SSLR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 9 février 2005
¼ | 1815 |
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)) |
Mme Deborah Brock (professeure, Département de sociologie, Université York) |
¼ | 1820 |
¼ | 1825 |
Le président |
Mme Deborah Brock |
Le président |
Mme Aurélie Lebrun (agente de recherche, Alliance de recherche IREF-Relais femmes) |
¼ | 1830 |
¼ | 1835 |
Le président |
Mme Lyne Kurtzman (agente de recherche, Alliance de recherche IREF-Relais femmes) |
¼ | 1840 |
Le président |
M. Richard Poulin (professeur titulaire, Département de sociologie, Université d'Ottawa) |
¼ | 1845 |
¼ | 1850 |
Le président |
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC) |
¼ | 1855 |
M. Richard Poulin |
½ | 1900 |
Mme Lyne Kurtzman |
M. Richard Poulin |
Le président |
Mme Aurélie Lebrun |
M. Richard Poulin |
Le président |
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ) |
Mme Deborah Brock |
Le président |
Mme Deborah Brock |
Le président |
Mme Paule Brunelle |
½ | 1905 |
M. Richard Poulin |
Le président |
Mme Aurélie Lebrun |
½ | 1910 |
Le président |
Mme Deborah Brock |
Le président |
Mme Lyne Kurtzman |
Le président |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
½ | 1915 |
Mme Deborah Brock |
Mme Libby Davies |
Mme Deborah Brock |
Mme Libby Davies |
Mme Deborah Brock |
Le président |
Mme Aurélie Lebrun |
½ | 1925 |
Le président |
Mme Lyne Kurtzman |
Le président |
M. Art Hanger |
M. Richard Poulin |
M. Art Hanger |
M. Richard Poulin |
½ | 1930 |
Le président |
Mme Lyne Kurtzman |
Le président |
Mme Paule Brunelle |
M. Richard Poulin |
½ | 1935 |
Le président |
Mme Aurélie Lebrun |
Le président |
Mme Deborah Brock |
½ | 1940 |
Le président |
Mme Libby Davies |
M. Richard Poulin |
½ | 1945 |
Le président |
Mme Aurélie Lebrun |
Le président |
Mme Deborah Brock |
Le président |
M. Art Hanger |
½ | 1950 |
Mme Deborah Brock |
M. Art Hanger |
Mme Deborah Brock |
M. Art Hanger |
Le président |
Mme Lyne Kurtzman |
½ | 1955 |
M. Richard Poulin |
Le président |
Mme Paule Brunelle |
Mme Deborah Brock |
Mme Paule Brunelle |
Mme Deborah Brock |
M. Richard Poulin |
Le président |
Mme Libby Davies |
Mme Aurélie Lebrun |
¾ | 2000 |
Mme Libby Davies |
Mrs. Aurélie Lebrun |
Mme Libby Davies |
Mme Aurélie Lebrun |
M. Richard Poulin |
Le président |
Mme Deborah Brock |
Le président |
CANADA
Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 9 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¼ (1815)
[Traduction]
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et j'aimerais que nous passions à l'ordre du jour.
Veuillez m'excuser d'être trois quarts d'heure en retard. Nous venons tout juste de terminer un vote, comme on vous l'a probablement dit.
Nous accueillons ce soir Mme Deborah Brock, professeure agrégée du département de sociologie de l'Université York; Mmes Aurélie Lebrun et Lyne Kurtzman, de l'Alliance de recherche IREF/Relais-femmes, ainsi que le professeur Richard Poulin, du département de sociologie de l'Université d'Ottawa.
Je vais demander à Mme Brock de commencer.
Vous disposez d'environ dix minutes pour votre exposé, lequel sera suivi de la première série de questions des participants qui disposent de sept minutes chacun. Je vais probablement intervenir neuf minutes après que vous aurez commencé. À ce moment-là, il serait peut-être temps de songer à faire la synthèse de votre exposé, sinon nous allons être ici pendant des heures.
Madame Brock.
Mme Deborah Brock (professeure, Département de sociologie, Université York): Merci beaucoup de m'avoir invitée.
Je fais de la recherche sur la prostitution depuis environ vingt ans, mais c'est depuis bien plus longtemps que je m'évertue à dire que la prostitution est une question qui relève de la politique sociale et non du droit pénal. Depuis que je fais de la recherche, j'ai interviewé de nombreuses femmes et de nombreux jeunes qui font de la prostitution et je me suis entretenue avec ces gens. J'ai également travaillé dans une agence de service social dont le mandat était de répondre aux besoins des jeunes hommes qui se prostituent. J'ai participé à des projets de recherche concertée avec des travailleurs et travailleuses du sexe et maintenant, dans la mesure du possible, j'essaie de rédiger mes articles et de prononcer mes conférences en collaboration avec ces personnes plutôt que de parler de leur vécu.
Quand j'ai commencé à m'intéresser à la prostitution, soit à l'époque du comité Fraser, à vrai dire, seuls les professeurs John Lowman à Vancouver et Fran Shaver, qui était à Ottawa à l'époque, et qui est maintenant à Montréal, effectuaient ce genre de recherche. Depuis, un réseau national de recherche a été créé qui fournit des données empiriques, qualitatives et quantitatives, sur la prostitution et les répercussions de la réglementation de cette activité.
À elle seule, je le sais, Fran Shaver a interviewé plus de 400 travailleurs et travailleuses du sexe — surtout des gens qui s'adonnent à la prostitution. Je sais que la professeure Shaver a déjà comparu devant votre comité et vous a fait part des résultats de sa recherche empirique. Elle a remis en question la perception largement répandue que les travailleurs et travailleuses du sexe sont tous des gens ternes et faciles à exploiter; elle a en outre critiqué les perceptions qu'ont les gens des travailleurs et travailleuses du sexe et de ce domaine d'activité. Ma propre recherche, même si elle n'est pas aussi largement fondée sur des données empiriques que la sienne, vient effectivement confirmer les constatations des travaux de Mme Shaver et celles d'autres spécialistes du réseau.
Ma propre expertise porte surtout sur l'étude de la réglementation et de la surveillance de la prostitution, qui ont d'ailleurs fait l'objet de mon livre intitulé Making work, Making trouble: Prostitution as a Social Problem, publié à la maison University of Toronto Press en 1998 et que, j'en suis certaine, vous avez tous lu avec enthousiasme avant ma comparution. Voici quelques-unes de mes conclusions générales.
Les femmes qui s'adonnent à la prostitution sont stigmatisées et pénalisées pour le travail qu'elles font pour chercher à répondre à leurs besoins économiques. Nombre d'entre elles, sinon la majorité, voient dans cette activité une occasion d'améliorer leurs conditions de vie. Les abus sexuels, la violence et la faible estime de soi sont trop souvent décrits comme des facteurs déterminants qui incitent les femmes à s'adonner à la prostitution; cependant, leur sécurité personnelle est compromise dès qu'elles entrent dans le milieu du fait d'être désignées comme des femmes marginales et «jetables» qui risquent d'être poursuivies en justice et d'être privées de droits légaux.
Je pense que pour décrire les jeunes qui s'adonnent à la prostitution, il vaut mieux parler de prostitution de survie. Ce sont des activités qui sont en général sporadiques et qui constituent une source de revenus parmi d'autres. Pour ces gens-là, les rapports sexuels peuvent être échangés contre de l'argent, de la nourriture, un endroit chaud où dormir ou de la drogue. Ils les considèrent comme une forme de troc pratique et utilitaire destiné à répondre à leurs besoins immédiats. Pour avoir travaillé avec des jeunes qui travaillent dans le monde de la prostitution, je dirais que le fait de s'engager dans des activités sexuelles de survie n'est pas tellement un problème de prostitution comme tel, ni un problème que des lois sur la prostitution peuvent régler. Leurs problèmes sont beaucoup plus étendus et se manifestent avant même qu'ils ne s'engagent dans la prostitution de survie. Ces jeunes personnes vont continuer de s'adonner à ce genre d'activité si leurs besoins ne sont pas satisfaits dans le contexte familial, si elles ne disposent pas d'autres moyens non coercitifs de soutien et si les possibilités économiques et éducationnelles sont restreintes pour elles.
Depuis l'adoption de la loi sur la communication avec les prostitués en 1985, il ne semble pas y avoir eu de diminution de la prostitution de rue. Cependant, grâce à cette loi, les rues sont beaucoup plus difficiles et dangereuses pour les travailleurs et travailleuses du sexe qui, maintenant, sont beaucoup plus susceptibles de travailler seuls et qui ont moins la possibilité de choisir leurs clients. En outre, les changements apportés à l'aménagement du territoire, attribuables principalement au réaménagement des centres-villes au Canada, sont venus perturber les zones de prostitution établies, créant ainsi un problème social dans ces secteurs, au fur et à mesure que des résidents plus fortunés viennent s'installer dans le centre des villes et insistent pour que les prostitués partent.
La question est donc de savoir : où ces gens-là devraient-ils aller? Les défenseurs de programmes comme StreetLight aimeraient bien réformer les prostitués et leur faire quitter le métier mais nombre de travailleurs et travailleuses du sexe préfèrent leur activité aux solutions de rechange qui leur sont offertes. S'ils devaient partir, quelqu'un d'autre viendrait s'installer à leur place.
La criminalisation, disons-le, a eu d'importantes conséquences négatives sur les travailleurs et travailleuses du sexe, mais aucun avantage manifeste. Elle ne réussit pas à garder les femmes et les jeunes en dehors de la prostitution; elle stigmatise et isole socialement les intéressés, les rendant plus vulnérables à l'exploitation. Elle rend leurs conditions de travail beaucoup plus difficiles et dangereuses et je sais que John Lowman en discutera dans quelques semaines lors de son témoignage devant votre comité. En outre, on criminalise des gens pour le travail qu'ils se sentent souvent obligés de faire par nécessité économique. Par conséquent, j'appuie la révocation des lois relatives à la prostitution du Code criminel du Canada.
¼ (1820)
J'aimerais vous faire part de quelques-unes des raisons qui m'incitent à le faire et vous proposer des solutions de rechange qui doivent être examinées.
La prostitution de rue est spécifique à un secteur géographique, une préoccupation locale, pas un problème national et les lois pénales sur la prostitution ne sont pas nécessaires ou appropriées pour éliminer les effets nuisibles de la prostitution de rue. Au lieu de cela, les règlements municipaux concernant le bruit, les déchets, etc. peuvent être mis en application si nécessaire afin d'éliminer les effets nocifs de la prostitution. C'est là une méthode qui ne fait pas des travailleurs et travailleuses du sexe une catégorie de criminels.
Soit dit en passant, rien n'est fait pour inciter ces gens à travailler à l'intérieur une fois qu'on les a encouragés à quitter la rue. L'une des façons d'y parvenir serait, bien sûr, de révoquer les lois sur les maisons de débauche et de faire en sorte que les possibilités de travailler à l'intérieur soient plus intéressantes pour eux, là encore dans un contexte non criminalisé.
Cela paraîtra peut-être impossible pour certains qui craignent que la décriminalisation de la prostitution fasse accroître cette activité, mais j'aimerais vous rappeler que ce genre de peur s'accompagne toujours de tentatives de réformes du droit pénal qui visent à desserrer les mailles du filet de la réglementation. Ces peurs sont rarement fondées.
L'élément le plus compliqué dans la mise en oeuvre d'une stratégie de décriminalisation est d'obtenir des accords entre les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales. Je suis consciente que cela ne sera pas facile. Les municipalités vont exiger un certain niveau d'autonomie pour réglementer, à leur niveau, la prostitution en établissement et dans la rue. Le processus sera compliqué, il exige donc une recherche et des consultations plus poussées avant d'être mis en oeuvre, mais il faut le faire si nous voulons progresser dans la recherche d'une solution à ce problème.
