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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 5 mai 2004




¹ 1535
V         Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.))
V         M. Cam Dahl (directeur exécutif, Producteurs de grains du Canada)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         M. Denis Couture (président, Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Éric Darier (responsable de la campagne OGM, Greenpeace Canada)

º 1600
V         Le président
V         M. Ken Epp (Elk Island, PCC)
V         M. Cam Dahl
V         M. Ken Epp
V         M. Cam Dahl
V         M. Ken Epp
V         M. Denis Couture
V         M. Ken Epp

º 1605
V         M. Benoit Legault (directeur général, Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec)
V         M. Ken Epp
V         M. Denis Couture
V         M. Ken Epp
V         M. Cam Dahl
V         M. Ken Epp
V         Le président
V         M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ)

º 1610
V         M. Cam Dahl
V         M. Louis Plamondon
V         M. Denis Couture
V         M. Louis Plamondon
V         M. Denis Couture
V         M. Louis Plamondon
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ)

º 1615
V         M. Cam Dahl
V         Le président
V         L'hon. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.)
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture

º 1620
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Georges Farrah
V         Le président
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)

º 1625
V         M. Denis Couture
V         M. Dick Proctor
V         M. Denis Couture
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor

º 1630
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         Le président
V         M. Dick Proctor
V         Le président
V         Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.)
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Denis Couture

º 1635
V         M. Éric Darier
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Denis Couture
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Denis Couture
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Denis Couture

º 1640
V         Le président
V         M. Denis Couture
V         Le président
V         M. Ken Epp
V         M. Cam Dahl
V         Le président
V         M. Benoit Legault
V         M. Ken Epp
V         M. Benoit Legault
V         M. Éric Darier

º 1645
V         Le président
V         M. Ken Epp
V         Le président
V         L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.)
V         M. Denis Couture
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. Denis Couture

º 1650
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. Denis Couture
V         Le président
V         M. Denis Couture
V         Le président
V         M. Benoit Legault
V         Le président
V         M. Bernard Bigras
V         M. Denis Couture

º 1655
V         M. Cam Dahl
V         M. Louis Plamondon
V         M. Denis Couture

» 1700
V         Le président
V         M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.)
V         M. Denis Couture
V         M. Cam Dahl
V         M. Gilbert Barrette
V         M. Denis Couture
V         M. Gilbert Barrette
V         M. Denis Couture
V         M. Gilbert Barrette
V         M. Louis Plamondon
V         M. Gilbert Barrette
V         M. Denis Couture
V         M. Gilbert Barrette
V         M. Denis Couture

» 1705
V         M. Gilbert Barrette
V         Le président
V         L'hon. Mark Eyking
V         M. Denis Couture
V         Le président
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Éric Darier

» 1710
V         M. Cam Dahl
V         Le président
V         M. Denis Couture
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Denis Couture
V         Mme Rose-Marie Ur

» 1715
V         M. Éric Darier
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Éric Darier
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Éric Darier
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Éric Darier
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Éric Darier
V         Mme Rose-Marie Ur

» 1720
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Louis Plamondon
V         M. Éric Darier

» 1725
V         Le président
V         M. Louis Plamondon
V         M. Denis Couture
V         Le président
V         M. Ken Epp
V         M. Éric Darier
V         M. Ken Epp
V         M. Éric Darier
V         M. Ken Epp
V         M. Éric Darier
V         Le président
V         M. Dick Proctor
V         M. Éric Darier

» 1730
V         M. Dick Proctor
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 020 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 mai 2004

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de l'impact potentiel des négociations mondiales commerciales et du Protocole de Cartagena sur le commerce des céréales.

    Nous accueillons aujourd'hui plusieurs invités, principalement des secteurs céréaliers du Canada, ainsi qu'un représentant de Greenpeace Canada.

    Ce sont Cam Dahl, directeur exécutif, Producteurs de grains du Canada, Denis Couture, président, et Benoît Legault, directeur général, Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec, et Éric Darier, responsable de la campagne OGM, Greenpeace Canada. Voilà.

    Êtes-vous le premier à prendre la parole, monsieur Dahl? D'accord.

    Si vous prenez beaucoup de temps, il y en aura moins pour les questions.

+-

    M. Cam Dahl (directeur exécutif, Producteurs de grains du Canada): Je tâcherai d'être bref.

    Bonne après-midi, monsieur le président et membres du comité. C'est un grand privilège pour moi de comparaître devant vous encore une fois. Comme vous le savez, je m'appelle Cam Dahl et je suis directeur exécutif des Producteurs de grains du Canada.

    Ken Bee, président des PGC, vous transmet ses excuses. Il aimerait être avec vous aujourd'hui, mais il s'apprête à ensemencer du soja, ce qui occupe son temps.

    Je ne passerai pas beaucoup de temps à expliquer comment les guerres des grains du Canada ont débuté. Ces renseignements figurent dans le mémoire que vous avez tous reçu. Je souligne cependant que nous représentons exclusivement les producteurs de grains et d'oléagineux. Nous ne représentons aucun autre secteur de l'industrie agricole.

    Mon exposé d'aujourd'hui se divise en deux parties. Un exposé sur l'état actuel des négociations à l'OMC sera suivi d'un aperçu du protocole sur la biosécurité et des effets que ce traité risque d'avoir sur les producteurs canadiens.

    Les négociations commerciales internationales représentent l'un des plus importants enjeux des producteurs de céréales et d'oléagineux du Canada. Notre industrie subit encore les conséquences de l'ingérence du marché en raison des subventions étrangères, nationales et à l'exportation, de même que des barrières tarifaires importantes. Cette ingérence étrangère dans les marchés mondiaux limitent non seulement l'accès aux matières brutes; elles empêchent également la vente de produits agricoles transformés, ce qui a pour effet de limiter les emplois disponibles pour les Canadiens et de priver de revenus des familles d'agriculteurs.

    Le revenu net des producteurs de céréales et d'oléagineux du Canada continue de diminuer en deçà des prix naturels qui seraient obtenus dans un marché mondial sans distorsion. Selon les plus récentes évaluations de l'OCDE, les producteurs de blé européens tirent 46 p. 100 de leur revenu du gouvernement et les producteurs de blé américains, 30 p. 100 de leur revenu du gouvernement. Quant à eux, les programmes canadiens de sécurité du revenu n'offrent que 18 p. 100 aux producteurs.

    Le U.S. Institute for Agriculture and Trade Policy a récemment constaté que, en 2002, le blé américain était exporté à un prix moyen de 43 p. 100 de moins que les coûts de production, le soya américain, à un prix moyen de 25 p. 100 de moins que les coûts de production et le maïs américain, à un prix moyen de 13 p. 100 de moins que les coûts de production.

    Comme les prix intérieurs des grains et des oléagineux sont déterminés par le marché mondial, ces distorsions touchent tous les producteurs de céréales et d'oléagineux, même s'ils ne font pas d'exportation. Même le prix de vente d'une ferme à l'autre est touché négativement.

    La seule façon efficace de corriger le problème causé par l'ingérence étrangère dans les marchés mondiaux et de permettre à l'agriculture canadienne de dépasser le stade de la gestion des crises est d'uniformiser les règles du jeu et d'assurer un commerce libre et équitable de ses produits agricoles. Personne au Canada, notamment les producteurs de grains et d'oléagineux, ne peut se permettre un échec des négociations à l'OMC.

    Les producteurs de grains et d'oléagineux doivent obtenir les trois concessions suivantes de nos partenaires commerciaux : d'abord, une augmentation importante de l'accès au marché pour les grains, les oléagineux et leurs produits à valeur ajoutée; ensuite l'élimination des subventions à l'exportation; enfin, des réductions considérables des mesures de soutien interne qui entraînent une distorsion du commerce. Ces trois piliers sont cruciaux et interreliés. Nous devons parvenir à des véritables progrès sur tous les plans.

    Les avantages de la libéralisation du commerce sont réels. Le mémoire qui vous a été remis explique comment cette libéralisation profitera aux producteurs du Canada et à ceux du monde entier. Il décrit également ce qu'il en coûterait si le Canada décidait de ne pas faire de commerce.

    Bref, si nous nous concentrions uniquement sur notre marché intérieur, environ 25 000 producteurs de grains et d'oléagineux devraient cesser leurs activités. Ce n'est tout simplement pas une option.

    Notre mémoire comprend également une discussion sur la nécessité de mieux définir les conditions en vertu desquelles les pays en développement auront accès à un traitement spécial et différenciée par l'entremise de l'OMC. Nous nous préoccupons vivement de la pratique actuelle qui permet aux membres de l'OMC de se désigner eux-mêmes comme pays en développement afin de recevoir en permanence un traitement spécial et différencié.

    Cette pratique n'établit aucune distinction entre des pays qui se situent à des niveaux de développement très différents. Le maintien du système actuel limitera les progrès qui peuvent être accomplis pour libéraliser le commerce agricole et limitera aussi notre capacité de mener à bien le programme de développement exposé dans le mandat établi à Doha.

    Nous croyons fermement qu'aucune nation ne devrait être exemptée en permanence des mesures de discipline de l'OMC. Dans le cadre de nos discussions actuelles, cela s'applique tout particulièrement aux pays exportateurs nets de produits agricoles qui se sont désignés eux-mêmes comme pays en développement.

    Les membres du comité ont reçu une copie d'une observation préparée à ce sujet par des représentants canadiens et américains de l'agriculture. Cette lettre était adressée au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, au ministre du Commerce international du Canada, ainsi qu'au représentant du Commerce et au secrétaire de l'Agriculture des États-Unis. Nous espérons que la collaboration de ces intervenants dans la politique transfrontière aura un poids considérable dans la recherche d'une solution à ce problème.

    Les Producteurs de grains du Canada espèrent qu'une entente-cadre sera négociée d'ici la fin de l'été 2004.

    Nous sommes heureux des progrès récents et de la souplesse accrue dont certains des principaux intervenants ont fait preuve. Ainsi, l'Union européenne a récemment convenu d'établir une date limite pour les subventions à l'exportation, un changement important par rapport à sa position de négociation initiale.

    Ces progrès soulèvent des questions au sujet de la position du Canada et de la possibilité qu'il fasse preuve de souplesse. La souplesse de l'Union européenne à l'égard des subventions à l'exportation constitue un bon exemple. Une des conditions de ce changement de position est l'imposition de mesures disciplinaires plus sévères contre les entreprises commerciales d'État exportatrices. Cette position va à l'encontre de la position officielle du Canada, ce qui soulève une question : le temps est-il venu pour les décideurs canadiens d'examiner notre position pour voir si nous devons faire preuve de souplesse pour obtenir des concessions sur la libéralisation du commerce? Cette même question s'applique à d'autres aspects de la position de négociation du Canada, comme la position sur la désagrégation du soutien intérieur et les dispositions de minimis.

    Les Producteurs de grains du Canada demandent que cette question d'orientation primordiale soit étudiée par les députés et les ministres, de même que par l'entremise d'organismes consultatifs bien établis dans l'industrie, comme le Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur pour l'agriculture, les aliments et les boissons, mieux connu sous le sigle GCSCE.

    Notre exposé d'aujourd'hui se termine par une discussion du Protocole de Cartagena sur la biosécurité. Nous craignons fort que les gains réalisés à la table de négociations de l'OMC ne soient perdus à cause d'autres organismes dont les objectifs sont influencés par ceux qui souhaitent bloquer le commerce au lieu de promouvoir sa libéralisation. Le Protocole de Cartagena sur la biosécurité témoigne clairement de nos préoccupations.

    Nous appuyons l'objectif du Protocole, soit donner des garanties selon lesquelles les organismes vivants modifiés font l'objet d'un commerce sûr et responsable, avec le souci de protéger la biodiversité. Nous voulons réitérer notre ferme appui au système canadien de réglementation, qui s'appuie sur des données scientifiques. Nous estimons que notre système est un modèle pour le monde entier, car il vise à protéger l'environnement et la santé humaine.

    L'industrie agricole canadienne, y compris les Producteurs de grains du Canada, continue de s'inquiéter sérieusement des questions importantes qui demeurent en suspend dans le texte du Protocole et qui se traduiront par des effets négatifs considérables sur notre secteur et sur l'ensemble de l'économie si le Protocole est mis en oeuvre. Bon nombre des parties au Protocole semblent pencher en faveur de l'imposition de restrictions supplémentaires au commerce, sans tenir compte de l'importance de faciliter le commerce des produits considérés comme sûrs. Cela est inacceptable pour le secteur agricole canadien.

    En octobre 2002, la chaîne canadienne agroalimentaire a écrit au gouvernement du Canada pour lui demander de reporter la ratification du Protocole jusqu'à ce que les préoccupations au sujet des questions en suspens soient réglées. Nous sommes reconnaissants au gouvernement d'avoir donné suite à cette demande.

    À la suite de la première rencontre des parties au Protocole, tenue à Kuala Lumpur, les intervenants des industries agricole et agroalimentaire du Canada ont conclu que les problèmes importants qui étaient en suspens ne pourront pas être réglés. Nous estimons que la ratification du Protocole imposera des risques inconnus et imprévisibles à l'industrie agroalimentaire du Canada et qu'elle limitera de façon considérable notre capacité d'exporter. Pour cette raison, nous demandons que le gouvernement du Canada ne ratifie pas ce traité négocié dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique.

    Notre mémoire explique de façon plus détaillée les motifs de cette demande, mais je résumerai quelques-unes de nos préoccupations principales. Les membres de l'industrie agricole et agroalimentaire du Canada sont préoccupés par le fait que des paramètres non scientifiques seront utilisés uniquement comme barrières non tarifaires au commerce. Un certain nombre de nos principaux concurrents sur le marché mondial, comme les États-Unis, l'Argentine et l'Australie, ont dit qu'ils avaient décidé de ne pas ratifier le Protocole. Le Canada se trouvera dans une position commerciale désavantageuse si nos exportateurs sont obligés de supporter un nouveau fardeau réglementaire que les nations concurrentielles ne devront pas supporter.

    En raison des incertitudes que suscite le Protocole, les membres des industries agricole et agroalimentaire du Canada craignent que sa ratification ne mette en jeu l'exportation de grains et de produits alimentaires canadiens, même si ces exportations ne viennent pas de produits issus de la biotechnologie moderne. À notre avis, la ratification du Protocole compromettrait la capacité du Canada de faire face aux barrières non tarifaires au commerce, dans le cadre des règles de l'Organisation mondiale du commerce. La ratification du Protocole imposera de nouvelles obligations juridiques et une responsabilité supplémentaire aux exportateurs canadiens et au gouvernement du Canada.

    Les membres du comité ont reçu une copie de l'observation de la chaîne agroalimentaire canadienne. Cette observation comprend les instances des familles d'agriculteurs, des manutentionnaires céréaliers, des exportateurs céréaliers, des chercheurs en agriculture, des concepteurs de technologies, des fabricants et des transformateurs d'aliments. Nous sommes confiants que cette représentation substantielle jouera un rôle important dans les discussions du Canada sur la ratification du Protocole.

