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Ce matin, je souhaite simplement vous parler du concept et de la logique de la reddition de comptes et de la façon dont celle-ci peut permettre une société plus équitable et renforcer la confiance des citoyens dans les autorités. Sans cette confiance, la société ne peut fonctionner correctement.
Mon objectif est d'essayer de vous montrer ce que vous pouvez faire pour éviter les torts et les injustices, comme lors de l'épisode du sang contaminé des années 80 ou des échecs du contrôle de gestion à DRHC au sujet des commandites. Les vérifications et les commissions d'enquête arrivent après coup, quand c'est déjà trop tard.
Cela fait 15 ans que j'étudie avec passion la reddition de comptes publique. En 2002, j'ai écrit ce livre sur la question. J'ai été directeur principal au Bureau du vérificateur général pendant 18 ans. Je détiens un MBA en comportement organisationnel, discipline qui porte sur les liens de cause à effet dans les processus de gestion. Au Bureau du vérificateur général, j'étais agent de liaison parlementaire entre le vérificateur et le Comité des comptes publics, et je connais donc assez bien les rôles et responsabilités de chacun.
Parlons à présent de la reddition de comptes publique. Pourquoi est-ce un impératif dans notre société? Imaginons un instant que nous ne connaissions pas la différence entre le comportement, la responsabilité et la reddition de comptes. Une simple séquence logique pourra nous aider. Si un gouvernement exécutif a l'intention de faire quelque chose qui pourrait toucher la population de façon significative, en toute justice, il doit lui révéler ce qu'il a l'intention de faire et pourquoi il veut le faire. Cela s'appelle rendre des comptes au public. Les initiatives politiques du gouvernement sont un exemple de cette reddition de comptes.
Ensuite, le gouvernement exécutif doit expliquer publiquement quelles sont ses normes de rendement, afin de préciser ses objectifs. On peut penser par exemple aux délais d'attente dans les urgences.
Ensuite, nous voulons savoir si le gouvernement estime avoir atteint les normes de rendement convenues et nous voulons connaître les résultats de ses initiatives et savoir comment il a appliqué les leçons qu'il a tirées. Cela joue sur la confiance dans la compétence du gouvernement.
Ensuite, nous appliquons le principe de précaution: nous demandons une vérification afin de déterminer si ce que le gouvernement dévoile est complet et juste. Ces exercices comptables et ces vérifications nous permettent de déterminer notre degré de confiance dans le gouvernement, parce que nous connaissons mieux ce qu'il entend faire, pourquoi il entend le faire et ce qu'il fait en réalité. Les députés peuvent ensuite mieux contrôler ce qui se passe et leur rôle, qui consiste à demander des comptes au gouvernement, est plus visible pour les citoyens.
Reddition de comptes ne veut pas dire responsabilité, l'obligation d'agir, ni comportement, qui est l'acte posé. Au milieu des années 70, un comité a été créé à la demande du vérificateur général du Canada et a défini la reddition de comptes comme l'obligation de faire rapport sur les responsabilités.
La reddition de comptes publique n'a rien de nouveau. Elle est un pilier du monde des affaires depuis des siècles. Les comptes publics du Canada sont un produit gouvernemental des rapports financiers. La raison pour laquelle vous n'êtes pas encore plongés dans la reddition de comptes publique, c'est que les autorités n'aiment pas rendre des comptes à moins d'y être obligées, comme les entreprises, et vous n'avez donc pas de base à partir de laquelle travailler. Les gouvernements exécutifs ont jusque-là évité que les normes de reddition de comptes soient fixées par voie législative. Jusque-là, elles ne l'ont pas été.
D'abord, il nous faut une définition utile et exhaustive de la reddition de comptes et je vous propose la suivante: la reddition de comptes publique est l'obligation des autorités d'expliquer publiquement, totalement et équitablement, avant et après les faits, comment elles s'acquittent des responsabilités qui ont une grande incidence sur le public. Si vous avez l'impression que cette définition est un peu indigeste, ne vous inquiétez pas. Je l'écris simplement pour qu'elle soit irréfutable et inattaquable par les critiques, des universitaires pour la plupart.
Ensuite, il faut se demander quels sont les avantages de la reddition de comptes publique. D'abord, les députés et les citoyens obtiennent l'information dont ils ont besoin, qu'ils n'auraient pas reçue autrement. En effet, les demandes d'accès à l'information ne sont pas un substitut de la reddition de comptes et n'étaient pas censées l'être.
Ce qui est encore plus important, c'est que l'obligation de rendre des comptes publiquement, tant qu'elle est contrôlée à des fins d'équité et d'exhaustivité, exerce une influence sur les fonctionnaires qui est dans l'intérêt du public.
L'exigence de rendre des comptes est inattaquable car elle est non partisane. Il ne s'agit pas de dire à quiconque comment il doit faire son travail; c'est simplement une demande d'explication. On ne demande pas plus d'information que ce dont ont besoin les fonctionnaires pour faire leur travail; lorsqu'ils savent quelque chose, ils peuvent en faire rapport.
Ma dernière observation porte sur la façon d'imposer la reddition de comptes par voie législative. Lorsque quelque chose nous tient vraiment à coeur, nous légiférons, mais un projet de loi intitulé « imputabilité » qui ne porte pas sur l'imputabilité fait en sorte que les gens continuent de confondre comportement responsable et reddition de comptes. Cela veut dire que l'on ne rendra pas compte publiquement, de façon exhaustive et équitable, des responsabilités des autorités.
En outre, ajouter de plus en plus de surveillance, de vérification et de contrôle plutôt que des obligations de rendre des comptes découragera les personnes compétentes d'entrer à la fonction publique, alors qu'elles seraient prêtes à rendre compte de leur rendement de façon volontaire si elles savaient que cette information serait utilisée de façon équitable et adéquate.
Votre comité pourrait recommander une chose qui n'entraînerait pas un accroissement des responsabilités à tous les niveaux dans le projet de loi C-2. En ce qui concerne la protection des dénonciateurs, qui occupe 32 pages du projet de loi, vous pourriez recommander une brève disposition selon laquelle les ministres et les sous-ministres feraient rapport une fois par an à la Chambre des communes de leurs propres normes de rendement en matière de protection, ce qui permettrait de savoir si cette protection est réellement efficace.
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Merci de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui sur ce très important projet de loi, le projet de loi C-2, qui est vraiment à l'avant-garde et touche de nombreux domaines de la reddition de comptes gouvernementale qui ont été négligés pendant plus de 130 ans, soit depuis la Confédération.
Comme je l'ai dit, je suis président de deux coalitions, la Coalition d'éthique du Gouvernement, qui représente un peu plus de 30 groupes, et la Coalition de l'argent et de la politique fédérale canadienne, qui représente 50 groupes -- ces deux organismes représentant des groupes de partout au pays. La proposition de Démocratie en surveillance aujourd'hui est également fondée en partie sur le programme d'un groupe de dix membres qui s'appelle Open Government Canada, coalition qui a élaboré un énoncé de principe sur la réforme de l'accès à l'information il y a maintenant cinq ans. Les détails au sujet de ces groupes figurent sur le site Web de Démocratie en surveillance. Au total, ces groupes représentent plus de 3,5 millions de Canadiens.
Toutes les plates-formes des coalitions s'appuient sur l'expérience historique qui prouve que pour obliger les gens qui travaillent dans des organismes importants et puissants, comme les institutions gouvernementales, à suivre les règles, celles-ci ne doivent comporter aucune échappatoire; en outre, les institutions doivent fonctionner de manière aussi transparente que possible; comme l'a dit M. McCandless, il doit y avoir des normes pour les buts et objectifs qui soient mesurables, pour pouvoir évaluer le rendement; les organismes d'exécution doivent être entièrement indépendants, bien dotés en ressources et posséder tous les pouvoirs voulus, y compris celui de pénaliser sévèrement ceux qui ne respectent pas les règles, et ils doivent procéder à des inspections régulièrement et en faire rapport publiquement, bien entendu; enfin, les dénonciateurs doivent être protégés efficacement.
Nous ne disons pas que tous les fonctionnaires fédéraux essaient d'enfreindre les règles; cependant, comme l'histoire nous l'a montré, il y aura toujours des gens qui essaieront de le faire. Alors, comme le dit l'adage, il faut des inspections, non de bonnes intentions. Évidemment, il faut un système d'application qui comprenne tous les éléments clés que j'ai mentionnés. C'est triste à dire, mais malheureusement, c'est vrai.
En étudiant le projet de loi C-2 et en gardant à l'esprit ces éléments nécessaires à son application efficace, les coalitions de Démocratie en surveillance ont examiné ces systèmes depuis les dix dernières années et nous avons trouvé dans le C-2 de nombreuses échappatoires dans 15 domaines clés.
Vous devriez avoir reçu la liste de ces 15 éléments sur les échappatoires et les lacunes du projet de loi, mais si ce n'est pas le cas, vous devriez la recevoir sous peu, ainsi qu'un document très détaillé de 17 pages sur les 140 amendements que nous proposons afin de résoudre ces problèmes.
Comme le dit le rapport, si ces lacunes ne sont pas corrigées, Démocratie en surveillance estime que les personnes qui enfreindront les règles en matière d'honnêteté, d'éthique, d'ouverture, d'embauche, de nominations et de prévention du gaspillage continueront à le faire en toute impunité.
Si l'on n'apporte pas au projet de loi C-2, la Loi fédérale sur l'imputabilité, les changements dont j'ai parlé -- et c'est la première des 15 questions préoccupantes -- le fait de mentir au public demeurera légal. La LFI supprimera la seule règle éthique qui exige des ministres, de leur personnel et des hauts fonctionnaires qu'ils agissent avec honnêteté; ce serait un recul énorme.
En outre, les ministres, leur personnel et les hauts fonctionnaires seront autorisés, en vertu des règles éthiques défectueuses, à prendre part à des processus d'élaboration de politiques qui servent leurs propres intérêts financiers et ils pourront se servir de la propriété gouvernementale à leurs propres fins. En effet, la règle sur la propriété gouvernementale sera également éliminée des règles sur l'éthique.
Troisièmement, le lobbying secret et non conforme à l'éthique demeurera légal, et de nombreux employés de ministres pourront devenir lobbyistes trop rapidement après la cessation de leurs fonctions.
Quatrièmement, la nouvelle interdiction proposée concernant les dons secrets aux politiques ne sera pas appliquée efficacement. Cela, parce que le Canada ne se conforme pas à une entente internationale qu'il a pourtant signée et qui vise à combattre le terrorisme et le blanchiment d'argent.
Cinquièmement, le grand public ne sera pas autorisé à présenter des plaintes concernant le comportement des politiques, alors que ceux-ci sont évidemment employés du peuple et que, comme un certain nombre d'autres choses que j'ai mentionnées, cela avait été promis par les conservateurs.
Au total, dans ce projet de loi, il y a 21 promesses rompues par rapport au programme électoral des conservateurs, ce qui montre bien pourquoi il est nécessaire d'avoir une loi efficace et un système permettant de s'assurer que la classe politique agit avec honnêteté.
Si l'on reprend la liste des domaines où il restera des problèmes très importants, des lacunes, des échappatoires, on se doit de constater que le premier ministre et son conseil des ministres pourront toujours nommer des fidèles et amis du parti à plus de 2 000 postes clés de l'application de la loi sans aucun examen réel ni processus d'approbation parlementaire efficace.
Septièmement, les institutions gouvernementales seront autorisées à conserver des renseignements secrets, renseignements dont le grand public devrait pouvoir être saisi, du fait des lacunes qui seront laissées dans la Loi sur l'accès à l'information et dans le système de conformité.
Des fonds secrets comme celui des escroqueries publicitaires ne sont pas réellement interdits parce que la proposition de la commission Gomery dans ce domaine n'a pas été reprise dans le projet de loi si bien que les politiques et les fonctionnaires ne seront pas tenus de fournir des reçus détaillés. Bien que les dépenses soient maintenant divulguées, les détails de celles-ci ne le sont pas et, de ce fait, il reste très difficile de s'assurer que ces dépenses sont justifiées.
L'élément clé que Démocratie en surveillance préconise depuis longtemps est essentiel à toute reddition de comptes et correspond à ce dont parlait M. McCandless. Les institutions du gouvernement fédéral ne seront toujours pas tenues de présenter leurs projets de plans d'action et leurs décisions ni de consulter les Canadiens de façon réelle avant de prendre des décisions importantes ou d'entreprendre une action majeure. C'est un changement essentiel qu'il faudrait apporter si l'on veut améliorer la responsabilité. En Suède, il y a un système par lequel le gouvernement consulte régulièrement et efficacement la population.
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Oui, certainement. Merci beaucoup.
Les citoyens devront toujours surmonter d'énormes obstacles lorsqu'ils voudront se constituer en groupes de surveillance avec les ressources nécessaires pour se montrer à la hauteur des ressources des lobbyistes du secteur privé. Démocratie en surveillance et ses coalitions proposent un système très simple qui marche bien aux États-Unis et qui permet d'aider les citoyens à se regrouper.
Malheureusement, des décisions secrètes resteront possibles si le projet de loi C-2 n'est pas renforcé. Les décisions secrètes du commissaire à l'éthique concernant le premier ministre et d'autres hauts fonctionnaires resteront possibles et même le commissaire a fait remarquer que son mandat actuel lui pose un problème très sérieux.
D'autre part, l'identité des politiques, du personnel politique, des personnes nommées par le Conseil des ministres et des fonctionnaires qui sont coupables de malversation sera souvent tenue secrète.