Compte tenu que l'évitement de l'exploitation des travailleurs et travailleuses du sexe constitue une préoccupation majeure pour le gouvernement fédéral, les intérêts des personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe devront être pris en compte dans la planification au niveau municipal. Les droits et obligations des travailleurs et travailleuses du sexe doivent être précisés et confirmés dans les lois provinciales sur le travail. En fait, les lois du travail qui décriront les prostitués comme des travailleurs offriront le cadre nécessaire pour protéger les droits de ces personnes, ainsi que pour établir un équilibre entre les intérêts des municipalités et la réglementation au niveau local. Comme vous le savez, il y a aujourd'hui beaucoup d'organisations de travailleurs et travailleuses du sexe dans tout le pays qui sont prêtes à participer à ce dialogue et désireuses de le faire. J'ose croire que vous les consulterez bientôt.
Le document de travail intitulé «Travailler, oui mais… : Le droit du travail au boulot» vient tout juste d'être publié par la Commission du droit du Canada en décembre 2004, comme vous le savez peut-être. Ses auteurs soutiennent que les travailleurs stigmatisés comme les travailleurs et travailleuses du sexe ont besoin d'une plus grande protection au niveau du travail au Canada et que cet objectif s'inscrit en faux dans le cadre réglementaire actuel. Selon la Commission, les associations de travailleurs, comme les agents de négociation ou les syndicats, les associations professionnelles et d'employés peuvent être utiles pour les travailleurs marginalisés et stigmatisés. Leur travail devrait être étayé par des lois progressistes sur le travail et l'emploi. Je vous invite à consulter ce document dans le cadre de vos travaux.
Je souhaite effectivement que les prostitués et autres travailleurs et travailleuses du sexe soient protégés par la loi. Lorsque ces travailleurs sont exploités par d'autres, je recommande que les services policiers appliquent les lois actuelles qui font partie du Code criminel comme celles qui servent à réprimer l'agression sexuelle, d'autres formes d'agression, la fraude, l'enlèvement, le vol, l'extorsion, la séquestration, etc. Il existe de nombreuses lois pénales qui visent à éliminer ces abus à l'égard des prostitués. Ces lois ciblent le véritable problème plutôt que de s'attaquer à des mesures spécifiques à la prostitution. Par exemple, la loi sur l'achat de services sexuels, qui devrait être elle aussi révoquée, est tellement vaste qu'elle englobe toutes les relations volontaires avec des prostitués.
En conclusion, je tiens à dire que l'on n'obtiendra pas l'égalité pour les femmes si l'on ne met pas en oeuvre des mesures de justice sociale.
¼ (1825)
Le président: Je ne veux pas vous interrompre, mais peut-être vous demander de ralentir. Nos interprètes ont de la difficulté à vous suivre.
Mme Deborah Brock: Désolée.
En conclusion, je pense que l'on ne peut obtenir l'égalité pour les femmes sans mettre en oeuvre des mesures de justice sociale, mais il ne peut y avoir de justice sociale pour les femmes qui se prostituent si la prostitution n'est pas décriminalisée.
Je m'excuse d'être allée si rapidement. J'étais tellement préoccupée par le temps.
Le président: Vous avez respecté le temps qui vous était alloué. Merci beaucoup.
Madame Lebrun et madame Kurtzman, je crois savoir que vous ferez toutes les deux un exposé, mais vous l'avez divisé — peut-être cinq minutes chacune — donc on pourrait penser à dix minutes pour les deux.
[Français]
Mme Aurélie Lebrun (agente de recherche, Alliance de recherche IREF-Relais femmes): Merci.
Les lois actuelles sur la prostitution ont des impacts sociaux négatifs qui touchent la société en général et les femmes en particulier. À cet égard, nous croyons que les actes posés par les femmes prostituées ne devraient pas faire l'objet de criminalisation.
Les femmes prostituées sont victimes de répression policière, de violence de la part des clients, d'isolement et de stigmatisation sociale. Elles ont également un accès limité et inadéquat aux services de santé.
Outre ces conséquences les plus reconnues, il ne faut pas taire qu'une part importante d'entre elles est aussi victime d'exploitation de la part des proxénètes, des hommes en très grande majorité, qui sont leur gérant, leur agent, leur conjoint, leur ami de coeur. Ces hommes, dans de nombreux cas, les abusent, les harcèlent ou les violentent pour profiter des revenus de l'exploitation de leur corps.
Alors qu'un discours largement répercuté par les médias défend le droit individuel de disposer de son corps et légitime la prostitution comme un métier comme un autre, ce sont en fait les marchands du sexe et les proxénètes qui font carrière et qui engrangent les profits considérables, et non les prostituées.
Les recherches montrent généralement que les femmes dans la prostitution, si elles parviennent à y gagner temporairement leur vie, connaissent, pour la majorité d'entre elles, d'importants problèmes de dépendance, de santé, de santé mentale et de violence, et que leur carrière « dans le métier » se termine de façon souvent dramatique et prématurée.
Ces réalités sont connues des chercheurs et des intervenants, mais nombre d'entre eux, dont nous sommes, estiment qu'il est urgent d'obtenir un portrait plus complet du monde prostitutionnel, afin que les législateurs et les différents acteurs sociaux impliqués, c'est-à-dire les travailleurs sociaux, le milieu policier et les milieux de la santé, puissent prendre des décisions éclairées.
Cependant, nous ne pensons pas qu'une simple réforme du Code criminel soit suffisante pour endiguer les problèmes soulevés. Nous y reviendrons dans les suggestions à la fin de notre intervention.
Actuellement, au Canada, l'application des lois du Code criminel se concentre essentiellement sur la prostitution de rue, parce que les lois définissent la prostitution comme une nuisance publique, c'est-à-dire qu'on applique les lois essentiellement quand la prostitution dérange des commerçants ou des résidents d'un quartier.
À Montréal, par exemple, les salons de massage et les agences d'escorte, où s'exerce une grande part de l'activité prostitutionnelle, ne font que très rarement l'objet d'interventions policières, contrairement à la rue, où se concentre l'essentiel de l'activité policière.
Cet état de fait est symptomatique de notre connaissance et de notre perception du monde prostitutionnel. Ainsi, les policiers ne se rendent que rarement dans ces lieux où se cachent la prostitution, et ces lieux demeurent très difficiles d'accès pour les chercheurs et les intervenants sociaux. Il en résulte que nos connaissances sur le phénomène se limitent à la prostitution de rue, que l'on estime représenter moins de 20 p. 100 de l'activité prostitutionnelle, selon certaines études.
Alors, que se passe-t-il véritablement dans les salons de message, actuellement en plein essor, dans les agences d'escorte, via Internet, dans les appartements privés? Qui sont les femmes prostituées? Quel âge ont-elles? Sont-elles mineures? Sont-elles des femmes trafiquées de l'étranger? Ont-elles choisi de pratiquer cette activité? Si oui, comment expliquer que les proxénètes recrutent leurs « employées » à la sortie des écoles secondaires en ciblant les plus vulnérables d'entre elles et d'entre eux, ou encore dans les pays les plus défavorisés ou instables sur les plans politique et social.
Or, les informations encore fragmentaires de notre recherche nous montrent que dans ces milieux se vivent aussi des rapports de violence et des rapports d'exploitation. Nous ne pouvons plus continuer d'ignorer cette autre population en sachant que c'est dans cette catégorie non négligeable que s'effectue l'entrée en prostitution des personnes mineures et que se cachent les personnes ayant potentiellement fait l'objet de trafic sexuel.
En effet, si l'on doit entamer un examen des lois qui entourent la prostitution, ne devrait-on pas commencer par questionner notre volonté et notre capacité de documenter sérieusement ce phénomène, sans hypocrisie? Hypocrisie qui consiste, par exemple, comme nous l'avons mentionné précédemment, à appliquer partiellement les lois ou encore à cibler et criminaliser essentiellement les femmes prostituées.
¼ (1830)
Depuis l'apparition du rapport Fraser en 1985, le monde prostitutionnel s'est profondément transformé. Il y a eu, par exemple, diversification des services sexuels offerts, multiplication des accès à ces services. Toutes ces transformations répondent aux impératifs d'une économie globalisée. Dans ce contexte particulier, on observe que, pour la première fois, les femmes arrivent au premier rang des mouvements migratoires internationaux, et il ne serait pas exagéré de présumer que cette augmentation constante du nombre de migrantes est en partie due à l'expansion de l'industrie du sexe.
Dans le cadre de ce témoignage, nous aimerions particulièrement porter à votre attention l'urgence de prendre en compte l'existence du trafic sexuel des femmes et des enfants au Canada. Il nous paraît important de faire le lien entre le trafic sexuel et la prostitution, parce que ces deux réalités participent d'une même logique commerciale qui consiste à offrir un produit, le corps des femmes et leurs services sexuels, renouvelé régulièrement, le moins coûteux et le plus malléable possible. C'est pourquoi l'industrie du sexe se tourne vers les pays étrangers pour recruter des femmes pauvres qui, en raison d'un manque de ressources, sont poussées dans la prostitution.
Or, notre recherche nous indique que tant la prostitution locale que le trafic sexuel international sont sous le contrôle des groupes criminels mafieux tels que les Hell's Angels, la mafia russe et la mafia chinoise. Parallèlement au trafic international se développe également au Québec un trafic interne sous le contrôle des gangs de rue, qui consiste à embrigader des jeunes filles de Rimouski ou de Gatineau pour les prostituer, par exemple, à Niagara ou à Toronto.
¼ (1835)
[Traduction]
Le président: Madame Kurtzman.
[Français]
Mme Lyne Kurtzman (agente de recherche, Alliance de recherche IREF-Relais femmes): Je vais poursuivre sur cette même lancée. Après quelques mois de terrain, nous savons que les femmes et les enfants trafiqués ne se retrouvent pas dans la rue, contrairement à ce qui peut se passer en Europe de l'Ouest, par exemple.
Au Québec, il semble que la majorité des femmes sexuellement trafiquées se retrouvent dans des motels, des agences d'escorte, des bars de danseuses, des salons de massage et des appartements privés, de sorte qu'elles ne sont pratiquement jamais exposées au regard public.
Le trafic sexuel s'inscrit dans une industrie souterraine, mais paradoxalement très publicisée et accessible à qui le veut bien. Son développement est assuré par des institutions légitimes: les Pages jaunes--on n'a qu'a les feuilleter--, les petites annonces, l'Internet, les grands événements sportifs et certains programmes gouvernementaux, comme les visas pour danseuses exotiques chapeautés par deux ministères fédéraux--comme on l'a vu récemment--, le ministère de l'Immigration et celui des Ressources humaines. Des sources actuellement documentées ont établi que plusieurs femmes roumaines venues au Canada par le biais de ce programme gouvernemental ont été forcées d'offrir des services sexuels sous la menace parfois de très grandes violences.
Il nous apparaît très important de mettre fin à ce silence, tacite ou non, qui met en réel danger ces femmes qui sont victimes d'une application laxiste des lois et de cette idée que la prostitution est acceptable en autant qu'elle n'est pas une nuisance publique.
Au gouvernement fédéral, plusieurs ministères amorcent des études pour documenter la réalité du trafic sexuel au Canada. Les travaux de ce Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage devraient, pensons-nous, considérer les résultats qui en découleront et ceux qui découleront des recherches qui démarrent actuellement à plusieurs endroits dans différents milieux de recherche.