¹  +-(1540)  

    En conclusion, monsieur le président, l'OMC accomplit de faibles progrès pour favoriser un marché agricole mondial ayant moins d'effets de distorsions. Les Producteurs de grains du Canada continueront d'encourager le gouvernement à poursuivre énergiquement les progrès accomplis, ce qui pourrait exiger une révision de la position de négociation du Canada, afin de déterminer s'il doit faire preuve d'une plus grande souplesse.

    Certains ont laissé entendre qu'une position énergique à l'OMC pourrait signifier que le Canada fera unilatéralement des concessions sans obtenir une libéralisation importante du commerce de la part de ses partenaires. Il faut souligner que les Producteurs de grains du Canada ne sont pas de cet avis. Nous ne demandons des mesures unilatérales d'aucune partie. Nous souhaitons plutôt que tous les pays de l'OMC se dirigent ensemble vers une libéralisation de l'environnement commercial.

    Bien que nous voyions d'un oeil optimiste les progrès accomplis récemment à l'OMC, nous craignons que les gains réalisés ne soient annulés par d'autres voies. Le Protocole de Cartagena sur la biodiversité est un exemple de ce qui nous préoccupe. Nous devons nous assurer que les systèmes élaborés dans le cadre de conventions internationales, comme la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, sont fondés sur des principes scientifiques sûrs qui ne peuvent être utilisés à mauvais escient comme barrières non tarifaires au commerce. Nous estimons que les préoccupations des nations commerçantes ne seront pas résolues, que la ratification du Protocole ne représente donc qu'un risque et qu'elle n'offre aucun avantage au Canada. Pour ces raisons, les industries agricole et agroalimentaire du Canada demandent que le gouvernement du Canada ne ratifie pas le Protocole.

    Je vous remercie, monsieur le président. Je serais heureux de répondre à vos questions.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Dahl.

    Nous continuerons d'entendre les exposés. Monsieur Couture, vous pourriez peut-être prendre la parole.

[Français]

+-

    M. Denis Couture (président, Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec): Bonjour.

    C'est avec plaisir que nous présentons aujourd'hui le mémoire de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec au sujet du préjudice commercial subi par les producteurs de grains du Québec et du Canada, et du désengagement du gouvernement du Canada à leur égard. D'ailleurs, les producteurs désirent exprimer à tous les membres du Comité permanent de l'agriculture de la Chambre des communes leur plus sincère gratitude pour l'invitation qui leur a été lancée. Nous sommes d'avis qu'en nous écoutant de la sorte, les membres du comité respectent la recommandation du Groupe de travail du premier ministre sur les voies de l'avenir dans l'agriculture citées ci-dessus.

    En octobre 2002, M. Robert Speller, alors président de ce groupe, remettait son rapport final au premier ministre de l'époque, M. Jean Chrétien. Le rapport était le fruit d'une consultation élargie de la communauté agricole canadienne qui avait été amorcée au printemps 2001. Un grand constat ressortait d'ailleurs de cette consultation. Ce constat était soulevé dans la lettre de présentation du rapport du groupe, laquelle était signée par M. Speller lui-même. M. Speller expliquait que les agriculteurs ne se sentaient pas écoutés et que si rien n'était fait, la relation entre eux et le gouvernement du Canada pourrait se détériorer considérablement. Nous croyons que M. Speller avait vu juste à cette époque, et il s'avère que sa prévision s'est malheureusement concrétisée: les rapports avec les agriculteurs se sont considérablement détériorés.

    Dans ce contexte, il devient nécessaire que les producteurs puissent faire rapport eux-mêmes au comité du préjudice qu'ils subissent à cause des subventions octroyées à leurs concurrents des États-Unis et de l'Europe et du désengagement du gouvernement du Canada.

    Quant au préjudice subi par les producteurs de grains québécois et canadiens, depuis le début des années 1990, les agriculteurs canadiens ont subi un désengagement prononcé du gouvernement du Canada. Le soutien total du gouvernement fédéral à l'agriculture est passé de 6,1 milliards de dollars en 1991-1992 à 2,1 milliards de dollars 10 ans plus tard. Les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, confirment cette tendance. L'organisation établit qu'entre les périodes de 1986-1988 et 2000-2002, le soutien du gouvernement du Canada aux revenus agricoles est passé de 271 $US à 180 $US par habitant. Aux États-Unis et en Europe, cette tendance est passée de 282 $US à 332 $US et de 326 $US à 279 $US respectivement.

    Le désengagement a particulièrement sévi dans le secteur de la production de grains. Au Canada, le soutien du gouvernement ne dépasse pas 17 p. 100 des recettes agricoles totales des producteurs de grains. Aux États-Unis et en Europe, le soutien varie entre 22 p. 100 et 40 p. 100, et de 35 p. 100 à 51 p. 100 respectivement. De plus, ces subventions réduisent considérablement les prix mondiaux. Les résultats d'une recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada démontrent que les subventions américaines et européennes ont contribué à 26 p. 100 de la baisse du prix du blé, à 17 p. 100 de celle du prix des céréales secondaires et à 30 p. 100 de la baisse du prix des grains oléagineux. Il est donc évident que les subventions américaines et européennes ont eu un double effet dévastateur sur la rentabilité des entreprises de grandes cultures canadiennes. Les subventions améliorent artificiellement la compétitivité des producteurs américains et européens en plus de faire baisser les prix. Selon les producteurs de grains du Canada, on estime les pertes à environ 1,2 milliard de dollars par année pour les producteurs de céréales.

    Par ailleurs, nous sommes aussi inquiets du désengagement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada dans la recherche sur les grandes cultures dans l'est du Canada. Nous avons communiqué nos inquiétudes au ministre à plusieurs reprises, mais sans avoir l'assurance que les ressources seraient préservées et même renforcées dans les centres de recherche au Québec. Cette orientation d'Agriculture et Agroalimentaire Canada compromet plusieurs projets de recherche auxquels les producteurs québécois contribuent financièrement. Je vous informe à ce titre que la fédération a investi plus de 2 millions de dollars entre 1998 et 2004 dans la recherche sur les grains par le biais de son fonds de recherche.

    Pour remédier à la crise des revenus vécue par les producteurs de grains, le gouvernement du Canada propose le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, le PCSRA. Toutefois, le PCSRA n'est pas adapté aux besoins des producteurs de grandes cultures. Sa base d'intervention est la marge de production de chaque entreprise. Celle-ci se calcule en soustrayant les dépenses directement reliées à la production--les engrais, les semences, les pesticides--du montant de la vente des produits admissibles. Ainsi, une marge de référence est établie à partir d'une moyenne historique des marges de production de chaque producteur. Si la marge de production de l'année est inférieure à la marge de référence, une compensation est versée pour combler cet écart.

¹  +-(1550)  

    Sur ce point, on veut nous garantir la marge de production que nous avons eue au cours des cinq dernières années. Le revenu net agricole au cours des deux dernières années pour les producteurs de céréales au Québec est négatif. Même si on nous garantit qu'on maintiendra le revenu que nous avons eu au cours des cinq dernières années, ce n'est pas comme cela que nous serons capables de faire vivre nos familles. Avec un revenu négatif, aucune entreprise n'est capable de fonctionner. C'est pour cela que nous disons qu'il faut absolument élever la marge de production.

    La fédération a effectué des simulations à partir des données représentatives des entreprises de grains québécoises. D'après ces données, le PCSRA interviendrait très peu même si le secteur est en situation de crise depuis quelques années. Les marges de production de grains étant stables mais basses, il n'y aurait aucun besoin d'intervention selon les modalités du programme.

    Cependant, dans un contexte où le secteur subit un important préjudice commercial qui influence à la baisse le prix des produits, les marges de production ne permettent pas aux producteurs de grains de combler leurs coûts de production. Il y a donc incohérence entre les besoins du secteur et le fonctionnement du programme. Plus précisément, pour la période de 1994 à 2004, c'est en moyenne 10 000 $ annuellement que les producteurs de grains auraient reçus à titre de compensation gouvernementale, soit environ 34 $ l'hectare, alors que nos voisins américains et européens reçoivent environ 300 $ l'hectare.

    Force est de constater que les producteurs de grains subissent un important préjudice commercial et que le PCSRA dans sa forme actuelle ne peut en atténuer les effets négatifs. La fédération propose deux pistes de solution. L'une de ces pistes consisterait à ajuster la marge de référence afin que celle-ci reflète les prix du marché normal, soit sans subvention internationale. Ainsi, un facteur de correction serait appliqué à la vente des produits qui servent à calculer la marge de production, et c'est à cette marge de référence ajustée que serait comparée la marge de production réelle. Advenant l'impossibilité de procéder à un ajustement de la marge de référence, l'autre solution possible serait d'élaborer un programme spécial canadien destiné aux producteurs de grains. Ce programme pourrait prendre la forme proposée antérieurement par les Producteurs de grains du Canada, soit le programme découplé de type TICP.

    En conclusion, la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec souhaite sincèrement que ce mémoire permette aux membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes de saisir pleinement l'ampleur de la problématique vécue par les producteurs de grains du Québec et du Canada, car les événements des derniers mois ont laissé aux producteurs un sentiment d'abandon et d'incompréhension, exactement comme le prévoyait M. Robert Speller dans son rapport au premier ministre en octobre 2002.

    Vous avez maintenant le choix de laisser les agriculteurs canadiens à leur propre sort ou de leur exprimer votre reconnaissance pour leur contribution sociale et économique. Pour les producteurs de grains, la meilleure façon de reconnaître cette contribution serait de modifier la méthode de calcul de la marge de référence du PCSRA afin de considérer l'impact sur les marchés des subventions américaines et européennes. Si ce scénario est irréaliste, la fédération voit mal ce qui pourrait empêcher Agriculture et Agroalimentaire Canada d'élaborer un programme spécifique pour le secteur des grains. Ce programme pourrait prendre la forme d'un programme de type TICP, comme on le mentionnait tout à l'heure, proposé par les producteurs de grains du Canada.

    Les producteurs de grains espèrent aussi que l'engagement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada dans la recherche sur les grandes cultures sera confirmé et renforcé. À cet égard, nous tenons à assurer les membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire que les producteurs se rendent disponibles pour appuyer Agriculture et Agroalimentaire Canada dans ses travaux de la façon qui sera jugée la meilleure.

    En terminant, nous tenons à réitérer notre gratitude aux membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes en les remerciant sincèrement de nous accueillir aujourd'hui à leur séance de travail. Vous faites preuve d'une ouverture qui était attendue et espérée depuis longtemps par les producteurs de grains du Québec et du Canada. Votre accueil fait renaître un peu d'espoir au sein d'une communauté agricole.

    Merci. Nous serons disponibles pour répondre à vos questions.

¹  +-(1555)  

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Couture.

    Nous passons maintenant à M. Darier, de Greenpeace.

[Français]

+-

    M. Éric Darier (responsable de la campagne OGM, Greenpeace Canada): Je remercie ce comité de permettre à Greenpeace de vous faire part de son opinion concernant la biosécurité et l'avenir de l'agriculture au Canada.

    Comme vous le savez, la crise de la vache folle est un désastre pour l'agriculture au Canada. Greenpeace croit que la politique en faveur des OGM du gouvernement pourrait fort bien être le prochain fiasco. Votre comité devrait sonner l'alarme pour que le gouvernement change rapidement de politique.

    Comme vous le savez sans doute, Greenpeace est une organisation indépendante qui, par une approche de confrontation inventive et non violente, oeuvre à exposer les problèmes environnementaux planétaires, tout en favorisant l'avancement des solutions essentielles pour assurer aux générations futures un monde écologique et pacifique.

    Environ 100 000 personnes appuient Greenpeace au Canada. Greenpeace est actif dans une quarantaine de pays et compte environ 2,6 millions de membres dans le monde. Considérant le haut niveau d'incertitude scientifique quant à l'innocuité des OGM, Greenpeace préconise la mise en place du principe de précaution et réclame l'arrêt de la dissémination des OGM dans l'environnement.

    Greenpeace est très préoccupé, premièrement, par la politique pro-OGM du gouvernement fédéral, notamment par  la non-ratification du Protocole de Cartagena sur la biosécurité, lequel est entré en vigueur en septembre 2003; deuxièmement, par la signature d'un accord trilatéral avec les États-Unis et le Mexique qui banalise dans les faits la contamination des exportations agricoles canadiennes par les OGM jusqu'à 5 p. 100 et mine ainsi les objectifs de biosécurité du Protocole de Cartagena; troisièmement, par l'appui du Canada à la plainte étatsunienne à l'OMC contre la politique de précaution de l'Europe en matière d'OGM; quatrièmement, par l'adoption officielle de normes volontaires d'étiquetage des OGM alors qu'environ 90 p. 100 des citoyennes et citoyens veulent un étiquetage obligatoire et qu'une quarantaine de pays l'ont déjà adopté, et par le fait que le Canada fait aussi traîner les négociations au Codex alimentarius sur l'adoption d'une norme internationale sur l'étiquetage des OGM; cinquièmement, par la poursuite de la procédure d'autorisation du blé OGM de Monsanto alors que près de 90 p. 100 des clients internationaux ont déjà indiqué qu'ils n'achèteraient plus de blé si le blé OGM était autorisé et que près de 80 p. 100 des agriculteurs canadiens de blé n'en veulent pas non plus.

    Le gouvernement fédéral est tellement aveuglé par sa politique pro-OGM qu'il menace maintenant très sérieusement, non seulement la biosécurité et l'environnement en général, mais aussi les intérêts à moyen et à long terme des agriculteurs et, par conséquent, l'avenir de l'agriculture dans ce pays et la réputation internationale du Canada.

    Greenpeace est convaincu que le gouvernement fédéral devrait entièrement réviser sa politique pro-OGM à la lumière d'une nouvelle réalité. Cette nouvelle réalité inclut, entre autres: premièrement, le rejet quasi universel des OGM par les consommateurs et consommatrices, et donc l'absence d'avenir pour le marché des OGM agricoles; deuxièmement, les risques de contamination que les OGM font courir à l'agriculture biologique, l'un des secteurs agricoles en plus forte croissance grâce à une augmentation de la demande; troisièmement, l'absence de preuves scientifiques indépendantes et crédibles de l'innocuité des OGM pour l'environnement et la santé humaine; quatrièmement, l'existence de failles structurelles sérieuses dans les systèmes fédéraux en matière d'OGM. Citons en exemple le rapport de la Société royale du Canada de 2001 et le tout dernier rapport critique de la vérificatrice générale du Canada concernant l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

    Par conséquent, Greenpeace demande au gouvernement fédéral: premièrement, d'annoncer un moratoire immédiat sur la culture des OGM au Canada; deuxièmement, de suspendre toutes les demandes d'autorisation d'OGM en cours, dont celles pour le blé OGM; troisièmement, de tenir des consultations publiques sur les OGM afin d'avoir un débat de société sur ces questions et une véritable mise en application du principe de précaution; quatrièmement, de mettre en place un système d'étiquetage obligatoire des OGM au moins aussi strict que celui de l'Europe; cinquièmement, de ratifier immédiatement le Protocole de Cartagena sur la biosécurité; sixièmement, de mettre en place un régime de responsabilité civile strict en cas de contamination génétique.