Le commissaire à l'information et les autres organes de surveillance ne jouiront pas de l'indépendance voulue ni des pouvoirs essentiels pour s'assurer que les règlements sont bien suivis.
Autre élément essentiel d'un système de conformité, des peines réelles. Les peines resteront trop minimes pour des activités contraires à l'éthique, secrètes et coûteuses. Par exemple, une infraction au code d'éthique du Conseil des ministres entraînera une amende maximum de 500 $, ce qui est ridicule.
Enfin, les dénonciateurs qui ne sont pas fonctionnaires ne seront pas réellement protégés contre des représailles et aucun dénonciateur ne recevra une indemnisation suffisante pour chercher un autre emploi, même si ce processus de dénonciation les laisse totalement isolé du reste de leurs collègues.
J'espère que le comité profitera de cette occasion historique pour prendre le temps de travailler à fond ce projet de loi et d'envisager sérieusement des amendements, quitte à poursuivre son étude pendant l'automne. Il n'y a pas d'urgence. Il est important de faire les choses correctement. C'est une occasion unique de combler certaines lacunes énormes dans le système de responsabilisation du gouvernement.
J'engage le comité à examiner sérieusement les 140 amendements que Démocratie en surveillance lui propose aujourd'hui.
Merci beaucoup. Je suis prêt à répondre à vos questions.
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Eh bien, je ne sais pas patiner comme dans cette famille.
Bienvenue, monsieur Conacher et monsieur McCandless. Vous avez fait valoir tous les deux qu'il faut protéger les dénonciateurs.
Vous avez parlé d'une culture de la responsabilité. Vous vous êtes également attardés, du moins me semble-t-il, sur le fait que cette culture de la responsabilité doit être ancrée de deux façons, l'une en vertu de la loi où le sous-ministre se trouve à être l'agent responsable des finances, et vous faites un pas de plus pour vous assurer que cette responsabilité est complète en obligeant cet agent à assumer ce que vous appelez la responsabilité de rendre compte des dénonciations qu'il reçoit pour toute malversation financière ou autre dont il est saisi dans le cadre de ses responsabilités.
Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet, parce que vous allez plus loin et vous dites que cet agent doit rendre des comptes aux législateurs par l'entremise d'un comité spécial. Vous savez que notre comité s'interroge sur la manière d'accroître les pouvoirs de surveillance des comités, ou d'une partie quelconque de la structure parlementaire, et sur la manière dont on peut assurer la reddition de comptes par des rapports qui sont adressés directement aux législateurs.
Auriez-vous l'obligeance de nous en parler un peu plus?
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Il y a tout un débat sur la question de savoir dans quelle mesure les sous-ministres relèvent directement des comités parlementaires. Les universitaires — ou du moins quelques-uns — disent que les sous-ministres ne doivent rendre des comptes aux législateurs que pour les responsabilités qui leur sont imposées en vertu de la loi ou d'une autorité quelconque.
Je m'interroge sur ce qui a échappé à l'attention du commissaire Gomery et sur ce que les universitaires ne comprennent pas: soit cette notion de contrôle de gestion, ce par quoi on désigne simplement ces choses qui doivent être faites et ces choses qui doivent être évitées.
Je crois pour ma part que le ministre est ultimement responsable de la qualité des contrôles de gestion. Collectivement, les ministres nomment les sous-ministres. Je sais que c'est le premier ministre qui les nomme, mais il n'en reste pas moins que le ministre a la responsabilité de nommer des sous-ministres qui savent en quoi consistent les contrôles de gestion et qui mettent en place les contrôles pour s'assurer que ce qui doit être fait sera fait et qu'on évitera ce qui ne doit pas être fait.
Je propose quelque chose qui est probablement nouveau, à savoir que les sous-ministres aussi bien que les ministres disent à la Chambre quelles pratiques ils ont mis en place pour protéger les dénonciateurs et qu'ils lui disent si à leur avis ces pratiques atteignent leur but. Je suis d'avis que sans cette reddition de comptes publique, on n'obtiendra pas cette influence autorégulatrice qui pèsera sur leur conduite.
À mon avis — et je l'ai écrit dans plusieurs textes — si les ministres et les sous-ministres ne rendent pas compte directement des activités relatives aux dénonciations, oubliez la protection des dénonciateurs; il n'y en aura tout simplement pas.
Messieurs, merci d'être là.
Monsieur McCandless, si je vous ai bien compris, et je sais que vous avez votre façon à vous de dire les choses, ce qu'il faut, c'est simplement une bonne gestion du secteur public, où l'on s'attendra normalement à ce que le haut responsable verra à ce qu'il y ait un bon cadre en place pour que les dénonciateurs puissent signaler les erreurs apparentes, pour que le public ait accès aux informations du ministère, et pour que les citoyens qui sont desservis par le ministère soient traités équitablement. Ce n'est que ça en fait, cet agent de la responsabilité publique: un mélange d'ombudsman interne, de commissaire à la protection de la vie privée et de commissaire à la protection des dénonciateurs.
Même si nous pouvons remédier aux symptômes d'une piètre gestion interne en ajoutant toujours plus d'agents indépendants du Parlement, ce qui me préoccupe, c'est qu'avec la croissance de ce groupe, nous risquons de créer un univers parallèle entre le législatif et l'exécutif où les agents ne seront pas vraiment comptables devant le Parlement et certainement pas devant l'électorat. Si nous permettons la prolifération de ces agents, c'est presque comme si nous retirions aux hauts fonctionnaires la responsabilité de voir à ces choses à l'interne. S'il nous faut créer ces fonctions, leurs titulaires auraient pour rôle de corriger les choses à long terme, de telle sorte que la reddition de comptes au sein des ministères, telle que vous la décrivez, fasse naturellement partie de la gestion, et ce ne serait que dans les cas exceptionnel que l'on ferait appel à ces agents indépendants.
Il me semble que c'est de cette façon que l'administration publique peut croître sainement. Nous savons qu'on va commettre des erreurs et qu'il nous faudra peut-être procéder à des examens indépendants ou prendre des mesures, mais cela ne sera justifié que si le rôle de ces agents vise à améliorer la reddition de comptes à long terme. J'aimerais savoir si vous avez un commentaire à faire à ce sujet.
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Je vous remercie et vous prie d'excuser la qualité de mon français. J'ai beaucoup de pratique à faire à cet égard. Compte tenu des détails que je dois vous fournir, je vais répondre en anglais.
[Traduction]
Tout d'abord, ce que vous avez reçu, ce sont seulement les deux premières parties de notre mémoire. C'est simplement parce que le préavis que nous avons reçu était très court. Ce n'est que vendredi dernier que j'ai adressé le mémoire au complet au comité, donc on traduira les 140 amendements qui suivent les sections que vous avez, où sont résumés les aspects qui comportent encore à notre avis des lacunes béantes.
Pour ce qui est des promesses rompues, il est difficile de choisir parmi elles, mais je crois que le plus indigne, c'est cette tentative visant à supprimer les cinq règles qui régissent en ce moment le Cabinet, le personnel ministériel et le code des hauts fonctionnaires, dont cette règle qui oblige les gens à agir honnêtement, et le fait qu'on interdise au public de porter plainte auprès du commissaire à l'éthique à propos de ses propres employés — en fait, on fortifie cette interdiction. Il n'existe pas en ce moment d'interdiction légale, et on a inscrit dans ce projet de loi une interdiction légale. Je trouve cela parfaitement indigne.
Les conservateurs n'ont pas non plus tenu cette promesse qu'ils avaient faite, et qui consistait à permettre au public de porter plainte, et pas seulement aux politiciens. Cela ne figure pas dans le projet de loi. Certains pensent que oui, mais le fait est qu'un citoyen devra désormais adresser sa plainte à un politicien, et le politicien devra alors prouver que la plainte est valide, d'une manière ou d'une autre — j'ignore comment on va arriver à faire cela sans pouvoir d'enquête — avant de pouvoir s'adresser au commissaire à l'éthique. C'est parfaitement indigne.
Mais les autres aspects, soit le lobbyisme secret, les dons secrets, les décisions secrètes des responsables de l'éthique — tout ce secret — et le fait que les conservateurs n'ont pas tenu leur promesse qui consistait à inclure de nombreux changements importants dans le système d'accès à l'information... tout cela est absent. En conséquence, Démocratie en surveillance est d'avis que les gens qui ne sont pas honnêtes, qui manquent à l'éthique, qui se rendent coupables de gaspillage, qui manquent de transparence et qui enfreignent les règles relatives à l'embauche et aux nominations, ne se feront pas prendre, ils ne seront pas reconnus coupables et ils ne seront pas pénalisés.
Donc un autre scandale des commandites demeure tout à fait possible.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins d'être ici.
Monsieur McCandless, j'ai lu avec intérêt votre article qui est paru dans l'édition du 22 mai du Hill Times. C'est un texte très riche. Je constate que vos observations aujourd'hui rejoignent ce texte aussi, mais nous nous en sommes déjà inspirés.
Monsieur Conacher, je trouve que votre mémoire est comme toujours très utile, complet et réfléchi. Nous croyons comme vous que nous tenons là une occasion historique. Vous avez consacré presque toute votre vie à ces enjeux, et c'est peut-être la première occasion réaliste que nous avons de voir une partie, sinon la totalité, de ces choses réalisée.
Je partage cet avis, et je trouve quelque peu rassurant qu'une bonne part de la LFI — même si elle est incomplète, peut-être, à votre avis — se lise comme la dernière plate-forme électorale du NPD fédéral, presque chapitre par chapitre. Nous en sommes donc très heureux. Cela étant dit, je constate que bon nombre de vos observations sont valides, et je peux vous assurer que nous nous employons en ce moment à rédiger des amendements qui nous permettront d'apaiser bon nombre de vos préoccupations, dans la mesure où cela est humainement possible. Je ne crois pas que nous pourrons vous satisfaire sur tous les points.
Dans votre allocution liminaire, vous avez dit que l'une des choses qui vous inquiétaient le plus, c'était le fait qu'on ne trouvait pas dans la loi l'obligation d'agir avec honnêteté. Je vous demanderais seulement de réfléchir au fait — si vous êtes d'accord avec moi — que l'absence d'obligation d'agir avec honnêteté ne donne à personne le droit d'agir malhonnêtement. Il existe d'autres mesures et lois qui interdisent sûrement aux dirigeants politiques ou à leur personnel d'agir d'une manière qui serait manifestement illégale à plusieurs égards.
Est-ce que le fait de mentionner dans le préambule du projet de loi C-2 l'obligation d'agir dans le respect des normes d'éthique et d'honnêteté les plus élevées apaiserait vos préoccupations?
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Je pense que c'est une idée très intéressante. En fait, je l'ai notée. Vous savez, monsieur Conacher, je crois qu'on a bien compris votre observation.
Je préfère croire que l'obligation d'être honnête est en quelque sorte implicite dans tout ce que nous faisons. Vous dites que personne n'est obligée de dire la vérité, et qu'il n'y a qu'une seule manière de le savoir, j'imagine. Aux élections, si l'on vous surprend à mentir, vous ne serez pas élu. Mais c'est un outil plutôt brutal pour qui veut valoriser l'éthique.
Nous pensons que la meilleure chose à faire ici, avec la LFI, c'est d'améliorer la Loi sur l'accès à l'information, de telle manière que si l'on ne peut pas ériger en loi certaines pratiques éthiques, par une meilleure surveillance, et de meilleures observations de ce qui se passe, on renforce l'éthique en mettant les pratiques en lumière.
Seriez-vous d'accord pour dire que l'amendement le plus important que l'on pourrait proposer consisterait à élargir...
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Je remercie mes collègues de nous avoir accordé leur consentement unanime, et je vous remercie tous les deux d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Conacher, il est évident que vous avez fait des allégations très sérieuses à propos de la Loi fédérale sur l'imputabilité proposée. Dans votre communiqué de la semaine dernière, vous avez affirmé que le premier ministre, le président du Conseil du Trésor et les porte-parole du premier ministre étaient malhonnêtes, et vous avez affirmé que certaines promesses n'avaient pas été tenues.
Vous avez réitéré ces affirmations aujourd'hui, et j'en conteste la véracité. J'avance que... vous avez employé le terme « indigne ». Eh bien, très franchement, sauf tout le respect que je vous dois, monsieur, je trouve pour ma part indigne que vous ayez dit ces choses à propos de cette loi.
Je veux revenir à quelques accusations que vous avez faites aujourd'hui. Il est évident que je n'ai pas beaucoup de temps, je ne pourrai donc pas m'attarder sur chacune, mais je tiens à relever à certaines choses.
La première accusation que vous avez portée, c'est que nous n'avons pas tenu la promesse que nous avions faite d'ériger en loi le Code régissant les conflits d'intérêts. Je vais vous demander, monsieur, si vous avez devant vous un exemplaire du projet de loi.
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Je vous remercie de votre invitation. Je serai très brève dans mes commentaires, ensuite je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
D'entrée de jeu, j'aimerais dire que je suis satisfaite de l'orientation qu'a prise le gouvernement en mettant en avant le projet de loi C-2. Depuis ma nomination, je dirige le commissariat de façon à en accroître, en esprit et en intention, la transparence et l'imputabilité à l'égard des Canadiennes et des Canadiens. J'ai dû mener une dure et longue bataille pour rétablir le moral de l'équipe, mettre en place des pratiques organisationnelles appropriées et regagner la confiance du public à l'endroit du commissariat. J'appuie donc pleinement les efforts déployés par le gouvernement afin de mettre en place les mécanismes qui nous permettront d'éviter que des situations déplorables ne se reproduisent.
