:
Bonjour, chers collègues.
Nous sommes le mardi 11 mars 2008 et il s'agit de la 18e séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
J'aimerais rappeler à tous que la séance d'aujourd'hui est télédiffusée. Je demande également à nos invités à l'arrière de la salle du comité de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire et aux différents participants ici de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire ou leur BlackBerry.
Aujourd'hui, notre comité poursuit son étude de la mission canadienne en Afghanistan. Pour ce rapport qui est en voie de rédaction, nous avons consacré de nombreux mois à l'étude du rôle du Canada en Afghanistan, aussi bien les aspects liés à la sécurité que les aspects liés au développement. À cette fin, nous entendrons aujourd'hui des membres du Groupe d'experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan.
Nous demandons à nos amis des médias de quitter la salle immédiatement. Nous comprenons votre désir d'être ici.
Comme je l'ai déjà dit, nous accueillons trois membres du Groupe d'experts sur le rôle futur du Canada en Afghanistan, trois personnes qui, à vrai dire, se passent de présentation. Premièrement, l'honorable John Manley est de retour devant le comité à titre de président du groupe d'experts, accompagné de deux membres de ce groupe, M. Derek Burney et Mme Pamela Wallin.
Nous vous souhaitons la bienvenue au comité des affaires étrangères.
Il n'y a pas pas de déclaration liminaire de la part de nos témoins. Nous allons passer immédiatement au premier tour de questions.
Le comité tient à vous remercier de votre travail, et du temps et du dévouement que vous avez consacrés à la rédaction de votre rapport. C'est un rapport que nous avons examiné, que tous les Canadiens ont eu l'occasion d'examiner. Il a suscité beaucoup de débats et nous en sommes heureux. Je pense que toutes les parties, tous les Canadiens veulent savoir ce que vous avez appris pendant votre séjour là-bas et à la suite de vos rencontres; nous vous sommes reconnaissants du travail difficile que vous avez effectué.
Sans plus tarder, nous allons passer au premier tour. Comme nous avons le consentement unanime, il s'agira d'un tour de 10 minutes.
Je cède la parole à M. Wilfert.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue, Bernard Patry.
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres du groupe d'experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan et j'aimerais tout particulièrement souhaiter la bienvenue à John Manley, mon ancien patron lorsque j'étais secrétaire parlementaire du ministre de l'époque.
Monsieur le président, une des principales recommandations du rapport était que le maintien de la présence du Canada était subordonné au déploiement d'un groupement tactique supplémentaire de l'OTAN d'environ 1 000 soldats. Comment en êtes-vous arrivés à cette conclusion, étant donné, par exemple, que dans un témoignage présenté devant le présent comité le 14 février, le général à la retraite Lewis MacKenzie a dit qu'il recommanderait 4 000 soldats additionnels dans la seule province de Kandahar et 10 000 autres dans le Sud de l'Afghanistan? D'autres experts militaires ont suggéré le chiffre de 5 000 soldats. Ces chiffres sont nettement plus élevés que celui que le groupe d'experts a recommandé.
Pouvez-vous donner au comité l'assurance que vous avez confiance dans ce chiffre de 1 000 soldats? Si je pose la question, c'est que nous avons demandé à maintes reprises des éclaircissements au gouvernement au sujet du chiffre de 1 000 soldats et qu'il nous a répondu essentiellement de vous poser la question.
Je laisse les membres du groupe d'experts répondre à cette question.
:
Je pensais que lorsque la période des questions s'échauffait, vous deviez, à titre de secrétaire parlementaire, répondre aux questions.
Premièrement, peut-être qu'avant de répondre à votre question, je pourrais, à titre de mise en contexte, dire que la conclusion selon laquelle le prolongement de l'engagement du Canada devrait être conditionnel a été une conclusion à laquelle nous sommes arrivés après une longue période de délibérations. Dans les faits, elle était fondée sur une première conclusion voulant que le rôle du Canada en Afghanistan était un rôle juste, noble et axé sur le bien, et un prolongement approprié de la politique étrangère canadienne, mais qui ne devait pas être joué d'une manière naïve et que nous ne devrions pas non plus exposer la vie de nos jeunes gens s'il n'y avait pas une possibilité raisonnable qu'ils puissent réussir dans la tâche qu'ils ont entrepris avec beaucoup de courage.
Nous avons ensuite commencé à examiner certaines des conditions. À vrai dire, nous ne sommes pas des spécialistes du domaine militaire non plus. L'OTAN elle-même a publié des chiffres précisant quel devrait être l'effectif militaire. Si ma mémoire est fidèle, dans le Sud, de façon générale, et non pas à Kandahar précisément, on a publié que l'augmentation devrait être de 4 000 soldats, et les recommandations que nous avons reçues de nos militaires, en particulier des généraux Hillier et Laroche, étaient que dans la province de Kandahar, on avait besoin d'un groupement tactique supplémentaire de 1 000 soldats. Dans notre rapport, nous avons recommandé que ce chiffre devait être le minimum que le Canada devrait rechercher.
Ce que je vais faire, si vous êtes d'accord, monsieur le président, c'est inviter mes collègues à dire quelque chose, s'ils le désirent. J'ai constaté au cours des semaines pendant lesquelles nous avons travaillé ensemble qu'ils étaient plutôt timides, mais peut-être qu'ils pensent qu'ils aimeraient ajouter quelque chose à mes réponses. Alors, si cela vous convient, monsieur le président, je voudrais simplement les inviter à dire ce qu'ils aimeraient dire.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Manley, madame Wallin et monsieur Burney.
Monsieur Manley, votre deuxième recommandation portant sur le déploiement de troupes tactiques supplémentaires, comme mon collègue vient de le mentionner, implique-t-elle, en un certain sens, une rotation des troupes canadiennes?
[Traduction]
Vous avez reconnu qu'aucune insurrection ne peut être vaincue par la seule force militaire et vous avez mis l'accent sur les deux autres D, développement et diplomatie.
[Français]
Sur le plan du développement comme tel, vous dites ceci à la page 41 de la version française: « Il faudrait apporter des modifications aux procédures de l’ACDI au besoin afin de faciliter cette nouvelle orientation. »
D'après ce que je comprends, cela voudrait dire que l'ACDI a échoué en Afghanistan. Quelles sont les procédures que l'ACDI devrait modifier?
:
Il y a certainement une rotation des troupes qui reviennent au Canada. Normalement, c'est pour une période de six mois, mais en ce qui concerne la rotation des troupes dans d'autres rôles au sein des forces armées de l'OTAN...
En effet, on aimerait avoir des rotations de rôle parce que c'est plus difficile dans le sud. Cependant, il n'y a pas vraiment un principe de rotation. Il est nécessaire que l'OTAN insiste sur le fait que cette organisation a pris des décisions importantes à l'égard de l'Afghanistan. Tous les pays membres ont l'obligation d'y participer. On ne peut pas simplement dire qu'il doit y avoir une rotation. Les Canadiens et les Canadiennes ont décidé d'aller à Kandahar. Il y a des avantages car après quelques années, nous avons une meilleure compréhension de la situation en Afghanistan. On y a déjà investi.
On a dit que l'ACDI est importante pour nos activités en Afghanistan. Il faut que la mission change. Il faut consacrer plus d'efforts à la reconstruction et au développement en Afghanistan afin d'aider la population à améliorer sa situation. Même s'il est bon d'aider des groupes internationaux et multilatéraux et le gouvernement de l'Afghanistan, il faut que dans la province de Kandahar, l'ACDI et les organisations non gouvernementales qui travaillent avec elle puissent mettre des projets sur pied. Ce n'est pas simplement une question de programmes, c'est une question de projets qui sont visibles pour la population. C'est le changement qu'on a recommandé.
:
Je voudrais simplement ajouter en réponse à la seconde partie de votre question, monsieur Patry, que je pense, premièrement, que l'ingrédient le plus essentiel pour le développement à Kandahar est la sécurité. Sans sécurité, il ne peut y avoir de développement.
Plutôt que de porter un jugement critique sur le travail de l'ACDI, je pense que ce sur quoi nous avons voulu insister, c'est qu'après tout, il s'agit d'une zone de guerre et que les procédures qu'utilise normalement l'ACDI pour fournir ce genre d'aide au développement ne sont pas directement applicables à cette situation particulière. Alors, ce que nous recommandons, essentiellement, c'est qu'il y ait un changement dans les procédures permettant de répondre plus rapidement à des besoins plus fondamentaux des habitants de Kandahar dont le territoire a été rendu plus sûr par nos activités militaires. C'est ce qui nous préoccupait, la capacité de l'ACDI de réagir rapidement pour fournir de l'aide comme des puits pour l'eau potable, des centres de soins de santé, des besoins très fondamentaux des gens, de manière que toute la stratégie de libération, protection et aide au développement dans une zone de guerre soit appliquée de manière efficiente.
Le changement dans les procédures qui ont été mises de l'avant et le changement d'orientation que nous avons recommandé avaient pour but de mieux adapter les activités à l'effort de reconstruction, aux besoins immédiats des habitants de Kandahar, par opposition aux besoins à long terme du gouvernement afghan de développer des capacités et des compétences pour diriger un gouvernement.
:
Je veux simplement mettre plus d'accent sur ce point parce que les Afghans eux-mêmes nous ont dit que bien que nous dépensions des sommes d'argent astronomiques en matière d'aide et de développement, beaucoup de gens n'en sont pas conscients. Cela n'était pas suffisamment visible. Même s'ils avaient des sentiments très favorables à l'égard des Canadiens et qu'ils croyaient que nous étions là-bas pour aider et pour toutes les bonnes raisons, ils ne pouvaient pas dire à quel moment nous aidions en matière d'éducation ou de santé, ou ce genre de choses, parce qu'une grande partie de l'argent était canalisée vers d'autres mécanismes de prestation. Alors, on ne pouvait rendre à César ce qui appartient à César.
Nous avons également entendu de la bouche de nos soldats que le fait d'avoir une image plus complète, non pas uniquement une image de soldats, de ceux qui affrontent l'ennemi, mais également une image de personnes qui apportent des solutions aux problèmes qu'éprouve le peuple afghan, rend leur travail beaucoup plus facile sur les deux fronts. Cela facilite le travail des soldats et le travail de ceux qui font du développement et de l'aide humanitaire, s'ils sont vus comme un tout, et non comme une entité militaire et une entité de développement séparées.
:
Merci, monsieur le président.
Dans votre rapport, vous ne faites aucune mention d'une date butoir, c'est-à-dire d'une date à laquelle le Canada devrait se retirer de l'Afghanistan. Ce faisant, vous faites fi, d'une certaine façon, de l'opinion d'une majorité de citoyens qui ont dit qu'ils voulaient que le Canada retire ses troupes.