º  +-(1600)  

    Pour conclure, Greenpeace vous demande, en tant que membres de ce comité, mais aussi, bientôt, en tant que candidats et candidates aux prochaines élections fédérales, de vous prononcer clairement sur le dossier des OGM.

    Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Darier.

    Nous passons maintenant à vos questions. monsieur Epp, vous disposez de sept minutes.

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je vous suis reconnaissant à tous d'avoir présenté vos exposés.

    Permettez-moi de commencer par M. Dahl. Je ne sais pas si j'ai compris ou non votre message. Est-ce que vous proposez que le gouvernement établisse un régime de subventions régulières et constantes pour les producteurs de grains du Canada en leur accordant des paiements directs?

+-

    M. Cam Dahl: Il existe déjà un programme de sécurité du revenu agricole. Ce que les producteurs de grains et les autres intervenants de l'industrie agricole ont demandé, c'est un programme qui atténuerait les effets de l'ingérence étrangère ou du préjudice commercial jusqu'à ce que nous puissions remporter une victoire à l'OMC et éliminer les effets de ces subventions étrangères sur notre marché.

+-

    M. Ken Epp: Je sais qu'il existe des programmes de sécurité du revenu agricole, qui ne sont habituellement mis en oeuvre que lorsque survient une catastrophe; ils ne s'appliquent pas à la production ordinaire.

    Pourtant, un agriculteur qui a une bonne récolte—disons que les conditions sont favorables dans un secteur—finit par vendre ses céréales à perte. C'est du moins ce qu'on nous dit. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment un chef d'entreprise peut, année après année, demeurer en activité s'il accumule des pertes. Quoi qu'il en soit, il dit que le coût de production dépasse le prix de vente.

    Je veux que vous répondiez à une autre question. Au-delà du programme d'aide en cas de catastrophe qui existe actuellement, ou même du programme de stabilisation du revenu annuel, dites-vous que nous devrions accorder directement un paiement pour la production à l'acre ou à la tonne?

+-

    M. Cam Dahl: Mes amis du Québec ont décrit certaines des lacunes du programme actuel et le fait qu'il repose sur une baisse du revenu. Ce revenu diminue en raison des effets des subventions étrangères.

    Le programme d'indemnisation en cas de préjudice commercial que nous avons proposé ne reposait pas sur une production à l'acre, sur une base aussi directe. Le programme visait à compenser cette perte. À l'aide de données du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, on calculait que les effets de cette ingérence étrangère représentent environ 1,3 milliard de dollars chaque année.

+-

    M. Ken Epp: Oui, j'ai compris cela.

    Je voudrais alors demander à nos amis du Québec s'ils répondraient à ces mêmes questions.

[Français]

+-

    M. Denis Couture: En fin de compte, on veut que nos producteurs soient capables d'être aussi productifs que les producteurs américains. Le soutien au prix de vente des céréales est ce qui fait qu'on a des difficultés en termes de production.

    Au cours des cinq ou dix dernières années, les producteurs canadiens recevaient une subvention se situant entre 4 $ et 5 $ la tonne, alors qu'un producteur américain, au cours des 10 dernières années, recevait 40 $ pour la même quantité. Pour ma part, avec 5 $ la tonne, je ne peux pas concurrencer un producteur américain qui reçoit 40 $.

    C'est simple: on demande au gouvernement canadien de nous donner les mêmes outils en matière de sécurité du revenu. Si les Américains arrêtent de subventionner leurs producteurs, on ne fera pas cette demande au Canada. Il reste que présentement, les Américains continuent à le faire.

[Traduction]

+-

    M. Ken Epp: Permettez-moi de reformuler la question. Quelle est la forme que prend la subvention aux États-Unis et en Europe? S'agit-il d'un paiement à l'acre, à l'hectare, ou d'un paiement pour une production à la tonne? Sur quoi est-elle fondée? Comment subventionnent-ils leurs producteurs?

º  +-(1605)  

[Français]

+-

    M. Benoit Legault (directeur général, Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec): En ce qui a trait aux programmes ayant cours en Europe et aux États-Unis, je ne suis pas un expert. Il s'agit en quelque sorte d'un mélange de tout ce que vous venez de mentionner. Dans certains cas, les paiements se font en fonction de l'unité de superficie. En Europe, on essaie de plus en plus de s'orienter vers les programmes découplés. Aux États-Unis, on fait des tentatives dans ce sens. Leur dernière trouvaille était d'élaborer un programme par lequel, en réalité, ils reprenaient de vieux outils comme le prix d'objectif. En vertu de ce système, on tente d'évaluer les pertes observables aujourd'hui, selon les conditions du marché.

    Cependant, l'intervention se fera en fonction des superficies dont ils disposaient au cours d'une moyenne de cinq ans ou des rendements qui ont été observés au cours d'une certaine moyenne de temps. Ainsi, les Américains disent que leurs programmes sont découplés, et donc qu'ils ne sont pas liés à la production, parce qu'en termes d'intervention, la baisse de prix observée est basée sur des ancrages, des rendements qui sont en fait une moyenne des dernières années.

[Traduction]

+-

    M. Ken Epp: Je vous remercie. Cela m'est utile.

    Je pose la question aux deux messieurs du Québec : proposez-vous que le gouvernement canadien établisse un système semblable, c'est-à-dire un système fondé sur la superficie, sur l'ensemble de la production moyenne, sur la production moyenne d'une exploitation agricole en particulier, ou tout simplement sur la production à la tonne? Voulez-vous et demandez-vous que le comité dise au ministre des Finances qu'un important poste budgétaire devrait comprendre des paiements de ce genre pour nos agriculteurs, notamment pour les producteurs de grains?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Compte tenu du cadre stratégique agricole mis en place par le biais du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, appelé le PCSRA, on demande simplement ce qui suit: on voudrait que lors du calcul de la marge de référence applicable à l'ensemble des agriculteurs canadiens, et plus précisément aux producteurs de céréales, cette marge de référence, qui nous a menés à un revenu net négatif, soit augmentée de l'équivalent des subventions américaines. Agriculture et Agroalimentaire Canada l'a calculée pour chacune des dernières années. Il s'agit en moyenne d'un montant qui se situe entre 20 $ et 40 $ par tonne, selon les espèces. Donc, si le producteur a obtenu 140 $ la tonne, on lui demande de bonifier ce montant, dans ses états financiers, de 20 $ ou 40 $, selon les espèces cultivées, pour calculer son seuil de référence, puis il calculera ses paiements selon les résultats de sa ferme pour les années à venir. C'est tout ce qu'on demande. Nous demandons simplement que notre marge de référence soit bonifiée de l'équivalent des subventions obtenues par les producteurs américains.

[Traduction]

+-

    M. Ken Epp: Comme il me reste 30 secondes, je vais devoir demander une réponse très courte à cette question.

    Les producteurs canadiens sont assez efficaces : ils produisent environ cinq fois plus de grains que nous n'en avons besoin au Canada. C'est merveilleux. Quel avantage avons-nous, en tant que Canadiens, à subventionner les producteurs pour qu'ils puissent cultiver 80 p. 100 de leurs grains et les exporter à perte? Pourquoi ne disons-nous pas tout simplement que les pays étrangers ne peuvent obtenir nos céréales que s'ils paient le coût de la production et un peu plus au producteur, afin qu'il puisse nourrir sa famille? Qu'y aurait-il de mal à cela?

+-

    M. Cam Dahl: À mon avis, c'est une des raisons pour lesquelles, dans le mémoire que nous vous avons remis, nous avons expliqué ce qui se passerait si le Canada décidait de ne pas faire de commerce. Le mémoire est un peu détaillé, mais grosso modo, environ 25 000 producteurs de grains et d'oléagineux du Canada perdraient leur gagne-pain si nous décidions de limiter la production à nos besoins intérieurs. Notre industrie dépend du marché mondial, et nous devons pouvoir faire du commerce. C'est pourquoi les négociations à l'OMC sont très importantes pour notre industrie. Nous devons remporter une victoire à l'OMC.

+-

    M. Ken Epp: Monsieur le président, veuillez m'inscrire sur la liste pour le prochain tour. J'ai beaucoup d'autres questions à poser.

+-

    Le président: Merci, monsieur Epp. Nous souhaiterions que d'autres membres du comité apportent leur propre horloge, pour que les choses aillent rapidement.

    Monsieur Plamondon, je vous ferai signe lorsque vos sept minutes seront écoulées.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Monsieur le président, je vais partager mon temps avec mon confrère Bernard Bigras pendant le premier tour de questions.

    Les producteurs céréaliers du Québec vivent une situation dramatique, de même que ceux du Canada. J'allais parler de nos deux pays, mais je ne veux choquer ni mon ami Gilbert ni mon ami Georges. Or, je crois savoir que Gilbert et Georges ont aussi eu la visite des producteurs de grains, une visite quasi dramatique, teintée de désespoir. Leur situation est extrêmement difficile, et vous venez d'en donner une bonne explication.

    Le fait est que vous ne voulez pas absolument recevoir des subventions, mais que les autres en obtenant, vous ne pouvez pas être concurrentiels à moins d'obtenir la même chose. En outre, vous comprenez les intentions du gouvernement canadien, qui souhaite l'abolition des subventions lors des prochaines négociations de l'OMC, mais vous savez également que si une entente est conclue en juillet—et il semble en effet que les Américains et les Européens parlent maintenant de diminuer leurs subventions—sa mise en application pourrait durer trois, cinq, sept, ou même huit ou dix ans, d'après ce qu'on dit. En effet, on ne mettra pas fin aux subventions d'un seul coup. Cela pourrait prendre environ dix ans.

    Il reste qu'entre-temps, vous êtes complètement laissés à vous-mêmes. Vous ne recevez pas de subventions, étant donné que le gouvernement canadien, qui souhaite voir les autres pays faire la même chose, a fait passer l'aide à l'agriculture de 6 milliards de dollars à 2 milliards de dollars. Or, les autres ne l'ont pas fait, et vous vous retrouvez dans une situation dramatique qui vous empêche d'être concurrentiels.

    En fin de compte, vous désirez qu'un programme de soutien temporaire soit appliqué en attendant que les pays concurrents diminuent leurs subventions. Vous avez expliqué la chose lorsque vous avez parlé d'une nouvelle façon de calculer la marge de référence, mais vous avez aussi mentionné le programme découplé de type TICP. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Il semble que ce pourrait être une approche à envisager.

º  +-(1610)  

[Traduction]

+-

    M. Cam Dahl: Le programme d'indemnisation en cas de préjudice commercial est une proposition qui a été élaborée par les Producteurs de grains du Canada il y a plus de deux ans, en 2001, je crois. Le programme s'appuyait sur les données recueillies par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire au sujet des effets des subventions étrangères. Nous avions séparé la proposition des niveaux actuels de production pour veiller à ce que la proposition soit soucieuse de l'environnement, conformément aux règles de l'OMC, et ne donne pas lieu à des droits compensateurs. Le programme a été conçu à l'aide de données de production historiques pour indemniser les producteurs en cas de préjudice causé par l'ingérence étrangère dans les marchés mondiaux, et le montant d'indemnisation s'élevait à environ 1,2 milliard de dollars.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: La deuxième partie de ma question portait sur ce programme et je pense que vous y avez répondu en partie. Après vérification, on sait que ce programme découplé, qu'on appelait TICP, n'était pas en contradiction avec les règles actuelles de l'OMC, n'est-ce pas? Cela veut dire que si vous l'appliquiez, vous aviez le droit de le faire.

+-

    M. Denis Couture: Dans le fond, par ce programme, on voulait remplacer les subventions américaines tant et aussi longtemps qu'elles vont exister. Il s'agit de donner les mêmes subventions aux producteurs canadiens en se basant sur les mêmes chiffres et les mêmes données. On ne veut pas en avoir plus qu'eux; on veut avoir l'équivalent de ce que les autres ont.

+-

    M. Louis Plamondon: S'ils diminuent une année, vous diminuez; s'ils montent, vous montez. Et vous n'avez pas peur de concurrencer les Américains.

+-

    M. Denis Couture: On ne veut pas qu'on remplace par des subventions un manque d'efficacité. On nous demande de faire des accords de libre-échange et d'être compétitifs avec l'ensemble des étrangers. Par conséquent, on demande au gouvernement canadien d'être compétitif en ce qui a trait aux subventions agricoles, de nous donner l'équivalent de ce que les autres ont dans chaque production. C'est simplement cela.

+-

    M. Louis Plamondon: Le message est très clair. Je vais laisser mon confrère continuer.

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Je vais y aller d'un court préambule. Je pense qu'il me reste peu de temps.

    Je vais aller droit au but. Monsieur Dahl, je comprends votre position sur le Protocole de Cartagena: vous souhaitez que le Canada ne le ratifie pas. Cependant, la réalité est que le protocole est entré en vigueur au mois de septembre dernier.

    Compte tenu que le protocole va s'appliquer, entre autres aux producteurs de canola qui exportent au Japon, le Japon étant partie prenante du protocole, le Canada n'a-t-il pas intérêt à être autour de la table et à négocier en faveur de ses intérêts, plutôt qu'à ne pas ratifier le protocole, comme vous le souhaitez? N'a-t-on pas plutôt intérêt à être autour de la table pour influencer les décisions au lieu de rester à l'écart?

º  +-(1615)  

[Traduction]

+-

    M. Cam Dahl: Je vous remercie beaucoup de cette question.

    À mon sens, les exportateurs canadiens n'auront aucun mal à respecter les conditions d'importation des parties au protocole. En fait, le Canada a fait preuve d'innovation à cet égard, en définissant la documentation qui sera nécessaire pour le commerce entre les parties et les autres. Bien sûr, je fais allusion à l'entente trilatérale qui a été négociée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, avec la collaboration de la Coalition internationale sur le commerce des céréales. J'estime qu'il s'agit là d'un exemple de la collaboration et de la facilitation du commerce des produits considérés comme sûrs où le Canada a fait preuve d'un leadership important.

    Il importe de noter que l'entente trilatérale s'inscrit entièrement dans le cadre du protocole, ou est conforme au protocole, en ce sens que ce dernier décrivait les conditions ou les façons dont les ententes entre les parties et les autres seraient interprétées pour faciliter le commerce.

    Le protocole n'a jamais été conçu pour empêcher le commerce. Ce n'était pas le but recherché.

+-

    Le président: La période des questions est écoulée.

    Monsieur Farrah, vous disposez de sept minutes.

[Français]

+-

    L'hon. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, monsieur le président. Je pourrai partager mon temps avec quelques collègues s'il m'en reste.

