, nos droits nous échappent. Il ne devrait pas en être ainsi. Il faudrait plutôt nous efforcer d'améliorer la situation de notre collectivité
Nous parlons des Indiens qui vivent en milieu urbain, et leur sort me préoccupe au plus haut point. Ils ne reçoivent pas l'aide qui était prévue lorsqu'on les a confiés à la province. Ils reviennent dans ma bande et demandent de l'aide, et il est difficile de les retourner, de leur dire non, je ne peux pas vous aider, c'est la province qui a reçu les fonds pour vous. C'est ainsi que nous avons contracté une dette. Si nous leur demandons de l'aide, si nous les aidons au niveau de la réserve, même si nous savons qu'ils reçoivent de l'aide de la part de la province, le ministère des Affaires indiennes ne nous rembourse pas l'aide que nous leur avons accordée, et c'est pour cette raison que nous nous endettons.
Voilà pourquoi il serait utile que les bandes reçoivent l'allocation totale à laquelle elles ont droit. Utilisez la liste des membres pour leur donner ce dont elles ont besoin au lieu de vous en tenir au financement en réserve. C'est tout ce que nous recevons.
Je vais maintenant laisser le temps à Isaac, qui fait partie de mon personnel, de dire quelques mots. Je ne crois pas qu'il me reste beaucoup de temps, mais je vais lui permettre de dire quelques mots.
Le président: Monsieur Daniels.
M. Isaac Daniels (ancien, Nation crie de James Smith): Bonjour et merci, monsieur le président, de m'accorder le privilège de parler au nom de la bande de James Smith. Je suppose que mon âge fait de moi un aîné. Je suis également un survivant des pensionnats.
Essentiellement, nous sommes venus ici pour parler du fond du coeur et au nom des habitants de ma collectivité. Je pense que Sol a déjà indiqué ce que nous voulons et vers où nous allons.
Pour en revenir à la collectivité, je suis actuellement un travailleur du PNLAADA, et, à la vue des habitants de ma collectivité, je me représente des chiens en laisse. Vous savez, nous commençons à réfléchir aux politiques, à commencer par le livre blanc de 1969. Avant la signature du traité, nous avions une longue laisse. Nous étions nomades; nous survivions. Mais alors on nous a parqués dans les réserves et fait signer les traités. À l'époque, nos aînés s'attendaient à ce que nous puissions nous déplacer à notre guise et à ce que nous survivions dans le monde.
Mais aujourd'hui, comme je l'ai indiqué plus tôt, j'ai l'impression que des politiques nous enchaînent, que la chaîne raccourcit chaque jour davantage. À titre de travailleur du PNLAADA, je constate les conséquences de ces politiques au fil des ans. Le pourcentage de nos gens dans les établissements correctionnels augmente, et les problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie s'aggravent au niveau communautaire. Nous nous demandons souvent pourquoi. Or, c'est le gouvernement fédéral qui adopte des politiques sans savoir ce qui se passe. Au niveau communautaire, il met en oeuvre ces politiques, affirme qu'il s'occupe de nous, qu'il veillera sur nous, sans avoir la moindre idée des conséquences.
Le chef a abordé quelques-uns des enjeux, par exemple la reddition de comptes. Oui, nous avons commis des erreurs par le passé. À titre d'ancien chef, au début des années 80, j'ai commis des erreurs. Je l'admets. Ne commettons-nous pas tous des erreurs? N'oublions pas nos erreurs pour satisfaire notre propre intérêt. J'ai moi-même toujours défendu cette philosophie.
J'ai commis des erreurs, mais quelles en étaient les causes? Après le pensionnat, j'étais amer. J'éprouvais de l'amertume face à tout le monde. Il m'a fallu longtemps pour surmonter ce problème et guérir. Je me suis guéri par le processus que j'ai jugé opportun, ma culture, ma langue, etc.
C'est donc fort de cette expérience que je me présente à vous, et je pense, essentiellement, que c'est là que les politiques gouvernementales ont erré, c'est-à-dire qu'elles ont tenté de faire des Premières nations ce qu'elles voulaient—ce qu'elles ne pouvaient être. Je pense que c'est une grave erreur que les décideurs ont commise à propos des Premières nations.
Comme Sol l'a indiqué, Première nation n'est peut-être pas le terme qui convient, mais qui sait? Je pense que nous sommes des personnes en premier, et qu'on devrait s'occuper des personnes en premier, des personnes qui ont une identité culturelle, qui ont une langue. Mais on nous a relégués dans les marges et on nous a imposé une politique précisant que nous allions devoir rendre des comptes à tout le monde, au gouvernement et ainsi de suite. À mes yeux, c'est injuste.
À (1040)
Comme je l'ai dit, je pourrais répéter ce que Sol a déclaré ce matin, mais je ne souhaite pas me répéter. Voilà pourquoi je me présente à vous à titre de membre de la collectivité qui, dans le cadre du PNLAADA, lutte pour corriger certaines des erreurs commises par les décideurs. Je ne dis pas que je vais obtenir un résultat de 100 p. 100, mais je vais essayer. Je vais essayer.
Comme je l'ai dit, j'ai étudié ces politiques—le projet de loi C-7, le projet de loi C-49, et toutes les autres. Je les ai étudiées avec le bagage de connaissances que je possède. Je n'ai pas terminé ma douzième année. J'ai en quelque sorte été ballotté entre le système d'éducation des Blancs et celui des Indiens. Je suis revenu à ma culture, à ma langue. La terminologie que nous utilisons n'est peut-être pas aussi évoluée que celle d'autres politiciens, mais j'ai appris ce que j'ai appris, et c'est fort de ces connaissances que je m'efforce de comprendre les politiques, les choses qui nous tombent dessus.
Le chef a fait allusion à la question de la tierce partie. Oui, voilà où la chaîne est devenue plus courte pour nous parce que nous sommes aujourd'hui régis par une société de gestion indienne, qui contrôle les Indiens conformément à des politiques du gouvernement fédéral.
Le gouvernement affirme que tout est dirigé par des Indiens. Oui, nous comprenons ce que cela veut dire. Tout est dirigé par des Indiens, en un sens, puisqu'on a affaire à des Indiens qui en contrôlent d'autres. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une évaluation très juste.
Je pense que nous devons accréditer un grand nombre de règles, de règlements indiens, afin de dégager le consensus recherché. Comme notre chef l'a dit, on a réduit nos fonds au strict minimum. Les sommes allouées à l'administration que nous recevons sont très limitées, même au service de santé où je travaille.