Grâce au projet de loi C-2, de premières modifications importantes seront apportées à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cependant, je crois qu'il reste encore beaucoup de travail à accomplir. Pour ce qui est d'atteindre l'objectif de transparence et d'imputabilité du gouvernement, la Loi sur la protection des renseignements personnels est un facteur tout aussi important que la Loi sur l'accès à l'information.
[Traduction]
Je vais insister quelque peu sur la nécessité d'une réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui pose une question d'imputabilité et de transparence.
Comme l'a décidé récemment la Cour suprême du Canada, la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels doivent être interprétées conjointement comme un — et je cite — « code homogène ». Lorsque le Parlement a adopté ces lois complémentaires il y a 25 ans, il entendait clairement rehausser le niveau d'imputabilité gouvernementale, et ce, de deux façons; d'une part en veillant à ce que l'accès à des renseignements détenus par le gouvernement soit reconnu comme un droit individuel et, d'autre part, en renforçant le droit des personnes à savoir quels sont les renseignements personnels que le gouvernement détient à leur sujet et à quelles fins ce dernier s'en sert.
La protection de la vie privée ne devrait pas être perçue comme le synonyme de « secret » ni l'antonyme « d'accès ». L'ouverture, l'imputabilité ainsi que l'accès aux renseignements personnels constituent en fait trois des principes fondamentaux, aujourd'hui reconnus à l'échelle internationale, qui sous-tendent tout régime moderne de protection des données. À la demande de l'ancien Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, le Commissariat a rédigé un document de discussion sur la réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels, que nous allons déposer la semaine prochaine auprès du comité.
J'aimerais maintenant parler de certaines dispositions du projet de loi C-2 liées à la Loi sur la protection des renseignements personnels. Mes commentaires vont porter sur les points suivants.
J'aimerais parler tout d'abord de la portée de l'application élargie. Je crois, tout comme le commissaire à l'information John Reid, que nous pourrions nous appuyer sur une approche davantage fondée sur des principes afin que toutes les institutions gouvernementales assument la responsabilité de la gestion des renseignements qu'elles détiennent. Le projet de loi C-2 est une première étape louable en ce sens. En augmentant la portée de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour y inclure davantage d'entités, le projet de loi C-2 constitue certainement une amélioration par rapport au statu quo.
Je suis néanmoins préoccupée par la proposition visant à supprimer certaines sociétés d'État commerciales de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDÉ) qui touche le secteur privé, et de les inclure plutôt dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. J'invite les députés à se reporter aux articles 188 et 190 du projet de loi. Je fais notamment référence à la Société Radio-Canada et à Énergie atomique du Canada Limitée, qui sont toutes deux des mandataires de Sa Majesté visées par la LPRPDÉ par suite d'un décret, ainsi qu'à VIA Rail, qui constitue une entreprise fédérale également régie par la LPRPDÉ. La triste réalité, c'est que les renseignements personnels sont beaucoup mieux protégés dans le secteur privé sous réglementation fédérale que dans le secteur public fédéral. En fait, si les règles sont changées pour les sociétés d'État commerciales mentionnées précédemment, le niveau de protection des renseignements personnels qu'elles sont tenues d'assurer en vertu de la LPRPDÉ sera diminué par rapport à celui demandé à leurs concurrents du secteur privé qui sont tous, à l'heure actuelle, traités sur un pied d'égalité.
Le projet de loi C-2 prévoit une exemption, relativement à l'accès de renseignements personnels, qui vise les renseignements établis ou obtenus par le Commissariat dans le cadre d'une enquête. Cette disposition comporte une notion parallèle au contenu d'un nouvel article de la Loi sur l'accès à l'information et j'appuie ces deux nouvelles exemptions pour la tenue des enquêtes sur la protection de la vie privée réalisées par le Commissariat. Je crois que ces nouvelles exemptions, dans la mesure où elles s'appliquent à la tenue d'enquêtes sur la protection de la vie privée, sont importantes car elles permettraient de « fermer la porte arrière », c'est-à-dire d'empêcher une personne à qui un organisme gouvernemental a refusé l'accès à certains renseignements de déposer une plainte auprès du Commissariat afin d'obtenir indirectement l'accès à ces mêmes renseignements. Si les plaignants pouvaient procéder ainsi, ils contourneraient l'ensemble du processus délibératif prévu dans la loi.
En outre, cette exemption est pleinement conforme à la disposition de confidentialité prévue dans la Loi sur la protection des renseignements personnels qui vise à protéger la formule de l'ombudsman et sa mission consistant à résoudre les conflits de façon officieuse. L'obligation de confidentialité est essentielle aux fonctions de l'ombudsman et encourage les parties à s'engager pleinement dans un processus de conciliation qui fonctionne de façon optimale lorsque les parties réussissent à établir un climat de confiance mutuelle.
[Français]
Pour terminer, j'ajouterai que les plaintes relatives à la protection de la vie privée sont déposées lorsqu'une personne croit que son droit à la vie privée a été bafoué. Cela ne ferait qu'ajouter l'insulte à l'injure si le commissariat rendait publiques des enquêtes réalisées pour vérifier les allégations des plaignants, car ceux-ci pourraient y voir une nouvelle atteinte à leur vie privée.
Nous appuyons aussi les exemptions proposées à la Loi sur la protection des renseignements personnels qui visent à protéger les dénonciateurs en vertu du projet de loi C-11. Le commissariat s'est dit en faveur de la protection de l'identité des dénonciateurs lors de sa comparution sur le projet de loi C-11.
La divulgation d'actes répréhensibles est un signal d'alarme quant à la possibilité qu'il y ait eu perpétration d'actes répréhensibles au sein d'un organisme gouvernemental. Les enquêtes réalisées dans ce type d'affaires ne portent généralement pas sur l'identité de la personne qui dénonce, mais bien sur la véracité des faits allégués. Il importe de ne pas confondre l'évaluation de la crédibilité des témoins inhérente à toute enquête, y compris les enquêtes sur des actes répréhensibles allégués, et la décision du législateur de protéger l'identité d'une personne dans cette situation particulière. Même lorsqu'il peut être utile, dans le cadre d'une enquête, de connaître l'identité du dénonciateur, le projet de loi C-11, tel que modifié par le projet de loi C-2, établit expressément que les règles de justice naturelle et d'équité des procédures continuent de s'appliquer à l'administrateur général, au commissaire à l'intégrité et aux tribunaux.
Selon moi, il s'agit d'une façon d'arriver à un bon équilibre entre le traitement équitable du présumé responsable d'un acte répréhensible et la protection du dénonciateur.
[Traduction]
J'aimerais parler brièvement du processus de nomination et de révocation des hauts fonctionnaires du Parlement. J'appuie les modifications au processus de nomination et de révocation du commissaire à la protection de la vie privée, conformément à l'article 53 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui assure toute l'indépendance nécessaire à un haut fonctionnaire du Parlement. Tout comme ma collègue la vérificatrice générale, je ne suis pas en faveur de la communication publique du décompte définitif des votes qui peut influer de façon négative sur la confiance des parlementaires à l'égard du haut fonctionnaire qu'ils auront choisi.
[Français]
Finalement, je vais vous suggérer un ajout. Il y a une omission importante dans le projet de loi C-2, c'est-à-dire l'absence d'un mécanisme d'enquête en cas de plainte relative à la protection de la vie privée ou à l'accès déposée contre le commissaire à l'information ou le commissaire à la protection de la vie privée. Et j'ose espérer que les dispositions faisant en sorte que les lois s'appliquent aux deux commissaires n'entreront en vigueur que lorsqu'un processus d'enquête approprié sera en place pour faire face à l'émergence possible de ces situations.
[Traduction]
En conclusion, j'espère vous avoir donné une idée précise de ma vision sur les nouvelles dispositions du projet de loi C-2 ainsi que de l'importance de réformer la Loi sur la protection des renseignements personnels, une réforme indispensable, pour les mêmes raisons, à l'imputabilité gouvernementale.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
:
Merci, madame Stoddart, de vous être jointe à nous et d'avoir rétabli en si peu de temps l'intégrité du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée.
J'aimerais commencer par une question générale concernant le poste que vous occupez, et j'aimerais avoir votre avis sur votre rôle à l'égard de l'exécutif et du Parlement, puisque vous prolongez en quelque sorte l'action des députés en les aidant à forcer l'exécutif à rendre des comptes.
À partir de là, il me semble que vous devriez pouvoir identifier progressivement les types de plaintes ou de problèmes pour lesquels vous pouvez préconiser des modifications dans la gestion de l'administration publique. Les préoccupations, les problèmes et les erreurs ne disparaîtront jamais entièrement, mais progressivement, ils devraient être remplacés par les meilleures pratiques de gestion, que votre service doit observer au même titre que tous les bureaux indépendants.
Est-ce bien ce que vous avez observé dans l'histoire du Commissariat à la protection de la vie privée et dans vos propres relations avec l'exécutif au cours des deux dernières années? Est-ce qu'avec les changements que vous préconisez, nous allons parvenir à une amélioration des pratiques de gestion débouchant sur une plus grande responsabilité? Pensez-vous au contraire que votre commissariat soit simplement là pour traiter un volume constant de plaintes auxquelles aucun véritable correctif ne sera apporté?
:
Si je comprends bien la question, monsieur le député, vous abordez deux sujets: un sur la gestion et l'imputabilité — des questions administratives — l'autre sur l'application de la loi et les modifications qu'il faut y apporter.
D'après mon expérience au Commissariat à la protection de la vie privée, je dirais que ce fut pour moi une chance et une malchance d'entrer à un moment critique dans ces fonctions en assumant le rôle historique de haut fonctionnaire du Parlement.
J'aimerais insister sur le fait qu'il existe entre le Parlement et ses hauts fonctionnaires des relations réciproques; l'importance que le Parlement leur accorde et l'intérêt qu'il porte à leurs actions peuvent varier considérablement, comme il l'a fait depuis mon entrée en fonctions.
J'ai la chance d'être commissaire à la protection de la vie privée à une époque où, pour différentes raisons, que ce soit l'importance croissante de la question de la protection de la vie privée ou les événements malheureux de 2003, auxquels le Parlement a participé directement, l'évolution de mon service est suivie de beaucoup plus près par le Parlement. Comme nous avons une relation synergique, cela me donne beaucoup plus de crédibilité lorsque je parle de la réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels car sinon, le Parlement n'entreprendrait pas à l'automne prochain la révision quinquennale de la loi.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, madame la commissaire. Je vous suis très reconnaissant pour votre témoignage, et la situation me semble très claire lorsque vous parlez, à la page 5, de la SRC, d'Énergie atomique du Canada et de Via Rail.
Ce que nous entendons à la Chambre des communes, c'est que dans l'autre partie de ce projet de loi omnibus -- en particulier dans les dispositions sur l'accès, on a prévu des mesures pour protéger la SRC et les sources. Mais ce qui est clair ici, c'est qu'en soustrayant la SRC en particulier à l'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, on se trouve à diminuer leur niveau de protection des renseignements personnels par rapport à celui exigé dans le secteur privé réglementé par le gouvernement fédéral.
J'aimerais donc savoir comment on en est arrivé là, mis à part le fait qu'on a peut-être procédé à la hâte sans tenir de consultations. Vous a-t-on consulté pour soustraire à l'application de la loi ces trois sociétés d'État, indépendantes, qui doivent après tout faire concurrence à d'autres entreprises comme le réseau CTV, les systèmes ferroviaires dans l'Ouest et l'énergie atomique... Je suppose qu'elles exercent une concurrence à l'échelle mondiale.
Vous a-t-on consulté et a-t-on eu suffisamment de temps pour prévoir certains mécanismes de protection?
:
C'est un fait juridique incontesté. La Loi sur la protection des renseignements personnels ne comporte pas tous les aspects que comporte la LPRPDE, qui est une loi plus récente de presque 25 ans et qui s'applique au secteur privé.
Actuellement, ces sociétés d'État sont incluses dans la LPRPDE. Cela veut dire que si les gens ont un problème relativement à la protection de leurs renseignements personnels, ils peuvent non seulement déposer une plainte auprès de nous, mais demander qu'on apporte des corrections. Et nous pouvons leur en suggérer également. Si les corrections ne sont pas apportées, ils peuvent se présenter devant la Cour fédérale en vue d'obtenir un dédommagement.
À la demande du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, je déposerai la semaine prochaine un document de discussion sur la réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En vertu de la loi actuelle, vous pouvez demander uniquement l'accès à votre dossier. Vous pouvez demander qu'on y apporte des corrections, mais si ces corrections ne sont pas faites, le processus s'arrête là. Ni le citoyen, ni moi, ni la commissaire ne pouvons aller devant la Cour fédérale pour vous, et encore moins obtenir un dédommagement. Cela a été confirmé récemment par la Cour fédérale. Qui plus est, la loi actuelle qui régit le secteur public fédéral ne contient pas de code de conduite applicable aux renseignements personnels, lequel est assez élaboré dans la loi qui régit le secteur privé.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier de vos observations, madame Stoddart. En vous écoutant, je me suis rappelé que ce sont les incidents qui se sont produits dans votre bureau qui ont en fait été à l'origine d'une bonne partie des mesures proposées aujourd'hui dans le projet de loi C-2. Je me rappelle, bien entendu, que l'enquête menée par le comité des opérations gouvernementales à propos du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée a plus ou moins amené un grand nombre d'entre nous à nous rendre compte tout d'abord qu'il fallait assurer une meilleure protection aux dénonciateurs parce que nous nous rappelons la scène où ces dénonciateurs honnêtes et bien intentionnés se sentaient tellement mal protégés qu'ils ont estimé nécessaire d'être accompagnés de leurs avocats pour faire leurs exposés devant un comité permanent de la Chambre des communes. C'est surtout cela qui nous a amenés à nous rendre compte que le régime de protection des dénonciateurs laisse grandement à désirer. Donc je tiens à vous remercier pour les observations que vous avez faites à ce sujet aujourd'hui.