    Je vous souhaite la bienvenue au comité. Je suis bien conscient qu'il y a une problématique très particulière dans tout le secteur des grains. Compte tenu de votre intervention au sujet du PCSRA, qui ne correspond pas à vos attentes présentement en raison de la marge négative—vous l'avez expliqué de façon très explicite—avez-vous évalué le montant approximatif dont votre secteur d'activité aurait besoin pour traverser cette période très difficile pour l'ensemble des producteurs?

+-

    M. Denis Couture: Le préjudice commercial par rapport aux subventions se chiffre à 1,3 milliard de dollars uniquement dans le secteur des céréales au Canada. Ce n'est pas pour l'ensemble de l'agriculture, mais seulement pour le secteur des céréales. Dans le cadre stratégique agricole, on nous propose 1,1 milliard de dollars pour l'ensemble des problèmes de sécurité du revenu de l'ensemble de la production agricole du Canada, y compris la grippe aviaire, etc. Cependant, nous avons un préjudice commercial de 1,3 milliard de dollars uniquement dans le secteur des grains.

    Comment voulez-vous que nous soyons satisfaits quand on nous propose 1,1 milliard de dollars pour tous les problèmes du monde agricole, alors que nous avons déjà un besoin permanent de 1,3 milliard de dollars dans notre secteur à nous? Ces chiffres suffisent à confirmer que le programme n'est pas satisfaisant. Peut-être joue-t-il son rôle dans l'ensemble de l'activité agricole, mais pas dans le secteur des céréales.

+-

    L'hon. Georges Farrah: Si je comprends bien, la situation n'est pas une crise ponctuelle comme par exemple la vache folle, la fermeture des frontières, une maladie extraordinaire ou la grippe aviaire en Colombie-Britannique. Votre problème est que, même s'il y a une intervention ponctuelle, cela ne réglera pas le problème tant et aussi longtemps que la différence au niveau des subventions va subsister. Par conséquent, il faudrait qu'une intervention soit faite de façon permanente pour que vous puissiez concurrencer davantage les Américains. Une intervention ponctuelle est un peu comme un pansement: cela ne règle pas le problème.

+-

    M. Denis Couture: Un producteur américain sait qu'il a tous les ans 40 $ ou 25 $ de subvention par tonne de grains. Il peut donc laisser aller sa production sur le marché à 25 $ de moins, car il sait que l'écart sera comblé.

    Comme le prix des grains est décidé par le marché américain, par les producteurs de grains américains, ce sont eux qui décident de la donne, et nous vendons au même prix qu'eux. Ils sont notre point de comparaison. Comme ils ont 25 $ de subvention et que nous ne les avons pas, nous vendons à perte tous les ans. C'est uniquement cette petite différence que nous voulons combler, pas le reste.

+-

    L'hon. Georges Farrah: Je ne suis pas un expert dans le domaine, mais mon collègue disait tout à l'heure que nous exportions 80 p. 100 de notre production sur les marchés étrangers. Le chiffre est-il correct? En tout cas, cela importe peu. Mais malgré cette situation, est-ce qu'il y a quand même une certaine importation de grains des autres pays, même si nous sommes plus qu'autosuffisants et que ça déborde?

+-

    M. Denis Couture: Au Québec, pour combler nos besoins, nous devons avoir environ 10 p. 100 de maïs américain. Quant aux petites céréales, c'est très peu. Le soja est exporté et transformé en Ontario parce qu'ils ont des usines de transformation. Mais c'est sûr que c'est le prix américain.

    La base générale pour l'ensemble des grains est le maïs. Le maïs est produit principalement aux États-Unis, et les prix des autres céréales sont basés sur ceux du maïs.

º  +-(1620)  

+-

    L'hon. Georges Farrah: D'autre part, j'imagine que vous avez eu des rencontres avec Agriculture et Agroalimentaire Canada.

+-

    M. Denis Couture: Oui.

+-

    L'hon. Georges Farrah: Quel est l'état des discussions, si discussions il y a? Quels sont les arguments du ministère face à vos demandes précises?

+-

    M. Denis Couture: Depuis deux ou trois ans, on essaie de négocier au sujet de la problématique du secteur des céréales, comme on l'a mentionné dans le rapport Speller. Il y a deux ans, le gouvernement canadien a octroyé, pour l'année 2001-2002, 1,2 milliard de dollars pour une aide de transition au monde agricole, et on nous disait que c'était à cause du préjudice dans le secteur céréalier. Cependant, la somme de 1,2 milliard de dollars a été donnée pour 5 p. 100 des ventes nettes admissibles à l'ensemble des producteurs canadiens, toutes productions confondues. Donc, même si cet argent était censé aller au secteur des grains en raison du préjudice commercial, on l'a envoyé à tout le monde. Cela les arrangeait probablement d'envoyer cet argent à tout le monde, mais nous n'en avons pas eu, ou nous en avons eu très peu.

+-

    L'hon. Georges Farrah: Malgré le fait qu'initialement, cela devait être destiné aux producteurs de grains.

+-

    M. Denis Couture: On s'était servi de cette problématique pour sortir l'argent du Trésor fédéral, mais quand on l'a distribué, on l'a envoyé à l'ensemble des producteurs, qu'ils aient un problème de production ou non. On a bonifié la marge de référence de 4,25 p. 100 pour l'ensemble des producteurs. Même si le producteur avait vendu à deux fois son coût de production, il recevait un chèque du gouvernement fédéral.

+-

    L'hon. Georges Farrah: Si je comprends bien vos commentaires sur les négociations à l'OMC, dont nous sommes partie prenante, on entend souvent dire qu'en fin de compte, en étant des fervents défenseurs de l'abolition des subventions, nous sommes peut-être plus catholiques que le pape, comme on dit en bon français.

+-

    M. Denis Couture: C'est exactement ça.

+-

    L'hon. Georges Farrah: En effet, nous acceptons immédiatement le fait qu'il faut abolir nos subventions, alors que nos concurrents, qui sont aux mêmes tables, disent qu'ils vont le faire mais ne le font pas en réalité. Cela fait en sorte que nous ne sommes pas concurrentiels.

+-

    M. Denis Couture: En tant que producteur de céréales chez moi, dans ma ferme, j'ai plutôt l'impression qu'on a voulu arrêter de subventionner les producteurs agricoles pour permettre de résoudre le problème du déficit gouvernemental. À l'OMC, il y a une volonté de réduire les subventions agricoles. Or, le gouvernement américain a fait cela pendant un an, puis il est revenu en annonçant 2 milliards, 5 milliards, 10 milliards de dollars additionnels de subventions agricoles, dont 85 p. 100 sont consacrés au soutien des grains. Quatre-vingt-cinq pour cent des subventions américaines à l'agriculture sont consacrées aux grains. Au Canada, à peine 20 à 25 p. 100 des subventions servent au soutien des grains.

    Quand nous vous parlons de la compétitivité, c'est sur ce point-là que nous voulons que le gouvernement canadien soit concurrentiel. Si les Américains continuent de subventionner les grains, nous voulons qu'on nous donne la même chose le temps que cela durera. Quand ce sera réglé, nous voulons bien tomber à zéro et être sur le même pied que les autres. Il n'y a aucun problème.

+-

    L'hon. Georges Farrah: J'aimerais poser une dernière question, monsieur le président. Pour ce qui est de notre efficacité lorsque nous nous comparons à ces différents pays qui, malheureusement, subventionnent beaucoup plus que nous, ce qui fait en sorte qu'il y a une distorsion, je crois comprendre qu'on a démontré ici à l'ensemble du Canada et du Québec que notre efficacité est parfois supérieure à ce qu'elle peut être ailleurs.

+-

    M. Denis Couture: On n'a aucun problème. Dans tous les domaines, le monde agricole canadien est compétitif par rapport aux autres. Ce n'est qu'en matière de soutien qu'il n'est pas compétitif. En ce qui concerne la production, la rentabilité et l'efficacité des fermes, il n'y a pas de problème. Nous sommes capables de faire concurrence à n'importe qui. Cependant, en matière de subventions, sur nos fermes, nous n'avons aucun moyen.

+-

    L'hon. Georges Farrah: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Farrah.

    Nous entendrons maintenant M. Proctor pendant sept minutes.

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais commercer par les témoins du Québec, car je m'interroge depuis que je siège au comité, depuis 1997. Dès mon arrivée, des producteurs de l'Ouest nous ont dit qu'ils s'inquiétaient de la faiblesse des prix des grains, mais, jusqu'à ces derniers mois, nous n'avons pas beaucoup entendu les instances des producteurs de grains du Québec. Je cherche à comprendre. Je sais que vous avez un programme différent. Nous croyons en général que le programme ASRA a été efficace, dans l'ensemble, pour les producteurs de votre province. Ce que j'essaie de comprendre, c'est pourquoi il pose maintenant un problème.

    Des changements au programme ASRA ont-ils eu des effets négatifs sur les producteurs de grains du Québec?

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Au cours des années 1985 à 1995, il y avait des programmes fédéraux dont le but était précisément de pallier la problématique du prix des céréales. Nous pouvions avoir un soutien intéressant par l'entremise, par exemple, du programme RARB et du programme de l'OSPA. En outre, les 2 milliards de dollars additionnels du gouvernement conservateur pour la problématique des céréales se sont appliqués spécifiquement à l'appui à la production de grains. Depuis 1997, les programmes fédéraux ont tendance à appuyer l'ensemble de l'agriculture et non spécifiquement les producteurs de grains. La production de grains est la base de l'agriculture. C'est la source. C'est comme mettre de l'essence dans une auto: si on n'en a pas, on ne part pas. S'il n'y a pas de grains pour soigner un animal, l'animal ne grossit pas. Les Américains l'ont compris et ils subventionnent d'abord la production de grains. Pour le reste, ils n'ont pas à le faire parce que tout le monde peut se procurer des grains à bas prix.

    Pourquoi nous sommes-nous levés dernièrement au Québec? Depuis trois ans, le fédéral nous dit que le cadre stratégique agricole sera une merveille du monde en ce qui concerne les subventions agricoles et va régler tous les problèmes. Nous avons été bons joueurs et nous avons participé aux consultations, mais quand nous voyons les résultats de ce qu'on nous livre... On nous a annoncé qu'à partir du 1er janvier 2003, les anciens programmes ne fonctionneraient plus et qu'ils seraient remplacés par le cadre stratégique agricole. Ce n'est que depuis un mois ou deux que nous savons comment le PCSRA va fonctionner. Quand nous examinons la façon dont cela fonctionne, nous constatons que cela va nous donner très peu d'argent. Nous nous faisons entendre maintenant parce que nous venons d'apprendre comment cela va fonctionner. Nous aurions pu le faire avant, mais nous n'étions pas au courant de son fonctionnement. Nous le sommes maintenant, et c'est pour cela que nous voulons nous faire entendre maintenant.

[Traduction]

+-

    M. Dick Proctor: Mais, par ailleurs, avant d'avoir le CSA, nous avions l'ACRA et le PCRA, et ces programmes ne semblaient pas satisfaire la plupart des producteurs—particulièrement dans l'Ouest. Là encore, nous n'avons pas entendu les représentants des producteurs de grains du Québec qui sont venus témoigner. Je me demande encore pourquoi nous en entendons parler subitement, bien des années après en avoir entendu parler dans l'Ouest, dans le Canada anglais.

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Les producteurs de grains du Québec, en général, se font représenter par l'Union des producteurs agricoles, qui représente l'ensemble des agriculteurs québécois. Comme il y a un programme spécifique pour les producteurs de grains du Québec, qui ne semble pas combler nos besoins, nous avons décidé de réagir spécifiquement par rapport à notre problème. Le PCSRA n'est quand même pas si mauvais pour les autres secteurs parce qu'il leur garantit leur marge de référence. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour l'ensemble des producteurs. Souvent, ils ont même un peu plus que ce qu'ils avaient. C'est bien facile à comprendre. Les producteurs de grains américains ont 85 p. 100 des subventions de leur gouvernement, alors que les producteurs de grains canadiens en ont 25 p. 100. Donc, les producteurs d'animaux canadiens en ont plus que les producteurs d'animaux américains. Pour eux, c'est une bonne nouvelle, et je ne veux pas leur enlever quoi que ce soit. Cependant, comme je n'ai que 25 p. 100 des subventions canadiennes, je dois protester parce que ça ne fonctionne plus.

[Traduction]

+-

    M. Dick Proctor: Je vous remercie.

    Cam, vous étiez ici, lundi, je crois, à titre d'observateur, et j'ai écouté votre exposé. Vous avec parlé de la réduction des subventions à effet de distorsion du commerce—l'augmentation des exportations en Europe et aux États-Unis—mais nous avons entendu ici, lundi, que même si une entente était conclue dès juillet, ces réductions ne commenceraient peut-être pas avant plusieurs années.

    Avez-vous une solution à proposer entretemps? Que fait le Canada pendant que nous attendons que ces subventions soient réduites?

+-

    M. Cam Dahl: Je crois que nos amis du Québec ont exposé quelques options. Les Producteurs de grains du Canada ont proposé le programme d'indemnisation en cas de préjudice commercial. Notre proposition ne visait pas à ce qu'il devienne permanent. La proposition visait à avoir un mécanisme en place jusqu'à ce que les réductions soient faites à l'OMC.

+-

    M. Dick Proctor: Alors, proposeriez-vous que le Canada mette sur pied un programme de soutien qui serait parallèle à ceux de nos principaux concurrents et qui réduirait les paiements de soutien et les subventions à mesure que nos concurrents réduiraient les leurs?

+-

    M. Cam Dahl: Le programme n'est pas censé être permanent.

+-

    M. Dick Proctor: D'accord.

    Vous avez mentionné dans votre mémoire—je ne sais pas si vous y avez fait allusion, mais on trouve cela dans votre mémoire—que les producteurs canadiens de légumineuses ont eu du succès avec les acheteurs de l'Inde; pourtant, vous savez mieux que moi que le Farm Bill des États-Unis précise que les récoltes de légumineuses seront subventionnées. Vous parlez dans votre mémoire de l'année 2001, je crois. Cela a-t-il eu des effets sur les récoltes de légumineuses au Canada?

º  +-(1630)  

+-

    M. Cam Dahl: Pas encore. Comme les prix ont été assez élevés, les programmes des paiements compensatoires n'ont pas été mis en oeuvre aux États-Unis. Par conséquent, bien que les légumineuses figurent dans le récent farm bill, elles n'ont pas été subventionnées massivement, mais si cela se produisait, il y aurait des conséquences.

    À mon avis, l'exportation de légumineuses en Inde est un exemple particulièrement remarquable de ce qui peut être accompli si nous libéralisons le commerce. Non seulement les producteurs de grains et d'oléagineux en ont bénéficié directement, mais nous avons également assisté, notamment en Saskatchewan, à une augmentation considérable du nombre de petites entreprises de transformation qui permettent d'acheminer ces produits vers le marché. Non seulement les producteurs en tirent un revenu, mais leurs enfants ont un emploi et les gens demeurent dans les régions rurales. À mon avis, il s'agit d'un exemple formidable.