Pour dire vrai, je touche seulement 15c. le kilomètre en vertu des règles et des règlements anciens de la DGSM, et pourtant je dois conduire mes concitoyens vers des centres de réhabilitation où ils se feront traiter—je le fais pour le bien de mon peuple; je ne le fais pas pour l'argent. Regardez les prix de l'essence aujourd'hui et prenez en compte d'autres facteurs, et demandez-vous où 15c. peuvent vous mener aujourd'hui. En m'exprimant de la sorte à titre de travailleur du PNLAADA, je fais preuve de réalisme.
Je ne veux pas prendre trop de votre temps, mais, pour que nous puissions régler les problèmes relatifs aux politiques, je pense que nous allons devoir nous asseoir à une table et nous regarder dans les yeux, en personne, et vous allez devoir respecter mes voeux, ma culture, ma langue et tout le reste, et je vous rendrai la pareille.
Je vous remercie, monsieur le président.
À (1045)
Le président: Merci beaucoup. C'est d'accord. Ne vous abaissez surtout pas. Vous avez très bien parlé, et votre contribution nous sera très utile. Parler du fond du coeur est toujours la meilleure solution.
Je vais maintenant offrir cinq minutes au Bloc québécois ou au NPD.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci de votre exposé.
Comme d'autres témoins avant vous, vous avez dit que, à supposer que la Loi sur les Indiens soit rouverte ou que la question des relations entre les Premières nations et le Canada au sens large soit rouverte, ce ne sont pas les sujets dont vous auriez choisi de débattre ou auxquels vous auriez décidé de consacrer du temps. La reddition de comptes, le mode d'élection de vos représentants ne sont pas le problème numéro un des personnes que vous représentez, ni celui qui vient tout de suite à l'esprit. Vous préféreriez parler d'éducation, de logement, de soins de santé, de gestion des ressources et d'autres choses.
S'il s'agit de la seule occasion dont bénéficie notre génération pour discuter de cette relation et la redéfinir, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il s'agit d'une occasion ratée? Pourquoi ces sujets et pourquoi pas les autres sujets d'importance que vous avez évoqués à la table? Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet?
Le chef Walter Constant: D'accord. Je vous remercie.
Chez nous, il n'y a pas de problème concernant les élections. C'est le peuple qui décide de qui sera élu. Nous avons une loi sur les élections que nous suivons.
Nous ne sommes pas visés par l'affaire Corbiere. Si des personnes ont les moyens de rentrer en Colombie-Britannique et de voter, elles peuvent le faire. Si elles sont à Ottawa, elles peuvent rentrer, et on les autorisera à voter. Si elles souhaitent venir et se faire élire comme chef ou comme membre du conseil, libre à elles de le faire.
Nous ne fermons la porte à personne, sauf au projet de loi C-31. Nous n'acceptons pas la présence de ces personnes sur notre liste. Elles sont sur notre liste, mais nous ne recevons aucun financement pour elles. Nous n'avons reçu aucune terre pour elles; pourtant, elles sont sur notre liste.
Nous avons accepté l'article 10 de la Loi sur les Indiens, mais, à l'heure actuelle, nous sommes visés non pas par la loi, mais bien plutôt par des traités. Nous nous efforçons encore d'être visés par des traités. Nous ne sommes pas visés par la Loi sur les Indiens, qu'on nous impose. Ce n'est pas ce que mon grand-père a signé au moment de l'établissement de la paix. C'est ce qu'on nous a alloué. «Allez-y, a-t-on dit, et nous allons vous donner des terres et tout ce dont vous avez besoin—l'éducation, le logement, les charrues, les filets, les munitions, vous aurez tout».
Regardez la situation d'aujourd'hui. On plafonne notre financement. Je ne suis même pas capable de bâtir une maison. Depuis trois ans, je ne serais même pas capable de construire une maison dans ma collectivité parce que nous sommes administrés par une tierce partie. Tous nos fonds sont versés au service de la dette.
Il faut faire quelque chose. La Loi sur les Indiens est, à mes yeux—je ne sais pas comment dire, mais je pense aux traités, à ce que mes arrière-arrière-grands-parents ont signé, et je crois en eux.
Je vais laisser à Isaac le soin de dire quelques mots s'il le souhaite.
À (1050)
Le président: Il reste seulement une minute.
M. Isaac Daniels: Essentiellement, vous voulez savoir si nous acceptons la Loi sur les Indiens. Certainement pas. Nos ancêtres l'ont en quelque sorte acceptée. Mais elle a été appliquée, à l'instar de toutes les politiques qui ont suivi, comme Sol l'a mentionné—la politique du précipice à bisons, le livre blanc de 1969.
Je suis au courant puisque, comme je l'ai indiqué, j'ai retenu de bonnes leçons de mon séjour dans les pensionnats. J'ai étudié les politiques en place.
Le président: Merci beaucoup. Voilà qui termine la deuxième ronde. Nous allons entreprendre la troisième avec M. Hubbard, qui dispose de cinq minutes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président. Je n'aurai pas besoin des cinq minutes, mais j'aimerais...
Le président: Vous risquez de payer un supplément.
M. Charles Hubbard: Eh bien, voilà bien ce dont il s'agit, chef, c'est-à-dire l'argent, n'est-ce pas? Le temps, c'est aussi de l'argent.
Monsieur le président, je suis vraiment inquiet. Le chef Walter et M. Daniels ont fait état de ce qui me semble une situation très grave en ce qui a trait aux relations avec le gouvernement fédéral. Si le chef et M. Daniels y consentaient, je pense qu'il serait avantageux pour nous... Vous savez, la gouvernance, chef, va dans les deux sens. On ne peut gouverner que d'un seul côté de la route.
Si le chef est d'accord, je propose, monsieur le président, que, à notre retour à Ottawa, nous obtenions un rapport à ce sujet des fonctionnaires du MAINC et que nous faisions le point sur la situation afin d'examiner des solutions.
Le chef a indiqué que vous étiez administré par une tierce partie, ce qui constitue une forme de gestion très coûteuse. En fait, si je comprends bien, c'est votre premier poste budgétaire en importance. Dans ce contexte, j'ignore comment vous vous tirez d'affaire, mais, chef, accepteriez-vous...? Je sais qu'il y a des vérifications annuelles. Elles viennent jusqu'à Ottawa. En tant que membres du comité, nous ne les voyons pas.