Au début de votre exposé, vous avez fait valoir que la protection de la vie privée n'est pas synonyme de secret, ce qui est un très bon argument à faire valoir, à mon avis. Mais parallèlement, lorsque la vérificatrice générale a comparu devant notre comité, elle a indiqué dans son témoignage que chaque fois que l'on améliore l'accès à l'information, cela a pour résultat de réduire la quantité de documents. Autrement dit, cela constitue un problème à ses yeux car elle constate qu'il y a moins à vérifier lorsqu'il y a des demandes d'accès à l'information en cours.
Prévoyez-vous des problèmes équivalents dans le cas des plaintes concernant la protection des renseignements personnels si nous élargissons de façon importante la portée des dispositions sur l'accès à l'information que renferme le projet de loi C-2?
:
Je n'aime pas beaucoup l'expression « le droit de connaître son accusateur » dans le contexte du droit administratif. Elle télescope différentes idées, comme des principes de droit pénal, et les transfère dans le monde plus sensible et plus nuancé du processus administratif. Je n'utilise pas cette expression.
Selon moi, ce que vous et moi recherchons dans le projet de loi C-11, lorsque j'ai déjà témoigné pour la première fois à ce sujet, c'est la façon de créer un endroit sûr, comme dans l'exemple du Commissariat à la protection de la vie privée en 2003, où les gens peuvent venir dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas, sans en être intimidés le lendemain par la personne qu'ils soupçonnent d'un acte répréhensible. Je ne vois pas en quoi cela est contraire à la justice naturelle. Je pense qu'il faut et le temps et l'endroit pour faire cela. Vous pouvez parler et recevoir une certaine protection pendant que l'enquête suit son cours.
J'ai dit dans mon exposé que la personne qui mène l'enquête a d'autres outils à sa disposition, et n'a pas besoin de rendre publiques les enquêtes, contrairement à ce qui se passe en audiences publiques, qui est notre règle lorsqu'on parle de procédures au criminel, tout particulièrement en ce qui concerne la crédibilité des témoins. Cette personne examine tous les faits, etc. Ces mesures de protection sont intégrées.
Si je fais référence à la justice naturelle, c'est pour dire qu'il y a généralement une deuxième, une troisième ou une étape ultérieure après cela. Si vous dépassez le stade de la communication initiale des faits, déclenchée par le processus de dénonciation, et que vous en arrivez à devoir prendre des mesures disciplinaires ou correctives, voire porter des accusations au criminel, là, oui, vous avez le droit de tout connaître de l'affaire.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Stoddart, ma question est double. Vous faites partie du Commissariat à la protection de la vie privée et vous disposez de tout un ensemble de règles pour protéger la vie privée. Et Dieu sait que c'est difficile aujourd'hui!
Cependant, quelque chose m'intrigue. Le commissaire à l'information a un métier complètement à l'inverse du vôtre, c'est-à-dire qu'il veut beaucoup d'information. Vous, vous êtes comme le chien de garde.
Croyez-vous que le projet de loi C-2 permettrait de transférer les renseignements que vous obtenez lors d'une enquête, par exemple relativement à la protection d'individus, au commissaire à l'information? Si je veux obtenir des renseignements, je dois passer par le commissaire à l'information. Supposons que vous bloquiez ma requête, à bon droit ou à mauvais droit, je n'ai pas à m'expliquer à cet égard. Seriez-vous prête à transférer des renseignements au commissaire à l'information, ou allez-vous systématiquement bloquer le transfert de renseignements? Est-ce que le projet de loi C-2 règle ce problème?
J'ai une autre question pour Mme Stoddart ou Me Kosseim. Dans le projet de loi C-2 de la session en cours et dans le projet de loi C-11 de la session précédente, que vous avez examinés, on utilise le terme « dénonciateur ». Naturellement, tout le monde porte son attention sur ce mot. Toutefois, il y a une autre notion, que nous avons connue dans le cadre de la Commission Gomery, celle de « délateur ». Voyez-vous la différence entre les deux termes?
Un dénonciateur est quelqu'un qui n'a pas participé à la commission du crime, alors que le délateur est un individu dans le système qui, pour avoir des droits particuliers... Par exemple, M. Guité, qui était à l'intérieur du système, pouvait, pour que la pénalité contre lui soit moindre, vendre ses amis en dévoilant tout ce qu'ils ont fait.
Est-ce que le projet de loi C-2 offre cette possibilité?
:
Au nom des 54 000 membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue devant votre comité sur le projet de loi C-2.
Étant donné les limites de temps, mon exposé sera une version abrégée du document écrit qui vous a été distribué et, en fait, je vais commencer à la page 2 du texte anglais, soit la page 3 du texte français.
Tout d'abord, nous sommes très heureux que la Société canadienne des postes soit dorénavant assujettie à la Loi sur l'accès à l'information, ce que nous demandons depuis des années. Cependant, nous éprouvons de sérieuses réserves quant à l'amendement 149 apportée à la partie 3, qui ajoute des exemptions et des exceptions à l'application de la Loi sur l'accès à l'information à la Société canadienne des postes. Nous pensons que les exceptions proposées sont trop étendues. Aux exemptions liées aux intérêts économiques normaux comme les secrets industriels ou les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, le gouvernement en a ajouté une concernant les renseignements qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle. Cette exemption pourrait couvrir de nombreux renseignements dont disposent les sociétés d'États comme la Société canadienne des postes. Cette dernière n'a jamais été tenue d'assurer l'accès du public à l'information dont elle dispose. Il serait donc très facile pour elle de déclarer que de nombreux renseignements ont été traités de façon constante comme étant de nature confidentielle.
Laissez-moi illustrer d'un exemple les renseignements essentiels que la Société canadienne des postes traite comme étant de nature confidentielle. La Société effectue actuellement un examen de son réseau national. Or, la toute première étape de cet examen a consisté à annoncer la fermeture d'un établissement de traitement du courrier à Québec. La Société canadienne des postes a également fermé environ 50 bureaux de poste ruraux depuis 2001, en dépit d'un moratoire sur la fermeture de bureaux de poste en milieu rural et dans les petites villes. La Société canadienne des postes est une société publique, et la population a le droit de savoir ce qu'elle prépare, en particulier lorsque des questions fondamentales comme l'intégrité du réseau postal public sont en cause. Malheureusement elle a refusé jusqu'à maintenant de divulguer son plan d'ensemble pour le réseau.
Si elle inclut les renseignements qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle, il nous sera difficile d'obtenir ce type de renseignements, même si la Société canadienne des postes est assujettie à la Loi sur l'accès à l'information.
Nous souhaitons également exprimer nos préoccupations à propos des exceptions touchant les nouvelles exemptions. Nous ne comprenons pas pourquoi nous avons besoin d'une exemption pour une partie d'un document qui porte sur l'administration générale, ou d'une exemption spéciale pour une partie d'un document qui porte sur une activité de la Société canadienne des postes entièrement financée sur des crédits votés par le Parlement. On dirait que tout, sauf des parties de ces deux types de documents... et vous savez, franchement, ils sont affichés sur le site Web de la Société canadienne des postes, et les renseignements se rapportant aux activités entièrement financées par le gouvernement se limitent aux envois postaux du gouvernement et aux publications à l'intention des aveugles. Pour nous, cela veut dire que tout serait considéré comme des renseignements traités de façon constante comme étant de nature confidentielle.
Nous souhaitons que le comité modifie le projet de loi C-2 pour qu'il y soit énoncé clairement que la Société canadienne des postes doit fournir tous les renseignements, sauf ceux qui font l'objet d'exemptions très précises.
J'aimerais indiquer que chaque fois que nous demandons que la Société canadienne des postes soit assujettie aux règles d'accès à l'information, nous avons toujours prévu une exemption pour les renseignements commerciaux. Bien que nous reconnaissions que la transparence doit être améliorée à la Société canadienne des postes, nous croyons aussi qu'il faut protéger les services postaux publics de demandes illégitimes des concurrents, par exemple en ce qui concerne l'intention de la Société canadienne des postes de faire concurrence aux services de messagerie. Ces entreprises veulent acquérir une plus large part du marché de Poste Canada, sans assumer les obligations de cette dernière en matière de service universel.
Le syndicat recommande donc une formulation, qui se trouve dans l'exposé écrit que nous avons distribué, qui clarifie le fait que le responsable de la Société canadienne des postes doit fournir tous les renseignements, sauf les secrets industriels ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques. Nous suggérons également que les termes « secrets industriels, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » soient définis de la façon la moins restrictive possible et que ces renseignements soient assujettis à un examen indépendant de la part du commissaire à l'information.
Nous avons d'autres préoccupations, tout particulièrement ce qui touche à l'impartition de l'approvisionnement, et nous espérons avoir la possibilité d'en parler au cours de la période de questions. Merci beaucoup.
:
Au nom du Syndicat canadien de la fonction publique, je voudrais remercier le comité de cette occasion qui nous est donnée de vous faire part de nos points de vue et de vous recommander des amendements au projet de loi C-2, Loi fédérale sur l'imputabilité.
[Français]
Le SCFP est le plus grand syndicat au Canada. Il compte plus de 540 000 membres, dont la plupart des travailleurs et des travailleuses des secteurs municipaux, de la santé, de l'éducation et des services sociaux du pays. Notre objectif est de maintenir et de renforcer le secteur public, non seulement pour le bénéfice de nos membres, mais aussi pour fortifier nos communautés. Notre intérêt aujourd'hui est d'assurer que le projet de loi C-2 améliorera dans les faits l'imputabilité au gouvernement, en particulier dans le cadre des contrats liés à l'achat de biens et services et avec des sociétés privées en général.
[Traduction]
S'agissant de la sous-traitance et des partenariats public-privé ou en P3, l'imputabilité revêt une importance capitale.
Le scandale des commandites est un exemple parmi d'autres qui illustre cela. En effet, on n'a qu'à penser au scandale de 160 millions de dollars qui a éclaboussé le ministère de la Défense nationale, à celui de la voie rapide reliant l'Aéroport de Richmond et Vancouver, également connu sous le nom de Canada Line, ou encore à celui du pont de la Confédération de Île-du-Prince-Édouard. Autant d'exemples qui baignent dans la controverse.
La privatisation des routes, des hôpitaux, des écoles et des prisons au Royaume-Uni s'est traduite par une mauvaise gestion des deniers publics et une perte de contrôle public.
Les changements proposés dans le projet de loi C-2 visent à scruter à la loupe le secteur public, ce qui est souhaitable, dans bien des cas, mais dispensent le secteur privé et l'utilisation des deniers publics de cet examen.
[Français]
Je vais donner la parole à mon collègue, qui vous expliquera nos amendements et nos préoccupations particulières.
:
À notre avis, l'un des éléments clefs de la Loi fédérale sur l'imputabilité devrait être d'accroître la transparence et la divulgation de l'information sur les contrats du gouvernement avec des tiers. C'est exactement ce genre de lacune qui a donné lieu au scandale des commandites: un parti politique a détourné des fonds publics, canalisés dans des contrats privés, souvent avec des mandataires du gouvernement, à des fins partisanes. Les comptes publics, les budgets, les prévisions budgétaires, les rapports ministériels et le vérificateur général, de même que les propositions faites dans la Loi fédérale sur l'imputabilité, fournissent une comptabilité et des détails importants sur la façon dont les fonds sont dépensés au sein du gouvernement. Les citoyens méritent aussi de savoir comment les compagnies privées dépensent leurs fonds.
Au lieu de proposer des améliorations à l'imputabilité en renforçant considérablement la transparence, la Loi fédérale sur l'imputabilité a adopté une approche du genre « papa a raison », en accroissant les pouvoirs des organismes de surveillance et leur nombre. Or, ces propositions n'empêcheraient pas nécessairement les abus et les scandales, notamment en ce qui a trait aux marchés publics conclus avec des sociétés privées.
La Loi fédérale sur l'imputabilité proposée contient des échappatoires majeures qui permettent d'exclure les contrats liés aux biens et services de la portée des examens du vérificateur général, d'interdire aux citoyens, individuellement, de déposer des plaintes auprès du vérificateurs de l'approvisionnement proposé, de ne pas enchâsser dans la loi la pratique actuelle de divulgation proactive et de ne pas tenir compte des recommandations du commissaire à l'information sur la divulgation de détails concernant des contrats avec des tiers, ni même des principes établis par les tribunaux concernant ces renseignements.
Nous avons préparé et distribué quatre ensembles de changements. Ceux-ci sont simples et très directs, mais ils contribueront considérablement à accroître l'imputabilité en ce qui a trait aux dépenses publiques. Ce ne sont certainement pas les seuls changements à apporter. En effet, nous appuyons les propositions faites par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Par ailleurs, vous avez entendu nombre d'autres propositions.