Donc, non seulement la date de 2009 n'est pas retenue, mais on n'indique pas vraiment de date au-delà de laquelle le Canada se retirerait du pays. Pourtant, nous faisons partie de cette coalition avec beaucoup d'autres pays — 38 pays, si je me souviens bien — et nous ne comprenons pas pourquoi le Canada devrait continuer à être présent dans la partie la plus dangereuse du territoire, alors qu'il y a d'autres pays qui, à notre avis, pourraient aussi faire leur part afin que nous participions à d'autres éléments de la mission que le Canada connaît mieux en termes d'aide.
En ce qui concerne la date butoir, il y a des pays qui en ont fixé une. Par exemple, les Pays-Bas ont affirmé récemment qu'ils veulent sortir de l'Oruzgan le 30 juillet 2010. Alors, pourquoi le Canada ne pourrait-il pas faire la même chose? Pourquoi cette question, cette responsabilité d'être en zone de guerre, repose-t-elle sur nous entièrement? Cela veut-il dire que les citoyens et citoyennes du Canada devraient considérer que nous serons en Afghanistan indéfiniment?
:
D'abord, je dirais qu'il faut bien comprendre qu'on n'est pas seuls. On n'a pas de partenaires dans la province de Kandahar, mais il y en a d'autres dans le sud qui sont en danger, qui mènent des actions très difficiles. Près de nous, dans la province de Helman, il y a les Britanniques et les Danois. Les Pays-Bas sont en Oruzgan avec les Australiens. Les Américains sont dans le sud avec les Roumains.
C'est une tâche difficile qu'on a choisie, mais nous ne sommes pas seuls. Nous participons certainement avec d'autres et nous pensons qu'il faut que l'OTAN nous trouve un partenaire qui agisse avec nous à Kandahar.
Pourquoi n'avons-nous pas recommandé une date de retrait? Nous en avons discuté et nous nous sommes dit — je ne sais pas exactement de quelle façon on traduit ça en français — que notre mission should not be half-hearted nor open-ended. Mais il nous était impossible de déterminer, selon nous, à quelle date nous pourrions affirmer que notre mission serait terminée. Par contre, on peut dire quelles tâches il est nécessaire d'accomplir. Nous avons considéré que nous pourrions quitter le territoire lorsque l'armée et la police seraient en mesure d'offrir la sécurité à la population afghane, et ce n'est pas une date que l'on peut déterminer.
Maintenant, je crois que le Parlement, si je comprends bien, va décider d'une date butoir. À mon avis, c'est le rôle du Parlement et non celui de notre panel. Il faut donc déterminer maintenant quelles tâches nous devrons accomplir, à quelles dates, pour pouvoir dire qu'en 2011, on pourra retirer les troupes et que la tâche sera terminée. C'est le rôle de nos fonctionnaires.
:
Nous avons effectivement recommandé une date précise pour les conditions que nous avons fixées. Nous avons dit que nous devrions recevoir cette aide, en termes de soldats et d'équipements pour les forces canadiennes, avant février 2009. Autrement, le Canada devrait signifier son intention de transférer la responsabilité de la sécurité de Kandahar à quelqu'un d'autre.
Nous ne sommes pas en position de savoir si on répond ou non à ces conditions. Ce n'est pas notre responsabilité. Mais nous avons effectivement fixé une date précise pour que les conditions soient remplies.
C'est une question très différente lorsqu'on parle de savoir quand la mission serait terminée. Nous pouvons soit supposer que l'on peut mettre un calendrier arbitraire sur une mission, aussi compliqué que cela puisse... Comme l'a dit le président, nous avons passé beaucoup de temps à débattre de cette question, pour voir. Nous savions que les Canadiens auraient beaucoup aimé que le groupe d'experts dise, vous savez, le 31 décembre de telle ou telle année, notre mission sera accomplie. Nous n'avons trouvé aucune logique opérationnelle qui nous aurait permis de fixer un moment précis pour la fin de la mission. Nous avons vu la mission comme étant axée sur le rendement et non sur le temps.
Nous nous attendons pleinement à ce que les forces de sécurité afghane assument, dans une certaine mesure, la responsabilité principale de la sécurité au cours de l'année qui s'en vient et au cours des deux à trois prochaines années. Mais à quel moment seront-elles en mesure d'assumer l'entière responsabilité de la sécurité à Kandahar, personne ne peut le dire avec certitude aujourd'hui, dans la mesure où nous puissions le faire d'un point de vue opérationnel. Du point de vue politique, c'est une autre histoire. Nous ne formulions pas une recommandation politique.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier le groupe d'experts d'être venu témoigner devant le comité. Comme vous le savez, il y a un débat en cours, et vous en faites partie. Nous avons le débat à la Chambre des communes. Il a fallu de ce côté-ci de la Chambre pas mal, je dirais, de persuasion pour que mes collègues, mes amis d'en face, acceptent que vous veniez. Initialement, ils étaient réticents à l'idée que vous veniez. J'ignore pourquoi. Mais de toute façon, vous êtes ici.
:
Nous sommes très heureux que vous soyez ici dans le cadre du débat qui a lieu.
Comme vous le savez, depuis que votre rapport a été rendu public, le gouvernement a pris des mesures concrètes pour donner suite à un certain nombre de recommandations que vous avez formulées. Évidemment, même cette motion qui a été présentée devant la Chambre et qui doit être débattue avec l'apport du Parti libéral également... Je veux dire à ma collègue du Bloc que cette motion comporte une date butoir qu'elle voudrait voir adoptée. Alors, elle devrait lire cette motion, qui sera débattue.
Comme vous le savez, à partir de vos recommandations, également, le premier ministre a contacté les alliés de l'OTAN pour obtenir ces 1 000 soldats. Il se rendra à Bucarest pour la réunion. Il a également créé un comité du Cabinet sur cette question. M. Mulroney, assis à l'arrière là-bas, en fait partie. Que pensez-vous des mesures prises par le gouvernement jusqu'ici pour atteindre l'objectif que vous avez recommandé au gouvernement? Voilà la première question.
La deuxième question, c'est que récemment, une délégation parlementaire britannique est venue au Canada pour examiner son rôle. Une chose qui a étonné ces gens, c'était que les Canadiens ne se rendent en Afghanistan pour voir les progrès, pour comprendre ce qui se passe et voir comment le progrès avance dans le temps, pour pouvoir revenir et faire rapport aux Canadiens. Je parle de Canadiens en général; je ne parle pas d'un groupe d'experts comme le vôtre. Cela aiderait les Canadiens à comprendre le sacrifice et à l'engagement extraordinaires des Canadiens en Afghanistan. Ne pensez-vous pas qu'il s'agirait là d'une bonne recommandation à formuler?
:
Laissez-moi tenter de répondre à ces questions, monsieur Obhrai.
Premièrement, comme je le sais très bien, on ne compte plus dans cette ville les rayons de bibliothèque qui contiennent des rapports rédigés par des commissions royales, des groupes d'experts, des comités, des groupes de travail spéciaux et, oserais-je dire, des comités parlementaires, qui n'ont jamais été relus et, a-t-on besoin de l'ajouter, auxquels on n'a jamais donné suite.
Alors, en général, je devrais dire, parlant en mon nom et, je pense, au nom de mes collègues, que nous sommes enchantés que le gouvernement ait adopté une bonne partie de nos recommandations. Nous sommes particulièrement heureux qu'il semble que le Parlement ait démontré une des façons qu'il peut réaliser un consensus, du moins un consensus de la majorité, sur une question qui est d'une grande importance pour les Canadiennes et les Canadiens et sur laquelle reposent le respect international et le prestige de notre pays. Alors, nous en sommes très heureux.
Dès le départ, nous croyions, et c'est certainement ce que je croyais au moment où j'ai accepté cette tâche, que lorsque nous demandons à nos jeunes hommes et à nos jeunes femmes de mettre leur vie en danger, nous devons mettre de côté la partisanerie et examiner les intérêts du pays. Que je sois d'accord ou non, lorsque nos enfants risquent leur vie, nous n'avons pas d'autre choix que d'essayer de trouver une façon de nous assurer de les authentifier dans la tâche qu'ils ont accepté d'accomplir.
Pour ce qui est de se rendre sur place pour voir, j'ai fait trois voyages en Afghanistan, une fois en tant que ministre en janvier 2002. J'ai été le premier ministre canadien, je pense, à se rendre en Afghanistan en plus de 40 ans. M. Mulroney m'accompagnait en tant que l'un de nos représentants. Je me suis rendu dans ce pays une nouvelle fois en tant que directeur de CARE Canada, avant d'accepter cette tâche, et ensuite, j'y suis allé avec mes collègues du groupe d'experts. Chaque fois, j'ai beaucoup appris, et j'ai été en mesure de constater certains des progrès qui ont été réalisés.
Les Canadiens doivent comprendre que l'Afghanistan est un pays extrêmement pauvre. Nous pensons à Haïti qui est le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidentale. Or, le revenu par habitant en Afghanistan est la moitié de celui que l'on observe en Haïti. Les progrès se font petit à petit, à la pièce, et touchent l'eau, l'électricité, le logement, les écoles pour les enfants, les hôpitaux pour traiter les gens.
Si vous vous rendez dans ce pays — j'ai parlé à votre président et j'espère que le comité aura l'occasion de s'y rendre, bien que je vous suggère d'y aller en petits groupes plutôt que de former une caravane —, les gens vous diront que bien qu'ils aspirent à plus, ils reconnaissent les progrès qui ont été accomplis et qui sont en train de se réaliser.
Oui, c'est une mission militaire, et, oui, les Canadiennes et les Canadiens ne sont pas habitués à voir nos soldats dans les combats. Mais sous-jacente à la mission militaire, il y a la tâche fondamentale d'améliorer la vie de certaines des personnes les plus pauvres et les plus défavorisées du monde, et les Canadiens seront en mesure de voir les progrès s'ils vont visiter ce pays.
:
Nos soldats, nos troupes, comptent parmi ceux qui en ont parlé le plus éloquemment. Avant même notre départ, des gens m'ont téléphoné à la maison, des soldats qui se sont portés volontaires pour s'y rendre une fois, deux fois et même trois fois, parce qu'ils avaient foi en la mission, celle plus grande qui vise à améliorer le sort des gens.
Un soldat m'a téléphoné et m'a décrit les écoles et ce qu'il ressentait quand il les visitait et qu'il voyait les visages des petites filles. Nous avons aussi fait cela. Quand vous voyez ces visages regardant attentivement ces étranges créatures qui viennent de loin, cela vous touche, vous savez que ça fait tout autant partie de cette mission, dans l'esprit de chaque soldat, de celui de chaque personne qui participe au développement, que de maintenir l'ennemi à distance.
Donc, à ce niveau, c'était véritablement gratifiant de voir que des progrès ont été faits.
:
Je vous remercie et vous félicite pour votre travail et vos efforts pour faire ce rapport qui est très exhaustif. Je suis sûr que c'était épuisant. Je crois comprendre que vous vous êtes rendus dans des régions isolées à cette fin, donc félicitations encore une fois.