En effet, il ne faudrait pas que les lois canadiennes qui réglementent les activités de la prostitution constituent une forme d'encouragement implicite au trafic sexuel des femmes et des enfants. Le législateur se doit d'être prudent dans la formulation des lois. De même, un travail est à faire pour harmoniser les lois des différents paliers gouvernementaux et municipaux afin qu'il y ait cohérence dans la rédaction et dans l'application des lois qui touchent le trafic sexuel et la prostitution.
Il est temps, croyons-nous, de statuer sur la prostitution et de définir notre position comme société. Les notions d'indécence et de seuil de tolérance nous apparaissent des critères désuets et obsolètes pour légiférer, d'autant plus qu'ils ne permettent pas de prendre en compte le point de vue des personnes qui se retrouvent dans l'industrie du sexe, en l'occurence les femmes.
Les lois ne sont pas des instruments neutres ou des instruments qui ne font que s'adapter à la culture ambiante: elles défendent également des modèles particuliers.
En 1995, à Beijing, dans le cadre de la Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, le gouvernement canadien a reconnu les répercussions différentes que pouvaient avoir sur les hommes et les femmes des lois et des politiques canadiennes. Il s'est alors engagé à mettre en oeuvre dans tous les ministères et organismes fédéraux, avant d'adopter de nouvelles politiques ou de nouvelles lois, un processus d'analyse comparative entre les sexes.
Or, qu'en est-il actuellement de cet engagement dans l'examen des lois sur la prostitution? Lorsque l'on sait que les clients sont des hommes, en grande majorité, que les profits vont essentiellement aux marchands du sexe et aux proxénètes, qui sont très majoritairement des hommes, et que les services sexuels sont rendus par des femmes et des enfants, n'est-il pas urgent d'élargir notre analyse au niveau de la société en général et d'engager une réflexion plus globale sur les rapports entretenus entre les hommes et les femmes?
Nous regrettons que l'accent soit mis sur l'épiphénomène, soit la sollicitation ou la communication, ou encore sur l'apparence de bonnes moeurs, et non sur les fondements de la pratique prostitutionnelle, qui est un rapport inégalitaire entre les sexes, une exploitation spécifique à l'endroit d'une fraction des femmes. Il nous faut éviter de mettre en place des dispositions qui lèvent les entraves au commerce du corps des femmes et qui légitime le fait que des hommes ont un accès illimité au corps d'un certain nombre de femmes, créant ainsi deux classes de citoyennes: les citoyennes dites respectables et les citoyennes dédiées au confort sexuel des hommes.
¼ (1840)
En terminant, nous aimerions formuler quelques suggestions qui pourront être utiles pour la suite des travaux: poursuivre le travail de documentation et de recherche sur la prostitution et l'industrie du sexe, et entreprendre, de concert avec Condition féminine Canada, qui est responsable des analyses comparatives entre les sexes, un processus d'analyse comparative entre les sexes dans une perspective d'égalité hommes-femmes; engager une consultation nationale et favoriser un débat de société afin de statuer enfin sur la prostitution comme un acte inacceptable dans une société fondée sur l'égalité entre les hommes et les femmes et le respect des droits des enfants; engager une réforme législative en profondeur qui tienne compte des lois qui touchent le trafic sexuel--pensons entre autres à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés--et adopter tout un appareil législatif qui comprend un ensemble de programmes sociaux d'éducation, de prévention et d'insertion sociale et économique destinés aux personnes prostituées. Cet appareil doit également comprendre des lois pour protéger les femmes victimes de trafic sexuel et leur permettre d'entamer des poursuites judiciaires, le cas échéant.
Cette reforme devrait viser notamment à mettre fin à la répression policière, à la stigmatisation et à la discrimination des prostituées, et viser également à décriminaliser complètement les femmes et toute personne qui se prostitue. Elle devrait toutefois maintenir le caractère criminel des personnes qui tirent profit de la prostitution, qu'il s'agisse des clients, des proxénètes, des propriétaires de commerces du sexe; assurer la protection et l'accès aux services de santé des personnes prostituées et des victimes du trafic sexuel au Canada; mettre en place des campagnes d'information et de sensibilisation qui condamnent clairement l'achat et le commerce du corps des femmes et des enfants, et les dénoncer comme des actes délictuels et inacceptables dans une société qui prône l'égalité entre les sexes et le droit des enfants; maximiser l'impact et la cohérence d'un projet de loi éventuel en voyant à l'harmonisation entre les différents paliers de législation.
Je termine là-dessus, monsieur le président.
Nous aimerions suggérer que, lors des déplacements du sous-comité dans les différentes villes canadiennes, il sollicite des témoignages de la part des groupes de femmes qui travaillent sur les questions de violence faite aux femmes, parce qu'ils sont en contact régulier avec des femmes qui vivent des situations de violence dans les milieux de la prostitution.
Je vous remercie.
Le président: Merci, madame.
Monsieur Poulin.
M. Richard Poulin (professeur titulaire, Département de sociologie, Université d'Ottawa): Bonsoir et merci pour l'invitation.
Je vais commencer par deux anecdotes. On va prendre le cas de l'Allemagne, où on a légalisé, en 2000, la prostitution. Il y a une logique qui s'ensuit, bien sûr. Premièrement, toutes les entreprises de 15 employés et plus doivent dorénavant engager des apprentis, y compris les bordels, donc y compris les Eros Centers. Cela nous place devant un choix de société, bien sûr. Qui accepterait d'envoyer sa jeune fille de 18 ans pour travailler dans un bordel comme apprentie?
L'autre problème, c'est que tout récemment, encore en Allemagne--voyez la logique de la légalisation--, les femmes qui sont au chômage vont perdre leur droit au chômage si elles n'acceptent pas les offres d'emploi des bordels. Il y a une logique à la légalisation, et c'est de cette logique que je parle ici.
Vous avez le texte que je vous ai fourni et dans lequel je fais le bilan des expériences des Pays-Bas, de l'Allemagne et de l'Australie. Je ne reviendrai pas trop là-dessus parce que je crois que l'on peut dire d'autres choses.
Il y a deux façons d'arrêter la prostitution. Il y a le petit bout de la lorgnette, qui stipule qu'on n'a pas besoin d'analyser la question de la prostitution avec les proxénètes et les clients. On se préoccupe essentiellement des personnes prostituées, qu'on qualifie de travailleuses du sexe. On n'entend jamais dire, dans ces interventions, qu'il y a des rapports sociaux qui sont déterminants dans la prostitution et qui sont conditionnés par le fait qu'il y a trois acteurs principaux: le proxénète, la personne prostituée et le client. L'industrie du sexe, bien sûr, encadre tout cela.
Or, entre 85 à 90 p. 100 des personnes prostituées en Occident sont sous la coupe d'un proxénète. C'est encore pire dans les pays du Tiers-Monde. Cela est significatif. L'âge moyen d'entrée dans la prostitution au Canada--ce sont des gens recrutés par des proxénètes--est de 14 ans; il est de 13 ans aux États-Unis. Personnellement, je n'arrive pas à parler de libre choix lorsqu'une personne de 13 ou 14 ans entre dans la prostitution. Je n'appelle pas cela un métier non plus.
Les femmes et les filles embrigadées dans la prostitution au Canada connaissent un taux de mortalité 40 fois supérieur à la moyenne nationale, ce qui veut dire que la prostitution est conditionnée par la violence, tant de la part des proxénètes que des clients. Cela n'est pas seulement attribuable aux conditions dans lesquelles la prostitution se fait, contrairement à ce que prétend ma collègue Deborah Brock. C'est la prostitution elle-même qui est la violence, et non pas ses conditions.
À mon avis, il faut donc comprendre la prostitution comme un rapport social à trois et voir les rapports de pouvoir qu'il y a là-dedans. Selon un sondage sur les personnes prostituées, on apprend que si elles avaient le choix et des moyens pour s'en sortir, 92 p. 100 d'entre elles préféreraient faire autre chose que de la prostitution. Donc, je pense que tout cela est significatif.
Voici d'autres chiffres, qui ont été cités par M. Badgley qui a dirigé l'enquête sur l'infraction sexuelle sur les enfants dans les mêmes années que le rapport Fraser. Il évalue le nombre d'enfants prostitués au Canada à 10 000. On a remarqué, entre autres choses, tant en Australie qu'aux Pays-Bas, que lorsqu'il y a légalisation de la prostitution, il y a une augmentation de la prostitution chez les enfants. En fait, aux Pays-Bas, on est passé de 5 000 à 15 000 enfants. Donc, lorsqu'il y a légalisation de la prostitution, le crime organisé n'en perd pas le contrôle. On voit une augmentation de la prostitution et, en conséquence, une augmentation de la traite à des fins de prostitution et une augmentation de la prostitution chez les enfants, y compris ceux qui proviennent de l'étranger et qui, donc, sont victimes de la traite.
À mon avis, ce sont des conditions qui encadrent toute analyse de la prostitution et, par le fait même, toute analyse pour changer les lois. Je ne suis pas un juriste, je suis un sociologue. Donc, je me préoccupe essentiellement des rapports sociaux. Par ailleurs, je sais que le Canada est signataire de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et, donc, signataire d'une convention qui lutte contre la traite des femmes et des enfants pour exploitation sexuelle.
¼ (1845)
La définition des victimes de la traite donnée dans cette convention stipule très clairement qu'il n'y a pas de notion de consentement. Les défenseurs de la perspective travail du sexe disent qu'il faut distinguer entre la prostitution volontaire, la prostitution forcée, la traite forcée des femmes et la traite volontaire. La convention dit non. Le Canada est signataire de cette convention.
Il est également signataire d'une autre convention, celle sur les droits des enfants. Le Canada est très militant en ce qui a trait à cette convention. Il est reconnu internationalement pour son implication dans cette convention qui refuse la pornographie, la prostitution des enfants, etc. Le Canada a donc une position ferme à ce sujet.
En accord avec ces deux conventions, plus celle de 1949, dont le Canada est aussi signataire et qu'on appelle la convention abolitionniste--et les lois canadiennes découlent en grande partie de cette convention de 1949--, le Canada devrait donc, s'il est sérieux, faire ses lois en fonction de celles-ci. La convention de 1949 stipule que la traite des femmes et des enfants à des fins de prostitution, comme la prostitution, est quelque chose d'indigne. Elle stipule aussi qu'aucun pays ne devrait accepter cela. Elle décriminalise les activités de la personne prostituée et criminalise ceux qui profitent des personnes prostituées, c'est-à-dire les proxénètes. C'est fondamental.
La Suède va un peu plus loin maintenant. Elle considère la prostitution comme étant une violence à l'encontre de toutes les femmes de la société. Elle a donc criminalisé les proxénètes, durci sa position à leur endroit et à l'endroit des trafiquants, et criminalisé aussi la demande. S'il y a prostitution, c'est parce qu'il y a des gens qui veulent en profiter, donc elle a criminalisé les clients.
L'attitude est de considérer les prostitués comme les victimes d'un système de prostitution qui est aujourd'hui à la fois mondial et national et qui est lié au crime organisé, ce qui est très bien connu des forces policières. Tous les rapports d'Europol et d'Interpol le montrent très bien, les rapports américains aussi: le lien est très fort.
Même la pornographie est liée au crime organisé, malgré sa légalité. Dans le dernier rapport que j'ai vu aux États-Unis, on évaluait, chez la police--le FBI, etc.--, qu'entre 76 p. 100 et 100 p. 100 de la production pornographique était sous la coupe du crime organisé. Or, si le Canada est signataire d'une convention contre la criminalité transnationale, doit-il prendre des positions en accord avec cela qui permettent aux policiers, aux juges, etc., de poursuivre quiconque doit être poursuivi, et non pas tomber sur le dos des victimes, c'est-à-dire les personnes prostituées, qui, elles, subissent la plupart du temps, parce qu'elles sont visibles, les contraintes policières? C'est surtout elles qu'on arrête en vertu de la mesure législative sur le racolage. C'est beaucoup moins les clients, même si ceux-ci sont visés aussi par cette même mesure.