Je pourrai entrer dans les détails plus tard, si vous le souhaitez. Je vous ai distribué ces changements.
:
D'abord, je voudrais vous remercier de nous permettre de vous présenter nos mémoires sur le projet de loi C-2. La CSN représente 300 000 travailleuses et travailleurs dans tous les secteurs d'activité. Bien que largement concentrée au Québec, la CSN est également présente ailleurs au Canada, notamment dans les secteurs des télécommunications, du transport routier ainsi que chez les agentes et agents correctionnels des pénitenciers fédéraux.
Nous louons l'initiative du gouvernement actuel de présenter un projet de loi et un Plan d'action pour l'imputabilité fédérale. Globalement, nous sommes d'accord sur les grandes lignes de ce projet de loi. Toutefois, nous considérons que c'est volumineux, complexe, et nous voulons nous assurer qu'il y ait une véritable consultation et une étude rigoureuse, car son adoption ne doit pas se faire dans la précipitation.
Compte tenu du peu de temps qui nous a été alloué et de la complexité du dossier, nous allons, dans notre présentation, nous concentrer sur quelques questions.
D'abord, en ce qui concerne le financement des partis politiques, on se réjouit que le gouvernement ait inclus dans son Plan d'action pour l'imputabilité fédérale des mesures qui s'inspirent du modèle québécois, depuis les années 1970, sur le financement des partis politiques, ce qui contribue effectivement à améliorer le processus démocratique lors d'élections.
L'interdiction des dons corporatifs contribuera à démocratiser davantage le financement des partis politiques, alors que les dispositions qui concernent l'interdiction de verser des dons secrets aux candidats politiques contribuera aussi à assainir les pratiques électorales.
En ce qui concerne la transparence de la budgétisation, on est aussi d'accord sur l'approche proposée. On l'a d'ailleurs nous-mêmes recommandée lors de consultations prébudgétaires. Toutefois, on se questionne sur le moyen utilisé. On se demande s'il ne serait pas préférable de créer un groupe de travail indépendant plutôt que d'avoir un directeur parlementaire du budget. On se pose aussi des questions sur son pouvoir en matière d'accès à l'information. Pourquoi ce poste relève-t-il de la Bibliothèque du Parlement plutôt que d'être rattaché au Comité permanent des finances, par exemple? On se questionne aussi sur les ressources additionnelles qui seront dévolues au directeur parlementaire du budget.
En ce qui concerne la protection offerte aux divulgateurs, on se réjouit du fait qu'une protection soit accordée aux employés qui voudront dénoncer un certain nombre de situations répréhensibles. Par contre, on s'oppose au 1 000 $ offert à titre de récompense aux personnes qui se prévaudrait des dispositions de la nouvelle loi. On craint que cela entraîne une culture de la délation. On est d'accord pour assurer une protection aux individus, mais on ne croit pas qu'il faille instaurer une culture de la délation en offrant un montant d'argent à cet égard.
En ce qui a trait à la Loi sur l'accès à l'information, nous ne sommes pas d'accord pour en repousser à nouveau la réforme. D'ailleurs, il y avait eu unanimité à cet égard au sein du Comité permanent de l'accès à l'information en novembre dernier, si je ne fais pas erreur. Nous croyons donc que le gouvernement devrait aller de l'avant le plus rapidement possible sur cette question.
Nous tenons à souligner que nous sommes d'accord sur l'ajout de sociétés d'État qui seront couvertes par la Loi sur l'accès à l'information. Par contre, les nouvelles exceptions nous inquiètent, sauf l'exclusion particulière qui touche la Société Radio-Canada et qui concerne le travail journalistique. Cela nous semble pleinement justifié pour assurer la protection des sources.
En terminant, je mentionnerai deux volets. D'abord, en ce qui concerne les pouvoirs de la vérificatrice générale, on se réjouit de ce qui se trouve à l'intérieur du projet de loi.
En ce a trait au commissaire à l'éthique, notre principal questionnement vient du fait que les citoyennes et les citoyens ne pourront pas s'adresser directement à lui, mais devront passer par un député. On aurait préféré que les citoyennes et les citoyens puissent également porter plainte auprès du commissaire à l'éthique, lequel jugerait de la validité de ces plaintes.
Merci.
Peut-être vais-je poser ma première question à Mme Crawley, après quoi je partagerai mon temps de parole avec mes collègues, et ma question concerne l'élargissement des pouvoirs d'examen du vérificateur général en ce qui a trait aux contrats.
Vous avez évoqué un certain nombre d'exemples de contrats de type P3.
Lors de sa comparution devant nous, la vérificatrice générale s'est dite très préoccupée par l'élargissement de son rôle, même dans les limites proposées par le projet de loi...par manque de ressources, mais également en raison de la complexité de son rôle, elle s'est dite favorable à peut-être à un modèle plus simple qui lui permettrait de faire des vérifications ponctuelles ou encore en suivant le cours normal des choses, c'est-à-dire en effectuant des vérifications professionnelles.
Bien entendu, il y a un aspect où une intervention directe de la vérificatrice générale pourrait s'avérer très utile, au-delà de la simple vérification, et c'est le suivi de l'argent, ou comme on dit l'optimisation des deniers publics. Est-ce que c'est ce à quoi vous pensez en parlant d'élargissement des partenariats privé-public?
:
Bonjour. Merci d'être parmi nous. Il me fait particulièrement plaisir de vous recevoir à titre de porte-parole du Bloc québécois en matière de travail.
J'ai d'ailleurs rencontré Mme Carbonneau de la CSN vendredi dernier concernant le projet de loi anti-briseurs de grève. En outre, j'aurai l'occasion de rencontrer prochainement des représentants de l'Alliance de la fonction publique et de la Société des postes à ce sujet.
Je ne me rappelle pas lequel d'entre vous a exprimé des réticences concernant la vitesse à laquelle travaillait notre comité. Vous souhaitez que nous prenions le temps qu'il faut pour faire un bon travail. Or, nous sommes vraiment bousculés. Je vois que trois représentants syndicaux importants sont ici et que seules quelques minutes séparent leurs présentations respectives. Les gens viennent ici et s'excusent du fait qu'ils n'ont pas eu le temps de se préparer adéquatement. Je ne crois pas que ce soit possible. Nous siégerons sans doute pendant 45 heures au cours des 2 prochaines semaines. Je ne suis pas sûre que la qualité du travail sera au rendez-vous.
Cela étant dit, j'ai l'impression — et je ne sais pas si c'est votre cas également — que l'actuel gouvernement conservateur tente de nous faire adopter le projet de loi C-2 davantage pour des raisons de perception. Dans son communiqué de presse, il parle d'ailleurs de restaurer la confiance des Canadiens envers le gouvernement. On n'a pas le temps de faire une analyse vraiment adéquate. Il faut non seulement se pencher sur la perception et la confiance des Canadiens, mais aussi établir un système qui fasse en sorte d'éviter un autre scandale des commandites.
M. Sanger nous a dit que selon lui, le projet de loi C-2 n'éviterait pas d'autres scandales et abus de pouvoir. Il nous a fait part de son opinion, mais il voudra peut-être la commenter davantage. Je voudrais demander à chacun d'entre vous, considérant ce que vous avez analysé et lu sur le projet de loi, si nous retrouverons à votre avis dans le projet de loi C-2 des éléments nous permettant d'éviter un nouveau scandale des commandites. Il faut se rappeler que ce scandale a été l'élément déclencheur du projet de loi.
:
C'est nous qui avons exprimé des réserves concernant la rapidité avec laquelle le projet de loi était étudié. Nous craignions que le projet de loi ne soit adopté de façon précipitée. Nous déplorons d'autant plus cette situation que dans l'ensemble, le fait de se doter d'une loi sur l'imputabilité au niveau fédéral pourrait en effet éviter que d'autres scandales des commandites ne se produisent. Ça ne les empêcherait pas tous, mais on pourrait ainsi en réduire la probabilité, ce qui serait sans contredit judicieux.
Par ailleurs, on aborde dans ce projet de loi des questions éminemment complexes. On parle de financement des partis politiques; on revoit le rôle du commissaire à l'éthique et on traite de l'accès à l'information, de la passation des marchés, dont je n'ai pas parlé plus tôt, ainsi que de la protection des divulgateurs. Bref, il s'agit de sujets qui en soi méritent tous une analyse assez exhaustive. Il faut être certain d'adopter les bonnes dispositions, de façon à éviter de nouveaux scandales des commandites. Cependant, le but premier est d'améliorer le régime démocratique dans lequel nous vivons. C'est là une préoccupation importante de la CSN.
Pour ces motifs, nous déplorons que les choses se fassent dans la précipitation. Nous considérons important qu'un tel projet de loi soit adopté, mais nous croyons que ce dernier mérite une étude beaucoup plus approfondie. Nous souscrivons au projet de loi dans ses grandes lignes, même si nous avons exprimé certaines réticences ou posé certaines questions, notamment au sujet de la transparence du processus de budgétisation.
Nous aurions souhaité pouvoir débattre de chacune de ces questions et effectuer nos propres études, de façon à donner aujourd'hui à ce comité un meilleur aperçu de notre position. Nous avons reçu l'invitation mardi dernier. En une semaine, nous avons fait les analyses que nous étions en mesure de faire, mais il reste que chacun de ces sujets mérite une étude beaucoup plus approfondie. On parle ici de donner à notre société de bons outils lui permettant d'accéder à plus de transparente et de démocratie.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tout d'abord les témoins d'être venus et de nous avoir fourni toutes ces recommandations précieuses.
Il y a, nous pouvons vous le garantir, des choses très précises qu'à mon avis nous allons faire et tenter de concrétiser en apportant des amendements au projet de loi.
Comme le temps presse, je voudrais aborder une chose en particulier auprès de Mme Bourque en sa qualité de représentante du STTP.
Lorsque Mme Moya Greene a comparu devant nous, elle a défendu avec véhémence l'exclusion que prévoit le projet de loi C-2. Alors que même le projet C-2 envisage de subordonner Postes Canada à la Loi sur l'accès à l'information en ajoutant cette société à l'annexe 2, ce même projet de loi, dès maintenant, fait volte face en prévoyant toute une série d'exclusions automatiques et permanentes dans le cas de tout ce qui risque d'avoir une durée de vie critique. Au moment de sa comparution, je lui ai fait valoir que ce qu'elle voudrait, c'est un secret encore plus rigoureux que celui qui a cours au ministère des Finances, une institution dont les rouages internes peuvent exercer une influence considérable sur toute l'économie nationale.
D'où vient ce raisonnement, qu'est-ce qui fait que Postes Canada tient tellement à ce droit au secret hors du commun?
:
C'est on ne peut plus clair.
Ma deuxième question s'adressera par contre à tous les témoins.
Dans la première partie de votre mémoire, que vous n'avez pas eu la possibilité d'aborder, vous parlez de sous-traitance, etc. Une étude réalisée en 2003 vous a révélé que, sur un total de 599 dossiers d'acquisition et de sous-traitance, 355 étaient contraires à la politique interne, et vous nous dites aussi qu'il vous est impossible, tout comme à la population d'ailleurs, de savoir si les choses ont changé. Cela donne un peu l'impression que si, idéologiquement parlant, la tendance était à la sous-traitance à tout prix, le vieil adage néo-conservateur qui veut que tout ce qui est public soit mauvais et que tout ce qui est privé soit bon, est la seule justification.
Je voudrais donc demander à tous les représentants du secteur public qui sont ici de me dire ce qu'ils en pensent. Comment pourrions-nous resserrer le projet de loi C-2 afin d'obliger au minimum les dirigeants de présenter, lorsqu'ils songent à recourir à la sous-traitance, une quelconque analyse des coûts et des avantages qui pourrait être rendue publique si l'intention est effectivement de recourir à la sous-traitance ou à un quelconque partenariat public-privé.
L'Association canadienne des agents financiers représente environ 3 000 agents financiers de la fonction publique, il s'agit du groupe FI. En tant que président de l'Association, je voudrais tout d'abord vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui et saluer le travail que vous accomplissez.
Nous assistons à une occasion historique pour le Canada. La Loi fédérale sur l'imputabilité pourra non seulement accroître la reddition de comptes au gouvernement fédéral mais aussi renforcer la confiance des Canadiens dans leur gouvernement et rendre leur fierté aux fonctionnaires.
Nous allons concentrer nos remarques sur trois points principaux: l'importance de la consultation, les questions à long terme et les mesures de prévention par opposition aux mesures de réaction.
Tout d'abord, je voudrais exprimer nos inquiétudes concernant le manque de consultations au niveau de la rédaction de ce projet de loi. Quand le comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a examiné le projet de loi C-11, des représentants de tous les partis politiques ont dénoncé le manque de consultations auprès de la fonction publique. Cette lacune a été considérée comme l'une des principales faiblesses du projet de loi.
Nous pensons qu'on aurait pu éviter une partie des débats de votre comité en consultant mieux les principaux intervenants tels que notre association. Nous savons bien qu'on a discuté au niveau politique de cette Loi fédérale sur l'imputabilité depuis le lancement des dernières élections. Toutefois, à l'époque, ce n'était pas une politique gouvernementale et le débat a donc été assez restreint; par conséquent, nous n'avons pas eu beaucoup d'occasions de faire connaître notre point de vue.