J'aimerais dire quelque chose sur une partie du rapport où il est question d'un retrait militaire prématuré ou d'un retrait partiel mal préparé.
Madame Wallin, dans la conversation que nous avons eue juste avant la réunion du comité, il a été question de négociations avec les talibans. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il ne faut jamais négocier en position de faiblesse; il faut négocier en position de force. Les guerres se terminent et beaucoup de ceux qui étaient des ennemis rallient le gouvernement s'ils veulent participer, pas tous, mais la plupart.
Dans le contexte de ces négociations et d'un retrait prématuré, quel est le sentiment des femmes de l'Afghanistan, des parlementaires, sur la question des talibans? Êtes-vous convaincue que personne ne veut que les talibans reviennent au pouvoir? Est-ce quelque chose que l'on ne peut tout simplement pas négocier avec elles? Où peut-on commencer? Faut-il retirer les femmes du Parlement? Faut-il abolir les droits des femmes?
Donc, êtes-vous convaincue, en tant que femme, qu'il y a encore beaucoup de travail à faire et qu'il est tout simplement trop tôt pour laisser ce problème de côté tant que cette question particulière n'est pas réglée?
:
Oui, ils tout à fait juste de dire que nous n'avons rencontré personne qui pense qu'il serait acceptable que les talibans reprennent le pouvoir. Nous sommes passés près d'un stade à Kaboul où des centaines de femmes avaient été alignées et tuées, simplement parce qu'elles étaient des femmes. Le souvenir de cette tragédie est encore très fort. Il y avait des mères, des soeurs, des filles ou des personnes apparentées d'une façon ou d'une autre. Donc, voilà ce qu'est la réalité; ces souvenirs ne s'effacent pas rapidement.
Les Afghans comprennent, peut-être beaucoup mieux que nous qui sommes des étrangers, qu'il existe des différences entre les talibans. Il ne s'agit pas d'un groupe monolithique. D'un côté, il y a des extrémistes, des militants durs qui sont responsables, ou qui ont au moins participé, à des attentats comme celui du 11 septembre. Mais il y a aussi ceux qui sont devenus talibans par souci de commodité. Parce qu'ils n'ont pas pu recevoir un chèque de paie de notre part ou parce que nous n'avons pas été suffisamment efficaces pour le leur remettre par l'entremise de l'OTAN ou de l'ONU, ils ont fini par accepter l'argent d'un baron de la drogue ou d'un chef taliban pour nourrir leur famille et subvenir à leurs besoins.
Il y a donc plusieurs types de talibans. Il ne faut pas fermer la porte aux discussions avec ceux qui ont renoncé à la violence et aux attentats et qui ont participé à la reconstruction du pays. Mais, c'est quelque chose qu'il est difficile d'apprécier de loin. C'est la raison pour laquelle nous avons toutes sortes de gens sur le terrain — des diplomates, des équipes de reconstruction, des militaires — qui peuvent nous aider à faire ces distinctions afin que lorsque nous serons sur le point d'ouvrir des discussions, si nous le faisons, nous parlerons de sujets pertinents avec les personnes appropriées.
:
J'aimerais ajouter quelques observations, monsieur le président.
Je crois qu'il est vraiment important de comprendre que ce soulèvement, à moins que ce ne soit une première, n'aboutira pas à une victoire militaire. La situation se réglera par un accord politique qui résoudra une partie des problèmes de ce pays. Comme nous le mentionnons dans notre rapport, des talibans ont commis des crimes très graves. Franchement, certains d'entre eux devraient comparaître devant la Cour pénale internationale de La Haye pour ce qu'ils ont fait, par exemple, dans la province de Bamyan aux Hazaras qui sont des chiites, mais aussi d'autres talibans devraient comparaître pour les atrocités incroyables qu'ils ont commises.
Ne perdons pas de vue le fait que finalement il faudra trouver une solution politique. Elle doit se fonder, bien sûr, sur un respect approprié envers les droits de la personne, notamment ceux de la femme et des autres membres de la société. Elle doit se fonder sur une renonciation à la violence. Nous ne devons pas nous cantonner à la position qui consiste à penser qu'une réconciliation politique est impossible et que nous sommes prêts à lutter jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de talibans, parce que franchement, nous n'y arriverons jamais.
:
Merci, monsieur le président, et merci à nos invités pour le travail qu'ils ont fait et pour être venus ici aujourd'hui.
À titre de précision, je parle en mon nom en tant que membre de l'opposition, il ne s'agissait pas de ne pas vous inviter au comité, mais plutôt de la façon dont vous vous seriez présentés au comité. Au départ, le gouvernement a déclaré que nous devrions avoir un comité mixte de la défense et des affaires étrangères et que vous en fassiez aussi partie en tant que membres du gouvernement, que les réunions soient télévisées avant d'aller à la Chambre. Nous avons répondu non merci; nous avons notre travail en tant que comité et nous sommes indépendants du gouvernement.
Permettez-moi de passer à votre rapport. Je rejoins les propos de mon dirigeant et des autres députés encourageant tous les Canadiens à le lire. Il est extrêmement important pour les raisons susmentionnées.
Je crois qu'il est juste de dire que la question qui nous est présentée, qui est présentée aux Canadiens, au Parlement, n'est pas de savoir si le Canada devrait aider l'Afghanistan, mais de quelle façon il devrait le faire. Je le dis en tant que membre d'un parti qui ne partage pas l'avis du gouvernement et ne rejoint pas la position officielle sur la façon de s'y prendre. L'une des recommandations dont nous avons déjà parlé propose l'envoi de 1 000 soldats de plus d'un autre pays de l'OTAN. Cela ne me surprend pas, et je pense, soit dit en passant, que l'accord a déjà été fait. La question est de savoir quel est le pays qui enverra ces soldats. Si ce n'est pas la France, il se pourrait que ce soient les États-Unis.
Ce qui m'inquiète, c'est le commandement et le contrôle. Je suis un nouveau député au Parlement et l'un des premiers débats que nous avons eus portait sur le prolongement de la guerre à la date limite actuelle. Nous devons voter à ce sujet demain, et il semble qu'il aura un prolongement jusqu'en 2011. Pendant ce débat, beaucoup de gens ignoraient, y compris les députés, que nous opérions sous le commandement et le contrôle de l'opération Liberté immuable qui ne s'est terminée qu'au mois de juillet; vous l'avez noté dans votre rapport.
Voici ma première question: si 1 000 soldats de plus sont envoyés et qu'il se trouve que ce soient des Américains, quelle en sera l'incidence sur le commandement et le contrôle? Nous savons que les Américains n'acceptent pas d'être sous le commandement et le contrôle d'un autre pays. Cela veut-il dire que le Canada sera donc sous le commandement et le contrôle des Américains ou aurons-nous un commandement et un contrôle distincts? Cela soulève d'autres questions sur la nature globale du déroulement de la mission. C'est, bien sûr, l'une des questions que vous avez soulevées.
Monsieur Manley, vous pouvez être le premier à répondre.
Nous avons tout d'abord voulu accomplir la mission qui nous a été confiée là-bas. Il faut des troupes supplémentaires pour atteindre les objectifs de développement nécessaires à l'amélioration de la sécurité. La structure organisationnelle de l'opération Liberté immuable a prévalu jusqu'à ce que l'OTAN prenne la relève, mais à un niveau opérationnel, si j'ai bien compris. Il y a longtemps que nos troupes n'ont pas été sous le commandement et le contrôle d'un autre pays. Nous avons eu une expérience plutôt malheureuse à ce niveau à Dieppe, et depuis, nous nous efforçons de commander et de contrôler nous-mêmes nos troupes. Je crois que ce que vous soulevez porte inévitablement sur un travail de coordination.
Pour nous, il est évident que les Forces canadiennes devraient faire plus d'efforts au niveau de la formation et du développement des forces de sécurité afghanes. La coordination est nécessaire si l'on veut que cela se fasse rapidement. Mais il faudra des efforts coordonnés.
Il y a des structures de commandement pour le commandement régional Sud auquel nous participons. il se trouve actuellement que le chef est un Canadien; avant lui, c'était un Britannique. Mais cela ne veut pas dire qu'ils disent aux troupes canadiennes où elles doivent se rendre, ce qu'elles doivent faire ou la façon dont elles doivent se conduire.
Comme vous le savez, il y a encore près de 12 000 soldats dans le cadre de l'opération Liberté immuable en Afghanistan. Ce qui me préoccupe, quand même, c'est que les Américains ont l'habitude au plan opérationnel... le colonel Capstick et d'autres témoins ont dit au comité que c'était un vrai problème — qui nous suivons? Je suis d'accord avec vous. J'espère que nous n'allons pas dans la mauvaise direction et que nous n'effectuons pas la mauvaise mission, qui consiste seulement à lutter contre les insurgés. En termes simples, il n'est pas facile de trouver l'ennemi, de le capturer et de le tuer. Je ne veux pas voir de citoyens canadiens appelés à faire cela.
Hier, une électrice, dont le fils est à l'armée, et moi avons parlé du fait que nous devons veiller à étudier cette question d'une manière approfondie et soigneuse. Elle est complètement en désaccord avec la mission et est très inquiète. En fait, elle m'a téléphoné en raison du vote qui arrive.
Ce qui me préoccupe c'est que si nous ne prévoyions pas les conséquences de l'envoi, dans ce cas, de 1 000 soldats américains, c'est-à-dire qui va vraiment décider de ce qu'il faudra faire? Et le nombre de soldats américains déjà sur place a une incidence — que je ne qualifierais pas — sur les opérations sur le terrain au Sud. C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question.
Je vais passer à une question qui intéresse beaucoup de monde et dont vous avez déjà parlé. Tout le monde est d'accord pour dire que l'on ne peut pas gagner militairement. Nous l'avons entendu dire maintes et maintes fois par des militaires, par des gens qui travaillent dans la reconstruction, par des membres de l'opposition, par le gouvernement — enfin, pas tellement par le parti ministériel, mais cela arrive de temps en temps. Il semble que le gouvernement ait retiré de ce rapport, ce que j'appelle un petit enthousiasme, c'est-à-dire que 1 000 soldats, un plus grand nombre d'hélicoptères et de drones feront l'affaire. Je n'ai pas lu cela dans votre rapport.
Je recherche, et notre autre parti a demandé, d'autres possibilités particulièrement au plan de la réconciliation et de la diplomatie. Nous n'avons pas suffisamment de ressources sur le terrain pour faire cela, et il n'y a pas un équilibre des forces. Que diable devons-nous faire? Je ne pense pas que vous demandez 1 000 soldats, des hélicoptères et des drones et que ce sera tout. Mais, c'est ce que le gouvernement dit, me semble-t-il.
:
Oui, j'espère que personne ne lira notre rapport de cette façon, car nous avons vraiment essayé de souligner qu'il y avait une occasion. Quand j'étais ministre des Affaires étrangères, nous avons d'abord parlé de l'approche des trois D: diplomatie, développement et défense.