+-

    M. Dick Proctor: Oui.

    Est-ce qu'il me reste une minute, monsieur le président?

+-

    Le président: Votre temps est écoulé.

+-

    M. Dick Proctor: Je n'ai plus de temps? D'accord; j'interviendrai au prochain tour.

+-

    Le président: Nous entendrons Mme Ur pendant cinq minutes.

+-

    Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Je vous remercie de vos exposés.

    Croyez-vous qu'un des problèmes que nous avons dans cette discussion, c'est que nous n'avons pas de définition de pays en développement?

+-

    M. Cam Dahl: Il existe un processus selon lequel, à l'OMC, un pays peut se désigner lui-même comme pays en développement. C'est le processus qui existe.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Mais s'ils se désignent eux-mêmes, des pays ne pourraient-ils pas bénéficier d'un traitement spécial et différencié dont ils ne devraient pas bénéficier?

+-

    M. Cam Dahl: C'est ce qui nous préoccupe. Si on compare un pays comme le Brésil, par exemple, à un pays comme Haïti—je ne devrais probablement pas désigner des pays par leur nom—on constate manifestement des différences importantes dans leur niveau de développement et dans ses effets sur le commerce agricole mondial.

    Nous avons deux préoccupations. La première, c'est qu'un pays comme le Brésil est un de nos principaux concurrents sur le marché mondial, de sorte que la capacité du monde d'offrir un traitement spécial et différencié à des pays comme Haïti—aux pays les moins développés, qui ont besoin de ce traitement—et la probabilité que cela se produise diminueront. Et la probabilité que nos atteindrons nos objectifs de développement dans le cycle de Doha sera réduite si nous ne trouvons pas un moyen de faire une distinction entre les deux—et je comprends parfaitement que cette question est très délicate.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Comme de grands concurrents comme les États-Unis et l'Australie ont décidé de ne pas ratifier le protocole, et que le Canada intervient à la table des négociations, comme il l'a toujours fait, se trouve-t-il encore à adopter une position différente de celle de l'OMC et de tous les autres, y compris sur la réduction des droits de douane : il fait d'abord et avant tout ce qu'on lui demande de faire, et il est toujours le chef de file, alors que ceux qui suivent ne se présentent pas à la table, contrairement à ce qu'ils ont dit qu'ils feraient?

+-

    M. Cam Dahl: Nous sommes très préoccupés par le fait que les principaux pays exportateurs n'ont pas ratifié le protocole, et nous craignons fort que, si le Canada assume une responsabilité supplémentaire, nos exportateurs et notre industrie ne soient désavantagés sur le plan de la concurrence. Tout à fait.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: En effet.

    Comme vous l'avez dit, les Producteurs de grains du Canada ont affirmé que le PCSRA n'est pas avantageux pour eux—mes producteurs me l'ont dit, et vous aussi, Cam—et le ministre a dit qu'après un examen d'un an... Compte tenu de cela, vous êtes-vous entretenu avec Agriculture Canada et le ministre, et que vous répondent-ils quand vous leur dites que le PCSRA n'est pas avantageux pour les producteurs de grains?

+-

    M. Cam Dahl: Comme mon ami l'a dit, les négociations se sont étendues sur deux ans. Ce ne sont pas que les producteurs de grains qui ont clairement exprimé ce point de vue. Comme vous le savez bien...

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Mais vous êtes un des groupes qui se sont exprimés plus clairement.

+-

    M. Cam Dahl: ... cette position est très unanime dans l'industrie agricole.

    Nous n'avons pas pu obtenir les modifications que nous voulions, mais nous gardons espoir. Encore une fois, le ministre s'est engagé à effectuer l'examen qui débutera, espérons-le, cet été ou cet automne. Nous espérons donc pouvoir proposer ces changements.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Monsieur Couture.

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Ce qui m'inquiète, c'est le nombre d'années pendant lesquelles les producteurs auront à subir cette situation. Depuis 2003, le PCSRA s'applique. Les producteurs de céréales n'obtiendront donc aucun ou pratiquement aucun appui financier pour avoir effectué leur production. On va ensemencer la récolte de 2004 et la révision, pour sa part, va commencer vers la fin de 2004 ou au début de 2005. Ainsi, pendant trois ans, le programme ne s'appliquera pas aux producteurs de céréales.

    Présentement, certains producteurs se demandent probablement s'ils vont pouvoir trouver les fonds nécessaires pour ensemencer leurs champs ce printemps. Si, le printemps prochain, aucun programme ne verse des sommes pour appuyer les producteurs de céréales, de quelles liquidités les producteurs agricoles disposeront-ils et quelle sera la position financière des producteurs de céréales pour ce qui est d'ensemencer les champs qui permettront aux gens de se nourrir? La situation sera très grave.

º  +-(1635)  

+-

    M. Éric Darier: Puis-je faire un commentaire?

[Traduction]

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Juste une question...

    Cam, les producteurs de grains de l'Ontario peuvent-ils encore compter sur le programme d'assurance-revenu de marché?

+-

    M. Cam Dahl: Il me semble que oui, pour cette année.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Pour 2005.

+-

    M. Cam Dahl: Oui, il me semble. Je vais vérifier de nouveau les dates.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Vous pouvez encore y avoir accès.

    Avez-vous un programme provincial au Québec pour les producteurs de grains, l'ASRA?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: À l'heure actuelle, au Québec, on a un programme qui fonctionne sur une base d'assurances. Je vais l'expliquer. C'est comme s'il s'agissait d'une assurance sur une maison.

    Si votre maison est incendiée chaque année et que vous la rebâtissez systématiquement, le coût de vos assurances finira par être équivalent à celui d'une maison.

[Traduction]

+-

    Mme Rose-Marie Ur: C'est le même qu'en Ontario.

[Français]

+-

    M. Denis Couture: En effet, mais comme nos maisons brûlent chaque année depuis 10 ans, notre programme d'assurance affiche un déficit de 200 millions de dollars, et le coût de la prime, qui est plus élevé que le salaire normal d'un employé, ne peut plus être assumé par les producteurs. Comment pourrions-nous arriver à surmonter une telle situation? Pour un revenu de producteur agricole de l'ordre de 37 000 $, nous devons débourser 40 000 $ pour la prime. La prime nous coûte 3 000 $ de plus que le profit que nous devrions obtenir. Tout notre salaire est englouti par cette prime. Jamais nous ne pourrons continuer ainsi.

    De 1985 à 1995, le gouvernement fédéral palliait systématiquement aux problèmes des céréaliculteurs canadiens. Or, depuis 1995 ou 1997, la compensation est minime. Dans le cadre du PCSRA, une très petite part du manque à gagner sera comblée.

[Traduction]

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Monsieur Darier.

[Français]

+-

    M. Éric Darier: Vous avez soulevé la question de la non-ratification du Protocole de Cartagena. C'est intéressant, parce que mon collègue assis à ma droite disait que son industrie ne voulait pas que le protocole soit ratifié, mais qu'elle pouvait s'accommoder de l'accord trilatéral qui avait été conclu à l'extérieur du protocole. À son avis, celui-ci se conforme au Protocole sur la biosécurité.

    Je ne vois pas pourquoi la ratification du protocole irait contre les intérêts des agriculteurs, d'autant plus que, comme je l'ai expliqué dans ma présentation, le Canada envoie un ensemble de messages à la communauté internationale, entre autres à ses marchés à l'étranger, comme quoi il ne procède pas à la ratification, mais met en oeuvre un accord trilatéral qui reconnaît de fait une contamination de l'ordre de 5 p. 100, non seulement des exportations de grains OGM, mais de toutes les exportations. Ces 5 p. 100 ne sont nullement mentionnés dans la Protocole de Cartagena.

    Dans ce cas précis, par exemple, il est clair que la non-ratification cause un vrai préjudice à l'agriculture.

[Traduction]

+-

    Le président: Je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé.

    Monsieur Couture, puisque la question a été posée, vous pourriez peut-être expliquer plus en détail l'assurance-récolte et le programme ASRA. Je ne suis pas certain si j'ai bien entendu ou si j'ai mal interprété ce que vous avez pu dire. Est-ce le programme ASRA que vous n'avez plus les moyens d'avoir, est-ce le programme d'assurance-récolte, ou est-ce les deux? Je sais que les deux programmes peuvent être coûteux dans n'importe quelle province, mais qu'en est-il dans votre cas?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Celui qui nous pose problème est le programme de sécurité du revenu pour le prix des céréales. Il intervient année après année à de fortes sommes. C'est un principe d'assurance: le gouvernement provincial paie les deux tiers de la prime d'assurance et le producteur en paie le tiers.

    Le coût de ce tiers est de 40 000 $ par année pour une ferme à dimension humaine, c'est-à-dire pour une ferme familiale, et le revenu qu'on accorde au producteur pour produire des céréales est de 37 000 $. Donc, son revenu, son salaire pour le travail qu'il fait, est complètement dépensé en primes d'assurance, parce que le programme intervient année après année.

º  +-(1640)  

[Traduction]

+-

    Le président: Vous avez dit 40 000 $ et vous avez un revenu de 37 000 $. Lorsque vous parlez de «ferme familiale», voulez-vous dire 5 000 acres ou 500 acres? De quoi parlons-nous au juste? Je pose la question simplement pour que l'on comprenne bien, parce que la situation est très différente selon que la prime d'assurance coûte 40 000 $ pour 10 000 acres ou pour 1 000 acres.

    C'est simplement pour le compte rendu. Nous consignons les témoignages.

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Pour le Québec, il s'agit d'un producteur qui produit environ 1 500 tonnes de céréales sur une superficie de 300 hectares, donc 750 acres.

[Traduction]

+-

    Le président: Est-ce que tous ont bien compris? C'est 750 acres pour 40 000 $.

    Je ne veux pas être tatillon, mais nous devons comprendre, parce qu'il y a une grande différence.

    Monsieur Epp.

+-

    M. Ken Epp: Merci.

    Je veux aborder un autre point. Une partie du protocole traite évidemment des OVGM, les organismes vivants génétiquement modifiés, des OGM, les organismes génétiquement modifiés, ou des organismes transgéniques. Mais avant de m'adresser à nos amis de Greenpeace, j'aimerais demander à chacun des deux autres témoins de faire un exposé très bref d'au plus une minute sur la question de savoir si la signature du protocole va nuire au volet agricole de notre économie et aux producteurs individuels, ou si cette mesure va plutôt les aider.

    C'est ma première question.

+-

    M. Cam Dahl: Je vais vous donner une réponse très succincte. Compte tenu de l'évaluation faite par l'industrie céréalière du statut actuel du protocole et des résultats de la première rencontre des parties à Kuala Lumpur, nous pensons que la ratification du protocole serait nuisible à notre industrie.

+-

    Le président: Y a-t-il quelqu'un au sein de la délégation du Québec qui voudrait répondre à cette question?

[Français]

+-

    M. Benoit Legault: Pour le Québec, bien sûr, la position est différente. Nous ne sommes pas une région qui exporte énormément, mis à part le soja. Toutefois, notre position est assez similaire à celle des Producteurs de grains du Canada quant aux problèmes que cela pourrait causer, principalement dans le domaine du soja, puisque c'est la principale production que nous exportons. Cela poserait les mêmes problèmes en matière de coûts à l'exportation si le Canada s'embarquait dans un processus comme celui-là.

    Mais cela représente un petit volume par rapport aux 4 millions de tonnes que le Québec peut produire. Cette problématique nous interpelle donc beaucoup moins que les producteurs de l'Ouest canadien, ou de l'Ontario dans le cas du soja.

[Traduction]

+-

    M. Ken Epp: Avant que vous ne répondiez, je voudrais simplement obtenir confirmation du fait que le Québec a une forte production de soja. C'est là une culture où la modification génétique intervient.

[Français]

+-

    M. Benoit Legault: Au Québec, sur les 400 000 tonnes métriques que nous produisons, nous en exportons environ 250 000. Donc, nous en exportons environ 60 p. 100. Sur ces 250 000 tonnes, il y a beaucoup de soja destiné à la consommation humaine, qui n'est donc pas nécessairement mis en cause par la question des OGM.

    Nous avons aussi développé un marché pour l'exportation du soja sans OGM. Nous avons un système qui permet la ségrégation et nous pouvons donc certifier que certains grains ne contiennent pas d'OGM.

    C'est pour cela que je vous dis que nous sommes dans une situation particulière qui fait que le problème nous interpelle jusqu'à un certain point, mais moins, à cause de la nature de notre production de soja.

+-

    M. Éric Darier: Je pense que, pour l'agriculture, les coûts à moyen et à long terme de la non-ratification du protocole sont probablement plus élevés que ceux de la ratification. Vous avez soulevé la question du soja. Effectivement, le Québec se distingue sur les marchés extérieurs en grande partie par l'exportation de soja sans OGM. Il y a un marché extérieur très vibrant pour les produits sans OGM. Je pense que le problème général des OGM ne se limite pas au protocole en tant que tel.

    Je pense par exemple à l'opposition croissante, parmi les producteurs et parmi beaucoup d'associations qui représentent le milieu agricole au Canada, au blé OGM. Je pense qu'ils savent très bien que, si le Canada autorise le blé OGM, cela va causer des pertes très importantes pour leur marché. C'est une des préoccupations.

    Le problème de la position actuelle du gouvernement canadien est que des messages très ambigus et très pro-OGM sont envoyés à l'extérieur. La non-ratification en est un, et l'accord trilatéral avec le Mexique et les États-Unis en est un autre. Un troisième est le fait de se joindre aux États-Unis dans leur poursuite contre l'Europe à l'OMC. Cela envoie donc à l'extérieur toute une série de messages qui sont, je pense, la plus grande menace pour l'agriculture et pour l'exportation de produits agricoles canadiens à long terme. Je pense qu'il serait préférable que le gouvernement canadien change de politique dans ce domaine.

º  +-(1645)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Epp, votre temps de parole est écoulé.

+-

    M. Ken Epp: Je sais. Très exactement.

+-

    Le président: Très exactement.

    Monsieur Eyking, vous avez cinq minutes.

+-

    L'hon. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Ma question s'adresse principalement aux producteurs céréaliers du Québec.

    Si vous parlez de la possibilité que nous subventionnions votre marge de façon à ce que celle-ci soit plus élevée et que le seuil soit plus haut lorsqu'il y a baisse, et s'il existait une sorte d'équation pour accorder une subvention aux producteurs de céréales—ne parlons pas uniquement du Québec, mais de l'est du Canada, parce que les conditions de croissance sont très similaires—ne faudrait-il pas prendre en considération le fait qu'il en coûte moins cher pour produire des céréales dans l'est du Canada que, peut-être, en Europe?