Je vais vous donner deux exemples. Un pays abolitionniste comme la France, où le mythe gaulois fait que le sexe est très bien vu et dont la population est estimée à 61 millions d'habitants, comprend autant de personnes prostituées sur son territoire qu'un petit pays comme les Pays-Bas, où on compte 16 millions d'habitants, et 20 fois moins qu'un pays comme l'Allemagne. On parle de 300 000 personnes prostituées en Allemagne, qui compte environ 82 millions d'habitants. Vous voyez donc que la légalisation a pour effet d'augmenter, de faire croître d'une façon exponentielle la prostitution et, en conséquence, la traite à des fins de prostitution.
On évalue qu'il y a en Suède une centaine de personnes prostituées pour 9 millions d'habitants. La Suède est le seul pays d'Europe ayant échappé à la vague de la traite des femmes à des fins de prostitution. Dans le pays voisin, la Finlande, où la prostitution est légale, on évalue entre 15 000 et 17 000 les victimes, chaque année, de la traite à des fins de prostitution.
Dans ces conditions, il est donc évident que votre réflexion sur la question va être décisive quant au type de société que nous voulons, quant au type de société qui se développera.
¼ (1850)
Il y a un autre argument à l'appui de la démonstration. Le Canada est signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant. Pourtant, une fois de plus, les enfants qui s'adonnent à la prostitution ne sont même pas considérés comme des victimes, mais comme des criminels.
Je vous donne un exemple. À Vancouver, au cours des années 1990, les enfants prostitués ont été accusés 59 fois plus souvent que leurs clients masculins. En six ans, seulement 6 hommes ont été accusés pour racolage envers un enfant. Selon les conventions internationales, un enfant est un être humain âgé de moins de 18 ans. Seulement 6 hommes ont été accusés, et 2 ont été reconnus coupables. Pendant cette même période, 354 enfants ont été accusés de racolage. C'est donc aussi un problème d'éducation.
Ensuite, le pari a été gagné. Maintenant, la police ne harcèle plus les personnes prostituées. Elle considère qu'elles sont victimes d'un système de proxénétisme. Elle s'attaque à ceux qui créent la demande: les proxénètes et les clients. C'est une solution.
J'espère que le sous-comité pourra observer l'expérience suédoise et en tirer des leçons. Je rappelle que c'est le seul pays en Europe qui échappe à la traite des femmes et des enfants à des fins de prostitution.
Je vous remercie.
Le président: Merci.
Vous avez sept minutes, monsieur Hanger.
[Traduction]
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, PCC): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui sont ici aujourd'hui. Vous avez présenté des exposés très intéressants.
J'ai été policier dans une vie antérieure. J'ai travaillé à l'escouade de la moralité pendant un certain temps, comme agent d'infiltration la plupart du temps. C'étaient là des années différentes, d'une époque différente. En ce qui concerne la prostitution de rue, nous avons été témoins des débuts des services d'escorte que les modifications apportées à la loi ont permis de créer. En fait, une grande partie des prostitués ont opté pour ce genre de services, pour les salons de massage, et ainsi de suite.
Vous avez tout à fait raison de dire que l'on met surtout l'accent sur les prostitués de la rue. Je dois dire que c'est là qu'on fait appliquer les lois. Bien sûr, cela a nécessité des mesures spécifiques en ce sens qu'au fil du temps, au lieu d'aborder simplement la question de la prostitution, les policiers devenaient des arbitres des prostitués dans les rues. Lorsque surviennent des désaccords et qu'éclatent des batailles, les policiers doivent alors intervenir entre les prostitués et leurs proxénètes. On a assisté à une philosophie différente, si vous voulez, où la police joue plutôt un rôle d'arbitre que de tenter de contrôler ou de stopper le problème.
Monsieur Poulin, vous avez fait un commentaire qui m'a intéressé au sujet du nombre d'enfants prostitués contre qui sont portées des accusations. J'ai déjà entendu parler de cette question. L'explication qu'on m'a toujours donnée était que c'était la seule façon dont on disposait pour les soustraire à la vie qu'ils menaient. J'imagine qu'une telle mesure a ses avantages, mais pour moi, cela ne règle pas le problème.
Vous avez fait de la recherche sur toute la question de la prostitution, sur le manque d'efficacité des lois actuelles. Est-ce que quelqu'un s'est intéressé à l'application de la loi pour stopper les proxénètes et les trafiquants? Parce qu'il existe effectivement une loi qui porte sur ce point en particulier.
De même, dans quelle mesure les tribunaux abordent-ils la question si elle est mise de l'avant par les policiers et les avocats?
¼ (1855)
[Français]
M. Richard Poulin: Je peux donner des éléments de réponse en prenant des comparaisons avec d'autres pays, car j'ai étudié la mondialisation des industries du sexe, et non pas nécessairement la politique.
Un des grands problèmes rencontrés en Belgique où ailleurs, pour les personnes victimes de la traite--et il y en a de plus en plus au Canada, car le Canada est un pays à la fois de destination et de transit vers les États-Unis--, est de trouver comment convaincre des personnes sous l'emprise d'un réseau criminel et d'un réseau de proxénètes de dénoncer leurs proxénètes.
C'est très difficile, d'autant plus que si elles sont dans un réseau où elles savent très bien que le crime organisé est international--elles arrivent en Belgique en provenance d'Albanie surtout, donc vous comprenez que la mafia albanaise a très mauvaise réputation--, elles savent que leurs parents et leurs familles vivent toujours en Albanie. Il y a donc des mesures de rétorsion.
D'autre part, on a vraiment affaire à du crime organisé. Il y a des centres de réinsertion en Italie et au Cambodge qui ont été attaqués par des gangs de mafieux pour enlever leurs prostituées de là et les reprendre. On voulait les enlever des centres de réinsertion tout simplement parce qu'on ne voulait pas qu'elles puissent témoigner contre eux.
Le problème est d'avoir une politique pour assurer aux personnes prostituées qu'elles peuvent témoigner. Dans le cas, par exemple, des personnes victimes de la traite, il faudrait leur donner au minimum la résidence permanente, et non pas les expulser du pays après qu'elles aient témoigné. Autrement dit, elles témoignent, puis elles sont expulsées du pays. Elles n'ont donc pas intérêt à témoigner. Il faut penser à de telles mesures pour permettre d'avoir des causes. Sinon, il faut attendre.
C'est par la dénonciation qu'on peut avoir des éléments pour poursuivre les proxénètes et les gangs criminels. Et s'il n'y a pas de mesures protégeant les personnes dénonciatrices, on n'y arrive pas. Même là, c'est très dangereux parce qu'il faut une protection, comme les exemples italiens et cambodgiens l'ont démontré. Là-bas, les gangs criminels défient l'État. Ils vont attaquer ces centres pour en faire sortir les prostituées et les remettre sur leur coupe ou les faire disparaître.
½ (1900)
Mme Lyne Kurtzman: J'irais dans le sens de ce que dit M. Poulin, c'est-à-dire qu'il faut absolument protéger les femmes dont on soupçonne qu'elles sont dans des situations de trafic, car elles sont bien souvent dans l'inégalité au moment où elles sont arrêtées. Le premier soupçon que l'on a provient du fait qu'elles n'ont pas les bons papiers. Elles sont au Canada illégalement, et on les retourne chez elles. Ça s'est passé il n'y a pas très longtemps. On était aux prises avec une jeune femme asiatique qui a été retournée chez elle alors qu'on soupçonnait fortement qu'elle était dans un réseau de trafic de femmes. On ne lui a pas donné les papiers requis pour qu'elle puisse, dans un premier temps, obtenir une protection minimale au Canada. Or, elle ne voulait pas retourner dans son pays, et ces papiers lui auraient permis, avec un certain nombre de droits, de trouver un avocat pouvant assurer sa défense. Cela n'existe pas au Canada.
Je sais qu'aux États-Unis, il y a une démarche qui consiste à leur fournir des papiers temporaires. Il faudrait peut-être regarder de ce côté.
M. Richard Poulin: Il y a aussi l'expérience belge, où on est assez avancés dans ce domaine parce que la Belgique veut combattre les réseaux criminels albanais. Vous pourriez aussi voir ce qui se passe là, car la Belgique est aux prises avec un réseau extrêmement violent et dangereux.
Le président: Madame Lebrun.
Mme Aurélie Lebrun: Je voudrais ajouter que même au niveau local, il faut protéger les personnes qui témoignent, car quand elles sont sous l'emprise de personnes violentes, par exemple un proxénète, elles ont besoin de protection pour pouvoir témoigner. Il y a aussi toute la partie touchant l'action de la police, donc l'application volontaire des lois. Aujourd'hui la police, du moins à Montréal, ne va pas chercher les proxénètes, à moins qu'il y ait une plainte quelque part pour dénoncer la présence d'un salon de massage. Dans ces cas-là, les policiers interviennent. Sinon, ils sont très conscients que ce sont des groupes criminalisés. Ils seront proactifs en ce qui concerne les enfants, mais pour tout ce qui est de la prostitution adulte, il n'y a pas vraiment d'actions contre le proxénétisme. Il y a aussi toute une éducation et une volonté réelle d'appliquer les lois, car ils auraient les moyens, effectivement, de les appliquer.
M. Richard Poulin: Je rappelle que la convention de 1949 sur la traite des femmes et la prostitution, qui a été adoptée après la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, dans le même mouvement, dit très bien qu'il faut absolument que les États développent des programmes de réinsertion des personnes prostituées.
Or, le problème au Canada est qu'il n'y a pas de tel programme. C'est sûr que si on combat la prostitution et qu'on ne donne pas de services pour réintégrer les personnes qui en sont les victimes, cela continuera. Or, 92 p.100 des personnes sont prêtes à en sortir si on leur en donne les moyens, mais on ne leur en donne pas les moyens. Donc, ça continue: il faut qu'elles vivent.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Hanger.
Madame Brunelle.
[Français]
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Je vous remercie pour...
[Traduction]
Mme Deborah Brock: Est-ce que je peux répondre aussi?
Le président: Allez-y.
Mme Deborah Brock: Je suis contente de voir que nous sommes tous préoccupés, d'abord et avant tout, par la sécurité et la protection des femmes qui s'adonnent à la prostitution, que ce soient des résidentes ou des citoyennes canadiennes ou des immigrantes. Je pense que nous pouvons tous reconnaître que la façon dont la loi actuelle criminalise la prostitution explique en grande partie ce qui fait que les femmes qui s'adonnent à la prostitution sont à risque. Elles vivent dans un monde caché, elles sont plus vulnérables, elles ont moins facilement accès aux soins de santé et n'ont pas accès aux services juridiques.
De toute évidence, nous devons faire en sorte qu'elles soient moins vulnérables aux personnes qui sont capables de les exploiter précisément parce que la prostitution est une activité criminalisée. La nature clandestine de cette activité est telle qu'elles peuvent être amenées à l'extérieur du pays ou qu'on abuse d'elles à un endroit donné.
Le président: Merci, et je m'excuse, je n'avais pas vu que vous souhaitiez intervenir. C'est pourquoi j'ai cédé la parole à la personne suivante qui voulait poser une question.
Madame Brunelle.