Nous ne pouvons pas gagner militairement. Nous pouvons, cependant, perdre militairement. Donc, nous ne pouvons pas envoyer l'Armée du Salut; nous devons envoyer les Forces canadiennes. Elles doivent être équipées et capables d'accomplir la mission. Mais si nous nous arrêtons à cela, vous avez raison, la fin ne sera pas heureuse. Le résultat sera difficile et décevant.
Nous essayons de dire que pour la sécurité de nos forces... Personne ne veut avoir des pertes, non pas que nous devrions craindre de perdre des soldats, mais c'est un terrain difficile, et je ne voudrais pas que l'on croit que le Canada ne prenne que des missions faciles dans le monde, que nous allons seulement dans les endroits où nous pouvons fournir de l'aide, puis que nous prenons des vacances en fin de semaine. Les conditions dans ce pays sont très très difficiles.
Mais, des êtres humains y vivent et nous essayons de les aider. Il faut donc qu'il ait une sécurité. Nos troupes doivent pouvoir se déplacer en sécurité, c'est la raison pour laquelle nous avons mentionné les hélicoptères. Nous devons être en mesure de voir ce que les insurgés font sur le terrain, c'est la raison pour laquelle les drones sont si importants. Ce sont tous des outils précieux pour améliorer la sécurité. Mais, bonté divine, si nous oublions que nous sommes là-bas pour améliorer la vie des gens, pour leur donner un gouvernement qui puisse s'occuper d'eux après notre départ, nous perdons vraiment notre temps.
:
J'ai deux ou trois points.
On ne peut séparer le matériel de la mission. Je pense que le groupe de témoins a l'intention et croyait fermement que notre responsabilité en tant que pays est de veiller au bien-être de nos troupes et de celui des personnes auxquelles nous demandons ce genre de sacrifice avant, pendant, et après cette situation, mais ils ont certainement besoin de cet équipement quand ils sont au beau milieu de cette situation. Quand on voit ce qui se passe... Nous avons été chanceux quelques fois d'être en hélicoptère. Nos jeunes soldats sont sur des routes truffées de IED où ils perdent leur vie et des parties de leur corps. Ils ont besoin d'un meilleur équipement dans cette région.
J'aimerais aussi dire quelque chose sur ce qui a été dit sur les Américains, parce que je crois que vous vous méprenez. L'opération Liberté immuable n'est pas seulement une opération strictement militaire. Nous avons rencontré des responsables de l'opération Liberté immuable...
:
Merci, monsieur le président et merci aux témoins.
Je suis ravi de voir le rapport. Je l'ai lu avec beaucoup d'attention et je suis heureux que finalement nous ne discutons pas de renseignements superficiels comme l'avons fait dans le passé.
J'aimerais que vous nous dites le type de relations que nous devrions avoir avec le Pakistan. Votre rapport demande un engagement très ferme vis-à-vis des pays voisins de l'Afghanistan, et en particulier le Pakistan, afin de réduire le risque à la stabilité et la sécurité régionales. Selon vous, jusqu'à quel point la sécurité de l'Afghanistan, particulièrement à Kandahar, dépend de la situation au Pakistan?
J'aimerais aussi ajouter que lorsque vous avez écrit votre rapport, la situation était très grave au Pakistan, et je suis d'accord, le chaos profite aux insurgés. Mais des élections ont eu lieu, donc le pays semble sur la voie de la démocratie. Si nous parlons aux Pakistanais, ils nous diront — comme ils vous diraient probablement — qu'ils ont déployé 100 000 soldats et qu'ils ont eu de lourdes pertes. Ils ont déployé tout un corps d'armée à Peshawar.
J'aimerais que vous nous précisiez le type d'engagement dont nous parlons. S'agit-il d'augmenter la capacité pour régler le problème ou s'agit-il strictement d'une offensive diplomatique?
:
Je vais demander à M. Burney de faire quelques observations là-dessus également, à partir de son expérience. Je dirai tout d'abord que je crois que c'était la première fois depuis très longtemps que nous considérions les élections au Pakistan avec optimisme compte tenu de la conjoncture dans ce pays. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport, nous étions en train de le rédiger à l'époque où Benazir Bhutto a été assassinée, et la situation paraissait effectivement bien sombre. Je crois qu'on ne peut décrire la défaite des extrémistes islamistes aux élections autrement que comme étant de bon augure.
Il ne fait aucun doute que l'incapacité d'assurer la sécurité à la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan, en plus de l'aide financière qui a été si facilement accessible aux insurgés — comme nous l'avons déclaré dans notre rapport, nous croyons qu'elle provenait dans une large mesure des États du Golfe et de citoyens de l'Arabie saoudite — compromet actuellement la sécurité des Forces canadiennes et d'autres membres de la FIAS en Afghanistan. Par conséquent, il va sans dire que ce serait très prometteur s'il existait une façon de régler ce problème. Je pense donc que la plupart d'entre nous au groupe d'experts conviennent que le Pakistan a peut-être été l'endroit le plus dangereux au monde et que son avenir a une incidence directe sur l'Afghanistan.
Que peut faire le Canada? Sincèrement, nos relations avec le Pakistan se limitent à des mesures diplomatiques. Nous lui offrons de l'aide. Je crois que cela devrait nous conférer une certaine influence à tout le moins. Plus particulièrement, nous devons agir de concert avec nos alliés dans nos relations avec le Pakistan afin de l'encourager et l'aider, s'il le souhaite, à contrer la situation qui sévit dans les provinces de l'Ouest.
Derek.
:
Je tiens juste à réitérer que c'est la région la plus dangereuse au monde. L'Afghanistan est entouré d'États qui possèdent des armes nucléaires ou en posséderont éventuellement. Il ne fait aucun doute que la frontière ouverte entre l'Afghanistan et le Pakistan est probablement, après le manque d'effectifs militaires, la plus grande lacune de la mission pour tenter de lutter contre les insurgés en Afghanistan.
L'une des raisons pour lesquelles on recommande d'augmenter les troupes, c'est évidemment pour contribuer à assurer une surveillance à la frontière avec les Afghans, qui est inexistante à l'heure actuelle. Tant et aussi longtemps que la frontière sera grande ouverte, les insurgés continueront sans cesse de se regrouper et recevoir du financement et de l'entraînement, et reviendront à Kandahar pour semer la zizanie.
Je veux juste insister cependant sur le dernier commentaire de John.
Notre première recommandation, la toute première du rapport du groupe d'experts, porte sur la nécessité d'intensifier les efforts diplomatiques — sous la direction du premier ministre — non seulement en ce qui a trait directement à l'Afghanistan, et sur la nécessité d'une stratégie plus exhaustive là-bas et d'une plus grande coordination pour que nous puissions travailler de concert avec nos alliés afin d'effectuer des démarches auprès du Pakistan d'une façon qui tient compte de la souveraineté du pays, mais nous permet de nous attaquer à la source du problème, qui se trouve dans une large mesure au Pakistan.
Comme l'a dit notre président, les résultats des élections, particulièrement dans les régions frontalières, nous encouragent. Nous espérons que c'est de bon augure, mais tout le monde sait que nous sommes bien loin de pouvoir nous réjouir totalement d'une stabilité au Pakistan.
Je voudrais simplement rappeler à votre comité que nous parlons de la région la plus dangereuse au monde. Ce n'est pas une partie de plaisir là-bas. Bien des gens concentrent beaucoup de leur attention ailleurs, mais quand on examine les pays qui entourent le Pakistan et tous les dégâts possibles que cette région peut causer, on comprend la complexité de notre mission et la tension qui s'y rattache.
:
Merci, monsieur le président. Je partagerai mon temps avec M. Chan.
Merci à tous d'être ici et de votre beau travail.
Je trouve intéressant que nous soyons allés en Afghanistan pour combattre Al-Qaïda, mais que les véritables menaces terroristes proviennent d'autres pays à l'heure actuelle et qu'on ne fasse absolument rien pour les contrer. C'est peut-être une histoire à réserver pour un autre jour.
Nous passons beaucoup de temps à parler du volet militaire de la mission, mais que diriez-vous si je vous disais que son véritable objectif, c'est le développement durable des quatre piliers de la sécurité de l'Afghanistan — des policiers afghans formés, équipés et rémunérés, une armée afghane, un appareil judiciaire afghan et des services correctionnels afghans —, est-ce que ce devrait être notre objectif? Quand nous irons à Bucarest, nous devrions peut-être avoir pour objectif de dire à nos partenaires de nous retrousser les manches et de faire en sorte d'investir dans ces quatre piliers et d'adopter une approche coordonnée, efficace et durable à leur égard.
Enfin, vous pourriez peut-être expliquer un peu le type de feuille de route concrète que vous pourriez nous proposer pour combattre la culture de l'impunité qui règne dans le gouvernement de M. Karzaï, et pour favoriser, en second lieu, la réconciliation politique qui doit avoir lieu entre les tribus en Afghanistan, surtout entre les tribus pachtounes et non pachtounes.
Merci.
:
Je me joins à mes collègues pour remercier le groupe d'experts de son excellent travail. C'est un problème très complexe, et vous avez essayé de le résumer dans votre rapport. Bien entendu, un grand nombre de points liés à la mission m'inquiètent beaucoup, mais il y en a quelques-uns qui s'imposent à mon esprit.
Premièrement, je suis préoccupé par le fait que comparativement à leur engagement en Yougoslavie, l'OTAN et l'Ouest ne semblent pas s'engager suffisamment pour ce qui est de s'attaquer à ce problème. Je parle des sommes consacrées au volet militaire et à l'aide qu'ils sont disposés à investir en Afghanistan.
Deuxièmement, je conviens que nous avons choisi d'être présents dans la région la plus dangereuse, mais je ne crois pas qu'il soit juste, seulement parce que nous avons commencé dans cette région, que nous devions y rester jusqu'à la fin. À mon avis, il est important que les autres membres de l'OTAN fournissent leur aide, pas à pas, et tirent parti de l'expérience que nous avons acquise. Nous devons bel et bien investir dans la mission. Mais nous devons aussi à nos troupes et à nos jeunes, comme vous l'avez dit, si nous risquons leur vie, de nous assurer, sur le plan politique et national, qu'ils soient traités équitablement au lieu de laisser nos soldats faire le gros du travail. Nous continuons de le faire sans chercher à obtenir un meilleur traitement pour nos soldats.
Troisièmement, vous parlez des efforts diplomatiques dans la région. Bon nombre des témoins qui ont comparu devant ce comité ont mentionné la réconciliation et les efforts démocratiques, parallèlement à nos efforts militaires, sous la direction des Nations Unies. Je crois que les Canadiens ont peut-être même un rôle à jouer à cet égard.
Ce sont là les trois points qui me restent à l'esprit.
:
Nous risquons de dépasser un peu.
Il s'agit là de questions importantes et difficiles.