Je crois cependant, monsieur le président, qu'il s'agit d'un problème auquel nous devons nous intéresser, et il est certain que je suis sympathique à ce que nous ont dit le chef et son adjoint. Le projet de loi porte sur la gouvernance; si la gouvernance va dans les deux sens, examinons-la et voyons si nous sommes disposés à la partager afin d'en arriver à certaines solutions.
Voilà tout ce que j'avais à dire. Merci.
À (1055)
Le président: Eh bien, si le comité décide d'étudier ce problème, car c'en est un, il lui incombe de décider qui il souhaite consulter, et nous pourrions aussi nous déplacer. On peut en faire une intervention aussi majeure qu'on veut. Mais je doute que le comité—et ce sera votre décision—décide d'aller dans une seule réserve et d'évaluer le problème qu'elle y rencontrera. Si nous faisons une étude—et j'y serais favorable—, nous devrions élargir les horizons davantage.
M. Charles Hubbard: Monsieur le président, il ne s'agit pas nécessairement de faire une étude détaillée, mais au moins de soumettre un rapport de l'autre côté de la rue. Nous ne voyons pas les résultats des vérifications. Nous sommes un comité du Parlement. Ils sont au MAINC, mais je pense, monsieur le président, que nous pourrions en demander un et avoir l'autre version des choses pour déterminer les besoins en éducation, en logement et en santé auxquels le chef a fait allusion.
Je suis stupéfait d'apprendre qu'on vous offre 15 c. le kilomètre pour transporter des personnes qui ont besoin de services de santé.
Le président: Recevez-vous ces 15 c. à titre de bénévole ou d'employé?
M. Isaac Daniels: Je pense que je pourrais le faire. Comme monsieur l'a dit, je pense que ce serait une bonne chose pour que nous en arrivions à un consensus. Je ne propose pas que nous rejetions tout ce que le gouvernement fédéral offre et que nous nous battions pour ce que nous avons. Ce n'est pas ce que je dis. Essentiellement, ce que je dis, c'est rencontrons-nous face à face et dégageons un consensus, sans toutes les politiques émanant du gouvernement fédéral. Donnez-nous l'occasion d'avoir voix au chapitre.
Je ne sais pas si le chef est au courant, mais, comme Sol l'a mentionné, les chefs et les membres du conseil ne touchent aucun salaire, et c'est très draconien du point de vue de ce qu'on attend d'un chef. Le chef Constant a dit que tous les groupes passent par une procédure, une tierce partie, et il essuie un refus net et catégorique. Je ne crois pas que ce soit nécessaire du point de vue de qui je suis.
Je pense que nous devons commencer à examiner ces aspects pour en venir à un consensus.
Le président: Monsieur Hubbard et les autres, à l'occasion d'une rencontre future, sachez que toute demande pourrait être formulée; nous pourrions demander un rapport ou mener une étude. Nous pourrions y consacrer des mois si nous le voulons. Nous pouvons effectuer une étude approfondie. Il y a quelques années, j'ai présidé un comité chargé de mener une étude sur l'éducation, et nous avons rendu visite à de nombreuses Premières nations. Ainsi, les membres du comité peuvent décider dans quelle mesure...
Je crois que c'est un bon point à signaler.
Mais j'aimerais clarifier la question des 15c. par kilomètre. Dans mon comté, je connais des gens qui reconduisent des personnes chez le médecin et à l'hôpital et qui ne touchent aucune indemnité au kilométrage, d'autres reçoivent 10c.. C'est fonction de ce que l'organisme de bienfaisance offre.
Donc, faites-vous cela à titre d'employé, et si c'est le cas, pour le compte de qui, à 15c. le kilomètre—parce que c'est extrêmement bas—ou touchez-vous 15c. par kilomètre à titre de bénévole?
M. Isaac Daniels: Oui, je ne touche que 15 c. par kilomètre.
Le président: À titre de bénévole?
M. Isaac Daniels: Non, à titre d'employé.
Le président: Pour qui travaillez-vous lorsque vous faites cela?
M. Isaac Daniels: Je travaille pour le programme de soins de santé de la Bande de James Smith. C'est une politique gouvernementale. Ce n'est pas...
Le président: C'est le gouvernement qui prévoit qu'ils ne peuvent payer que 15 c. par kilomètre?
Á (1100)
M. Isaac Daniels: C'est la politique du gouvernement. Si nous devions offrir davantage, on ne nous rembourserait pas toutes nos dépenses.
Le président: Il est difficile pour nous d'accepter qu'il serait raisonnable de payer 15 c. Ce n'est tout simplement pas raisonnable. Nous nous pencherons sur cette question.
M. Isaac Daniels: D'accord, mais c'est la réalité.
Le président: Je vous crois.
Notre temps est écoulé. Merci beaucoup. Votre témoignage a été très informatif.
Passons maintenant au prochain exposé.
J'aimerais savoir si le chef de la Nation crie de Cumberland House, Pierre Settee, est ici.
Est-ce que le chef Eddie Martin de la Bande de Fond-du-Lac est ici? Il n'est pas ici.
J'aimerais savoir si le chef Angus Joseyounen de la nation Denesuline de Hatchet Lake est ici. Non.
Nous passons maintenant la parole au chef Earl Ermine de la Première nation de Sturgeon Lake. Nous vous invitons à la table.
Bienvenue, chef. Nous vous invitons à présenter un exposé. Nous avons 30 minutes ensemble. Je crois que vous avez assisté à d'autres témoignages, alors vous savez comment cela se déroule. Vous pouvez prendre le temps que vous voulez, mais nous vous saurions gré de laisser un peu de temps pour les questions.
Le chef Earl Ermine (Première nation de Sturgeon Lake): Membres du comité permanent, bonjour. Ma langue maternelle est le cri. Je crois qu'on nous bombarde souvent de français et d'anglais, alors je commencerai par m'adresser au comité en cri.
[Le témoin s'adresse au comité dans sa langue]
Malheureusement, je crois que Rick serait le seul à comprendre mon cri. Mais je vous souhaite la bienvenue à PA, et je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser au comité. En ma qualité de chef de la Première nation de Sturgeon Lake, j'espère que vos déplacements au pays sont sécuritaires.
Je tiens à vous souhaiter la bienvenue au centre administratif du grand conseil, ainsi qu'au territoire de la bande de Peter Ballantyne, qui nous a permis d'utiliser ses installations et son territoire pour cette rencontre.