[Français]
Mme Paule Brunelle: Je vous remercie tous pour vos présentations, qui sont vraiment très claires. Ce qui est assez stupéfiant, depuis que j'ai commencé à siéger à ce sous-comité, c'est de voir à quel point l'industrie du sexe est florissante, de plus en plus, et la mondialisation de cette économie du sexe, qui donne à ce problème une ampleur incroyable.
On peut voir que l'ensemble des intervenants s'entendent sur la nécessité de protéger les prostitués aux niveaux de la santé et de la sécurité. On nous parle beaucoup de mesures de réinsertion sociale. Je crois que c'est un déterminant important.
Lorsqu'on parle de criminaliser les proxénètes et les clients, cela nous semble logique, mais cela peut nous sembler un défi insurmontable. Quand je me réfère à ce qui a été fait au niveau du crime organisé au Québec, je constate qu'on a réussi à éradiquer ce phénomène en grande partie. Il y a donc peut-être moyen de faire quelque chose.
Pourriez-vous nous faire des suggestions quant à la façon de nous y prendre pour criminaliser les proxénètes et les clients? Je ne crois pas que ce soit juste en changeant quelques articles de loi que nous y arriverons. Il y a sûrement une plus vaste opération à faire. Est-ce que vous avez quelques idées à nous donner à ce sujet?
½ (1905)
M. Richard Poulin: La criminalisation des proxénètes et de ceux qui transfèrent les personnes d'une place à l'autre existe déjà dans le Code criminel. Il faudrait peut-être renforcer la question de la traite internationale puisque le Canada est devenu un pays de destination et de transit. Cela pourrait être renforcé, mais cela existe déjà. Toutefois, rien ne criminalise les clients, sauf dans le domaine du racolage. C'est ce qui manque. On ne criminalise pas le fait qu'ils font en sorte qu'une personne se prostituent, mais le fait qu'ils la sollicitent.
La Suède a développé des mesures à cet égard, et les clients sont maintenant poursuivis, même si peu d'entre eux l'ont été. Quatre-vingt-six pour cent de la population appuie la loi suédoise. Il y a un consensus très fort. Il y a eu une baisse du nombre de personnes prostituées et une baisse radicale du nombre de clients, ce qui est très important.
En général, on évalue qu'en Europe occidentale et en Amérique du Nord, de 10 à 15 p. 100 des hommes ont fait appel, ou le font régulièrement, aux personnes prostituées. En Thaïlande, où la prostitution et le tourisme sexuel se sont développés depuis la guerre du Vietnam, soit depuis 30 ans, où on parle de millions de personnes prostituées ainsi que de centaines de milliers d'enfants, c'est maintenant 75 p. 100 de la population masculine qui va chez les personnes prostituées. Dans le domaine des industries du sexe, c'est l'offre qui crée la demande, et non l'inverse.
Certaines analyses disent que cela fait partie de la culture des Thaïlandais. C'est faux. Il y a 30 ans, les Thaïlandais n'allaient pas plus chez les personnes prostituées que les hommes occidentaux. C'est le développement des industries du sexe qui a changé les habitudes de « consommation », des « consommateurs ». Bien sûr, si 75 p. 100 de la population masculine va chez les personnes prostituées, il faut qu'il y ait des personnes prostituées pour servir cette population. La Thaïlande exporte donc des Thaïlandaises partout dans le monde et importe des gens de Birmanie, du Népal, du Mékong, etc. Il y a donc des trafics régionaux extrêmes, avec la participation du crime organisé.
De plus--et ce sont des choses intéressantes sur les rapports entre les minorités au Canada--à Taïwan, comme en Thaïlande, on exploite les femmes des minorités. Vous savez qu'au Canada, par exemple, la prostitution chez les autochtones est plus élevée qu'ailleurs. Là aussi, on exploite les minorités. Il y a chez elles une fragilité qui fait que les proxénètes les embrigadent plus facilement dans les réseaux de prostitution.
Toutes les discriminations, tous les déséquilibres d'une société vont donc être renforcés de façon très importante par l'industrie du sexe, surtout si elle est légale: il n'y a alors plus de proxénètes. En Allemagne, comme aux Pays-Bas et comme en Suisse, un mari a le droit de prostituer sa femme, puisque lorsqu'on légalise la prostitution, on légalise logiquement le proxénétisme. Les proxénètes deviennent des hommes d'affaires. Il n'y a plus de crime organisé, maintenant ce sont tous des hommes d'affaires. Mais la violence est toujours là.
[Traduction]
Le président: Madame Lebrun.
[Français]
Mme Aurélie Lebrun: Il existe sûrement, dans la loi, des moyens pour attraper les proxénètes. À mon avis, une loi ne suffit pas. Il faut l'entourer d'un programme social, mais aussi d'éducation. Cela nous ramène à ce qu'on demandait dans notre présentation, à savoir si, aujourd'hui au Canada, on croit que la prostitution est acceptable.
Par exemple, si on marche sur la rue Sainte-Catherine à Montréal, on reçoit clairement, à mon avis, le message que c'est acceptable dans certaines mesures--je ne sais pas lesquelles. Du coup, ce message est également envoyé aux proxénètes, puisqu'il n'y a aucune action policière contre eux ni contre les salons de massage, les agences d'escorte et les bars de danseuses. Ils font de l'argent, ils profitent du statu quo. Il n'y a pas d'action réelle puisqu'il y a une tolérance implicite, voire même un encouragement et la banalisation d'une certaine sexualité.
Il faut donc vraiment envoyer un message clair. Lorsqu'on adopte une loi, il faut dire en même temps ce qui est inacceptable et que l'on ne veut pas.
On dit qu'à Montréal, les motards ne touchent jamais à la prostitution des enfants parce que les représailles sont réelles. Prostituer un enfant est très dangereux pour les proxénètes. Le trafic d'enfants existe quand même à Montréal, et ce sont souvent des mafias étrangères qui s'en occupent.
L'été dernier, il y a eu des arrestations à Québec. On a donc envoyé des messages clairs. Mais il n'y en a pas pour tout ce qui touche la prostitution adulte. Il y aurait lieu de statuer là-dessus, en même temps qu'une loi est rédigée.
½ (1910)
[Traduction]
Le président: Madame Brock.
Mme Deborah Brock: Je suis un peu perplexe quant aux efforts qui sont déployés au sujet des proxénètes, compte tenu qu'une grande partie de la recherche — par exemple, les travaux de John Lowman, de Fran Shaver, et d'autres partout au pays — indique que le rôle des proxénètes en prostitution est peut-être exagéré et que la majorité des femmes, en fait, exercent ce métier de façon indépendante.
Quoi qu'il en soit, peu importe le rôle ou l'importance des proxénètes, je pense que nous devons soulever la question de savoir comment favoriser l'autonomie chez les travailleurs et travailleuses du sexe. Il faut, comme je l'ai dit tout à l'heure, songer à la façon de mettre en oeuvre des lois sur le travail et l'emploi, de faire respecter les droits des travailleurs de sorte qu'ils aient des protections et des droits sur le marché du travail. Il ne s'agit pas de créer un marché, un type précis d'activité criminelle qui pourrait ensuite être contrôlée par d'autres parties pour leurs propres fins.
Le président: Madame Kurtzman.
[Français]
Mme Lyne Kurtzman: Dans nos recherches, on rencontre aussi des cas de policiers. On rencontre différents types d'intervenants concernés par les questions de prostitution. On rencontre des policiers qui nous disent qu'ils n'ont pas les moyens matériels de faire des descentes, de pourchasser les proxénètes. Ils n'ont pas les moyens de le faire. Les équipes ne sont pas assez nombreuses. La priorité est ailleurs. S'il y a une priorité en particulier, c'est très certainement celle qui concerne les mineurs. Tout ce qui se passe chez les adultes, cela ne fait pas partie des priorités, cela ne fait pas partie des budgets, c'est secondaire.
On pourrait certainement indiquer clairement dans nos lois que l'achat de services sexuels est un acte répréhensible. Il faudrait dire que c'est un acte délictuel. Actuellement, ce n'est pas dit. Ce serait très certainement une manière d'intervenir sur les questions de proxénétisme et d'achat de services sexuels. Il faut le dire clairement dans une loi et avoir aussi la volonté politique de se doter d'une équipe de policiers capables d'intervenir dans les lieux où on soupçonne fortement qu'il y a non seulement de la prostitution enfantine, mais aussi de la prostitution avec violence et du trafic sexuel.
On a de plus en plus de certitudes à l'effet que les bars de danseuses nues autour de Montréal--il suffit d'observer--font appel, dans la plupart des cas, à des femmes récemment arrivées à Montréal en provenance de l'étranger, et il y a de fortes chances qu'elles aient fait l'objet d'un trafic.
Le président: Merci, madame Brunelle
Madame Davies?
[Traduction]
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup, et merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
Il me semble qu'il y a beaucoup de confusion quant à savoir ce qu'on entend par interdiction, décriminalisation et légalisation. L'interdiction est souvent perçue comme une sorte de remède. C'est toujours ce que l'on a dit. Pourtant, quand on parle du crime organisé, je dirais que le crime organisé adore l'interdiction parce qu'elle crée un climat de chaos où n'existent ni lois ni règlements. Quand tout est caché, c'est ce que le crime organisé aime parce que cela permet aux intervenants d'entrer dans le jeu et de contrôler la situation.
Cela étant dit, cela ne signifie pas que je pense que nous devrions tout à coup passer à la légalisation. J'aimerais interroger les témoins sur les différences qu'ils voient entre la légalisation et la décriminalisation.
Par exemple, madame Brock, vous dites que vous n'êtes pas en faveur de la légalisation. Donc, qu'est-ce qu'on entend par décriminalisation? Je suis d'accord avec vous que la question probablement la plus difficile est celle des compétences entre les autorités fédérales, provinciales et municipales. J'ai l'impression que quoi qu'on fasse, on n'y parviendra pas tant que l'on n'aura pas eu l'accord des autorités municipales sur quelque chose, mais ce n'est pas clair.
Je demande alors ceci aux témoins: à votre avis, comment la décriminalisation se concrétisera-t-elle et quel rôle les autorités municipales auront-elles à jouer?
½ (1915)
Mme Deborah Brock: D'abord et avant tout, il faut commencer par les lois du travail — et c'est ce qui distingue ce modèle de décriminalisation qui, je pense, découle de quelque chose comme la légalisation. Il faut commencer par avoir des lois sur l'emploi. Il faut amener les travailleurs et travailleuses du sexe à former des associations professionnelles, à se joindre à des syndicats et ainsi de suite.
Mme Libby Davies: Mais n'est-ce pas ça, la légalisation?
Mme Deborah Brock: Non, il faut supprimer les lois sur la prostitution du Code criminel tout en établissant des droits et des responsabilités pour les travailleurs, comme ceux dont jouissent les autres travailleurs dans l'économie canadienne. Ensuite, les administrations municipales adopteront des règlements, comme c'est le cas pour d'autres types d'entreprises. Mais je ne crois pas que, parce qu'il s'agit de prostitution, cette activité devrait être assujettie à des formes particulières ou spéciales de réglementation.
Mme Libby Davies: Ne serait-ce pas une forme de légalisation? Comment l'entrevoyez-vous? Je ne suis pas certaine de comprendre la différence que vous voyez entre les deux.
Mme Deborah Brock: Ce qu'oblige la légalisation, c'est de créer certains types de conditions très restreintes déterminées par le niveau auquel serait assujetti le travail du sexe. Cela implique la délivrance de permis, il faudrait permettre certaines formes de prostitution dans des quartiers de la ville et pas dans d'autres. On vient ainsi structurer la prostitution — d'autres membres du panel aujourd'hui ont fait état d'exemples à l'échelle internationale — une organisation qui, en fait, permet et intensifie l'exploitation des femmes qui travaillent dans ces conditions.