Permettez-moi de commencer par dire que je crois que le comité convient tout à fait qu'il faut concrétiser ces quatre piliers évoqués par M. Martin.
Nous devons avoir des attentes raisonnables envers ce que nous réussirons à faire. Nous ne mettrons pas en place la Cour du Banc de la Reine dans la province de Kandahar. Nous devrons compter énormément sur les méthodes traditionnelles de règlement des différends, la sagesse des aînés et le respect que les gens vouent à leur propre collectivité pour qu'un système de justice raisonnable soit mis sur pied.
Dans le cas de la police, il faut du temps pour former des policiers et cela prend plus de temps pour les former que pour entraîner des soldats. Nous devons reconnaître le fait que même si tout le monde vous dira que l'armée nationale afghane est probablement l'une des grandes réussites des dernières années et que sa capacité et sa taille augmentent, nous ne pouvons pas en dire autant de la police. D'autres progrès plus optimistes sont réalisés, mais comme l'a mentionné M. Dewar je crois, même des choses élémentaires comme les rémunérer posent problème. Il n'y a pas de guichet automatique au Wal-Mart à Kandahar. Obtenir qu'ils soient payés présente son lot de difficultés. Eh bien, si vous ne payez pas vos policiers, et qu'ils sont tués plus rapidement que les soldats, il ne faut pas s'étonner qu'ils installent un poste de péage sur la route.
Ce sont là de grands problèmes. L'une des raisons pour lesquelles nous avons demandé une coordination très active des efforts, c'était pour régler certains de ces problèmes, ainsi que la question de la culture de l'impunité dont vous avez parlé qui règne au gouvernement, que nous appelons corruption. Là encore, nous ne réussirons pas à hisser l'Afghanistan à la tête de la liste des pays de Transparency International, mais nous pouvons apporter des améliorations.
L'inquiétude que nous avons, c'est que si nous n'insistons pas vraiment, ce qui doit être fait sur le plan diplomatique à notre avis, pour que le président Karzaï et ses ministres luttent contre la corruption, puisqu'on nous considère — pas seulement le Canada, mais la communauté internationale — comme les parrains de ce gouvernement, nous devenons alors mêlés à cette corruption.
S'il est une chose qu'on entend à cet égard concernant le soutien offert aux talibans — et aucun soutien ne leur est apporté —, c'est qu'on reconnaît que les talibans avaient peut-être bien des défauts, mais ils n'étaient pas corrompus. Nous devons craindre que si on ne déploie aucun effort pour régler ces problèmes, on perdra le soutien.
:
Permettez-moi d'ajouter un point sur la question de la corruption, et je vous l'exposerai en tenant compte du fait que vous êtes tous des membres élus du Parlement.
Vous devez comprendre que certaines des personnes qui ont été associées aux pratiques que nous voulons condamner ont été élues à l'assemblée nationale en Afghanistan. Nous avons même rencontré un staliniste — un communiste impénitent — qui aimerait voir un retour de l'Union soviétique en Afghanistan. Ce que j'essaie de dire, c'est que lorsqu'on sème les graines de la démocratie, on ne récolte pas toujours un verdict parfait de la part des électeurs. Certaines de ces personnes sont peut-être élues par les citoyens de leur localité pour bien des raisons, mais il est très difficile pour la communauté internationale d'imposer une norme de démocratie qui correspond à nos intérêts, par rapport à ce qu'ils considèrent être leurs intérêts.
Je n'essaie pas de l'excuser. J'essaie simplement de faire preuve d'un certain réalisme en disant que c'est peut-être un peu inhabituel.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président Manley, madame Wallin et monsieur Burney, je vous remercie de votre présence et de votre travail.
Dès la lecture de l'avant-propos de M. Manley, j'ai été interpellé par les éléments et les enjeux de la présence du Canada en Afghanistan. La sécurité de notre pays, le Canada, et du reste du monde, notre réputation sur la scène internationale et la possibilité de contribuer au mieux-être de l'un des peuples les plus pauvres de la planète m'ont beaucoup interpellé. La semaine dernière, nous accueillions six dames afghanes du Parlement afghan démocratiquement élues. Elles sont venues nous parler du grand bien que fait la présence du Canada là-bas et des grands résultats que nous avons obtenus.
Plus tôt, vous avez parlé de la rotation des militaires canadiens. Présentement, certains militaires d'autres parties du Canada se rendent en Afghanistan, et plusieurs soldats québécois rentrent au Québec. Comme plusieurs soldats de mon comté étaient en Afghanistan, j'ai fait des appels et j'ai parlé avec quelques-uns d'entre eux. Ils m'ont tous parlé de leur fierté du travail accompli. J'ai parlé avec un jeune homme qui a été rapatrié un peu plus tôt. Il y a deux mois, son épouse a accouché d'une petite fille. Il m'a dit que, n'eût été de l'accouchement, il aurait demandé de prolonger son séjour en Afghanistan de trois mois pour aider au travail qui s'y fait. Son frère reviendra dans deux jours.
Un autre militaire m'a dit qu'il lui était impossible de penser reconstruction et développement, formation et entraînement, sans présence militaire et sans la sécurité nécessaire pour assumer ces responsabilités. On peut bien vouloir faire du développement et de la reconstruction, mais sans militaires pour en assurer le suivi et la sécurité, c'est impossible.
J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
:
Bonjour, mesdames et messieurs.
D'entrée de jeu, j'aimerais préciser que je ne suis pas une très grande experte en matière et en stratégie militaires. Cependant, les droits humains, les droits des femmes et la démocratie me touchent particulièrement.
Dans votre rapport, monsieur Manley, vous affirmez que le Canada doit investir dans des projets qui répondent aux besoins urgents de la population afghane. Par rapport à la mission actuelle en Afghanistan, un témoin a déclaré récemment au comité, et je le cite: « Les priorités, les efforts de la mission semblent être confus. On a tous et chacun nos priorités. » Quand il dit « chacun », il parle des Nations Unies, de l'OTAN, des États-Unis et du Canada. Il se posait aussi la question suivante: « Est-ce qu'on est vraiment en Afghanistan parce que les Afghans nous ont demandé de l'être? »
Je fais référence aux interrogations de ce témoin parce que je me questionne beaucoup sur les propos tenus par Mme Malalai Joya, la parlementaire afghane qui a été expulsée à cause de ses critiques, entres autres, du gouvernement afghan. Elle affirme que la présence canadienne en Afghanistan ne change absolument rien à la situation des femmes dans le pays. Beaucoup de femmes afghanes se suicident. Il y a quelques jours encore, une femme afghane s'est immolée devant une cour de justice parce qu'elle ne pouvait pas obtenir justice.
Mme Malalai Joya, par l'entremise de son site Internet, informe les groupes de femmes d'ici de la situation en Afghanistan. Elle dit aussi que la grande majorité de la population afghane voit les troupes canadiennes comme des envahisseurs, et non comme une force alliée visant à aider les Afghans. Que pouvez-vous répondre à cela?
En conclusion, je reviens à ses propos selon lesquels la présence canadienne ne change absolument rien à la situation des femmes dans le pays.
:
Merci, madame Deschamps.
Je ne sais pas sur quoi Mme Joya se base pour faire ces déclarations. Ma première visite en Afghanistan a eu lieu en janvier 2002, alors que j'étais vice-premier ministre. Quand j'étais à Kaboul, j'ai visité un projet de l'ACDI organisé par l'ONG CARE. C'est pour cette raison qu'après la politique, j'ai accepté de participer avec CARE Canada. Ce projet visait à donner assez de nourriture aux veuves de Kaboul pour qu'elles puissent survivre. L'ACDI est l'une des seules organisations d'aide internationale qui ait continué à oeuvrer en Afghanistan pendant la période des talibans.
J'ai rencontré ces veuves; il y en avait 30 000 dans la ville de Kaboul. Le projet de CARE et du Canada avait pour but d'aider 10 000 veuves. Il s'agissait simplement de leur donner un sac de blé, un sac de haricots et une bouteille d'huile de canola pour un mois. Une femme m'a dit que son époux avait été tué pendant la guerre civile alors qu'elle avait six enfants, dont le plus jeune avait six mois. Elle a d'abord travaillé, mais quand les talibans sont arrivés, elle ne pouvait plus le faire. Elle m'a demandé de remercier les Canadiennes et les Canadiens, à mon retour au Canada, d'avoir sauvé la vie de ses enfants.
Notre panel est rentré il y a six ans. Maintenant, le projet de l'ACDI et de CARE n'est plus un projet simplement humanitaire. Ces veuves participent à un programme de développement, elles reçoivent des micro-prêts pour les aider à créer leur propre emploi. Il s'agit d'une transition formidable qui s'est effectuée en quelques années.
Peut-on dire que les gens là-bas vivent dans un confort comparable à celui qu'on trouve au Canada ou aux États-Unis? Non, pas du tout. C'est un pays qui est deux fois plus pauvre qu'Haïti. C'est un problème. La situation s'est-elle améliorée? Votre témoin pourrait venir en parler, mais pour ma part, j'ai constaté une amélioration.
La question que je vais poser s'adresse tout simplement au groupe d'experts. J'ai déjà mentionné que des parlementaires britanniques étaient venus ici pour parler de l'Afghanistan et de leur contribution, etc. À la question de savoir si un parti quelconque dans le Parlement britannique avait demandé le retrait immédiat des troupes britanniques, ils ont répondu que non, aucun. Pourtant, nous avons ici, bien entendu, un parti qui évoque cet argument, et il y a divergence d'opinions sur la question de savoir si nous devrions nous retirer maintenant et nous occuper ensuite de tout le reste.
J'aimerais savoir quel impact cette déclaration aurait en Afghanistan, non pas chez nous, mais chez le peuple afghan. Toutefois, dans notre débat ici, nous sommes confrontés à la question du retrait immédiat. Donc, cela aurait-il un impact négatif sur la sécurité et nous empêcherait-il de parvenir au règlement politique que nous qualifions tous d'indispensable puisque les Afghans pourraient se demander, à quoi bon? Dans tous les autres pays, aucun parti n'a fait cette demande, me semble-t-il.
Je sais qu'il s'agit d'une question délicate sur le plan politique, mais je crois qu'il est préférable de l'aborder. Nous ne pouvons pas tout simplement fermer les yeux là-dessus. Nous devons prendre le taureau par les cornes.
:
Monsieur Obhrai, évidemment, je ne fais aucune partisanerie. Et nous n'avons pas essayé de rédiger un rapport d'un point de vue partisan. Je crois que les observateurs les plus impartiaux ont affirmé que nous avions critiqué les gouvernements — au pluriel — des différentes allégeances dans notre rapport. Nous avons fait des recommandations qui étaient fondamentalement basées sur ce que nous jugions être dans l'intérêt national.
Je peux peut-être présenter la chose ainsi: si vous croyez que le Canada doit jouer un rôle actif dans la promotion des valeurs canadiennes à l'étranger, il s'agit alors d'un principe et si vous y souscrivez, vous devez alors vous demander par quels moyens un pays peut y arriver.