À titre de chef de la Première nation de Sturgeon Lake, je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser aux membres du comité permanent des affaires autochtones. Dans notre région, visée par le Traité 6, nous sommes davantage préoccupés par la reconnaissance du traité que par la redéfinition des dispositions de la Loi sur les Indiens et de son règlement.
Le grand chef Merasty a résumé nombre de nos préoccupations à l'égard du projet de loi à l'occasion de son exposé devant le comité permanent le 4 février 2003, à Ottawa. Nous sommes d'accord avec le propos de l'exposé, qui résume les rencontres que nous avons tenues dans nos communautés à l'égard du projet de loi.
Dans la série de lois proposée qui nous arrive d'Ottawa, il y a le projet de loi C-6 concernant les revendications particulières, le projet de loi C-7 relatif à la Loi sur la gouvernance des Premières nations, et le projet de loi C-19 qui porte sur la gestion statistique et les enjeux connexes. De plus, le projet de loi C-49, qui porte sur les terres, s'en vient.
Je perçois ces lois comme un ensemble de dispositions interreliées visant les peuples des Premières nations. Ces lois deviennent des pierres d'achoppement pour de nombreuses activités dans nos communautés des Premières nations.
Je suis ici pour parler du projet de loi C-7, mais avant de me lancer dans les détails des dispositions contenues dans le projet de loi C-7, j'aimerais brosser un portrait de ma communauté.
Ma communauté est située à environ 55 kilomètres au nord-ouest de Prince Albert. Elle compte plus de 2 200 personnes sur sa liste de membres. De ce nombre, 60 p. 100 vivent toujours au sein de notre communauté. Les 40 p. 100 qui restent vivent à Prince Albert, à Saskatoon ou dans d'autres villes de l'Ouest canadien.
Á (1105)
Notre première langue est le cri, et la deuxième est l'anglais.
L'assise territoriale de notre réserve est d'environ 22 000 acres. Comme la plupart des Premières nations de la Saskatchewan, nous avons une école où sont inscrits plus de 325 étudiants, de la maternelle à la 12e année. Et comme la plupart des bandes en Saskatchewan, nous offrons des services de soins de santé à notre population. Cela comprend les programmes de transfert et les programmes ciblés. De plus, comme c'est le cas dans la plupart des Premières nations, nombre de nos membres dépendent de l'aide sociale.
Nous sommes actuellement aux étapes initiales d'un projet de station de radio FM afin de maintenir les connaissances linguistiques de notre peuple. Comme c'est le cas dans la plupart des communautés, les langues des Premières nations sont en danger. Dans notre population, probablement moins du tiers, c'est-à-dire très peu de gens, parlent la langue crie.
Notre communauté est aussi dotée d'un programme de services à l'enfance et à la famille qu'elle gère de façon autonome, sans lien avec le conseil.
Comme la plupart des Premières nations, nous administrons un programme de logement. À l'heure actuelle, nous disposons de plus de 200 unités habitables à Sturgeon. Comme c'est le cas pour la plupart des Premières nations, notre communauté est confrontée à un problème de surpopulation. En moyenne, on trouve environ sept personnes dans une unité à une ou deux chambres à coucher.
Les budgets d'immobilisations sont demeurés inchangés pendant de nombreuses années, près de 20 ans, malgré un taux d'accroissement démographique annuel de 4 p. 100. En 2001, nous affichions un déficit accumulé de plus de 800 000 $. En 2002, nous avons réussi à réduire ce déficit accumulé de plus de 700 000 $, et notre budget actuel est équilibré.
La structure politique de la Première nation est constituée de moi-même comme chef, et de six conseillers nommés pour trois ans. Les comités consultatifs sont très intéressants et fournissent des conseils et des recommandations au conseil.
Depuis 1978, la Première nation nomme ses chefs conformément aux coutumes de la bande.
Comme de nombreuses personnes des communautés des Premières nations de partout au Canada, nombre de nos membres ont survécu aux pensionnats, et nous continuons de ressentir les contrecoups du déracinement d'enfants, qui produit aujourd'hui des familles dysfonctionnelles.
Cela vous donne donc une idée de ma communauté, des types de situations et d'enjeux auxquels nous sommes actuellement confrontés. Je pourrais ajouter beaucoup de choses au sujet de la communauté, mais en raison de contraintes de temps, je m'en tiendrai à cela.
J'aimerais maintenant signaler certaines de mes préoccupations concernant le projet de loi C-7.
Toutefois, j'aimerais d'abord dire quelque chose au sujet de la Loi sur les Indiens actuelle et sur le projet de loi C-7.
Á (1110)
Je crois que nos dirigeants et les membres de nos communautés des Premières nations ignorent beaucoup de choses au sujet de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens joue un rôle secondaire dans notre quotidien, car nous avons signé des traités. Nous mettons l'accent sur les enjeux touchant les traités, car c'est la façon fondamentale dont nos grands-pères nous ont préparés à vivre.
Avant la signature des traités, il n'y avait pas de Loi sur les Indiens. Ce n'est qu'après l'établissement des traités qu'on a adopté la loi afin de déterminer comment nous allions vivre dans nos communautés.
On peut lire dans le préambule que les Premières nations n'ont jamais eu d'outil de gouvernance efficace, et que le gouvernement souhaite reconnaître le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Historiquement, c'est faux. Les Premières nations étaient dotées de leur propre procédure de gouvernance. Tout changement à cela doit être effectué de bonne foi et reconnaître les traités existants à titre de base de discussion.
À l'article 2, Interprétation, on dit qu'un électeur est un membre de la bande qui réside ou non dans la réserve. Cela crée une situation où les élections doivent être tenues à plus d'un endroit. Cela accroît considérablement le coût de l'élection et exige un budget supplémentaire. De plus, nous avons besoin de ressources financières pour offrir convenablement nos programmes à nos membres hors réserve.
Le paragraphe 32(2) permet au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'usurper les pouvoirs conférés par la loi traditionnelle de la bande. Nous sommes dotés d'une loi concernant l'élection coutumière, et elle s'assortit de dispositions relatives à un tribunal d'appel. Dans le projet de loi, c'est au ministre qu'il incombe de décider d'accueillir ou de rejeter l'appel.
Je suis très préoccupé par cela. Lorsqu'on aborde ce genre d'enjeux, à quoi se limite la responsabilité du ministre sur notre vie?