On constate souvent que ce ne sont pas les femmes qui ont la citoyenneté d'un pays qui choisissent de travailler dans des conditions de légalisation — par exemple, dans un quartier chaud — parce que leur travail est tellement contrôlé et réglementé. C'est ce qui explique pourquoi beaucoup d'immigrantes travaillent souvent dans ces conditions, parce qu'elles ont moins de choix.
Avec la décriminalisation, on supprime les lois spécifiques à la prostitution mais on commence aussi à donner des droits très précis aux travailleurs. Là encore, les droits et responsabilités, appuyés par la législation du travail, par des associations professionnelles et des syndicats, constituent un volet très important des conditions dans lesquelles se fait la prostitution, les tarifs qui seront demandés, le genre d'activités que les travailleuses ou les travailleurs eux-mêmes souhaitent faire. Ces gens-là doivent pouvoir exercer beaucoup plus de contrôle sur leurs conditions de travail que ne le permet la légalisation.
[Français]
Le président: Madame Lebrun.
Mme Aurélie Lebrun: Je voudrais revenir aux proxénètes qui aiment la prohibition. Pour revenir à la décriminalisation, je pense qu'aujourd'hui, certaines lois ne sont pas appliquées. Je dirais qu'à l'heure actuelle à Montréal, la prostitution est carrément réglementée. Quand on se cache dans les salons de massage ou dans les agences d'escorte, c'est toléré; c'est même pratiquement accepté. Dans la rue, c'est davantage un problème. Là, c'est pénalisé. À Montréal, les policiers disent que la prostitution est pratiquement légale au Canada, et c'est le cas. En fait, elle est réglementée. Les activités de prostitution sont réglementées par différents articles de loi. Il y a une façon de les contrôler, mais il reste que l'acte de prostitution n'a pas encore été décriminalisé.
Pour en revenir aux proxénètes, à mon avis, ils aiment le chaos, mais surtout l'argent, et je crois que la prostitution est un moyen très rapide d'en gagner. Voilà pourquoi ils sont là. Si jamais il était question de respecter toutes les règles du droit du travail, je ne pense pas que cela fonctionnerait.
À mon avis, ces gens sont des criminels et ils font de l'argent rapidement parce qu'il ne respectent pas les lois. On constate que dans les pays où la prostitution est décriminalisée, le crime organisé est toujours présent. Ces gens ne veulent pas abandonner une façon aussi facile de faire de l'argent. Les personnes qu'on soumet à la prostitution sont des personnes que l'on contrôle totalement, c'est certain. Pour ma part, je pense que le proxénétisme est là pour rester. Tant qu'il y aura de l'argent à faire et que ce sera profitable, les proxénètes seront là. Je crois que c'est là la réalité du proxénétisme, et tant qu'il y aura des filles ou d'autres personnes à exploiter, il y aura du crime organisé.
½ (1925)
[Traduction]
Le président: Madame Kurtzman.
Mme Lyne Kurtzman: Non.
Le président: Monsieur Hanger, une série de trois minutes maintenant.
J'aimerais demander aux gens de poser des questions brèves et succinctes et à nos panélistes de fournir des réponses rapides et succinctes .
Monsieur Hanger.
M. Art Hanger: Oui merci, monsieur le président.
Monsieur Poulin, vous parlez de la Suède et du fait que dans ce pays, je crois comprendre, les lois visent à sévir contre les proxénètes et les clients. Si on regarde la situation dans son ensemble, je me demande en quoi elle se compare à celle des Pays-Bas si l'on tient compte du nombre d'accusations qui sont portées, du nombre de prostitués engagés dans cette activité et des sommes d'argent qui ont été stoppées, si vous voulez. Car je suis d'accord avec vous que là où il y a de l'argent, il y a du crime organisé. Je suis simplement curieux de savoir comment tout cela s'imbrique dans ce pays quand vous le comparez avec les Pays-Bas.
[Français]
M. Richard Poulin: La comparaison est intéressante, mais difficile à faire, dans la mesure où il n'y a plus qu'une centaine de personnes prostituées en Suède et qu'il y en a entre 30 000 et 35 000 en Hollande. C'est difficilement comparable, car les revenus de la prostitution en Hollande, les revenus liés au crime organisé, sont beaucoup plus importants. On estime, par exemple, que 80 p. 100 des personnes prostituées aux Pays-Bas sont victimes de la traite, et que 75 p. 100 d'entre elles sont des clandestines, sans papiers. On prétendait que la légalisation permettrait en quelque sorte de normaliser les choses et qu'il n'y aurait plus de traite, plus de crime organisé et que tout serait légal, mais c'est le contraire qui se passe. Au Victoria, en Australie, pour 100 bordels légaux, il y en a maintenant 400 illégaux. On assiste à une explosion de l'industrie.
Vous avez parfaitement raison, le crime organisé s'immisce là-dedans, se fiche des lois. Il sait qu'il a une porte d'entrée pour développer l'industrie du sexe, industrie extrêmement rentable. Qu'elle soit légale ou illégale, cela se produit dans les pays qui ont légalisé la prostitution.
On note donc, dans ces pays-là, une augmentation du crime organisé et de ses revenus, ainsi qu'une corruption plus grande des fonctionnaires de l'État, que ce soit en matière d'immigration ou la police, par exemple, car ces industries ont tellement d'argent qu'elles peuvent corrompre beaucoup plus facilement.
[Traduction]
M. Art Hanger: Cela était peut-être déjà leurs pratiques, à tout le moins en ce qui concerne les entremetteurs et ceux qui vivent des fruits de la prostitution, mais je suppose que c'est un travail de concentration non seulement de la police suédoise mais aussi des tribunaux. Les peines imposées doivent alors être sévères pour saisir l'argent et tout simplement fermer la «maison».
[Français]
M. Richard Poulin: Ils se sont attaqués à la demande. Il se sont attaqués essentiellement aux clients. Les proxénètes ont disparu de la Suède parce qu'ils ont immigré ailleurs.
En s'attaquant aux clients et en faisant prendre conscience aux gens qu'il est incorrect d'acheter des services sexuels, d'acheter le corps et le sexe d'une personne, en faisant de l'éducation, cela réduit de façon incroyable la prostitution. En Suède, il n'y a pas de traite à des fins de prostitution, c'est clair, net et précis. Ces expériences sont bien documentées. Un ministère donne le bilan de toutes ces expériences et explique tout cela sur son site web. Je crois que c'est une piste que vous devriez explorer.
½ (1930)
[Traduction]
Le président: Merci.
Quelqu'un d'autre?
Madame Kurtzman.
[Français]
Mme Lyne Kurtzman: J'aimerais ajouter un commentaire.
S'attaquer à la demande peut sembler signifier s'attaquer aux hommes qui sont près de nous. Le terme peut donc sembler un peu fort, mais il faut regarder du côté du modèle suédois. C'est criminalisé, mais les hommes ne sont pas détruits après une arrestation: il y a des amendes de quelques centaines de dollars. Ces hommes peuvent faire des travaux communautaires, s'ils sont sans-le-sou.
Le message est clair: c'est criminel, c'est un délit, il y a des amendes et cela peut aller jusqu'à l'emprisonnement, en cas de récidive. On ne parle pas de mettre les hommes en prison jusqu'à la fin de leurs jours. Il faut analyser le modèle suédois, car il est intéressant. Il est vraiment fondé sur une perspective éducationnelle.
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Brunelle, quelques minutes.
[Français]
Mme Paule Brunelle: J'étais un peu sur cette piste et je me disais que la prostitution était un acte d'asservissement. La femme devient un objet. Selon moi, il y a toujours une question de violence et de possession dans ce geste. Je me disais que c'était un geste politique courageux de la part des politiciens que de demander la poursuite des clients. Il me semble qu'il faudra une volonté politique.
Je me disais aussi qu'on aurait sûrement à faire une campagne de sensibilisation, comme vous le disiez. Les gens ont surtout l'image de la prostituée de rue qu'on voit dans les vieux films. C'est quand même pathétique, mais on connaît peu ce domaine. Il est tellement méconnu de la population en général qu'il y aura sûrement un travail à faire pour que les politiciens puissent adopter des mesures de ce type.
Cependant, ma question est autre. On voit que c'est un cycle de violence faite aux femmes. Que peut-on faire, en attendant que les lois changent, pour essayer de protéger les femmes et d'arrêter ce cycle de violence qui se répète, qui continue et qui est dramatique?
M. Richard Poulin: C'est la grande question. Il est très difficile d'y répondre. Entre autres, il faudrait investir dans des maisons de réinsertion pour aider les personnes prostituées, comme l'Italie l'a fait, ainsi que dans des centres pour les femmes violentées, battues, etc. On doit fournir des services auxquels les gens puissent faire appel. C'est cela, grosso modo.
Le grand problème est également l'ensemble de la structure familiale et son évolution. Par exemple, on dit qu'entre 80 p. 100 et 90 p. 100 des personnes prostituées ont souffert d'inceste, d'abus sexuels, d'abus physiques au cours de leur enfance. Cela fait en sorte qu'il y a souvent des fugues--d'où l'âge moyen si bas--ou des mises à la porte de personnes qui se retrouvent dans les gares d'autobus et les centres commerciaux et qui sont attendues par des réseaux de crime organisé et de proxénétisme. Elles se font recruter.
Il y a donc un problème de violence à la source. On ne devient pas prostitué simplement pour des raisons économiques. Une bonne partie des femmes refuseraient de se prostituer même si elles étaient économiquement défavorisées. Il y a autre chose qui explique le phénomène. La violence fait partie de l'explication. Il faut donc agir à cet égard.
Il existe des lois sur l'inceste, la violence, etc. Je pense qu'on est armés sur ce plan. Or, c'est un problème plus général. Dans mon livre, par exemple, je parle de la pornographisation des imaginaires sociaux. Savez-vous combien de films de pornographie on peut voir à la télévision sur les chaînes ordinaires et les chaînes spécialisées? Il y des messages dans la pornographie. Les attitudes des jeunes ont changé par rapport à la sexualité. Il y a une vision différente de la sexualité qui affecte également le corps des jeunes: tatouages, body piercing, etc. Il y a donc tout un travail à faire à cet égard.
On n'a pas encadré la pornographie. Je ne sais pas pour quelle raison la commission Fraser ne s'est pas rendue là où elle devait se rendre. La pornographie domine et c'est elle qui éduque sexuellement les jeunes, plus que l'école ou n'importe quoi d'autre. On a donc un problème général. Cela fait partie de l'industrie du sexe en général. Il faudrait s'attaquer à l'ensemble de l'industrie du sexe.
½ (1935)
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Lebrun suivie de Madame Brock.
[Français]
Mme Aurélie Lebrun: En fait, la prostitution, comme on l'a vu, est un sujet très complexe. Il y a le trafic, la prostitution dans les lieux fermés, dans la rue. Par exemple, à Hochelaga-Maisonneuve, un quartier de Montréal, la prostitution en est une de fin de mois. Ce sont des femmes monoparentales qui n'arrivent pas à finir leur mois. Il faut donc une reconnaissance de la pauvreté des femmes et de leur paupérisation constante. On doit aussi mettre en place des services sociaux pour venir en aide à ces femmes monoparentales.