J'ai longtemps cru — et je le croyais quand j'étais ministre des Affaires étrangères — qu'il n'existe essentiellement que trois façons dont les pays peuvent influer sur le monde et promouvoir leurs valeurs: l'aide au développement, la diplomatie et la défense. Cela dit, il est entièrement légitime d'adopter le point de vue selon lequel nous devrions nous limiter à seulement un ou deux de ces éléments. C'est un point de vue légitime. Mais ce n'est pas celui que je partage.
Lorsque j'ai été nommé ministre des Affaires étrangères, je pensais réellement que le Canada s'était taillé une place de choix dans le monde. C'est ce que nous disions tous, et nous étions tous très fiers de l'héritage que nous avait légué le lauréat du prix Nobel, Lester B. Pearson. Mais j'ai découvert qu'en réalité, dans bien des clubs internationaux dont nous étions membres, nous ne nous faisions pas tellement entendre. Bien franchement — je l'ai déjà dit une fois et cela n'a pas trop plu au premier ministre, mais je vais le redire — c'est comme si nous étions assis à la table et, qu'au moment où le serveur nous apportait la facture, nous nous excusions pour aller aux toilettes. Ce n'est pas une façon de promouvoir nos valeurs.
Je crois en une politique étrangère robuste pour le Canada, car je pense que notre pays peut faire une énorme contribution. À mon avis, nous avons une lourde responsabilité à cause de la richesse dont nous avons héritée pour une raison ou une autre. C'est donc notre devoir.
Maintenant, je ne vais pas m'opposer à ceux qui estiment que nous devrions nous concentrer uniquement sur l'aide au développement ou peut-être sur les relations diplomatiques ou que nous devrions éviter toute intervention militaire — ce n'est pas mon rôle, même si je ne suis pas de cet avis; par contre, je marquerai profondément mon désaccord avec quiconque prétend que le Canada devrait tout simplement se retirer dans la forteresse nord-américaine et ne pas jouer ce rôle dans le monde. Là-dessus, je serai prêt à les affronter.
:
Je crois qu'il y a des répercussions. Et nous avons constaté, lorsque d'autres pays ont débattu la question de savoir s'ils allaient rester ou partir, que cela n'aide pas ceux qui se battent pour la démocratie et la liberté sur le terrain. Cela rend la tâche un peu plus difficile.
Certes, nous ne pouvons pas résoudre tous les problèmes du monde, mais comme l'indiquent les résultats des sondages à l'échelle du pays — et comme vous le savez en parlant à vos électeurs, j'en suis sûre —, les Canadiens ne voient pas leur pays comme un simple observateur. Ils considèrent le Canada comme un pays participant. La question suivante se pose donc: sommes-nous à la hauteur de cette image que nous donnons? Nous avons besoin d'un petit rappel à la réalité pour déterminer où nous en sommes avec nos contributions et nos actions.
Comme John l'a dit, l'Afghanistan nous a replacés sur l'échiquier. Notre intervention là-bas couvre l'ensemble des trois D, de toutes les manières possibles. C'est une présence réelle. Nous avons maintenant un mot à dire parce que nous mettons nos vies en danger et nos valeurs en jeu. Cela nous vaut le respect de la communauté internationale, ce que je considère inestimable parce que nous voulons que la voix du Canada soit entendue. Nous devons pouvoir commenter et critiquer l'OTAN et nos alliés qui en sont membres. Si nous croyons aux vertus d'une approche multilatérale et des organisations comme l'ONU et tout le reste, nous devons pouvoir les critiquer; toutefois, nous ne pouvons pas le faire si nous ne participons pas, si nous ne sommes pas sur le terrain.
Maintenant que nous sommes de la partie, nous avons de nouveau un mot à dire pour encourager un engagement réel; il ne s'agit pas seulement de résoudre les problèmes de l'Afghanistan, mais de s'attaquer à certains des problèmes de la communauté internationale et de déterminer si des mécanismes comme l'ONU et l'OTAN sont aussi efficaces et efficients qu'ils le peuvent. Nous avons la responsabilité — et maintenant, je crois, le droit— de nous engager dans ce dialogue.
:
Je comprends les points soulevés par mon collègue d'en face. La dernière fois que j'ai intervenu, je crois avoir mentionné que la question n'est pas de savoir si nous devons aider l'Afghanistan, mais comment nous devons le faire. Ceux qui ont une idée préconçue de notre parti devraient savoir que nous ne valorisons pas le retrait dans une forteresse, mais l'engagement.
Je sais, monsieur Manley, que vous le savez, mais je ne suis pas sûr que mon collègue d'en face le sache. En fait, ayant moi-même quitté l'université pour aller travailler pendant six mois dans une zone de guerre à l'âge de 22 ans, je sais, par expérience, ce que cela signifie que de risquer sa vie — et je n'étais pas un militaire, mais un travailleur humanitaire. Donc, je comprends bien le fait qu'il y a d'autres façons de procéder.
Je dois dire que l'approche des trois D dont vous avez fait mention, monsieur Manley, est malheureusement en déséquilibre à l'heure actuelle. Vous l'avez indiqué dans le rapport.
Lors d'une séance du comité, lorsque j'ai demandé à un sous-ministre de parler des trois D, parce qu'il n'en avait pas fait mention dans son exposé, il a répondu qu'on n'employait plus cette expression; on utilise maintenant l'approche « pangouvernementale ».
Ce qui m'inquiète, c'est que nous sommes en déséquilibre. Aujourd'hui, nous entendons dire que nous dépassons d'un milliard de dollars le budget réservé aux dépenses militaires. Les gens sur le terrain nous disent que la situation côté sécurité ne fait qu'empirer. La vie quotidienne des Afghans ne s'améliore pas comparativement à il y a quelques années. Les décès de civils sont à la hausse, et malheureusement, certains de ces décès sont attribuables au conflit dans lequel nous sommes engagés — bien entendu, ce n'est pas ce que nous voulons, mais telle est la réalité pure et dure de ce qui se passe en Afghanistan.
Nous avons entendu, à maintes reprises, des témoins dire devant notre comité que nous devons changer notre façon de faire. Ils préconisent les deux autres D. J'ai été choqué d'apprendre, à une séance du comité, que nous avions sur le terrain neuf représentants du MAECI et six de l'ACDI. Même si le gouvernement a changé ces chiffres depuis, comment diable pouvons-nous assurer les trois D — bon, d'accord, il ne s'agit plus de trois D, mais d'approche pangouvernementale — lorsque nous ne disposons pas des ressources requises? Je sais que vous en avez fait mention dans votre rapport.
Mais je veux également parler d'un point que personne n'a soulevé jusqu'à présent aujourd'hui: la façon dont nous assurons le développement.
Monsieur Manley, vous avez travaillé pour CARE auparavant. J'aimerais vous citer les paroles d'un autre John — il s'agit de John Watson. Comme vous le savez, il a vertement critiqué la façon dont nous offrons de l'aide au développement. Voici ce qu'il a dit: « Il n'y a aucun doute qu'un plus grand nombre d'écoles sont brûlées que construites parce que l'armée participe à leur construction. Les écoles sont considérées comme faisant partie du conflit. »
Ma question porte sur les projets de signature. Après avoir entendu des témoins, des gens sur le terrain, je crois que ce n'est pas la bonne façon de procéder et, pour vous dire franchement, je pense que les Canadiens ne se soucient guère de la question de savoir si un drapeau canadien flotte sur le toit d'une école, particulièrement, comme l'a dit M. Watson, si cela va mettre en danger la vie des gens.
J'ai donc deux questions sur les trois D et la façon dont nous offrons de l'aide; et est-ce que l'armée constitue réellement le moyen approprié pour offrir de l'aide?
:
Tout d'abord, je suis entièrement d'accord pour dire que nous n'avons pas attribué assez de ressources aux autres D. Mais je dois dire que, même si au Canada, nous avons un peu l'idée que nous faisons tout le gros du travail et que le militaire prédomine, regardons la réalité.
Nous avons 2 500 soldats; nous ne pouvons pas déployer 1 000 soldats canadiens de plus. L'Angleterre n'a pas le double de notre superficie, pourtant elle a déployé beaucoup plus de soldats, non seulement en Afghanistan mais ailleurs dans le monde, comparativement à nous.
Si vous examinez les dépenses relativement aux trois D, regardez les dépenses des autres pays qui sont considérés comme étant nos homologues. Nous sommes pas mal en retard sur le plan des dépenses.
:
Pour ce qui est du développement, nous discutons de ces cibles depuis des années. Je suis heureux de dire que lorsque j'étais ministre des Finances, j'ai fait augmenter de manière récurrente l'aide au développement de 8 p. 100 par an. Malheureusement, dans l'étude que le ministère a réalisée sur l'opinion des groupes de discussion sur le budget, c'est l'aide au développement qui a reçu la moins bonne note. Je crois donc très franchement que ceux d'entre nous qui croient en l'importance de l'aide au développement doivent expliquer beaucoup mieux à nos concitoyens pourquoi le Canada a un rôle et une responsabilité dans ce domaine et comment nous pouvons contribuer à améliorer la situation dans certains pays.
Vous savez, j'ai discuté de la question avec John Watson. À mon avis, à certains égards et en ce qui concerne certaines organisations non gouvernementales, il a absolument raison. La Croix-Rouge, par exemple, doit demeurer entièrement indépendante dans des situations de conflit, parce que c'est le rôle que l'organisme s'efforce de tenir; sa vocation est d'apporter secours et assistance.
J'ai également abordé le sujet avec CARE, entre autres. Actuellement, je crois que les ONG qui sont les plus présentes sur le terrain en Afghanistan sont la fondation Aga Khan et CARE, mais aucune des deux ne travaille dans le Sud pour des raisons de sécurité. En fait, ce que je m'efforce de dire, c'est que si on ne peut pas agir à cause des risques pour la sécurité, il vaut certainement mieux être là à faire quelque chose, même sous la protection de l'armée, que de ne pas être là du tout, puisque la population peut bénéficier de l'aide ainsi offerte. C'est mieux que de laisser l'armée seule s'occuper de l'aide au développement. Je sais de quoi je parle, car je connais ce milieu, et il s'agit d'une question très controversée dans le domaine du développement. Mais je ne vois pas comment on pourrait contourner le problème.
Maintenant, pour ce qui est des projets visant à mettre le Canada à l'avant-plan, très franchement, notre groupe a déjà traité de la question, et vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que les Canadiens se soucient peu de savoir si les habitants de Kandahar saluent le drapeau canadien. Ce qui compte, c'est probablement l'hommage rendu au drapeau afghan, et nous devrions nous efforcer de favoriser l'établissement d'un climat de confiance envers une structure gouvernementale qui sera au service de son peuple plutôt qu'une menace pour ses voisins ou un refuge pour les terroristes venus s'entraîner sur son territoire. D'une manière ou d'une autre, nous devons créer cet environnement, car c'est seulement lorsque nous serons certains qu'il y a en Afghanistan un gouvernement capable d'agir ainsi que nous pourrons rappeler nos troupes.