Le projet de loi ne contient aucune disposition prévoyant le renforcement des capacités grâce à l'affectation de fonds pour mettre en oeuvre les travaux prévus dans le projet de loi. Ce projet de loi nous forcerait à divulguer nos renseignements financiers à quiconque en fait la demande, qu'il soit membre de la Première nation ou pas. À titre de dirigeants des Premières nations, nous ne pouvons être responsables que de nos membres.
Le paragraphe 11(1) est tout à fait inacceptable. La partie impartiale proposée usurperait le rôle et l'autorité du conseil. Jusqu'où ira-t-on? Cette disposition permet aux non-membres qui vivent sur la réserve de porter plainte. Nous ne sommes pas comptables aux non-membres, et ils n'ont pas le droit de remettre en question nos décisions pendant qu'ils sont dans notre communauté des Premières nations à titre d'invités.
Qu'entend-on par capacité juridique dans le projet de loi? Est-ce que cela signifie que nous pouvons donner en gage notre terre et d'autres ressources et risquer de perdre ces actifs en cas d'inexécution? Nous croyons que le droit de mettre en gage notre terre ou d'en disposer autrement va à l'encontre de l'esprit et de l'intention de nos traités.
Á (1115)
En vertu du Traité 6, notre terre a été réservée à l'utilisation et à l'avantage de notre Première nation. Cela vise non seulement la génération d'aujourd'hui, mais aussi les générations à venir. Si nous subdivisons et répartissons les terres au moyen de certificats de possession, que restera-t-il pour les générations à venir?
Pour terminer, le projet de loi ne va créer qu'un cauchemar administratif pour les Premières nations. Nous sommes déjà dotés de politiques que nos gens comprennent et qui fonctionnent bien. S'il est adopté par le Canada, ce projet de loi accorde davantage de pouvoir au ministre sur notre vie. Le ministre décide de ce qui sera le mieux pour notre peuple. C'est un enjeu majeur qui empêche les dirigeants des Premières nations de s'attacher aux enjeux quotidiens importants auxquels ils sont confrontés.
Les lois antérieures n'ont pas fonctionné efficacement, et celui-ci deviendra aussi une statistique si les choses ne se déroulent pas de façon convenable et coopérative. Le projet de loi C-7 a été rédigé par le gouvernement canadien, sans consultation des Premières nations et de leurs dirigeants. Pour être efficace, un projet de loi doit être élaboré en coopération avec les Premières nations au lieu de leur être imposé. Voilà pourquoi nous demandons que le projet de loi C-7 soit annulé afin qu'on tienne un processus de consultation en bonne et due forme.
À l'occasion d'une entrevue, la semaine dernière, au sujet du Sommet national des Affaires, le ministre Nault a déclaré qu'il y a un troisième ordre de gouvernement au pays, et qu'il s'agit du gouvernement des Premières nations. Nous demandons maintenant d'être traités comme un troisième ordre de gouvernement, d'être consultés, et de coopérer en vue d'élaborer des lois efficaces. L'imposition unilatérale du projet de loi au gouvernement des Premières nations par le gouvernement canadien est inacceptable.
Monsieur le président, voilà mon exposé. C'est court et concis.
Le président: Très bien. Merci.
J'ai suffisamment de temps pour deux questions de cinq minutes.
Monsieur Vellacott.
M. Maurice Vellacott: Merci beaucoup, Earl, de votre exposé ce matin. J'aimerais poser quelques questions au sujet des préoccupations que vous avez soulevées ici.
Si on établissait clairement que seules les personnes des Premières nations auraient la possibilité de recourir à ce processus de recours par l'entremise d'un ombudsman—une personne de votre choix, qui jouit de votre respect à l'échelle régionale ou nationale—, est-ce que cela permettrait d'éliminer ou d'atténuer vos préoccupations? Votre plus grande préoccupation tient-elle à la possibilité qu'un non-Autochtone utilise ce mécanisme pour harceler une bande, un chef, un conseil?
Á (1120)
Le chef Earl Ermine: Nous sommes actuellement dotés de systèmes qui fonctionnent. Nous ne voulons pas qu'on nous impose une autre loi qui créera des difficultés dans nos communautés. Nous avons des moyens de donner suite aux griefs, aux plaintes.
M. Maurice Vellacott: Des gens de vos Premières nations—ou au moins des membres de nations différentes, et je crois que vous serez assez honnête pour le reconnaître—ont déclaré qu'elles ne croyaient pas que cela offrirait même une bonne protection au chef et au conseil, parfois. Je ne sais pas de quels processus vous parlez, car, évidemment, les méthodes varient partout au pays.
Mais lorsque des personnes se présentent à vous, comme c'est le cas pour moi, on veut certainement qu'une personne impartiale, ou considérée comme impartiale, et autonome se penche sur ces questions et détermine si leur point de vue est fondé, de sorte qu'ils ne pourraient continuer de s'attaquer au chef et au conseil. Je suppose que c'est ça que je veux savoir.
Le chef Earl Ermine: Quoi qu'on fasse dans une situation donnée, il y aura toujours des gens qui se plaignent en permanence.
M. Maurice Vellacott: C'est vrai.
Le chef Earl Ermine: Vous devez probablement composer avec des commettants qui frappent à votre porte chaque semaine pour se plaindre de quelque chose.
Ce que je me demande, c'est jusqu'où cela peut aller? Si on donne aux gens l'occasion de se plaindre, ils peuvent se plaindre de petites choses, parfois de choses qui sont sans importance, mais je crois qu'il faut établir une limite à quelque part. Quel type de plainte acceptera-t-on, et de qui?
Le mécanisme de recours actuel établit une échelle hiérarchique pour la présentation de la plupart des plaintes. Disons que notre gestionnaire de bande ou le directeur de l'éducation ou des soins de santé soit en mesure de donner s'occuper de certains problèmes. Si on tente de nous rejoindre, alors que l'administration peut s'en charger, on nous fait perdre notre temps. Il faut accorder le bénéfice du doute au système. Je ne crois pas que ce processus fait cela.
Le président: Il vous reste deux minutes.
M. Maurice Vellacott: D'accord. J'aimerais approfondir cela avec vous, car je ne connais pas pleinement les systèmes, et je conviens qu'il doit y avoir des moyens aussi. Pour certains de ces enjeux, les plaintes ne sont peut-être pas vraiment fondées.