    Par exemple, une grande quantité de vos céréales sont consommées au Québec même, de sorte que vos frais de transport sont probablement moins élevés. Si vous vous servez uniquement de vos conditions climatiques et de votre échelle de production, ne faudrait-il pas aussi tenir compte de cet aspect avant de dire: «Très bien, nous allons voir quels sont les produits céréaliers les plus fortement subventionnés au monde et nous allons essayer de faire en sorte que tous bénéficient de cette marge»?

    Par ailleurs, même si vous haussiez cette marge, conserverions-nous le PCSRA et d'autres initiatives, de sorte que si la marge baissait... Il me semble qu'il y aurait alors cumul d'avantages. Vous voudriez que votre marge soit augmentée, mais s'il y avait perte de production, vous voudriez aussi que cette marge soit maintenue.

    C'est ma deuxième question.

[Français]

+-

    M. Denis Couture: On demande un soutien de 20 $ à 40 $ par tonne. Maintenant, au Québec, étant donné nos coûts de production, pour que nous puissions vivre de nos productions céréalières, nous devrions obtenir un prix d'environ 185 $ à 190 $ par tonne. Or, le revenu du marché est de 140 $ la tonne. L'augmentation du soutien du gouvernement fédéral remonterait notre marge à 160 $ ou 165 $ la tonne. Nos programmes d'assurances auront à combler la différence pour que nous puissions obtenir un prix de 185 $. Nous n'aurons donc pas trop d'argent; nous allons simplement couvrir une partie du coût de production des céréales. Ce n'est pas l'ensemble qui sera couvert par la bonification des marges; ce sera seulement la différence avec les subventions américaines. Le but n'est pas de couvrir les coûts de production, mais d'avoir un soutien équivalent des deux gouvernements fédéraux pour la production de céréales.

    Le problème de l'assurance-récolte restera toujours autre chose qu'un problème de prix. Le programme d'assurance-récolte couvre le remplacement de la récolte quand les conditions climatiques ont empêché le producteur de récolter. Il s'applique quand le producteur a donné tous les soins nécessaires pour avoir le meilleur rendement possible mais que le climat n'a pas été de son côté. Le programme d'assurance-récolte sert donc à remplacer une récolte lorsqu'il y a eu un dégât sur le plan de la récolte.

[Traduction]

+-

    L'hon. Mark Eyking: Vous avez mentionné que vos coûts s'élèvent à 180 $, tandis que vos revenus sont de 140 $, de sorte que l'écart moyen est de 40 $. Cet écart vaut-il pour l'ensemble, pour toutes les différentes sortes de céréales? S'agit-il de l'écart pour l'orge, l'avoine et le blé, ou s'agit-il simplement d'une moyenne pour toutes les céréales au Québec? J'imagine que vous vendez un peu d'orge aux producteurs de bière et que vous vendez du blé aux éleveurs de volaille. S'agit-il d'un chiffre approximatif pour toutes les céréales produites dans toutes les régions du Québec? Ce chiffre s'applique-t-il à certaines céréales dans certaines régions? D'où vient ce montant 40 $ par tonne qui représente vos pertes?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: On perd 40 $ lors de la production du maïs-grain, qui est la principale production en termes de tonnes au Québec. On ne produit pratiquement pas de céréales utilisées dans la fabrication de la bière. Ces céréales proviennent de l'Ouest canadien. Au Québec, on n'a pas le climat qu'il faut pour produire les céréales utilisées dans la fabrication de la bière. On a des problèmes de maladie. On pourrait en produire, mais on peut rarement avoir un produit de qualité suffisante. La différence de prix s'observe surtout dans le cas du maïs. Dans le cas des petites céréales, l'écart est encore plus grand entre le prix du marché et le coût de production. Quand je parle des petites céréales, il s'agit de l'orge, de l'avoine et du blé.

º  +-(1650)  

[Traduction]

+-

    L'hon. Mark Eyking: J'ai une dernière question. Combien d'acres des céréales en danger cultivez-vous actuellement au Québec et, si la situation ne change pas, combien d'acres pensez-vous en cultiver dans cinq ans?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: On a environ 900 000 hectares de production céréalière au Québec. Pour avoir l'équivalent en acres, il faudrait multiplier par 2,5. Si on n'obtient pas un revenu suffisant d'ici quatre ou cinq ans, combien restera-t-il d'acres? J'ai l'impression que les acres continueront d'être cultivées, mais pas par des producteurs agricoles. Elles seront cultivées par des ouvriers agricoles, et ce sont les grandes compagnies qui financeront les opérations d'ensemencement des champs et qui vendront les récoltes à la place des producteurs qu'il y a présentement.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Eyking.

    Si M. Bigras veut bien me le permettre, je vais vous demander de nous dire, si vous le pouvez, de quelle façon le coût de production est déterminé. Nous savons que le coût des fertilisants par tonne est un coût établi. Vos frais d'essence, de machinerie... Qu'en est-il de l'amortissement foncier, de la capitalisation des biens fonciers? De quelle façon vos terres interviennent-elles dans l'équation? Quel prix exigez-vous relativement à la terre et la valeur foncière augmente-t-elle, demeure-t-elle constante, ou a-t-elle diminuée?

    Vous devez avoir une formule. Ce chiffre se fonde sur quelque chose. Je présume qu'il s'applique probablement à l'ensemble de la province. Si ce n'est pas le cas, est-il établi par région dans vos formules d'établissement du coût de production?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: On fait une enquête chez 100 producteurs, on calcule l'ensemble de tous leurs coûts et on calcule la moyenne des 100 fermes par production, ce qui nous donne le coût de production de chacune des denrées agricoles. On fait la même chose pour les productions animales au Québec. On fait une enquête sur 100 fermes qui ont produit au cours d'une année donnée et on recueille tous les chiffres. On leur demande quelles ont été leurs dépenses pour le diesel, les pesticides et ainsi de suite, et on divise cela par le nombre de tonnes de grain produites, ce qui nous donne le coût de production de chacune des denrées agricoles.

[Traduction]

+-

    Le président: Ce coût inclut-il les taxes et l'intérêt hypothécaire? Qu'inclut-il? Inclut-il cette partie des frais?

[Français]

+-

    M. Benoit Legault: Les frais fixes incluent l'amortissement de l'équipement, de la machinerie. Pour la terre, il n'y a pas vraiment de coûts, mis à part les intérêts rattachés aux coûts de financement de cette terre. Évidemment, il y a des coûts de location. Au Québec, environ 30 p. 100 des terres sont louées. Les coûts de location entrent dans le bloc de ce qu'on appelle les frais variables. Cela inclut, comme vous le disiez, les frais de taxes et des frais divers qui sont plus fixes que variables, en fonction des superficies.

[Traduction]

+-

    Le président: Très bien.

    Monsieur Bigras, vous avez cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président. Je vais partager mes cinq minutes avec mon collègue Louis Plamondon. Ma question s'adresse à M. Couture et à M. Legault.

    On constate qu'au Québec, on utilise moins d'OGM que dans le reste du Canada. J'ai des chiffres, et vous me corrigerez si j'ai tort: seulement 31 p.100 du maïs québécois serait génétiquement modifié; seulement 28 p. 100 du soja serait génétiquement modifié, et cela se limite à six régions; 65 p. 100 du canola est génétiquement modifié, mais c'est une production assez marginale puisqu'on le cultive sur seulement 7 500 hectares et que cela se limite à une seule région.

    Compte tenu de sa particularité, le Québec n'a-t-il pas un avantage comparatif sur le plan du commerce international, que l'on parle d'une politique de biosécurité plus rigoureuse, du Protocole de Cartagena ou d'une politique d'étiquetage? Est-ce que notre particularité ne nous permettrait pas d'avoir accès à des marchés étrangers qui, de plus en plus, comme l'expérience nous le démontre, exigent la sécurité alimentaire? Le Québec a-t-il un avantage comparatif à cet égard?

+-

    M. Denis Couture: Ce qui nous inquiète le plus, ce sont les semences. Présentement, la majorité des semences qu'on nous propose pour la culture proviennent des grandes compagnies américaines. Si on dit demain matin qu'on n'utilise plus ces semences, qui va nous fournir des semences de qualité qui répondront aux exigences en matière de maladies et de production qu'on a présentement au Québec?

    Si on nous garantit que des sommes d'argent seront investies pour qu'on puisse nous fournir des semences de même qualité, on pourra peut-être faire ce dont vous parlez. Mais puisqu'on n'a pas cette garantie, comme on vous l'a mentionné tout à l'heure, et que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a réduit son soutien à l'agriculture de 6,1 milliards à 2,1 milliards de dollars, qui va prendre la place de ces grandes compagnies pour remplacer nos semences ou pour faire la recherche qui nous permettra de rester compétitifs?

    On ne peut pas se permettre de régresser de 10 ou 15 ans parce qu'on décide de rester chez nous, alors que partout autour de nous, on va faire autre chose. C'est pour cela qu'on a un peu plus de difficulté.

    Si on nous assure qu'on fera des investissements importants pour nous permettre de regagner notre compétitivité, je pense qu'on pourra aller dans ce sens-là. Cependant, comme producteurs, on doit avoir cette garantie.

º  +-(1655)  

[Traduction]

+-

    M. Cam Dahl: Je voudrais juste ajouter un petit point aussi. Je pense que les producteurs québécois et ontariens de soja, qui fournissent de façon très efficace des semences génétiquement modifiées au marché des graines pressées, ainsi que des semences non génétiquement modifiées pour le marché de l'alimentation et le marché japonais, sont un très bel exemple de ce qui peut être accompli dans un système et dans des structures de commercialisation qui offrent des niveaux de tolérance et des garanties raisonnables.

    Notre préoccupation est liée au fait que des modèles tels que le prototype ne correspondent pas nécessairement à ce qui est raisonnable.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Je suis très heureux d'avoir proposé que la section du Québec vienne présenter ses doléances ici. Je me rends compte que pour plusieurs députés autour de cette table, votre point de vue est une découverte.

    À la suite de la visite que vous aviez effectuée auprès des députés du Québec pour les sensibiliser, j'avais posé une question en Chambre, et c'est le secrétaire parlementaire qui y avait répondu. On voyait qu'il répondait sans connaître le dossier: il disait qu'il y avait actuellement des programmes et que cela suffisait.

    Lorsque le ministre a comparu ici, il a semblé également répondre dans le même sens. Il a dit que des programmes existaient, que le nouveau cadre stratégique allait combler les lacunes, que les choses allaient se replacer d'ici un ans et que vous alliez avoir un soutien suffisant.

    Toutefois, on se rend compte que la situation que vous décrivez est particulièrement dramatique. Comme vous le disiez, cela va prendre trois ans à se régler, et vous n'arrivez même pas à payer vos assurances aujourd'hui.

    Dans votre texte, vous citez une lettre qui avait été signée par M. Speller à la suite des consultations, dans laquelle il disait:

Si ces problèmes ne sont pas résolus rapidement, nos rapports avec laprofession risquent de se détériorer considérablement. En agissantrapidement, nous pourrions redresser la situation. Cela montrerait auxcitoyens que les pouvoirs publics sont réellement à l'écoute desreprésentants de l'industrie.

    C'est M. Speller qui disait cela et qui signait cette lettre. Depuis ce temps, vous n'avez pas eu de nouvelles.

    Je suis inquiet parce qu'il y a une élection qui s'en vient. Cela pourrait être reporté de deux mois. Après l'élection, est-ce que le ministre sera le même? Est-ce qu'il faudra recommencer les explications? Souhaitez-vous que notre comité entreprenne une démarche rapide auprès du gouvernement canadien et principalement auprès du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire?

    Bien sûr, on peut envoyer une lettre et des recommandations. Avez-vous prévu des démarches en plus de la visite que vous avez effectuée auprès des députés du Québec et de cette visite que vous faites au comité?

+-

    M. Denis Couture: Comme on l'a mentionné dans notre rapport, notre premier choix serait que le gouvernement canadien décrète une marge suffisante pour nous permettre de vivre à partir de l'année 2003. Les producteurs agricoles n'ont pas encore rempli leur formulaire de demande d'aide du PCSRA pour l'année 2003, qui s'est terminée le 31 décembre. S'ils remplissaient leur demande en vertu des règlements qu'on connaît présentement, les producteurs de céréales retireraient très peu d'argent.

    Par conséquent, on veut que le gouvernement agisse rapidement en amendant les règlements du PCSRA de manière à permettre aux producteurs de bonifier leur marge de référence en fonction des subventions américaines, et de manière à déclencher le programme dès l'année 2003.

    Si on attend la révision qu'on nous a promise pour l'année prochaine, on aura probablement cette bonification seulement pour les années 2005, 2006 et peut-être 2007, si on est chanceux. On ne peut pas attendre cela. Il faut absolument que le gouvernement agisse rapidement. S'il a peur de se tromper, il pourra modifier à nouveau sa réglementation en temps opportun afin qu'elle soit meilleure, mais il doit agir rapidement pour donner de l'espoir aux producteurs et leur permettre d'ensemencer leurs terres et de dire aux banques que le programme répondra à leurs besoins et comblera le manque à gagner.

»  +-(1700)  

[Traduction]

+-

    Le président: Votre temps de parole est écoulé. En fait, je vous ai donné beaucoup plus de temps.

    Monsieur Barrette, vous avez cinq minutes si vous le désirez.

[Français]

+-

    M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.): Je vais partager mon temps avec mon voisin.

    Je ne veux pas commencer une polémique, mais simplement préciser qu'avant-hier, on a eu la visite de représentants d'Agriculture Canada et que d'après le négociateur à l'OMC, les prix sont établis à l'échelle mondiale. Pour votre part, vous avez dit plus tôt que c'étaient les Américains qui le faisaient.

+-

    M. Denis Couture: En général, vu que le maïs constitue notre principale production, on en détermine le prix à partir de la bourse de Chicago. Les Européens sont également en concurrence. Ensuite, on établit des références en fonction de cette production.

[Traduction]

+-

    M. Cam Dahl: C'est le marché international qui détermine les prix.

[Français]

+-

    M. Gilbert Barrette: J'ai aussi posé une question concernant la lettre comportant nombre d'arguments que nous avaient apportée nos visiteurs. J'imagine que vous ne les rencontrez pas souvent ou qu'ils ne sont pas sensibilisés à ces questions, mais il reste qu'ils ne semblaient pas savoir que nous avions reçu cette lettre. Ils n'avaient pas vraiment l'air au courant de son contenu. Cela m'a surpris un peu. Je suis pourtant convaincu qu'il vous arrive de leur parler de ces questions.

+-

    M. Denis Couture: En fait, nous avons soumis nos principales revendications à l'ancien ministre, M. Vanclief. Or, on a changé de ministre, et je pense qu'il est normal que les nouveaux soient moins au courant de ces revendications. Il est évident que certaines informations devraient être transmises.