Mais pour ce qui est des projets, je crois que nous voulions que les gens puissent observer une amélioration de leur qualité de vie résultant des efforts déployés en ce sens. S'ils ne voient que la destruction dont vous avez parlé, alors il n'y a rien d'étonnant à ce que leur confiance et leur respect se dissipent.
:
Les projets de prestige font l'objet d'un certain débat philosophique: y est-on favorable ou pas? Nous savons qu'au coeur même de l'ACDI, une certaine résistance prévaut. Ce que nous voulons dire, c'est que les trois quarts de l'aide du Canada à l'Afghanistan emprunte des voies multilatérales ou gouvernementales. Sur place, nos efforts passent inaperçus.
Nous convenons avec vous qu'il existe un certain déséquilibre, mais nous ne ferons rien pour le corriger à moins qu'un plus grand nombre de projets clairement attribuables au Canada soient mis en oeuvre dans ce pays. Ainsi, il importe davantage de faire reconnaître que le Canada aide directement la population afghane que de faire flotter notre drapeau.
Je sais que dans le milieu du développement, l'efficacité de ces différentes méthodes fait l'objet de débats. Tout ce que je puis dire, c'est que dans une zone de guerre, il faut mettre l'accent sur les projets ayant des répercussions immédiates et que les gens peuvent relier au Canada. Il est décourageant de voir que dans certaines collectivités, les aînés ignoraient tout de ce nous faisions en dehors de nos activités militaires. Nous cherchons donc à sensibiliser la population et à attirer l'attention des médias sur le troisième D des trois D — si vous me passez l'expression — c'est-à-dire le développement.
:
Tous mes remerciements à votre groupe. Merci, monsieur Dewar.
En ma qualité de président, je voudrais vous poser une question.
Il y a quelques jours à peine, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a présenté un rapport au Conseil de sécurité intitulé Rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales.
Dans votre rapport, vous reconnaissez que les questions de bonne gouvernance sont essentielles à l'atteinte de notre objectif commun: un Afghanistan plus sûr, plus stable et plus démocratique. Cependant, dans son rapport, le Secrétaire général fait remarquer ce qui suit:
Il faut commencer immédiatement les préparatifs pour l'établissement des listes électorales et la planification des prochaines élections. Les autorités afghanes doivent pour cela prendre des décisions quant aux dates des élections et promulguer une législation électorale. La communauté internationale, pour sa part, devra commencer à mobiliser des fonds à l'appui de ces processus d'importance vitale, en particulier l'enregistrement des électeurs, qui doit impérativement commencer en été 2008 pour que des élections puissent se tenir en 2009.
En pensant à l'avenir, que recommanderiez-vous au Canada de faire en vue de cette prochaine étape, pas seulement en ce qui a trait aux élections, mais également au processus démocratique? Pour ce qui est de la question de M. Dewar sur les projets permettant de mettre l'aide du Canada en valeur et d'autres initiatives qui concernent la démocratie, M. Martin a parlé des services correctionnels, de l'appareil judiciaire, des forces de police et de l'armée. Cependant, hormis les exercices militaires, comment le Canada peut-il jouer un rôle efficace dans le processus démocratique qui se déroule actuellement en Afghanistan et avoir une influence réelle dans cette région?
:
Puis-je vous interrompre?
Nous tenons à remercier Mme Wallin d'être venue. Il est 17 heures et elle doit aller prendre son avion.
Merci beaucoup de vous être jointe à nous.
Une voix: Nous sommes habitués de la voir partir.
Le président: Vous êtes habitués de la voir partir tôt?
:
Je veux d'abord ajouter que l'amélioration de la gouvernance est manifestement une priorité du point de vue canadien, selon notre perspective des choses.
Je voulais également préciser, monsieur le président, que je crois que c'est une entreprise canadienne, une firme montréalaise, qui a fourni tous les services de sécurité de base pour les élections tenues en 2005-2006. Comme ces élections se sont très bien déroulées grâce à la sécurité assurée dans tous les bureaux de scrutin du pays, j'oserais espérer, en ma qualité de citoyen canadien, que les services de cette même entreprise seront retenus pour cet aspect des élections à venir. Dans un contexte comme celui qui prévaut là-bas, je ne saurais vous dire à quel point il est important de permettre aux électeurs d'exercer leur droit de vote en toute sécurité.
:
Merci, monsieur le président.
M. Manley s'apprêtait à répondre à mes questions lorsqu'il a manqué de temps. Comme c'était environ il y a 40 minutes, je voudrais seulement lui rappeler quelles étaient mes trois questions.
La première concernait l'engagement global de l'OTAN et de l'Occident en Afghanistan. La deuxième touchait la rotation entre les pays pour travailler dans la région du Sud, celle de Kandahar. En troisième lieu, je vous demandais s'il convenait de mener un processus démocratique sous la direction d'un haut-représentant autorisé par les Nations Unies parallèlement à l'intervention militaire actuelle. Nous parlons ici d'une manière générale de l'engagement en Afghanistan.
:
Merci pour votre indulgence à notre endroit.
J'espère qu'il ressortira de Bucarest une volonté de déployer des efforts concertés avec nos alliés de l'OTAN pour l'établissement d'objectifs fermes quant aux chiffres et aux échéanciers à l'égard des quatre piliers dont j'ai parlé, de telle sorte que les Afghans connaissent le moment auquel nous allons quitter le pays, et que nous puissions savoir de quels éléments concrets nous avons besoin pour atteindre ces objectifs.
Voici ma question. Sur toutes les cartes qui nous sont tombées sous les yeux au cours de la dernière année, on peut noter un élargissement de la zone d'influence des talibans en Afghanistan. Qu'est-ce qui expliquerait, selon vous, que cette influence prenne de l'ampleur, plutôt que de péricliter?
:
À mon époque, on fournissait des blocs-notes. Je suppose que de trop nombreux témoins les ont subtilisés en quittant la salle, ce qui m'oblige maintenant à écrire sur mes manches. J'essaie de me souvenir de toutes ces questions.
En fait, il y a un lien entre les questions de M. Chan et celle de M. Martin. Oh, voici un bloc-notes! C'est trop tard maintenant. Est-ce que vous y avez inscrit les réponses? Il n'y a pas de réponse; cela ne me sera d'aucune utilité.
D'abord, l'importance du degré d'engagement est l'un des messages véhiculés dans notre rapport et l'une des raisons pour lesquelles, à mon avis, il est lu à l'extérieur du Canada. Nous nous sommes efforcés, sans exagérer ni dramatiser outre mesure, d'établir très clairement que la situation actuelle n'est pas acceptable. L'engagement est insuffisant. On pourrait perdre l'Afghanistan. Encore une fois, on pourrait perdre ce pays. Dans une pareille éventualité, les conséquences pour la communauté internationale et pour l'OTAN seraient lourdes. Il ne suffit pas simplement d'affirmer que nous avons des troupes dans la région, que la situation est permissive au niveau de la sécurité et que tout semble bien aller. Nous essayons de faire valoir aux autres pays membres de la FIAS, qui sont plus nombreux que ceux de l'OTAN, que la situation est problématique et qu'un engagement plus soutenu s'impose.
Du point de vue positif, vous avez parlé au cours du premier tour de l'engagement dans le dossier de l'ancienne Yougoslavie. Dans une certaine mesure, c'est l'histoire qui se répète, car lorsque je suis devenu ministre des Affaires étrangères et que j'ai assisté à ma première réunion des ministres de l'OTAN, nous avons parlé de l'ancienne Yougoslavie. Le Canada avait 1 800 militaires en Bosnie à l'époque et on ne cessait de répéter la même rengaine: « Pourquoi les Européens ne s'engagent-ils pas davantage dans la reconstruction et la sécurité de l'ancienne Yougoslavie? Après tout, elle fait partie de l'Europe. » On entendait ainsi beaucoup d'excuses et bien des paroles en l'air. Mais je pense qu'il faut maintenant se rendre à l'évidence: les pays de l'Union européenne membres de l'OTAN figurent parmi ceux qui ont su relever le défi, que ce soit en Bosnie ou, plus récemment, au Kosovo, grâce à une mobilisation nettement accrue, alors que le Canada n'est plus dans le portrait.
On pourrait espérer un scénario semblable pour l'Afghanistan, si notre message pouvait être entendu. Il y avait tout un concept, vous avez raison. Je suis désolé, il sera difficile de répondre à toutes les questions, mais permettez-moi de poursuivre sur ce sujet pendant que nous y sommes. Lorsque nous sommes arrivés en Afghanistan en 2001, c'était pour pourchasser les membres de al-Qaïda. C'était l'enjeu important à l'époque. Nous ne nous attendions pas à ce que le gouvernement des talibans s'avoue vaincu aussi rapidement. Ils n'ont pas été défaits; ils sont simplement partis. Ils ont pris le temps nécessaire pour se regrouper, se reconstruire et laisser l'attention de la communauté internationale, et surtout de l'Occident, dériver vers la situation en Irak que j'assimile à de la pure folie. En conséquence, les talibans ont été en mesure de regrouper leurs forces en Afghanistan. Avant même que nous nous en rendions compte , nous nous sommes retrouvés avec une insurrection en règle sur les bras, en partie à cause de notre négligence. Il s'agit d'un pays à risque qui exige un maximum de concentration.
Pour ce qui est de la rotation, c'est un principe qui n'existe pas vraiment. Nous avons quitté la Bosnie, mais est-ce que nous nous attendons à y retourner? Nous faisons partie d'une alliance militaire. Nous avons un travail à faire. Nous nous sommes portés volontaires pour aller à Kandahar et c'est là que nous nous retrouvons. Selon moi, et je crois que c'est une opinion que l'on retrouve dans notre rapport, nous pouvons toujours dire que nous nous sommes rendus à Kandahar pour une raison ou une autre, car nous ne connaissons pas vraiment les motifs qui ont incité le gouvernement de l'époque à prendre cette décision. Mais je crois que nous devons vraiment considérer notre rôle en tant que Canadiens. Je comprends que vos commettants et commettantes peuvent en avoir un peu marre de ce dossier. Ils n'aiment pas qu'on leur annonce que des soldats ont été tués et que leurs corps sont rapatriés. Ils veulent changer de chaîne. Regardons autre chose. Voyons ce qui se passe au Darfour. Qu'en est-il de l'Asie du Sud-Est?
C'est frustrant. Les choses ne semblent pas aller comme on voudrait, mais nous avons pris un engagement, et comme il s'agit d'un engagement important; nous devons assumer nos responsabilités. Nous sommes un membre de premier plan de la communauté internationale. Il serait préférable que nous menions à terme cette initiative que nous avons entreprise.