Je pense qu'il y a une réponse particulière pour chaque cas. Par exemple, pour ce qui est du trafic, une chose qui se fait beaucoup en Europe maintenant et qui pourrait se faire au Canada est d'aller dans les pays d'où viennent les femmes trafiquées, pour faire de la prévention. Souvent, il y a de la coercition. Les femmes se font dire que c'est mieux au Canada et qu'il y a des possibilités de gagner sa vie. Elles ne savent pas très bien où elles vont. Donc, il faudrait les informer de ce qui se passe, de ce qui les attend, pour qu'elles fassent des choix éclairés si elles doivent faire un choix, si on peut parler de choix quand on est dans une situation précaire et qu'on n'a pas de revenu.
La prévention et l'éducation me paraissent des réponses évidentes. Cela fait aussi partie de notre choix de société que de dire que la prostitution n'est pas seulement un problème des prostituées, mais un problème transversal à la société. Il faut définir quel genre de rapports entre hommes et femmes et quel genre de sexualité on veut dans l'ensemble de la société.
[Traduction]
Le président: Madame Brock.
Mme Deborah Brock: Je tiens simplement à préciser qu'en réalité, la prostitution implique des relations assez complexes. Il existe plusieurs façons pour les femmes d'entrer dans le monde de la prostitution, avec des degrés différents de liberté ou de coercition. En fait, il faut avoir en tête une analyse beaucoup plus nuancée du milieu quand on parle de prostitution. Sinon, on ne sera certainement pas capable de réfléchir à des stratégies surtout si on est préoccupé par l'exploitation des femmes.
L'une des choses qui me préoccupent, c'est que l'on dise que la violence faite aux femmes, y compris la violence sexuelle, est beaucoup plus grande à l'endroit des femmes qui travaillent dans la prostitution qu'à l'endroit des autres. Je crois personnellement que le taux de violence sexuelle à l'endroit des femmes est très élevé en général. Je me méfie beaucoup de ce genre d'explication unique, à savoir que la violence sexuelle fait en sorte que les femmes ne respectent plus leur corps et les incite à s'adonner à la prostitution.
On trouve aussi beaucoup de femmes qui se considèrent comme des féministes et qui ne songeraient jamais à travailler dans le monde de la prostitution, mais qui ont déjà été abusées sexuellement ou qui ont vécu d'autres formes de violence dans leur enfance. Elles ont au contraire rejeté toute implication dans la prostitution. Donc, le phénomène ne peut s'expliquer par une seule cause.
Certaines femmes qui subissent de la violence sexuelle peuvent devenir prostituées, d'autres non, de sorte qu'il doit y avoir d'autres facteurs, d'autres variables interreliées qui amènent les femmes à la prostitution. Parmi ces facteurs, le principal est la nécessité économique. Deuxièmement, il leur faut avoir une attitude pratique et utilitaire à l'égard de la sexualité qui les amène à penser que le fait d'offrir des services sexuels est une chose qu'elles peuvent faire. Elles peuvent décider que c'est là un meilleur choix que de nettoyer des chambres d'hôtel, de travailler chez McDonald's ou n'importe quoi d'autre.
½ (1940)
Le président: Merci.
Madame Davies.
Mme Libby Davies: Merci.
Je suis tout à fait d'accord pour dire que la question est très complexe et je crois que l'une des choses que nous devons faire, c'est d'en séparer les différents éléments. Il y a le commerce du sexe pour assurer sa survie, et c'est très important de pouvoir en sortir. Je pense que tout le problème de la détérioration des conditions socio-économiques des femmes amène un plus grand nombre d'entre elles dans ce commerce.
L'une des grandes questions que nous allons devoir débattre au sein du comité sera de déterminer ce que l'on considère comme de l'exploitation ou de la coercition. Par exemple, professeur Poulin, vous dites que toute la prostitution est de l'exploitation et probablement de la coercition. Je ne sais pas, mais je pense que c'est là une chose qu'il faudra régler.
Mon intention est de trouver des portes de sortie pour les femmes, mais tant qu'elles seront là, j'estime que le régime actuel est absolument effarant, et le seul fait de criminaliser les femmes... ou même le modèle suédois. Quelqu'un nous a dit lundi, par exemple, que le modèle suédois fait de la prostitution une activité encore plus clandestine. Il était intéressant et incroyable de vous entendre dire qu'il y a seulement 100 prostitués en Suède. Est-ce que c'est ce que vous avez dit? — et 13 000 aux Pays-Bas. Je me demande ce qui se passe vraiment en Suède. Peut-être allons-nous devoir proposer une solution typiquement canadienne.
Je crois vraiment que cette question d'exploitation et de coercition est très importante parce qu'on ne veut pas que cela se produise. Mais y a-t-il d'autres choix pour les femmes quand elles sont rendues là? Est-ce qu'on les abandonne tout simplement parce que c'est «illégal»?
Ce n'est pas véritablement une question, c'est simplement quelque chose qu'on doit discuter. Si vous voulez ajouter quelque chose, allez-y.
[Français]
M. Richard Poulin: Vous m'avez interpellé au début; j'aimerais donc vous donner une réponse.
Pour comprendre le phénomène, je pense que faire une séparation entre prostitution forcée et prostitution libre n'est pas pertinent. C'est pertinent si on dit que c'est un travail du sexe, que c'est un métier comme un autre, mais ce ne l'est pas pour comprendre la dynamique de la prostitution. La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée dit très bien, sur la question des victimes, que le consentement, qu'il soit forcé ou non, n'a aucune importance. On s'oppose à la traite des femmes et des enfants dans un but d'exploitation. Cela concerne l'exploitation sexuelle. Cela concerne aussi les organes, car certains enlèvent les organes pour les vendre. Le fait que quelqu'un soit consentant pour se faire enlever un rein, ce n'est pas pertinent. C'est dans cette logique que je fonctionne.
Au Canada, on ne vend pas le sang humain, c'est un don qu'on fait. Il s'agit de dons d'organes, pas de la vente de ceux-ci. La convention citée plus haut dit qu'on ne doit pas vendre d'organes, encore moins des êtres humains. Ma réaction est donc de dire que la distinction entre la prostitution forcée ou la prostitution volontaire n'est pas pertinente.
On dit que la prostitution est maintenant clandestine. Aux Pays-Bas, 80 p. 100 de la prostitution est clandestine, et c'est légal. La différence est que, aux Pays-Bas et en Suède, il n'y a pas de criminalisation des actes commis par des personnes qui se livrent à la prostitution. En Suède, on criminalise les actes commis par les proxénètes et les clients, pas les personnes qui se livrent à la prostitution. Cela est fondamental pour moi.
Au Canada, il n'y a pas de criminalisation des actes commis par des personnes qui vivent de la prostitution. Ce qui est criminel, c'est le racolage, autrement dit ce qu'on voit. C'est légal au Canada d'être une personne prostituée, de se prostituer. C'est le racolage qui est illégal, le proxénétisme, le trafic. Dans notre cas, c'est le racolage qui pose problème.
Les pratiques font qu'on tombe beaucoup plus sur les personnes qui se prostituent que sur les clients. De temps en temps, on arrête des clients. Lorsqu'une femme policière se fait passer pour une prostituée, on peut arrêter le client dès qu'elle est sollicitée. Les personnes qui se prostituent subissent davantage la répression policière que les clients, même si, en vertu de la loi sur le racolage, on pourrait arrêter quelques clients.
Aux États-Unis, on vend son sang. Le Canada est différent des États-Unis à ce sujet. Ici, on donne son sang.
½ (1945)
[Traduction]
Le président: Madame Lebrun.
[Français]
Mme Aurélie Lebrun: J'ai du mal à faire une distinction entre prostitution forcée et prostitution volontaire. On parle souvent de ces personnes prostituées qui font un choix et qui sont contentes d'avoir fait ce choix. Je ne sais à quel moment ce choix est intervenu dans leur vie, mais beaucoup commencent jeunes. Je suis sur le terrain et je ne rencontre pas de femmes prostituées qui ont une vie stable, qui ont des revenus, qui sont très organisées dans leur vie, qui ne dépendent de personne et qui aiment leur métier.
J'ai un problème parce que je rencontre beaucoup d'intervenants, je rencontre la police. Je ne les vois pas. D'un autre côté, j'entends des histoires, je lis des rapports qui parlent de la santé des femmes, et on voit qu'elles ont été violées, qu'elles sont battues, et on dit pour finir que ce sont les risques du métier. Je pose la question: peut-on envisager que la prostitution se fasse vraiment dans le respect des femmes, sans aucune exploitation? Ne doit-on pas repenser... La prostitution n'est-elle pas une exploitation dès le départ?
J'ai vu dans certains rapports des personnes qui énumèrent tous les problèmes dont sont victimes les femmes prostituées dans les bars de danseuses. Il y a un nouveau rapport et c'est ce qu'on y lit. J'appelle cela de la violence. On dit qu'il faut légiférer, que cela va disparaître. À quel moment va-t-on dire aux clients d'arrêter de les pincer, d'arrêter de faire cela? Il faudra quand même les éduquer, leur dire. D'où vient cette violence? Je me pose la question.
Je lis des rapports qui me font penser qu'il y a beaucoup de violence, et la conclusion est que tout cela va disparaître quand on décriminalisera la prostitution. Je suis en faveur de la décriminalisation des personnes prostituées. Quant aux personnes qui exercent de la violence, il y a des moyens de les poursuivre pour violence, pour harcèlement sexuel. Toute cette violence sexuelle n'est-elle pas implicite dans la prostitution?
[Traduction]
Le président: Madame Brock, pouvez-vous donner une réponse brève, s'il vous plaît?
Mme Deborah Brock: Oui.
Je ne pense pas pouvoir créer de statistiques pour vous. De même, je tiens à préciser qu'à mon avis, la notion de libre choix de s'adonner à la prostitution en masque la dure réalité et les raisons de la pratiquer, tout comme c'est le cas des notions d'exploitation et de coercition. La réalité de la prostitution, pour la plupart des gens du métier, est beaucoup plus nuancée. Les raisons pour lesquelles les gens s'y adonnent sont beaucoup plus nuancées que ce qu'indiquent les sondages.
En terminant, j'aimerais que nous réfléchissions à ce modèle d'interdiction. De toute évidence, il ne nous a pas débarrassés de la prostitution, pas plus qu'il ne fait quoi que ce soit pour assurer la sécurité ou la protection des gens qui s'adonnent à la prostitution. Le modèle de légalisation n'a pas non plus amené l'abolition de la prostitution ni accru la sécurité des personnes qui s'y adonnent. Ce qu'il nous reste donc, c'est la décriminalisation, n'est-ce pas?
Je pense que nous devons réfléchir à ce que pourrait faire un modèle de décriminalisation applicable. Des pays ont essayé ces modèles, comme cela a été dit aujourd'hui. Ils ne fonctionnent pas. Il faut trouver une nouvelle façon. Il s'agira d'un processus fortement axé sur la consultation, mais à mon avis, la déréglementation est certainement la voie à privilégier. Ce que nous devons adopter maintenant, c'est une gamme plus vaste de soutiens sociaux, qu'il s'agisse de services sociaux ou d'autres composantes de politiques sociales, y compris la législation du travail.
Le président: Merci.
Monsieur Hanger, ce sera votre dernier tour. Là encore, s'il vous plaît, des questions et des réponses courtes et brèves.
M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.
Madame Brock, j'essaie simplement de comprendre quand vous dites vouloir créer des conditions de travail dans ce milieu ou cette profession de la prostitution, des possibilités de formation — ce que devrait faire chaque entreprise. J'ai de la difficulté à comprendre où vous voulez en venir.
Je vais vous faire part de mon expérience en ce qui concerne les jeunes filles. Je suis d'accord avec M. Poulin sur l'âge de ces jeunes qui, par exemple, sont des fugueuses ou qui tombent dans les griffes des entremetteurs ou des proxénètes. On leur offre du vin, des repas, on leur achète des vêtements, on leur donne des cadeaux, on s'intéresse à elles et elles succombent à ces attentions. Peut-être leur donnera-t-on de la drogue, de l'alcool, je ne sais trop. Un jour, ces jeunes filles devront rendre des comptes.