    Comme je vous l'ai indiqué, toutes les personnes qui travaillent à l'échelle du Québec pour Agriculture et Agroalimentaire Canada sont au courant des revendications concernant ce que la fédération peut faire à l'échelle québécoise. Je pense qu'à l'échelle du Canada, c'est M. Cam Dahl qui s'en charge. Il pourrait vous en parler davantage.

+-

    M. Gilbert Barrette: D'après ce que je comprends, vous n'avez pas rencontré ces gens récemment afin de leur exposer les problèmes auxquels vous faites face en tant que producteurs. Est-ce exact?

+-

    M. Denis Couture: Je ne sais pas qui, à l'échelle nationale, représentait Agriculture et Agroalimentaire Canada. Je ne connais pas les noms. Je ne peux pas préciser si je les ai rencontrés ou non.

+-

    M. Gilbert Barrette: Qui était le négociateur?

+-

    M. Louis Plamondon: Il s'agissait de hauts fonctionnaires d'Agriculture Canada. Forcément, ils ne savaient pas que vous nous aviez visités chez nous. Lorsqu'on nous soumet des revendications, c'est à nous, les politiciens, de les en informer.

    Le négociateur de l'OMC, un représentant d'Environnement Canada et un sous-ministre d'Agriculture et Agroalimentaire Canada étaient présents.

+-

    M. Gilbert Barrette: Vous ne les avez pas rencontrés récemment. Dans le cas contraire, je vous aurais demandé quelle avait été leur réaction à vos observations, à vos commentaires, bref à votre vécu.

+-

    M. Denis Couture: Charles Cantin, qui est conseiller principal à Agriculture et Agroalimentaire Canada pour le Québec, est la personne avec qui nous discutons des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il est bien informé de la situation des producteurs de céréales. Il se charge de faire le lien avec les dirigeants du ministère de l'Agriculture.

    Pour ma part, je n'ai pas de contact direct avec eux, mais j'en ai avec les gens qui représentent le Québec.

+-

    M. Gilbert Barrette: Je me pose une question. Je connais, chez moi, des gens qui étaient producteurs laitiers et qui sont devenus producteurs céréaliers. Quand on sait ce qui se passe dans ce domaine, on se demande ce qui a bien pu les inciter à opter pour cette production.

+-

    M. Denis Couture: C'est normal, et on observe ce phénomène à bien des endroits. Un producteur qui a trait des vaches soir et matin jusqu'à l'âge de 50 ans, qui est attaché à sa ferme et veut y rester, mais n'a pas de relève, n'abandonnera pas ses terres. Dans ces conditions, il optera pour une production qui lui demande un peu moins de temps et qui lui donne un peu plus de liberté. Il décidera de produire des céréales, parce que c'est pratiquement tout ce qu'il pourra faire de ses terres s'il ne veut pas les abandonner.

    Ce n'est pas nécessairement payant, mais il veut continuer à cultiver sa terre. Il a travaillé, il a gagné sa vie pendant longtemps, et il veut rester sur sa terre.

»  +-(1705)  

+-

    M. Gilbert Barrette: Je vais céder la parole à mon collègue.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Eyking, une question. Vous avez 30 secondes.

+-

    L'hon. Mark Eyking: Premièrement, il ne faut pas se borner à faire allusion à la remarque du ministre Speller, il faut aussi la situer dans son contexte. Sauf erreur, cette observation ne visait pas seulement les céréaliculteurs, mais aussi un grand nombre de récoltes non assujetties à un régime de gestion de l'offre.

    Le PCSRA fait l'objet d'un examen à la fin de chaque année. Ma question est : Avez-vous reçu de l'argent suite à l'initiative d'un milliard de dollars que nous avons mise sur pied? Êtes-vous admissibles à l'une des initiatives annoncées par le premier ministre il y a un mois? Par ailleurs, toutes les subventions que vous avez obtenues pour les céréales entre 1984 et 1990, ou toute autre date, venaient-elles du gouvernement du Québec ou du gouvernement fédéral?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Du PCSRA, le nouveau programme du cadre stratégique agricole, aucune somme n'a encore été versée aux producteurs pour l'année 2003. On est en train de recevoir nos formulaires, de faire des demandes et de constituer nos marges de production. On demande au producteur de sortir ses rapports d'impôt des cinq dernières années pour établir sa marge de production. Le travail en est encore à l'étape des comptables. À partir du moment où cette marge de production sera connue de chacun des agriculteurs, on observera ce qui se passe pour l'année 2003. S'il y a déclenchement, il y aura probablement un paiement plus tard à l'automne, nous dit-on. Il se peut même qu'on doive attendre jusqu'en décembre avant de recevoir les premiers paiements pour l'année 2003.

[Traduction]

+-

    Le président: C'est tout pour M. Eyking, du moins pour le moment.

    Monsieur Proctor, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

    Cam, je reviens à vous. Vous dites plutôt clairement dans votre document—même si c'est sous la forme d'une question—qu'en ce qui a trait aux entreprises commerciales d'État qui exportent des produits, vous êtes d'avis que le Canada devrait changer sa position à l'OMC en échange de concessions clés en matière de libéralisation.

    L'autre aspect à l'égard duquel le Canada maintient sa position dans les négociations à l'OMC—du moins jusqu'à maintenant, pour autant que l'on sache—est la gestion de l'offre. Par conséquent, je veux vous demander si votre association, les Producteurs de grains du Canada, est d'avis qu'il faut changer notre position relativement à la gestion de l'offre.

+-

    M. Cam Dahl: La position de notre association a toujours été qu'il ne faut pas faire une concession touchant un secteur en échange d'une autre concession touchant un autre secteur.

    Cela répond-il à votre question? Telle est notre position.

+-

    M. Dick Proctor: Donc, vous êtes d'avis qu'il faut réévaluer notre position en ce qui a trait à la Commission canadienne du blé?

+-

    M. Cam Dahl: Je ne visais pas expressément les entreprises commerciales d'État.

+-

    M. Dick Proctor: Je sais.

+-

    M. Cam Dahl: Si j'ai inclus ces exemples dans le mémoire, c'est parce que ce sont des dossiers dans la position de négociation qui sont directement liés au secteur des céréales.

+-

    M. Dick Proctor: En effet.

+-

    M. Cam Dahl: Ce sont les secteurs sur lesquels nous voulons nous concentrer.

    Outre les entreprises commerciales d'État, il y a aussi la question de la désagrégation et celle du soutien de minimis. Encore une fois, nous ne voulions pas fournir la réponse à cette question. Notre association a une position sur le dossier national que constitue la Commission canadienne du blé, mais nous estimons que le moment est venu de demander aux décideurs s'il ne serait pas temps de revoir notre position relativement à certains de ces dossiers.

+-

    M. Dick Proctor: Je veux m'assurer de bien comprendre votre position. Faites-vous allusion aux entreprises commerciales d'État et non à la gestion de l'offre?

+-

    M. Cam Dahl: Oui.

+-

    M. Dick Proctor: Monsieur Darier, nous vous avons ménagé jusqu'à maintenant. Je veux simplement vous poser quelques questions.

    Selon vous, quel sera l'impact... Votre mémoire renferme six demandes. La première est d'«annoncer un moratoire immédiat sur la culture des OGM au Canada». Quel serait l'impact d'une telle mesure?

    Il y a quelques minutes, on parlait de la culture du canola dans la province de Québec. Il va de soi que les choses sont complètement différentes dans l'ouest canadien. Selon vous, quel serait l'incidence d'une telle mesure?

+-

    M. Éric Darier: Je pense que la première répercussion serait que le Canada enverrait un message à la communauté internationale portant que nous prenons la biosécurité au sérieux et que nous sommes prêts à réévaluer notre politique en ce qui a trait aux OGM. Je pense que ce serait la première répercussion.

    Deuxièmement, si l'on parle de moratoire, cela signifie qu'il faudrait évidemment une transition et une promesse d'obtenir suffisamment de semences non génétiquement modifiées pour assurer cette transition.

    Toutefois, ce qui est plus important encore, c'est que le gouvernement et le public ont besoin d'un vaste débat public sur la question de savoir si nous sommes allés trop vite ou trop loin relativement aux OGM. Par conséquent, nous avons besoin d'une pause pour tenir un tel débat. Nous ne voulons pas nous lancer dans la culture des OGM et découvrir d'ici quelques années que tous les marchés extérieurs sont fermés. Je pense que la raison pour laquelle les producteurs de blé génétiquement modifiés sont si préoccupés c'est parce qu'ils pourraient être plus tard confrontés à un désastre commercial, sans parler de la question de la biosécurité. C'est là une grande préoccupation. C'est la raison pour laquelle il faut s'assurer aujourd'hui que le comité va tirer la sonnette d'alarme au sein du gouvernement et dire: «Écoutez, la situation a changé. Depuis cinq ans, le marché international ne veut plus de produits génétiquement modifiés». C'est très clair. Même nos consommateurs n'en veulent pas. Même les consommateurs américains, pour peu qu'on leur pose les bonnes questions, n'en veulent pas non plus.

    Par conséquent, je pense qu'il faut faire face à la réalité. L'avenir de l'agriculture repose sur la capacité de vendre ce que les consommateurs veulent, et je pense que les agriculteurs canadiens veulent pouvoir cultiver des produits qui ont un avenir.

»  +-(1710)  

+-

    M. Cam Dahl: Je ne vais pas faire de remarques générales, mais j'aimerais formuler des observations sur ce que pourraient être certains des impacts environnementaux. Je vais prendre la Saskatchewan, qui est un exemple éloquent.

    L'introduction du canola génétiquement modifié et de cultures qui tolèrent les herbicides a permis aux agriculteurs de la Saskatchewan de délaisser la mise en jachère d'été et de passer à la culture sans labour. Cela n'aurait pu se produire sans l'introduction de récoltes qui tolèrent les herbicides. Je n'ose pas penser à la situation que l'on aurait connu dans l'ouest canadien, et en particulier en Saskatchewan, compte tenu des sécheresses qui sévissent depuis un bon nombre d'années, si nous n'étions pas passé à la culture sans labour, et ce grâce aux récoltes qui tolèrent les herbicides.

+-

    Le président: Monsieur Couture.

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Je pense que la venue des OGM avait pour but de régler un problème. On avait demandé aux producteurs agricoles canadiens d'utiliser moins de pesticides, et ils ont cherché à obtenir des grandes compagnies des plantes résistant mieux aux maladies et au désherbage des pesticides. Je pense que les OGM ont réglé en partie ce problème. Il est vrai que des gens du public ont de la difficulté à accepter le terme lui-même, mais le résultat est qu'on a des plantes qui se défendent mieux elles-mêmes. On comprend que ce n'est pas accepté. Je pense que c'est la même chose en médecine. Aujourd'hui, pour essayer de guérir les maladies, on force la médecine à avoir de meilleurs outils et on veut créer plus rapidement de nouveaux médicaments afin d'avoir de meilleures solutions à divers problèmes. Il ne faut pas dire non à toutes ces avances technologiques.

    On a entendu dire tout à l'heure qu'il fallait prendre le temps de s'assurer que ces nouvelles technologies n'auront pas d'impact négatif sur la biosécurité, mais il ne faudrait pas toutes les rejeter.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Darier, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Français]

+-

    M. Éric Darier: Dans le cas des OGM, au Québec en particulier, on a le maïs Bt, dont la principale caractéristique est qu'on a inséré un pesticide dans la plante elle-même. Lorsqu'on dit qu'on a réduit les herbicides et les pesticides, il faut faire très attention. Ce n'est pas parce qu'on n'asperge plus les plantes qu'on n'utilise pas de pesticides.

    Il faut avoir une vue d'ensemble. Il faut examiner l'utilisation des OGM, non seulement pendant les premières années, mais également à long terme. Une des raisons du rejet du blé OGM dans les Prairies de l'Ouest est que sa résistance à un herbicide, celui employé pour le canola et le soya, pose des problèmes aux agriculteurs, notamment au niveau de la rotation des cultures d'une année à l'autre.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Ur.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Monsieur Couture, les céréaliculteurs du Québec font-ils partie de l'organisme-cadre, c'est-à-dire des Producteurs de grains du Canada?

[Français]

+-

    M. Denis Couture: Oui, et il y a même un de nos membres qui est vice-président des Producteurs de grains du Canada depuis l'automne dernier.

[Traduction]

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Je pense que vous avez très bien fait de vous regrouper en une seule association. Vous avez ainsi plus de poids au comité et c'est bien.

    Monsieur Darier, vous n'allez pas vous en sauver trop facilement, parce que j'ai quelques questions. J'ai gardé le meilleur pour la fin.

    Pensez-vous réellement que les OGM ne sont pas envisagés par les autres pays et que le Canada va s'asseoir et attendre que tout le monde sorte son jeu? Si c'est ce que vous laissez entendre dans certaines de vos remarques, je pense que vous rêvez en couleur.

    Je tiens à dire clairement que les agriculteurs étaient des environnementalistes avant que cette notion ne devienne populaire au Canada. Ils vivent de la terre. Ils gagnent leur vie en exploitant la terre. Par conséquent, je suis très préoccupée lorsque j'entends certaines observations—particulièrement lorsque vous avez parlé de la vache folle et des OGM dans le même souffle, dans votre déclaration préliminaire. C'est comme comparer des pommes et des choux, et non pas des pommes et des oranges. Je pense donc qu'il est très important de garder cela présent à l'esprit. J'ai presque l'impression que l'on tient des propos quelque peu alarmistes relativement aux OGM.

    Ma seule question est celle-ci : Combien de personnes au sein de Greenpeace sont issues du milieu agricole et sont en mesure de vous fournir des conseils éclairés?

»  +-(1715)  

+-

    M. Éric Darier: Je veux d'abord vous remercier d'avoir soulevé ces points. Si je peux répondre à la dernière question, oui, nous avons accès à des spécialistes. Comme je l'ai mentionné, nous sommes présents dans 40 pays. Nous avons des scientifiques et certains d'entre eux publient un grand nombre de documents sur l'agriculture durable. Par conséquent, oui, nous avons l'expertise requise.

    Ma déclaration liminaire avait pour but de souligner le fait que si le gouvernement maintient sa politique agricole, vous pourriez vous retrouver avec un désastre semblable à celui qui a été causé par la vache folle.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Monsieur, la vache folle n'a rien à voir avec les OGM.

+-

    M. Éric Darier: Non. J'essaie d'illustrer le fait que...

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Mais vous ne pouvez illustrer des prions dans les OGM; ce sont deux choses différentes. Cela dit, je ne suis pas une scientifique.

+-

    M. Éric Darier: Ce que j'illustre c'est le risque posé par l'adoption d'une politique sur les OGM. Si vous vous trompez, si un problème se produit quelque part, vous risquez de vous retrouver avec des problèmes de politique semblables à ceux auxquels nous devons tous faire face à l'heure actuelle relativement à la vache folle.