Je ne me souviens plus des autres questions.
:
J'aimerais ajouter quelque chose au sujet de l'engagement. Dans tout ce débat, il y a un intervenant qui est très discret et John y a fait allusion dans ses commentaires. Il ne fait aucun doute que l'attention sur la mobilisation en Afghanistan a été détournée par les événements qui ont cours en Irak sous la responsabilité du principal intervenant dans la mission militaire comme dans la mission civile. Il ne faut pas oublier que les Américains n'interviennent pas seulement par la voie militaire, ils apportent également une énorme contribution au chapitre de l'aide au développement.
À mon avis, l'une des choses encourageantes pour l'avenir — et il est beaucoup plus facile de trouver des aspects négatifs par rapport à l'Afghanistan — c'est que les aspirants actuels à la présidence des États-Unis, d'un parti comme de l'autre, estiment que cette guerre-là est justifiée. J'estime donc que si l'OTAN s'intéresse peu à la question ou se montre réticente à le faire, c'est en partie parce que Washington n'accorde pas actuellement la priorité à l'Afghanistan. Je ne crois pas que c'est un problème qui va perdurer au cours des années à venir.
Pour ce qui est de la désignation d'un haut-représentant, je suis tout à fait d'accord. Il faut considérer toute la question du manque de coordination de l'effort civil international, des plans d'action multiples, chaque pays faisant sa propre affaire... Au sein même des Nations Unies, on constate que les différentes agences se livrent à leurs propres activités. On a absolument besoin d'un haut-représentant spécial capable de canaliser les pouvoirs et les capacités des Nations Unies d'une manière concertée. Malheureusement, la nomination de M. Paddy Ashdown ne s'est pas concrétisée. Il faut espérer qu'une forme quelconque de représentation au plus haut niveau nous permettra d'obtenir une coordination semblable.
Il ne fait aucun doute que la Chine et la Russie pourraient intervenir dans la région. Pour d'excellentes raisons que vous connaissez, monsieur Chan, les Russes ne sont pas actuellement en première ligne, mais ils n'en demeurent pas moins très préoccupés par la situation. En fait, c'est probablement l'une des seules régions du monde au sujet de laquelle le gouvernement russe actuel partage l'opinion des alliés occidentaux.
Dans le cas de la Chine, et j'exprime ici une opinion personnelle, nous devrions chercher des moyens de sensibiliser les Chinois à leurs responsabilités planétaires en matière de paix et de sécurité. La Chine doit cesser d'agir uniquement en fonction de ses propres intérêts, la seule modification qui sous-tend actuellement sa politique étrangère. Je pense donc effectivement que les Chinois sont des spectateurs passifs des événements se déroulant en Afghanistan. Ils devraient se montrer plus actifs. Il est primordial pour les Chinois de tendre vers la stabilité en Afghanistan et dans cette région.
:
La sonnerie se fait entendre.
Avons-nous le consentement unanime pour poursuivre nos travaux pendant encore quelques minutes? Comme nous sommes dans l'édifice où les votes auront lieu, nous pourrons nous y rendre facilement.
Je vais également modifier l'ordre prévu, car je veux m'assurer que Mme Barbot a l'occasion d'intervenir.
Madame Barbot, vous avez cinq minutes.
Un des éléments de la guerre en Afghanistan est que la population ne se sent vraiment pas concernée par ce qui s'y passe. On n'arrive pas à nous convaincre, à nous faire voir ce qui se passe là-bas. On est donc un peu en porte-à-faux. Ce n'est pas que les gens ne veulent pas qu'on aide l'Afghanistan, bien au contraire. Cependant, on n'arrive pas à avoir de vraies réponses. On a beaucoup parlé du manque de transparence. Ça fait plusieurs mois qu'on essaie de savoir ce qui se passe là-bas, et tour à tour, les gens nous disent que les choses vont mal et que si nous partons, elles risquent d'empirer. Est-ce suffisant? On ne serait sans doute pas capables de répondre à cette question.
Permettez-moi de vous parler d'un souvenir d'enfance. M. Burney a parlé plus tôt de la nécessité de mettre des drapeaux afin que les gens voient ce que fait le Canada. Il semble que les gens qui reçoivent de l'aide ne voient pas suffisamment ce que fait le Canada, pas plus que nous ne voyons vraiment ce que notre pays fait là-bas. Je suis née en Haïti, et malheureusement, on parle souvent d'Haïti comme étant l'un des pays les plus pauvres au monde, sans y avoir vécu, sans savoir ce que c'est. Mais enfin, c'est une partie de la réalité.
Je me souviens que lorsque j'étais enfant et qu'il y avait des catastrophes naturelles, on apportait des provisions ou des drapeaux donnés par les Nations Unies. Je ne veux pas être cynique en disant cela, mais cela permettait d'identifier les sacs de provisions quand ils étaient vendus au marché local. En tant qu'enfant, je me demandais pourquoi ils faisaient ça et pourquoi ceux qui donnaient cette aide le faisaient de telle façon qu'elle se retrouve sur le marché.
Les parlementaires essaient d'obtenir des réponses et n'en obtiennent pas. On se demande constamment pourquoi on va dans ce pays. Que va-t-on y faire exactement? On voit que le focus change constamment. D'abord, on a dit être allés en Afghanistan pour se débarrasser des talibans. Ensuite, on a dit que c'était pour sauver les femmes. Puis on verse de l'argent en disant aux gens de regarder le bien qu'on fait aux autres. D'un autre côté, les gens qui reçoivent de l'aide sont évidemment bien contents de la recevoir, mais en même temps, ils ne sortent jamais de leur misère. Quoi qu'il arrive, c'est eux qui perdent le plus de gens. C'est un dilemme pour moi que d'écouter tout cela. Il s'agit d'êtres humains réels et concrets qu'on dit vouloir aider, mais la stratégie, à terme, me fait dire que nous sommes vraiment incapables de régler le sort du monde.
C'est peut-être désespérant, mais c'est vraiment ce que je ressens par rapport à cette situation. On n'a jamais eu un vrai portrait de ce qui se passe et encore moins une projection de notre capacité de régler des problèmes.
Y a-t-il des commentaires?
:
Merci, monsieur le président.
En ma qualité d'ancien membre de l'Aviation royale du Canada dans les années 1960, j'ose espérer que nous n'enverrons jamais nos militaires dans une situation périlleuse sans leur fournir le meilleur équipement possible. Je voulais soulever d'entrée de jeu ce point que je juge extrêmement important.
Vous avez parlé précédemment de démocratie et de la situation en Haïti qui n'est pas sans lien ni sans point de comparaison avec notre sujet actuel. Nous avons effectué une étude sur Haïti et notre visite sur place nous a été fort utile pour nous faire une meilleure idée de la situation dans ce pays. Comme vous l'avez mentionné, monsieur Manley, j'ai notamment pu constater à cette occasion que la tenue d'élections ne suffisait pas nécessairement pour assurer la démocratie; il en faut bien davantage.
Je sais que nous pouvons renforcer les capacités d'un pays au niveau de la gouvernance, des partis politiques et de tous ces autres éléments. Mais il est ressorti très clairement de l'étude sur Haïti que bon nombre des citoyens ne comprenaient pas ce que leurs représentants élus allaient pouvoir faire pour eux. On saisissait très mal tout ce concept de député.
Il a notamment été recommandé de favoriser cette compréhension par le truchement des écoles, comme cela se fait au Canada. Je sais que l'on travaille déjà à renforcer la capacité du système d'éducation; et il faudra ensuite s'employer à sensibiliser la prochaine génération et celle qui suivra afin qu'on saisisse mieux l'importance d'une démocratie plus efficace à long terme. Est-ce que cela fait également partie des observations que vous avez pu faire? Si vous voulez bien nous parler dans une perspective à long terme de la prochaine génération et de celle qui la suivra, parce que ce sont ces gens qui exerceront leur droit de vote.
:
Nous ne nous sommes pas mêlés de ce qui devait être enseigné dans les écoles. C'est encore très rudimentaire pour l'instant. Nous avons rencontré un groupe qui était très fier de l'école qui avait été construite, mais qui s'inquiétait surtout de sa taille insuffisante. Les enfants sont si nombreux qu'ils doivent être divisés en quatre groupes par jour, ce qui fait que chacun d'eux passe deux heures à l'école. La formation et la rémunération des enseignants est un autre problème à régler au sein du système d'éducation. Il s'agit de mettre en place, à partir de rien du tout, un système qui a beaucoup de chemin à faire. C'est pourquoi nous devons nous montrer raisonnables par rapport à ce que nous pouvons réaliser et à ce que nous pouvons vraiment espérer.
En toute franchise, nous sommes allés un peu dans tous les sens. Mme Barbot a fait valoir un point que nous avons soulevé dans notre rapport relativement à la transparence et aux communications. La population ne comprend pas bien cette mission et nous lui demandons des sacrifices énormes tant pour ce qui est des jeunes victimes à déplorer que des fonds à dépenser. Si nous n'expliquons pas aux gens sans équivoque de quoi il en retourne exactement, il ne faut pas s'étonner qu'ils souhaitent passer à autre chose.
Il y a bien des facteurs qui justifient notre présence là-bas; nous ne devrions pas croire qu'il existe une raison unique. Nous sommes là pour favoriser l'éducation des enfants et des femmes, établir la sécurité et compliquer la tâche à al-Qaïda qui voudrait se servir de l'Afghanistan comme terrain d'entraînement pour préparer ses attaques ailleurs dans le monde. Nous sommes également là pour essayer de contrôler la culture du pavot qui fait des ravages un peu partout sur la planète. Il y a bien des éléments qui motivent notre présence en Afghanistan, et ce sont autant de bonnes raisons. Mais en l'absence d'une stratégie cohérente englobant les aspects développement, politique et sécurité, il est fort probable que nous aurons bien de la difficulté à atteindre ces différents objectifs.
:
Merci beaucoup, monsieur Manley, monsieur Burney et madame Wallin.
Nous avons mentionné à quelques reprises aujourd'hui le nom de M. Mulroney. M. Manley a indiqué qu'il l'avait déjà accompagné en Afghanistan. Nous voulons souhaiter la bienvenue à M. David Mulroney. Il dirige le nouveau groupe de travail sur l'Afghanistan et, selon ce qu'on me dit, il vous aurait servi de secrétaire. Je crois qu'une partie de son mandat donne suite aux quatrième et cinquième recommandations de votre rapport quant à l'évaluation systématique de l'efficacité du rôle du Canada et au soutien à offrir au Cabinet et au premier ministre afin de mieux communiquer les raisons de notre présence là-bas, comme vous l'avez indiqué aujourd'hui.
Nous vous remercions pour votre excellent travail dans ce dossier et pour votre présence aujourd'hui afin d'aider les parlementaires et les Canadiens à mieux comprendre le bien-fondé de cette mission.
Merci d'avoir bien voulu comparaître devant nous.