Vous avez aussi mentionné qu'en vertu du Traité 6 des terres ont été réservées pour l'utilisation et l'avantage des Premières nations. Je suis d'accord. Et il semble que vous ne soyez pas d'accord avec la question des certificats de possession.
Je pose la question parce que les Six Nations, à Brantford, en Ontario, et d'autres bandes aiment vraiment l'idée du certificat de possession. La bande ne perd pas la terre. Le certificat ne réduit pas la terre. De fait, ces bandes voient ces terres confiées à des membres de la famille ou, par testament, à un autre membre de la bande.
N'êtes-vous pas doté d'une sorte de mécanisme analogue favorisant la création d'une économie moderne? Le certificat semble fonctionner dans certaines de ces bandes, et certaines le vantent et sont plutôt impressionnées par l'utilisation de certificats de possession. Elles les honorent; elles les respectent. Il semble même que le certificat fonctionne et qu'on contribue au développement économique de certaines de ces réserves.
Le chef Earl Ermine: Cela dépend à quel type de communauté on a affaire. Les Six Nations sont peut-être plus avancées que la plupart des communautés. Je sais que c'est le cas de la bande de Westbank, lorsqu'il est question de lotissement à des fins de développement. Mais lorsqu'il est question de subdiviser sa communauté...
Je sais que le sujet a été abordé dans notre communauté, et je crois qu'un grand nombre de nos membres s'y opposent, le fait d'envisager le certificat de possession ou même de subdiviser sa communauté s'assortit de certains dangers. Si quelqu'un se présente en disant: «J'ai le certificat de possession pour cette parcelle de terrain, et je vais le céder...
Ma pensée va probablement au-delà de la vôtre, car je connais ma communauté.
Á (1125)
M. Maurice Vellacott: Ils n'aiment pas faire ça.
Le président: C'est tout. Le temps est écouté, monsieur Vellacott.
Monsieur Martin, cinq minutes.
M. Pat Martin: Merci, chef Ermine, et merci d'avoir commencé votre exposé dans votre langue maternelle.
Monsieur Laliberte est peut-être le seul ici à être à l'aise en cri, mais j'ai pris des cours de cri au secondaire. Cela m'intéresse toujours d'entendre quelqu'un qui le parle bien.
Vous avez soulevé un certain nombre de bons points et j'ai pris beaucoup de notes, mais j'aimerais savoir si je résume assez bien le thème de votre exposé: pour vous, il est secondaire de s'attacher à la Loi sur les Indiens, car il y a des enjeux de fond liés à l'exécution des traités.
Je vous cite les paroles d'un invité antérieur, qui a déclaré—et si je comprends bien votre point de vue, vous serez d'accord—qu'une bonne gouvernance sans pouvoirs souverains réels a autant de chances d'être efficace que des pouvoirs souverains sans une bonne gouvernance; autrement dit, il faut mettre la charrue et les boeufs dans le bon ordre. Vous voulez davantage parler de questions touchant la souveraineté et l'exécution des traités que de toute modification de la Loi sur les Indiens.
Ai-je bien compris?
Le chef Earl Ermine: Je m'explique: j'en suis à mon troisième mandat à titre de chef. Au cours des deux premiers mandats, qui ont commencé en 1992 et en 1998, je n'ai jamais lu la Loi sur les Indiens. Pour moi, la Loi sur les Indiens n'a aucune importance dans ma vie. Ce ne sont que les gens qui étudient la Loi sur les Indiens qui commencent à comprendre qu'il y a certaines choses que cette loi permet de faire. Mais je crois que je suis allé au-delà de cela, estimant que je peux gérer la communauté sans recourir à la Loi sur les Indiens.
Un grand nombre de décisions prises dans la communauté est fondé sur les traités et les devoirs qui nous ont été confiés. Alors je ne considère pas la Loi sur les Indiens comme une bible décrivant comment nous devrions mener notre vie dans notre communauté. Pour de nombreuses personnes des Premières nations, la Loi sur les Indiens est un obstacle au développement. C'est une barrière qui vise à les contrôler.
Je ne suis pas sûr. Je crois que nous parlons de l'héritage de quelqu'un ici.
M. Pat Martin: J'aimerais vous poser une question précise.
L'une de vos déclarations m'a absolument renversé. Vous avez affirmé que le budget d'immobilisations de votre communauté ou Première nation est demeuré inchangé pendant pratiquement vingt ans, alors que votre population connaît une croissance annuelle de 4 p. 100.
Cela aide peut-être les autres membres du comité à comprendre pourquoi un si grand nombre de communautés des Premières nations pourraient éprouver des difficultés au chapitre de la gestion financière. Si elles tentent de répondre aux mêmes besoins fondamentaux avec des fonds insuffisants, ce n'est pas difficile à comprendre.
Pourtant, l'application de ces nouvelles règles, lesquelles, selon moi, deviendront probablement loi, coûtera aussi de l'argent et mobilisera des fonds qui pourraient être affectés à d'autres dépenses nécessaires.
Pourriez-vous commenter?
Le chef Earl Ermine: Je crois que lorsqu'on s'attarde à toutes sortes de faits nouveaux dans sa communauté, si on revoit le code régissant ses membres, si on élabore une loi électorale, ou si on adopte des règles de gestion financière—quoi qu'on fasse—ça va coûter de l'argent. Et si on n'a pas d'argent pour faire cela, comment peut-on se préparer convenablement à donner suite à ces questions?
Si on a affaire au ministre, au gouvernement libéral... vous tenez des consultations, des audiences partout au Canada, et si le ministre n'avait pas l'argent pour faire cela, vous seriez toujours à Ottawa. Vous avez besoin des outils nécessaires pour faire ce que vous avez à faire.
C'est l'analogie que j'aime utiliser, car nous devons composer avec les mêmes choses dans nos communautés.
M. Pat Martin: Nous avons entendu une estimation. Le chef adjoint pour la Colombie-Britannique, Satsan Herb George, a retenu les services d'un cabinet d'expertise comptable, Deloitte et Touche, et cette entreprise estime qu'il faudrait de 200 000 $ à 400 000 $ par communauté, partout au pays.
Cela représenterait 80 millions de dollars en Colombie-Britannique seulement, juste pour appliquer ces changements, s'il y a de la collaboration et une volonté de le faire. S'il n'y a aucune volonté de le faire, Dieu sait combien cela coûterait. C'est 80 millions de dollars qui auraient pu aller à la santé, à l'éducation, au logement, n'importe quoi, et qu'on a décidé d'affecter à la mise en oeuvre de quelque chose que personne ne semble vouloir se voir imposer.