Ce n'est pas par choix, croyez-moi. C'est à ce moment-là qu'elles seront exploitées au maximum. Elles vont devoir rembourser et on les y obligera. Si elles affichent quelque résistance que ce soit, on utilisera la force contre elles. Elles devront faire la rue et elles vont être violées à répétition à partir de ce moment-là. Leur vie ne leur appartiendra plus, et elles seront jetées dans la rue et on leur dira : «Maintenant, sors et rapporte-nous de l'argent.» C'est l'argent qui fait tourner le monde de la prostitution.
Je ne voudrais même pas rêver à voir quelque chose comme cela se transformer en une entreprise. Je ne sais pas comment vous pouvez prendre cette activité organisée, dirigée par les membres du crime organisé pour en faire une activité légitime. C'est avilissant. Ces jeunes filles sont totalement détruites, et cela prend des efforts énormes — je sais qu'il existe des programmes au Canada — pour les retirer de ce bourbier. Expliquez-moi comment vous feriez de cela une entreprise légitime.
½ (1950)
Mme Deborah Brock: Eh bien, certaines composantes des lois canadiennes sur le travail interdisent le travail des enfants. L'exploitation ne sera certainement pas tolérée dans un modèle de décriminalisation.
Certes, l'exploitation des jeunes femmes, des jeunes gens, comme vous le dites, doit être interdite. Et cela, le modèle de décriminalisation y pourvoira. Mais là encore, je pense que le Code criminel renferme de nombreuses mesures législatives que l'on doit utiliser pour mettre un terme au kidnapping, à la séquestration, aux voies de fait et aux agressions sexuelles.
Pourquoi les policiers ne portent-ils pas ces accusations? Pourquoi s'intéressent-ils seulement aux entremetteurs? Et on ne peut rien contre eux, donc rien ne se produit. C'est beaucoup plus facile, je dirais, pour la police de s'attaquer aux exploiteurs, en vertu de ces dispositions criminelles. Ces dispositions existent, elles devraient être appliquées.
Du même souffle, une bonne partie de l'activité des jeunes qui travaillent dans le domaine de la prostitution est très aléatoire. Leur problème n'est pas la prostitution comme telle mais tout un éventail beaucoup plus large de marginalisation sociale, d'absence de possibilités économiques, de soutien familial et de services sociaux. Et ces éléments doivent être mis en place pour aider les jeunes afin qu'ils puissent développer leur propre autonomie et avoir le type de soutiens qui les rendent moins vulnérables au genre de conditions dont vous avez précisément parlé.
M. Art Hanger: Au sujet des derniers commentaires que vous avez faits, aimeriez-vous déposer au comité les travaux de recherche qui expliquent votre position?
Mme Deborah Brock: Oui.
M. Art Hanger: Très bien, j'aimerais les voir.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres commentaires des panélistes?
Madame Kurtzman.
[Français]
Mme Lyne Kurtzman: Les résultats d'une recherche sont sortis à Québec il y a deux semaines. Rose Dufour, une anthropologue de Québec, a fait une étude avec les groupes d'intervention de femmes prostituées. Elle travaille avec les regroupements de femmes prostituées de Québec et elle vient de publier les résultats cette étude. Cela s'appelle Je vous salue. C'est intéressant. Il faudrait l'avoir, c'est la plus récente. D'autres recherches ont recueilli des témoignages de femmes prostituées, et je crois que parmi elles, une ou deux seulement parlent de choix. Toutes parlent d'abord d'un travail insoutenable et de violence. Elles parlent évidemment de leur dépendance à la drogue ou à des réseaux. La plupart s'en sont sorties ou désirent s'en sortir, mais aucune de ces femmes ne parle de la prostitution comme d'un métier. Elles le refusent. Je ne dis pas que toutes les prostituées refusent de parler de cela comme d'un métier, mais de plus en plus de recherches recueillent des témoignages. Dans celle-ci, en tout cas, la majorité refuse très clairement de considérer que c'est un métier. On y parle de stratégies de sortie pour les femmes prostituées. S'il fallait donner priorité à ce qui est très important pour les femmes prostituées, il faudrait d'abord les aider à sortir de ce métier, si on peut appeler cela un métier.
½ (1955)
M. Richard Poulin: Il ne peut pas y avoir de recherche sur les effets de la décriminalisation, car aucun pays n'a totalement décriminalisé la prostitution. Voilà.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Poulin.
Madame Brunelle.
[Français]
Mme Paule Brunelle: Madame Brock, au début de votre intervention, vous avez dit qu'il s'agissait, pour les jeunes prostituées, de transactions utilitaires et de sexe de service. Que vouliez-vous dire par là?
[Traduction]
Mme Deborah Brock: Merci. Quand je parle de prostitution qui implique des jeunes dans une activité aléatoire, ce que je veux dire, c'est qu'ils s'intéressent à plusieurs activités pour survivre. Ils sont socialement marginalisés, c'est certain. Ils sont privés de soutiens sociaux. Ils vivent peut-être dans la rue. Ils dorment peut-être chez d'autres. Plutôt que d'échanger des faveurs sexuelles pour de l'argent, ils les échangent peut-être pour de la nourriture, un logement, peu importe — de la drogue.
La prostitution devient donc pour eux une forme de survie. Mais cet échange de services sexuels est une des choses qu'ils font pour survivre. Ils peuvent faire toutes sortes de choses pour assurer leur subsistance. Peut-être du travail à temps partiel légitime, du trafic de stupéfiants, du vol à la tire. Les jeunes de la rue font diverses choses, donc l'échange de services sexuels est souvent juste un moyen parmi beaucoup d'autres pour les jeunes qui se débattent pour pouvoir survivre quand ils n'ont pas de soutien social.
[Français]
Mme Paule Brunelle: Dans quelle mesure la légalisation peut-elle alors améliorer leur sort? Si on légalise la prostitution, est-ce que cela améliorera le sort de ces jeunes?
[Traduction]
Mme Deborah Brock: Je n'ai jamais recommandé la légalisation. Ce que j'ai recommandé, c'est la décriminalisation parce que je ne crois pas que criminaliser les activités de ces gens les aide. Cela leur confère plutôt une identité criminelle qui amplifie leurs problèmes. On les enferme dans le système de justice pénale et non dans le système de services sociaux qui offre le genre de soutien qui leur serait positif et bénéfique.
Je n'en vois vraiment pas du tout l'utilité.
[Français]
M. Richard Poulin: Prônez-vous la décriminalisation pour le proxénète qui l'a recrutée aussi? Voilà l'enjeu.
[Traduction]
Le président: Est-ce que d'autres panélistes voudraient faire des commentaires?
Madame Brunelle, vous avez encore 30 secondes.
Madame Davies.
Mme Libby Davies: J'aimerais seulement poser une dernière question.
L'une des principales dispositions du Code criminel actuellement est l'article 213 sur la communication. J'aimerais savoir si les témoins pensent que cet article 213 devrait être révoqué.
[Français]
Mme Aurélie Lebrun: Pour les personnes prostituées en général, oui. Il n'y a pas juste la sollicitation, il y aurait aussi la présence dans une maison de débauche en tant que personne prostituée. Elle ne pourrait pas être criminalisée. La sollicitation touche la rue. Ce n'est pas très clair, mais ça touche essentiellement la rue, donc oui.
Par contre, je pense que l'article 213, la communication, serait un moyen d'entrer en contact avec les clients. On parle un peu des clients, mais ils sont vraiment invisibles. Quand on parle de prostitution, la plus grande partie des personnes impliquées est constituée par les clients. Cet article de la loi, aujourd'hui, est appliqué surtout contre les femmes. Pourquoi ne pourrait-on pas faire juste un peu l'inverse, c'est-à-dire en profiter pour pénaliser ou décourager les clients?
¾ (2000)
[Traduction]
Mme Libby Davies: Donc, vous êtes d'accord qu'il devrait être révoqué quand il s'applique aux femmes, mais pas au client.
Mrs. Aurélie Lebrun: Certainement, je suis d'accord que nous devrions...
Mme Libby Davies: Comment cela fonctionnerait-il? Les femmes pourraient parler au client, mais le client ne pourrait pas parler...
[Français]
Mme Aurélie Lebrun: Cela marche aujourd'hui. Aujourd'hui, cet article de la loi est appliqué surtout contre les femmes, pas vraiment contre les hommes. Quand un agent double attrape une prostituée, en fait, c'est un agent homme qui arrête une femme. Aujourd'hui, la criminalisation concerne surtout les femmes. On dit que, de plus en plus, à Montréal, les clients sont arrêtés, mais pas de façon significative. Si on trouve que cela n'est pas illogique, pourquoi ne ferait-on pas l'inverse?
Je crois que l'on pourrait avoir une action qui cible les clients, comme aujourd'hui il y a une action qui cible les prostituées. Je pense que les prostituées ne devraient pas être pénalisées. Aujourd'hui, à Montréal, elles ne sont pas pénalisées en vertu du Code criminel, elles le sont en vertu du Code municipal. Il y a donc aussi des actions à faire au niveau de la police. On accuse les prostituées d'être sur le trottoir et de traîner, etc. Il y a tellement de moyens de les criminaliser.
Il y a donc des mesures à prendre là aussi. Il faudrait que la police et tous les règlements municipaux changent. Les prostituées sont victimes des mêmes lois que les squeegees, qui sont principalement des garçons, d'ailleurs. En fait, il y a des harmonisations de lois à faire pour que les actions des différents paliers du gouvernement soient cohérentes.
M. Richard Poulin: C'est plutôt difficile pour moi de répondre, mais j'aurais tendance à croire qu'il faudrait abolir cet article, d'une part parce qu'il a été utilisé historiquement contre les personnes prostituées, non pas contre les clients, et d'autre part parce qu'il est très peu utilisé.
En ouvrant les journaux ou le bottin, on voit qu'il y a de la publicité pour les agences d'escorte. C'est de la sollicitation, c'est de la communication, mais il n'y a aucune mesure qui soit prise contre cette sollicitation. Il y a donc quelque chose de désuet dans cet article. J'aurais plutôt tendance à croire que cet article devrait être retiré du Code criminel.
Il y a d'autres articles qui, eux, devraient rester, sur les maisons de débauche, le proxénétisme, le trafic, etc. Ils devraient peut-être même être renforcés, parce que le Code criminel ne concerne que le trafic entre maisons de débauche. On ne parle pas de la traite, ni internationale, ni interprovinciale, mais seulement du trafic entre les maisons de débauche. C'est donc limité. Il faudrait que ce soit renouvelé.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Poulin.
Madame Brock.
Mme Deborah Brock: Je suis très contente d'entendre qu'en dépit de nos divergences sur la prostitution, nous sommes tous d'accord que l'article 213 du Code criminel devrait et doit être révoqué.
Permettez-moi d'ajouter, avant de terminer, que je trouve que décrire ma position, mon travail comme favorisant celui des proxénètes et l'exploitation des femmes est une erreur monumentale de compréhension, cela m'insulte profondément.
Le président: Sur ce, le temps est écoulé.
Merci beaucoup d'être venus témoigner. À nouveau, nous nous excusons de ne pas avoir commencé à l'heure prévue, mais lorsqu'il y a un vote, nous devons assumer nos responsabilités. Une fois de plus, merci de nous avoir fait part de vos points de vue diversifiés et variés. Nous l'apprécions.
La séance est levée.