Quand on parle d'imputabilité financière, je ne peux pas imaginer un groupe qui s'intéresse plus à cette question et s'en préoccupe plus que le groupe des agents financiers. Ce sont eux qui sont en première ligne dans le combat pour la reddition de comptes. Cela a donc été une erreur de ne pas tenir compte d'eux lors de la rédaction du projet de loi C-2. Il faudrait consulter ces agents financiers par le biais de notre association non seulement pour la rédaction du projet de loi mais aussi pour sa mise en application. Grâce à notre expérience et à nos qualifications professionnelles, nous ne pouvons qu'enrichir ce processus.
Notre première recommandation est d'inclure les syndicats de la fonction publique au sein du comité des sous-ministres qui examinera les politiques actuelles de gestion financière du Conseil du Trésor. Ce comité s'inscrit dans le plan d'action qui accompagne le projet de loi. Les fonctionnaires de première ligne auront certainement une perspective différente de celle de la gestion à proposer — un point de vue objectif, bien informé et formulé par des personnes directement intéressées qui permet d'aborder de manière plus complète la question de la reddition de comptes.
Il faut bien comprendre que ce projet de loi aura des répercussions à long terme sur la façon de faire au gouvernement fédéral. Le comité dont je viens de parler n'est qu'une des nombreuses initiatives visant à éliminer des règles et des règlements éventuellement paralysants. Nous sommes d'accord avec ces mesures importantes, mais nous pensons qu'il ne suffit pas de se concentrer uniquement sur les règles et règlements passés.
Notre seconde recommandation, qui figure dans notre dernier rapport intitulé Freins et contrepoids III: À la recherche de l'équilibre, est qu'on impose un test analogue pour toutes les nouvelles règles et tous les nouveaux règlements de gestion financière à l'avenir. Ce test est essentiel pour nous permettre de trouver un équilibre entre imputabilité et efficacité.
Par ailleurs, nous constatons qu'il est prévu de revoir ce projet de loi tous les cinq ans. Nous nous méfions d'un processus consistant à rectifier les erreurs au bout de cinq ans, en ouvrant la porte à une nouvelle réforme éventuelle de grande envergure. Il vaudrait mieux prendre maintenant tout le temps voulu pour élaborer un produit qui s'inscrira dans la durée.
Il est important de prévoir une reddition de comptes, non seulement dans le contexte actuel à la suite de certains scandales, mais aussi pour l'avenir, lorsque la reddition de comptes ne fera plus la une des journaux. C'est à ce moment-là qu'il y aura le plus de risques.
Comme le montrent nos deux premières recommandations, notre association estime qu'on a raté avec le projet de loi C-2 la possibilité d'aborder la question de l'imputabilité de manière proactive. Bien que ce projet de loi prévoie le renforcement du Bureau du vérificateur général, le recrutement d'un plus grand nombre de vérificateurs et d'autres mesures de réaction, nous estimons qu'il n'y a néanmoins pas assez de mesures préventives.
Les agents financiers jouent ce rôle préventif. Notre association estime que s'il y avait eu un agent financier au coeur du programme de commandites, ce scandale ne se serait probablement pas produit.
La loi devrait prévoir le renforcement du rôle proactif des agents financiers au gouvernement du Canada. En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, ils ont des responsabilités professionnelles et juridiques. Ils sont aussi liés par un code de déontologie, et beaucoup de nos membres ont en outre des titres professionnels en matière de comptabilité.
On a dit que si le scandale des commandites s'était produit, ce n'était pas parce qu'on manquait de règles, mais simplement parce qu'elles n'avaient pas été suivies. En fait, la vérificatrice générale a dit à votre propre comité qu'il faudrait peut-être en revenir au principe de la bonne gestion au lieu de créer encore plus de règles. Elle a en outre signalé que l'un des principaux problèmes était le fait qu'on comprenait mal les règles existantes. C'est quelque chose que nous avons aussi signalé nous-mêmes dans des rapports antérieurs. Grâce à leur formation et à leur expérience, les agents financiers peuvent contribuer à faire mieux comprendre les règlements. Par conséquent, notre troisième et dernière recommandation est qu'on veille à s'assurer de la présence d'agents financiers au sein des programmes susceptibles d'entraîner une reddition de comptes sur la gestion des fonds publics.
Il serait difficile de trouver beaucoup de Canadiens qui s'opposent à la Loi fédérale sur l'imputabilité. C'est un projet de loi extrêmement important, et il est donc impératif de bien faire les choses. Les Canadiens préféreraient qu'on mette un peu plus de temps avant d'adopter ce projet de loi si ce retard signifie qu'on obtiendra ainsi des règles durables. Nous invitons donc les députés de tous les partis à y réfléchir très soigneusement lorsqu'ils prendront leurs décisions au cours des prochaines semaines.
Les fonctionnaires que nous sommes s'inquiètent du nombre de nouvelles règles et de nouveaux règlements qu'on rédige, qu'on annonce et qu'on met en oeuvre à l'occasion à chaque fois qu'un nouveau scandale fait la une des journaux. N'oublions pas que quand le pendule politique repart dans l'autre sens et que le public s'intéresse à une autre question, ce sont les fonctionnaires qui se retrouvent obligés d'appliquer toutes ces règles et tous ces règlements. Le gouvernement et le Parlement peuvent modifier le système et élaborer un document qui va redéfinir notre gouvernement, assurer une meilleure reddition de comptes tout en faisant en sorte que le gouvernement exécute son programme de manière efficace et efficiente.
De nombreux programmes sont en concurrence pour l'obtention de fonds, et les Canadiens tiennent à ce que leur argent soit correctement utilisé. En même temps, ils veulent avoir accès à des services gouvernementaux. Quand on met en place une loi axée sur la reddition de comptes, il faut bien s'assurer qu'elle ne risque pas de devenir un obstacle qui dissuade les Canadiens de faire appel aux services du gouvernement. Les agents financiers ont les compétences, l'expérience et les qualifications nécessaires pour apporter un plus à l'élaboration et à la mise en oeuvre de cette loi, et nous souhaitons donc vivement participer à ce processus.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Isaacs.
Au risque de vous citer vos propres écrits, j'ai lu avec intérêt une partie de ce document, Freins et contrepoids III: À la recherche de l'équilibre, mais je voudrais revenir un peu en arrière pour vous expliquer les fondements de ma question. Vous dites qu'à l'époque du projet de loi C-11 — et je n'étais pas là, donc je ne le sais pas — votre groupe n'a pas vraiment été consulté. Lors de la Commission Gomery, il y a peut-être eu des consultations, mais quoi qu'il en soit on y trouve des conclusions qui recoupent tout à fait ce que vous écrivez à la page 54 — le renforcement des comités de la Chambre, l'examen permanent de la structure des crédits et une définition claire de la reddition de comptes administrative. C'est ce dernier point qui est essentiel. À la page 55 du volume 1, on dit que les sous-ministres doivent être désignés agents comptables de leur ministère. C'est un peu de cela que nous parlons, de ce basculement culturel que le projet de loi C-11 va provoquer.
Ma principale question concerne l'échéancier, car je pense que tout le monde est assez d'accord sur les aspects d'ensemble de la question. Par contre, tout le monde n'est manifestement pas d'accord sur l'échéancier. On a dit qu'il fallait y consacrer deux ans de débats, une Commission royale ou une Commission d'enquête, 54 heures ou 35 heures — je ne me souviens pas bien, mais je crois que c'était 54. À la page 11 de 26 de votre document Freins et contrepoids, vous dites que le « débat général » qui vous semble indispensable « non seulement garantirait l'expression de leurs points de vue et préoccupations au sujet du caractère pratique des divers modèles de responsabilité administrative » mais donnerait aussi aux fonctionnaires un « sentiment d'appartenance » à tout modèle qui serait retenu, même malgré la crainte de se trouver désormais eux-mêmes sur la sellette. « Cela garantirait le ralliement sans réserve au nouveau modèle et en faciliterait le lancement et la mise en oeuvre ».
Nous aimons bien le nouveau modèle. Nous constatons que vous avez le sentiment de ne pas avoir été consultés. Il s'agit ici de trouver des solutions, et je vous pose donc la question: ce « débat général » — pour vous citer — qu'est-ce que cela signifie? De combien de temps auriez-vous besoin pour avoir le sentiment qu'on vous a bien écoutés et que vous avez pu donner votre avis au nouveau sous-ministre sur les responsabilités de la fonction public?
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie M. Isaacs et ses collègues d'être venus.
J'aimerais aborder le même sujet que mon collègue, M. Murphy, soit le rôle que joue l'agent des finances par l'entremise du sous-ministre. Vous avez dit que l'agent financier devrait être partie intégrante de l'élaboration et de l'évaluation des programmes — si je peux me permettre de paraphraser ainsi ce que vous avez dit. Récemment, on a ainsi commencé à parler de journalistes qui étaient intégrés aux opérations militaires pour bien comprendre ces opérations et présenter de meilleurs reportages. Il s'agit ici un peu de la même chose: l'objectif, c'est de bien comprendre le programme pour mieux l'évaluer.
Or, je vois mal comment on peut intégrer les agents financiers à un système qui, aux termes de la loi, fait appel aux agents comptables par le biais, j'imagine, de la fonction de vérification interne assumée par un comité de vérification interne. Il me semble que l'agent financier doit faire partie du comité de vérification interne, mais ce comité relève du contrôleur général. L'évaluation, elle, semble prendre une autre orientation et s'inscrire dans le cadre d'une autre fonction.
Pourriez-vous m'expliquer comment on pourrait mieux profiter des compétences des agents financiers dans l'évaluation des programmes et comment on pourrait mieux les intégrer à la structure de comité et à la structure de surveillance du Parlement?
:
Je vous répondrai d'abord en tentant de vous expliquer ce que je veux dire quand je dis que les agents financiers doivent être intégrés au programme; peut-être répondrai-je ainsi à votre question.
Vous avez fait mention du contrôleur général et de la vérification interne. La vérification interne est plutôt réactive. Elle permet de découvrir certaines choses après le fait. Nous, nous voulons des mesures préventives et cela qu'interviennent les agents financiers si on les met à contribution dès le départ.
Par le biais de l'accès à l'information — le programme des commandites en est un exemple — on découvre certaines choses et, quand ces choses deviennent publiques, on se demande d'abord et avant tout ce qu'a fait l'agent financier. Dans le programme des commandites, aucun agent financier ne figurait à l'organigramme. Si le programme avait compté des agents financiers, puisqu'il s'agissait de dépenses de fonds publics, il y aurait eu des effets de commerce, des autorisations quelconques permettant ces dépenses. Cela aurait donné lieu à la piste de comptabilité. Je crois savoir qu'en l'absence d'une telle piste, on n'a pu déterminer qui avait autorisé quoi.
Voilà pourquoi nous estimons que les agents financiers devraient participer à ces programmes afin de prodiguer des conseils et une orientation aux gestionnaires de programme, leur dire: « Voici l'autorisation qui vous a été accordée par le Parlement par le biais des crédits, et voici les règles qui régissent la façon dont cet argent peut être dépensé. Vous êtes autorisés à faire ceci mais non cela, et si vous voulez faire cela, vous devez obtenir l'autorisation du Parlement. »
Voilà ce que fait un agent financier, et si quelqu'un avait joué ce rôle dans le programme des commandites, nous ne serions probablement pas ici aujourd'hui.
:
Merci, monsieur le président.
Merci de vous être déplacés rapidement malgré un avis de convocation aussi court. Vous nous avez quand même remis un document passablement intéressant. Vous n'êtes pas les seuls à parler de consultations plus longues. La majorité des témoins qui viennent ici, sinon tous, téléphonent à nos bureaux de comté pour nous dire qu'ils ont manqué de temps pour préparer un mémoire qui nous permettrait de présenter des amendements qui feraient en sorte que ce projet de loi fonctionnera bien. Or, on tente plutôt de faire adopter un projet de loi qui, à la fin ou dans dix ans, devra peut-être faire l'objet d'une révision. Ainsi, pendant dix ans, on aura administré un projet de loi qui ne fonctionnait pas, tout simplement.
J'aimerais avoir votre avis sur ce qui suit. Nous avions proposé de promulguer le projet de loi C-11 de la législature précédente. Je sais que le projet de loi C-11 n'était pas un projet de loi parfait, mais il aurait pu former un filet de sécurité temporaire en attendant que l'étude du projet de loi C-2 soit complétée et que nous ayons vraiment eu le temps nécessaire pour avoir une loi bien travaillée, avec les amendements nécessaires que vous, les témoins, auriez pu nous suggérer dans le cadre d'une étude approfondie.
J'aimerais vous entendre à cet égard.
Il est évident que la dénonciation est un aspect important du travail des fonctionnaires. Vous décrivez le projet de loi C-11 comme une mesure temporaire qui nous aurait permis d'attendre l'adoption du projet de loi C-2. Toutefois, selon nous, le projet de loi C-11 n'avait pas assez de mordant et ne nous aurait pas donné ce qu'il nous fallait.
Nous ne nous serions toutefois pas opposés à ce qu'il serve de mesure temporaire. Essentiellement, c'est tout ce que je puis dire sur cette mesure législative.
En ce qui concerne les dispositions du projet de loi C-2 sur la dénonciation, c'est un autre élément que nous étudions encore. Nous tentons de déterminer les mérites de ces dispositions et leurs incidences sur nos membres.
C'est un effort louable en plus de protéger les fonctionnaires qui dénoncent des actes répréhensibles, cela ne fait aucun doute, mais je crois que les membres de notre association dénonceraient ce genre de choses de toute façon, comme le veut leur code de déontologie. Cependant, il est vrai que dans la culture actuelle, certaines personnes pourraient hésiter, car les fonctionnaires ne se sentent pas protégés actuellement.