Á (1130)
Le président: Merci beaucoup. Les cinq minutes sont écoulées.
J'aimerais seulement aborder une petite précision qui ne change pas l'intention de votre commentaire. Le ministre ne finance pas nos activités; c'est la Chambre des communes. Je le répète partout où je vais. Nous ne sommes pas un comité du ministre, du Premier ministre ou du gouvernement. Nous sommes comptables au président de la Chambre. Cela n'influe pas sur votre propos. Je comprends ce que vous dites.
Je vous rends le temps que j'ai pris, alors vous avez environ une minute et demie pour le mot de la fin.
Le chef Earl Ermine: Je ne suis pas sûr, mais je suppose que j'aimerais remercier le comité de l'occasion qui m'est offerte de vous faire part de mes préoccupations, même si les enjeux que j'ai soulevés ne constituent qu'une modeste part des enjeux que j'aimerais soulever.
J'ai pris le temps de lire le projet de loi. J'ai de nombreuses préoccupations à son égard. Je crois qu'il faut tenir une consultation et établir un partenariat convenables avec le fédéral, car il faut que les gens prennent le processus en charge pour que les choses fonctionnent dans notre communauté, et s'ils ne le font pas, encore une fois, si on nous impose une loi, personne ne l'acceptera.
Le président: Merci beaucoup de nous avoir fourni des renseignements très utiles.
Nous invitons toute personne dans la pièce à présenter un commentaire personnel ou une déclaration au comité. Nous vous accordons deux minutes pour le faire—toute personne qui n'a pas présenté un exposé ou qui ne compte pas le faire.
Nous commencerons avec Mme Florence McLeod, pour deux minutes.
Quiconque souhaite faire une déclaration peut s'inscrire à la table, et nous serons heureux de vous entendre.
Florence est accompagnée de Selina Ballentyne, et nous inviterons aussi Selina à faire un exposé.
Mme Florence McLeod (À titre individuel): C'est exactement ce qu'elle vient de me dire. Elle m'a dit de ne pas la laisser parler.
Bonjour. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue dans notre belle ville de Prince Albert.
J'ai vécu ici presque toute ma vie, alors je connais beaucoup de gens, beaucoup de gens d'affaires. Je suis très active au sein du comité sur le racisme. Je siège aussi au sein du... et aussi au Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Je suis très active à titre de membre de la nation crie de Montreal Lake, ici à Prince Albert.
De fait, cela m'amène à une question très pertinente et opportune, à savoir comment je pourrais faire en sorte que le gouvernement fédéral, ou quiconque est responsable des personnes visées par un traité qui vivent hors réserve, comme moi, qui n'est pas capable d'être rémunéré lorsque j'assiste à ces rencontres... Parfois je prends l'autobus, car je n'ai pas de véhicule pour l'instant. Mon mari l'utilise pour se rendre au travail. Parfois, je prends l'autobus, et lorsque je manque l'autobus, je fais de l'auto-stop. Je suis chanceuse d'avoir toujours trouvé de bonnes gens pour m'embarquer. C'est l'un de mes griefs.
Je vous explique maintenant la principale raison de ma présence devant ce... Je suppose qu'il s'agit d'un comité permanent.
Le président: Vous devriez aller plus vite, car les deux minutes sont presque écoulées. Nous vous accordons une minute supplémentaire.
Á (1135)
Mme Florence McLeod: J'ai seulement trois points à soulever, alors je tenterai de...
Le président: Vous devrez le faire en une minute.
Mme Florence McLeod: On a interjeté appel devant M. Nault concernant les élections à Montreal Lake—nous n'avons reçu ni renseignement ni réponse de son bureau. C'est le premier point.
Et où sont allés les 300 000 $ promis à la population de Montreal Lake pendant nos élections? C'est mon deuxième point.
Je passe enfin à ma dernière question, la plus importante: j'aimerais savoir ce qu'on peut faire lorsqu'un conseiller accepte un chèque devant quelqu'un, et que le chèque visait à rembourser une dette? À qui s'adresse-t-on? Il devrait y avoir des normes, des lignes directrices, des politiques. Nous parlons d'élections. Nous parlons constamment de politiques et de lignes directrices. Que pouvons-nous faire?
Pour ce dernier point, je parle au nom de mon aîné, Selina.
Le président: Merci beaucoup.
Ce sont des questions légitimes que vous devriez pouvoir soulever auprès du ministère ou du ministre. D'habitude, je dis à mes commettants de m'acheminer la lettre afin que je me charge de la remettre en main propre. Alors vous pourriez peut-être essayer cela ici.
Je vous remercie beaucoup. Ce n'est pas plaisant d'être président et d'avoir à interrompre les gens lorsque je sais que le témoignage devant le comité est un moment difficile à passer. Mais nous avons des règles. Si cela peut vous consoler, sachez que lorsque le ministre a témoigné, je l'ai interrompu deux fois.
Pourriez-vous nous parler, madame Ballentyne? C'est comme discuter autour de la table, dans la cuisine. Détendez-vous, Selina. C'est comme être en famille.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose au dernier point soulevé par Florence? Si vous voulez, vous pouvez nous parler dans votre langue, et M. Laliberte nous expliquera vos propos par la suite. Si vous voulez, vous pouvez le dire à Florence afin qu'elle le traduise pour vous.
Mme Celina Ballentine (À titre individuel): J'aimerais savoir ce que font les conseils. Les réserves ne semblent pas dire grand-chose. Je ne leur parle jamais ou ils ne nous parlent jamais.
Le dernier jour où on donnait les chèques de bien-être social, une employée a repris le chèque d'un homme. Cet homme voulait ce chèque, c'était supposé être son chèque, et cette femme le lui a enlevé. Il n'a pas reçu d'aide sociale. Et cet homme avait besoin de l'aide sociale.
Le président: Je vous remercie beaucoup d'avoir partagé cela avec nous. Vous pourriez obtenir des réponses en vous adressant aux représentants du ministère dans sa région. Mais nous en prenons bonne note. Merci beaucoup.
Je tiens à signaler que tout ce que vous dites, tous les documents que vous nous remettez, sont versés au dossier. On enregistre les témoignages, on les envoie à Ottawa, et on les transcrit. Alors, lorsque vous vous adressez à notre comité, vous ne parlez pas aux murs. Nous prêtons attention. Tout est enregistré, et nous consulterons toute l'information. Merci beaucoup.