    Une autre chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que dans le monde il n'y a, à proprement parler, que trois pays qui produisent la grande majorité des OGM, à savoir les États-Unis, le Canada et l'Argentine. Il y a très peu de marchés pour les produits génétiquement modifiés. En fait, je pense qu'avec le temps certains de ces marchés ont disparu, parce que les consommateurs ne veulent pas des produits. Par conséquent, le véritable problème pour l'agriculture canadienne—pour le gouvernement comme tel, plutôt que pour les agriculteurs—est de savoir s'il faut continuer à essayer de vendre des produits dont personne ne veut.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Je pense que ce qu'il faut examiner, c'est simplement la façon dont les produits sont vendus. Au Canada, nous sommes très chanceux parce que nous n'avons pas eu faim très souvent, grâce à nos bons agriculteurs et à la qualité des denrées qu'ils produisent. Tous n'ont pas vécu la même expérience dans le monde et, compte tenu de la croissance de la population mondiale, certains devront peut-être se pencher sur la façon d'améliorer leur capacité de production.

    Je pense qu'il est essentiel que nous soyons tous au diapason relativement à ce dossier et que notre jugement soit fondé sur des données scientifiques, et non pas sur une illumination selon laquelle nous essayons de détruire le monde en mettant des OGM sur la table de nos consommateurs. Je pense que c'est loin d'être le cas.

+-

    M. Éric Darier: Dans ce cas, étant donné que le temps file, je vais remettre au comité deux documents que nous avons rédigés relativement à des questions telles que la famine et à d'autres dossiers. Il existe déjà de nombreuses solutions de rechange dans le monde. Nous avons étudié les solutions de rechange qui existent dans une cinquantaine de pays et qui font déjà une grande différence dans le monde. Nous n'avons pas besoin d'OGM, ni de pesticides en fait. Ces documents vous donneront une idée de ce dont nous parlons.

    Merci.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: J'ai une dernière question. Vous faites allusion aux pesticides. J'ai déjà employé ces produits. Vous dites que nous n'en avons pas besoin. Avant de venir à Ottawa, je cultivais des légumes et, à un moment donné, les consommateurs ont décidé qu'ils ne voulaient que de belles pommes de chou-fleur blanches. Personne ne voulait voir les protéines vertes qui restent sur le chou-fleur une fois que le petits insectes sont passés par là. Les consommateurs ne voulaient pas voir cela non plus. Nous avons dû vaporiser un produit sur le chou-fleur ou le brocoli, afin que les consommateurs n'aient pas ces protéines supplémentaires.

    On ne peut pas tout avoir. Il faut prendre en considération le fait que les agriculteurs veulent un produit de bonne qualité, de façon à pouvoir faire de l'argent pour survivre et à offrir de bons produits alimentaires aux consommateurs.

+-

    M. Éric Darier: Pour ce qui est de la croissance énorme de l'agriculture biologique, je peux uniquement parler de la situation au Québec, mais je connais beaucoup de personnes qui, de plus en plus, préfèrent des fruits et des légumes qui n'ont pas l'air parfait, mais dont elles savent qu'ils sont meilleurs pour leur santé et pour l'environnement. C'est là une tendance mondiale. Regardez le marché des produits biologiques en Europe. Ce marché grandit d'année en année en Grande-Bretagne. Je pense que c'est dans cette direction que l'on s'en va, et ce pour toutes de sortes de raisons.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Je pense que nous allons devoir terminer en disant que nous sommes d'accord pour dire que nous sommes en désaccord.

    Merci.

»  +-(1720)  

+-

    M. Éric Darier: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je vais maintenant poser une ou deux questions à M. Darier.

    Parmi les 100 000 membres qui vous appuient, combien sont des agriculteurs?

+-

    M. Éric Darier: Je n'ai pas les chiffres. Je ne peux répondre à cette question. Il doit y en avoir un certain nombre. Je sais qu'il y a des agriculteurs du Québec qui sont membres de notre organisme. Je ne les connais pas tous personnellement.

+-

    Le président: Que se passerait-il si M. David Suzuki adhérait soudainement au point de vue voulant que les OGM sont une bonne chose pour les gens? Compte tenu que son appui à quelque cause que ce soit a toujours beaucoup de poids, que se passerait-il si, tout à coup, le monde avait besoin de beaucoup de récoltes? Quelle serait la demande pour nos récoltes si M. Suzuki adhérait soudainement à ce point de vue pour une raison ou une autre?

+-

    M. Éric Darier: Eh bien, je ne peux formuler de remarques à l'endroit de M. Suzuki. Il a son propre organisme. Je le laisserais s'exprimer à ce sujet.

+-

    Le président: Êtes-vous d'accord que le point de vue de certaines personnalités—que ce soit dans le domaine du divertissement ou du sport—a beaucoup de poids pour ce qui est d'influencer les gens dans leur choix de bâton de golf, de bâton de baseball ou de produits de consommation? Ces personnalités ont une influence énorme sur ce que les gens font.

    Nous savons qu'il existe des OGM et des GM. Pourriez-vous expliquer à notre groupe la différence entre un produit GM et un OGM?

+-

    M. Éric Darier: Voulez-vous que je réponde à la dernière partie de votre intervention, ou voulez-vous que je réponde à vos observations générales?

+-

    Le président: Non, je connais la différence, mais peut-être pourriez-vous expliquer au groupe en quoi celle-ci consiste.

+-

    M. Éric Darier: Un OGM est un organisme génétiquement modifié, tandis que le sigle GM veut dire génétiquement modifié. C'est la même chose. Le premier sigle désigne le produit, tandis que le second désigne le procédé.

+-

    Le président: Eh bien, je ne peux absolument pas... Je veux dire, regardez ce qui se passe dans le monde. On parle de science et du fait que tout doit reposer sur la science.

    J'ai posé la question à d'autres auparavant, je vais vous la poser maintenant et je vais la poser à d'autres dans l'avenir: y a-t-il eu des décès causés par la consommation d'OGM ou de produits génétiquement modifiés?

+-

    M. Éric Darier: Je pense que vous ne vous y prenez pas de la bonne façon. Vous devriez relire le rapport de la Société royale du Canada, qui formule 51 recommandations au gouvernement fédéral. Ces recommandations ont été faites par 14 scientifiques, par les esprits les plus brillants au pays. Certains d'entre eux ont effectué des recherches en biotechnologie. Ils ont intitulé leur rapport Éléments de précaution, précisément parce qu'il faut qu'il y ait une base scientifique, mais aussi une base de précaution.

    Par conséquent, je vous invite à lire ce rapport, qui a été commandé par le gouvernement fédéral et qui a été rédigé par un groupe indépendant de scientifiques.

+-

    Le président: Si nous adhérions totalement au principe de précaution dans le cas des médicaments, nous n'en prendrions plus aucun.

+-

    M. Éric Darier: Le principe de précaution ne repose pas sur une certitude absolue, mais la sécurité est…

+-

    Le président: Non, mais nous devrions l'appliquer intégralement si nous voulons l'appliquer, ce que nous ne faisons pas.

+-

    M. Éric Darier: En effet, nous devrions appliquer le principe de précaution. Un grand nombre de pays s'efforcent de le faire.

+-

    Le président: Quoi qu'il en soit, je voulais vous faire comprendre...

+-

    M. Éric Darier: Merci beaucoup. Je comprends ce que vous dites.

+-

    Le président: ... que nous ne sommes pas morts. Nous sommes ici aujourd'hui pour parler du Protocole de Cartagena, qui porte précisément sur l'objet de notre discussion.

+-

    M. Éric Darier: Et du principe de précaution.

+-

    Le président: Les arguments avancés sont très raisonnés et je peux vous dire, au nom du gouvernement et de tous les députés présents, que nous n'allons pas brader quoi que ce soit—qu'il s'agisse du blé génétiquement modifié ou de quoi que ce soit—alors que nous n'avons pas l'assurance de pouvoir séparer les deux types de culture, ou de préserver les marchés que nous avons établis dans le monde entier.

    Je suis désolé d'avoir pris trop de votre temps.

    Monsieur Plamondon, je vais vous laisser faire une intervention très brève.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Je dois vous dire que j'achète mes meilleures semences de compagnies américaines. S'il y a un endroit qui peut me fournir d'aussi bonnes semences, en principe, je ne vois pas d'objections à les utiliser. Monsieur Darier, avez-vous un endroit à lui suggérer pour acheter ses semences?

+-

    M. Éric Darier: Je pense que ce n'est probablement pas un manque de semences. C'est simplement le fait qu'il faut reconnaître qu'au niveau de l'agriculture au Canada, il y a une très grande concentration chez les entreprises qui contrôlent les intrants. Certaines de ces entreprises, dont Monsanto et ses affiliés, contrôlent énormément le marché des semences. Donc, le monde agricole s'est placé dans une dépendance vis-à-vis de certaines grandes entreprises, on a fait des choix technologiques qui n'étaient peut-être pas les meilleurs au plan scientifique et on se dit maintenant qu'il n'y a plus de solutions alternatives.

    Il y a également eu beaucoup de coupures budgétaires, depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années, en recherche publique en matière d'agriculture. Je pense que ce serait très sain pour les agriculteurs et pour l'avenir de l'agriculture qu'il y ait des solutions alternatives et qu'on ne laisse pas l'avenir de l'agriculture entre les mains de quelques entreprises.

»  +-(1725)  

[Traduction]

+-

    Le président: Voulez-vous aussi répondre, monsieur Couture?

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur?

+-

    M. Denis Couture: Vous savez qu'on vit actuellement le phénomène de la mondialisation. Les multinationales ne sont pas seulement Monsanto et les autres fabricants de semences. Il y a de grandes multinationales un peu partout, dans le commerce au détail et dans bien d'autres domaines. On ne peut pas s'attaquer seulement à ceux qui font affaire avec le monde agricole et laisser tous les autres tranquilles. Les multinationales sont partout: McDonald's, Club Price et compagnie. Il y en a dans tous les domaines. Dans le domaine de l'automobile, il n'y a pas 25 marques. Il y en a quelques-unes, mais on a de grands constructeurs automobiles. Ce n'est pas juste dans le monde agroalimentaire qu'il y a cela: c'est partout.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Epp.

+-

    M. Ken Epp: Merci, monsieur le président. Vous avez en fait soulevé en partie l'un des points que je voulais soumettre au représentant de Greenpeace, à savoir la dimension scientifique du processus.

    Peut-être ne pouvez-vous pas fournir une réponse complète maintenant, mais vous pourriez me faire parvenir des documents qui montreraient que vous employez des méthodes approuvées par les scientifiques et qui me convaincraient de ce fait. J'aimerais en savoir plus sur votre protocole et sur les laboratoires ou autres outils dont vous vous servez pour déterminer qu'un aliment est génétiquement modifié.

    Lorsque j'ai consulté votre petit dépliant, dans lequel on se sert d'une face non souriante pour identifier les produits à éviter, j'ai été tout à fait étonné et attristé de voir que ma chaudrée favorite de palourdes de la Nouvelle-Angleterre était classée dans la catégorie visée par une face comme ceci, au lieu de comme cela, et ce même si à chaque fois que j'en consomme, mon visage devient comme cela.

    J'aimerais donc savoir sur quelle base scientifique vous vous êtes fondés pour classer ma chaudrée favorite de palourdes de la Nouvelle-Angleterre dans la liste rouge des produits à éviter?

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    M. Éric Darier: Je suis très heureux que vous posiez cette question, parce qu'en fait c'est ce qu'un grand nombre de Canadiens veulent savoir : ils veulent savoir où sont les OGM dans leur nourriture. L'étiquetage est maintenant obligatoire dans une quarantaine de pays, ce qui signifie que les gouvernements de ces pays ont à tout le moins décidé de recourir à l'étiquetage. Au Canada, le gouvernement prône l'étiquetage volontaire, ce qui signifie que seules les compagnies qui le veulent bien apposeront des étiquettes.

    Par conséquent, votre question restera sans réponse, parce que le gouvernement ne veut pas que vous obteniez cette réponse. Greenpeace a rendu service aux Canadiens en publiant ce guide. Nous avons écrit aux compagnies et nous leur avons demandé de nous dire si leurs aliments renferment ou non des OGM. Nous leur avons aussi dit que si elles ne répondaient pas à notre demande, tous leurs produits renfermant du maïs, du soja ou n'importe lequel de leurs dérivés seraient classés dans la liste rouge.

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    M. Ken Epp: Donc, nous ne savons pas si cette chaudrée de palourdes est bonne ou non pour moi. Si j'en juge par son goût, elle est très bonne.

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    M. Éric Darier: Vous pourriez peut-être vous adresser à la compagnie.

    Selon Santé Canada, 70 p. 100 des aliments transformés qu'on trouve au Canada renferment ou pourraient renfermer des OGM. Je pense que cela donne une bonne idée de la situation.

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    M. Ken Epp: En d'autres mots, ce produit peut contenir des OGM, mais ce n'est pas nécessairement le cas.

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    M. Éric Darier: C'est exact.

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    Le président: Nous devons nous arrêter ici.

    La question posée est très troublante, parce que j'ai consommé une chaudrée de palourdes ce midi. Peut-être que je devrai consultez un médecin ce soir.

    Monsieur Proctor, vous avec le dernier mot.

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    M. Dick Proctor: Éric, en ce qui a trait à l'étiquetage obligatoire, tous les sondages révèlent qu'environ 90 p. 100 des Canadiens sont en faveur d'une telle mesure. Or, le gouvernement n'a pas exaucé ce voeu et, selon toute vraisemblance, il n'est pas prêt de le faire.

    Quel est le point de vue de Greenpeace sur cette question? Je sais que vous êtes en faveur de l'étiquetage obligatoire, mais pensez-vous que les choses vont changer? Et qu'est-ce qui se passe dans d'autres pays?

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    M. Éric Darier: Je pense que des pressions s'exercent au niveau international. Comme je l'ai mentionné, une quarantaine de pays sont en train d'imposer l'étiquetage obligatoire. Je pense que la pression au niveau international va aller en s'accentuant. Elle ne va pas disparaître.

    Greenpeace est fier d'être du côté des 90 p. 100 de Canadiens qui veulent un tel étiquetage. Nous espérons que le gouvernement en place, ou un autre gouvernement, fera ce que les Canadiens souhaitent. En politique, il est rare qu'une initiative jouisse de l'appui de 90 p. 100 de la population. Par conséquent, on serait porté à croire que le gouvernement donnerait suite à ce consensus. Si certaines personnes ne se préoccupent pas de savoir ce qu'il y a dans leur assiette, elles ne sont pas obligées de lire l'étiquette, mais il y en a parmi nous qui veulent savoir.

»  -(1730)  

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    M. Dick Proctor: Merci.

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    Le président: Messieurs, merci beaucoup d'être venus témoigner. Nous avons passé un après-midi des plus intéressants. Certains points étaient très instructifs. Cela dit, il y a encore des questions qui restent sans réponse, de sorte qu'il est possible que l'on vous invite de nouveau. Encore une fois, merci.

    Le comité demeure ajourné jusqu'à l'appel de la présidence.