Personnellement, et en toute franchise, je vois mal comment on peut créer ce genre de culture avec une loi. Vous pouvez prévoir toutes les mesures de protection que vous voulez dans les dispositions législatives, il n'en reste pas moins que dès que vous dénoncez un abus, vous êtes étiqueté comme dénonciateur. Ce qu'il faut, c'est un changement de culture considérable et pas seulement au sein de la fonction publique, mais dans le secteur privé aussi.
C'est une question délicate et je ne suis pas certain que la solution réside dans une loi.
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Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez encore en consultation, en train d'étudier le projet de loi tel quel. Nous vous recevons aujourd'hui, vous nous faites quelques recommandations, mais si vous êtes encore en train d'étudier le projet de loi, cela veut dire que vous aurez probablement d'autres recommandations à nous faire une fois votre étude complétée.
Je trouve donc qu'il est dommage que nous n'ayons pas déjà tous les résultats de votre étude. Vous pourriez toujours demander de revenir devant le comité pour au moins y déposer la version finale de vos propositions. Autrement, on ne fera pas un travail sérieux, un travail de fond. Or, pour nous, c'est extrêmement important lorsque nous faisons l'étude d'un projet de loi.
Je me rappelle avoir participé à la révision de la Loi sur la protection de l'environnement. Nous avions mis deux ans pour la faire. Dans le cas présent, on essaie de faire adopter un projet de loi en l'espace de deux mois. Je ne critique pas, parce que je pense que tout le monde veut un projet de loi sur la responsabilité. Toutefois, il faut le faire de façon responsable. Or, il semble que vous n'ayez pas eu le temps de terminer l'étude du projet de loi.
Je vous invite donc, lorsque vous aurez toutes vos recommandations, à faire une demande pour venir nous les présenter au comité.
J'ai une dernière question pour vous, messieurs, si vous voulez y répondre. Que pensez-vous de la récompense de 1 000 $?
:
Je le ferais si j'en avais le temps.
Le président : Vous avez le temps, monsieur.
M. Pat Martin : Je suis désolé si j'ai dû sortir de la salle pendant une partie de votre exposé, mais j'ai pris connaissance de votre mémoire, monsieur, et j'en apprécie à la fois le ton et la teneur. Je partage votre avis que vous auriez dû être consulté et avoir votre mot à dire pendant l'élaboration de ce processus.
Je fais remarquer qu'il y a dans votre mémoire certains éléments qui, à mes yeux, devraient être considérés comme des améliorations continues et que nous ne devrions pas avoir à attendre d'être saisis d'un projet de loi pour nous livrer à cette amélioration continue de nos pratiques de gestion. Je pense que ce serait catastrophique pour la survie de ce projet de loi si nous en cessions l'étude pour entreprendre certaines recommandations que vous faites, par exemple de commander une étude empirique de tous les systèmes actuellement en vigueur pour faire rapport sur le rendement. C'est du travail nécessaire, mais je soutiens que cela devrait se faire de manière continue.
En effet, nous étudions bon nombre de ces questions depuis 10 ans. Certains diraient que nous étudions cette question depuis 40 jours. En réalité, nous lui consacrons très généreusement de notre temps, mais l'étude est comprimée en quelques brèves semaines. Mais sur beaucoup de questions, nous savons ce qu'il faut faire. S'il fallait tout arrêter maintenant et même faire marche arrière pour donner suite à certaines de vos recommandations, par exemple engager les fonctionnaires dans un vaste débat sur la question de la responsabilité des ministres et des sous-ministres... Ce serait intéressant, mais ce serait un peu comme une discussion sur le sexe des anges, en comparaison des mesures concrètes et tangibles que nous essayons d'obtenir.
Dans cette ouverture étroite dont nous disposons dans ce Parlement minoritaire, nous voulons obtenir des résultats concrets, parce qu'il y a des gens qui ne veulent pas que ce projet de loi aboutisse. Il y a des ennemis du projet de loi qui sont tapis dans l'ombre, pour ainsi dire, qui essaient de le saboter et d'en freiner l'avancement. L'une des manières les plus efficaces de le torpiller serait de s'engager dans une étude, de continuer à entendre des témoins jusqu'au printemps prochain, et ensuite, les élections seraient déclenchées... Croyez-moi, dans un gouvernement majoritaire, vous n'auriez pas l'occasion de prendre de telles mesures concrètes.
N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il serait important de mettre en place les trois piliers: la protection des dénonciateurs, la réforme de l'accès à l'information et un nettoyage des pratiques en matière de nominations politiques? Si nous obtenions ces trois choses-là durant le cours de ce Parlement minoritaire, n'aurions-nous pas raison de faire la fête?
:
Merci et je remercie aussi les témoins.
À titre de membre du comité, je peux dire que nous avons eu un calendrier assez lourdement chargé, nous avons eu de longues heures de réunion et nous avons entendu un vaste éventail de témoins. Vous avez évidemment été invités à titre de témoins pour nous faire profiter de vos compétences en la matière. Je trouve un peu inquiétant d'entendre les gens dire qu'ils ne sont pas consultés, alors même que leur témoignage fait partie de cette consultation. Nous avons l'avantage de pouvoir compter sur des années d'étude de ces dossiers. C'est un projet de loi bien réfléchi et nous y travaillons en entendant des témoins. Le comité travaille très dur pour intégrer l'apport des témoins.
Avez-vous une recommandation générale et claire à l'intention du comité? J'ai remarqué, comme M. Martin l'a déjà dit, que les recommandations qui figurent dans votre résumé exigeraient énormément de temps. Je pense que les Canadiens nous disent que l'on n'atteindra jamais la perfection. Je le sais et je ne pense pas qu'aucun d'entre nous ait la moindre illusion à cet égard, mais nous voulons aboutir à un bon produit.
J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que le projet de loi C-11 n'avait aucun mordant, et c'est une chose qu'on peut dire en faveur du projet de loi C-2: il a du mordant. Il donne aux fonctionnaires du Parlement les pouvoirs voulus pour mieux faire leur travail et il offre la protection voulue aux dénonciateurs contre toute représaille, et ce sont là certaines des mesures nécessaires que nous devons prendre à titre de députés responsables pour renforcer la reddition de comptes dans notre pays. Je préférerais aller de l'avant en adoptant quelque chose de positif. Les études de ce genre se poursuivent depuis des années et cela va continuer et nous pouvons en tirer profit.
Je vais écouter vos commentaires là-dessus, mais je remarque par ailleurs que dans votre résumé, on trouve le passage suivant:
ç
Même si l'imputabilité est une valeur démocratique fondamentale, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il ne peut jamais trop y en avoir. Des exigences excessives et encombrantes en matière d'imputabilité peuvent détourner de la sensibilité, de l'innovation et de l'efficience.
Je me demande si vous pouvez nous dire quelques mots à ce sujet également. Pouvez-vous nous en donner des exemples précis? Pourriez-vous jeter un peu de lumière sur ce que cela veut dire?
:
Malheureusement, je ne peux pas vous fournir de détails à ce sujet. Je n'ai pas d'exemple précis à vous fournir.
J'ai été agent financier auprès du gouvernement fédéral pendant 25 ans. Je peux vous dire qu'il est difficile pour les gestionnaires de programme de remplir les obligations du programme lorsqu'il y a de nombreuses règles avec lesquelles il faut se conformer. Je comprends que ce projet de loi tente à résoudre certaines de ces questions — et je trouve que c'est quelque chose de positif. Ainsi, nous espérons que ce projet de loi ne va pas rajouter d'autres règles et règlements qui finiront par être contre-productifs.
Au gouvernement, comme dans le monde des affaires, il faut parvenir à un équilibre. Il faut donc qu'il y ait un niveau raisonnable de risques qui soit imposé au processus, afin de ne pas nuire aux services qui sont fournis aux Canadiens. Certaines personnes trouvent que ce discours peut être étrange dans la bouche d'un agent financier. Il existe des perceptions selon lesquelles nous sommes des commis de caisse, et c'est complètement faux. Cette description est tout à fait périmée. Il faut comprendre qu'il s'agit de professionnels qualifiés, et qu'ils tentent de comprendre pourquoi ils existent. Les agents financiers sont là pour garantir la probité dans les dépenses des fonds, tout en garantissant la réalisation des programmes. Nous sommes préoccupés par le fait qu'il y a une tendance à tenter d'enlever le risque dans la loi, et je ne crois pas que ce sera possible. Je ne crois pas que vous allez y parvenir.
Comme la vérificatrice générale l'a mentionné, il s'agit de cas isolés. À ma connaissance, il n'y a pas de scandale généralisé dans le gouvernement fédéral. Je crois qu'il y a une tendance à réagir trop promptement, et cela cause certains problèmes. Cette réaction excessive crée des obstacles et des échappatoires par lesquels les personnes doivent passer. Il s'agit de toute la bureaucratie dont nous avons parlé dans ce rapport, et que nous tentons d'éviter. Alors nous ne sommes pas en train de dire qu'il ne faille pas présenter de projets de loi — en effet on peut apprendre de ses erreurs — mais il faut comprendre que le gouvernement, dans un projet de loi, doit laisser cours à un risque raisonnable dans les processus quotidiens afin de favoriser l' efficacité. Ce type de législation anti-risques n'est pas nécessairement la solution aux problèmes.
:
Merci, monsieur le président, messieurs et mesdames les députés.
[Traduction]
Je comprends que la matinée a été longue, mais j'aimerais faire une remarque préliminaire.
Au nom de CGA Canada et de nos 64 000 membres, j'aimerais vous dire que nous sommes ravis d'être ici pour parler avec vous de ce projet de loi fort important.
Il y a environ 100 ans, 12 comptables qui travaillaient à Montréal se sont réunis dans une pièce et ont décidé de créer l'Association des comptables généraux accrédités, afin de promouvoir leur croissance professionnelle et de réunir les outils et les compétences nécessaires pour faire face à un milieu professionnel sans cesse changeant. Certains de nos membres travaillent au sein du gouvernement — environ 8 000 membres travaillent dans le gouvernement fédéral à l'heure actuelle — et ils sont aux prises avec certaines des mêmes difficultés auxquelles font face les gestionnaires du secteur public.
Nous avons hâte d'entendre vos questions et de discuter de ce projet de loi essentiel. Avant, j'aimerais faire quelques observations rapides.
[Français]
L'élaboration du projet de loi C-2 résulte d'une crise de confiance qui, comme vous le savez très bien, va au-delà du gouvernement, du Parlement et des frontières du Canada. Elle implique tous les secteurs, tant corporatifs que gouvernementaux. La crise de confiance actuelle découle en grande partie de la perception qu'a la population qu'il existe un manque d'éthique parmi les élites du milieu des affaires, de la politique et de la bureaucratie. Malheureusement, cette crise de confiance n'est que trop justifiée par les agissements d'une poignée d'escrocs.
La question qu'il importe de se poser est: pourquoi? Comment en sommes-nous arrivés là? Quelque chose a-t-il changé? Quelles leçons pouvons-nous tirer de tout cela et quelles mesures pouvons-nous ou devez-vous prendre pour empêcher que cela se reproduise?
[Traduction]
Bien que nous espérons tous que le projet de loi nous permettra d'éviter beaucoup d'erreurs du passé, il faut comprendre que les règles et les règlements ne remplacent pas le comportement éthique. La vérificatrice générale et d'autres témoins en ont parlé lors de leurs témoignages à ce comité, et à d'autres comités.
Vous estimez peut -être qu'il est ironique que nous comparaissions aujourd'hui afin de défendre l'utilisation d'une approche prudente lors de la création de règles. Après tout, les comptables sont prédisposés à l'utilisation des règles et de la structure. Nous travaillons avec les chiffres, nous sommes des analystes financiers, des directeurs financiers, des vérificateurs et des leaders d'entreprise. En résumé, c'est vers nous que les gens se tournent lorsqu'ils ont besoin de conseils pour savoir comment suivre les règles gouvernant le capital, les biens, les profits et les pertes.
Dans la même veine, la profession de comptable porte un énorme fardeau en ce qui concerne la confiance du public et la responsabilité. Nous sommes fiers de porter ce fardeau. C'est en effet notre gagne-pain. Mais il faut bien se rappeler que les règles en soi ne vont pas nécessairement donner les résultats auxquels nous aspirons tous. Le défi auquel fait face le Parlement et ce comité est de parvenir à un équilibre entre les règles, l'éthique et la bonne gouvernance.
Dans le monde financier, l'imputabilité du rendement fiscal est plus directe aujourd'hui que jamais. Les règles introduites après le scandale Enron font en sorte que les PDG et les directeurs financiers sont imputables pour la certification de leurs états financiers d'entreprise. Les vérificateurs sont maintenant soumis à un contrôle indépendant. Personne ne réfute l'idée que les cadres supérieurs sont responsables de la véracité et de la fiabilité de l'information financière présentée aux actionnaires: cela ne fait qu'indiquer que le leadership et l'imputabilité viennent d'en haut.
Il ne fait aucun doute que les commissaires à l'éthique et que les enquêteurs judiciaires ont un rôle à jouer, mais nos leaders politiques ont eux aussi un rôle à jouer. Le président américain Harry Truman s'est rendu célèbre pour avoir affiché dans son bureau cette phrase: « Le responsable, c'est moi. » Cela témoignait simplement de la puissance de la responsabilité personnelle, et le président était largement admiré pour ça. Les Canadiens ne sont pas différents des Américains à cet égard. Nous nous attendons à cela de nos leaders gouvernementaux.