Nous accueillons maintenant Marco Theriault, qui présentera un exposé de deux minutes.
Après l'exposé de M. Theriault, si quelqu'un doit paraître plus tard aujourd'hui et est disposé à le faire maintenant, nous resterons et remettrons notre dîner à plus tard. Nous avons prévu une heure pour le dîner, mais nous n'avons pas besoin de tout ce temps. Si nous pouvions entendre le chef Garry Standing, cela nous permettrait de rejoindre l'horaire établi.
Monsieur Theriault.
M. Marco Thériault (À titre individuel): Bonjour. Je m'appelle Marco Theriault, je fais partie de la bande de Fond-du-Lac, et j'ai presque toujours vécu ici au cours des 33 dernières années.
J'aimerais parler de l'industrie minière. Tout le monde discute au sujet des terres et de choses comme ça, et de qui obtient quoi. C'est une grande valse. Mais ce que les Autochtones veulent savoir, c'est quand ils obtiendront une part des droits miniers? Ils ont tout pris. On nous a rassemblés, placés dans des réserves et immobilisés. Nos réserves prennent de l'ampleur chaque jour. On a besoin d'argent pour l'éducation, pour la santé, on le réclame à cor et à cri, mais rien ne se passe.
Je sais qu'au gouvernement, il y a une responsabilisation des deux parties. Pour que nous puissions nous gouverner nous-mêmes, nous devons tous travailler ensemble. Nous devons laisser savoir aux gens ce qui se dit. De nombreuses personnes sont en colère contre le gouvernement. Elles ne sont pas intéressées à essayer d'arranger les choses, car on les a laissées de côté trop souvent.
Quand allons-nous vraiment commencer à agir comme des partenaires et à partager ce que nous avons aussi? Le Canada est un pays riche, et je crois que nous pouvons tous partager, tirer avantage de cette richesse et améliorer le sort de tous. Il y a tellement de racisme dans le monde aujourd'hui, y compris au Canada, et cela revient toujours à l'argent, au pétrole, à l'uranium et à l'or. On revient toujours à cela.
Lorsque toutes les sociétés minières s'en iront, et nous devrons composer avec les dégâts qu'ils laisseront derrière eux. Regardez ce qui s'est passé au lac Athabasca. On a fermé la mine. Il ne reste plus qu'un gros lac pollué. On parle de cellules cancéreuses et de toutes ces choses, mais toutes ces choses découlent de ce que nous avons extrait du sol.
On ne l'a pas nettoyé. Il faut que quelqu'un le fasse. Maintenant, ils parlent du grand nettoyage qu'ils feront là-bas, mais lorsqu'ils y retourneront pour le nettoyage et commenceront à déranger le sol, il y aura davantage d'infiltrations dans le lac Athabaska, et le risque pour la santé sera plus grand sur l'ensemble du lac.
Ils ont même eu de gros déversements au lac Wollaston. Et ils disent qu'ils trouvent dans les membres de nos populations des cellules cancéreuses blanches. Nous voulons de l'aide. Nous voulons tous de l'aide. Nous voulons tous travailler ensemble. Nous voulons tous vivre ensemble au Canada, à titre de partenaires, mais si nous travaillons ensemble, il faut aussi qu'on se préoccupe des Premières nations et qu'on prenne soin d'eux.
C'est tout ce que j'ai à dire.
Á (1140)
Le président: Nous vous remercions de cet exposé. Nous ne prétendons pas que le projet de loi C-7 résoudra les problèmes.
M. Marco Thériault: Non. Je le sais.
Le président: Ce n'est qu'une petite partie de la solution. J'espère que le gouvernement élaborera d'autres lois qui procureront réellement des outils favorisant le développement économique. Nous serons certainement là pour le pousser à le faire. Merci de votre exposé.
Y a-t-il quelqu'un qui serait disposé à présenter son exposé plus tôt?
Voulez-vous présenter un exposé de deux minutes? Certainement. Votre nom, s'il vous plaît?
M. Wesley Daniels (À titre individuel): Bonjour, et merci.
J'ai une copie du mémoire du chef Ermine.
Je suis membre de sa Première nation, et j'ai été son adversaire à l'occasion d'élections. Nous nous sommes affrontés à l'occasion d'élections visant à élire un chef . De plus, j'ai déjà été chef.
Je n'ai pas beaucoup de temps, alors je commence. Un peu plus tôt, des témoins parlaient du gouvernement, ou de l'organe législatif, et de la possibilité qu'il usurpe l'autorité du chef et du conseil. Cela devient possible lorsqu'on affirme qu'une personne sera légalement chargée d'entendre les plaintes. Nous sommes déjà dotés d'une loi qui fait cela. Nous avons demandé à notre peuple d'élire un porte-parole, et il l'a toujours fait. Je l'ai toujours fait. Lorsque j'élis une personne afin qu'elle parle pour moi, je la laisse le faire, et je ne veux pas que quelqu'un d'autre, même le ministre, nomme une autre personne et dise que cette personne exercera un pouvoir sur les élus. Votre gouvernement n'est pas doté de cela, et notre gouvernement n'en a pas besoin non plus. Alors nous sommes tout à fait contre cela. Le projet de loi C-7 prévoit un contrôle encore plus marqué que l'ancienne Loi sur les Indiens. Avec ce projet de loi, je vois nos réserves, nos peuples des Premières nations, tels que nous les connaissons aujourd'hui, disparaître.
Un autre projet de loi s'en vient, et il va main dans la main avec le projet de loi C-7, c'est-à-dire le projet de loi C-19. Je l'ai regardé. Il nous détruit complètement. Le projet de loi C-7 n'est qu'un avant-goût du projet de loi C-19.
J'ai donc voulu soulever ce point brièvement. Cela me met en colère, alors je n'en dirai pas plus.
Merci.
Á (1145)
Le président: Nous vous remercions beaucoup de votre exposé.
Chers collègues, si vous n'avez pas d'objection, je suggère qu'on reprenne à 12 h 30 au lieu de 13 heures, car nous devons entendre d'autres chefs aujourd'hui, et ils prennent part à d'autres réunions dans ce bâtiment. J'espère que l'un d'entre eux sera en mesure de nous rencontrer à 12 h 30 pour nous aider à rattraper notre retard. Nous reprendrons à 12 h 30.