[Français]
Le Canada veut se doter d'une loi sur la responsabilité fédérale qui soit efficace, une loi dont il a besoin, mais pas à n'importe quel prix. Lors de l'étude de ce projet de loi, vous avez comme défi de trouver un juste équilibre entre des intérêts concurrentiels afin de bien servir les Canadiens et les Canadiennes. Vous devez, pour atteindre cet équilibre délicat, tenir compte des intérêts d'une myriade de groupes, notamment l'organisme que nous représentons, tout en respectant leur droit de se faire entendre avec sérieux et parfois de manière strictement confidentielle. Cette considération contraste vivement avec le droit à l'information qu'a la population et dont sont garants le Commissaire à l'information du Canada, les médias et le Parlement lui-même.
[Traduction]
À notre avis, le gouvernement a su régler plusieurs problèmes importants dans le projet de loi C-2. Nous sommes très heureux qu'on ait précisé les rôles des sous-ministres et des sous-ministres adjoints comme administrateurs des comptes. Nous appuyons sans réserve la mise sur pied des comités indépendants de vérification. Nous estimons également que la protection au chapitre de l'accès à l'information qui est assurée dans les documents de travail sur la vérification interne est appropriée et elle saura améliorer le processus de vérification interne des ministères et des organismes gouvernementaux. Nous avons constaté avec plaisir que des mesures de protection appropriées ont été prévues pour assurer la protection des ébauches de rapports de vérification et que des paramètres avaient été établis visant leur publication. Bref, ces mesures assureront l'intégrité et l'efficacité du processus de vérification.
Nous félicitons le gouvernement d'avoir élargi les pouvoirs du vérificateur général lui permettant ainsi de suivre la trace de l'argent; nous approuvons l'inclusion d'un examen quinquennal de la pertinence et de l'efficacité des subventions et contributions — une recommandation que nous avions déjà formulée, entre autres. Nous pensons également qu'à titre de parlementaires, vous apprécierez la création du nouveau poste de directeur parlementaire du budget. Nous appuyons les mesures d'appui et de protection destinées aux dénonciateurs mais comme d'autres témoins, nous sommes contre le fait d'offrir aux fonctionnaires une récompense pécuniaire. Ces initiatives sont semblables à celles qui ont été adoptées par le secteur des entreprises.
Le projet de loi est une mesure législative ambitieuse qui cherche à renforcer la responsabilisation et à améliorer la gestion des ressources humaines et financières du gouvernement. Nous appuyons ces initiatives. On nous a demandé de participer aux efforts visant à renforcer la gestion financière et à améliorer la vérification interne au sein de la fonction publique fédérale. Nous sommes sur le point de lancer une série d'initiatives à cet égard.
Puisque nous sommes des lobbyistes enregistrés, nous avons tort de ne pas faire de commentaires sur les modifications proposées à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Toute bonne mesure législative et tout bon règlement sont fondés sur la clarté. Ainsi, nous jugeons que le gouvernement a un objectif fort louable lorsqu'il cherche à rendre les mesures législatives régissant les agissements des lobbyistes plus exécutoires. C'est pourquoi nous avons décidé d'appuyer l'Institut des relations gouvernementales du Canada qui recommande que l'on renforce les dispositions sur l'application de la loi et l'enquête. La grande majorité des lobbyistes respectent pleinement la loi, mais de meilleures dispositions sur l'application de la loi permettront de protéger la majorité contre l'impact des agissements de la minorité. Nous jugeons qu'il est dans l'intérêt de tous de renforcer ces dispositions.
Nous voulons tout ce qu'il y a de mieux pour l'avenir du Canada, même si à l'occasion nous ne sommes pas du même avis quant aux méthodes employées pour y parvenir. Au cours de la dernière campagne électorale fédérale, CGA Canada a demandé à tous les partis politiques de s'engager à adopter plusieurs mesures visant à rétablir la confiance des Canadiens envers les leaders et les institutions du secteur public et du secteur privé. Nous sommes très heureux de constater que le gouvernement a donné suite à ce message et à d'autres recommandations.
Nous sommes impatients d'aider votre comité dans ses travaux.
[Français]
Nous vous remercions et il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur Owen, de cette question. C'est une question importante, car nous estimions que le rétablissement du rôle du contrôleur général était une très bonne décision, parce que tout compte fait, encore une fois, lorsque vous parlez de refléter les initiatives prises par le secteur des entreprises, l'exemple est donné par les dirigeants, et je crois qu'il s'agit là d'un sujet que nous voulions vous communiquer aujourd'hui.
Le contrôleur général a des responsabilités très claires, pas simplement pour renforcer le processus de vérification interne mais également pour constituer une certaine capacité. Nous avons beaucoup parlé de vérification interne, et la vérificatrice générale et d'autres intervenants en ont également beaucoup parlé. Cependant, nous n'avons pas beaucoup parlé de renforcer la capacité financière dans le secteur public et à cet égard, lorsque je dis que nous allons lancer une série de programmes, nous espérons quand même qu'en renforçant le rôle d'agent financier principal, l'exemple sera donné.
Le groupe qui nous a précédés est composé d'agents financiers. Nous nous sommes rencontrés la semaine dernière, et ce groupe est en train d'essayer de déterminer comment il peut participer à cette création de capacités. Un élément clé de cet effort consiste à mettre l'accent sur la professionnalisation de la fonction publique, c'est-à-dire l'obtention de titres professionnels comme le titre de CGE octroyé par l'Association des comptables généraux accrédités du Canada ou de tout autre titre comptable.
Comme je l'ai déjà signalé, le rôle du Bureau du contrôleur général donne l'exemple à cet égard à l'ensemble de la fonction publique.
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Tout d'abord, nous voulons vous remercier d'être ici. C'est très gentil d'être venus nous présenter vos réflexions très intéressantes sur le projet de loi, sur la démarche elle-même et sur la crise de confiance des élites à travers le monde. J'ai trouvé cela très intéressant.
Ici, au Canada, au gouvernement fédéral, le projet de loi C-2 a été élaboré essentiellement dans la foulée du scandale des commandites. Le gouvernement conservateur a essayé de trouver une façon d'éviter un prochain scandale des commandites. C'est écrit en toutes lettres dans tous les documents gouvernementaux. Pourtant, quelques témoins nous ont dit que le projet de loi n'empêcherait pas nécessairement un autre scandale comme celui des commandites.
Le gouvernement veut également restaurer la confiance des Canadiens dans leurs dirigeants. Cependant, nous avons l'impression d'être dans une démarche de gestion de la perception de la population où le gouvernement veut faire adopter un projet de loi à toute vapeur, et il bouscule les témoins — nous nous en excusons — à cette fin.
Selon vous, le projet de loi C-2 pourra-t-il empêcher un autre scandale des commandites?
Au cours de la campagne électorale, vous dites avoir défini des éléments à ajouter pour assainir encore davantage, si la chose est possible, la gestion des finances publiques. Pouvez-vous nous décrire ces éléments?
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J'essaierai de répondre à la première partie de votre question. Enfin je crois que cela revient à votre première question.
Nous avons jugé que ce projet de loi était fort intéressant, et pas simplement parce qu'il rétablissait le poste de contrôleur général; en effet, ce projet de loi propose la création d'un directeur parlementaire du budget, l'élargissement du pouvoir du vérificateur général et la création d'autres postes, comme le poste de dirigeant de la vérification et les postes d'agents comptables principaux. Il est clair que les responsables ont fait d'importants efforts quand ils ont pensé à toutes ces possibilités.
Lorsque l'on étudie ces propositions du point de vue d'une personne qui n'est pas comptable — je voyais ça plutôt comme un enquêteur sur les fraudes ou quelque chose du genre — l'on constate que le système est en fait conçu pour être le plus solide possible. Je ne dis pas cela parce que je m'adresse à votre comité. Je reconnais plutôt qu'on a déployé beaucoup de temps et d'effort pour rédiger ce projet de loi et pour identifier les responsabilités et pouvoirs de tous les intervenants. Nous appuyons cela. Comme je l'ai dit, j'appuie ces mesures pas simplement à titre de comptable; du point de vue des systèmes, je crois qu'il s'agit d'une mesure législative très solide.
Cette mesure législative permettra-t-elle d'éviter que d'autres scandales ne se produisent? Probablement pas. Je ne sais pas si c'est possible d'avoir un système à toute épreuve, mais je crois que cette mesure législative représente une amélioration remarquable. Je ne sais pas si les parlementaires et le gouvernement seront un jour certains à 100 p. 100 que... Je pense que cela serait un peu trop ambitieux. Cependant, à mon avis, vous avez ici un bon point de départ et avec un peu plus d'expérience, il sera possible de peaufiner la loi pour corriger les lacunes qui pourraient exister.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci aussi à nos deux témoins de leur présence parmi nous.
J'aimerais vous demander votre avis sur une question qui fait souvent surface au comité et qui a déjà été soulevée par d'autres témoins. Il s'agit de la vitesse à laquelle nous étudions ce projet de loi.
Certains de mes collègues estiment que les conservateurs tentent d'expédier les choses, en dépit du fait que le projet de loi mérite une étude sérieuse. Comme l'a dit M. Lefebvre, nous devons nous donner la peine de rédiger un bon projet de loi. Cela peut toutefois se faire de bien des manières; nous pouvons en améliorer le texte au moyen d'amendements. Je suis tout à fait d'accord avec cela.
J'aimerais souligner quelque chose puis vous demander votre avis, car j'estime que notre démarche est tout à fait la bonne. En règle générale, un comité parlementaire permanent se réunit à raison de quatre heures par semaine et le Parlement siège à peu près 28 semaines par année. Cela signifie que dans une année, les comités entendent quelques 112 heures de témoignages.
À l'heure actuelle, nous siégeons pourtant à raison de 24 heures par semaine, et par conséquent, d'ici cinq semaines, nous aurons entendu davantage d'heures de témoignages qu'un comité en une année. Dans le cas où nous siégerions au-delà du 23 juin, date de l'ajournement de la session — ce qui se produira vraisemblablement — je prévois que nous passerons à 40 heures de séance par semaine. Je le répète, si mes calculs sont justes, en trois semaines, nous aurons entendu l'équivalent d'une année de témoignages.
Si je vous demande votre avis, c'est que j'estime pour ma part que, grâce à nos longues heures de séance et aux nombreux témoins que nous aurons entendus en étudiant ce projet de loi article par article, le résultat sera avantageux pour tous. Nous aurons en effet travaillé avec la diligence voulue. Il est même probable que d'ici fin juillet, nous ayons entendu l'équivalent de deux ans de témoignages en temps normal, ce qui est plutôt impressionnant. Si un autre comité parlementaire examinait un sujet ou un projet de loi pendant la même période, il pourrait certainement affirmer avoir fait du travail sérieux, avoir fait preuve de diligence raisonnable. En l'occurrence, le résultat de tous nos efforts, ce serait que la loi entre en vigueur. Nous aurions alors fait notre travail. Nous pouvons adopter ce projet de loi, car n'oublions pas qu'un gouvernement minoritaire peut tomber à tout moment.
J'aimerais donc que vous me disiez si d'après vous le projet de loi doit être adopté et s'il doit être traité avec l'attention soutenue qu'il nécessite, mais rapidement. On permettrait ainsi à l'objet de la loi, que vous semblez approuver, de se traduire de manière concrète. La loi serait effectivement en vigueur.
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Nous pourrions refaire l'histoire d'Enron, mais je crois que ce n'est pas le but de votre question. Dans l'affaire Enron, il y a plusieurs complices. La semaine dernière, deux des dirigeants les plus importants de l'entreprise ont été reconnus coupables. L'exemple vient d'en haut.
On peut trouver, dans la copie imprimée de mon texte, des citations de Warren Buffet qui indiquent que l'intégrité est vraiment ce qui importe le plus. D'autres associations, tout comme la nôtre, ont déclaré que seule l'histoire pourra déterminer ce que pourra régler le projet de loi C-2. Il suffit d'avoir à l'intérieur du système une bonne culture organisationnelle qui favorise les échanges et les bons freins et contrepoids, ce qui aide souvent la vérificatrice générale à établir si la faute est attribuable à la vérification interne. Ce processus était en place, mais il n'avait pas sa place, si je peux m'exprimer ainsi. La création de comités de vérification internes indépendants et autonomes de la direction d'un ministère ou d'une société de la Couronne va-t-elle réparer la faute? Dans le secteur corporatif, beaucoup de choses ont été dites sur les comités de vérification indépendants qui font leurs preuves. Nous avons hâte qu'ils soient établis. La politique n'entrera en vigueur qu'en 2007, mais on nous assure que plusieurs ministères sont déjà intéressés.
Plusieurs de nos membres dans l'ensemble du Canada, des comptables généraux licenciés, ont une grande expertise et beaucoup d'expérience dans le milieu corporatif et autres. Ils souhaitent siéger à ces comités, qui ne seront pas seulement des comités de comptables. On ne peut dire que c'est la faute des comptables ou des vérificateurs, car ils font partie intégrante du système. Vous savez que les agents financiers sont sur la sellette. Ils sont sur la ligne de front de ce secteur. La présence d'agents financiers n'était pas évidente, dans le cadre de cette situation.
Je suis certaine que je n'ai pas répondu à votre question, monsieur Petit, mais c'était mon exercice de patinage matinal.